B- La répression des atteintes aux droits de la
personne et aux intérêts de l'Etats
218. Nous nous proposons d'étudier la
répression d'une forme particulière de ces atteintes que
constitue la diffamation sur Internet. Les imputations dommageables, autrement
appelées diffamation et les injures sont prévues et
réprimées par les articles 174 et 199 du CP. La diffamation
suppose l'imputation d'un fait précis de nature à porter atteinte
nuire à l'honneur ou la considération d'une personne ou à
l'exposer au mépris. L'injure, quant à elle, se consomme par le
seul fait d'offenser une personne par des expressions blessantes, outrageantes,
par mépris ou invectives. La diffamation et l'injure ne sont
infractionnelles que si elles sont publiques.
219. La publicité est définie d'après
les circonstances et les lieux. Ainsi, la publicité peut
résulter soit de propos proférés, soit d'écrits ou
images distribuées, vendues ou exposées dans des lieux ou
réunions publics . Mais un écrit adressé à la seule
personne injurieuse ne peut constituer l'infraction d'injure publique, sauf
s'il a été adressé à plusieurs personnes. La
publicité existe, peu importe le pays dans lequel l'écrit a
été rédigé. Il suffira dès lors que la
diffusion ait eu lieu en Côte d'ivoire et que la personne diffamée
soit suffisamment désignée et que plusieurs personnes soient
à même de la reconnaître.
220. Pour ce qui est de cet acte, il est
particulièrement intéressant de se pencher sur les conditions
de réalisation qu'une telle infraction implique. Les articles 174 et
199
85 Bxls, 24/06/1991, RDP, 1991, p. 340.
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exigent en effet que des propos, pour être constitutifs
de diffamation ou d'injures, aient été tenus de manière
publique.
221. Concernant l'Internet, la publicité peut
être réalisée par des écrits, imprimés
ou non, des images ou des emblèmes affichés, distribués
ou vendus, mis en vente ou exposés aux regards du public. On pourrait de
la sorte appliquer ces dispositions à des applications de type sites web
puisqu'il s'agit bien là d'écrits ou d'images exposés au
regard du public.
222. En effet, le fait de mettre à disposition de tout
ce qui prend connaissance des informations reprises sur un site particulier,
accessible par la composition d'une adresse donnée sans autre condition,
nous semble correspondre suffisamment à la notion d'exposition au regard
du public exigée par les dispositions précitées.
223. C'est à ce titre que Fabien Barthez avait obtenu
la condamnation de Paris Match pour avoir continué à diffuser
sur son site web certains articles accompagnés de photographies
concernant sa vie privée. En effet, la diffusion des photographies
litigieuses porte atteinte au droit à l'image et à
l'intimité de la vie privée. Ces atteintes s'étendent
également sur les interets de l'état.
224. Au regard de tous ce qui précède nous
pouvons dire qu'il y a des dispositions aussi bien pénales que des
textes spécifiques qui sanctionnent ces actes de délinquance.
SECTION 2. LES OBSTACLES A LA REPRESSION DE LA
CYBERDELIQUANCE ECONOMIQUE ET FINANCIERE
225. Les activités criminelles appartenant à la
cyberdélinquance économique et financiere sont essentiellement
des actes frauduleux commis au moyen des réseaux électroniques et
numériques ou encore des actes visant ces réseaux. Il est
possible d'observer que parallèlement à l'amélioration des
technologies grâce aux innovations mais aussi la publicité des
nouvelles formes de technologies est certes une manière de les vendre et
de mieux les faire connaître néanmoins elle est malheureusement
une aubaine donnée aux attaques des cybercriminels. L'obstacle majeur
à cette répression de la cyberdélinquance
économique et financière tient à la loi pénale.
Nous examinerons les différentes limites à la répression
de la cyberdélinquance économique et financière en
distinguant d'une part celles qui tiennent au droit pénal
matériel (paragraphe 1) et d'autre part celles qui
relèvent de la procédure pénale (paragraphe
2).
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Paragraphe 1 : Les obstacles de répression de
la cyberdélinquance économique et financière liés
au droit pénal matériel
226. La plus grande difficulté à laquelle nous
confronte l'Internet est sans conteste son caractère transnational.
Internet est véritablement et totalement international : il n'est
localisé sur aucun sol spécifique car il est partout à la
fois. Un problème spécifique résulte donc en raison du
fait que la législation pénale ivoirienne s'appréhende au
niveau national alors que l'Internet s'axe au niveau international. Il s'agit
donc d'examiner le problème de la territorialité de la loi
pénale.
227. Mais avant que d'examiner ce problème,
évoquons certaines difficultés résultant de la loi
pénale au niveau des incriminations.
A- Les incriminations comme obstacles de
répression de la cyberdélinquance économique et
financière
228. Le droit pénal est la discipline légaliste
par excellence. Seule la loi en détermine l'étendue et les
limites86. Elle doit être de stricte application suivant le
principe de la légalité des délits et des peines.
Toutefois, si après sa mise en vigueur, des faits de manifestent qui
entrent dans sa formule, la loi les punira, alors même qu'au moment de
son élaboration, le législateur ne pouvait pas se les
représenter87. Cette adaptation pourra se faire au regard des
progrès techniques dont l'informatique et l'Internet.
229. Néanmoins, dans cet effort d'adaptation de la loi
aux faits nouveaux, il ne peut être fait application de l'analogie car
celle-ci est, en principe, rejetée par l'article 13 du code
pénal.
230. Pourtant, si l'on veut prévenir les
délits, il faut faire en sorte que les lois soient claires et simples
et que tous les membres de la nation unissent leurs forces pour les
défendre, sans qu'aucun ne puisse travailler à les
détruire. Or, la législation ivoirienne est inadéquate par
rapport aux objectifs qu'elle s'assigne. En effet, elle est soit ignorée
de la population, soit trop abondante et désordonnée pour
être connue et respectée, et
86 Nyabirungu, M.S., op.cit., p. 51
87 Nyabirungu, M.S., op.cit., p. 85.
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qui plus est, elle comporte des contradictions internes. Dans
ces conditions, chaque juge en fait une interprétation et une
application différentes, souvent fantaisistes et partisanes.
231. De plus, l'on note l'inefficacité de l'arsenal
pénal en vigueur à réprimer la cyberdélinquance
car les textes précédemment examinés, s'ils peuvent
s'appliquer à la criminalité informatique, c'est
généralement par un effort d'interprétation
évolutive. Ce qui risque de conduire souvent à des applications
inexactes, voire analogiques.
232. Un exemple de cette application inexacte peut être
illustré à travers la célèbre affaire Bistel
où le tribunal correctionnel de Bruxelles décida que
l'introduction frauduleuse d'un mot de passe constituait un écrit et
donc, un faux ; alors que la cour d'appel de Bruxelles considéra qu'il
s'agissait en réalité de l'interception indue d'une
communication.
233. Qu'il s'agisse de la Belgique, de la France ou de la
Cote d'Ivoire - où d'ailleurs les décisions en matière
de délinquance informatique sont rares les exemples ci-dessus
démontrent les hésitations de la jurisprudence devant
l'imprécision des textes et induisent en même temps la
nécessité d'adopter de nouvelles incriminations, précises,
simples et claires en matière de cyberdélinquance. Outre le
caractère lacunaire et sommaire des incriminations, il y a encore lieu
de relever l'inadmissibilité formelle de la responsabilité
pénale des personnes morales.
234. En effet, le principe en côte d'ivoire est que la
personne morale ne peut engager sa responsabilité pénale. S'il
y a des faits infractionnels qui font penser aux personnes morales, seuls leurs
dirigeants, personnes physiques, pourront pénalement
répondre88.
235. Dans certaines lois particulières, la
responsabilité pénale des personnes morales est
affirmée, mais il est précisé aussitôt que tel
organe subira la peine prévue. Dans d'autres lois, la personne morale
est parfois déclarée civilement responsable des amendes
prononcées contre ses organes et préposés.
236. Lorsque les informations qui circulent sur l'Internet se
révèlent illicites au regard de la loi pénale, il est
souvent bien difficile, sinon impossible, de retrouver et de punir leurs
auteurs. C'est pourquoi, il est tentant de se retourner vers les fournisseurs
des services Internet, maillons les plus visibles et identifiables du
réseau.
88 Article 98 « Lorsqu'une infraction est
commise dans le cadre de l'activité d'une personne morale, la
responsabilité pénale incombe à celui ou à ceux qui
ont commis l'infraction. »
237. La pratique du réseau renseigne en effet que le
plus souvent, les auteurs des messages se présentent sous des
pseudonymes et qu'il n'est souvent pas facile de les identifier et de localiser
avec précision leurs adresses sur Internet. C'est pourquoi, les victimes
recherchent d'autres responsables plus faciles à identifier et solvables
à savoir le fournisseur d'accès, les fournisseurs
d'hébergement, les éditeurs de forum et les opérateurs de
télécommunications89.
238. Si leur participation à l'infraction est
établie, il sera alors difficile, en l'état actuel de notre
droit, d'engager leur responsabilité pénale et,
éventuellement, de les sanctionner.
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