CONCLUSION GENERALE
334. Nous voici au terme de notre réflexion qui a
porté sur «la délinquance économique et
financière à l'heure du numérique en droit ivoirien».
Nos cogitations dans ce travail ont tourné autour de la question de
rechercher les dispositions à rattacher aux infractions nouvelles de
délinquance économique et financière. Nous avons à
cet effet subdivisé ce travail en deux parties dont le premier
présentait la cyberdélinquance comme criminalité nouvelle
à multiples visages ; alors que le deuxième montrait le
contrôle de cette cyberdélinquance
335. Après avoir démontré les formes de
criminalité classique ou traditionnelle, nous avons monté en
quoi cette cyberdelinquance économique et financière constitue
une nouveauté dans de criminalité économique et
financière, aussi que le cyberespace tend à devenir un simple
reflet de l'espace réel, avec quelques problèmes particuliers, de
nouveaux agissements criminels spécifiques ont vu le jour.
336. Ces actes vont des atteintes aux biens, aux personnes
ainsi qu'aux intérêts nationaux. Pour une meilleure approche du
phénomène, nous avons distingué deux situations
différentes : celle dans laquelle les moyens informatiques ne sont que
des instruments facilitant la commission des infractions classiques et celle
dans laquelle les moyens informatiques sont la cible même de la
criminalité.
337. les TIC apportant des changements dans les
sociétés partout dans le monde, elles améliorent la
productivité des industries, révolutionnent les méthodes
de travail et remodèlent les flux de transfert des capitaux, en les
accélérant.
338. Or, cette croissance rapide a également rendu
possible des nouvelles formes de criminalité liées à
l'utilisation des réseaux informatiques, appelées
cybercriminalité, cyberbanditisme, cyberdéliquance,
criminalité de hautes technologies ou criminalité des NTIC. Face
à ces comportements et vu l'âge respectable de la plupart de nos
dispositions pénales actuelles, nous avons recouru à
l'interprétation évolutive et les lois et ordonnances actuelles
pour tenter de réprimer la cyberdélinquance avec la
difficulté que certains actes n'étaient pas
réprimés ou, en forçant le raisonnement, de risquer de
tomber dans l'analogie, qui est prohibée en droit pénal.
339. La répression de ces infractions se heurte
à une difficulté fondamentale : la transnationalité de
l'Internet. En effet, avec les réseaux informatiques, les
barrières disparaissent pour les délinquants mais pas pour les
enquêteurs ou les magistrats. La
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territorialité de la loi pénale renferme les
autorités judiciaires dans la sphère d'un territoire.
340. En plus de l'inadaptation des dispositions
pénales, nous avons relevé l'inadaptation du système
judiciaire du fait que les autorités judiciaires sont
sous-formées en matière des NTIC et les mécanismes de
perquisition et de saisie sont, en l'état actuel, juridiquement
inadaptés au monde virtuel.
341. A ces difficultés de l'ordre interne, nous avons
signalé dans l'ordre international que notamment l'exigence d'une
double incrimination comme condition d'entraide, n'est pas pour faciliter la
répression de la cyberdélinquance.
342. Devant ces difficultés, des mesures nationales
sont indispensables, mais elles ne seront guère utiles sans une
collaboration au niveau international car les conséquences de la
cyberdélinquance économique et financière sont ressenties
de la même façon dans tous les pays, riches ou pauvres.
343. Dans le cadre interne la loi sur la
cybercriminalité ayant vue le jour. Elle prévoit quatre
grandes catégories d'infractions : les infractions contre la
confidentialité, l'intégrité et la disponibilité
des données et systèmes (accès illégal,
interception illégale, atteinte à l'intégrité des
données, atteinte à l'intégrité du système,
abus de dispositifs) ; les infractions informatiques (falsification et fraude
informatiques) ; les infractions se rapportant au contenu (actes de production,
diffusion, possession de pornographie enfantine, propagation d'idées
racistes et la xénophobie à travers les réseaux) ; les
infractions liées aux atteintes à la propriété
intellectuelle et aux droits connexes.
344. En matière internationale, les Conventions
internationales et les directives de la CEDEAO tentent te proposer des
solutions pour freiner cette nouvelle forme de menace
345. C'est donc sur base de ces recommandations que nous
avons proposé au législateur ivoirien à prendre des
mesures utiles afin de lutter contre la cyberdélinquance
économique et financière. Ces mesures ont concerné tant le
droit pénal matériel, le droit procédural que la
coopération internationale.
346. Mais il faut dès lors reconnaître que ce
rapprochement des législations nationales en matière
pénale est bien en retard par rapport au droit civil et commercial que
les exigences de la vie économique et les intérêts
commerciaux ont depuis longtemps mis sur ce chemin-là.
347. Ce retard s'explique par le fait que les dispositions
pénales sont toujours liées à la culture et aux
traditions éthiques et juridiques d'un Etat et protègent de plus
toujours les intérêts politiques de la classe dominante de l'Etat
donné. Mais la protection des
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intérêts de la communauté des nations doit
faire évoluer cette situation, ce qui peut s'étendre et avoir des
conséquences bénéfiques sur d'autres domaines du droit
pénal également.
348. Dans la mise en oeuvre de ces dispositions dans l'ordre
interne, le législateur devra subordonner la poursuite de ces
infractions à l'exigence d'une plainte préalable de la victime
pour ne pas nuire aux intérêts des particuliers ou des
entreprises.
349. Le plus difficile peut-être dans la mise au point
d'une stratégie efficace de lutte contre la cyberdélinquance
économique et financière sera de former des enquêteurs et
des magistrats et de les tenir informés des dernières innovations
techniques et des nouvelles tendances de la criminalité. Une telle
formation pose d'énormes difficultés même pour les pays
riches et techniquement avancés et des services d'experts seront
nécessaires pour éviter les vides juridiques que les
délinquants informatiques pourraient exploiter.
350. Aussi dans notre droit moderne, il n'y a pas
d'infraction ni des peines sans un texte légal. C'est ce qui ressort
du principe de la légalité des délits et des peines, qui a
été développé par César BECCARIA au
18ème siècle. Il s'agit donc, d'un principe plus important du
droit pénal car seuls peuvent faire l'objet d'une condamnation
pénale, que les faits déjà définis et
sanctionnés par le législateur au moment où
l'accusé a commis son acte et seuls peuvent leur être
appliquées les peines édictées à ce moment
déjà par le législateur, nullumcrimennullapoena sine
lege.
351. Ainsi donc, dans le cadre de la
cybercdélinquance, l'étude de ce principe se justifie dans la
mesure où, il y a une nécessité de la politique criminelle
qui consiste à la loi d'avertir avant de frapper, il permet
également de limiter le droit de punir et il reste un rempart contre
l'arbitraire du pouvoir.
352. Enfin, l'objectif est de faire en sorte que chacun
puisse participer à la communauté électronique sans
craindre d'être victime de la criminalité informatique car,
à l'heure où le «village planétaire » tend
à diluer le concept de nation, les mots de Cesare Beccaria, doivent nous
interpeller sur l'application du droit pénal aux infractions commises
sur l'Internet : « Si l'on veut prévenir les délits, il faut
faire en sorte que les lois soient claires et simples, et que tous les membres
de la nation unissent leurs forces pour les défendre, sans qu'aucun ne
puisse travailler à les détruire ».
353. Au demeurant, vue que toute oeuvre humaine a toujours
été imprégnée d'imperfection et en reconnaissant
que nous n'avons pas épuisé toutes les notions et
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matières relatives à notre sujet d'étude
sur la cyberdélinquance économique et financière , nous
invitons tous chercheurs ayant un gout envers ce sujet à nous
compléter
354. Le cyberespace étant en perpétuelle
évolution, nous craignons que les cyberdélinquants n'adoptent
des nouveaux mécanismes de criminalité au point que les
recommandations proposées dans cette étude ne deviennent
inefficaces. C'est que nous proposons que d'autres études
ultérieures puissent se pencher sur ce phénomène en
préconisant des nouvelles mesures adaptées aux circonstances.
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