PARTIE 2 : LE CONTROLE DE LA DELINQUANCE ECONOMIQUE
ET
FINANCIERE A L'HEURE DU NUMERIQUE .45
CHAPITRE 1 : LA CYBERDELINQUANCE ECONOMIQUE ET
FINANCIERE,
ENCORE DIFFICILEMENT CONTROLABLE . 46 SECTION
1 : LA REPRESSION DE LA CYBERDELIQUANCE ECONOMIQUE ET
FINANCIERE ...46 SECTION 2: LES OBSTACLES A LA REPRESSION DE
LA CYBERDELIQUANCE
ECONOMIQUE ETFINANCIERE .55
CHAPITRE 2 : UNE NECCESITE DE CONTROLE DE L'ACTUELLE
CYBERDELIQUANCE ECONOMIQUE ET FINANCIERE
65 SECTION 1 : LE RENFORCEMENT DES MOYENS JURIDIQUES DE LUTTE
CONTRE
LA LUTTE CONTRE LA DELINQUANCE ECONOMIQUE ET FINANCIERE .65
SECTION 2 : L'ADAPTATION DES STRATEGIES DE LUTTE CONTRE LA
CYBERDELINQUANCE ECONOMIQUE ET FINANCIERE 73
III
CONCLUSION GENERALE 81
- 1 -
INTRODUCTION
1. « Les crimes économiques et financiers
constituent une menace grave à long terme pour le développement
socio-économique pacifique et démocratique. » C'est ainsi
que l'Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC) traduisait,
il y a maintenant quatorze (14) ans, l'impact de la délinquance
économique et financière dans le monde1. Cette phrase
sonne comme une alerte face au développement sans cesse croissant de la
criminalité économique. Ainsi, L'OHADA, l'UEMOA/UEMOA et plus
loin la Cote d'Ivoire ont respectivement un droit pénal des affaires et
un droit pénal économique et financier. En effet, voulant ainsi
assurer la sécurité des transactions, la liberté du
commerce et de la concurrence pour une stabilité économique et
financière de leurs espaces respectifs, elles ont soit
secrété des incriminations pénales directement
appliquées dans les Etats parties (c'est le cas de l'OHADA), soit
proposé aux Etats membres des lois uniformes contenant des
incriminations et des sanctions pénales que ces derniers doivent
insérer dans leurs législations nationales par leurs parlements
nationaux.
2. C'est pour réprimer des agissements
délictueux dans les matières relevant de leurs
compétences. L'avenement de l'internet accélère la
delinquance économique et financière. La criminalité se
développe aujourd'hui sur un terrain moins risqué et plus fertile
que celui du monde réel car l'anonymat y est pratiquement assuré
pour qui sait s'y prendre, et le dispositif policier, s'il n'est pas
inexistant, est très insuffisant pour surveiller le milliard d'individus
qui se retrouvent sur le Net. Pourtant cet espace virtuel est devenu aussi
indispensable à l'économie des entreprises et aux relations entre
le citoyen et son administration que le téléphone et le courrier
papier.
3. Le monde devient instable et dangereux. Les
échanges se mondialisent et ne connaissent, sur la toile, pas de
frontières. Dans ce monde virtuel où tout est à craindre,
les amis de nos amis peuvent être nos pires ennemis et les clients de nos
partenaires peuvent être nos concurrents. La montée du terrorisme
et une situation économique très
1 ONUDC, « Délinquance
économique et financière : défis pour le
développement durable », 11e Congrès de l'Organisation des
Nations Unies contre la Drogue et le Crime (UNODC), Bangkok (Thaïlande),
18-25 avril 2005. Disponible également sur
http://www.unodc.org et
http://www.unis.vienna.org
- 2 -
perturbée engendrent un impérieux besoin de
sécurité. Connaître les menaces qui pèsent sur les
systèmes d'information, comprendre les mesures de sécurité
à mettre en place et déjà un premier pas est franchi vers
un monde Internet plus sûr, un monde où l'économie et la
culture pourront se développer harmonieusement, malgré les
pièges et les coups de boutoirs des hackers qui foisonnent sur la toile.
C'est tout le sens de la connaissance profonde de la délinquance
économique et financière à l'heure du numérique
pour une lutte et un contrôle dans l'état ivoirien. C'est l'objet
donc de recherche de ce mémoire.
4. Dans l'ancien droit français, corruption et
concussion étaient sévèrement sanctionnés et les
financiers indélicats étaient sévèrement
réprimés, surtout à l'égard des commerçants
qui rognaient sur les poids et mesures.
En outre, il existait quelques incriminations nettement
orientées vers la sphère des affaires telles que la loi de 1802
relative à l'établissement de bourse de commerce (articles 8 et
9)2, la loi du 21 mai 1836 portant prohibition des loteries (article
4), la loi du 1er août 1905 sur les fraudes et les falsifications en
matière de production et de service (article 9)3, la
banqueroute (articles 402 à 404 du code pénal français),
la tenue non autorisée des prêts sur gages ou nantissement
(article 411 du code pénal français), les entraves
apportées à la liberté des enchères (article 412 du
code pénal français), la violation d'un secret de fabrique
(article 418 du code pénal français).
A cette première liste il convient d'ajouter la
répression de l'usure par la loi du 3 septembre 18074.
Après la première moitié du XIXème siècle,
intervint un texte fondamental en l'occurrence la loi du 24 juillet 1867
relatives aux règles de constitution et fonctionnement des
sociétés par actions qui prévoyait en ses articles 13
à 15 des sanctions pénales.
5. Aujourd'hui, le phénomène de la
délinquance économique et financière dépasse
largement le cadre du modèle des délinquants en « col blanc
» et, englobe la criminalité organisée. L'infiltration de
l'économie légale par des flux d'argent d'origine criminelle
impose de « sortir » des approches criminologiques et sociologiques
pour faire appel à une approche juridique. Ainsi, pour le juriste, la
délinquance économique et financière s'inscrit dans le
champ pénal. Dès lors, l'expression « criminalité ou
délinquance économique et financière »
2 Loi de 1802 (28 ventôse An IX.). Source :
Extrait de base de données des textes Direction des Journaux Officiels,
Paris, 15 mars 2001
3 Loi de 1802 (28 ventôse An IX.). Source :
Extrait de base de données des textes Direction des Journaux Officiels,
Paris, 15 mars 2001
4 J.O. du 5 août 1905.
6.
- 3 -
Le mot « délinquance » est issu du latin
« deliquentia » qui désigne la faute, le délit, le
crime ou encore le péché. Des auteurs le définissent comme
une « attaque contre les biens et agression verbale ou limitée
contre les personnes5». Ils vont en réalité
tenter de rapprocher « délinquance » et « déviance
»6.
7. De plus, « la délinquance est l'ensemble des
délits, infractions et crimes commis en un lieu ou durant une
période donnée, quand on se place d'un point de vue statistique,
social ou pénal. 7» Cette définition ne vient que
renchérir la dernière qui semble ne pas prendre en compte la
dimension pénale de la délinquance.
8. La notion de délinquance économique et
financière est par nature obscure. On parle également de
criminalité économique et financière pour faire
apparaître la dimension de pouvoir sous-jacente à cette forme de
criminalité.
9. Il semble exister autant de définitions que
d'auteurs, autant d'approches que de disciplines qui tentent d'analyser le
phénomène avec des outils différents selon que l'on est
économiste, sociologue, criminologue, politologue ou
juriste8. Ainsi, n'existe-t-il pas de définition uniforme de
celle-ci. Elle englobe de très nombreuses infractions prévues par
des lois spécifiques mais aussi par le Code pénal classique
comme, par exemple, l'escroquerie, le faux ou l'abus de
confiance9
10. Le terme « économie » quant à
lui, vient des mots grecs : « oikos » (maison) et de « nomos
» (loi). De son sens primitif « art d'administrer un bien », il
va évoluer comme bon nombre de termes pour désigner «
l'ensemble des actions d'une collectivité humaine en vue de produire des
richesses. »10L'adjectif « économique »
renvoie donc à toute activité humaine en relation avec la
production des richesses par le biais des biens
5 Janine BREMOND et Alain GELEDAN, Dictionnaire des
sciences économiques et sociales, Paris, Edition Belin, 2002, p. 158
6 En effet, ils présentent la
déviance comme un « comportement qui entraine la réprobation
d'un groupe du fait de violation des normes jugées importantes par un
groupe social donné ». La triche par exemple.
7 selon le dictionnaire en ligne La Toupie,
8 C. Cutajar, (sous la dir.), « Rapport Moral sur
l'Argent sans le Monde, 2011-2012. La lutte contre la
criminalité et les délits financiers ; Grands
enjeux de la crise financière ». Par l'Association
d'économie financière ; Caisse de Dépôts, Paris, p
27.
9 J.-P. Zanato, « L'élément
intentionnel dans la délinquance économique et financière
au regard des exigences classiques du droit pénal », in « La
justice pénale face à la délinquance économique et
financière », M.-A. FrisonRoche, (dir.), Dalloz 2001, p. 31 et
s.
10 Alpha Encyclopédie, Paris, Grange
Batelière, 1969, p. 2102
- 4 -
et services. Le plus souvent, le terme est accompagné
d'un autre adjectif : « financier », peut-être parce que,
utilisé seul, le terme « économie » ne permet pas
d'embrasser toute la problématique.
11. En réalité, l'économie n'inclut
nullement pas la finance dans la mesure où cette dernière
désigne « la science de la gestion de l'argent public ou
privé »11. Dès lors, il ressort que
l'économie vise la production tandis que la finance, la gestion de cette
production ou de la richesse en découlant.
Ainsi, « l'infraction financière » est celle
qui tend à protéger les « finances »,
c'est-à-dire les ressources pécuniaires, l'argent des victimes,
celles -ci pouvant être privées (abus des biens sociaux et plus
largement les infractions au droit des sociétés commerciales) ou
publiques (infractions fiscales ou douanières). Tandis que l'«
infraction économique » tend à protéger l'«
économie », c'est-à-dire l'ensemble des structures relatives
à la production, circulation, distribution, consommation des richesses
dans un Etat donné, quand bien même, elle pouvait avoir des
incidences pécuniaires. Donc, tout agissement délictueux mettant
en cause lesdites structures est une infraction économique.
12. L'expression « délinquance économique
et financière » précédé parfois de l'adjectif
« grande », désigne le crime ou le délit commis en
rapport avec la production et/ou la gestion des biens et services.
13. Même si aucun théoricien n'a pu imposer sa
définition propre de l'expression, c'est dans les écrits de
l'Office des Nations Unies contre la Drogue et le Crime (ONUDOC) que nous
mettons la main sur une définition relativement complète. La
criminalité économique et financière « désigne
de manière générale toute forme de criminalité non
violente qui a pour conséquence une perte financière
»12.
Ce qui implique que toute action, commise aussi bien par un
néophyte que par un homme en col blanc et qui induit une perte
financière peut prendre le nom de délinquance économique
et financière. L'internationalisation des échanges
monétaires et commerciaux conduit de manière incontournable
à un développement de la délinquance économique et
financière transnationale.
11 Microsoft corporation, Dictionnaire
électronique Encarta, Edition 2009
12 Microsoft corporation, Dictionnaire
électronique Encarta, Edition 2009
14.
- 5 -
Les infractions économiques et financières sont
ainsi facilitées lorsque les transactions commerciales,
économiques et financières se multiplient et se complexifient eu
égard aux possibilités qu'offrent les technologies de
l'information et de la communication. Les criminels « en col blanc »
profitent des marchés communs établis par les organisations
économiques régionales et sous régionales pour
répandre leurs activités criminelles. Les flux financiers et les
profits provenant d'elles sont généralement, par des
procédés de blanchiment, réintroduits dans les circuits
financiers légaux. Ainsi, le développement de la
criminalité économique et financière, facilité par
l'ouverture des frontières, revêt aujourd'hui une dimension
planétaire, mettant ainsi en péril les
démocraties13. C'est là, une des difficultés de
la lutte contre cette forme de délinquance.
15. Le fléau ne date en effet pas d'aujourd'hui. Il
date de l'Antiquité et a traversé toutes les grandes
périodes de l'histoire humaine. On trouve par exemple le terme «
corruption » dans les écrits de Platon, d'Aristote ou de
Cicéron14. Mais, de nos jours, la délinquance
économique et financière est plus que d'actualité avec
l'avènement de l'Internet, une nouvelle forme de criminalité
informatique, connue désormais sous le nom de «
cybercriminalité » est en train de voir le jour et prend de plus en
plus de l'ampleur. L'ordinateur est un outil fragile et difficilement
contrôlable qui peut être assez aisément manipulé.
La fragilité de l'outil informatique conduit le
législateur à tenter d'assurer la plus grande
sécurité, afin d'éviter des fraudes qui prennent des
formes diverses. En effet, l'utilisation de l'ordinateur peut donner lieu
à des agissements malhonnêtes dont il importe de savoir s'ils
peuvent recevoir une qualification pénale, il serait vain de faire
l'inventaire de toutes les dispositions pénales applicables car la
plupart des comportements déjà incriminés peuvent
être commis par le biais de l'informatique : abus de confiance,
escroquerie, détournement, contrefaçon, atteinte à la paix
publique, obtention frauduleuse des données, transfert illégal
des fonds.
16. Pour l'individu, les risques sont tout aussi importants
et le concernent directement. En effet, chacun peut être accusé
des malveillances qu'il n'a pas commises après qu'un délinquant
lui ait volé son identité informatique afin de perpétrer
des actes illicites à sa
13 Le Monde diplomatique, avril 2000, « Dans
l'archipel de la criminalité financière », pp. 4 à 8,
cité dans J. Borricand, « Les instruments internationaux de lutte
contre le blanchiment d'argent. Bilan et perspectives », Problèmes
Actuels de science criminelle de l'Institut de Sciences Pénales et de
Criminologie d'Aix -en-Provence, 2001,p. 29 et s.
14 Voir Eric ALT et Irène LUC, La lutte contre
la corruption, Paris, PUF, Col. Que sais-je, 1997, p. 3
- 6 -
place. Toute personne peut être touchée par des
dénonciations calomnieuses, des atteintes à sa vie privée,
à la violation du secret professionnel. Des atteintes contre les mineurs
sont aussi possibles par le biais de diffusion des messages pornographiques.
L'internaute peut également être l'objet des crimes contre les
biens, des infractions de presse, des transgressions au code la
propriété intellectuelle, etc.
17. Pour la société, l'insécurité
liée à l'Internet a un coût. Ses conséquences sont
généralement similaires à celles du crime
économique, notamment par l'altération des mécanismes de
régulation économique (espionnage, vol d'informations ou des
biens). Cela se traduit concrètement par la perte des marchés
pour les entreprises victimes et donc, à terme, par la disparition de
l'emploi. De plus, le coût de fonctionnement des administrations en
charge des enquêtes et de la justice est à la charge de la
société.
18. Le monde de l'Internet a ainsi perdu son
ingénuité ; Internet n'est plus le réseau libre et ouvert
tourné vers le partage du savoir dont certains de ses concepteurs
avaient rêvé. Il est devenu un moyen d'expression de cette
nouvelle forme de criminalité.
19. L'autorité administrative, pressentant les dangers
que présentait ce nouvel outil a adopté la loi n° 2013-451
du 19 juin relative à la lutte contre la cybercriminalité car
l'application des dispositions pénales à ces fraudes
informatiques se heurte à une difficulté principale tenant
à la preuve, étant donné que ces infractions sont
très difficiles à découvrir et souvent la connaissance de
ces agissements illicites relève du hasard.
20. Face à une criminalité nouvelle, quelles
mesures répressives mettre en oeuvre afin d'éradiquer cette
menace ? Néanmoins Le droit pénal est donc appelé à
intervenir pour réguler la vie dans cette autoroute de l'information.
C'est ici qu'il faut se demander si les dispositions pénales existantes
permettent de réprimer la délinquance économique et
financière via Internet.
La plupart de ces dispositions étant prises à
une époque où l'informatique n'existait pas, doivent-elles
être étendues à la cyberdélinquance ? Ce qui exige
que pour que des agissements informatiques soient réputés
infractionnels et efficacement réprimés, le législateur
doit les avoir érigés préalablement en infraction. Or,
l'Internet étant nouveau, complexe, en perpétuelle
évolution, plusieurs de ses agissements ne pourront-ils pas rester
impunis si le juge se limitait seulement à une interprétation
stricte de la loi pénale, du reste vieille de plusieurs années
par rapport à l'Internet ? De ce fait, la loi pénale pourra se
retrouver surannée face à la cyberdélinquance
économique et financière ?
21. Ainsi, bien loin de l'idée selon laquelle
l'ensemble des activités liées à l'Internet se situerait
en état d'apesanteur juridique, il n'est pas exagéré
d'affirmer que l'Internet
- 7 -
souffre, au contraire, d'un excès de législation
applicable. Parce que l'Internet se situe au confluent de diverses techniques
de communication qui permettent habituellement d'exercer des activités
aussi diverses que la poste, la télévision, le commerce, la
téléphonie, etc., il peut entrer dans le champ d'application de
divers droits afférents à ces techniques de
communication15.
22. Au regard des instruments internationaux et par rapport
au droit ivoirien, il convient de se demander si le droit ivoirien
réprime efficacement la cyberdelinquance économique et
financière. Dans l'affirmative, comment s'y prend-il ? Dans la
négative, que faire pour y parvenir en prenant appui sur les
dispositions en vigueur ?
C'est en répondant à ces différentes
interrogations que l'on parviendra à l'objectif assigné. La
présente étude revêt un double intérêt qui est
à la fois théorique et pratique.
23. Le concept du numérique est apparu pour marquer
l'évolution fulgurante qu'ont connu les techniques de l'information avec
l'avènement des autoroutes de l'information (notamment l'utilisation de
l'internet) et l'explosion du multimédia. C'est
l'interpénétration de plus en plus grande de l'informatique, des
télécommunications et de l'audiovisuel qui est à l'origine
des changements rapides sur les plans techniques, conceptuel et
terminologique.
24. D'un point vue théorique, cette étude
permettra aux juristes de mieux appréhender le numérique ainsi
que la délinquance qui y est attachée ; cela afin d'élever
davantage la réflexion autour des problèmes juridiques que pose
ce domaine. De ce fait, le présent travail pourra constituer
l'ébauche d'un droit pénal de l'Internet dans la mesure
où, pour mieux faciliter la prévention et la répression
des agissements informatiques réputés infractionnels, il importe
de mieux connaître les bases et les voies que doit suivre cette
répression.
25. D'un point de vue pratique, l'étude
intéressera non seulement le législateur national qui pourra s'en
inspirer en cas de besoin en vue de l'adaptation du droit pénal et de
ses règles classiques qui, à première vue, paraissent
surannés face aux défis engendrés par la cyberdelinquance,
mais il intéressera aussi les praticiens du droit lorsqu'ils seront
confrontés à des cas concrets de cette délinquance.
15 Sébastien Canevet : Fourniture
d'accès à l'Internet et responsabilité pénale,
www.canevet.com/doctrine/resp.fai.htm
26.
- 8 -
Il intéressera aussi les praticiens de l'Internet qui
trouveront dans ce travail les comportements permis et ceux interdits qu'ils
devront éviter au risque d'encourir des sanctions pénales. Il
intéressera enfin les victimes de tels agissements qui sauront
par-là comment faire valoir leurs droits violés.
27. Notre démarche se trouve donc circonscrite. Elle
consistera à mettre en lumière, dans un premier temps que cette
délinquance économique et financière à l'heure du
numérique est une nouvelle menace qui présente plusieurs visages
(partie 1) et dans un second qu'il importe de contrôle cette
délinquance économique et financière a l'heure du
numérique (partie 2)
- 9 -
PARTIE 1 : LA DELINQUANCE ECONOMIQUE ET FINANCIERE A
L'HEURE DU NUMERIQUE, UNE NOUVELLE MENACE CRIMINELLE A MULTIPLES
VISAGES
28. La criminalité de façon
générale s'est accrue de manière exponentielle depuis que
le libéralisme s'est emparé du monde économique. Cette
doctrine libérale s'est en effet reposée sur quatre piliers
principaux que sont l'intérêt personnel, la concurrence, la
liberté et la responsabilité16. S'il est vrai que la
prolifération de la criminalité est due au libre-échange
entre les populations, cela est encore plus vrai depuis que les secteurs
économique et financier se sont vus obligés de s'ouvrir de bon
gré ou pas aux nouvelles technologies17.
Il ne serait pas tout de même prudent d'affirmer que la
croissance de délits économiques et financiers est exclusivement
tributaire de ces deux facteurs. Néanmoins, ceux-ci seraient les plus
délétères parmi tant d'autres. Et les facteurs deviennent
aussi divers que leurs conséquences, occasionnant ainsi l'arrivée
de toute une multitude de concepts en science criminologique : la
criminalité de violence, la criminalité d'astuce, le crime des
femmes, des jeunes, la corruption et bien entendu la délinquance
économique et financière qui a d'énormes impacts sur
l'économie mondiale.
29. Aujourd'hui nous observons une nouveauté dans
cette délinquance économique et financière
(chapitre 1). Créativité, inventivité et
innovation : voilà qui caractérise la délinquance
économique et financière de nos jours. Non seulement les
délinquants disposent des mêmes connaissances économiques
et comptables que leurs chasseurs, mais aussi et surtout, ils ont une forte
capacité d'anticipation et de prévision. Jour et nuit, les
délinquants mettent au point des méthodes et des techniques
nouvelles qu'ils ne cessent de renouveler dès que celles-ci sont
découvertes. Nouveauté qui elle-même présente
plusieurs visages (chapitre 2).
16 Maurice Flamant, Histoire du libéralisme,
Paris, PUF, Col. Que sais-je, 1992, pp. 75-77. Toutefois, Maurice
reconnaît que les praticiens de cette théorie, notamment les
capitalistes, sont très respectueux de trois premier principes. C'est
uniquement au niveau du dernier principe (la responsabilité) qu'il note
« du laxisme et de la permissivité ». Il termine par ceci :
« outrances et déviances y trouvent hélas ! Un soutien quasi
officiel ».
17 Bédiani BELEI, La criminalité
transfrontalière, un nouveau défi sécuritaire en Afrique,
Communication liminaire en prélude au Séminaire sur la
criminalité transfrontalière, Lomé, Institut des Hautes
Etudes des Relations Internationales et Stratégique (IHERIS), mai 2015,
p. 2
- 10 -
CHAPITRE I : UNE NOUVEAUTE DANS LA DELINQUANCE
ECONOMIQUE ET FINANCIERE : LA CYBERDELINQUANCE ECONOMIQUE ET
FINANCIERE
30. Il y a lieu de faire observer que regrouper la
délinquance économique et la délinquance financière
peut apparaître trompeur, alors qu'il s'agit, en réalité,
de deux domaines bien distincts dans lesquels les sanctions sont
différentes. Ainsi, la délinquance économique est une
délinquance non pas de masse mais qui touche l'ensemble des personnes
morales.
31. Les difficultés économiques dans lesquelles
se débattent tant d'entreprises font que leur fonctionnement peut les
conduire à la délinquance. Elle concerne les infractions
affectant l'activité économique, et donc les flux des biens et
services. Alors que la délinquance financière a, elle, un domaine
beaucoup plus restreint et peut apparaître comme une délinquance
d'élite pour des agents économiques ayant accès à
des instruments financiers particuliers. Ceci étant
précisé, nous pouvons néanmoins affirmer que les
infractions contre l'ordre économique et financier peuvent englober les
activités criminelles traditionnelles ou classiques (section
1) et la délinquance économique et financière
observée au XXIème siècle (section 2).
SECTION I : LA DELINQUANCE
ECONOMIQUE ET FINANCIERE CLASSIQUE
32. Les activités de délinquance
économique et financière classique peuvent s'analyser selon une
logique pyramidale reposant sur deux niveaux, le premier qualifié de
délinquance économique et financière organisée en
réseau (paragraphe 1),portant sur le blanchiment de
capitaux et le financement du terrorisme qui sont les activités de
délinquance traditionnelle doit et le second niveau qualifié de
délinquance économique et financière organisée
(paragraphe 2), portant atteinte aux droits douaniers et
fiscaux, qui sont sanctionnées par les textes de code pénal
ivoirien, même si au plan
- 11 -
communautaire, l'UEMOA a procédé,
conformément à son Traité18, à une
harmonisation de certaines dispositions normatives en matière fiscale et
douanière.
PARAGRAPHE 1 : le blanchiment de capitaux et le
financement du terrorisme : une délinquance organisée en
réseaux
33. La délinquance économique et
financière est un fléau qui court, non parce qu'elle est
poursuivie, mais parce qu'elle a des jambes plus solides et plus habiles. Nous
verrons d'une part le blanchiment de capitaux (A) et d'autre part le
financement du terrorisme (B) qui demeure encore aujourd'hui les formes de
criminalité les plus organisées en réseaux.
A- Le blanchiment de capitaux, une délinquance
organisée en reseau
34. Le blanchiment de capitaux désigne le processus
visant à injecter ou réinjecter dans l'économie
légale les biens, produits ou profits provenant d'un crime ou d'un
délit pour en masquer l'origine illégale. Il permet ainsi au
criminel ou au délinquant de profiter de ces biens, produits ou fonds
tout en protégeant leurs sources.
Les ventes illégales d'armes, la contrebande, le
trafic de stupéfiants et les réseaux de prostitution, peuvent
générer des montants énormes. L'escroquerie, les
délits d'initiés, la corruption ou la fraude informatique
permettent aussi à leurs auteurs de faire des bénéfices
conséquents. Le blanchissement de capitaux permet ainsi aux auteurs de
ces infractions, de légitimer les gains issus de leurs activités
frauduleuses19.
35. D'un point de vue économique, le blanchiment peut
être défini comme «un ensemble de techniques, de
méthodes légales ou illégales, un modus operandi, à
complexité plus ou moins variable suivant les besoins du blanchisseur,
la nature et l'ampleur des fonds,
18 En effet le préambule du Traité de
l'UEMOA prévoit l'intégration économique par l'ouverture
sur les marchés mondiaux (union douanière) et l'article 4
prévoit l'harmonisation, dans la mesure nécessaire au bon
fonctionnement du marché commun, des législations des Etats
membres et particulièrement le régime de la fiscalité.
L'article 4 est complété par l'article 76 qui
prévoit l'institution d'un Tarif Extérieur Commun (TEC).
19 V. « Le blanchiment de capitaux : qu'est-ce
que c'est ? », GAFI à l'adresse
www.ocde.org
- 12 -
afin d'intégrer et dissimuler des fonds frauduleux dans
l'économie légale »20 le blanchiment n'est pas un
phénomène récent. En effet, un historien rapporte qu'il y
a 3000 ans21, des marchands chinois souhaitant éluder
l'impôt avaient organisé des mécanismes d'évasion
fiscale (Infra) destinés à transformer leur argent en biens
meubles qui pouvaient ensuite être éloignés du lieu
d'imposition. « Les bases de la fraude fiscale (Infra) internationale mais
aussi du blanchiment des capitaux venaient d'être jetées
»22.
36. Aux USA, dans les années 1929-1930 correspondant
à la crise économique et financière, AL CAPONE rachetait
une chaîne de laveries à CHICAGO pour maquiller les revenus qu'il
tirait de ses activités illicites23. Le
blanchiment était alors rendu facile en raison de l'habitude des
utilisateurs de payer en espèces, ce qui permettait au délinquant
de surévaluer aisément les chiffres d'affaires en y injectant de
l'argent sale. Si cette origine du « blanchissage» n'est certainement
qu'une légende, il n'en demeure pas moins que «le terme de «
blanchiment » décrit parfaitement le processus mis en oeuvre : on
fait subir à une certaine somme d'argent illégal, donc «
sale », un cycle de transactions visant à le rendre légal,
c'est -à-dire à le « laver ». En d'autres termes, il
s'agit d'obscurcir l'origine des fonds obtenus illégalement à
travers une succession d'opérations financières, jusqu'au moment
où ces fonds peuvent finalement
réapparaître sous formes de « revenus
légitimes »24 .
37. Ce tour de passe-passe opérant la conversion
« d'argent sale » en « argent propre » est
généralement présenté en trois phases. Ces trois
phases successives dont la sophistication est en constante évolution ont
été aujourd'hui contestées par une partie de la doctrine,
notamment Jean De MAILLARD qui explique en effet que ces trois phases ne se
retrouvent pas lorsque les sommes à blanchir sont trop importantes et
qu'elles restent alors cantonnées dans la sphère
financière, où elles produisent des intérêts. Il
propose ainsi d'abandonner la présentation classique pour distinguer
trois
20 O. Jerez, « Le blanchiment de l'argent »,
2ème éd. La Revue Banque (RB), 2003 Spéc., p. 25.
21 Sterling Seagrave, « The lord rime »
in « How Not to be a Money Lauderer », Moris-Cotterill, Nigel,
Silkscreen Publications, 1999, in GUILLOT (J-L.) (dir), A. Bac, E. Jouffin, D.
Hotte, « Le Soupçon en questions. Pour une lutte efficace contre le
blanchiment », éd. Revue Banque (RB), janv. 2008, p. 37.
22 A. Bolle, D. Hotte, E. Asselin, « La lutte
contre blanchiment d'argent », éd. de la Performance, mai 2006
23 A cette époque, les pouvoirs publics des
Etats-Unis avaient imposé un embargo sur le trafic de l'alcool. Ce qui
avait créé un trafic clandestin intense général des
profits colossaux aux bén éfices des trafiquants.
24 J. Robbinson, « Les blanchisseurs »,
éd. Presses de la cité, 1995, spec. p. 11..
- 13 -
sortes de blanchiment : blanchiment élémentaire,
le blanchiment élaboré, et le blanchiment sophistiqué qui
est effectué sur les marchés financiers.
|