REPUBLIC OF CAMEROON Peace-Work-Fatherland
RÉPUBLIQUE DU CAMEROUN
Paix-Travail-Patrie
************
************
MINISTÈRE DE L'ENSEIGNEMENT
SUPÉRIEUR
************
MINISTRY OF HIGHER EDUCATION
************
UNIVERSITÉ DE YAOUNDÉ II-
SOA
************
THE UNIVERSITY OF YAOUNDÉ II-
SOA
************
FACULTÉ DES SCIENCES JURIDIQUES ET
POLITIQUES
*********
FACULTY OF LAW AND POLITICAL SCIENCES
*********
L'APPORT DE L'ARBITRAGE A LA SÉCURISATION DES
ACTIVITÉS ÉCONOMIQUES DANS L'ESPACE OHADA
Mémoire présenté et soutenu publiquement en
vue de l'obtention du Master professionnel en Droit, pratique juridique
et judiciaire
Par Jacques Delor
BIKOI Titulaire d'une licence en droit
privé Sous la direction du
: Dr. NCHANKOU NJINDAM Chargé
de Cours à l'Université de Yaoundé II
Année Académique : 2016-2017
L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des
activités économiques dans l'espace OHADA
AVERTISSEMENT
Mémoire rédigé et soutenu par Jacques Delor
BIKOI Page I
« L'Université n'entend ni approuver ni
désapprouver les opinions particulières du candidat
».
L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des
activités économiques dans l'espace OHADA
DÉDICACE
Mémoire rédigé et soutenu par Jacques Delor
BIKOI Page II
A toi ma fille adorée,
Kimora Alexandra-pénélope
BIKOI
Aucune dédicace ne saurait exprimer tout l'amour
que j'ai pour toi ma petite lumière, te savoir heureuse et en
santé me comble de bonheur.
Puisse Dieu dans son infinie bonté te garder, te
bénir et t'accorder tout ce que ton coeur lui demandera.
REMERCIEMENTS
Mémoire rédigé et soutenu par Jacques Delor
BIKOI Page III
L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des
activités économiques dans l'espace OHADA
Je tiens à exprimer mes remerciements les plus
sincères à Monsieur le Docteur NCHANKOU NJINDAM,
pour la confiance placée en ma personne en acceptant de diriger mes
travaux. Sa rigueur, sa disponibilité et ses précieux conseils
m'ont permis de réaliser cette contribution.
Je remercie également mes parents MBOMBOG BIKOI
Dieudonné Félicien, YOMBA NKONDOCK Jeanne Marlyse et
NDOBOTH Henry Samuel, pour m'avoir transmis autant de belles
choses à toute épreuve. Que ce mémoire soit la partie
visible de leurs labeurs invisibles, la preuve de leur foi en des valeurs
positives reçues et véhiculées.
Qu'il me soit permis d'adresser un merci particulier à
ma compagne, Annie Irène TETKA qui depuis plusieurs
années n'a épargnée aucun effort pour me soutenir,
m'encourager et me conseiller.
Qu'il me soit aussi permis de remercier mon frère
ainé, BIKOI François d'Assise pour son
indéfectible soutien et sa contribution à la finalisation de ces
travaux.
Qu'il me soit enfin permis de remercier mes amis et camarades
de promotion, YOUMBI LAKOUA Derrick, ETOUNDI ALEGA Hugues Aimé,
DOUDAN ROTA Michelle Aurélie, MAGUE-DIHOUND'S Ben-Emery, Fahad AZARACK
ALKHALIL, MBIANGANG NZEPANG Ludovic Joël, MBOUDY MBOCK
Jean Marvin pour leurs précieuses observations qui ont sans
doute permis d'améliorer la qualité de ce mémoire.
Puissent-ils trouver en sa soutenance l'expression de ma profonde gratitude.
Mémoire rédigé et soutenu par Jacques Delor
BIKOI Page IV
L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des
activités économiques dans l'espace OHADA
LISTE DES PRINCIPALES ABRÉVIATIONS ET
SIGLES
AEF : Afrique équatoriale
française
Al. : Alinéa
AOF : Afrique orientale française
Arb. : Arbitrage
Art. : Article
A.U.A. : Acte uniforme relatif au droit de
l'arbitrage
AUPSRVE : Acte uniforme portant organisation des
procédures simplifiées de
recouvrement et des voies d'exécution
Bull. Civ. : Bulletin des arrêts de la
Cour de cassation française
CACI : Cour d'arbitrage de Côte
d'Ivoire
CAG : Cour d'arbitrage du GICAM
Cass. : Arrêt de la Cour de cassation
française
C. civ. : Code civil
C.C.I : Chambre de commerce internationale
C.C.J.A. : Cour Commune de Justice et
d'Arbitrage
CE : Conseil d'État français
Cf. : Se référer ou se
reporter
CIRDI : Centre international pour le
règlement des litiges relatifs aux
investissements
Civ.1ère : Arrêt de la
première Chambre civile de la Cour de cassation française
Clunet : Journal de droit international
privé
CNUDCI : Convention des Nations unies relative
au droit du commerce
international
Coll. : Collection
D. : Recueil Dalloz
Dir. : Sous la direction
Ed. : Edition(s)
ERSUMA. : École régionale
supérieure de la magistrature
Mémoire rédigé et soutenu par Jacques Delor
BIKOI Page V
L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des
activités économiques dans l'espace OHADA
Gaz. Pal. : Gazette du palais
GICAM : Groupement inter patronal du
Cameroun
Ibid. : Ibidem (le même ouvrage)
Idem. : De même
Infra : Ci-dessous
J.C.P. : Jurisclasseur périodique
J.D.I. : Journal du droit international
J. O. : Journal officiel
LGDJ : Librairie générale de
droit et de jurisprudence
Mél. : Mélanges
NAUA : Nouvel Acte uniforme relatif au droit
de l'arbitrage
NRA/ CCJA : Nouveau Règlement
d'arbitrage de la Cour Commune de Justice et
d'Arbitrage
N° : Numéro
OAPI : Organisation africaine de la
propriété intellectuelle
Op. Cit. (Opere Citato) dans l'ouvrage
cité
OHADA : Organisation pour l'Harmonisation en
Afrique du Droit des Affaires
P. : Page
PP. : Pages
PME : Petites et moyennes entreprises
P.U.A. : Presses universitaires d'Afrique
PUAM. : Presse universitaire
d'Aix-Marseille
PUF. : Presses universitaires de France
PUPPA : Presse universitaire de PAU et des
pays du Ladou
Rec. : Recueil
R.A.C.C.J.A. : Règlement d'arbitrage
de la Cour Commune de Justice et d'Arbitrage
Rev. Arb. : Revue de l'arbitrage
RASJ : Revue africaine des sciences
juridiques
Rev. Cam. Arb : Revue camerounaise
d'arbitrage
RDUS : Revue de droit de l'Université
Sherbrooke
R.D.A.I. : Revue de droit des affaires
internationales
RRJ : Revue de recherche juridique
R.T.D. A : Revue trimestrielle de droit
africain
Mémoire rédigé et soutenu par Jacques Delor
BIKOI Page VI
L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des
activités économiques dans l'espace OHADA
R.I.D.C. : Revue internationale de droit
comparé
S. : Suivant
Supra : Ci-dessus
TPE : Très petites entreprises
UNIDROIT : Institut international pour
l'unification du droit privé
V. : Voir
Vol. : Volume
Mémoire rédigé et soutenu par Jacques Delor
BIKOI Page VII
L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des
activités économiques dans l'espace OHADA
RÉSUME
De plus en plus, l'arbitrage occupe une place capitale dans la
vie économique. Considéré comme étant un vecteur de
sécurité, le législateur OHADA en a fait le mode par
excellence de règlement des litiges d'ordre contractuel dans l'espace
communautaire, cela dans le but non seulement de favoriser la
sécurité juridique et judiciaire, mais aussi et surtout de gagner
la confiance des investisseurs, afin de faire du continent africain un
pôle de développement par l'investissement. Malheureusement,
l'observation du contentieux économique en zone OHADA démontre
que le système d'arbitrage communautaire est fortement mis en cause.
Dans ce cadre, l'objectif de cette étude est d'évaluer la
capacité de l'arbitrage OHADA à contribuer de manière
suffisante à la sécurisation des activités
économiques dans l'espace juridique intégré. Il ressort
donc que si l'on ne peut valablement nier la vérité d'une
certaine contribution, celle-ci reste perfectible et appelle par
conséquent des reformes.
Mots-clés : arbitrage, sécurisation,
activités économiques, OHADA.
Mémoire rédigé et soutenu par Jacques Delor
BIKOI Page VIII
L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des
activités économiques dans l'espace OHADA
ABSTRACT
Arbitration is progressively occupying a pride of place in the
economic life. Considered as a vehicle for security, the OHADA lawmaker posits
it as the mode of excellence for the resolution of contract-related litigations
within the communal zone; this, not only to enable judiciary and judicial
security, but more to earn the confidence of investors, in order to make the
African continent a stronghold for development and investments. Unfortunately,
though, an analysis of the economic contention in the OHADA zone reveals that
the communal arbitration system is highly to blame. The present study aims to
evaluate OHADA arbitration capacity in contributing, efficiently, to the
security of economic activities within the area legally integrated. It results
that, if we want to negate the truth of such a contribution, this latter
remains perfectible and therefore calls for amendments.
Keywords : arbitration, protection, economic activities,
OHADA
Mémoire rédigé et soutenu par Jacques Delor
BIKOI Page IX
L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des
activités économiques dans l'espace OHADA
SOMMAIRE
INTRODUCTION GÉNÉRALE 1
TITRE I : UNE CONTRIBUTION PERCEPTIBLE DE L'ARBITRAGE OHADA A
LA SÉCURISATION DES ACTIVITÉS ÉCONOMIQUES DANS L'ESPACE
JURIDIQUE
INTEGRE 8
CHAPITRE I : UNE CONTRIBUTION PERCEPTIBLE DE L'ARBITRAGE OHADA
A LA
SÉCURITE JURIDIQUE 10
Section 1 : La consécration d'un droit supranational de
l'arbitrage : une source de sécurité
juridique dans l'espace OHADA 12
Section 2 : L'originalité et le modernisme de
l'arbitrage OHADA : un gage de sécurité
juridique dans l'espace OHADA 23
CHAPITRE II : UNE CONTRIBUTION PERCEPTIBLE DE
L'ARBITRAGE OHADA A
LA SÉCURITÉ JUDICIAIRE 36
Section 1 : La célébration de l'autonomie de la
volonté, une source de prévention des
incertitudes judiciaires nuisibles aux droits
économiques des parties 37
Section 2 : La soumission de l'arbitrage OHADA aux principes
directeurs d'une bonne
justice, gage des procès justes et équitables
52
Section 3 : Le renfort du juge public, facteur
d'efficacité de l'arbitrage OHADA 67
TITRE II : UNE CONTRIBUTION PERFECTIBLE DE L'ARBITRAGE OHADA A
LA SÉCURISATION DES ACTIVITÉS ÉCONOMIQUES DANS L'ESPACE
JURIDIQUE
INTEGRE 75
CHAPITRE I : LES SCORIES D'ORDRE NORMATIF 77
Section 1 : Les silences du législateur africain 77
Section 2 : Les incertitudes conceptuelles et la protection
rigide de certains arbitres 86
CHAPITRE II : LES SCORIES D'ORDRE PRATIQUE 97
Section 1 : Les difficultés ante sententiam
97
Section 2 : Les difficultés post sententiam
106
CONCLUSION GÉNÉRALE 120
BIBLIOGRAPHIE 124
TABLE DES MATIÈRES 135
Mémoire rédigé et soutenu par Jacques Delor
BIKOI Page X
L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des
activités économiques dans l'espace OHADA
« Je vais t'entretenir de moindres aventures, Te tracer
en ces vers de légère peinture ; Et si de t'agréer je
n'emporte le prix, J'aurai du moins l'honneur de l'avoir entrepris
»1. Jean DE LA FONTAINE
1 J. DE LA FONTAINE, Fables, Livre I,
Prologue : « Dédicace à Monseigneur le Dauphin, Louis de
France, fils de Louis XIV, également appelé le Grand Dauphin
», 1668, édition du groupe « Ebooks libres et gratuits »,
p.10.
INTRODUCTION GÉNÉRALE
L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des
activités économiques dans l'espace OHADA
Mémoire rédigé et soutenu par Jacques Delor
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Mémoire rédigé et soutenu par Jacques Delor
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L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des
activités économiques dans l'espace OHADA
À l'aube des années 1990, heure de la
mondialisation de l'économie2, le besoin d'investissement
commença à se faire ressentir dans les Etats africains. Ceux-ci
pour la plupart mis sous programmes d'ajustement structurel dès
19803 par la Banque Mondiale et le Fonds Monétaire
International, avaient à coeur le souci du développement et celui
de l'essor de leurs différentes économies.
Face à ce grand besoin, se présentait le
problème de l'insécurité juridique et judiciaire longtemps
décrié par les opérateurs économiques. Selon le
Docteur Gaston KENFACK DOUAJNI, l'une des raisons, voire la plus importante
d'entre elles pour lesquelles l'Afrique est incapable de se développer
tient à l'absence ou la rareté des investissements dans ce
continent4. Or comme le soulignait le Professeur Roger MASSAMBA, il
ne saurait avoir de développement durable sans sécurité
juridique et judiciaire5. Dans le même esprit, Pierre MEYER
affirmait qu'« Il est sans nul doute exact que la
sécurité juridique est une condition nécessaire du
développement économique. Aucune activité
économique durable ne peut raisonnablement être entreprise si les
`'règles de jeu» que constituent les règles de droit ne sont
pas connues, précises, correctement appliquées et dotées
d'une certaine stabilité »6.
L'insécurité résultait de la
diversité et la vétusté des règles applicables aux
activités économiques ; certains textes datant de la
période coloniale d'une part. D'autre part cette
insécurité se caractérisait par une insuffisance de moyen
matériels et humains, par les lenteurs judiciaires, le coût
élevé des procédures, la difficile exécution des
décisions de justice, la formation insuffisante des magistrats en droit
économique, qui plus est travaillant dans des conditions sociales
déplorables, des procès iniques détruisant l'environnement
des affaires7 ; maux qui inéluctablement sont facteurs de
recrudescence de la corruption ; et constituent une entrave à la bonne
marche des affaires, parce que discréditant les Etats concernés
avec pour fatale conséquence l'éloignement des investisseurs tant
nationaux qu'étrangers. À ce titre, à la question de
savoir pourquoi les opérateurs économiques ne voulaient pas
investir en Afrique, feu le juge KEBA M'BAYE rapportait que ceux-ci
déclaraient : « Nous ne voulons pas investir parce que nous ne
connaissons pas quel droit va régir notre patrimoine. Vous allez
2P-G. POUGOUE, « Doctrine OHADA et théorie
juridique », Revue de l'ERSUMA, numéro spécial-
Novembre/Décembre 2011, p.6.
3S. BELANGER, « L'ajustement structurel ou
restructurer pour la croissance l'État », Université du
Québec à
Montréal, Collection cahiers du GRETSE, N°8, Janvier
1992, p.1.
4G. KENFACK DOUAJNI, L'arbitrage OHADA,
PUPPA, 2014, p. 24.
5R. MASSAMBA, « L'OHADA et le climat des
investissements en Afrique », RTDA, n° 855, p.140.
6P. MEYER, « La sécurité juridique
et judiciaire dans l'espace OHADA », RTDA, p.151.
7R. MASSAMBA, « L'OHADA et le climat des
investissements en Afrique », op.cit., p.143.
Mémoire rédigé et soutenu par Jacques Delor
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L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des
activités économiques dans l'espace OHADA
dans un pays, vous demandez quel est le droit qui vous
permet de créer aujourd'hui une société anonyme, personne
ne le sait. Il y a pire. Une fois que nous arrivons à détecter,
dans certains pays, quel est le droit applicable pour la création de
notre entreprise, pour sa viabilité et, au cas où surviendrait un
jour un différend, pour la manière donc ce différend doit
être réglé, nous avons toujours des surprises
considérables. Le même droit n'est pas applicable d'un pays
à un autre, d'un tribunal à un autre. On ne tient pas compte de
la jurisprudence. Et, généralement, nous sommes toujours les
victimes de cette situation, c'est ce qui explique notre hésitation
à continuer à investir »8.
Il ressort donc que l'insécurité juridique et
judiciaire était l'une des principales sources du
sous-développement du continent africain. Aussi, en vue de corriger le
tir, les Etats de l'Afrique subsaharienne ont décidé de penser,
puis de mettre sur pied une institution au sein de laquelle on y trouverait un
droit harmonisé, unique et applicable à tous les Etats la
constituant, un droit qui deviendrait le droit commun des affaires au sein de
l'institution, un droit neuf, moderne et adapté à
l'évolution économique dans le monde dont, le destin sera de
sécuriser amplement l'environnement des affaires en Afrique et à
lever le doute sur les multiples avantages que présente le continent
Africain, avec pour finalité absolue la promotion des investissements.
C'est donc dans ce contexte que quatorze (14) Etats de l'Afrique au sud du
Sahara9 ont, en date du 19 octobre 1993, signés à Port
Louis (Ile Maurice) un traité relatif à l'harmonisation du droit
des affaires en Afrique et ont confié l'exécution à
l'Organisation pour l'Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires
(OHADA)10. De ce Traité naitront non seulement des actes
uniformes11, parmi lesquels l'Acte uniforme relatif au droit de
l'arbitrage, mais également une Cour Commune de Justice et d'Arbitrage
dont le rôle est de veiller à la bonne interprétation et
à la bonne application desdits actes uniformes.
En effet, le législateur africain avait vu juste quant
à la nécessité d'une réforme des systèmes
judiciaires des Etats africains. C'est donc à l'aune de cette prise
d'acte qu'il a vue en l'arbitrage une garantie juridique susceptible de
sécuriser les investissements et d'inciter par
8KEBA M'BAYE, Interview accordée au journal
parisien l'autre actualité africaine, à retrouver sur
africa-libre.com, site
consulté le 8 octobre 2019 à 14h09.
9Benin, Cameroun, Burkina Faso, centrafricaine,
Comores, Congo, Côte d'ivoire, Gabon, guinée équatoriale,
Mali, Niger, Sénégal, Tchad, Togo. Ce chiffre s'est accru avec
l'entrée de trois autres Etats à savoir la Guinée, la RD
Congo et enfin la Guinée Bissau.
10G. KENFACK DOUAJNI, « L'incidence du
système OHADA sur le droit camerounais de l'arbitrage », Rev. Cam.
Arb., n 01, Avril-Mai-Juin 1998, p.3.
11Cf. article 2 du Traite OHADA.
Mémoire rédigé et soutenu par Jacques Delor
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L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des
activités économiques dans l'espace OHADA
ricochet les acteurs économiques à
s'intéresser à l'espace OHADA12. À cet
égard, l'article 1erdu traite OHADA énonce :
« Le présent traité a pour objet l'harmonisation du
droit des affaires dans les Etats parties par l'élaboration et
l'adoption des règles communes simples, modernes et adaptées
à la situation de leurs économies, par la mise en oeuvre de
procédures judiciaires appropriées, et par l'encouragement au
recours à l'arbitrage pour le règlement des différends
contractuels ».
De cette disposition, on semble comprendre que le
législateur africain avait effectué un pari sur l'arbitrage, en
déclarant fermement son désir d'en faire un mode normal de
règlement des litiges compte tenu des limites que présente le
système judiciaire de chaque Etat partie. René BOURDIN
écrivait à ce titre que : « tout se passe comme si les
auteurs du traite OHADA entendaient demander à l'arbitrage une sorte
d'intérim du judiciaire jusqu'à une reforme efficace de celui-ci
(...) »13 . Ce qui traduit la position qu'occupe
l'arbitrage dans le domaine des affaires. Roland AMOSSOU GUENOU écrivait
que « dans la gamme des garanties susceptibles d'encourager les
investisseurs étrangers, l'arbitrage constitue un élément
essentiel »14. Bien avant lui, le Professeur René
DAVID soutenait que de nos jours, l'arbitrage est le mode
privilégié de règlement des différends relatifs aux
investissements internationaux15. Quant au Professeur Dorothé
COSSI SOSSA, il s'agit de l'institution la plus importante à ce jour
pour le règlement des différends relatifs aux investissements
internationaux pour les pays en développement en général
et en particulier pour l'Afrique16, et pour Robert BRINER,
c'« est la seule méthode réaliste de résolution
des litiges commerciaux internationaux »17. En tout
état de cause, l'arbitrage doit être considéré en
matière d'investissement comme l'une des garanties les plus
précieuses qui puisse être accordées à
l'entrepreneur privé, disait jadis le Professeur Philippe
KAHN18.
12G. KENFACK DOUAJNI, L'arbitrage OHADA,
PUPPA, 2014.op.cit. p.17.
13R. BOURDIN, « L'OHADA : information à
ce jour », document CCI, n 0420/450 du 30 Mars 2000,
cité par G. KENFACK DOUAJNI, Ibid.
14 R. AMOUSSOU GUENOU, « Les investissements
étrangers en Afrique », Rev. Cam. Arb., n°2, 1998, p.8.
15 R. DAVID, L'arbitrage dans le commerce
international, Paris, Economica, 1981, p.5.
16 D. COSSI SOSSA, « La participation des
Etats africains à l'arbitrage du centre international pour le
règlement des litiges relatifs aux investissements (CIRDI) », Rev.
Cam. Arb., numéro spécial (2), Fév. 2010, p.66.
17 R. BRINER, « L'avenir de l'arbitrage : Note
introductive dans l'arbitrage : regard sur la prochaine décennie »,
supplément spécial, BULL. CCI, publication CCI n°612 F.,
pp.8-9.
18Ph. KAHN, « Problèmes juridiques de
l'investissement dans les pays de l'ancienne Afrique Française »,
JDI, 1965, p.34.
Mémoire rédigé et soutenu par Jacques Delor
Bikoi Page 5
L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des
activités économiques dans l'espace OHADA
C'est dire que pour les pères fondateurs de l'OHADA,
l'arbitrage devait être une porte ouverte vers la réalisation des
perspectives de développement envisagé, cela au regard des
garanties de sécurité qu'il est sensé présenter.
De prime abord, certaines clarifications s'imposent. Ainsi, le
vocabulaire juridique de l'association Henri Capitant donne deux sens à
la notion d'arbitrage. Premièrement, il s'agit d'une : «
mission confiée à un tiers par des parties contractantes afin de
déterminer un élément nécessaire à la
formation du contrat : prix de vente, montant de loyer...
»19. Deuxièmement, l'arbitrage est un : «
Mode dit parfois amiable ou pacifique mais toujours juridictionnel de
règlement d'un litige par une autorité (le ou les arbitres) qui
tient son pouvoir de juger, non d'une délégation permanente de
l'état, ou d'une institution internationale, mais de la convention des
parties lesquelles peuvent être de simples particuliers ou des
états »20.
Si le premier sens ne saurait satisfaire le juriste
privatiste, le second quant à lui parait intéressant, même
si on peut émettre une réserve dans la mesure où nous
pensons que l'arbitrage n'est pas un mode amiable ou pacifique de
règlement des différends étant entendu, qu'il s'agit d'une
procédure contentieuse qui aboutit fatalement à une sentence qui
s'impose aux parties. Ce qui n'est pas le cas pour les modes amiables dont
l'issue est incertain, les parties pouvant ne pas aboutir à un accord
même lorsqu'elles ont recours à un médiateur ou un
conciliateur qui, en aucun cas, ne peut le leur imposer.
Au plan normatif, il convient d'indiquer que bien qu'accordant
de l'importance à l'arbitrage, ni le traité OHADA, ni le
règlement d'arbitrage de la CCJA, ni l'ancien ou le nouvel acte uniforme
sur l'arbitrage21 ne propose de définition à la notion
d'arbitrage. Ainsi, au-delà du vocabulaire juridique, il faudra se
référer à la doctrine afin d'obtenir ample
éclairage. L'arbitrage est dès lors entendu tantôt comme
une technique qui vise à faire donner à une question
intéressant les rapports entre deux ou plusieurs personnes, par une ou
plusieurs autres personnes appelées arbitres, lesquelles tiennent leur
pouvoir d'une convention privée et statuant sur la base de cette
dernière sans être investies de cette mission par
l'État22, tantôt comme l'institution par laquelle un
tiers règle le différend qui oppose deux ou plusieurs
19G. CORNU, Vocabulaire juridique,
Association Henri Capitant, Paris, PUF (quadrige), 2007, p.69.
20 Ibid.
21Le 23 novembre 2017, le conseil des ministres de
l'OHADA a adopté un nouvel acte uniforme relatif à l'arbitrage
ainsi qu'un nouveau règlement d'arbitrage CCJA. Le premier entrera en
vigueur le 23 février 2018 (art 36 AUA de 2017), et le second le 23
janvier 2018 (art 34 RACCJA de 2017).
22 R. DAVID, L'arbitrage dans le commerce
international, op.cit., p.9.
Mémoire rédigé et soutenu par Jacques Delor
Bikoi Page 6
L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des
activités économiques dans l'espace OHADA
parties en exerçant la mission juridictionnelle qui lui
a été confiée par celles-ci23, et tantôt
comme un mode prive de règlement des litiges fondé sur la
convention des parties, caractérisé par la soumission d'un litige
à de simples particuliers choisis par les parties, directement ou
indirectement24.
Dans tous les cas, il ressort de tout ce qui
précède que l'arbitrage est un mode juridictionnel de
règlement des litiges fondé sur la volonté des parties et
alternatif à la justice étatique rendu par des personnes
privées. Dans l'espace OHADA, il est régi par l'AUA qui
s'applique à l'arbitrage traditionnel constitué des
procédures arbitrales ad hoc et de celles se tenant devant les centres
d'arbitrage infra étatiques. L'arbitrage y est également
régi par le Traité OHADA et par le RA/ CCJA qui s'appliquent aux
arbitrages se tenant sous l'égide de la Cour communautaire.
S'agissant du terme sécurisation, il vient du verbe
sécuriser, qui signifie donner un sentiment de
sécurité25 ; ce dernier venant du latin «
securitas », de « securus » qui signifie
sûr, au mieux sans soucis, sans inquiétude etc.26. Le
dictionnaire encyclopédique de théorie et de sociologie du droit
donne au mot sécurité trois (03) sens. Tout d'abord, la
sécurité s'entend comme un état résultant de
l'absence d'une impression de danger, la situation objective correspondant
à l'absence réelle de danger27. Ensuite, elle
s'entrevoit comme une organisation juridique et politique des conditions
propres à engendrer cet état, cette situation28.
Enfin, comme les mécanismes institutionnels susceptibles d'y
conduire29.
La conjugaison de ces trois sens nous permet de comprendre la
notion de sécurisation comme la mise en oeuvre des mécanismes
juridiques et institutionnels susceptibles de conduire à la situation
objective correspondant à l'absence de danger quant à l'existence
et à l'application du droit.
23 Ch. JARROSSON, La notion d'arbitrage,
LGDJ, Paris, 1987, p.40.
24 DUTOIT, KNOEFFER, LALIVE, MERCIER,
Répertoire de droit international prive suisse, T.1, p.241, L'arbitrage
international, cité par P.G POUGOUE, J.M TCHAKOUA ET A. FENEON in
L'arbitrage dans l'espace OHADA, PUA, 2000, p.8.
25Dictionnaire petit Larousse en couleur,
Edition Larousse, 1972, p.847.
26 G. CORNU, Vocabulaire juridique,
op.cit. p.853.
27Dictionnaire encyclopédique de
théorie et de sociologie du droit, 2ème
édition corrigée et augmentée, LGDJ, p.544.
28 Ibid.
29 Ibid.
Mémoire rédigé et soutenu par Jacques Delor
Bikoi Page 7
L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des
activités économiques dans l'espace OHADA
Enfin, par activité économique il faut entendre
toute activité dont l'objet est la production, la distribution ou encore
la prestation de service impliquant des échanges commerciaux.
En effet, il sied de préciser que l'adoption et la
révision par le Conseil des Ministres de l'OHADA de l'Acte Uniforme
relatif au droit de l'arbitrage se sont réalisées en même
temps que le Règlement d'arbitrage de la Cour Commune de Justice et
d'Arbitrage. Ce dernier fixe dans les détails les règles qui
régissent l'arbitrage CCJA, dont les grandes lignes sont fixées
par le titre IV du Traite OHADA. L'arbitrage OHADA repose donc sur un support
dualiste, puisqu'il est régi à la fois par l'Acte Uniforme
relatif au droit de l'arbitrage et par le Règlement d'arbitrage de la
CCJA. On peut donc remarquer la place particulière que les pères
fondateurs de l'organisation ont accordée à l'arbitrage dans la
construction d'un espace qui sécurise les activités
économiques. Dans un tel contexte, la question qui se pose est de savoir
: en l'état actuel du système d'arbitrage OHADA, peut-on
valablement soutenir qu'il contribue à la sécurisation des
activités économiques dans l'espace juridique
intégré ?
Réfléchir sur l'apport de l'arbitrage à
la sécurisation des activités économiques suscite un
double intérêt juridique et économique. Au plan juridique,
cette recherche s'inscrit dans une logique d'amélioration du cadre
législatif de l'arbitrage dans l'espace communautaire. Par
conséquent, les résultats obtenus pourront éclairer d'une
part le législateur en vue d'une éventuelle nouvelle
réforme du droit de l'arbitrage OHADA30 et d'autre part la
Cour Commune de Justice et d'Arbitrage, organe chargé de veiller
à la bonne application des actes uniformes ainsi, qu'à leur
parfaite interprétation, afin qu'elle puisse rendre des avis ou des
jurisprudences de nature à garantir une meilleure protection des
activités économiques dans l'espace OHADA.
Au plan économique, l'objectif de cette étude
s'inscrit dans le cadre d'une meilleure promotion de l'arbitrage à
travers des règles modernes et adaptées destinées à
attirer les investisseurs et par ricochet à booster l'économie de
chaque État de l'organisation. C'est donc dans une démarche
exégétique, casuistique, en passant par la libre recherche
scientifique que nous avons pu obtenir les résultats qui nous permettent
de soutenir que bien qu'elle reste à parfaire (Titre II), on peut
observer une certaine contribution de l'arbitrage OHADA à la
sécurisation des activités économiques dans l'espace
communautaire (Titre I).
30 Notre étude nous permettra d'examiner le
nouvel acte uniforme, ainsi que le nouveau règlement d'arbitrage CCJA
afin de voir quels sont les améliorations apportées au
système d'arbitrage OHADA.
L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des
activités économiques dans l'espace OHADA
UNE CONTRIBUTION PERCEPTIBLE DE L'ARBITRAGE OHADA A
LA SÉCURISATION DES ACTIVITÉS ÉCONOMIQUES DANS L'ESPACE
JURIDIQUE INTÉGRÉ
TITRE I
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L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des
activités économiques dans l'espace OHADA
Dans un monde où l'économie se globalise et
où le commerce international progresse de façon constante,
investir à l'étranger est une manière courante de traiter
les affaires, de s'abriter des crises nationales, de diversifier ses placements
ou d'abaisser ses couts de production31. Cependant, loin
d'être la chasse gardée des opérateurs économiques
étrangers, l'investissement est également l'affaire des nationaux
qui désirent contribuer à la croissance économique de
leurs Etats par la création d'entreprises chacun en fonction de sa
bourse. Seulement, qu'elle soit réalisée au plan national ou
à l'étranger, l'activité économique est en grande
partie composée de prise de risque. C'est la raison pour laquelle les
acteurs économiques sont constamment en quête des règles
qui sont de nature à sécuriser leurs investissements. Ainsi, la
sécurité apparait comme une condition sine qua non de
l'investissement et par ricochet du développement. C'est dire que c'est
le désire de sécurisation des activité économiques
qui a conduit les initiateurs de l'OHADA à faire de l'arbitrage un
instrument privilégié de règlement des différends
d'ordre contractuel en vue de créer un environnement propice aux
affaires32. L'arbitrage était donc bien plus que les autres
matières harmonisées appelé à favoriser la
sécurité juridique et judiciaire tant voulu par les pères
fondateurs de l'OHADA. La lecture des textes fixant le cadre
général de l'arbitrage dans l'espace communautaire à
savoir le Traité OHADA, l'Acte uniforme relatif au Droit de l'arbitrage
et le Règlement d'arbitrage CCJA nous permettra donc de démontrer
que l'arbitrage de l'OHADA contribue dans une certaine mesure à la
sécurisation des opérations économiques tant au plan
juridique (Chapitre I) que judiciaire (Chapitre II).
31 A. E. RUSCA, « L'arbitrage : une
stimulation à l'investissement », Rev. Cam. Arb,
n°7 Octobre-Novembre-Décembre, 1999, p. 3.
32 R. AMOUSSOU-GUENOU, « L'Afrique, la
mondialisation et l'arbitrage internationale », Rev. Cam. Arb,
no3, Octobre-Novembre-Décembre, pp.3 et s. V. ég. G.
K. DOUAJNI, « Les condition de création dans l'espace OHADA d'un
environnement juridique favorable au développement », Revue
juridique et politique, 1998, p.43 et s. Ab. DIALLO, Réflexion sur
l'arbitrage dans l'espace OHADA, Thèse, Université de
perpignan Via Domitia, 2016, p.25.
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L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des
activités économiques dans l'espace OHADA
UNE CONTRIBUTION PERCEPTIBLE DE L'ARBITRAGE OHADA A LA
SÉCURITE JURIDIQUE
CHAPITRE I
« Il est vrai que l'acte uniforme qui tient lieu de
loi relative à l'arbitrage dans les dix-sept pays d'Afrique,
réalise non pas une simple harmonisation du droit des affaires en
général et du droit de l'arbitrage en particulier, mais une
véritable unification radicale, résolument moderne et même
progressiste du droit de l'arbitrage sur une partie importante du continent
africain. D'abord, en ne faisant aucune distinction entre les arbitrages
internes et internationaux, en donnant ainsi au premier un régime
très libéral, celui de l'arbitrage international ; ensuite, en
introduisant dans une grande partie du continent les standards internationaux
les plus favorables à l'arbitrage, destinés à assurer
à la fois la liberté des parties et la sécurité du
règlement des litiges »33. C'est par cette
assertion que le Professeur Philippe LEBOULANGER tentait de démontrer
l'existence d'une contribution véritable de l'arbitrage OHADA à
la sécurité juridique dans l'espace communautaire. Mais alors
qu'est-ce la sécurité juridique ?
Le principe de sécurité juridique est devenu de
nos jours une notion cardinale qui influe grandement l'ordre juridique de la
plupart des Etats démocratiques au monde. Considéré comme
le gage de la qualité des relations qui peuvent se nouer entre plusieurs
acteurs, la sécurité juridique s'apparente à ce que les
juristes qualifient de standard et serait même considéré
comme consubstantiel au modèle de l'Etat de droit34.
Constituant un facteur d'attractivité pour les investisseurs et
d'amélioration de l'environnement des affaires, la
sécurité juridique permet de gagner la confiance des agents
économiques et de favoriser par ricochet les
échanges35. Notion imprécise et rebelle à toute
tentative de conceptualisation36, la sécurité
juridique, concept variable, se révèle être une norme
polymorphe et adaptable qui fédère les exigences propres à
chaque système juridique et dont l'autonomie est
33 Ph. LEBOULANGER, « Rapport introductif
» in L'arbitrage en matière commerciale et des investissements
en Afrique, op.cit., p. 22.
34 A. LEVADE, « La sécurité
juridique », in 4e convention des juristes de la
méditerranée, Acte du colloque d'Alger, 9-10 décembre
2012, La semaine Juridique, Edition Générale, supplément
au N° 27, 1erJuillet 2013, p.8.
35 J. P. FERRET, « La sécurité
juridique », op.cit., pp.6-7.
36 Ab. KA, La sécurité juridique
en droit administratif sénégalais, Mémoire DEA droit
public, Université Gaston Berger de saint Louis, 2015,
www.memoireonligne.com,
consulté le 8 Aout 2019 à 23h00.
Mémoire rédigé et soutenu par Jacques Delor
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L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des
activités économiques dans l'espace OHADA
problématique37. Elle n'est jamais
définie de manière abstraite et ce n'est que par le recensement
de ses expressions techniques, concrètes qu'on pourrait parvenir
à cerner son contenu38 ; voilà pourquoi Abdou KA a pu
écrire que « la sécurité juridique renferme en
elle des éléments épars, ce qui lui donne parfois une
dimension tentaculaire. Elle serait une notion fonctionnelle plutôt que
conceptuelle. Un travail de systématisation sur la notion de
sécurité juridique se révèlerait une entreprise
vaine en ce qu'elle ne peut être appréhendée que par
rapport à la fonction qu'elle remplit dans l'univers du droit,
c'est-à-dire une fonction de sécurisation de l'ordre juridique
»39. Toutefois, pour Gérard Cornu, l'idée de
sécurité juridique évoque « toute garantie, tout
système juridique de protection tendant, à assurer, sans
surprise, la bonne exécution des obligations, à exclure ou au
moins réduire, l'incertitude dans la réalisation du droit
»40. Dans le même esprit, le Professeur Anne LEVADE
soutient que le principe de sécurité juridique implique que les
citoyens soient, sans que cela appelle de leur part des efforts insurmontables,
à même de connaitre ce qui est permis et ce qui est interdit par
le droit applicable41. Thomas PIAZZON, pense qu'il s'agit de
« l'idéal de fiabilité d'un droit accessible et
compréhensible, qui permet aux sujets de droit de prévoir
raisonnablement les conséquences juridiques de leurs actes ou
comportements, et qui respecte les prévisions légitimes
déjà bâties par les sujets de droit dont il favorise la
réalisation »42. De la conjugaison de ces
différentes conceptions, se dégage l'idée que
l'insécurité juridique, versant négatif de la
sécurité juridique, peut découler de la dégradation
et des changements trop fréquent des lois, des incohérences et du
défaut d'intelligibilité dont elles peuvent faire preuve, ce qui
représente inévitablement un obstacle au développement.
D'ailleurs, le Professeur Pierre MEYER écrivait à ce titre
qu'« Il est sans nul doute exact que la sécurité
juridique est une condition nécessaire du développement
économique. Aucune activité économique durable ne peut
raisonnablement être entreprise si les `'règles de jeu» que
constituent les règles de droit ne sont pas connues, précises,
correctement appliquées et dotées d'une certaine stabilité
»43 .
37 M. NADEAU, « Perspective pour un principe
de sécurité juridique en droit canadien : les pistes du droit
européen », RDUS, 2009, p.511.
38 D. SOULAS DE RUSSEL, PH. RAIMBAULT, «
Nature et racine du principe de sécurité juridique : une mise au
point », RIDC, Vol 55, n° 1, 2003, pp.85-103.
39 Ab. KA, La sécurité juridique en
droit administratif sénégalais, op.cit.
40 G. CORNU, Vocabulaire juridique,
Association Henri Capitant, PUF, 1990, p.750.
41 A. LEVADE citant le rapport du Conseil d'Etat
français, sécurité juridique et complexité du
droit, 2006, in « La sécurité juridique »,
op.cit., p.9.
42 Th. PIAZZON, La sécurité
juridique, LGDJ, 2009, spécial, n° 48.
43 P. MEYER, « La sécurité
juridique et judiciaire dans l'espace OHADA », RTDA, n°
855, p.151.
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L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des
activités économiques dans l'espace OHADA
À cet aune, la sécurité juridique
impliquerait donc plusieurs impératifs dont les principaux sont
l'accessibilité, la prévisibilité et la stabilité
des règles de droit. Vue sous cet angle, le droit de l'arbitrage
assure-t-il la sécurité juridique des transactions
économiques dans l'espace OHADA ? À cette question, une
réponse affirmative peut s'imposer, si l'on prend en compte le fait que
dans l'espace juridique intégré s'est érigé un
droit supranational de l'arbitrage (Section 1), qui se veut à la fois
original et moderne (Section 2).
Section 1 : La consécration d'un droit
supranational de l'arbitrage : une source de sécurité
juridique dans l'espace OHADA
Comme précédemment indiqué, investir
c'est risquer. Aussi la volonté de recourir à l'arbitrage est un
moyen pour les opérateurs économiques de se rassurer par rapport
aux risques qu'ils prennent dans leurs activités. Vue sous cette angle,
l'arbitrage s'avère être « la seule méthode
réaliste de résolution des litiges commerciaux internationaux
»44. Gage supérieur de sécurisation des
activités économiques, son caractère supranational dans
l'espace OHADA garanti aux investisseurs désireux de s'évader de
la justice étatique, son accessibilité (Paragraphe1), sa
prévisibilité et sa stabilité (Paragraphe 2).
Paragraphe 1 : La supra nationalité comme
facteur d'accessibilité à l'arbitrage par les investisseurs
dans l'espace OHADA
Participant de l'exigence de sécurité juridique,
l'accessibilité trouve son fondement dans le fait que la règle de
droit soit extérieure à la volonté individuelle de ses
destinataires45. Il est donc important que les sujets de droit aient
la possibilité d'en prendre connaissance. Pris dans ce sens, la
supranationalité permet aux acteurs économiques d'accéder
à l'arbitrage OHADA pour le règlement des litiges nés de
leurs investissements. C'est dire que la supranationalité du droit de
l'arbitrage OHADA permet de garantir à la fois son accessibilité
substantielle (A) et matérielle (B).
44 R. BRINER, « L'avenir de l'arbitrage, note
introductive dans l'arbitrage : regard sur la prochaine décennie »,
Supplément spécial, Bull. CCI, Publication CCI no
612F., pp.8-9.
45 J. L. AUBERT, Introduction au droit, PUF,
2007, p.15.
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L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des
activités économiques dans l'espace OHADA
A. L'accessibilité substantielle
Première facette de la notion d'accessibilité,
l'accessibilité substantielle ou intellectuelle46des
règles juridiques suppose la compréhension du sens de celles-ci.
Elle exige du droit qu'il fasse preuve de lisibilité, de clarté
et d'intelligibilité47.
Entendue comme étant la qualité d'un texte
susceptible d'être lu promptement, facilement assimilable, et donc les
éléments essentiels sont identifiables et retenus
simplement48, la lisibilité suppose d'abord au plan physique
que les textes soient formellement présentés de façon
cohérente, afin qu'ils puissent aider à la compréhension
de leurs sens. Ainsi, le choix des termes du titre, la numérotation des
articles et des paragraphes, la composition des alinéas doivent
être de nature à favoriser la compréhension facile des
réglés de droit49. Au plan linguistique, la
lisibilité suppose également la prise en compte de la langue et
de son bon usage50.
S'agissant de la clarté, elle peut se définir
comme le caractère de ce qui se comprend aisément. Elle suppose
l'obligation pour celui qui fait la loi d'être suffisamment clair et
précis afin que nul n'en ignore. Selon le Professeur André AKAM
AKAM, « l'imprécision des termes, leur mauvais emploi ou encore
l'imprécision des phrases, constituent des barrières à la
compréhensibilité de la loi »51.
L'obligation de clarté interdit donc de verser dans l'usage «
des termes vagues, au contenu mal délimité
»52, la loi devant être pareille à une
chaussée bien pavée sur la quelle l'on puisse circuler avec
assurance53.
Enfin l'intelligibilité signifie que la loi soit
à la portée de tous et facile à comprendre, parce que
rédiger en des termes simples, précis et clairs. Aussi, pour
reprendre la Cour européenne des droits de l'homme « on ne peut
considérer de loi qu'une norme énoncée avec suffisamment
de précision pour permettre au citoyen de régler sa conduite en
s'entourant au besoin de conseils éclairés, pour qu'il soit
à même de prévoir (...) les conséquences de
nature
46 Th. PIAZZON, La sécurité
juridique, coll. de thèse, Ed. Defrenois, Tome 35, 2009, p.18.
47 Op.cit., p.19.
48 G. KOUBI, « Lire et comprendre : quelle
intelligibilité de la loi ? », in Le titre
préliminaire du code civil, G. FAURE et G. KOUBI (Dir.),
Économica, coll. Etude juridiques, 2003, pp.215 et s. spéc.
p.227, Th. PIAZZON, La sécurité juridique, op.cit.,
p.19.
49 Ibid.
50 Voir G. NICOLAU, « Accessible droit ! »,
RRJ, 1998, pp.46-47.
51 A. AKAM AKAM, « Libres propos sur l'adage
« nul n'est censé ignorer la loi », R.A.S.J., Yaoundé
II, Vol .4, no1, 2007, p.51.
52 R. MERLE et A. VITU, Traité,
Problèmes généraux de la science criminelle, droit
pénal général, Paris, Cujas, 5eme éd.,
no 160.
53 M. HAURIOU, Précis de droit
administratif et droit public, Dalloz, 12eme éd., 2002,
p.238.
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L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des
activités économiques dans l'espace OHADA
à découler d'un acte déterminé
»54. Toutes ces notions se rapportant à
l'accessibilité substantielle ou intellectuelle peuvent être
considérées comme se ramenant à une exigence
générale de qualité du droit55. Dès
lors, vue sous ce prisme, un retour dans l'histoire politique des Etats de
l'Afrique subsaharienne dont la plupart sont parties aujourd'hui au traite
OHADA, nous révèle que dans les anciennes colonies
françaises, l'arbitrage était marqué par « le
principe de spécialité législative
»56. En application de ce principe, seule les textes
promulgués en métropole et déclarés
expressément applicables devaient recevoir application dans les
territoires d'outre-mer57. La spécialité
législative fut appliquée aux pays tels que le Benin, le
Burkina Faso, le Cameroun58, la Centrafrique, le Congo, la Cote
d'ivoire, le Gabon, la Guinée, Madagascar, le Mali, le Maroc, la
Mauritanie, le Niger, le Sénégal, et le Tchad59. La
procédure civile, le droit commercial et le droit administratif
constituent des exemples d'application de ce principe en matière
d'arbitrage.
Pour ce qui est de la procédure civile, en vertu du
décret du 15 mai 1889 relatif à la réorganisation du
Sénégal, une importante partie du Code civil français de
1806 fut rendue applicable aux anciennes possessions françaises
d'Afrique occidentale. Seulement, les dispositions relatives à
l'arbitrage contenues dans le livre III manquaient à
l'appel60.
En droit commercial, c'est suite aux décrets du 6 Aout
1907 et du 15 janvier 1910 que le Code du commerce de 1807 fut
déclaré applicable dans certains territoires d'outre-mer, puis
à l'ensemble de l'A.O. F et de l'A.E. F61. Plus tard,
grâce au décret du 16 mars 1954, la loi du 31 décembre 1925
complétant les dispositions du Code de commerce et autorisant la clause
compromissoire en matière commerciale fut déclarée
applicable à ces anciens
54 C.E.D.H, 24 Avril 1990, Kruslin et Huvig c.
France, J.C.P., 1990-II, 21.541, Note Jeandidier, D., 1990,01343, Note J.
PRADEL, cite par F. EDIMO, « L'incrimination du terrorisme en droit
Camerounais », Juridical tribune, Vol.6, ISSUE 1, June 2016, p.167.
55 Th. PIAZZON, La sécurité
juridique, op.cit., p.20.
56 R. AMOUSSOU-GUENOU, « Droit de l'arbitrage
en Afrique avant l'OHADA », in l'OHADA et les perspectives de
l'arbitrage en Afrique, Ph. FOUCHARD (Dir.), Bruylant Bruxelles, 2000,
p.27.
57 C. LUSSAN, Législation des
sociétés dans les territoires d'outre-mer et dans les territoires
associés (A.E. F-A.O. F-Madagascar-Togo-Cameroun), copyright by Claude
LUSSAN, 1953.20, Adde, M. JEOL, La réforme de la justice en Afrique
noire, Paris, éd. A. Pedone, 1963, R. AMOUSSOU-GUENOU, « Droit de
l'arbitrage en Afrique avant l'OHADA », Ibid.
58 Le Cameroun était soumis à un
statut particulier du fait qu'il fut placé après la seconde
guerre mondiale sous mandat français et anglais.
59 R. AMOUSSOU-GUENOU, Ibid.
60L. IDOT, Rev. Arb., 1989.530, V. R. AMOUSSOU-GUENOU,
Ibid.
61Encyclopédie juridique de l'Afrique
noire, les nouvelles éditions Africaines, ISTRA, 1982, 10 Vol.
Première partie, législation, V. R. AMOUSSOU-GUENOU,
Ibid.
Mémoire rédigé et soutenu par Jacques Delor
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L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des
activités économiques dans l'espace OHADA
territoires62. Toutefois, la clause compromissoire
ne sera autorisée que dans les cas prévus à l'article 631
alinéa 1er du Code de commerce à savoir : aux
contestations relatives aux engagements entre négociants, marchands et
banquier, aux contestations entre associés pour raison d'une
société de commerce et enfin aux contestations nées
d'actes de commerces parfaits, quel que soit la personne et à
l'égard de laquelle la compétence du tribunal de commerce est
exclusive63.
En droit administratif où le recours à
l'arbitrage pour la personne morale de droit public était proscrit en
principe, la loi française du 17 avril 1906 autorisa exceptionnellement
le recours à l'arbitrage pour régler les différends
relatifs aux marchés de fourniture de travaux publics64 .
Il ressort donc qu'en dehors de l'article 631 alinéa
1er du code de commerce, le recours à l'arbitrage
n'était prévu nul autre part. Le principe de
spécialité législative comportait donc des limites,
du fait de son application sélective, parcellaire et
incomplète65. C'est d'ailleurs ce qui expliquait la
disparité des règles d'un territoire a un autre, d'un ensemble
colonie à d'autres ou encore entre la métropole et ses
colonies66. Selon Roland AMOUSSOU-GUENOU « cette absence
d'extension législative complète et uniforme aux anciennes
colonies fut, après les années 1960, à l'origine de
l'embarras des juges étatiques africains amenés à statuer
en matière d'arbitrage »67. En effet, dès
les années 1960, par le biais de la continuité
législative, les Etats nouvellement indépendant
héritèrent du système français.
La continuité s'était opérée
activement dans certains Etats et passivement dans d'autres.
Les Etats ayant opté pour la continuité
active avaient procédés à l'introduction plus ou
moins complète, des dispositions relatives à l'arbitrage dans
leur code procédure civile tels qu'elles étaient en France lors
de leur accession à l'indépendance68 .
62 Décret no 54-325 du 16 mars
1954, Recueil annoté de textes de procédure civile et commerciale
applicable en Afrique occidentale française, de G. J. BOUVENET, Paris,
éd. De l'union française, 1954, V. R. AMOUSSOU-GUENOU,
Ibid.
63 R. AMOUSSOU-GUENOU, op.cit., p.30.
64 A. BOCKEL, « Les contrats administratifs :
données générales, le problème de l'arbitrage
», Encyclopédie juridique de l'Afrique, spec. 265, voir R.
AMOUSSOU-GUENOU, Ibid.
65 J. P. MOUSSERON, Le pouvoir et la justice en
Afrique noire francophone et à Madagascar, Paris, Pedone, 1966, p.
23. V. ég. K. AMEGA, « Dix ans de droit en Afrique noir »,
RTDA, 1972, p.285.
66 D. ARBACHI, note sous Cour Suprême du
Niger du 28 novembre, 1991, et Cour d'État du Niger du 13 octobre 1988,
RTDA, 1994, no 814, p. 108.
67 R. AMOUSSOU-GUENOU, op.cit., p.32.
68 Cameroun (art. 576 a 601 du Code de
procédure civile et commerciale du 16 décembre 1954), Gabon
(Art.972 a 993 du Code de procédure civile gabonais du 2 février
1977), Tchad (Art. 370 a 383 de l'ordonnance du 28
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L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des
activités économiques dans l'espace OHADA
S'agissant des Etats ayant opté pour la
continuité passive69, ceux-ci n'avaient pas recueillis
le droit français de l'arbitrage tel qu'il se présentait au
moment de leur accession à l'indépendance. Il y avait donc un
vide juridique en la matière qui traduisait une anomalie dans les
systèmes juridique de ces Etats, dans la mesure où, s'il existait
un texte qui autorisait bien que restrictivement la clause compromissoire
à savoir l'article 631 alinéa 1, on remarquait l'absence de
règles procédurales permettant à l'arbitrage de
fonctionner. Cette situation a été à l'origine d'une
hésitation jurisprudentielle en Côte d'ivoire. En effet, par
arrêt rendu le 17 mai 1985 dans l'affaire Talal Massi c /
Omais70, La Cour d'appel d'Abidjan, saisie des incidents
relatifs à l'exequatur d'une sentence arbitrale, avait conclu à
la régularité de l'ordonnance contestée. Aussi
déclara-t-elle qu'« il est clair que l'article 631 du Code de
commerce autorise la clause compromissoire voulue et acceptée par les
parties en cause, celles-ci ont même expressément renoncé
à tout recours aux tribunaux pour connaître de leurs
litiges éventuels (...). Les clauses compromissoires
insérées dans les protocoles d'accord ne sont nullement
contraires à l'ordre public ivoirien (...). Il s'ensuit que la sentence
présentement attaquée est valable ». D'avis
différent, Par un arrêt en date du 29 avril 1986, la Cour
suprême cassa la décision de la Cour d'Appel Abidjan, motifs pris
de ce que « Les parties peuvent insérer dans un acte qui les
lie, une clause compromissoire visant à une procédure
d'arbitrage, il n'en reste pas moins vrai que les conditions et les
modalités de cet arbitrage doivent être prévues par le
législateur. ». Par conséquent, bien que reconnaissant
validité des clauses compromissoires, la Cour suprême estimait
qu'à défaut de réglementation étatique en la
matière, la sentence arbitrale ne pouvait être validée.
Interprétation que la Cour d'Appel de Bouaké (Cour d'appel de
renvoi), refusa de suivre au regard de son arrêt rendu en date du 25
novembre 1987 dans lequel elle déclarait que « la sentence
arbitrale ne contenant rien de contraire à l'ordre public, c'est
à tort que l'ordonnance accordant l'exequatur à ladite sentence a
été rétractée ». Confrontée
à une telle résistance des juges du fond, la Cour suprême
dut se réunir en assemblée plénière pour adopter
une position définitive. C'est ainsi
juillet 1967 portant promulgation d'un Code de
procédure civile au Tchad), Togo (Art. 275 à 290 du Code de
procédure civile togolais du 15 mars 1982), Congo (Art. 310 de la loi
51/83 du 21 Avril 1983 réglant la procédure civile, commercial et
administrative), cf. P. MEYER, « Le droit de l'arbitrage »,
www.ohada.com, consulté
le 11 Février 2018 à 21h07, p.1.
69 Le Code de procédure du Benin du 23 mars
1981 ne contenait aucune disposition sur l'arbitrage, le Burkina Faso n'a
élaboré un code de procure qu'en 1999, le code de
procédure Malien du 18 Aout 1961 ne contenait aucune disposition sur
l'arbitrage, en Côte d'Ivoire, il n'existait pas de loi relative à
l'arbitrage, c'est le droit français qui s'appliquait (cf. cour
suprême de côte d'ivoire, 4 avril 1989, in Rev. Arb.,
1989.530, note L. IDOT).
70 Sur l'affaire TALAL MASSI c/ OMAIS, V. Rev. Arb,
1989, p. 530. Voir également YOUGONE Frank Nicéphore,
Arbitrage commercial international et développement : étude
du cas des Etats de l'OHADA et du MERCOSUR, Thèse,
Université MONTESQIEU-BORDEAU IV, 2013, pp. 64-65.
Mémoire rédigé et soutenu par Jacques Delor
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L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des
activités économiques dans l'espace OHADA
que par un arrêt du 4 avril 1989, elle consacrait la
licéité et la validité de la sentence arbitrale. En se
fondant sur les motifs suivants : « Après avoir
énuméré les contestations qui sont de la compétence
des tribunaux de commerce, l'article 631 du Code de commerce dispose en son
alinéa 2 que toutefois, les parties pourront au moment où elles
contractent, convenir de soumettre à des arbitres les contestions
ci-dessus énumérées lorsqu'elles viendront à se
produire. Qu'il s'induit de ce texte que le principe du recours à
l'arbitrage est admis en Côte d'Ivoire ; Que s'il est constant que le
code de procédure civile, commerciale et administrative n'a ni
prévu, ni organisé l'arbitrage, il est non moins constant que
pour l'application dudit texte, les juridictions ivoiriennes ont recours soit
aux principes généraux du droit , soit aux dispositions du livre
III du code de procédure civile français à titre de raison
écrite ; Qu'il s'ensuit que la Cour d'appel, en déclarant
valables la clause compromissoire et la sentence qui en résulte n'a
aucunement violé les textes au moyen ».
C'est donc face à toutes ces hésitations
jurisprudentielles que le législateur ivoirien, s'inspirant des reformes
opérées en France en 1981 a réagi en adoptant la loi n
° 93/671 du 3 août 1993 relative à l'arbitrage.
Dans les pays anglophones régis par l'«
indirect rule », à contrario du système
français, l'extension législative portait sur l'ensemble du droit
processuel anglais tel qu'il était en vigueur en Angleterre à la
date de son introduction dans les colonies. À l'opposé de la
France, l'Angleterre avait étendu à toutes ses colonies
l'ancienne `'arbitration act» de 188971.
Il ressort donc que l'extension sélective du droit
français, l'absence de procédure permettant de mettre en oeuvre
l'arbitrage dans certains États, le silence de certaines
législations en matière d'arbitrage72, la
référence à l'article 631 du code de commerce de 1807 qui
était déjà dépassé et inadapté, le
caractère désuet, éparpillé et incomplet de
certaines législations sur l'arbitrage étaient source
d'insécurité juridique pour les opérateurs
économiques désireux d'investir en Afrique. Cette
insécurité juridique se matérialisait par les incertitudes
et les incohérences qui rendaient difficile l'accès à ce
mode de règlement des différends, voire impossible, alors
même qu'il est considéré en matière d'investissement
comme la garantie la plus précieuse qui puisse être
accordée à un investisseur73. Aussi, en ayant recours
à la technique de l'harmonisation, les États de l'OHADA se sont
dotés d'une
71 R. AMOUSSOU-GUENOU, op.cit., pp.36-37.
72 Notamment dans les Etats lusophones (Cap vert,
guinée Equatorial, etc.)
73 Ph. KAHN, « Les problèmes juridiques
de l'investissement dans les pays de l'ancienne Afrique française
», JDI, 1965, P.340.
Mémoire rédigé et soutenu par Jacques Delor
Bikoi Page 18
L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des
activités économiques dans l'espace OHADA
législation supranationale en matière
d'arbitrage. Cette supranationalisation a permis d'obtenir un droit unique de
l'arbitrage74 dans les États parties, des règles de
procédure75 lisibles, intelligibles et dotées d'une
clarté non négligeable, eu égard de leurs
rédactions en des termes simples et précis, les rendant
facilement compréhensibles et donc substantiellement ou
intellectuellement accessibles à tout acteur économique
désireux de ne pas recourir à la justice étatique pour
régler les différends nés de ses opérations.
Des lors, pour pasticher le conseil d'État
français76, on peut soutenir que la supranationalité
du droit de l'arbitrage OHADA permet aux investisseurs nationaux et
étrangers d'être sans que cela appelle de leur part des efforts
insurmontables, en mesure de déterminer ce qui est permis et ce qui est
défendu en matière arbitrale.
B. L'accessibilité matérielle
Si le principe de sécurité juridique exige que
les règles de droit soient suffisamment lisibles, claires et
intelligibles, il exige également que les destinataires desdites
règles soient en mesure d'en connaitre le contenu. Voilà pourquoi
Xavier SOUVIGNET écrivait que « sans un minimum
d'accessibilité et d'intelligibilité de la règle de droit,
il n'y a qu'arbitraire et chaos, c'est-à-dire le contraire même du
droit »77. L'auteur faisant référence
à l'accessibilité matérielle ou formelle, seconde facette
de la notion d'accessibilité, cette dernière signifie
positivement que les usagers du droit aient la possibilité
d'accéder matériellement au corpus des règles
juridiques78. Négativement, elle implique l'absence
d'obstacle à l'accès matériel de la règle de droit
et donc à « la faculté de ses destinataires de la
débusquer »79.
Considéré de la sorte, le droit ne doit
être ni mystique ni ésotérique. Il doit faire l'objet de
publicité afin que ses destinataires puissent connaitre ce qu'il
autorise et ce qu'il interdit. Ainsi, sans être une condition d'existence
de la règle de droit, l'accessibilité formelle ou
matérielle constitue une condition de son acceptabilité, au mieux
de sa légitimité80. La règle de droit ne
saurait donc être opposable à ses destinataires avant qu'ils
n'aient la possibilité d'en prendre connaissance.
74 Il s'agit de l'Acte uniforme relatif à
l'arbitrage.
75 AUA et le règlement d'arbitrage de la Cour
commune de justice et d'arbitrage.
76 Rapport du conseil d'État Français de
2006 sur la sécurité juridique.
77 X. SOUVIGNET, « L'accès au droit,
principe du droit, principe de droit », Jurisdoctoria, no1,
2008, p.23.
78 Th. PIAZZON, La sécurité
juridique, op.cit., p.18.
79 N. MOLFESSIS, « La sécurité
juridique et l'accès aux règles de droit », RTD civ. 2000,
p.662.
80 E. CARTIER, « Accessibilité et
communicabilité du droit », Jurisdoctoria, no1, 2008,
pp. 169-175.
Mémoire rédigé et soutenu par Jacques Delor
Bikoi Page 19
L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des
activités économiques dans l'espace OHADA
En droit OHADA, l'accessibilité matérielle est
au coeur de la réflexion juridique. Garanti par le principe de
publicité des actes uniformes, l'Acte uniforme relatif au droit de
l'arbitrage et le règlement d'arbitrage de la CCJA ne sauraient
déroger à la règle, aussi ne peuvent- ils être
opposables aux États parties que pour autant qu'ils aient fait l'objet
de mesures de publicité adéquates. À ce titre, les lois ne
pouvant obliger sans être connues81, la procédure de
publicité des Actes uniformes est réglementée par le
traité OHADA qui prévoit que ceux-ci sont publiés au
journal officiel de l'OHADA par le Secrétariat Permanent dans les
soixante jours suivant leur adoption82. Cette publicité faite
au plan communautaire est complétée au plan national par la
publication des Actes uniformes au journal officiel des Etats parties ou par
tout autre moyen approprié83
Relativement aux termes « tout moyens
appropriés », l'organisation s'est dotée d'un journal
officiel en sus celui existant dans chaque État partie, d'un site
internet84, des codes annotés dans lesquels on trouve la
toute la législation OHADA85, d'un répertoire de
jurisprudence et enfin d'une revue86 ou l'on pourrait retrouver des
articles de doctrines axés sur l'arbitrage de l'OHADA87. Tous
ces moyens facilitent l'accessibilité matérielle du droit de
l'arbitrage commun à l'ensemble des États de l'organisation.
Dès lors, si on peut retenir que la supranationalité constitue un
facteur d'accessibilité intellectuelle et matérielle du droit de
l'arbitrage de l'OHADA, il reste de démontrer quelle en est
également une source de prévisibilité et de
stabilité.
Paragraphe 2 : La supranationalité comme source
de prévisibilité et de stabilité du droit de
l'arbitrage dans l'espace OHADA
Dans l'optique de faciliter notre démonstration, nous
commencerons par examiner la prévisibilité(A) et terminerons avec
la stabilité(B) ; le tout à l'aune de la supranationalité
de l'arbitrage OHADA.
81 J. E. M. PORTALIS, Discours préliminaire
du premier projet de code civil,
www.justice.gc.ca,
Consulté le 9 Aout 2019 à 3h12.
82 Art.9 al.1.
83 Ibid. al. 2.
84www.Ohada.com
85 Il s'agit des codes commentés (vert et
bleu).
86 La revue de l'ERSUMA.
87 Cf. A. POLO, « Présentation du site
internet de l'OHADA », Rev. Cam. Arb, no 2,
Juillet-Aout-Septembre 1998, p.20.
Mémoire rédigé et soutenu par Jacques Delor
Bikoi Page 20
L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des
activités économiques dans l'espace OHADA
A. La supranationalité comme source de
prévisibilité du droit de l'arbitrage dans l'espace
OHADA
Dans ses rapports avec le temps, la règle de droit doit
permettre à ses destinataires, de prévoir les conséquences
juridiques de leurs actions. Ces derniers doivent donc pouvoir compter sur
leurs prévisions, lorsqu'ils actualisent leurs actions dans la
durée88. Vu dans ce sens, la prévisibilité
renferme les règles de non rétroactivité et de respect des
situations acquises.
S'agissant de la non rétroactivité de la
règle de droit, ce principe signifie que les lois n'ont d'effets que
pour l'avenir et ne devrait donc pas régir les situations
antérieures. Quant au respect des situations acquises, il s'agit d'une
règle qui commande que le changement de la loi ou d'un droit ne doit pas
constituer une menace pour les situations légitimement acquises. Le
droit étant le jouet et l'instrument des passions, la remise en cause de
ce qui a été fait et légalement fait constitue une des
pires menaces qui puisse peser sur les rapports des hommes les uns envers les
autres89. La sécurité juridique exige donc que ces
règles soient respectées.
Dans l'espace OHADA, la supranationalité du droit de
l'arbitrage constitue une source de prévisibilité de ce droit. En
effet, l'article 35 AUA dispose « le présent acte uniforme
tient lieu de loi relative à l'arbitrage dans les États parties.
Il n'est applicable qu'aux procédures arbitrales entrées
après son entrée en vigueur »90. Ainsi, les
usagers de l'arbitrage peuvent donc sans crainte effectuer leurs
prévisions sur la base du texte en vigueur au moment de la
réalisation de leurs transactions. Dans un Arrêt No
001/2002 du 10 janvier 2002, la CCJA a eu l'occasion de se prononcer sur la non
rétroactivité de l'AUA et du respect des situations acquises en
ces termes « attendu en l'espèce que l'acte uniforme relatif au
droit de l'arbitrage auquel se réfère la requérante a
été adopté le 11 mars 1999 ; qu'il édicté en
son article 35 que « le présent acte uniforme tient lieu de loi
relative à l'arbitrage dans les États parties. Celui-ci n'est
applicable qu'aux instances nées après son entrée en
vigueur » ; que l'alinéa 2 de l'article 36 du même acte
uniforme précise qu'« il entrera en vigueur
88 Ab. KA, op.cit.
89 B. de JOUVENEL, Du pouvoir, Hachette
littérature, coll. Pluriel, 1972, p.511.
90 Cette disposition est contenue dans le nouvel
acte uniforme de 2017 et est identique à celle qui se trouvait dans
celui de 1999.
Mémoire rédigé et soutenu par Jacques Delor
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L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des
activités économiques dans l'espace OHADA
conformément aux dispositions de l'article 9 du
traité relatif à l'harmonisation du droit des affaires en Afrique
» ;
Attendu qu'au regard des dispositions
susmentionnées, il apparait clairement que l'acte uniforme
susvisé ne pouvait être applicable à l'instance du fait
même de l'antériorité de celle-ci ; qu'en effet, la date
prononcée de la sentence arbitrale le 19 mars 1999, ledit acte uniforme
n'était pas encore entré en vigueur (...) qu'il échet en
conséquence de se déclarer incompétent et de renvoyer la
requérante à mieux se pourvoir »91. Nous
pouvons donc soutenir que la supranationalité a favorisé la mise
en place d'un régime de publicité qui garantit la
prévisibilité du droit de l'arbitrage dans l'espace OHADA.
B. La supranationalité comme source de
stabilité du droit de l'arbitrage dans l'espace OHADA
Comme les exigences d'accessibilité et de
prévisibilité, la stabilité est une facette de la
sécurité juridique. Elle est essentielle à un point ou le
Conseil d'État français a pu dire que les lois jetables ne
sauraient être respectables92. Le Doyen RIPPERT, l'un des plus
fervent défenseurs des vertus de la stabilité du droit
écrivait : « le droit qui prend sa valeur dans la
continuité y prend également sa légitimité
»93, ou encore qu'on ne devrait pas s'imaginer que le
droit soit autre chose qu'ordre et continuité, ni que le monde puisse
vivre le bonheur en l'absence de sécurité que confère le
droit94. Cependant, plus qu'une insécurité
véritable, l'instabilité du droit renvoie à un sentiment
d'insécurité95. Il s'agit d'une insinuation dans
l'esprit des usagers du droit, une suspicion de l'existence de
l'insécurité pour leur situation personnelle. Le Doyen CARBONIER
parlait de la création par l'instabilité du droit, d'une
situation d'inquiétude et d'anxiété juridique chez ses
destinataires, quand bien même leurs situations juridiques personnelles
ne seraient pas en cause96.
91 CCJA, Arrêt No001/2002 du 10
janvier 2002, Affaire Compagnie des transports de MAN dite CMT/c Compagnie
d'Assurance COLLINA S.A, Rev. Cam. Arb., n° 19, Octobre- Novembre-
Décembre 2002, pp.10 et s.
92 CE, « De la sécurité juridique
», in rapport public, 1991, p.31.
93 G. RIPPERT, Les forces créatrices du
droit, LGDJ, 2ème éd., 1955, N°1, p.2.
94 G. RIPPERT, Le déclin du droit :
étude sur la législation contemporaine, LGDJ, 1949,
p.154.
95 Th. PIAZZON, La sécurité
juridique, Tome 35, op.cit., p.37.
96 J. CARBONIER, « La part du droit dans
l'angoisse contemporaine », Encyclopédie française, Le
monde en devenir, Tome XX, Paris, Larousse, 1959, pp.187 et s.
Mémoire rédigé et soutenu par Jacques Delor
Bikoi Page 22
L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des
activités économiques dans l'espace OHADA
Pour Thomas PIAZZON, « l'instabilité est
l'absence de changement du contenu de la règle par celui qui a
compétence pour la modifier »97. Selon cet auteur
l'instabilité résulte de la modification des solutions
apportées aux problèmes déjà connus et
réglés par le droit positif. Ce qui impliquerait qu'au coeur
même de la notion d'instabilité, se trouve l'idée de
pathologie. Ainsi, loin de porter sur le changement entant que tel de
l'état du droit positif, qui peut être modifié dès
lors qu'il cesse de protéger les usagers, le véritable
problème est lié à la multiplication des changements,
étant donné que la règle de droit, qu'elle soit
législative ou jurisprudentielle, trouve une bonne partie de sa valeur
dans la stabilité98. René DEMOGUE, dans le même
sens, soutenait qu'il n'y a rien qui s'oppose le plus au respect et à
l'idée même du droit que l'instabilité législatives
et juridique ; que de ce fait, le droit étant la charpente solide des
sociétés humaines, des modifications ne doivent y être
introduites qu'à bon escient et après des études
approfondies et ample réflexion99.
Selon le Professeur Anne LEVADE, l'instabilité du droit
renvoie à un aspect purement quantitatif, ce qui suppose l'inflation
normative ou la multiplicité des normes100. Découlant
de la prolifération des normes, l'inflation normatives est parfois
source de désordre et peut s'avérer être la cause du
défaut de clarté des règles, des incohérences, des
contradictions, d'interprétation qui contrastent, en gros
d'insécurité juridique.
Dans l'espace OHADA, soucieux de créer un environnement
juridique et judiciaire favorable au développement, les États de
l'OHADA ont renoncé à une partie de leur souveraineté au
double plan législatif et judiciaire101. Par cette
démarche, ces derniers ont confié au législateur
communautaire le soin de légiférer sur l'ensemble des
matières qui ressortissent du droit des affaires, ce qui a permis la
création des règles de droit supranationales, parmi lesquelles
celle relative à l'arbitrage. En effet, directement applicable et
obligatoire dans les États parties, nonobstant toute disposition
contraire de droit interne, antérieure ou
postérieure102, l'AUA est doté d'une force abrogatoire
qui fait de lui le droit commun de l'arbitrage dans l'espace juridiquement
intégré. C'est d'ailleurs ce qui ressort de l'article 35
alinéa 1er de ce texte qui dispose : « le
présent acte uniforme tient lieu de loi
97 Voir Th. PIAZZON, op.cit., p.32.
98 Ibid.
99 Référence à
Courcelles-Seneuil, in Les notions fondamentales du droit privé :
Essai critique, éd. A. Rousseau, Paris, 1911, p. 110.
100 A. LEVADE, op.cit., p .9.
101 G. K. DOUAJNI, « L'abandon de souveraineté
dans le traité OHADA », in Recueil Penant, N°830,
Mai-Août 1999, p.1.
102 Cf. art 10 du Traité OHADA
Mémoire rédigé et soutenu par Jacques Delor
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L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des
activités économiques dans l'espace OHADA
relative à l'arbitrage dans les États
parties ». On assiste donc à la neutralisation du pouvoir
normatif des États parties, qui se traduit par la prévention de
toute tentative de changement ou de modification intempestives des
règles applicables à l'arbitrage ou encore d'une
éventuelle inflation normative en la matière dans l'espace OHADA.
Vu sous cet angle, il sied de reconnaitre que la supranationalisation favorise
la stabilité du droit de l'arbitrage dans l'espace juridiquement
intégré. D'ailleurs, la toute première réforme de
l'AUA de 1999 n'a eu lieu que récemment103.
In fine, il ressort des développements qui
précèdent que la supranationalisation du droit de l'arbitrage
dans l'espace communautaire a permis d'obtenir des règles accessibles,
prévisibles et stables ; cela au bénéfice des
investisseurs qui, désormais, ont la possibilité d'accéder
substantiellement et matériellement aux règles applicables
à l'arbitrage dans l'OHADA, d'effectuer leurs prévisions sur la
base du droit en vigueur et de passer des opérations économiques,
sans crainte des changements intempestifs des règles ou d'une
éventuelle inflation normative en matière d'arbitrage. On peut
donc soutenir que la consécration d'un droit supranational de
l'arbitrage constitue une source de sécurité juridique des
transactions économiques dans l'espace OHADA. Cette
sécurité juridique est d'autant plus garantie par
l'originalité et le modernisme de l'arbitrage communautaire.
Section 2 : L'originalité et le modernisme de
l'arbitrage OHADA : un gage de sécurité juridique dans l'espace
OHADA
Dans son rapport relatif au projet d'harmonisation du droit
des affaires, le juge KEBA M'BAYE pointait du doigt la vétusté
des textes comme source d'insécurité juridique104.
Comme nous l'avons indiqué105, le droit de l'arbitrage
était marqué par cette réalité. Aussi dans le but
d'en faire une meilleure garantie pour les opérateurs
économiques, les États parties au traité OHADA se sont
dotés d'un droit de l'arbitrage faisant preuve à la fois
d'originalité (Paragraphe1) et de modernisme (Paragraphe 2), assurant de
ce fait en leur sein une sécurité juridique certaine.
103 Les actes uniformes ne peuvent être modifiés
que dans les conditions prévues par les articles 7 à 9 du
Traité et à la demande de tout État partie. Celui relatif
au droit de l'arbitrage datant du 11 mars 1999 a été
modifié le 23 novembre 2017.
104 A. POLO, « L'OHADA : histoire, objectif, structure
», in L'OHADA et les perspectives de l'arbitrage en Afrique,
op.cit., 2010, p.10.
105 V. Supra, p.2.
Mémoire rédigé et soutenu par Jacques Delor
Bikoi Page 24
L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des
activités économiques dans l'espace OHADA
Paragraphe 1 : l'originalité du droit de
l'arbitrage OHADA
L'originalité du droit de l'arbitrage OHADA tient de
l'érection d'un principe de l'unité du régime juridique
(A), que le législateur africain a tout de même voulu limiter (B),
compte tenu des réalités du commerce international.
A. L'érection du principe de l'unité du
régime juridique de l'arbitrage dans le droit OHADA
Il est établi que le régime juridique de
l'arbitrage trouve souvent son fondement dans le caractère interne ou
international du litige. En droit OHADA, le législateur communautaire a
opté pour l'unité du régime juridique en disposant
à l'article 1erAUA que « le présent acte
uniforme a vocation à s'appliquer à tout arbitrage lorsque le
siège du tribunal arbitral se trouve dans l'un des Etats parties
». De ce fait, contrairement à d'autres
législations106, le législateur africain n'accorde
aucune distinction entre l'arbitrage interne et l'arbitrage international de
droit privé107. Selon certains auteurs, « la
distinction entre l'arbitrage interne et l'arbitrage international est depuis
longtemps menacée par deux phénomènes : les protagonistes
veulent de plus en plus s'évader des lois étatiques, les
règles spécifiques à l'arbitrage international
exerçant une attraction sur l'arbitrage interne »108.
Aussi, compte tenu du caractère internationaliste très
poussé dont fait montre la loi uniforme qui a vocation à
s'appliquer à l'ensemble des États parties, établir une
nouvelle frontière entre cet espace et les autres pays du monde peut
s'avérer inutile et dangereux109. C'est dire que
l'unité du régime est porteuse de plusieurs avantages. En effet,
elle permet d'épargner aux juristes la difficulté qu'il y a
à définir et à établir le critère
d'internationalité qui varie très souvent en fonction des pays.
À ce titre, il sied de rappeler que l'internationalité est
évoquée pour marquer la différence entre un arbitrage
national ou interne et celui qui traverse les frontières nationales.
Ainsi, deux critères utilisés séparément ou
cumulativement, permettent de définir le concept
d'internationalité : l'un juridique et l'autre économique.
Juridiquement, la détermination de l'internationalité de
l'arbitrage consiste à porter l'attention sur les parties
(nationalité,
106 La France, la suisse, le Danemark, l'Irlande etc.
107 L'arbitrage international pris au sens strict
désigne un arbitrage dont les parties sont des sujets de droit
international. Il s'agit d'un arbitrage de droit public international.
Cependant, l'arbitrage international désigné également
l'arbitrage de droit international de droit privé donc qui
découle d'une relation juridique privée. V. P. MEYER, « Le
droit de l'arbitrage », op.cit., p.9.
108 P-G. POUGOUE et G. K. DOUAJNI, « Notion d'arbitrage
», Encyclopédie du droit OHADA, Lamy, 2012, p.1198.
109 A. BA, « Droit de l'arbitrage OHADA- session de
formation des formateurs auxiliaires de justice (greffiers, huissiers de
justice) », module 1 ; du 9 au 21 juillet 2001.
Mémoire rédigé et soutenu par Jacques Delor
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L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des
activités économiques dans l'espace OHADA
domicile, siège social), sur les modalités du
contrat à savoir le lieu de conclusion ou d'exécution voir
même sur lieu de l'arbitrage. Économiquement,
l'internationalité de l'arbitrage est fondée sur la nature du
litige de telle sorte qu'il mette en cause les intérêts du
commerce international. Tel est d'ailleurs la conception qui a
été retenue par la jurisprudence française110.
Certains pays ont plutôt opté en faveur du cumul des deux
critères. C'est le cas notamment de la Guinée et de
l'Algérie111.
Le système moniste permet également
d'éviter la question délicate de la qualification du litige.
Aussi devient-il inutile de rechercher les critères de distinction entre
un fait national et un fait international, justifiant par conséquent le
caractère de l'arbitrage112. C'est donc dire que l'approche
unitaire a pour avantage de rompre avec l'utilité de la
définition de l'internationalité de l'arbitrage et comme le
relevait le Professeur FOUCHARD dans le rapport de synthèse sur
l'arbitrage OHADA, lors d'une conférence tenue à Alexandrie :
« C'est évident, il est plus simple, en soi de n'avoir qu'un seul
corps de règles. Mais c'est surtout lors de leur mise en oeuvre
(règles) que cet avantage est tangible, car le dualisme oblige à
se prononcer sur un problème de qualification : l'arbitrage est-il
interne ou international ? La difficulté est plus ou moins grande selon
le critère retenu pour distinguer arbitrage interne et arbitrage
international »113. Nous pensons donc que l'unité
du régime juridique participe au renforcement de la
sécurité juridique des activités économiques dans
l'espace OHADA eu égard du fait qu'il, permet de faciliter la mise en
oeuvre du droit communautaire de l'arbitrage.
B. L'exception au principe de l'unité du
régime juridique de l'arbitrage dans le droit OHADA
S'il est certain qu'elle présente des avantages
considérables, il demeure également vrai que l'unité de
régime juridique entre arbitrage interne et international ne peut
qu'être relative, l'assimilation complète des deux types
d'arbitrage étant impossible. Selon MOUSSA Diakité «
elle peut, sans nul doute, concerner la procédure arbitrale mais elle ne
peut pas porter sur
110 V. D. MOUSSA, L'arbitrage institutionnel OHADA,
instrument émergent de sécurisation juridique et judiciaire des
activités économiques en Afrique, Thèse,
Université Toulouse Capitole, 2016, p.62. V. ég. C.A de Paris, 17
ère ch. Civ. 17 janv. 2002, S.A Omenex c /Hugon, Rev. Arb.,
2002, n°2, note J-B RACINE, pp.391 et s.
111 Cf. art 1183 du code guinéen des activités
économiques et 458 bis du code de procédure civil
algérien
112 Ab. DIALLO, Réflexion sur l'arbitrage dans
l'espace OHADA, op.cit., p.32.
113 Ph. FOUCHARD, « Quand un arbitrage est-il
international ? », conférence au comité Français de
l'arbitrage, revue arbitrale 1970, p 75 ; P. FAUCHARD, « La notion
d'arbitrage commercial international », J-ch. dr. intern., 1989,
fasc.585-1, cité par Ab. DIALLO, Ibid.
Mémoire rédigé et soutenu par Jacques Delor
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L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des
activités économiques dans l'espace OHADA
le droit applicable au fond du litige (...)
»114. Dans le même esprit, Abdou DIALLO
écrivait qu'« une bonne illustration de l'inopportunité
d'une fusion totale des deux réglementations est fournie par le droit
applicable au fond. Ce dernier peut sans nul doute concerner la
procédure arbitrale mais dans le cas d'un litige interne n'ayant aucun
élément d'extranéité, elle ne peut pas porter sur
le droit applicable au fond du litige comme le prévoit l'article 15
alinéa 1 de l'acte uniforme »115. À notre
sens, cette conception est juste, étant donné qu'en droit
international privé, le problème du choix de la loi applicable au
fond du litige ne se pose que dans une relation qui présente un
élément d'extranéité ; ce qui n'est nullement le
cas dans les relations purement internes. Aussi la question du droit que le
tribunal arbitral devra appliquer pour la résolution d'un litige au fond
ne se pose que pour l'arbitrage de droit international de droit
privé116. C'est donc fort de cette réalité que
le législateur Africain a voulu limiter le régime moniste
à la procédure arbitrale. L'article 15 alinéa
1erAUA dispose : « le tribunal arbitral tranche le fond du
litige conformément aux règles de droit choisies par les parties.
À défaut de choix par les parties, le tribunal applique les
règles de droit qu'il estime les plus appropriées en tenant
compte, le cas échéant, des usages du commerce international
»117. Selon messieurs Diakité MOUSSA118
et Abdou Diallo119, cette disposition prête à confusion
étant entendu que pour eux, tel qu'elle est libellée, le choix du
droit applicable par les parties ou par l'arbitre n'est pas limité au
litige international. Aussi se demandent- ils, si les rédacteurs de
l'Acte Uniforme ont voulu conférer une telle liberté pour les
relations purement internes. Auquel cas cela serait absolument contraire au
droit international privé qui pose comme condition d'application des
règles de conflit, l'élément
d'extranéité.
À notre avis, cette interrogation ne saurait être
pertinente étant entendu qu'elle découle d'une
interprétation littérale. L'article 15 al.1er ne
devrait pas être interprété comme une extension
législative, de la liberté de choisir le droit applicable au fond
du litige, aux relations purement internes. Nous pensons que cette disposition
doit faire l'objet d'une interprétation téléologique qui
reflète la véritable intention du législateur africain
qui, n'est surtout pas de contrarier les règles du droit international
privé, la question de la règle de conflit ne se posant
114 D. MOUSSA, op.cit., p.66.
115 Ab. DIALLO, op.cit., p. 34.
116 P. MEYER, op.cit., p.7.
117 Tel est le libellé du nouvel AUA de 2017.
118 D. MOUSSA, op.cit., p.66.
119 Ab. DIALLO, op.cit.
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L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des
activités économiques dans l'espace OHADA
pas en matière interne. Il s'agit plutôt, suivant
l'esprit du législateur, d'une limite tacite au principe de
l'unité du régime juridique de l'arbitrage OHADA. Vu sous ce
prisme, la mise en oeuvre de l'article 15 al.1erne peut être
effective que dans le cadre des litiges internationaux. Ainsi, c'est en vue
d'arrimer l'AUA aux spécificités du commerce international que le
législateur africain à limité le principe de
l'unité du régime juridique.
En définitive, l'unité du régime
juridique de l'arbitrage et son encadrement se présentent comme une
originalité remarquable qui, compte tenu de l'objectif
d'intégration économique et juridique régionale poursuivi
par l'OHADA, permettent une unification maximale du droit des affaires, en
supprimant tout risque de conflit de lois120. En cela, une telle
originalité constitue un gage de sécurité juridique des
transactions économiques, eu égard de ce qu'elle pose les jalons
d'un arbitrage adapté à l'évolution mondiale du commerce.
Cette adaptation est d'ailleurs renchérie par le modernisme indiscutable
donc fait preuve le système d'arbitrage.
Paragraphe 2 : Le modernisme de l'arbitrage OHADA
Le monde des affaires a besoin d'un environnement stable et de
règles juridiques capables de lui apporter de la
sérénité et de la fluidité. Fort de cette
réalité, les États de l'OHADA se sont dotés d'un
droit de l'arbitrage moderne, le but étant de fournir des garanties
suffisantes aux opérateurs économiques du commerce interne et
international. Vecteur de sécurité juridique, ce modernisme est
marqué d'une part, par l'extension de l'arbitrabilité subjective
aux personnes morales de droit public (A) et par la prise en compte de la
lex mercatoria dans l'arbitrage OHADA d'autre part (B).
A. L'extension de l'arbitrabilité subjective121aux
personnes morales de
droit public
Les personnes morales de droit public à savoir
l'État et ses démembrements que sont les collectivités
territoriales décentralisés et les établissements publics
administratifs, sont considérés comme des acteurs majeurs du
monde des affaires. En vue d'assurer leurs missions de service public, elles
sont très souvent amenées à conclure des conventions
avec
120 V. Ph. FOUCHARD, « Le système d'arbitrage de
l'OHADA: le démarrage », Petites affiches, 13 octobre 2004, n°
205, p. 52.
121 Le terme arbitrabilité est propre à
l'arbitrage. Il revoit aux types de litiges qui peuvent être soumis
à l'arbitrage ou à la catégorie des personnes susceptibles
d'être partie à une procédure arbitrale. On parle donc dans
le premier cas de l'arbitrabilité objective et dans le second de
l'arbitrabilité subjective.
Mémoire rédigé et soutenu par Jacques Delor
Bikoi Page 28
L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des
activités économiques dans l'espace OHADA
des entreprises étrangères ou nationales.
Conclus soit par elles même, soit par le biais de leurs
sociétés commerciales qualifiées d'entreprises publiques
ou d'établissements publics à caractère industriel et
commerciale, ces contrats peuvent porter sur la réalisation des ouvrages
d'intérêt général, tout comme ils peuvent être
d'un caractère purement commercial. Il se pose donc le problème
de l'accès à l'arbitrage par les personnes morales de droit
public, eu égard au rapport de force qui existe entre ces derniers et
les particuliers avec qui ils contractent. C'est donc l'occasion de rappeler
qu'avant l'avènement de l'OHADA, le principe était la restriction
de la faculté de compromettre à l'arbitrage international. Ainsi,
il n'était en principe pas permis aux personnes morales de droit public
de conclure une convention d'arbitrage dans le cadre d'un arbitrage interne.
Cette restriction fut d'abord consacrée par le juge français et
après par le droit international.
En France, c'est la jurisprudence Myrtoon
Steamship122 , rendue par la Cour d'appel de Paris le 10 avril
1957 qui consacra les restrictions apportées en droit interne à
l'arbitrabilité des litiges concernant des personnes de droit public. En
l'espèce, la Cour avait jugé pour la première fois que
« la prohibition faite à l'État de compromettre est
limitée aux contrats d'ordre interne et sans application pour les
conventions ayant un caractère international » et que
« l'interdiction qui résultait des articles 83 et 1004 du Code
de procédure civile n'est pas d'ordre international ».
Plusieurs autres arrêts confirmatifs de cette solution seront
rendus, parmi lesquels le plus célèbre, l'arrêt
Galakis, du 2 mai 1966123. Dans cette affaire, la Cour de
Cassation rejeta le pourvoi en cassation en estimant qu' « attendu que
la prohibition dérivant des articles 83 et 1004 du Code de
procédure civile ne soulève pas une question de capacité
au sens de l'article 3 du Code civil ; que la Cour d'appel avait seulement
à se prononcer sur le point de savoir si cette règle,
édictée pour les contrats internes, devait s'appliquer
également à un contrat international passé pour les
besoins et dans des conditions conformes aux usages du commerce maritime ; que
l'arrêt attaqué décide justement que la prohibition
susvisée n'est pas applicable à un tel contrat et que par la
suite, en déclarant valable la clause compromissoire souscrite ainsi par
une personne morale de droit public, la Cour d'appel, abstraction faite de tous
autres motifs qui peuvent être regardés comme surabondants, a
légalement justifié sa décision
»124.
122 V. JDI, 1958, p. 1002 avec une note de B. GOLDMAN. V.
ég. F. Y. NICÉPHORE, op.cit., p. 103.
123 V. B. ANCEL et Y. LEQUETTE, op.cit., p. 401.
124 Arrêt Galakis Cass. Civ. 2 mai 1966, Grands
arrêts, n° 44.
Mémoire rédigé et soutenu par Jacques Delor
Bikoi Page 29
L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des
activités économiques dans l'espace OHADA
Le droit administratif français interdit
également le recours à l'arbitrage aux personnes
publiques125. Dans un avis Eurodisney du 6 mars 1986, le Conseil
d'État avait estimé que ce principe résulte des «
principes généraux du droit public français,
confirmés par les dispositions du premier alinéa de l'article
2060 du Code civil que sous réserve des dérogations
découlant des dispositions expresses ou, le cas échéant,
de conventions internationales incorporées dans un ordre juridique
interne, les personnes morales de droit public ne peuvent pas se soustraire aux
règles qui déterminent la compétence des juridictions
nationales en remettant à la décision d'un arbitre la solution
des litiges auxquels elles sont parties et qui se rattachent à des
rapports relevant de l'ordre juridique interne »126. Selon
le Conseil d'État, ce principe est fondé sur la crainte que les
intérêts des personnes publiques ne soient pas aussi bien
protégés par les arbitres que par les juridictions
étatiques et aussi d'empêcher qu'elles puissent apparaître
comme se défilant de ces juridictions127.
En droit international, l'article II alinéa 1de la
Convention européenne de Genève du 21 avril 1961 sur l'arbitrage
commercial international énonce que «(...) les personnes
morales qualifiées, par la loi qui leur est applicable, de `'personnes
morales de droit public» ont la faculté de conclure valablement des
conventions d'arbitrage ». De même, la Convention de Washington
du 18 mars 1965 pour le Règlement des Différends relatifs aux
Investissements entre États et ressortissants d'autres États qui
a été ratifiée par de nombreux États qui
constituent aujourd'hui l'OHADA, démontre que la plupart des
États ne considèrent pas que les litiges pouvant les opposer
à des investisseurs étrangers ne sont pas
arbitrables128. Telle était l'état de la question dans
les états francophones antérieurement à l'OHADA. Aussi,
les innovations apportées par l'AUA peuvent être qualifiées
d'inédites.
À ce titre, l'article 2 alinéa 2
AUA129 dispose : « les Etats et les collectivités
publiques territoriales, les établissements publics et toute autre
personne morale de droit public peuvent également être parties
à un arbitrage, quelle que soit la nature juridique du contrat,
sans
125 V. R. CHAPUS, Droit du contentieux administratif,
Paris, Montchrestien, 13e édition, 2008, p. 268 et s., F.Y
NICÉPHORE, Ibid.
126 V. l'avis Eurodisney du 6 mars 1986 du Conseil
d'État, Section Travaux publics, avis n° 339710, in Études
et Documents du Conseil d'État, n° 38, 1987, p. 178. V. aussi les
conclusions du Conseil d'État dans l'arrêt Cie des chemins de fer
du Nord du 17 mars 1893. Le conseiller d'État LAFFERIERE a écrit
à propos de cette affaire qu'« il est de principe que
l'État ne peut pas soumettre ses procès à des arbitrages,
tant en raison des conséquences aléatoires de l'arbitrage, que
des considérations d'ordre juridique qui veulent que l'État ne
soit jugé que par des juridictions instituées par la loi ».
F. Y. NICÉPHORE, op.cit., note de bas de page 388 ;
p.104.
127 F.Y. NICEPHORE, op.cit. p.104.
128 Ibid.
129 Nouveau.
Mémoire rédigé et soutenu par Jacques Delor
Bikoi Page 30
L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des
activités économiques dans l'espace OHADA
pouvoir invoquer leur propre droit pour contester
l'arbitrabilité d'un différend, leur capacité à
compromettre ou la validité de la convention d'arbitrage ». De
l'exégèse de cette disposition, il ressort que le droit OHADA de
l'arbitrage, consacre sans restriction le recours à l'arbitrage par les
personnes morales de droit public. Ces dernières peuvent compromettre
tant dans un arbitrage purement interne que dans celui dont le litige
présente un élément d'extranéité. À
vrai dire, il faut reconnaitre que ce n'est pas l'extension de la
faculté des personnes publiques de compromettre dans l'arbitrage interne
qui est nouveau, car cette faculté existait déjà dans
d'autres législations, sous réserve de certaines autorisations.
C'est d'ailleurs le cas en France ou l'article 2060 du code civil dispose :
« on peut compromettre (...) sur les contestations intéressant les
collectivités publiques et les établissements publics et plus
généralement dans toutes les matières qui
intéressent l'ordre public. Toutefois, des catégories
d'établissements publics à caractère industriel et
commercial peuvent être autorisées par décret à
compromettre ». Dans le même esprit, le droit iranien soumet
l'arbitrabilité des litiges intéressant les personnes publiques
au formalisme de l'autorisation, aussi l'article 139 de la
constitution iranienne du 15 novembre 1979 dispose que « Le
règlement des litiges concernant les biens publics et Gouvernementaux ou
le recours à l'arbitrage pour régler lesdits litiges est
subordonné, dans chaque cas, à l'approbation du Conseil des
ministres et doit être communiqué à l'Assemblée.
Dans les cas où la partie adverse est un étranger, et dans les
cas internes importants, il doit également être approuvé
par l'Assemblée Consultative Islamique. La loi détermine les cas
importants ». C'est donc dire que l'innovation réside dans
l'absence d'autorisation préalable de compromettre qui
caractérise le droit OHADA de l'arbitrage. Il s'agit donc d'une
innovation remarquable qui permet de garantir la sécurité
juridique aux investisseurs, les personnes morales de droit public ne pouvant
plus opposer à leurs cocontractants leurs droits et prérogatives
de puissance publique pour se dérober de la procédure arbitrale
à laquelle elles auraient consenti. Nous partageons donc l'avis du
Professeur Robert NEMEUDEU selon lequel l'article 2 AUA est une loi de
police130. Ainsi, en acceptant de recourir à l'arbitrage, les
personnes morales publiques acceptent par ricochet de se prêter aux
règles de jeux prévues par l'AUA et plus
précisément celles contenues dans ladite disposition. L'extension
pure et simple de l'arbitrabilité des litiges intéressant les
personnes morales de droit public, représente donc indéniablement
un intérêt certain pour les personnes privées,
amenées à contracter avec les
130 R. NEMEDEU, « La recherche du critère
d'arbitrabilité des litiges concernant les personnes morales de droit
public en droit OHADA », RASJ, Vol. 6 ? N°1, 2009 pp. 45 s.
Mémoire rédigé et soutenu par Jacques Delor
Bikoi Page 31
L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des
activités économiques dans l'espace OHADA
entités étatiques africaines des États
parties à l'OHADA, étant entendu que, comme l'écrivait le
Professeur TCHAKOUA, « échaudés par les abus de
souveraineté de l'État, les investisseurs internationaux trouvent
en l'arbitrage une garantie contre l'arbitraire »131 . Un
tel choix du législateur africain participe au renforcement de la
stabilité et de la prévisibilité des règles de
droit en matière d'arbitrage dont ont besoin les investisseurs.
B. La prise en compte de la lex mercatoria dans l'arbitrage
OHADA
Entendue comme étant la loi des commerçants ou
de la societas mercatorum132, la lex mercatoria
trouve sa source dans les usages du commerce international qui en
constituent la pierre angulaire. M. ERDEN écrivait d'ailleurs à
ce titre que « It can be said that the trade usages constitute the
core and one of the main sources of lex mercatoria
»133.Selon Berthold GOLDMAN, ces dernières
s'entendent comme étant « les comportements des
opérateurs dans les relations économiques internationales, qui
ont acquis progressivement, par leur généralisation dans le temps
et dans l'espace, que peut renforcer leur constatation dans la jurisprudence
arbitrale, ou éventuellement étatique, la force de
véritables prescriptions qui s'appliquent sans que les
intéressés aient à s'y référer, dès
lors qu'ils n'y ont pas expressément ou clairement dérogé
».134 Emmanuel JOLIVET est du même avis lorsqu'il
affirme que « l'usage est une habitude professionnelle d'origine
concertée »135. Il ressort donc que pour être
qualifiés d'usages, les comportements ou habitudes professionnelles
doivent être anciens, leur application par les acteurs du commerce
constante dans le temps et enfin, ils doivent s'imposer comme la solution la
mieux adaptée aux besoins du commerce international136.
Selon YOUGONE Nicéphore137, les usages du
commerce international sont classés en deux grandes catégories.
La première regroupant les usages établis par les parties entre
elles,
131 J-M. TCHAKOUA, « L'arbitrage et les investissements
internationaux en Afrique noire francophone : un mot sur la compétence
de l'arbitre », Rev. Juridis périodique, n°31,
p.67.
132 F. OSMAN, Les principes généraux de la
lex mercatoria, Contribution à l'étude d'un ordre juridique
anational, Paris, LGDJ, 1992, pp. 338 à 346.
133 H. E. ERDEM, « The role of trade usages in ICC
arbitration », in Liber Amicorum en l'honneur de Serge LAZAREFF,
Paris, A. Pedone, 2011, p. 247 à 265, spéc. p. 250.
134 Sur cette définition v. note sous la
décision de la C. Cass. 1ère Ch. Civ., du 22 octobre 1991,
Compania Valenciana de Cementos Portland SA c/ Sté Primary Coal, Inc.,
JDI, 1992, p. 184. Cette définition a été aussi
citée par E. JOLIVET, Les Incoterms, Etudes d'une norme du commerce
international, Paris, Litec, 2003, p. 363. V. F. Y. NICEPHORE.,
op.cit., p.324.
135Op.cit., p. 361.
136V. H. E. ERDEM, op.cit., p. 249. F.Y.
NICEPHORE, Ibid.
137Op.cit., p.325.
Mémoire rédigé et soutenu par Jacques Delor
Bikoi Page 32
L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des
activités économiques dans l'espace OHADA
c'est-à-dire les usages entre professionnels, et la
seconde correspondant à celles qui excèdent le cercle des
professionnelles du commerce pour s'appliquer de manière
générale dans le monde entier et au transactions commerciales de
toute nature. L'auteur démontre que la première catégorie
d'usages peut être sectoriels ou corporatifs, c'est-à-dire
limités à un type d'activité particulier et que Parmi ces
usages, tandis que certains jouent un rôle précis dans la
sécurisation des échanges commerciaux comme la présomption
de compétence des opérateurs du commerce international,
l'effectivité de la clause compromissoire et l'inopposabilité du
défaut de pouvoir du négociateur du contrat. D'autres
correspondent aux besoins de mutabilité dans les relations commerciales
comme la présomption d'acquiescement à l'acte d'exécution
différent de celui défini par le contrat et l'obligation de
renégocier. La particularité de ces usages étant qu'ils
constituent des normes impératives pour les opérateurs du
commerce international.
Quant à la deuxième catégorie, on y
retrouve le principe de bonne foi contractuelle ou l'interdiction de se
contredire au détriment d'autrui et les obligations naissant d'une
relation contractuelle, comme l'exécution de bonne foi, l'obligation de
coopération et de renseignement entre autres. Dans tous les cas,
institués pour garantir la stabilité, la cohérence et
à la permanence des règles qui gouvernent les rapports entre les
acteurs du commerce international, la lex mercatoria ou au sens large
les usages du commerce international constituent un véritable ordre
juridique à part entière qui peut être qualifié
« d'ordre juridique mercatique »138.
À ce titre, l'OHADA n'est pas en reste. L'article 15
alinéa 1er AUA dispose : « le tribunal arbitral
tranche le fond du différend conformément aux règles de
droit choisies par les parties. À défaut de ce choix par les
parties, le tribunal applique les règles de droit qu'il estime les plus
appropriées en tenant compte, le cas échéant, des usages
du commerce international ». De même, l'article 17
alinéa 2 du règlement d'arbitrage CCJA qui traite de la loi
applicable au fond du litige dispose que « dans tous les cas, le
tribunal arbitral tient compte des stipulations du contrat et des usages du
commerce international ». Ainsi, dans un arbitrage ad hoc,
lorsque les parties n'auront pas opté pour un droit spécifique,
le tribunal arbitral pourra, en cas de nécessité, trancher au
fond en prenant en compte la lex mercatoria.
138 V. A. PELLET, « La lex mercatoria «
tiers ordre juridique » ? Remarques ingénues d'un internationaliste
de droit public », in Souveraineté étatique et
marchés internationaux à la fin du 20ème siècle A
propos de 30 ans de recherche du CREDIMI, Mélanges en l'honneur de
Philippe Kahn, Paris, Litec, 2000, pp. 53- 74, spéc., p. 69.
Mémoire rédigé et soutenu par Jacques Delor
Bikoi Page 33
L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des
activités économiques dans l'espace OHADA
Cette prise en compte est obligatoire dans l'arbitrage se
tenant sous l'égide de la Cour. D'ailleurs, dans l'affaire
Société ivoirienne (SIR) c/ BONA SHIPHOLDING, la Cour estima qu'a
statué en droit l'arbitre qui s'est référé aux
usages du commerce international dès lors que ceux-ci sont connus par
les parties et appliqués de manière constante. Aussi, elle
décida qu'en se référant aux usages du commerce dont
l'existence n'était pas contestée par la requérante, le
tribunal arbitral avait statué en droit ainsi qu'il en avait
l'obligation, conformément au procès-verbal du 13 septembre
2004139. En pratique, Il pourra s'agir par exemple des usages
codifiés par la CCI que sont les incoterms, des usages contenus dans la
réglementation de la fédération du commerce des cacaos
(FCC)140 ou encore des principes UNIDROIT qui, selon plusieurs
acteurs, ne sont rien d'autre qu'une transcription écrite de la lex
mercatoria au sens large141. Une telle prise en compte de la
lex mercatoria dans l'arbitrage de l'OHADA traduit la volonté
du législateur africain de garantir aux acteurs économiques
surtout internationaux stabilité, prévisibilité,
lisibilité, cohérence et permanence de la règle de droit
dans le commerce international. Dans tous les cas, le rôle de la lex
mercatoria dans la sécurisation juridique des activités
économiques est surtout perceptible dans le fait que les arbitres les
utilisent soit pour combler les lacunes des lois nationales, soit pour
interpréter le contrat des parties142.
139 CCJA, Arrêt n°029/2007 du 19 Juillet 2007,
affaire Société ivoirienne de raffinage dite SIR SA contre
1°/ BONA SHIPHOLDING Ltd, 2°/ Monsieur ATLE LEXEROD, 3°/TEEKAY
SHIPPING NORWAY AS, 4°/TEEKAY SHIPPIND CANADA Ltd, 5°/STANDARD
STEAMSHIP OWNER'S PROTECTION AND INDEMNITY ASSOCIATION Ltd., RTDA, n°867,
pp. 226 et s.
140 V. F.N. YOUGONE, op.cit., p. 331.
141 Ibid., p.362.
142Ibid., V. A. PRUJINER, « Comment
utiliser les Principes d'Unidroit dans la pratique contractuelle ? »,
Revue Juridique Thémis, 2002, n°36-2, p. 567 ou l'auteur affirme
que « (...) les Principes d'Unidroit se présentent comme une
traduction de la lex mercatoria ». V. aussi A.-M. TRAHAN,
op.cit., p. 631 où elle cite M. J. BONELL et L. DA GAMA E SOUZA
Jr., comme étant des partisans de la consécration des
Principes comme l'expression d'une nouvelle lex mercatoria.
A contrario, L. MARQUIS, op.cit., p. 554 est plus prudent
quant à la qualification des Principes, il
préfère y voir une sorte de conscience du monde des affaires (un
modus vivendi) plutôt que de la lex mercatoria.
Mémoire rédigé et soutenu par Jacques Delor
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L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des
activités économiques dans l'espace OHADA
CONCLUSION DU CHAPITRE I
La sécurité juridique peut être
présentée comme une condition essentielle du développement
durable. Ainsi, si l'arbitrage occupe de plus en plus une place
particulière dans le monde des affaires, c'est parce qu'il
représente une des garanties les plus sures de sécurisation des
activités économiques. Voilà pourquoi le
législateur africain a tenu à en faire le mode par excellence de
règlement des différends d'ordre contractuel dans l'espace OHADA.
On peut donc observer à travers les textes communautaires143
une contribution de l'arbitrage à la sécurité juridique
des activités économiques dans les États parties. Cette
observation peut se faire à trois niveaux.
Tout d'abord, un regard jeté vers l'histoire politique
et juridique des États qui forment aujourd'hui l'OHADA
révèle que l'érection d'un droit supranational de
l'arbitrage a permis de garantir non seulement l'existence d'un droit
accessible au double plan substantiel et matériel, mais également
prévisible et stable.
En outre, la contribution à la sécurité
juridique s'entrevoit à travers l'originalité de l'arbitrage
OHADA. Une originalité traduite par la consécration et
l'encadrement du principe l'unité du régime juridique qui permet
de faciliter la mise en oeuvre des procédures arbitrales dans l'espace
communautaire.
Enfin, à travers l'extension de l'arbitrabilité
subjective aux personnes morales de droit public et la prise en compte de la
lex mercatoria, le système d'arbitrage OHADA fait preuve d'un
modernisme remarquable. Un modernisme qui participe à la
sécurité juridique dans la mesure où, tout en favorisant
l'adaptation de l'arbitrage communautaire aux réalités du
commerce international, il permet d'assurer la cohérence, la
stabilité et la prévisibilité des règles
applicables en matière d'arbitrage, le tout au bénéfice
des acteurs du commerce interne et à ceux du commerce international.
Cependant, si la sécrétion des règles de droit favorables
à la sécurité juridique est d'une nécessité
indéniable pour le développement économique, il reste
encore à les mettre correctement en oeuvre lorsqu'un litige se
présente. Ce qui pose le problème de la manière dont la
justice est rendue et donc de la sécurité judiciaire.
143 Traité OHADA, AUA, RA/ CCJA.
Mémoire rédigé et soutenu par Jacques Delor
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L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des
activités économiques dans l'espace OHADA
Quid de la contribution de l'arbitrage OHADA à la
sécurité judiciaire des activités économiques dans
l'espace juridique intégré ?
Mémoire rédigé et soutenu par Jacques Delor
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L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des
activités économiques dans l'espace OHADA
UNE CONTRIBUTION PERCEPTIBLE DE L'ARBITRAGE OHADA A LA
SÉCURITÉ JUDICIAIRE
CHAPITRE II
Selon le Docteur TAMKAM SILATCHOM Guy Armel, « Dans
un espace de liberté, la disparité des juridictions ne peut
qu'encourager la préférence des investisseurs pour le mode
arbitral de règlement de différend. D'une manière
générale, on observe que les procédures judiciaires
nationales ne conviennent pas au règlement du contentieux de
l'investissement international »144. Cette affirmation
traduit la vérité de la Palice que les systèmes
judiciaires des États de l'Afrique subsaharienne présentent de
nombreuses défaillances. Dans la majeure partie des cas, on y constate
le délabrement de l'appareil judiciaire, l'absence de
célérité dans le rendu des décisions de justice, la
dépendance et la partialité des magistrats, la corruption de ces
derniers, voire l'insuffisance de leur formation, qui les rend incapables
à s'acclimater aux questions parfois économiques ou
financières qui caractérisent très souvent les litiges
commerciaux145. De tels problèmes constituent
inévitablement un facteur majeur de dégradation du climat des
affaires en Afrique ; étant donné que l'attractivité d'un
État procède en grande partie de la confiance que les
opérateurs économiques ont à l'égard de la justice
dudit État. C'est dire que l'amélioration du climat des affaires
dépend largement de la bonne marche de la justice, de la manière
dont elle est rendue et de sa capacité à garantir une
sécurité maximale aux investisseurs. À ce titre
d'ailleurs, le Professeur Roger MASSAMBA écrivait que «
l'amélioration du climat des investissements est largement tributaire de
la bonne marche de la justice, c'est-à-dire d'une justice
crédible, équitable, capable de dire le droit avec
compétence et de sécuriser les justiciables
»146. Tel n'étant pas le cas dans les État
africains, l'OHADA s'est fixé comme objectif l'encouragement au recours
à l'arbitrage pour le règlement des litiges d'ordre contractuel.
Aussi, s'est-il doté d'un système d'arbitrage communautaire, en
vue de renforcer la confiance des investisseurs tant locaux qu'étrangers
et d'améliorer significativement le climat des
144 G. A. TAMKAM SILATCHOM, La contribution de l'arbitrage
à la promotion des investissements : étude comparée des
systèmes d'arbitrage de la Cour Commune de Justice et d'Arbitrage (CCJA)
et du Centre International pour le règlement des différends
relatifs aux investissements (CIRDI), Thèse, Université de
Yaoundé II, 2015, p. 5.
145 R. MASSAMBA, op.cit., p.143.
146Ibid., p.140.
Mémoire rédigé et soutenu par Jacques Delor
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L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des
activités économiques dans l'espace OHADA
affaires dans l'espace juridique intégré. On
peut donc observer la contribution de l'arbitrage OHADA à la
sécurité judiciaire à travers la célébration
de l'autonomie de la volonté (Section 1), l'exigence des principes
directeurs d'une bonne justice (Section 2) et l'assistance du juge d'appui
(Section 3) qui permettent de prévenir certaines incertitudes
judicaires, de garantir des procès justes et équitables aux
acteurs économiques, ainsi que l'efficacité de ce
mécanisme de règlement des différends dans l'espace
OHADA.
Section 1 : La célébration de l'autonomie
de la volonté, une source de prévention des incertitudes
judiciaires nuisibles aux droits économiques des
parties
L'arbitrage est un mécanisme de règlement des
différends fortement marqué par l'autonomie de la volonté.
Cette prééminence se justifie par le fait que dans sa nature,
avant d'être juridictionnel l'arbitrage est contractuel. Ainsi, dans
cette matière, la volonté des parties représente la
clé de voute. Elle constitue la seule base du processus arbitral, de
telle sorte que le pouvoir d'un tribunal arbitral ne doit provenir que d'une
référence consensuelle147. Il s'agit d'une justice
privée dont l'existence est fondée sur l'expression du
consentement (Paragraphe 1), qui permet aux parties de définir librement
les modalités de leur arbitrage (Paragraphe 2).
Paragraphe 1 : L'expression du consentement à
l'arbitrage
Avant de recourir à l'arbitrage, les parties doivent
l'avoir préalablement voulu. Selon l'article 3 du nouvel
AUA148, « l'arbitrage peut être fondé sur une
convention d'arbitrage ou sur un instrument relatif aux investissements,
notamment un code des investissements ou un traité bilatéral ou
multilatéral relatif aux investissements ». Il ressort qu'en
droit OHADA, le consentement à l'arbitrage s'exprime soit par une
convention d'arbitrage (A), soit par référence à un
instrument relatif aux investissements (B).
147 J. RUBELLIN-DEVICHI, « De l'effectivité de la
clause compromissoire en cas de pluralité de défendeurs ou
d'appel en garantie dans la jurisprudence récente », Rev. Arb.,
1981, pp.29-30. A. MANIRABONA, « Extension de la convention d'arbitrage
aux non-signataires en arbitrage impliquant les sociétés en
groupement », R.D.U.S, no38, 2008, p.545.
148 Relativement au consentement à l'arbitrage, il
s'agit d'une innovation, étant entendu que dans l'ancien AUA de 1999,
l'art 3 se contentait uniquement de règlementer la forme de la
convention d'arbitrage en les termes suivant : « la convention
d'arbitrage doit être faite par écrit ou par tout autre moyen
permettant d'en administrer la preuve, notamment par la référence
faite à un document la stipulant ».
Mémoire rédigé et soutenu par Jacques Delor
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L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des
activités économiques dans l'espace OHADA
A. La convention d'arbitrage
En matière arbitrale, le caractère conventionnel
est si fondamental que l'arbitre tire toute sa légitimité dans la
volonté des parties149. Ainsi, tandis que le règlement
d'arbitrage de la CCJA150 se contente uniquement de faire
référence à la convention d'arbitrage sans la
définir, l'article 3-1 alinéa 1 NAUA stipule que « la
convention d'arbitrage prend la forme d'une clause compromissoire ou d'un
compromis ». Les alinéas 2 et 3 de la même disposition
procèdent à la définition de la clause compromissoire et
du compromis, aussi entendent-elles la première comme étant
« la convention par laquelle les parties s'engagent à soumettre
à l'arbitrage les différends pouvant naitre ou résulter
d'un rapport d'ordre contractuel », et la seconde comme «
une convention par laquelle les parties à un différend
déjà né conviennent de le régler par la voie de
l'arbitrage ». C'est dire que la convention d'arbitrage est un
contrat par lequel les parties acceptent de soumettre leur litige à la
compétence d'un tribunal arbitral et qu'en tout état de cause,
cette convention se matérialise soit par une clause compromissoire, soit
d'un compromis. L'une s'élaborant avant la survenance du litige au
moment de la rédaction du contrat, l'autre après la survenance du
litige151.
Lorsqu'elle est contenue dans un contrat, la convention
d'arbitrage jouit de l'autonomie. Elle est à ce titre
indépendante dudit contrat. Sa validité ne saurait donc
être affectée par la nullité de ce dernier et son
appréciation se fait d'après la commune volonté des
parties sans référence nécessaire à un droit
étatique152. Le principe de l'autonomie a pour objet
d'immuniser la convention d'arbitrage contre toutes causes d'invalidité
susceptibles d'emporter l'annulation du contrat initial153.
Entant que contrat, la convention d'arbitrage doit
réunir toutes les conditions de fond et de forme pour sa
validité. S'agissant de la forme, le législateur OHADA est
libéral et n'impose aucun formalisme particulier. D'ailleurs, l'article
3-1 alinéa 4 se contente de dire que « la convention
d'arbitrage doit être faite par écrit ou par tout autre moyen
permettant d'en administrer la preuve, notamment par la référence
faite à un document la stipulant ». Il apparait donc que
l'écrit est la forme souhaitée mais pas imposée par le
législateur, les parties pouvant opter pour tout autre moyen dont ils
seront en mesure d'apporter la preuve. Ils
149 A. MANIRABONA, op.cit., pp. 544-545.
150 Voir L'art 2.1 du nouveau règlement d'arbitrage de la
CCJA.
151 P. MEYER, op.cit., p.8.
152 V. Art 4 AUA.
153 P. MEYER, op.cit.
Mémoire rédigé et soutenu par Jacques Delor
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L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des
activités économiques dans l'espace OHADA
pourront donc faire référence à un
document la stipulant à la condition que la partie à laquelle on
l'oppose au moment du contentieux ait eu la possibilité de la connaitre
et de l'accepter, fut-ce par son silence lors de la conclusion du
contrat154. Dans l'affaire ATLANTIQUE TELECOM S.A/ PLANOR AFRIQUE
S.A et TELECEL FASO S.A, La CCJA a eu l'occasion de se prononcer sur la
validité de la clause compromissoire par référence en ces
termes : « il est de principe qu'en matière d'arbitrage
international, la clause compromissoire par référence
écrite à un document qui la contient est valable, à
défaut de mention dans la convention principale, lorsque la partie
à laquelle la clause compromissoire est opposée a eu connaissance
de la teneur de ce document au moment de la conclusion du contrat et quelle a
accepté l'incorporation du document au contrat. En l'espèce, la
Cour d'appel de Ouagadougou après avoir examiné les diverses
transactions intervenues entre les parties, a, souverainement relevé,
par décision motivée, que la clause d'arbitrage contenue dans le
pacte d'actionnaire du 10 février 2004 n'est pas opposable à
PLANOR AFRIQUE, parce qu'il ne ressort nulle part du dossier, qu'elle ait eu la
connaissance de ladite clause et qu'elle ait manifesté la volonté
d'être lié par la convention d'arbitrage. Il suit que, le moyen
n'est pas fondé et doit être rejeté
»155.
Dans la pratique, la liberté octroyée aux
parties relativement à la forme de la convention d'arbitrage est souvent
source de difficulté quant à l'établissement de la preuve
non écrite. Dans une affaire opposant le sieur NGANDO BEBEY à la
société AXA Assurance SA156, un tribunal arbitral
c'était déclaré incompétent, motif pris de ce
qu'« En l'absence de l'acceptation par toutes les parties, l'aspect
consensuel qui caractérise toute convention d'arbitrage fait
défaut et elle est inexistante ; sans convention d'arbitrage de laquelle
les arbitres tirent leurs pouvoirs juridictionnels, il y a lieu de se
déclarer incompétent ». Il est donc recommandé
de recourir, pour plus de sécurité, à la forme
écrite.
Lorsque toutes les conditions de validité sont
remplies, la convention d'arbitrage a pour effet d'emporter la
compétence du tribunal arbitral et à contrario
l'incompétence des juridictions étatiques. En droit OHADA, deux
situations sont susceptibles de se présenter,
154 P. MOUSSERON, E. GAILLARD, « La jurisprudence de la
Cour de cassation en matière d'arbitrage international », Article
publié sur
www.courdecassation.fr,
site consulté le 16 Août 2018 à 16H05, p.6.
155 CCJA, Arrêt no 041/2010 du 10 juin 2010,
Affaire ATLANTIQUE TELECOM contre PLANOR AFRIQUE SA ET TELECEL FASO SA, recueil
de jurisprudence no 15, Janvier-Juin 2010, p.99. Ohadata J-12-30 ;
V. eg. J. ISSA-SAYEGH, Répertoire OHADA jurisprudence et bibliographie,
2012, Publié par l'UNIDA, p.9.
156 Sentence partielle du 20 octobre 2004, affaire NGANDO
BEBEY c/SOCIETE AXA Assurances. Rev. Arb.,
no26-Juillet-AOUT-Septembre 2004, p.3, note R. SOCKENG Ohadata
J-08-165. V. ég. J. ISSA-SAYEGH, Répertoire OHADA Jurisprudence
et Bibliographie, 2006-2010, publié par l'UNIDA, p. 20.
Mémoire rédigé et soutenu par Jacques Delor
Bikoi Page 40
L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des
activités économiques dans l'espace OHADA
notamment celle dans laquelle le tribunal arbitral a
déjà été saisi en vertu d'une convention
d'arbitrage et celle contraire c'est-à-dire lorsque le tribunal arbitral
n'a pas encore été saisi.
Pour la première hypothèse, l'article 13
alinéa 1 AUA dispose que « lorsqu'un différend faisant
l'objet d'une procédure arbitrale en vertu d'une convention d'arbitrage
est porté devant une juridiction étatique, celle-ci doit, si
l'une des parties en fait la demande, se déclarer incompétente
». S'agissant de la seconde hypothèse, l'alinéa 2 du
même article dispose que « si le tribunal arbitral n'est pas
encore saisi ou si aucune demande d'arbitrage n'a été
formulée, la juridiction étatique doit également se
déclarer incompétente à moins que la convention
d'arbitrage soit manifestement nulle ou manifestement inapplicable en
l'espèce ».Toutefois, une telle déclaration
d'incompétence ne saurait être relevée d'office, l'une des
parties ayant l'obligation de décliner la compétence de la
juridiction étatique157.
Dans la pratique, il arrive des cas ou une partie
désirant se dérober de la procédure arbitrale saisit le
juge étatique arguant par exemple de l'incompétence de la
juridiction arbitrale. C'est donc en vue de protéger le consentement
à l'arbitrage que le législateur africain a consacré le
principe compétence- compétence, dont l'effet est à la
fois positif et négatif. Le premier permettant à l'arbitre de
connaitre des litiges qui rentrent dans le champ d'application de la convention
d'arbitrage. Le second interdit aux juridictions étatiques de se
prononcer sur ces mêmes litiges158. En effet, d'après
l'article 11 alinéa 1 AUA « le tribunal arbitral est seul
compétent pour statuer sur sa propre compétence, y compris sur
toute demande relative à l'existence ou à la validité de
la convention d'arbitrage ». Le règlement d'arbitrage de la
CCJA énonce également ce principe159 de telle sorte
qu'il apparait qu'en droit OHADA de l'arbitrage toute demande qui tient
à la compétence des arbitres ne peut être tranchée
que par le tribunal arbitral. Toutefois, la juridiction étatique pourra
se déclarer compétente en cas de nullité manifeste de la
convention d'arbitrage et si la juridiction arbitrale n'a pas encore
été saisie. Ainsi, dès que les parties ont clairement et
régulièrement exprimée leur volonté de recourir
à l'arbitrage en cas de survenance d'un litige relatif au contrat qui
les lie, le juge étatique est tenu de se déclarer
incompétent si une partie le lui
157 Voir article 13 al. 3 du nouvel AUA.
158 E. GAILLARD, « L'effet négatif du principe
compétence- compétence », in Étude de
procédure et d'arbitrage en l'honneur de Jean-François
POUDRET, Lausanne, 1999, p. 387.
159 L'art 10.3 dispose que « Lorsqu'une partie
soulève un ou plusieurs moyens relatifs à l'existence, à
la validité ou à la portée de la convention d'arbitrage
(...) il appartiendra au tribunal de prendre toutes décisions sur sa
propre compétence ». Selon l'art 10.4 « le tribunal
arbitral est seul compétent pour statuer sur sa propre compétence
ainsi que sur la recevabilité de la demande d'arbitrage ».
Mémoire rédigé et soutenu par Jacques Delor
Bikoi Page 41
L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des
activités économiques dans l'espace OHADA
demande. C'est dire que la convention d'arbitrage a une force
qui s'impose non seulement aux juges étatiques, mais également
aux parties160. Dans l'affaire Société CELTEL
c/Société Générale d'électricité
ferroviaire du Congo (SOGEFCO) SA161, la cour d'appel de
Pointe-Noire a rappelé cette règle, aussi a-t-elle jugé
que « le fait de rompre un contrat ne peut en soi, à
défaut de manifestation de volonté non équivoque en ce
sens, caractériser une renonciation tacite à une convention
d'arbitrage (...)
En l'espèce, les parties ont convenues dans leur
contrat de prestation de services d'une clause compromissoire aux termes de
laquelle toutes contestations nées de l'interprétation ou de
l'exécution du contrat seront soumises à l'arbitrage
institutionnel de la CCJA et conformément au règlement
d'arbitrage de cette Cour. Or, il n'a pas été argué de la
nullité manifeste de cette convention d'arbitrage.
En retenant plutôt que les parties avaient de leur
propre gré renoncé à la convention d'arbitrage et que le
tribunal était compétent, les premiers juge ont mal
interprétés la volonté clairement exprimée de la
partie défenderesse qui avait, in limine litis, demandé au juge
étatique de se déclarer incompétent en raison de
l'existence de la convention d'arbitrage. Ils ont ainsi violé outre la
convention des parties, les termes de l'article 1134 du code civil et 13
alinéa 2 AUA.
Il y a lieu donc d'annuler en toutes ses dispositions le
jugement attaqué, et de se déclarer incompétent en
application de l'article 13, alinéa 2 AUA précité
».
En tout état de cause, la convention d'arbitrage n'est
rien d'autre que la matérialisation de l'expression du consentement
à l'arbitrage, mieux encore de la volonté de recourir à
une justice alternative plus sécurisante par les parties à un
contrat d'affaire.
160 R. SOCKENG, « Les effets de la convention d'arbitrage
en droit camerounais », Rev. Cam. Arb., no4,
Janvier-Février-Mars, 1999, p.11.
161 Cour d'Appel de Pointe-Noire, Arrêt no046
du 07 Novembre 2008, Société CELTEL c/Société
Générale d'électricité ferroviaire du Congo
(SOGEFCO) SA., Ohadata J-13-76 ; V. J. ISSA-SAYEGH, Répertoire OHADA
Jurisprudence et Bibliographie, 2013, publié par l'UNIDA, pp.13-14.
Mémoire rédigé et soutenu par Jacques Delor
Bikoi Page 42
L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des
activités économiques dans l'espace OHADA
B. Le consentement à l'arbitrage par
référence à un document relatif aux
investissements
Comme précédemment indiqué162,
le consentement constitue la pierre angulaire de l'arbitrage. Selon le
législateur africain, s'il n'est pas directement exprimé dans une
convention d'arbitrage, il peut l'être à travers un instrument
relatif aux investissements notamment un code d'investissement ou un
traité bilatéral ou multilatéral163. À
ce sujet, il faut dire qu'il s'agit d'une innovation, car même s'il reste
vrai que plusieurs législations africaines prévoyaient
déjà la possibilité de recourir à l'arbitrage via
un code d'investissement ou un traité164, une telle
possibilité n'était pas prévue par le législateur
OHADA de 1999 en matière d'arbitrage. La consécration de la
possibilité de recourir à l'arbitrage par le biais d'un
instrument relatif aux investissements vient donc à point nommé
pour renforcer l'objectif de l'OHADA qui est de stimuler l'activité
économique et de faire de l'espace communautaire un pôle de
développement par l'investissement.
En effet, en vue de favoriser le développement des pays
africains, il était nécessaire de créer des conditions
favorables à l'attraction des capitaux étrangers. Il fallait
promouvoir les investissements et, pour cela, donner confiance aux
investisseurs en sécurisant leurs apports. C'est dire l'urgence qui
était de mettre à la disposition des opérateurs
économique, un mécanisme fiable de règlement des
différends. Voilà pourquoi plusieurs pays de l'OHADA ont
inséré dans leur code d'investissement des dispositions
permettant aux investisseurs de recourir à l'arbitrage lorsque leurs
intérêts seraient menacés. Au Cameroun par exemple,
l'article 45 alinéa 1 du code des investissements prévoit que
« les entreprises agréées ont le droit de demander
à ce que leurs différends qui n'auraient pas pu être
résolus à l'amiable avec l'État, relatif à la
validation et à l'interprétation de l'acte d'agrément, au
non- respect des garanties prévus par le Titre II ci-dessus et au
non-respect des engagements implicites dans les objectifs du programme
d'investissement qui ont été déterminé pour
l'éligibilité à l'un des régimes du Titre III
ci-dessus, soient définitivement réglés
conformément aux procédures d'arbitrage et de conciliation
découlant :
- Soit d'une procédure de conciliation et
d'arbitrage dont les parties sont expressément convenues,
162 V. supra, p.37. 163V. art.3 AUA. 164 V.
à titre d'exemple le Code des investissements camerounais en son article
45 et celui de la Cote d'ivoire en son article 20.
Mémoire rédigé et soutenu par Jacques Delor
Bikoi Page 43
L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des
activités économiques dans l'espace OHADA
- Soit des accords et traités relatifs à la
protection des investissements conclus entre l'État du Cameroun et
l'État de la personne physique ou morale concernée dans
l'entreprise agréée en qualité d'investisseur est
ressortissante (...) ».
En côte d'ivoire, l'article 20 alinéa 2 de
l'ordonnance No2012-487 du 07 juin 2012 portant code des
investissements dispose que : « Tout différend ou litige entre
les personnes physiques ou morales étrangères et la
République de Côte d'ivoire relatif à l'application du
présent Code, à défaut d'un règlement amiable, est
réglé par les juridictions ivoiriennes ou par un tribunal
arbitral (...) ».
La consécration par le droit OHADA de la
possibilité de fonder l'arbitrage sur un code d'investissement permet
désormais que même en l'absence d'une convention d'arbitrage,
l'investisseur puisse déclencher une procédure d'arbitrage contre
une personne morale de droit public des lors que les droits violés sont
protégés par un code d'investissement qui prévoit le
recours à une telle procédure pour régler le
différend.
S'agissant du traité, l'arbitrage d'investissement
connaît depuis plusieurs années une évolution remarquable
due à la multiplication des traités bilatéraux ou
multilatéraux qui garantissent l'investissement, interdisent
l'expropriation sans indemnité, et prévoient la
possibilité pour tout investisseur d'instaurer un arbitrage contre
l'État hôte165. Ces traités d'investissement
sont cruciaux, étant entendu qu'ils permettent de rétablir
l'équilibre entre l'investisseur et l'État
hôte166. En effet, comme l'a démontré Prosper
WEIL167, l'investisseur étranger dans sa relation
contractuelle avec l'État est soumis à deux formes «
d'aléas de souveraineté » à savoir «
l'aléa de puissance publique »et « l'aléa
législatif ».
« L'aléa de puissance publique »
consiste à l'exercice par l'État de la faculté de
modifier unilatéralement certaines dispositions du contrat voire, de le
résilier168. S'agissant de « l'aléa
législatif », il consiste dans le fait que l'État
puisse modifier sa législation en cours d'exécution du contrat,
ce qui causerait un grave préjudice à son cocontractant qui aura
tout
165V. G. KAUFMANN-KOHLER, « L'arbitrage
d'investissement : entre contrat et traité - entre intérêts
privés et intérêt public », Texte d'une
conférence prononcée le 24 juin 2004 au Centre libanais
d'arbitrage à Beyrouth,
www.lk-k.com, consulté
le 10 Septembre 2018 à 20h15, p. 6.
166 V. compte rendu de la Journée d'études
Conventions sur le thème « L'arbitrage relatif aux investissements
: Nouvelles dynamiques internationales », 4 mars 2011, p. 3.
167 P. WEIL, « Les clauses de stabilisation ou
d'intangibilités insérées dans les accords de
développement économique », Mélanges offert à
Ch. ROUSSEAU, Paris, A. Pedonne, 1974. V. ég. G. Van HECK, « Les
enseignements du droit interne » in Les contrats entre Etats et
personnes privées étrangères, par F. A. MANN, L.
SEIDL-HOHENVELDERN, P. LALIVE, G. Van HECKE, RBDI, 1975, p.580.
168 G. Van HECK, Ibid.
Mémoire rédigé et soutenu par Jacques Delor
Bikoi Page 44
L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des
activités économiques dans l'espace OHADA
intérêt à aller vers l'arbitrage
plutôt que, d'avoir recours en la justice de l'État. Une justice
vis-à-vis de laquelle il n'exprime aucune confiance. Ainsi, dès
lors qu'un traité auquel ledit État est parti prévoit le
recours à l'arbitrage, l'investisseur pourra mettre en oeuvre une
procédure arbitrale contre l'État hôte bien que, le contrat
de base ne comportant pas une clause compromissoire169 . Dans un tel
contexte, la jurisprudence internationale considère que la disposition
du traité prévoyant le recours à l'arbitrage constitue
l'offre d'arbitrer exprimée par l'État170. Quant
à l'investisseur, il exprime son consentement par le dépôt
de la demande d'arbitrage. Ainsi, pour reprendre le Professeur Gabrielle
KAUFMANN-KOHLER, « Si la construction contractuelle du consentement
est sauvegardée, en tous cas en apparence, il est indéniable que
nous nous éloignons ici considérablement du fondement consensuel
classique de l'arbitrage commercial »171.
En droit OHADA, depuis le nouvel Acte uniforme relatif
à de 2017, le traité constitue désormais un fondement de
l'arbitrage. Comme le prévoit l'article 3 NAUA, « l'arbitrage
peut être fondé (...) sur un instrument relatif aux
investissements, notamment (...) un traité bilatéral ou
multilatéral relatif aux investissements ». Ainsi, lorsqu'un
traité relatif aux investissements autorise de recourir à
l'arbitrage en cas de survenance d'un litige entre un entrepreneur privé
et l'État hôte, l'entrepreneur privé pourra s'en
prévaloir pour mettre en oeuvre une procédure arbitrale CCJA ou
régie par l'AUA172, dès lors que l'État
hôte et le sien sont parties audit traité à défaut
d'existence d'une clause compromissoire ou d'un compromis. De ce fait, comme en
matière international le consentement de l'État hôte sera
matérialisé par « l'offre d'arbitrer »
découlant de la ratification du traité, tandis que celui de
l'investisseur se traduira par la demande d'arbitrage adressée au
secrétariat de la CCJA, à son cocontractant pour un arbitrage ad
hoc ou au secrétariat de l'institution privée étatique
d'arbitrage.
En définitive, le consentement à l'arbitrage
constitue le premier pan de l'autonomie de la volonté qui
caractérise l'arbitrage en général et celui de l'OHADA en
particulier. Représentant une source de sécurité
judiciaire, il se traduit en droit OHADA par la convention
169 PSEG Global Inc., The North American Coal Corporation, and
Konya Ilgin Elektrik Üretim ve Ticaret Limited Sirketi v. Republic of
Turkey. La décision sur compétence a été rendue le
4 juin 2004 et est publiée in International Law in Brief,
www.asil.org/ilib/psegdecision.pdf.
170 Not. Asian Agricultural Products Ltd v. Democratic
Socialist Republic of Sri Lanka, ICSID reports, vol. 4, pp. 246ss, no. 2;
American Manufacturing & Trading, Inc. v. Zaire, ICSID Reports, vol. 5, pp.
11 ss, nos. 5.19ss. Sur ce sujet, voir aussi Schreuer, op. cit. Note 1, pp.
210ss, nos. 285ss; G. KAUFMANN-KOHLER, op.cit., p. 9.
171 G. KAUFMANN-KOHLER, Ibid.
172 La partie désirant mettre en oeuvre une
procédure d'arbitrage OHADA sur la base d'un traité devra le
faire conformément à l'article 1er AUA ou à
l'article 2.1 RA/ CCJA.
Mémoire rédigé et soutenu par Jacques Delor
Bikoi Page 45
L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des
activités économiques dans l'espace OHADA
d'arbitrage ou par la référence à un code
d'investissement, un traité bilatéral ou multilatéral
relatif aux investissements. Il permet aux parties à un différend
économique d'avoir recours à une justice plus sécurisante
dans laquelle elles exercent un contrôle et disposent par ricochet de la
faculté de contribuer activement à la fabrication de leur
décision de justice, dès lors qu'elles ont en toute
régularité173 opéré le choix de
s'affranchir des juridictions étatiques. Ainsi, à travers la
convention d'arbitrage, les parties disposent de la faculté
d'aménager librement leur arbitrage et de se prémunir en
conséquence des éventuelles péripéties susceptibles
de nuirent à leurs activités.
Paragraphe 2 : La libre détermination des
modalités de l'arbitrage
Le consentement confère aux parties d'énormes
libertés qui leurs permettent de se prémunir des éventuels
vices procéduraux susceptibles d'entraver leurs intérêts.
Ainsi, lorsqu'elles auront opté pour le recours à l'arbitrage,
leur volonté sera prépondérante dans l'organisation de la
procédure arbitrale (A) procédure dont elles pourront librement
décider du sort (B).
A. La prégnance de la volonté des parties
dans l'organisation de la procédure arbitrale
En matière arbitrale, le législateur africain a
hissé la volonté des parties au-dessus de tout, de telle sorte
qu'on puisse voire en la puissance de la volonté une source de
sécurité judiciaire. Ainsi, en constituant librement leur
tribunal, en déterminant le droit applicable au litige, en fixant les
missions du tribunal arbitral, la durée de la procédure ou encore
en se prononçant sur l'exercice des voies de recours contre la sentence,
les parties posent elles-mêmes les conditions favorables à la
sécurité de leurs intérêts.
Tout d'abord, s'agissant de la constitution du tribunal
arbitral, les parties fixent librement le nombre d'arbitres dans les conditions
prévues à l'AUA174. Elles pourront donc choisir
l'arbitrage à un arbitre ou l'arbitrage collégial à trois.
En cas d'arbitrage par trois, chaque partie désignera un arbitre et le
troisième sera nommé par les deux arbitres choisis. Dans le cas
d'un arbitrage par un seul arbitre, ce dernier est désigné en
principe par les parties
173 La régularité ici tient des conditions de
formation d'un contrat, de l'arbitrabilité du litige ou encore de
l'absence d'inapplicabilité manifeste de la clause compromissoire.
174 V. art. 5 AUA.
Mémoire rédigé et soutenu par Jacques Delor
Bikoi Page 46
L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des
activités économiques dans l'espace OHADA
d'un commun accord175. Si les parties ont
prévues un tribunal composé de deux arbitres, le troisième
arbitre sera nommé d'un commun accord par les parties. À
défaut d'accord des parties sur la désignation du
troisième arbitre, cette désignation sera faite par les deux
arbitres précédemment choisis et cas de mésentente de ces
derniers par le juge compétent de l'État partie176 .
Le législateur africain a placé la désignation des
arbitres sous l'emprise de la volonté des parties, de sorte que ceux-ci
soient nommés, remplacés ou révoqués
conformément à leur convention177. Cette règle
s'applique tant aux arbitrages ad hoc que pour les arbitrages
institutionnels dont la volonté des parties s'exprime dans le choix de
l'institution et donc de son règlement178. Dans le cadre de
l'arbitrage autonome CCJA, conformément à l'article 10
alinéa 1 AUA179, les parties opéreront leur choix sur
la liste des arbitres établies par la Cour180.
Il ressort donc que l'arbitre est un juge choisi par les
parties et que ce choix est la traduction de la confiance qu'ils expriment
à son égard. Dans leur choix, les parties seront certainement
guidées par les compétences professionnelles de l'arbitre,
notamment son expérience et sa maitrise des questions qui fondent le
litige, par ses qualités personnelles à savoir la bonne
moralité, l'éthique ou encore par sa
réputation181. La faculté de choisir librement son
arbitre apparait donc comme un gage de sécurité judiciaire que
procure l'arbitrage OHADA aux investisseurs.
En outre, la volonté des parties est
prééminente en ce qui concerne la détermination du droit
applicable au litige. Le système d'arbitrage OHADA leur permet de
choisir en toute liberté le droit applicable tant à la
procédure arbitrale qu'au fond du litige182.
S'agissant de la détermination de la loi applicable
à la procédure, l'article 14 alinéa 1 AUA dispose :
« les parties peuvent, directement ou par référence à
un règlement d'arbitrage, régler la procédure arbitrale.
Elles peuvent aussi soumettre celle-ci à la loi de procédure de
leur choix ». Ainsi, les parties ont trois options.
Premièrement, elles peuvent
175 V. art.6 AUA.
176 V. art.6 alinéa 2 et 3 AUA.
177 V. art. 6 alinéa 1 AUA.
178 P-G. POUGOUE, J-M. TCHAKOUA, « Arbitrage selon l'Acte
uniforme relatif au droit de l'arbitrage », in Encyclopédie du
droit OHADA, P-G. POUGOUE (Dir.), Lamy, 2011, p. 239.
179 Cet article dispose que « le fait pour les
parties de s'en remettre à un organisme d'arbitrage les engagent
à appliquer le règlement d'arbitrage de cet organisme, sauf pour
les parties à en écarter expressément certaines
dispositions, en accord avec ledit organisme ».
180V. art. 3.2 RA/CCJA.
181 F. Y. NICEPHORE, op.cit. pp. 192-197.
182V. art 15 al. 1 AUA et 17 al. 1 RA/CCJA.
Mémoire rédigé et soutenu par Jacques Delor
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L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des
activités économiques dans l'espace OHADA
régler directement la procédure arbitrale en
rédigeant l'ensemble des dispositions relatives à l'introduction,
à l'instruction et au jugement de l'affaire ; il s'agira en quelque
sorte d'élaborer un « code de procédure arbitrale
»183. Toutefois, bien que cette possibilité soit
séduisante, elle peut s'avérer dangereuse étant entendu
que les parties ne sont pas très souvent des juristes. De ce fait, elles
peuvent oublier de ressortir certaines dispositions pertinentes ou encore faire
preuve de maladresse dans l'élaboration des règles de
procédure184.
Deuxièmement, les parties peuvent soumettre la
procédure à un règlement d'arbitrage de leur choix. Dans
ce cas, la prééminence de leur volonté se traduit par la
décision de recourir audit règlement.
Troisièmement enfin, les parties peuvent soumettre la
procédure arbitrale à une loi de procédure
étatique. Celles-ci étant d'ordinaire exhaustives et
cohérentes, un tel choix aura pour avantage de mettre les parties
à l'abri des incohérences et de l'oubli185.
S'agissant du droit applicable au fond du litige,
conformément aux règles posées par le droit international
privé186, cette question ne se pose pas dans un arbitrage
purement interne, c'est-à-dire celui dont tous les
éléments sont situés dans un seul État de l'OHADA.
En revanche, lorsque le différend présente un
élément d'extranéité, les parties sont libres de
choisir le droit qui devra s'appliquer au fond. Très souvent, lorsque le
contrat présente un élément d'extranéité,
les parties recherchent le droit qui sécurisera le mieux leur
transaction. Cette faculté leur est donc reconnue en droit OHADA.
Dès lors, elles pourront librement opérer leur choix en cas
d'internationalité du litige.
De plus, la prégnance de la volonté des parties
se traduit par la libre fixation de la mission des arbitres. Les parties
peuvent ainsi demander au tribunal arbitral de statuer en droit ou leur
attribuer les pouvoirs d'amiable compositeur187. Selon Emmanuel
PUTMAN, lorsque les parties ont confiées à l'arbitre la mission
de statuer en droit, « il n'y a pas de difficultés relatives
à son pouvoir quant aux règles de droit : il doit les appliquer.
Il ne peut d'ailleurs pas usurper des pouvoirs d'amiable compositeur et statuer
en équité, lorsqu'il n'a reçu pour
183 P-G. POUGOUE, J-M. TCHAKOUA, op.cit., p. 262.
184 Ibid.
185 Ibid., pp.262-263.
186 En droit international privé, la question de la
règle de conflit ne se pose pas en matière interne. Dès
lors dans un conflit qui ne présente aucun élément
d'extranéité, l'option d'un droit autre que celui de
l'État dont les parties sont issues constitue une fraude à la loi
qui sera sanctionnée par son éviction, motif pris de ce qu'elle
serait contraire à l'ordre public international.
187 V. art.15 al.2 AUA.
Mémoire rédigé et soutenu par Jacques Delor
Bikoi Page 48
L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des
activités économiques dans l'espace OHADA
mission que de statuer en droit »188.
L'arbitre statuant en droit est donc tenu de se conformer à la
règle de droit, il doit l'appliquer de manière stricte. Ne pas le
faire serait outre passer sa mission et exposer sa sentence à
l'annulation. Tel est la position adoptée par la CCJA dans l'affaire
Société Nestlé Sahel contre Société
commerciale d'importation AZAR et SALAME, dite (SCIMAS)189.
En l'espèce, le tribunal avait reçu des parties
mission de statuer en droit et donc d'appliquer le Droit ivoirien, mission
qu'il avait outrepassé en statuant en équité, ce qui a
conduisit à l'annulation de la sentence, la Cour estimant que le
tribunal ayant jugé en équité alors qu'il n'avait pas
reçu des parties, le pouvoir de statuer en amiable compositeur.
En revanche, lorsque l'arbitre a reçu des parties les
pouvoirs d'amiable compositeur, il est autorisé à statuer
« ex aequo et bono », c'est-à-dire en conscience ou
selon son savoir et entendement, il peut donc statuer en
équité190. Le pouvoir de statuer en
équité ne signifie pas que l'arbitre est tenu de faire
abstraction du droit lorsqu'il tranche l'affaire. Il s'agit plutôt d'un
pouvoir qui lui permet de prendre en compte les circonstances
particulières qui caractérisent le litige afin d'établir
un équilibre entre les parties. L'équité ne s'opposant pas
au droit, l'arbitre amiable compositeur pourra rechercher la solution dans le
droit s'il juge la démarche utile. La Cour d'arbitrage de la CCI a
d'ailleurs rappelé cette règle en jugeant que «
l'équité consiste dans le pouvoir de dévier et modifier la
rigueur du summum jus par rapport à des éléments de
circonstance et des situations particulières, qui ne sont pas tenues en
considération et qui n'ont pas d'influence d'après le droit. Ceci
n'empêche pas l'arbitre de pouvoir appliquer le droit strict quand
celui-ci coïncide dans le cas concret avec l'équité. En
effet le droit positif et l'équité sont deux règlements
qui coexistent et parfois coïncident, le deuxième est plus grand et
contient en lui le premier plus petit. »191
Les parties disposent enfin de la faculté, à
travers la convention d'arbitrage, de se prémunir contre les lenteurs en
déterminant les délais impartis au tribunal arbitral pour rendre
sa sentence192 ; ou encore de renoncer à l'exercice du
recours en annulation contre la sentence arbitrale, à condition que la
renonciation soit à la fois conforme à l'ordre public
188 E. PUTMAN, Contentieux économique, PUF,
1ereéd., 1998, p. 262.
189 C.C.J.A, arrêt n°28/2007 du 19 juillet 2007,
Société Nestlé c/Société commerciale
d'importation Dite (SCIMAS), RTDA, Avril-Juin 2009, n°867, pp.226-256.
190 E. PUTMAN, op. cit., p. 264.
191Affaire no 4467/ 1984, Clunet, 1984, 924; V.
ég. E. PUTMAN, op.cit., p. 268. 192 V. art.12 al.1 AUA.
Mémoire rédigé et soutenu par Jacques Delor
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L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des
activités économiques dans l'espace OHADA
international193 et expressément
prévue. Cette dernière condition est une contribution de la CCJA
en vue de trancher le débat relatif aux conditions de validités
de la renonciation à l'exercice du recours en annulation. À cet
effet, elle affirma dans l'arrêt Société NESTLE Sahel c/
Société commerciale d'importation AZAR et SALAME
précédemment citée qu' « attendu que la
convention d'arbitrage conclue par les parties, bien qu'ayant prévu que
tous différends découlant du présent contrat ou en
relation avec celui-ci (...) seront tranchés définitivement
suivant le Règlement d'arbitrage de la Cour Commune de Justice et
d'Arbitrage de l'OHADA ne saurait interdire le recours en contestation de
validité de la sentence initié par la société
Nestlé Sahel dès lors que comme indiqué à l'article
29.2 du Règlement précité, il ne ressort pas de ladite
convention, une renonciation expresse audit recours ;que la locution adverbiale
définitivement qui est purement usuelle, ne saurait impliquer à
elle seule, la renonciation au recours en contestation de validité
spécialement prévu par le Règlement d'arbitrage
susvisé, recours auquel les parties ne peuvent renoncer que par une
disposition expresse de la convention d'arbitrage; que tel n'étant pas
le cas en l'espèce, il y a lieu de rejeter l'exception
d'irrecevabilité soulevée par la SCIMAS ».
En tout état de cause, les parties pourront
opérer leur choix lors de la conclusion de la convention d'arbitrage, au
moment de la demande d'arbitrage, ou encore lors de la rédaction de
l'acte de mission de l'arbitre. En effet, une convention d'arbitrage bien
conçue194 doit contenir le choix des parties relativement aux
modalités de l'arbitrage. Toutefois en pratique, il arrive souvent que
les parties se contentent de renvoyer à l'arbitrage les litiges
susceptibles de naitre de leur relation contractuelle. Dans ce cas, elles
pourront fixer le nombre d'arbitres et procéder à leur
désignation au moment de la constitution du tribunal. Elles pourront
également à ce moment déterminer le droit applicable au
litige, le siège du tribunal, les délais etc. Si le choix n'est
pas entièrement opéré à ce moment, les arbitres
pourront inviter les parties à le faire lors de la rédaction de
l'acte de mission.
En définitive, il ressort de ce qui
précède que le système d'arbitrage OHADA consacre la
prégnance de la volonté des parties quant à l'organisation
de leur arbitrage. Ainsi, la mise à profit d'une telle
possibilité permettrait aux acteurs économiques de poser les
balises d'une sécurité judiciaire tant recherchée dans la
pratique des affaires.
193 V. art.25 al.3 AUA et 29.2 RA/CCJA.
194 V. P. LALIVE ; « L'influence des clauses arbitrales
», in Les contrats entre Etats et personnes privées
étrangères, op.cit., p. 577.
Mémoire rédigé et soutenu par Jacques Delor
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L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des
activités économiques dans l'espace OHADA
B. La prégnance de la volonté des parties
quant au sort de la procédure arbitrale : la sentence arbitrale d'accord
parties
La sécurité judiciaire implique que la justice
soit rendue de telle sorte qu'elle soit de nature à ne pas compromettre
les droits des justiciables. Dans l'arbitrage, la volonté des parties
contribue énormément à la réalisation de cet
objectif. Les parties qui peuvent organiser la procédure, peuvent
également en décider du sort à elle
réservée. Ainsi considéré, lorsqu'une
procédure arbitrale est mise en oeuvre et que son déroulement est
effectif, les parties peuvent décider de conclure un accord amiable qui
règle leur différend et rétablit la concorde entre elles
si elles estiment que mener la procédure jusqu'à son terme
pourrait leur être préjudiciable. À travers cet accord,
elles peuvent tout simplement éteindre la procédure arbitrale ou
décider que leur décision soit constatée sous forme de
sentence195.
En droit OHADA de l'arbitrage, cette possibilité
octroyée aux parties de décider du sort de la procédure
arbitrale est prévue196. Selon l'AUA qui s'applique à
l'arbitrage ad hoc et plus précisément en son article 19
alinéa 3, « si les parties se mettent d'accord au cours de la
procédure arbitrale, elles peuvent demander au tribunal arbitral que cet
accord soit constaté en la forme d'une sentence rendu d'accord parties.
Cette sentence a le même statut et produit les mêmes effets que
toute autre sentence mettant fin au différend ». Le
règlement d'arbitrage CCJA reprend les mêmes termes, même
s'il ne fait pas expressément allusion au statut et aux effets de la
sentence arbitrale d'accord parties197. En tout état de
cause, on retient le caractère facultatif de la constatation de l'accord
en la forme d'une sentence. L'usage par le législateur OHADA du verbe
« pouvoir » signifie que les parties qui ont
transigées ou conclu un accord de conciliation, voire de
médiation, ont soit la possibilité de mettre tout simplement un
terme à la procédure, soit de demander que l'accord soit
constaté par une sentence. Dans la première hypothèse,
l'accord qui règle le litige de manière définitive ne
pourra recevoir force de chose jugée qu'après homologation par le
juge et apposition de la formule exécutoire. Le tribunal arbitral devra
tout simplement constater l'accord et mettre fin à la
195 Ph. FOUCHARD, E. GAILLARD, B. GOLDMAN, Traité
de l'arbitrage commerce international, Litec, 1996, p.757.
196 L'ancien AUA de 1999 était muet sur
l'éventualité d'une extinction amiable de la procédure
arbitrale et mieux encore de la sentence arbitrale d'accord parties. Le
Professeur J-M. TCHAKOUA relevait d'ailleurs à ce titre la
curiosité d'un tel silence, aussi écrivait-il qu'« il y
a là une attitude pleine d'énigme au sujet d'une institution qui
cherche depuis longtemps une plus forte reconnaissance officielle de son
identité ». V. J. M. TCHAKOUA, « Le statut de la sentence
arbitrale d'accord parties : les limites d'un déguisement bien utile
», Juridis périodique, no51, juillet- Aout- Septembre
2002, p. 80.
197 V. art 20 RA/ CCJA.
Mémoire rédigé et soutenu par Jacques Delor
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L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des
activités économiques dans l'espace OHADA
procédure arbitrale. On assistera alors à une
forme de radiation de l'affaire du rôle comme cela se fait devant les
tribunaux étatiques.
Dans la seconde hypothèse, si les parties le demandent,
le législateur africain exige que le tribunal arbitral constate l'accord
amiable en la forme d'une sentence arbitrale rendue d'accord parties et soumet
cette dernière au même régime d'efficacité que les
sentences rendues à l'issue du délibéré arbitral.
Seulement, est-il interdit à l'arbitre de s'abstenir de constater
l'accord en la forme d'une sentence s'il dispose d'un motif légitime et
sérieux ? Autrement dit, l'arbitre est-il tenu de rendre une sentence
d'accord partie dès lors que les parties le sollicitent ?
Contrairement à d'autres
règlementations198, on peut reconnaitre que le système
d'arbitrage OHADA laisse perplexe sur la question. Cependant nous convenons
avec le Professeur Jean-Marie TCHAKOUA que, bien que l'arbitre soit tenu par la
volonté des parties, il conserve, même en l'absence de texte, la
possibilité de soulever une objection pour ne pas mettre en forme un
accord qui serait contraire à l'ordre public199 étant
entendu qu'en le faisant, il exposerait la sentence d'accord partie soit au
refus de l'exequatur200, soit au recours en annulation pour
contrariété à l'ordre public
international201par la partie de mauvaise foi. Entant que gardien de
l'ordre public au même titre que le juge étatique, l'arbitre doit
veiller à son respect durant tout le déroulement de la
procédure arbitrale.
Tout compte fait, l'exercice du pouvoir décisionnel de
conclure un accord qui tranche définitivement le litige soumis à
l'arbitrage n'est rien d'autre que la manifestation du principe du
dispositif202 qui, comme le soutient le professeur TCHAKOUA,
« trouve un terrain très favorable dans l'instance arbitrale
où on donne une importante place à la volonté des
198 L'article 30 de la loi-type de la CNUDCI sur l'arbitrage
commerciale international prévoit que, si durant la procédure
arbitrale les parties s'entendent pur régler le différend, le
tribunal met fin à la procédure et, si les parties lui en font la
demande et s'il n'y voit pas d'objection, constate le fait par une sentence
arbitrale rendue d'accord parties. Dans le même esprit, l'article 43
alinéa 2 du règlement d'arbitrage du CIRDI énonce que
« si les parties dépose le texte complet et signé du
règlement intervenu auprès du secrétariat
général et demande par écrit au tribunal de l'incorporer
à sa sentence, le tribunal peut procéder à cette
incorporation ». Toujours dans la même logique, l'article 28 du
règlement d'arbitrage de la CACI prévoit que « si les
parties se mettent d'accord en cours de procédure, le tribunal peut
rendre une sentence arbitrale d'accord parties ». Au
bénéfice de toutes ces dispositions, on retient le
caractère non obligatoire de se soumettre à la volonté des
parties. Le mot « peut » signifiant que l'arbitre peut
s'abstenir de constater l'accord dans une sentence lorsqu'il dispose d'un motif
légitime et sérieux.
199 J. M. TCHAKOUA, op.cit., p. 82.
200 V. art.31 al.4 AUA et 30.5-a RA/ CCJA.
201 V. art. 26-e AUA et 29.2-e RA/ CCJA.
202 Sur ce principe V. H. MOTULSKY, «
Prolégomènes pour un futur code de procédure civile : la
consécration des principes directeurs du procès civil par le
décret du 9 septembre 1971 », D., 1972, p.91.
Mémoire rédigé et soutenu par Jacques Delor
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L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des
activités économiques dans l'espace OHADA
parties »203. Les parties prennent
l'initiative de la procédure arbitrale, elles en règlent le
rythme, et peuvent y mettre un terme204. Aussi choisiront-elles la
voie de l'accord certainement dans le but de se soustraire aux aléas du
règlement par l'arbitre, surtout si elles l'ont constituée
amiable compositeur205. Une telle force de leur volonté leur
permet donc de sécuriser leurs intérêts comme elles le
désirent.
En définitive, il ressort de ce qui
précède que la célébration de l'autonomie de la
volonté dans l'arbitrage OHADA constitue une source de
sécurité judiciaire dans la mesure où elle permet aux
parties de prévenir les incertitudes judiciaires susceptibles de porter
atteinte à leurs intérêts. Aussi lorsque les parties ont
exprimé leur consentement et réglé toutes les questions
relatives à la mise en oeuvre de leur arbitrage, la procédure
pourra débuter et pourra être conduite jusqu'à son terme
soit par une sentence d'accord parties, soit par une sentence issue du
délibéré arbitral. En tout état de cause, le
législateur Africain soumet la procédure arbitrale au respect des
principes directeurs d'une bonne justice, afin de garantir un procès
juste et équitable aux parties.
Section 2 : La soumission de l'arbitrage OHADA aux
principes directeurs d'une bonne justice, gage des procès justes et
équitables
La sécurité judicaire nous l'avons
déjà indiqué suppose que la justice soit rendue de
manière à sécuriser les intérêts des parties
au procès. Pour arriver à ce résultat, la justice doit
garantir aux justiciables des procès justes et équitables.
À la fois une nature contractuelle et juridictionnelle, l'arbitrage est
une justice rendue par des personnes privées moyennant une
rémunération. Entant que telle, elle est soumise aux principes
qui régissent la justice rendue par les juridictions étatiques.
Dans l'espace OHADA, le législateur supranational pour garantir la
sécurité judiciaire des opérations économiques
soumet ses deux types d'arbitrage aux principes directeurs d'une bonne justice
qui sont en réalité des exigences que nous classerons en deux
groupes notamment celles qui sont consubstantielles à la fonction
juridictionnelle (Paragraphe 1) d'une part, et celles qui sont de nature
procédurales (Paragraphe 2) d'autre part.
203 J- M. TCHAKOUA, op.cit., p.82.
204 Ibid.
205J-M. TCHAKOUA, op.cit., p. 87.
Mémoire rédigé et soutenu par Jacques Delor
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L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des
activités économiques dans l'espace OHADA
Paragraphe 1 : les exigences consubstantielles
à la fonction juridictionnelle : l'indépendance et
l'impartialité
S'il importe en premier lieu de ressortir la signification du
principe d'indépendance et d'impartialité(A), il sied
également de présenter les moyens par lesquels le
législateur africain assure son efficacité(B)
A. Signification du principe
Bien plus que de simples obligations, qui s'imposent au
titulaire de la fonction juridictionnelle, l'indépendance et
l'impartialité constituent l'essence même de la fonction de juger.
Par conséquent, ce n'est que parce que l'arbitre est indépendant
et impartial qu'il peut valablement connaitre d'une affaire206.
L'indépendance suppose une absence de
subordination207. Ce qui signifie que l'arbitre ne peut être
lié aux parties qui l'ont désigné. Selon la jurisprudence
française, « l'indépendance de l'arbitre est de
l'essence de sa fonction juridictionnelle, en ce sens que d'une part, il
accède dès sa désignation au statut de juge, exclusif de
tout lien de dépendance, notamment avec les parties, et que d'autre
part, les circonstances invoquées pour contester cette
indépendance doivent se caractériser par l'existence de liens
matériels et intellectuels, une situation de nature à affecter le
jugement de l'arbitre en constituant un risque certain de prévention
à l'égard de l'une des parties à l'arbitrage
»208. N'est donc pas indépendant l'arbitre contre
qui il est établie l'existence d'un lien matériel et intellectuel
de dépendance ou toute situation de nature à affecter son
indépendance d'esprit et sa liberté de jugement209.
L'impartialité suppose l'absence de parti pris, de
préjugé, de préférence, d'idée
préconçue. Il s'agit d'une exigence consubstantielle à la
fonction juridictionnelle dont le propre est de départager les parties
de façon juste et équitable210. Selon Alexandre KOJEVE
cité par Thomas CLAY, « un homme aura beau être
intelligent, énergique, prévoyant, beau ou autre chose, on ne le
choisira pas s'il est présumé être partial. (...)
Inversement si on le
206 F. N. YOUGONE, op.cit., p.203.
207 G. CORNU, Vvocabulaire juridique, op.cit.,
p. 482.
208 Sur les différentes décisions des
juridictions françaises qui définissent la notion
d'indépendance, V. FOUCHARD, GAILLARD, ET GOLDMAN, op.cit., p.583.
209 P. BOUBOU, « L'indépendance et
l'impartialité de l'arbitrage dans le droit OHADA », Rev. Cam.
Arb., no9, Avril- mai- Juin 2000, p.4.
210 G. CORNU, Vocabulaire juridique, op.cit.,
p.468.
Mémoire rédigé et soutenu par Jacques Delor
Bikoi Page 54
L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des
activités économiques dans l'espace OHADA
sait « juste », on peut fermer les yeux sur tous
les autres défauts »211. Cette affirmation
témoigne de l'importance qui est attachée à
l'impartialité de toute personne exerçant une fonction
juridictionnelle. Partant de ce fait, Parce qu'il est investi d'une mission
juridictionnelle, l'arbitre se doit d'être impartial. Il doit
complètement effacer son origine, ses convictions, sa religion et sa
culture face aux parties et dans le prononcé de la
sentence212. C'est dire que l'arbitre est tenu de s'abstenir de tout
favoritisme, qu'il a l'obligation stricte de n'avantager aucune partie et de ne
statuer que sur des raisons qui tiennent au bien-fondé des
prétentions présentées par les parties213.
L'impartialité serait donc une disposition de l'esprit, un état
psychologique par nature subjectif214, dont l'objet est de
prévenir l'arbitre à l'égard de l'une des
parties215. Les tribunaux ont eu à se prononcer sur la notion
d'impartialité de l'arbitre. C'est le cas du tribunal
fédéral Suisse qui a eu à rejeter les accusations de
suspicion de partialité portées contre un arbitre, au motif que
celles-ci ne reposaient que « sur le seul sentiment subjectif d'une
partie et non sur des faits concrets propres à justifier objectivement
et raisonnablement la méfiance chez une personne réagissant
normalement »216.
Pour FOUCHARD, GAILLARD, ET GOLDMAN, il existe en pratique
deux séries de circonstances constamment invoquées à
l'appui des demandes de révocation d'arbitre pour défaut
d'impartialité. En premier lieu, le fait que l'arbitre
désigné a déjà connu du litige ou d'un litige
connexe dans un arbitrage antérieur. Il est alors reproché
à l'arbitre de ne plus disposer de l'objectivité et de la «
candeur » qui doit caractériser tout juge lorsqu`il est saisi d'un
nouveau litige. En second lieu, le soupçon de partialité est
alimenté par une attitude antérieure de l'arbitre, qu'une partie
considère comme hostile à son égard, par exemple dans un
débat d'ordre général, qui serait contraire aux
intérêts de cette partie. Mais pour être admis comme cause
de récusation, le demandeur doit pouvoir prouver que les propos
allégués sont de nature à établir une
inimitié de l'arbitre à son égard ou qu'ils
relèvent d'un préjugé à l'égard de ses
thèses.
211 V. Th. CLAY, « L'indépendance et
l'impartialité de l'arbitre et les règles du procès
équitable », in L'impartialité du juge et
l'arbitre, Etude de droit comparé, Bruxelles, Bruylant, 2006, p.
216.
212 V. M. de BOISSÉSON, Le droit français de
l'arbitrage interne et international, Paris, GLN-Joly, 1990, p. 787, V.
eg. F.N. YOUGONE, op.cit., p.204.
213 G. CORNU, Vocabulaire juridique, op.cit., p.468.
214 FOUCHARD, GAILLARD, ET GOLDMAN, op.cit., p.582.
215 11 Mai 1992, Bull. ASA, 1992, p.382, spécialement
p.392, cité par FOUCHARD, GAILLARD, GOLDMAN, op.cit., p.585.
216 Ibid.
Mémoire rédigé et soutenu par Jacques Delor
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L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des
activités économiques dans l'espace OHADA
En matière internationale, la nationalité de
l'arbitre peut contribuer à créer un doute dans l'esprit des
parties. C'est pourquoi il est recommandé de prévoir que le
troisième arbitre ou l'arbitre unique soit de nationalité tierce
par rapport aux parties217. En effet en matière
internationale, il est bien établi que les parties ont très
souvent tendance à choisir comme arbitre un ressortissant de leur pays
ce qui ne devrait en rien remettre en cause son impartialité car, pour
reprendre le Professeur Pierre MAYER, « l'arbitre n'étant pas
dans le camp d'aucune des parties sur le terrain politique, religieux ou
idéologique. Dans toute la mesure du possible, il doit s'efforcer,
surtout s'agissant d'un arbitre unique, ou du président d'un tribunal
arbitral de faire abstraction de la plus grande sympathie qu'il éprouve
pour les valeurs défendues par l'une des parties, lorsqu'elles opposent
une civilisation ou un système politique à une autre, dont est
issue l'autre partie »218.
Si selon certains auteurs, l'indépendance et
l'impartialité sont quasiment indissociables219, la
première qualité laissant présumer la
seconde220, d'autres soutiennent que ces concepts peuvent à
la fois être et ne pas être liés. Dans le premier cas, celui
qui n'est pas indépendant n'est pas impartial et dans le second, celui
qui est indépendant peut cependant ne pas être
impartial221.
Gaston KENFACK DOUAJNI est encore plus radical car selon lui,
« il serait hypocrite de penser que l'arbitre désigné
par une partie puisse être aussi indépendant que doit l'être
le président du tribunal ou l'arbitre unique »222.
L'auteur indique qu'on peut bien être dépendant et être
impartial et que des lors, l'impartialité devrait être la seule
qualité à exiger d'un arbitre. En tout état de cause, le
législateur africain a opté pour la réunion des deux
exigences ; Aussi peut-on lire à l'article 7 alinéa 3 AUA que
« l'arbitre doit (...) demeurer indépendant et impartial
vis-à-vis des parties ». L'article 4.1 RA/CCJA quant à
lui dispose que « tout arbitre nommé ou confirmé par la
Cour doit être et demeurer indépendant vis-à-vis des
parties ». Il ressort donc que dans les deux textes, l'insistance sur
le mot « demeurer » se fait remarquer. Ce qui signifie que
l'arbitre doit fournir les garanties
217 FOUCHARD, GAILLARD, ET GOLDMAN, op.cit. p. 588.
218 P. MAYER, « La règle morale dans l'arbitrage
international », in Etudes offertes à Pierre Bellet,
Paris, Litec, 1991, pp. 396- 397.
219F.N. YOUGONE, op.cit., p. 206.
220 P. MEYER, Droit de l'arbitrage, collection droit
uniforme africain, JURISCOPE, pp. 151-152.
221 D. MOUGENOT et J. V. COMPERNOLLE, «
Déontologie de l'expert judiciaire », in manuel de l'expertise
judiciaire, ANTHEMIS, p. 230.
222G. KENFACK DOUAJNI, « De la
nécessité pour les arbitres originaires des pays en
développement et en transition, de participer à la mondialisation
de l'arbitrage », Rev. Cam. Arb., no33, Avril-Mai-Juin 2006,
OHADATA D-08-62.
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L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des
activités économiques dans l'espace OHADA
d'indépendance et d'impartialité non seulement
au moment de sa désignation mais également tout au long de la
procédure arbitrale jusqu'au prononcé de la sentence arbitrale.
Sa neutralité doit demeurer à l'égard de toutes les
parties, quelle que soit celle qui les a désignés et quelle que
soit la façon dont ils ont été
désignés223. Cette exigence posée par le
législateur africain n'est rien d'autre que la manifestation de sa
volonté qui est de garantir la sécurité judiciaire dans
l'arbitrage OHADA. Cette volonté est d'autant plus manifeste dans la
mesure où, il a prévu des moyens tendant à assurer
l'efficacité de l'exigence d'indépendance et
d'impartialité.
B. Les moyens tendant à assurer
l'efficacité de l'exigence d'indépendance et
d'impartialité
A l'instar des législations modernes, pour garantir aux
parties l'accès à un arbitre indépendant et impartial, le
législateur africain a prévu des moyens à la fois d'ordre
préventif (1) et curatif (2).
1. Le moyen d'ordre préventif
En droit OHADA de l'arbitrage, la prévention du risque
de dépendance et de partialité de l'arbitre est assurée
par l'obligation de révélation.
Absente en matière de justice étatique,
l'obligation de révélation a été consacrée
dans l'arbitrage en général et dans celui de l'OHADA en
particulier dans l'optique de renforcer la crédibilité de ce mode
alternatif mais juridictionnel de règlement des litiges. Il s'agit d'un
moyen de sécurité judiciaire donc l'efficacité à
notre avis parait indiscutable.
Dans l'arbitrage de droit commun régit par l'AUA,
« Tout arbitre pressenti informe les parties de toute circonstance de
nature à créer dans leur esprit un doute légitime sur son
indépendance et son impartialité et ne peut accepter sa mission
qu'avec leur accord unanime et écrit »224. Le
règlement d'arbitrage CCJA est dans la même lancée quand il
prévoit que « avant sa nomination ou sa confirmation par la
cour, l'arbitre pressenti révèle par écrit au
223 P. BOUBOU, op.cit., p.5.
224 Art 7 al.4 NAUA.
Mémoire rédigé et soutenu par Jacques Delor
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L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des
activités économiques dans l'espace OHADA
Secrétaire général toute circonstance
de nature à soulever des doutes légitimes sur son
impartialité ou son indépendance »225.
Il résulte de ces textes que l'arbitre qui suppose en
sa personne une cause de récusation doit en informer les parties et
éventuellement la CCJA si l'arbitrage en question est conduit sous
l'égide de cette Cour. Il s'agit d'une obligation permanente au regard
du fait qu'elle dure toute la procédure arbitrale jusqu'au
prononcé de la sentence arbitrale226. Cependant, quelle est
la nature des faits devant être révélés par
l'arbitre ?
En effet, comme l'indiquait un auteur227, l'ancien
Acte uniforme utilisait, de manière assez peu heureuse, l'expression de
« cause de récusation »228pour
circonscrire l'obligation d'information des arbitres, ce qui laissait planer un
doute sur l'étendu de l'obligation de révélation.
Était-ce à dire que l'arbitre n'était tenu de
révéler que les faits qui, pour un juge, seraient de nature
à entrainer sa récusation ? En d'autres termes, le statut de
l'arbitre serait-il, sur ce point, calqué sur celui des juges ? Une
réponse négative s'est à juste titre imposée en
doctrine.
À ce titre, selon Marc HENRY229, la
récusation doit être ici entendue dans un sens
général et non dans le sens technique qui lui est attribué
pour les juges par les codes de procédure civile. La législation
uniforme ne renvoyait donc pas sur ce point aux codes de procédure
civile des États membres OHADA. Pour lui, les arbitres n'étant
pas assimilables aux magistrats, rien ne justifie que les causes de
récusation à eux appliquées soient calquées sur
celles des magistrats. Ainsi, du fait de l'utilisation des termes «
indépendance et impartialité », il sied
d'écarter toute restriction qu'impliquerait la notion de
récusation telle qu'appliquée aux juges étatiques. Les
arbitres doivent donc révéler tout fait de nature à
pouvoir susciter un doute légitime dans l'esprit des parties quant
à leur indépendance ou leur impartialité. C'est d'ailleurs
fort heureusement la nouvelle formule consacrée par les reformes
225 Art 4.1.3 NRA/CCJA.
226 Art.4.1.5 NR/CCJA : « L'arbitre doit
immédiatement faire connaitre par écrit au secrétaire
général de la cour et aux parties, les faits et circonstances de
même nature qui surviendraient entre sa nomination ou sa confirmation par
la cour et la notification de la sentence finale ». V. ég.
Art.7 al.4 NAUA : « A partir de la date de sa nomination et durant
toute la procédure arbitrale, l'arbitre signale de telle circonstance
aux parti ».
227 M. DIAKITE, op.cit., p. 276.
228 Art 7 al.2 AAUA.
229 M. HENRY, « Le devoir d'indépendance de l'arbitre
», Paris, LGDJ. 2001, p. 218.
Mémoire rédigé et soutenu par Jacques Delor
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L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des
activités économiques dans l'espace OHADA
de 2017230. Ils ne sont cependant pas tenus de
révéler une situation notoirement connue. Une circonstance ne
doit en effet être révélée que pour autant qu'elle
est ignorée231.
En tout état de cause, lorsque la
révélation est faite, l'arbitre ne pourra accepter sa mission
qu'avec l'accord unanime et écrit des parties232. L'exigence
d'un écrit dans ce cas n'est pas fortuite. Le Professeur LEBOULANGER
soulignait qu'elle « est sans doute une sage précaution, qui
évitera des tentatives de récusation à des fins purement
dilatoires, mais qui pourra, à l'inverse, être une source de
blocage, si une des parties refuse de donner son accord
»233. En somme, la finalité de l'obligation de
révélation est de garantir la sécurité judiciaire
dans l'arbitrage en permettant d'une part, aux parties de mettre en exergue
leur consentement par l'acceptation l'arbitre ou par sa révocation.
D'autre part, cette obligation permet de neutraliser toute contestation
à un stade ultérieur de la procédure, si les parties
n'exercent pas leur droit à temps ou le font sans succès.
2. Le moyen d'ordre curatif
À titre curatif, l'AUA autorise la récusation de
l'arbitre et laisse le soin aux parties de régler la procédure
qui permettra d'aboutir à cette récusation234 . Ce
texte précise également que si les parties n'ont pas
réglé la procédure de récusation, il appartiendra
au juge compétent de l'État partie de statuer sur cette
demande.
La récusation n'est admise que pour une cause
révélée après la nomination de
l'arbitre235. Si la partie qui demande la récusation de
l'arbitre avait accepté la nomination de ce dernier en étant au
courant de la cause qu'elle invoque plus tard comme motif de récusation,
ladite demande sera déclarée irrecevable comme
tardive236.
Si après la nomination d'un arbitre, une partie
découvre que celui-ci ne remplit pas les conditions
d'indépendance et d'impartialité requises pour juger, elle peut
le récuser237.
230 Voir à ce titre les articles 7 al. 4 NAUA et 4.1.3
NRA/CCJA.
231 M. HENRY, op.cit., pp.220 et s.
232 Art 7 al.2 AAU et
233 Ph. LEBOULANGER, « Présentation
générale des actes sur l'arbitrage », in l'OHADA et les
perspectives de l'arbitrage en Afrique, op.cit., p. 75.
234Art 8 al.1 NAUA. 235Art 8 al.4 NAUA.
236 P. BOUBOU, op.cit., p. 6.
237 Ibid.
Mémoire rédigé et soutenu par Jacques Delor
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L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des
activités économiques dans l'espace OHADA
Le règlement d'arbitrage CCJA est assez précis
sur les conditions et la procédure de récusation. Aussi
indique-t-il que la récusation de l'arbitre peut être
fondée sur un « défaut d'indépendance ou sur tout
autre motif »238. La demande de récusation est
introduite par l'envoi au secrétariat général d'une
déclaration précisant les faits et circonstances sur lesquels se
fonde cette demande239.Pour être recevable, la demande de
récusation doit être introduite par la partie soit dans les
trente(30) jours suivant la réception par celle-ci de la notification de
la nomination ou de la confirmation de l'arbitre par la Cour, soit dans les
trente(30) jours suivant la date à laquelle la partie introduisant la
demande de récusation a été informée des faits et
circonstances quelle évoque à l'appui de sa demande de
récusation, si cette date est postérieure à la
réception de la notification susvisée240. La CCJA ne
peut se prononcer sur la recevabilité et sur le bien-fondé de la
demande récusation qu'après que le secrétaire
général de la cour ait mis l'arbitre concerné, les parties
et éventuellement, les autres membres du tribunal arbitral, en mesure de
présenter leurs observations par écrit dans un délai
approprié241. Lorsque la Cour admet la récusation,
elle doit procéder au remplacement de l'arbitre242.
En définitive, la récusation est une sanction
qui intervient lorsque la mesure préventive qu'est l'obligation de
révélation n'a pas été respectée par
l'arbitre. Ces moyens permettent de rétablir le lien de confiance entre
l'arbitre et les parties et sont donc facteur de sécurité
judiciaire car favorisant l'efficacité de l'exigence de
l'indépendance et l'impartialité entant qu'élément
consubstantiel à la fonction juridictionnelle de l'arbitre.
Paragraphe 2 : Les exigences de nature
procédurale : le respect du contradictoire et l'exigence de
célérité
Nous examinerons tour à tour le principe du
contradictoire (A) et l'exigence de célérité dans
l'arbitrage OHADA (B).
238 Art 4.2 NRA/CCJA.
239 Ibid.
240Art 4.2.2 NRA/ CCJA.
241 Art 4.2.3 NRA / CCJA.
242 Art 4.3.1 NRA/CCJA.
Mémoire rédigé et soutenu par Jacques Delor
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L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des
activités économiques dans l'espace OHADA
A. Le contradictoire dans l'arbitrage OHADA
Le principe du « contradictoire » figure en
bonne place parmi les principes consacrés, établis pour assurer
aux parties la garantie d'un procès équitable243. Il
évoque le respect des droits de la défense et implique que dans
un procès, nulle partie ne peut être jugée sans avoir
été entendue ou appelée. Entant que premier facteur d'une
justice de qualité, le contradictoire innerve l'instance et doit
être observé, tant au seuil que pendant le cours de la
procédure. Au seuil de l'instance, ce principe implique le droit pour
toute personne d'être informée de façon claire et
régulière du procès qui lui est fait. Au cours de
l'instance il exige que toutes les parties aient la possibilité
d'organiser leur défense. C'est dire que le contradictoire crée
pour les parties, aussi bien des obligations réciproques que des
obligations à l'égard du juge. Cette règle
n'échappe pas à la procédure arbitrale, l'arbitrage
étant doté d'une nature juridictionnelle.
En droit OHADA de l'arbitrage et plus spécifiquement
dans l'arbitrage de droit commun, le principe du contradictoire est
consacré par l'article 9 AUA qui prévoit que les parties soient
traitées sur un pied d'égalité et que chacune d'elle ait
toute possibilité de faire valoir ses droits. Il est donc interdit au
tribunal arbitral de fonder sa décision sur des moyens, explications ou
documents invoqués ou produits par les parties si celles-ci n'ont pas
été à même d'en débattre
contradictoirement244. Aussi si à l'égard des parties
le contradictoire suppose que durant toute la procédure arbitrale,
celles-ci s'entre-communiquent en temps utile les pièces ou documents
nécessaires à la manifestation de la vérité afin
que ceux-ci soient débattu contradictoirement, il interdit à
l'arbitre de rendre des décisions sur des faits non débattus, le
droit d'être entendu par le tribunal arbitral étant un droit
consacré.
Le règlement d'arbitrage de la CCJA n'est pas en reste.
En effet, pour les arbitrages se développant sous l'égide de
cette Cour, les mémoires et toutes communications écrites
présentés par les parties, ainsi que toutes les pièces
annexes, sont fournies en autant d'exemplaire qu'il y a de parties plus un pour
chaque arbitre ainsi qu'une copie électronique envoyée au
Secrétariat Général245. Toute notifications ou
communications du secrétariat Général et du tribunal
arbitral sont faites à l'adresse où à la dernière
adresse connue de la partie qui en est destinataire ou de son
représentant, telle que communiquée par celle-ci ou par
243 Ces principes sont communément appelés
« principes directeurs du procès ».
244 Art. 14 al. 7 NAUA.
245 Art 12. 1 NRA/ CCJA.
Mémoire rédigé et soutenu par Jacques Delor
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L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des
activités économiques dans l'espace OHADA
l'autre partie, le cas échéant. Elle peut
être effectuée par remise contre reçu, lettre
recommandée, service de transport, courriel ou par tout autre moyen
électronique permettant de fournir la preuve de l'envoi246.
Lorsqu'elle est valablement faite, la notification ou la communication est
considérée comme acquise quand elle a été
reçue par l'intéressé ou par son
représentant247.
Après examen des écrits des parties et des
pièces versées par les parties au débat, le tribunal
arbitral entend contradictoirement les parties soit à la demande de
l'une d'elles, soit d'office. Il peut, s'il l'estime nécessaire, les
entendre séparément. Dans ce cas, l'audition de chaque partie a
lieu en présence des conseils des deux parties248.
Il faut cependant noter qu'en matière de
contradictoire, le plus important n'est pas la comparution de la partie
défenderesse, mais qu'elle soit appelée. Des lors, si un plaideur
informé refuse le débat contradictoire, cela n'empêche pas
le prononcé de la sentence. Aussi, a-t-il été jugé
que « doit être rejeté l'argument tiré du
non-respect du principe du contradictoire des lors qu'il est prouvé
qu'une partie a été régulièrement notifiée
de la composition du tribunal arbitral et de la tenue des instances arbitrales
auxquelles elle ne s'est pas présenté et que par ailleurs cette
partie n'apporte aucun élément justifiant de sa
défaillance à l'instance arbitrale »249.
Il résulte donc de tout ce qui précède
que le principe du contradictoire, gage du procès équitable, est
fortement affirmé dans le système d'arbitrage OHADA. Le
législateur en a fait un principe d'ordre public au point où sa
violation par l'arbitre entrainerait l'annulation de la sentence
arbitrale250. La Cour d'appel de Pointe Noire l'a rappelé
dans l'affaire COFIPA INVESTMENT BANK CONGO contre Société
COMADIS CONGO en ces termes : « Des dispositions combinées des
articles 9 et 14 alinéas 5 et 6 AUA, il résulte que le respect de
la contradiction par l'arbitre, et dont l'inobservation est sanctionnée
par l'annulation de la sentence, d'une part, de l'obligation qui lui est faite
d'accorder à chacune des parties la possibilité de faire valoir
ses prétentions, connaitre celles de son adversaire et procéder
à leur discussion, et d'autre part, de l'interdiction de se fonder sur
des moyens relevés d'office
246 Art 12.2 NRA/ CCJA.
247 Art 12.3 NRA/CCJA.
248 Art 19.1.2 et 19.1.5 NRA/CCJA.
249 Cour d'Appel du Centre, Arrêt no 199/ CIV
du 28 Avril 2010, affaire Société ARAB CONTRACTOR c/CABINET
F.MBA.SARL, Ohadata J-12-73. V. eg. Répertoire de jurisprudence OHADA,
2012, p.11.
250 V. art.26 NAUA et 29 NRA/CCJA.
Mémoire rédigé et soutenu par Jacques Delor
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L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des
activités économiques dans l'espace OHADA
sans que les parties n'aient été au
préalable invitée à en discuter, ou de procéder
seul à des investigations personnelles. En l'espèce, l'arbitre a
lui-même seul procédé à une enquête sans
associer les parties, ni même soumettre à la discussion de
celles-ci les éléments de faits ou de droit recueillis lors de
cette investigation. Il a manifestement des lors inobservé le principe
du contradictoire, et sa sentence encours annulation
»251.C'est dire que le respect du principe du
contradictoire dans l'arbitrage est au coeur de la pensée
législative et judiciaire dans l'espace OHADA. Son respect permet
d'améliorer la qualité de la justice arbitrale. Une
qualité nécessaire pour la sécurité judiciaire des
activités économiques dans l'espace juridique
intégré.
B. L'exigence de la célérité dans
l'arbitrage OHADA
Fondamental, mais parfois négligé ou mal
appliqué, le principe de célérité constitue
l'épine dorsale du droit processuel, étant entendu qu'une justice
rendue tardivement est une justice de mauvaise qualité car conduisant
très souvent au « paradoxe d'une partie juridiquement gagnante,
et, économiquement perdante »252. Vu dans ce sens,
les lenteurs judiciaires ne peuvent qu'être source
d'insécurité judiciaire.
Consacré par la charte africaine des droits de l'homme
et des peuples comme le droit d'être jugé dans un délai
raisonnable253, le principe de célérité
suggère de réfléchir sur le rythme, voire le temps de la
procédure ; l'objectif étant de distinguer « les temps
utiles, qui améliorent la qualité de la procédure, et les
temps morts qui doivent disparaitre »254.
Au coeur de la réflexion en droit OHADA, les reformes
de 2017 apportées en matière arbitrale n'ont pas fait fi des
délais de procédure, organisant minutieusement ceux-ci dans
l'optique de prévenir les lenteurs judiciaires en matière
arbitrale et de neutraliser au maximum les manoeuvres dilatoires des parties et
même des juges intervenant dans une procédure arbitrale. Des lors,
soucieux de proposer des procédures arbitrales qui répondent aux
attentes des justiciables, pour qui ce mode de règlement des
différends est cher, le législateur africain a posé un
remarquable accent sur les délais tant dans la phase « ante
sententiam » que dans les phases « sententia » et
« post sententiam ».
251 Cour d'appel de Pointe-Noire, Arrêt no du
4 Mars 2005, COFIPA INVESTMENT BANK CONGO c/ Société COMADIS
CONGO, Ohadata J-13-73.
252 C. BARRERE, « Temps (point de vue de
l'économiste) », in Cadiet (L.) Dir., Dictionnaire de la
justice, 2004.
253 V. art.7 al.1-d CADHP
254 S. AMRANI-MEKKI, « Le principe de
célérité », Revue française d'administration
publique 2008/ 1, n° 125, p.52.
Mémoire rédigé et soutenu par Jacques Delor
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L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des
activités économiques dans l'espace OHADA
Dans l'arbitrage ad hoc et à la phase ante
sententiam constituée du moment de la constitution du tribunal
arbitral et celui de l'instance, en cas d'arbitrage par trois arbitres, chaque
partie nomme un arbitre et le troisième est désigné par
les deux autres. Le délai de désignation est de trente (30) jours
à compter de la demande à cette fin émanant de l'autre
partie. En cas de désaccord des deux arbitres sur le choix du
troisième, les parties disposent d'un un délai de trente (30)
jours à compter de leur désignation pour saisir la juridiction
compétente de l'État partie aux fins pour elle de mettre un terme
à la carence255. Cette dernière dispose à son
tour d'un délai de quinze (15) jours à compter de sa saisine pour
rendre sa décision qui ne peut faire l'objet d'aucun recours. Ce
délai peut être raccourci par la législation de
l'État partie256. En effet, le délai imposé au
juge étatique pour mettre un terme au blocage susceptible de survenir
lors de la constitution du tribunal arbitral constitue une nouveauté
étant donné que l'ancien Acte uniforme était silencieux
sur cette question ; ce qui est une mesure préventive qui favorise la
neutralisation des manoeuvres dilatoires à cette phase de la
procédure arbitrale.
En matière de récusation, le législateur
africain a encore fait preuve d'un énorme pragmatisme en imposant un
délai de trente (30) jours au juge étatique saisi d'une demande
de récusation pour rendre sa décision ; délai dont le
non-respect est sanctionné par le dessaisissement de ladite juridiction
au profit de la CCJA257. Cette nouvelle mesure est salutaire compte
tenu de l'environnement judiciaire des Etats parties au traité OHADA
fortement marqué soit par l'engorgement des prétoires, soit par
les errements des magistrats qui parfois se laisse emporter par le vent de la
corruption qui souffle sur eux, les poussant à effectuer des renvois
incessants dont le seul but est de trainer le procès au
bénéfice d'une partie de mauvaise foi. Le législateur
africain impose également que toute cause de récusation soit
soulevée dans un délai qui ne saurait excéder trente (30)
jours à compter de la découverte du fait ayant motivé la
récusation par la partie qui entend s'en
prévaloir258.
L'instance arbitrale est également marquée par
des délais stricts. Aussi, si les parties n'ont pas conventionnellement
fixé un délai pour leur arbitrage, le législateur
africain
255 Art 6 al.4-a NAUA. Ce délai est le même au
cas où les parties ne s'accordent pas sur la désignation de
l'arbitre unique.
256 Art 5 al.5 NAUA.
257 Art 8 al.1 NAUA.
258 Art 8 al.3 NAUA. Il sied d'indiquer que cette mesure a
fait l'objet d'une réécriture. L'article 7 alinéa 4 de
l'ancien AUA faisait mention du terme `'sans délai». Cette
imprécision peu favorable à l'exigence de
célérité a à juste titre été
corrigée par la prévision d'un délai fixe et précis
qui est de trente (30) jours.
Mémoire rédigé et soutenu par Jacques Delor
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L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des
activités économiques dans l'espace OHADA
plafonne la durée de la procédure à six
(06) mois à compter du jour où le dernier arbitre a
accepté sa mission. Toutefois, le délai d'arbitrage, qu'il soit
légal ou conventionnel, peut être prorogé, soit par accord
des parties, soit à la demande de l'une d'elles ou du tribunal arbitral,
par la juridiction de l'État partie259. En outre, en cas de
difficulté liée au caractère manifestement nulle ou
manifestement inapplicable de la convention d'arbitrage, la juridiction
étatique dispose d'un délai maximum de quinze (15) jours pour
statuer en dernier ressort sur sa compétence, décision ne pouvant
faire l'objet que d'un pourvoi en cassation devant la CCJA260. En
effet, l'absence remarquable de délai accordé au juge
étatique pour statuer sur sa compétence, et la possibilité
d'interjeter appel contre sa décision en la matière dont faisait
état l'AUA de 1999261 allait en contradiction avec le
caractère de l'arbitrage qui se veut rapide. La fixation d'un
délai maximum de quinze (15) jours et la mise à l'écart du
principe du double degré de juridiction en matière de
compétence du juge étatique est une innovation salutaire, eu
égard de la mise en harmonie entre la législation arbitrale OHADA
et l'objectif de sécurisation judiciaire des parties.
Dans la phase sententia, au cas où la sentence
arbitrale nécessite d'être interprétée ou
rectifiée du fait des erreurs ou omissions qui l'affectent, ou
même encore lorsque le juge a omis de statuer sur un chef de demande, les
parties disposent de trente (30) jours à compter de la notification de
la sentence pour formuler leur requête. Le tribunal arbitral aura alors
quarante-cinq jours (45) jours pour statuer dans le premier cas sur la demande
d'interprétation ou de rectification des erreurs matérielles, et
dans le second cas pour rendre une sentence additionnelle262.
La phase post sententiam est également
marquée par le principe de célérité. L'AUA
prévoit à ce titre un délai pour introduire un recours en
annulation de la sentence arbitrale. Les parties peuvent donc introduire ce
recours dès le prononcé de la sentence querellée,
possibilité qui cesse dans le mois de la signification de la sentence
munie de l'exéquatur. La juridiction compétente est tenue de
statuer dans un délai ne pouvant excéder trois (03) mois et comme
en matière de récusation, faute pour elle de respecter ce
délai, elle se verra dessaisie au profit de la CCJA qui pourra
être saisie dans les quinze (15) jours suivants. La Cour communautaire
259 Art.12 NAUA.
260 Art.13 al.2 NAUA.
261 V. art 13 ancien AUA.
262 Art.22 al.2-4. NAUA.
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L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des
activités économiques dans l'espace OHADA
dispose à son tour de six (06) mois à compter de
sa saisine pour statuer263. Il s'agit également d'une
nouvelle mesure qui vise non seulement à prévenir de
manière efficace les manoeuvres dilatoires des acteurs du procès
arbitral, mais également de toute autre forme de lenteur de nature
à préjudicier aux créanciers de l'exécution de la
sentence arbitrale.
L'arbitrage institutionnel CCJA ne déroge pas au
principe de célérité. Le législateur africain n'a
ménagé aucun effort pour encadrer les délais de
procédure applicables à ce type d'arbitrage. Aussi, lorsqu'une
partie a adressé une demande d'arbitrage au Secrétaire
général de la Cour, le ou les défendeurs disposent de
trente (30) jours à compter de la date de la notification de la demande
pour adresser leurs réponses264. Au cas où le
défendeur aurait formé une demande reconventionnelle dans sa
réponse, le demandeur pourra alors, dans les trente (30) jours de la
réception de ladite réponse, répondre par une note
complémentaire265. Lors de la constitution du tribunal
arbitral, le règlement d'arbitrage CCJA prévoit un délai
de trente (30) jours dans lequel les parties doivent désigner l'arbitre
unique. Ce délai court à partir de la date de notification de la
demande d'arbitrage à l'autre partie. À défaut d'accord
entre les parties dans l'intervalle de ce délai, l'arbitre est
nommé par la Cour266 . Si les parties n'ont pas fixé
d'un commun accord le nombre d'arbitre et que la Cour juge nécessaire la
constitution d'un tribunal collégial, le règlement d'arbitrage
sus indiqué octroie un délai de quinze (15) jours aux parties
pour désigner leurs arbitres267. Lorsque plusieurs demandeurs
ou défendeurs doivent présenter à la Cour des propositions
conjointes pour la nomination d'un arbitre et que celles-ci ne s'accordent pas
dans les délais impartis, la Cour peut nommer la totalité du
tribunal arbitral268. La demande de récusation doit, à
peine de forclusion être introduite soit dans les trente (30) jours
suivant la réception par la partie qui la sollicite de la notification
de la nomination ou de la confirmation de l'arbitre par cour, soit dans les
trente (30) jours suivant la date à laquelle la partie introduisant la
demande de récusation a été informée des faits et
circonstances qu'elle évoque à l'appui de sa demande, si cette
date est postérieure à la réception de la notification
susvisée269. Après réception du dossier, le
tribunal arbitral convoque les parties ou leurs représentants, ainsi que
leurs conseils à une réunion de cadrage aussi rapidement que
possible et au plus tard dans les quarante-cinq (45) jours de sa
263 Art.27 NAUA.
264 Art.6 al 1 NRA/ CCJA
265 Art.7 NRA/ CCJA
266 Art.3.1.2 NRA/ CCJA.
267 Art.3.1.4 NRA/ CCJA.
268 Art.3.1.5 NRA/ CCJA.
269 Art.4.2.1 NRA/ CCJA.
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L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des
activités économiques dans l'espace OHADA
saisine270. Le calendrier prévisionnel de la
procédure arbitrale y sera fixé et il précisera les dates
de remises des mémoires respectifs jugés nécessaires et,
le cas échéant, la date de l'audience à l'issue de
laquelle les débats seront déclarés clos. Cette date de
l'audience ne doit pas être fixée au-delà de six (06)
mois271. Sauf prorogation ordonnée par la Cour d'office ou
à la demande du tribunal, la sentence est rédigée et
signée dans les quatre-vingt-dix (90) jours qui suivent l'ordonnance de
clôture des débats272. Toutefois, la Cour examine le
projet de sentence et rend son avis dans un délai d'un (01) mois suivant
la date sa saisine273. Comme dans l'arbitrage ad hoc, au
cas où la sentence arbitrale nécessite d'être
interprétée ou rectifiée du fait des erreurs ou omissions
qui l'affectent, ou même encore lorsque le juge a omis de statuer sur un
chef de demande, les parties disposent de trente (30) jours à compter de
la notification de la sentence pour formuler leurs requêtes. Le
Secrétaire général communique, dès réception
la requête au tribunal et à la partie adverse afin pour elle
d'adresser ses observations au tribunal et à la partie adverse dans un
délai de trente (30) jours. Après avoir examiné
contradictoirement les points de vue des parties et les pièces
éventuellement soumises, le tribunal est tenu dans les quarante-cinq
(45) jours de sa saisine d'adresser le projet de sentence additionnelle ou
rectificative à la Cour. Si une partie désire introduire un
recours en annulation de la sentence, cette action sera recevable dès le
prononcé de ladite sentence et cessera de l'être dans les deux
(02) mois de sa notification274. La Cour statuera dans les six (06)
mois de sa saisine275. La sentence arbitrale est susceptible
d'exéquatur dès son prononcé. Celui-ci peut
également être accordé dans les quinze (15) jours du
dépôt de la requête, par une ordonnance du président
de la Cour ou du juge délégué à cet effet. Cette
procédure est non contradictoire276. S'agissant des mesures
provisoires ou conservatoires, la décision d'exéquatur en la
matière est rendue dans les trois (03) jours suivant le
dépôt de la requête à la Cour277. En cas
de refus de l'exéquatur, la partie requérante pourra saisir la
Cour dans les quinze (15) jours de la notification du rejet de sa
requête. Ce délai est réduit de trois (03) jours lorsque le
recours est relatif aux mesures provisoires ou conservatoires278.
270 Art.15.1.1 NRA/ CCJA.
271 Art.15.1.2-f NRA/ CCJA.
272 Art.15.4 NRA/ CCJA.
273 Art.23.2.2 NRA/ CCJA.
274 Art.29.3 NRA/CCJA.
275 Art.29.4.2 NRA/CCJA.
276 Art.30.1 et 30.2.1 NRA/CCJA.
277 Art.30.2.5 NRA/CCJA.
278 Art.30.3 NRA/CCJA.
Mémoire rédigé et soutenu par Jacques Delor
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L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des
activités économiques dans l'espace OHADA
Il ressort de ce qui précède que le
système d'arbitrage OHADA est fortement imprégné de
l'exigence de célérité. Elle existe à toutes les
phases du procès arbitral, que ce soit à la phase ante
sententiam, que dans les phases sententia et post
sententiam. Le législateur africain a minutieusement encadré
les délais de procédure de telle sorte que l'arbitrage
n'excède pas une durée de six (06) mois, sauf convention
contraire des parties. Un tel souci de célérité a le
mérite de mettre en musique le système d'arbitrage de
l'organisation et l'objectif de cette dernière qui est de garantir la
sécurité judiciaire aux investisseurs à travers
l'arbitrage.
En définitive, la sécurité judiciaire
dépend de la qualité de la justice. Une justice protectrice,
rendue de façon juste et équitable. Ainsi, soucieux
d'améliorer le climat des affaires dans l'espace OHADA, le
législateur africain a soumis son système d'arbitrage aux
principes directeurs d'une bonne justice, parmi lesquels les principes
d'indépendance et d'impartialité, du contradictoire et de
célérité. Consacrés avec autorité dans l'AUA
et le règlement d'arbitrage de la CCJA, ils constituent le gage des
procès justes et équitables en matière arbitrale et
contribuent à l'amélioration de la qualité de la justice
arbitrale dans l'espace OHADA. Toutes choses qui permettent au système
d'arbitrage communautaire de contribuer à la sécurité
judiciaire des activités économiques dans l'espace juridique
intégré. Toutefois, cette contribution aurait-elle
été suffisamment pertinente si elle avait fait fi du renfort du
juge public ?
Section 3 : Le renfort du juge public, facteur
d'efficacité de l'arbitrage
OHADA
C'est un truisme que la sécurité judiciaire
s'accommode mal à l'inefficacité de la justice. Une
efficacité amplement recherchée en matière arbitrale
où, la prégnance de la volonté des parties pourrait dans
certains cas entrainer des effets pervers. C'est pourquoi le législateur
africain a érigé le juge public en juge de renfort dans
l'arbitrage étant entendu, qu'« il y a pas de bon arbitrage
sans bon juge »279. De cette thèse, il ressort que
l'efficacité de l'arbitrage dépend en grande partie de la
qualité du juge qui y intervient. Mais de quel juge s'agit-il ? Il
s'agit d'un juge biface qui intervient parfois comme « juge d'appui
», parfois
279 J. P. ANCEL, « Le contrôle de la
sentence », in L'OHADA et les perspectives de l'arbitrage en
Afrique, Op.cit., p. 189.
Mémoire rédigé et soutenu par Jacques Delor
Bikoi Page 68
L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des
activités économiques dans l'espace OHADA
comme « juge de contrôle ». C'est un
assistant technique280 à l'arbitrage qui se distingue selon
que l'on soit dans l'arbitrage traditionnel (Paragraphe 1) ou dans l'arbitrage
spécifique CCJA (Paragraphe 2).
Paragraphe 1 : Le renfort du juge public dans
l'arbitrage traditionnel
L'arbitrage traditionnel dans l'espace OHADA est
constitué d'une part de l'arbitrage ad hoc(A) et des arbitrages
rendus par les institutions internes281(B).
A. Le juge public dans l'arbitrage ad hoc
Dans l'arbitrage ad hoc, le juge public n'est nul autre que le
juge étatique qui apporte son soutien à l'arbitrage. L'AUA lui
confère des compétences d'attribution qui lui permettent
d'intervenir avant, pendant et après l'instance arbitrale. Avant
l'instance, le juge étatique peut intervenir lors de la constitution du
tribunal arbitral. Ainsi, l'AUA prévoit que les parties peuvent choisir
un arbitre ou un collège constitué de trois arbitres. Dans la
première hypothèse, l'arbitre unique est désigné
d'après la commune volonté des parties et à défaut
par le juge compétent de l'État partie. Dans la seconde
hypothèse, chaque partie nomme un arbitre et les deux arbitres ainsi
nommés désignent le troisième arbitre. Si une partie ne
procède pas à la désignation d'un arbitre dans un
délai de trente (30) jours suivant la date de réception d'une
demande à cette fin émanant de l'autre partie, ou si les deux
arbitres ne s'accordent pas sur le choix du troisième arbitre dans un
délais de trente jours suivant leur désignation, ce dernier sera
désigné par la juridiction compétente de l'État
partie. Lorsque les parties ont prévu la désignation de deux
arbitres, le tribunal arbitral est complété par un
troisième arbitre choisi d'un commun accord par les parties, à
défaut par les arbitres choisis et en cas de désaccord de ces
derniers, par la juridiction compétente de l'Etat partie. En tout
état de cause, la désignation par le juge étatique ne
pourra se faire que sur demande de la partie la plus diligente282.
Le juge étatique intervient également en cas d'urgence reconnue
et motivée pour prononcer des mesures provisoires et conservatoires
lorsque le tribunal arbitral n'est pas encore constitué, à
condition pour lui de ne pas statuer au fond du litige283. Cette
règle a déjà
280 L'expression est de Ph. FOUCHARD in « La
coopération du président du tribunal de grande instance à
l'arbitrage », RCV. Arbitrage, 1985, p.9.
281 Centre d'arbitrage du GICAM (CAG), Centre national
d'arbitrage (CNA), Centre d'arbitrage de Côte d'ivoire (CACI) etc.
282 Art 6 NAUA.
283 Art 13 al.4 NAUA.
Mémoire rédigé et soutenu par Jacques Delor
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L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des
activités économiques dans l'espace OHADA
été rappelée par le juge camerounais en
ces termes : « Conformément à l'article 13 de l'acte
uniforme relatif au droit de l'arbitrage, l'existence d'une convention
d'arbitrage ne fait pas obstacle à la compétence du juge
étatique, en l'espèce le juge des référés,
pour prendre des mesures conservatoires lorsqu'il y a urgence et que cette
mesure (...) ne préjudicie pas au fond »284. Il
ressort donc qu'avant l'instance arbitrale, le juge étatique peut
intervenir soit pour vaincre tout blocage susceptible de paralyser la
constitution du tribunal arbitral, soit pour sauvegarder les
intérêts des parties relativement à l'administration ou la
conservation des preuves, au maintien des relations des parties pendant le
cours de la procédure et enfin à la préservation d'une
situation de fait ou de droit donnée285.
Pendant l'instance arbitrale, dès lors que les parties
n'ont pas réglé la procédure de remplacement de l'arbitre
récusé, réputé incapable,
décédé ou démissionnaire et au cas où le
tribunal arbitral ne parvient pas à régler ces incidents de
procédure, la solution sera apportée par le juge compétent
de l'État partie à la demande de la partie la plus
diligente286. Ce dernier pourra également, en cours
d'instance, autoriser les mesures provisoires ou conservatoires. Toutefois, sa
compétence à ce niveau est concurrente avec celle de l'arbitre.
Ainsi, la partie qui sollicite lesdites mesures dispose du choix d'adresser sa
requête soit au juge étatique, soit au tribunal arbitral.
Cependant, il est avantageux de saisir le juge étatique eu égard
de ce que contrairement aux sentences arbitrales qui nécessites pour
leur exécution l'exéquatur du fait de l'absence d'impérium
octroyé à l'arbitre, les décisions du juge étatique
font l'objet d'une exécution rapide, ce qui favorise une meilleure
sauvegarde des intérêts du demandeur. Le juge étatique peut
également proroger le délai légal ou conventionnel de
l'arbitrage à la demande de l'une des parties ou du tribunal
arbitral287.
Après l'instance arbitrale, le juge étatique
intervient pour accorder l'exéquatur288, autoriser
l'exécution forcée, interpréter ou rectifier les erreurs
matérielles qui affectent la
284 Cour d'appel du Littoral, Arrêt no 092/
REF du 09 Mai 2007, Aff. TENE Job c/ PENGHOUA Emmanuel et KAMKEN
François, in répertoire OHADA, jurisprudence et bibliographie,
2006-2010, p. 25.
285 P. BERNADI, « Les pouvoirs de l'arbitre »in
Mesures conservatoires et provisoires en matière d'arbitrage
international, publication CCI no 519, p.24. V. ég. G.
K. DOUAJNI, « Les mesures provisoires et conservatoires dans l'arbitrage
OHADA », Rev. Cam. Arb., no8, Janvier- Février- Mars
2000, pp.3-s.
286 Art 6.al.3 NAUA.
287 Art 12 al.2 NAUA.
288 Art.30 et s. NAUA.
Mémoire rédigé et soutenu par Jacques Delor
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L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des
activités économiques dans l'espace OHADA
sentence si le tribunal ne peut plus être
réuni289 ou pour connaitre du recours en annulation de la
sentence290.
B. Le juge public dans l'arbitrage institutionnel
interne
L'arbitrage institutionnel interne est celui qui se
déroule sous l'égide des organismes d'arbitrages existants
à l'intérieur des États. Le droit OHADA de l'arbitrage
autorise les parties à s'en remettre à de tels organismes pour le
règlement de leurs différends. Seulement, le choix d'un organisme
d'arbitrage emporte obligation pour les parties de se soumettre à son
règlement d'arbitrage291. En effet, dans l'arbitrage
institutionnel interne, la présence du juge étatique n'est pas
aussi intense que dans l'arbitrage ad hoc. Dans ce type d'arbitrage,
le juge étatique saisi par une partie pourra intervenir pour accorder
les mesures provisoires ou conservatoires sans qu'une telle action ne remette
en cause la convention d'arbitrage292. L'intervention du juge
étatique est également nécessaire à défaut
d'exécution spontanée pour accorder l'exequatur à la
sentence arbitrale rendue par l'institution d'arbitrage.
En somme, on peut retenir que le renfort du juge
étatique est un facteur d'efficacité de l'arbitrage traditionnel
dans l'espace OHADA.
Paragraphe 2 : Le renfort du juge public dans
l'arbitrage CCJA
Tout comme l'arbitrage ad hoc, l'arbitrage
institutionnel CCJA est fortement marqué par l'assistance du juge
public, à la différence que si dans le premier type d'arbitrage
il s'agit essentiellement du juge étatique, dans le second, le
règlement d'arbitrage CCJA prévoit que ce juge soit en principe
la CCJA (A) et de façon exceptionnelle, le juge compétent de
l'État partie (B).
A. La CCJA comme juge public de principe dans «
l'arbitrage CCJA »
En effet, le principe est le même que dans un arbitrage
ad hoc. L'intervention du juge public se fait avant, pendant et
après l'instance arbitrale.
289 Art. 22 al. 5 NAUA.
290 Art. 27. NAUA.
291 Art. 10 al.1 NAUA.
292 V. art 26.3 du règlement d'arbitrage CAG, art. 22
du règlement d'arbitrage CACI, art. 30 al.2 du règlement
d'arbitrage du centre d'arbitrage et de médiation de l'OAPI.
Mémoire rédigé et soutenu par Jacques Delor
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L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des
activités économiques dans l'espace OHADA
Avant l'instance, la CCJA peut être appelé
à prêter son concours lors de la constitution du tribunal, en
nommant des arbitres en lieu et place des parties ou des arbitres qui ne
s'accordent pas sur le choix du troisième arbitre.293 Elle
peut également intervenir en vue d'examiner les demandes de
récusation introduites dans les trente (30) jours qui suivent la
réception par le requérant de la notification de la nomination ou
de la confirmation de l'arbitre par la Cour294.
A la phase de l'instance, la CCJA pourra apporter son appui au
cas où, une demande de récusation est introduite pour des faits
découverts en cour de procédure295.La
compétence de la Cour est également établie en cas de
remplacement de l'arbitre pour cause de décès, de
démission ou d'incapacité296.
A la phase post arbitrale, c'est-à-dire après le
rendu de la sentence arbitrale, la CCJA peut éventuellement intervenir
pour nommer un arbitre unique en vue de statuer sur le recours en
interprétation, rectification ou complément de sentence en cas de
désaccord entre les parties sur la nomination d'un nouveau tribunal
lorsque l'ancien ne peut plus être réuni. Elle intervient
également pour accorder l'exéquatur297 à la
sentence et pour connaitre du recours en annulation298 de cette
dernière, du recours en tierce opposition299 ou à
défaut d'accord entre les parties et si le tribunal ne plus être
saisi pour nommer un nouveau tribunal arbitral300.
B. Le juge étatique comme juge public exceptionnel
dans l'arbitrage
CCJA
L'article 10-1 alinéa 3 NRA/ CCJA prévoit la
possibilité pour une partie de saisir le juge étatique
compétent au cas où l'urgence des mesures provisoires et
conservatoires ne permettrai pas au tribunal de statuer rapidement. Cette
compétence est concurrentielle à celle du tribunal arbitral,
aussi le requérant aura à choisir entre l'arbitre CCJA et le juge
étatique, son choix étant guidé tant par la nature des
mesures sollicitées que par la possibilité de leur
exécution plus ou moins facile.
293 Art.3.3 NRA/ CCJA.
294 Art. 4.2.1 NRA/ CCJA.
295 Ibid.
296 Art. 3 et 4 NRA/ CCJA.
-297 Lire à ce titre l'article 30 du nouveau
règlement d'arbitrage CCJA.
298 Art. 29.1 NRA/ CCJA.
299 Art. 33 NRA/ CCJA.
300 Art. 32 NRA/ CCJA.
Mémoire rédigé et soutenu par Jacques Delor
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L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des
activités économiques dans l'espace OHADA
En définitive, on peut retenir que l'efficacité
du système d'arbitrage OHADA est largement tributaire du soutient que
lui apporte le juge public, dont le rôle est de contribuer au bon
déroulement des procédures arbitrales. Juge étatique ou
CCJA, sa présence tant dans l'AUA que dans le RA/ CCJA témoigne
de la volonté du législateur de garantir aux acteurs
économiques la sécurité judiciaire en leur assurant,
l'accès à des arbitrages dont l'efficacité serait
difficilement mise en cause.
Mémoire rédigé et soutenu par Jacques Delor
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L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des
activités économiques dans l'espace OHADA
CONCLUSION DU CHAPITRE II
La sécurité judiciaire est un besoin constant
dans la vie juridique. Elle s'entend de la manière dont la justice est
rendue et suggère que celle-ci soit crédible, équitable,
transparente, capable de dire le droit avec compétence et de
sécuriser les justiciables. Recherchée avec le plus
d'acuité dans le contentieux économique, la
sécurité judiciaire est une exigence sans laquelle aucun
État ne peut véritablement prétendre au
développement économique. Elle constitue l'une des raisons
d'être de l'OHADA et c'est elle qui justifie la place particulière
du droit de l'arbitrage communautaire vis-à-vis des autres règles
harmonisées.
En effet, il est évident que les systèmes
judiciaires des États parties au Traité OHADA présentent
de nombreuses défaillances qui dégradent le climat des affaires.
Vu sous ce prisme, l'arbitrage OHADA ne peut qu'être une solution idoine
au problème de l'insécurité judiciaire dans la mesure
où, tout d'abord, il est marqué par la célébration
de l'autonomie de la volonté qui favorise la participation active des
parties dans l'organisation, le déroulement et le sort de leur
procédure arbitrale. Ainsi, elles peuvent se prémunir contre tous
les aléas susceptibles de nuirent à leurs
intérêts.
En outre, l'arbitrage OHADA est soumis aux principes
directeurs d'une bonne justice ; ce qui garantit aux investisseurs des
procès arbitraux justes et équitables dans l'espace communautaire
et enfin, l'assistance du juge public permet de renforcer l'efficacité
des procédures arbitrales.
C'est dire en définitive qu'on peut affirmer eu
égard des argumentations qui précèdent que, dans une
certaine mesure, l'arbitrage OHADA contribue à la sécurité
judiciaire des activités économiques dans les États
parties.
CONCLUSION DU TITRE I
Mémoire rédigé et soutenu par Jacques Delor
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L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des
activités économiques dans l'espace OHADA
Le développement économique est largement
tributaire de la sécurité juridique et judiciaire. Sans pour
autant soutenir que l'arbitrage est la seule matière à pouvoir
contribuer à la réalisation de cet objectif, force est de
reconnaitre que dans l'espace OHADA, il occupe une place fondamentale.
Pour ce qui est de la sécurité juridique, avant
le 11 Mars 1999, le droit de l'arbitrage était parfois absent, parfois
incomplet, où même encore contradictoire et inadapté dans
la plupart des États africains. Cette situation s'expliquait non
seulement par le choix législatif opéré par ces derniers
lors de leur accession à l'indépendance ; les uns ayant
optés pour la continuité passive, les autres pour la
continuité active, mais également par la caducité des
quelques règles arbitrales disponibles dans certains États. Ce
qui avait donc pour conséquence l'insécurité juridique qui
rendait l'environnement impropice aux affaires. Ainsi, la supranationalisation
du système d'arbitrage OHADA, son originalité ainsi que son
modernisme ont permis d'obtenir un droit accessible, prévisible, stable
et adapté. En clair, un droit de l'arbitrage qui contribue à la
sécurité juridique dans l'espace juridique
intégré.
Au plan de la sécurité judiciaire, la
célébration de l'autonomie de la volonté, l'exigence du
respect des principes directeurs d'une bonne justice et le renfort du juge
public ont permis d'améliorer la qualité de la justice arbitrale
dans les États parties. Une qualité qui permet au système
d'arbitrage OHADA de contribuer à la sécurité judiciaire
dans l'espace communautaire.
On peut donc en définitive conclure que le
système d'arbitrage OHADA contribue à la sécurisation des
activités économiques dans l'espace juridique
intégré. Seulement cette contribution reste perfectible.
UNE CONTRIBUTION PERFECTIBLE DE L'ARBITRAGE OHADA A
LA SÉCURISATION DES ACTIVITÉS ÉCONOMIQUES DANS
L'ESPACE JURIDIQUE INTEGRE
TITRE II
L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des
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L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des
activités économiques dans l'espace OHADA
Le terme perfectible renvoie à ce que l'on peut
parfaire et donc à ce qui présente des limites qui demandent des
solutions pour être parfait. Aussi, si tant est vrai que comme nous
l'avons démontré, le système d'arbitrage OHADA contribue
d'une certaine manière à la sécurisation des
opérations économiques dans l'espace intégré, il
reste de constater que cette contribution bien que nécessaire
présente un certain nombre de scories. Quelles sont-elles et comment les
améliore- t-on ? La réponse à cette interrogation
suggère d'examiner d'une part les scories d'ordre normatif (chapitre I)
et d'ordre pratique (chapitre II) d'autre part.
LES SCORIES D'ORDRE NORMATIF
CHAPITRE I
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L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des
activités économiques dans l'espace OHADA
Afin de permettre à son système d'arbitrage de
contribuer efficacement à la sécurisation des activités
économiques, le législateur africain s'inspirant largement du
droit français et des règles matérielles de l'arbitrage
international,301 s'est doté de règles modernes et
originales302. Seulement, force est de constater que celles-ci
laissent transparaitre des défaillances qui compromettent l'objectif
recherché c'est-à-dire la sécurité juridique et
judiciaire, afin non seulement de conserver les investissements existants, mais
également d'attirer beaucoup plus d'autres. Ces défaillances que
nous qualifions d'ordre normatif se traduisent par des silences (section 1),
des imprécisions et enfin l'hyper protection de l'arbitre CCJA (section
2).
Section 1 : Les silences du législateur
africain
L'exégèse des textes et la pratique arbitrale
révèlent que le législateur a, dans certains cas,
opéré le choix de rester silencieux sur bon nombre de questions
essentielles ; ce qui entache ou est susceptible d'entacher l'efficacité
des procédures arbitrales dans l'espace OHADA. Ces silences tiennent
d'une part à certains concepts (Paragraphe 1) et d'autre part à
la règlementation de certaines procédures (Paragraphe 2).
Paragraphe 1 : Les silences conceptuels
Le législateur africain a fait preuve d'un silence
remarquable et répété au sujet de deux concepts
fondamentaux en droit de l'arbitrage. Il s'agit de l'arbitrabilité (A)
et du juge compétent (B).
301 Ab. DIALLO, op.cit., p. 29. À ce titre ce
dernier précise qu'« En droit international privé, les
règles matérielles se définissent comme des normes ou des
règles dans les quelles, la situation internationale trouve directement
son application ou sa réglementation. Ces règles
matérielles sont l'oeuvre de la jurisprudence ».
302 V. supra.
Mémoire rédigé et soutenu par Jacques Delor
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L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des
activités économiques dans l'espace OHADA
A. Sur l'arbitrabilité
Selon l'article 2 AUA : « Toute personne physique ou
morale peut recourir à l'arbitrage sur les droits dont elle a la libre
disposition ». Mais que faut-il entendre par « droits dont a
la libre disposition » ? En effet, le législateur africain n'a
pas défini cette notion. Il s'est contenté d'une formule
générale en laissant le soin à chaque État membre
de déterminer les droits dont les parties ont la libre disposition.
Ainsi, il arrive parfois que le contenu de la notion diverge en fonction des
États. Ce qui pourrait engendrer de sérieuses difficultés
au cas où les parties viendraient tous de l'espace OHADA mais,
d'États différents et dont les législations sont
contradictoires sur ce sujet303. Pour s'en convaincre, il suffit
d'évoquer à titre d'exemple le droit sénégalais
qui, contrairement à d'autres législations voisines, n'autorise
pas de compromettre en matière de contrats administratifs. Le
problème s'était déjà posé dans une affaire
opposant l'État du Sénégal à la
Société Ouest Africaine de Bétons Industriels (SOABI).
Dans cette affaire, L'État du Sénégal
avait signé en application du Code des investissements une convention
d'établissement avec la SOABI (Société Ouest Africaine de
Bétons Industriels) laquelle s'était engagée à
construire entre Dakar et Thiès quinze mille logements sociaux. C'est
bien plus tard que l'État, au motif que cet accord relevait de la
catégorie des contrats administratifs, prit l'initiative de rompre
unilatéralement le contrat. Cette rupture du contrat causait
d'importants préjudices à son partenaire. Ce dernier mit alors en
oeuvre la clause compromissoire que contenait l'accord en question en
sollicitant un arbitrage du centre international pour le règlement des
différends relatifs aux investissements304. Le motif qui
justifie la rupture du contrat par l'État sénégalais
témoigne à suffisance que le renvoi opéré par le
législateur africain peut avoir des conséquences
désastreuses pour les investisseurs, étant donné qu'il
peut arriver qu'une sentence arbitrale rendue dans un État partie et
dont l'exécution devrait se poursuivre dans un autre État partie,
se voit refuser l'exéquatur pour contrariété à
l'ordre public, le litige étant inarbitrable dans ledit État.
Nous jugeons donc impertinente cette attitude du législateur qui vise
à garder le
303 M-A NGWE, « Pratique de l'arbitrage OHADA, bilan et
perspectives », in International arbitration and the rule of law,
contribution and conformity, ICCA congres series NO19, General
Editor, Andrea MENAKER with the assistance of the permanent court of
Arbitration Peace Palace, the Hague, p.1011.
304Cour d'Appel de Paris 5 Décembre 1989,
État du Sénégal c/SOABI, Cass.civ. 1ère 11 Juin
1991 SOABI C/État du Sénégal, in Revue Dalloz
1991. IR.183. Cette sentence a été publiée dans la Revue
du CIRDI, Foreign investisment Law Journal, ICSID Review, Volume 6, number 1,
Spring 1991, p.125.
Mémoire rédigé et soutenu par Jacques Delor
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L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des
activités économiques dans l'espace OHADA
silence et à laisser à chaque État le
soin de déterminer les litiges arbitrables et ceux qui ne le sont pas,
eu égard au fait que non seulement elle rentre en contradiction avec
l'objectif d'harmonisation recherché, mais aussi qu'elle entrave la
sécurité juridique par le fait qu'un droit peut être acquis
en vertu d'une sentence arbitrale dans un État partie et se voir
refusé dans un autre. Il est donc souhaitable qu'à l'avenir, le
législateur africain fasse preuve de courage en adoptant une formule qui
permettra de déterminer le contenu de la notion de droit disponible. Il
pourrait éventuellement emprunter à la formule utilisée
par le Code de procédure civile camerounais à savoir : «
On ne peut compromettre sur les dons et legs d'aliments, logements et
vêtements ; sur les séparations d'entre mari et femme, divorces,
questions d'état, ni sur aucune des contestations qui seraient sujettes
à communication au ministère public »305.
Une telle initiative aurait le mérite de mettre fin aux divergences
existantes ou susceptibles de l'être dans les États membre de
l'OHADA et par ricochet de renforcer la sécurité juridique
communément voulue par l'organisation et les opérateurs
économiques.
B. Sur le juge compétent
Comme nous l'avons déjà indiqué, le juge
étatique, juge d'appui, est un personnage nécessaire en termes de
garantie de bonne justice. Cependant, s'il est vrai que la question de son
identification ne se pose pas en matière d'arbitrage CCJA306,
tel n'est pas le cas pour les arbitrages traditionnels.
Selon l'Acte uniforme relatif au droit de l'arbitrage, le juge
appelé à apporter son assistance à l'arbitrage avant,
pendant et après l'instance est « le juge compétent de
l'État partie ». La question qui se pose est donc de savoir
qui est ce juge ? À cette question, le législateur a
répondu par le silence, aussi a-t-il renvoyé sa
détermination à chaque État membre de l'organisation.
Seulement, le renvoi opéré n'a jusqu'à ce jour pas produit
beaucoup d'effets, seul trois États307 ayant
légiféré en la matière. C'est dire que le juge
305 Cf. art 577 du Code de procédure civile
camerounais.
306 Dans l'arbitrage se déroulant sous l'égide
de la CCJA, le juge compétent pour assister le tribunal arbitral est
la CCJA.
307Cameroun (Loi N° 2003/ 009 du 10 Juillet
2003 désignant les juridictions compétentes visées
à l'acte uniforme relatif au droit de l'arbitrage et fixant leur mode de
saisine. Cette loi désigne le président du tribunal de
première instance du lieu de l'arbitrage ou le magistrat par lui
délégué comme étant le juge compétent pour
assister le tribunal arbitral à la phase ante sententiam. A la
phase post sententiam, elle désigne la Cour d'appel pour connaitre du
recours en annulation de la sentence arbitrale), Sénégal
(Décret N° 2016-1192 portant désignation de la juridiction
nationale compétente en matière de coopération
étatique dans le cadre de l'arbitrage pris en application de l'Acte
uniforme relatif au droit de l'arbitrage. Ce texte prévoit que le juge
compétent visé
Mémoire rédigé et soutenu par Jacques Delor
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L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des
activités économiques dans l'espace OHADA
compétent est pratiquement introuvable dans la plupart
des États de l'OHADA, ce qui constitue un frein à
l'efficacité des procédures arbitrales.
En effet, les difficultés d'identification du juge
compétent ont eu à se présenter dans la zone OHADA. Ce fut
notamment le cas dans l'affaire ayant opposé les époux DELPECH
à la société « SOTACI ».
En l'espèce, les demandeurs soutenaient que le juge
compétent prévu à l'article 25 alinéa 2 de l'acte
uniforme relatif au droit de l'arbitrage n'est rien d'autre que le tribunal de
première instance conformément à l'article 5 du Code
ivoirien de procédure civile308. La Cour répondit en
ces termes :« attendu qu'aux termes de l'article 25 alinéa 2 de
l'acte uniforme relatif au droit de l'arbitrage, la sentence arbitrale peut
faire l'objet d'un recours en annulation, qui doit être porté
devant le juge compétent dans l'État partie ; que l'acte uniforme
sus-indiqué ne précisant pas le ledit juge compétent, il
y'a lieu de se reporter à la loi nationale de l'État-partie
concerné pour déterminer le juge devant lequel le recours en
annulation doit être porté ; qu'aux termes de l'article 44 de la
loi ivoirienne n°93-671 du 09 août 1993 relative à
l'arbitrage l'appel et le recours en annulation sont portés devant la
cour d'appel dans le ressort de laquelle la sentence arbitrale a
été rendue ; qu'en l'espèce la sentence arbitrale ayant
été rendue à Abidjan, c'est bien la cour d'appel d'Abidjan
qui était compétente pour connaître du recours en
annulation ». Dans une autre affaire, en l'occurrence SARCI Sarl
contre ATLANTIQUE TELECOM SA et TELECEL BENIN SA, la SARCI Sarl soutenait
devant la CCJA que le tribunal de première instance de première
classe de Cotonou saisi du recours en annulation de la sentence arbitrale
était incompétent au motif que le recours en annulation d'une
sentence arbitrale revêtue de l'autorité de la chose jugée
relève de la Cour d'appel. Dès lors c'est à tort que le
tribunal saisi s'était déclaré compétent. N'ayant
pas suivi ce raisonnement, la Cour communautaire estima « qu'il est
établi en droit positif béninois qu'aucun texte particulier n'est
intervenu depuis l'entrée en vigueur de l'acte
aux articles 5, 6, 7, 8, 12, 13, alinéa 4 et 14,
alinéa 7 AUA est le président du TGI dans le ressort duquel se
déroule la procédure d'arbitrage. S'agissant du juge visé
à l'article 22, le texte désigne le TGI du lieu de l'arbitrage.
Enfin, le juge visé à l'article 25 est la Cour d'appel du lieu de
l'arbitrage.), Côte d`Ivoire (L'ordonnance n° 2012-158 du 09
Février 2012 déterminant l'intervention des juridictions
nationales dans la procédure arbitrale désigne comme juge
compétent pour apporter son soutien à l'arbitrage, le
Président du TPI du lieu de l'arbitrage, sauf l'hypothèse
particulière du recours aux mesures provisoires ou conservatoires
où c'est le Président du lieu où la mesure provisoire ou
conservatoire est sollicitée peut être le juge étatique
compétent. En matière d'exequatur, il s'agit du Président
du TPI du lieu où l'exequatur est demandé ; en matière
d'annulation il s'agit de la Cour d'appel du ressort du siège de
l'arbitrage).
308Cf. A. FENEON, « C.C.J.A arrêt
n°010/2003 du 19 juin 2003, DELPECH contre SOTACI », in
RTDA, Avril-Juin, 2004, n° 847, pp. 232-233.
Mémoire rédigé et soutenu par Jacques Delor
Bikoi Page 81
L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des
activités économiques dans l'espace OHADA
uniforme relatif au droit de l'arbitrage pour
préciser le juge compétent devant lequel doit être
porté le recours en annulation ; que l'Acte uniforme relatif au droit de
l'arbitrage n'ayant pas précisé le juge compétent devant
lequel le recours en annulation doit être porté, il y a lieu de se
reporter à la loi nationale de chaque Etat partie pour cette
détermination ; qu'en République du Bénin, Etat partie, la
loi n°2001-37 du 27 août 2002 portant organisation judiciaire
dispose en son article 49 que « les tribunaux de première instance
sont juges de droit de commun en matière pénale, civile,
commerciale, sociale et administrative »; qu'en conséquence, il
échet de dire que le tribunal de première instance de
première classe de Cotonou est, en l'espèce, le juge
compétent pour connaître du recours en annulation de la sentence
arbitrale du 09 mars 2008 »309. Cette décision de
la Cour est discutable selon Abdou DIALLO car elle affirme d'abord, que
« depuis l'entrée en vigueur de l'acte uniforme au Bénin
aucun texte particulier ne précise le juge compétent en
matière de recours en annulation ». Ensuite, elle confirme la
compétence du tribunal de première classe, en matière de
recours en annulation. Dès lors pour cet auteur, une telle
démarche peut être analysée comme une contradiction des
motifs310. A notre avis, un raisonnement différent aurait
été difficilement envisageable compte tenu de l'absence de texte
particulier désignant le juge compétent au Benin. En tout
état de cause, Ces différentes affaires montrent bien à
quel point le vide juridique relativement au juge compétent peut
être une source d'insécurité judiciaire, car conduisant
à des interprétations erronées de nature à trainer
une procédure arbitrale. Aussi, pour résoudre ce problème,
deux thèses s'affrontent à savoir celle de la réaction des
États retardataires et celle de la prise de ses responsabilités
par le législateur africain.
Pour les tenants de la première thèse, il
revient aux États parties de déterminer le juge
compétent311. Ainsi, tous les États qui n'ont toujours
pas légiférer en la matière devraient
impérativement suivre les pas de ceux qui l'ont déjà
fait312. Ainsi, selon Marie-Andrée NGWE, le conseil des
ministres de l'OHADA pourrait faire des recommandations à ce sujet aux
États membre, les organismes internationaux pourraient également
avoir une influence nécessaire pour inciter ces derniers à
légiférer. Pour cet auteur, deux raisons militent en faveur
309 Cf. CCJA, arrêt n°44/2008, 17 Juillet 2008,
Société africaine de relations commerciales et industrielles dite
SARCI Sarl c/ Atlantique Télécom SA et Télécel
Benin SA, in P-G. POUGOUE, S. S. KUATE TAMEGHE (Dir.), Les grandes
décisions de la Cour commune de justice et d'arbitrage de l'OHADA,
L'Harmattan, 2016, pp. 315 et s.
310 Ab. DIALLO, op.cit., p.123.
311 M-A. NGWE, op.cit., pp.1018-1019.
312 J. BELIBI, G. K. DOUAJNI, « Le juge d'appui dans
l'arbitrage OHADA », Revue de l'ERSUMA, numéro
spécial-Novembre/ Décembre 2011, pp.46 et s.
Mémoire rédigé et soutenu par Jacques Delor
Bikoi Page 82
L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des
activités économiques dans l'espace OHADA
de l'intervention desdits organismes internationaux à
savoir « d'abord, pour l'amélioration du climat des affaires
dans l'objectif de développement qu'ils poursuivent, ensuite parce que
les projets auxquels ils prennent part en tant que bailleurs de fonds peuvent
voir leur bon déroulement perturbé par un litige que l'arbitrage
permettrait de résoudre ». Elles pourraient donc jouer ce
rôle à travers l'organisation des évènements et
d'actions visant à sensibiliser les législateurs nationaux. Au
plan national, l'auteur pense qu'une action concertée des
opérateurs économiques au travers des organes de défenses,
des corporations telles que les chambre de commerce, les organisations
patronales, les syndicats d'entreprises, serait la bienvenue. Monsieur Denis
Roger SOH FOGNO313 va encore plus loin en proposant qu'en
matière de recours en annulation, les Etats parties retardataires
empruntent au droit camerounais314 en érigeant la cour
d'appel du siège de l'arbitrage en juge du contentieux de
l'annulation.
Pour les tenants de la seconde thèse, il revient au
législateur africain de taire le silence en déterminant
clairement le juge compétent dont il fait référence.
Pierre Meyer pense qu'il s'agit d'une tâche difficile mais qui pourra
être effectuée en fonction du contexte judiciaire des États
parties315.
À notre avis, si la première thèse parait
peu pertinente eu égard de ce qu'elle est fondée soit sur de
simples recommandations qui n'ont aucune force contraignante, soit sur le bon
vouloir des États parties, la seconde semble être la plus à
même de régler la question du juge étatique
compétent pour prêter main force à l'arbitrage dans
l'espace OHADA. Il est donc à notre sens souhaitable que le
législateur africain consacre explicitement ce juge. En matière
d'assistance lors de la constitution du tribunal arbitral, de
nécessité d'une mesure provisoire ou conservatoire, ou enfin
d'exequatur, il pourra s'agir du président de la juridiction de
l'État partie statuant en matière d'urgence ou le magistrat par
lui délégué à cette fin. S'agissant du contentieux
de l'annulation des sentences arbitrales le juge compétent pourra
être la Cour d'appel du siège de l'arbitrage. En tout état
de cause, il revient au législateur de le faire, étant
donné qu'une telle initiative aura le mérite de faciliter
313 D. R. SOH FOGNO, « Le contentieux de l'annulation des
sentences issues de l'arbitrage traditionnel dans l'espace de l'OHADA »,
Rev. Cam. Arb., no23, Oct-Nov-Dec., 2003, p. 9.
314 L'article 4 alinéa 1 de la loi No 2003/
009 du 10 juillet 2003 portant désignation des juridictions
compétentes visées dans l'Acte uniforme relatif au droit de
l'arbitrage et fixant leur mode saisine dispose que « le juge
compétent visé par les articles 25 et 28 de l'acte uniforme
relatif au droit de l'arbitrage est la Cour d'appel... ».
315 P. MEYER, Droit de l'arbitrage, Bruylant, Coll.
droit uniforme africain, 2002.
Mémoire rédigé et soutenu par Jacques Delor
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L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des
activités économiques dans l'espace OHADA
l'identification de ce juge, ainsi que de renforcer
l'efficacité des arbitrages classiques et par ricochet la
sécurité judiciaire dans l'espace OHADA.
Paragraphe 2 : Les silences quant à la
règlementation de certaines
procédures
Le législateur africain n'a réglementé ni
le recours en révision des sentences arbitrales (A), ni la tierce
opposition (B).
A. Quant au recours en révision
Encore appelé recours en rétractation ou
requête civile, le recours en révision tend à la
rétractation de la sentence pour que les arbitres statuent de
nouveau316. Entant que voie de recours extraordinaire, il ne
s'applique qu'aux décisions passées en force de chose
jugée et n'est ouvert qu'en vue de permettre à toute personne
intéressée de faire réviser le procès en cas de
découverte d'un fait décisif qui, avant le prononcé de la
sentence, était inconnu du tribunal arbitral et de la partie qui
l'introduit317.
Dans le système d'arbitrage OHADA, il est prévu
par les articles 25 alinéa 6 NAUA et 32 NRA/ CCJA. Dans le premier cas,
il est dit que la sentence arbitrale peut faire « l'objet d'un recours
en révision devant le tribunal en raison de la découverte d'un
fait de nature à exercer sur la solution du différend une
influence décisive et qui, avant le prononcé de la sentence,
était inconnu du tribunal arbitral et de la partie qui demande la
révision (...) ». Dans le second cas, sauf indication que le
recours en révision est déposé au secrétariat
général de la Cour communautaire, la formule en elle-même
ne diffère pas. C'est dire que dans le système d'arbitrage OHADA,
le recours en révision ne peut valablement être intenté que
si deux conditions sont réunies, à savoir l'existence d'un fait
inconnu et le caractère décisif de ce fait.
Le fait inconnu est un fait nouveau et son caractère
décisif suppose qu'il est susceptible de modifier la décision des
arbitres318. C'est d'ailleurs ce qu'a rappelé la CCJA dans
l'affaire IAD et CMDT contre GSCM319.
316 Ab. DIALLO, op.cit., p.142.
317 P-G. POUGOUE, J-M. TCHAKOUA, A. FENEON, Droit de
l'arbitrage dans l'espace OHADA, PUA, 2000, p. 230.
318P. MEYER, Droit de l'arbitrage,
op.cit., p. 260.
319 CCJA, Arrêt No 059/ 2013 du 18 juillet
2013, affaire Compagnie malienne pour le développement des textiles
(CMDT) et groupement des syndicats de producteurs de coton et vivriers du mali
(GSCM) c/ Société inter
Mémoire rédigé et soutenu par Jacques Delor
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L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des
activités économiques dans l'espace OHADA
Seulement, s'il est vrai que par le passé,
législateur africain avait renvoyé la procédure du recours
en révision des sentences arbitrales CCJA aux règles
prévues à l'article 49 du règlement de procédure de
la Cour tout en se gardant de règlementer ladite procédure dans
l'AUA, force est de constater que la réforme de 2017 se fait remarquer
par un total mutisme législatif en la matière320.
En effet, ni dans le NAUA, ni dans le NRA/CCJA le
législateur n'a prévu de délai de forclusion pour
l'exercice du recours en révision. Or il semble difficile d'admettre
qu'une telle action puisse être intentée très longtemps
après la découverte du fait nouveau321. Il n'est pas
non plus prévu un délai dans lequel le tribunal arbitral est tenu
de statuer en cas de recevabilité du recours en révision. Un tel
silence ne participe pas à la réalisation de l'objectif de
sécurisation recherchée dans l'espace OHADA, étant
donné qu'il est susceptible de laisser place au dilatoire et par
ricochet de porter atteinte au caractère de l'arbitrage qui se veut
rapide. Aussi suggérons-nous que dans les deux textes, s'agissant du
déclenchement de la procédure il soit renvoyé à
l'article 49 alinéas 4 et 5 du règlement de procédure de
la Cour communautaire322. S'agissant du délai pour statuer,
l'idéal serait que dans l'arbitrage ad hoc, il soit
accordé au tribunal arbitral un délai de trois (03) mois pour se
prononcer. Cependant si le tribunal ne peut plus être réuni, le
même délai devrait être accordé au juge
étatique compétent assorti cette fois d'un dessaisissement au
profit de la CCJA au cas où ce délai n'était pas
respecté. Le délai de trois (03) mois pourra également se
voir appliqué dans l'arbitrage CCJA. Nous pensons que ce délai
trimestriel permettrait non seulement de renforcer la
célérité qui caractérise l'arbitrage, mais
également de prévenir les comportements dilatoires susceptibles
d'être mis en oeuvre par une partie de mauvaise foi.
B. Quant à la tierce opposition
Tout comme le recours en révision, la tierce opposition
est une voie de recours extraordinaire. Elle a pour objet de rétablir la
relativité de la chose jugée à l'égard des
tiers323. Ainsi, toute personne physique comme morale
étrangère à une procédure arbitrale, mais dont
africaine de distribution (IAD), in Rev. Cam. Arb
N° 63, Octobre-Novembre-Décembre, 2013, pp.3-10,
arrêt commenté par Patrick Hermann ZANGUE, attaché de
recherches à l'APAA.
320 Selon nous, il s'agit très certainement d'une erreur
commise par le législateur.
321 P-G. POUGOUE, J-M. TCHAKOUA, A. FENEON, op.cit., p.
231.
322Article 49 alinéa 4 :« la
demande en révision doit être formée dans un délai
de trois mois à compter du jour où le demandeur a eu connaissance
du fait sur lequel la demande en révision est basée » ;
alinéa 5 : « aucune demande en révision ne pourra
être formée après l'expiration d'un délai de dix ans
à dater de l'arrêt ».
323P. MEYER, Droit de l'arbitrage,
op.cit., p. 261.
Mémoire rédigé et soutenu par Jacques Delor
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L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des
activités économiques dans l'espace OHADA
la sentence compromet ses intérêts, peut exercer
ce recours. La tierce opposition exige dès lors pour sa validité
l'existence d'un intérêt à agir. Il s'agit d'un principe
constant que la CCJA a d'ailleurs pris la peine de rappeler dans l'affaire
République de Guinée équatoriale et CEMAC contre la
société Commercial Bank of Guinea Ecuatorial (CBGE) en ces termes
: « attendu que l'exercice de l'action en tierce opposition suppose,
au regard des dispositions de l'article 47.2 ci-dessus énoncé du
Règlement de procédure de la Cour qui dispose que la demande doit
« indiquer en quoi l'arrêt préjudicie aux droits du tiers
opposant », l'existence d'un intérêt à agir, alors
qu'en l'espèce, la solution donnée au litige dans la sentence
consistant en l'allocation de dommages-intérêts en
réparation d'un préjudice né d'une situation ponctuelle
qui a épuisé ses effets dans le dénouement de l'instance
arbitrale, n'est pas de nature à perpétuer un comportement en
contrariété à un ordre public dont la CEMAC serait
chargée de veiller au respect dans son espace ; qu'il s'en suit que
cette organisation communautaire ne justifie pas d'un intérêt
à agir pour l'exercice de ce recours ; qu'il échet en
conséquence de déclarer irrecevable »324.
Toutefois, si à notre sens la réglementation de la tierce
opposition ne pose pas de problèmes dans l'arbitrage CCJA, dans la
mesure où le législateur africain a renvoyé325
sa procédure à l'article 47 du règlement de
procédure de la Cour communautaire326, tel n'est pas le cas
dans l'arbitrage soumis à l'AUA.
Dans l'arbitrage régi par l'AUA, l'article 25
alinéa 5 de la nouvelle règlementation prévoit que
« la sentence arbitrale peut faire l'objet d'une tierce opposition par
toute personne devant la juridiction de l'État partie qui eut
été compétente à défaut d'arbitrage et
lorsque cette sentence préjudicie à ses droits ».
Ainsi, le législateur renvoi la compétence pour connaitre de
la tierce opposition à la juridiction étatique qui eut
été compétente à défaut d'arbitrage.
Seulement, il est resté muet sur la procédure applicable à
cette voie de recours. Le fait d'avoir déterminé le juge
étatique comme compétent pour connaitre du recours en tierce
324CCJA, Arrêt n° 012/2011 du 29
novembre 2011. Cet arrêt peut être trouvé sur
http://biblio.ohada.org,
consulté le 10 Août 2019 à 6H02.
325 V. Art. 33 NRA/ CCJA.
326 Article 47 «1. Toute personne physique ou morale
peut présenter une demande en tierce opposition contre un arrêt
rendu sans qu'elle ait été appelée, si cet arrêt
préjudicie à ses droits.
2. Les dispositions des articles 23 et 27 du
présent Règlement sont applicables à la demande en tierce
opposition. Celle-ci doit en outre :
a) spécifier l'arrêt attaqué ;
b) indiquer en quoi cet arrêt préjudicie aux
droits du tiers opposant ;
c) indiquer les raisons pour lesquelles le tiers opposant
n'a pu participer au litige principal. La demande est formée contre
toutes les Parties au litige principal.
3. L'arrêt attaqué est modifié dans la
mesure où il fait droit à la tierce opposition. La minute de
l'arrêt rendu sur tierce opposition est annexée à la minute
de l'arrêt attaqué. Mention de l'arrêt rendu sur tierce
opposition est faite en marge de la minute de l'arrêt attaqué
».
Mémoire rédigé et soutenu par Jacques Delor
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L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des
activités économiques dans l'espace OHADA
opposition laisse penser que le législateur a
renvoyé sa procédure aux lois nationales. Mais alors, il peut
arriver que celles-ci diffèrent, ou ne correspondent pas à la
vitesse recherchée en matière arbitrale, ce qui n'est pas
favorable à l'objectif d'harmonisation recherché par les
fondateurs de l'OHADA. À notre avis, il aurait été
souhaitable que le législateur africain réglât la
procédure de tierce opposition en prévoyant les délais
d'action, de jugement ainsi que les règles relatives à
l'instruction du recours en tierce opposition. L'action étant née
d'un arbitrage régi par l'AUA, les dispositions de ce texte se verraient
imposées, au juge étatique.
En somme, les silences législatifs constituent des
limites normatives à la sécurisation des opérations
économiques dans l'espace OHADA. Cependant, elles ne sont pas les seules
car on constate également des incertitudes liées à
certains concepts, ainsi qu'une protection rigide de certains arbitres.
Section 2 : Les incertitudes conceptuelles et la
protection rigide de certains
arbitres
Nous examinerons tour à tour les incertitudes
conceptuelles (Paragraphe 1) et la protection rigide de certains arbitres
(Paragraphe 2).
Paragraphe 1 : Les incertitudes conceptuelles
Un certain nombre de concepts utilisés par le
législateur africain en matière arbitrale présentent un
caractère flou susceptible de créer des incertitudes dans la mise
en oeuvre des procédures où lors de l'exécution des
sentences arbitrales. Il s'agit d'une part de la clause manifestement
inapplicable (A) et de l'ordre public international (B) d'autre part.
A. Le concept de clause manifestement inapplicable,
source d'incertitude dans la mise en oeuvre des procédures arbitrales
OHADA
La consécration de la clause manifestement inapplicable
en droit OHADA de l'arbitrage est un emprunt au droit français de
l'arbitrage327. Il s'agit d'une nouveauté découlant de
la réforme de 2017. Aussi si l'ancien article 13 alinéa 2 AUA
n'en faisait pas référence, la nouvelle formulation de cette
disposition le prévoit de manière expresse en ces termes :
« Si le tribunal arbitral n'est pas encore saisi ou si aucune demande
d'arbitrage n'a été formulée, la juridiction
étatique doit également se déclarer incompétente
à moins que la
327 V. art. 1448 du Code de procédure civil
français.
Mémoire rédigé et soutenu par Jacques Delor
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L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des
activités économiques dans l'espace OHADA
convention d'arbitrage ne soit manifestement nulle ou
manifestement inapplicable à l'espèce ». Le
règlement d'arbitrage de la Cour communautaire est silencieux sur la
question . Dès lors est-ce à dire que le législateur a
choisi de là restreindre aux conventions d'arbitrage renvoyant à
l'acte uniforme ? Nous pensons que c'est le cas étant entendu que seul
le règlement d'arbitrage de Cour communautaire et le traité OHADA
s'appliquent aux arbitrages que les parties ont choisies de confier à la
juridiction supranationale, ce qui à notre sens est regrettable dans la
mesure où sa venue dans le droit communautaire est née d'un
plaidoyer en faveur du renforcement de la protection de la partie faible dans
l'arbitrage OHADA328. Or, il est évident que des
difficultés relatives à la clause d'arbitrage manifestement
inapplicable sont susceptibles de se présenter dans un arbitrage CCJA
notamment, en cas d'impécuniosité d'une partie.
En effet, la justice arbitrale est couteuse, ce qui induit que
sa mise en oeuvre et son suivi exigent de réunir des financements
conséquents. Or il arrive parfois des cas où une partie
signataire d'une clause compromissoire se voit après la survenance d'un
litige incapable de financer la procédure arbitrale. Cette
incapacité pouvant trouver ses origines soit dans les difficultés
économiques et financières survenues après la conclusion
de la clause compromissoire, soit dans le statut de l'impécunieux qui
n'est nul autre qu'une PME et dont les revenues ne permettent pas de financer
la procédure arbitrale. Cette situation est susceptible de se
présenter lorsque le litige oppose une grande entreprise à une
PME ou encore une entreprise in bonis à une entreprise en
difficulté. Vu sous ce prisme, l'impécuniosité peut
être un obstacle non seulement au droit d'accès à la
justice, mais également à l'égalité des armes.
Dès lors, nous pensons que si la partie économiquement faible
pourrait trouver refuge en la clause manifestement inapplicable pour se
protéger du déni de justice pouvant être occasionné
par la clause compromissoire, cette protection devrait également
profiter aux impécunieux qui ont conclu des clauses compromissoires
CCJA. Ainsi, la restriction opérée par le législateur
africain pourrait traduire une potentielle volonté de protéger
les parties économiquement faibles dans l'arbitrage traditionnel en ne
tenant pas compte de celles susceptibles d'exister dans l'arbitrage CCJA. Il y
aurait donc là à notre avis une discrimination législative
qui exposerait les faibles au bon vouloir des forts. Néanmoins,
là ne se trouve pas le gros du problème car en effet, si on peut
imaginer que la volonté législative est de renforcer la
protection de la partie faible à travers la consécration de la
328 V. à ce sujet la thèse
précédemment citée de Me Martial KOFFI AKAKPO sur la
protection de la partie faible dans l'arbitrage OHADA.
Mémoire rédigé et soutenu par Jacques Delor
Bikoi Page 88
L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des
activités économiques dans l'espace OHADA
clause manifestement inapplicable, il y a que ce concept reste
à définir. On peut donc valablement se demander qu'est-ce qu'une
clause manifestement inapplicable ? Dans quels cas le juge étatique
peut-il considérer comme manifestement inapplicable une clause
d'arbitrage pour se déclarer compétent ? Telles sont les
interrogations dont l'absence de réponse pourrait causer des
difficultés lors de la mise en oeuvre des procédures d'arbitrage
traditionnels. Dans tous les cas, la CCJA devra se prononcer sur cette question
soit à l'occasion d'un arrêt, soit à celui d'une
consultation.
B. La notion d'ordre public, un potentiel obstacle
à l'exécution des sentences arbitrales dans l'espace
OHADA
Selon le Professeur Jean-Baptiste RACINE « les
rapports entre l'arbitrage et l'ordre public autrefois conflictuels se sont
apaisés. Une grande confiance est désormais placée dans
les arbitres et l'ordre public n'est plus là pour entraver l'arbitrage.
C'est une évolution majeure du droit de l'arbitrage qui s'est ainsi
considérablement libéralisé au cours des dernières
décennies. Cette discipline a même été
transfigurée : l'arbitrabilité ayant été largement
admise, l'ordre public s'est placé au stade de la convention d'arbitrage
vers celui de la sentence arbitrale. Les arbitres sont désormais
chargés d'appliquer et de respecter l'ordre public dans les sentences
qu'ils rendent »329. Ces écrits du Professeur
averti en disent tout sur la portée de l'ordre public dans
l'arbitrage.
Notion d'une importance capitale en matière d'arbitrage
selon cet auteur, l'ordre public soulève d'épineuses questions au
double plan pratique et théorique explique-t-il. Ainsi au plan pratique,
il est fondamental pour l'arbitre de se demander quel ordre public doit-il
respecter et comment le faire. Pour le juge du contrôle, il doit savoir
les bases sur lesquelles il exercera son contrôle. Au plan
théorique, il soutient que le respect de l'ordre public par les arbitres
constitue non seulement la limite, mais également la condition de
l'autonomie de l'arbitrage international, l'arbitrage ne pouvant jouir de
l'autonomie que s'il respecte l'ordre public et dans la mesure où il le
respecte. Dans le même esprit, Serge LAZAREFFE, écrivait
qu'« À aucun moment, en effet, l'arbitrage ne doit devenir une
justice au rabais, une justice dont on peut penser qu'elle fait
prévaloir l'application du contrat et les usages du commerce sur
l'application des règles d'ordre public. L'arbitre ne doit pas
être un recours à la
329 J-B. RACINE, « Les normes porteuses d'ordre public
dans l'arbitrage commercial international », in L'ordre public et
l'arbitrage, E. LOQUIN, S. MANCIAUX, Actes du colloque des 15 et 16 Mars
2013- Dijon, LexisNexis, 2014, vol. 42, p. 7.
Mémoire rédigé et soutenu par Jacques Delor
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L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des
activités économiques dans l'espace OHADA
recherche de l'illégalité
»330. Il ressort donc de ces écrits que l'ordre
public détient une place de choix dans l'arbitrage. Mais seulement, que
faut-il entendre par ordre public ?
Selon le Professeur Éric LOQUIN, il s'agit «
d'une notion protéiforme, impossible à définir, ni
même à fixer, car en constant mouvement (...)
»331. Dans le même ordre d'idée, Jean
VASSOGNE affirmait de l'ordre public est une « notion fugitive aux
contours incertains, insaisissable, indocile à toute définition
ou, ce qui revient au même, susceptible de trop nombreuses
définitions ».332Dès lors, c'est
certainement la difficulté qui est d'éclaircir cette notion qui
peut justifier la définition platonique proposée par le
Professeur Philippe MALAURIE pour qui, l'ordre public serait l'expression du
principe de la primauté de l'intérêt général
sur l'intérêt particulier333. En tout état de
cause, cette notion se conçoit au plan interne et au plan
international.
En droit interne, pour reprendre le Docteur Gaston KENFACK
DOUAJNI, l'ordre public au sens classique, s'entend des règles qui ont
pour objet la sauvegarde des valeurs essentielles de la
société334. C'est le rocher sur lequel cette
dernière se construit335 et pour être précis,
c'est l'ensemble des règles obligatoires qui touchent à
l'organisation de la nation, à l'économie, à la morale,
à la santé, à la sécurité, à la paix
publique, aux droits et aux libertés essentiels de chaque
individu336. Pris sur le terrain du droit international, la doctrine
et la jurisprudence moderne s'accordent à définir l'ordre public
comme un correctif exceptionnel permettant d'écarter la loi
étrangère normalement compétente, lorsque cette
dernière contient des dispositions dont l'application est jugée
inadmissible par le tribunal saisi337. Selon un imminent juriste,
l'ordre public international où l'ordre public au sens du droit
international privé désigne l'ensemble des principes,
écrits ou non, qui sont considérés dans un ordre juridique
donné et à un moment donné comme fondamentaux et dont le
respect est à ce titre,
330 S. LAZAREFF, « L'arbitre face à l'ordre
public. Suite... et non fin », in Mélange P. TERCIER,
Schultess, 2008, p.851, Spéc., p.861, cité par J-B. RACINE,
op.cit., p.30.
331 E. LOQUIN, « propos introductif », in
L'ordre public et l'arbitrage, E. LOQUIN et S. MANCIAUX (Dir.),
op.cit., p. 1.
332 J. VASSOGNE, « L'arbitre, le juge et l'ordre public
économique », Rev. Arb., 1987, n°1, p. 88.
333 P. MALAURIE, L'ordre public et le contrat, paris
1951, énoncé par E. LOQUIN, Ibid.
334 G. K. DOUAJNI, « La notion d'ordre public
international dans l'arbitrage OHADA », Rev. Cam. Arb. No 29,
Avril-Mai-Juin 2005, p.1.
335 F. TERRE, Ph. SIMLER, Y. LEQUET, Les obligations,
7ème éd., 1999, Dalloz, No 349-1, p.346.
336 S. I. BEBOHI OBONGO, « L'ordre public international
des Etats parties à l'OHADA », Rev. Cam. Arb No 34, Juillet- Aout-
Septembre 2006, p.1.
337 Y. LOUSSOUARN, P. BOUREL, P. DE VAREILLES-SOMMIERES,
Droit international privé, Dalloz, 10ème
éd., 2013, p.361.
Mémoire rédigé et soutenu par Jacques Delor
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L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des
activités économiques dans l'espace OHADA
impératif338. L'ordre public international
est donc l'ordre public de chaque État qui s'oppose à
l'application d'une loi ou d'un jugement étranger incompatible avec les
valeurs du for.
En droit de l'arbitrage, le juge saisi d'une demande
d'exequatur ou d'annulation d'une sentence arbitrale sera ou pourra être
amené à vérifier sa conformité à l'ordre
public. Ce qui signifie qu'en amont, l'arbitre est tenu lors de son office, au
respect de l'ordre public sous peine de voir sa sentence en aval refusée
d'être exequaturée ou annulée par le juge du
contrôle. Serait-ce à dire que l'arbitre est le gardien de l'ordre
public ? Si oui lequel ? En référence à quel ordre public
le juge devra se fonder pour refuser l'exequatur ou annuler la sentence
arbitrale ? Serait-ce l'ordre public interne ou l'ordre public international
?
Ces interrogations à notre sens sont d'un grand
intérêt, étant donné que l'arbitrage est une
institution autonome, détachée de la volonté
étatique et donc de l'ordre juridique des États, ce qui a pour
conséquence qu'en matière arbitrale, la justice n'est rendue au
nom d'aucun État339. Cependant, comme l'indiquait à
juste titre le Professeur LOQUIN340, les États ont fait
confiance à cette institution et ont accepté qu'elle devienne une
justice autonome des ordres juridiques étatiques, confiance qui s'est,
avec le temps, traduite par l'admission aux tribunaux arbitraux de connaitre
des litiges intéressant l'ordre public et même d'en sanctionner
les violations. Ce qui est d'ailleurs le cas avec l'extension de
l'arbitrabilité des litiges qui fait de l'arbitre un juge de l'ordre
public. Dès lors pour le reprendre intégralement, « il a
été délégué au juge privé la mission
de protéger et de faire respecter les intérêts fondamentaux
des États, ce qui a permis à d'éminents juriste
d'écrire que l'arbitrage était non seulement au service des
parties, mais aussi au service de la communauté des États
». L'arbitre peut donc être considéré comme
étant le gardien de l'ordre public. Mais lequel ? S'agit-il d'un ordre
public propre à l'arbitrage ? Auquel cas il faudrait démontrer
son existence, ou encore s'agit-il de l'ordre public des
États341 ?
Le droit de l'arbitrage OHADA n'est pas en reste sur la
question de l'ordre public. En effet, le système d'arbitrage
communautaire fait référence à cette notion et dans ce
sens
338 S. MANCIAUX, « L'ordre public international et
l'arbitrage d'investissement » in L'ordre public et l'arbitrage,
E. LOQUIN, S. MANCIAUX (Dir.), op.cit., p. 37
339 L'on a coutume à ce titre de dire que l'arbitre n'a
pas de for.
340 E. LOQUIN, « propos introductif »,
op.cit., p.2.
341Relativement à ces interrogations V. J-B
RACINE, « Les normes porteuses d'ordre public dans l'arbitrage commercial
international », op.cit.
Mémoire rédigé et soutenu par Jacques Delor
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L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des
activités économiques dans l'espace OHADA
choisit l'approche internationaliste. À ce titre, le
Traité OHADA342, le nouvel AUA343 et le nouveau
RA 344de la cour communautaire font tous référence
à l'ordre public international. Dans l'arbitrage régi par l'AUA,
la sentence arbitrale pourra être annulée si elle est contraire
à l'ordre public international. Elle pourra également se voir
refuser l'exequatur si elle est manifestement contraire à cet ordre
public. S'agissant de l'arbitrage CCJA, que ce soit en matière
d'annulation ou en matière d'exequatur, le juge communautaire
opérera son contrôle à l'aune de l'ordre public
international. C'est dire qu'à la base, l'arbitre OHADA est tenu de
respecter et de faire respecter l'ordre public international, faute de quoi il
exposerait sa sentence à des sanctions. Cependant, de quel ordre public
international parle-t-on ? De l'ordre public international communautaire ou de
celui de chaque État partie au traité ? Cette interrogation peut
être source de difficulté lors de l'exécution des sentences
arbitrales dans l'OHADA. Prenons par exemple trois cas fictifs :
Dans le premier cas, un litige opposant une entreprise
camerounaise à l'État sénégalais relativement
à l'exécution d'un marché public est porté devant
la cour d'arbitrage de la CCJA. Cette dernière rend une sentence
condamnant l'État du Sénégal qui, non content saisi la
Cour communautaire d'une requête en annulation de ladite sentence pour
contrariété à l'ordre public international, ledit litige
étant inarbitrable en droit sénégalais. Face à une
pareille hypothèse, le juge communautaire devra-t-il contrôler la
sentence à l'aune de l'ordre public sénégalais ? Nous
penchons pour une réponse négative étant entendu que le
faire serait poser à notre avis un acte contraire à
l'harmonisation recherchée ; la CCJA n'étant pas la juridiction
d'un État en particulier et par conséquent le garant de son ordre
public, mais celle de l'ensemble des États de la communauté
OHADA.
Dans le second cas, un litige relatif à
l'inexécution d'un contrat oppose une entreprise camerounaise à
une entreprise ivoirienne. La première décide en vertu de la
clause compromissoire ad hoc contenue dans le contrat de mettre en oeuvre une
procédure arbitrale contre la seconde afin de la voir condamnée
à réparer son préjudice. Le tribunal arbitral
siégeant au Cameroun rend une sentence condamnant l'entreprise
ivoirienne à réparer le préjudice subi par son adversaire
à hauteur de trois cent millions (300 000 000) FCFA. Par requête
aux fins d'exequatur, l'entreprise camerounaise saisi le juge camerounais qui
fait droit
342 Art. 25.
343 Art. 26 (recours en annulation) et 31 al.4 (exequatur).
344 Art. 29-2 (recours en annulation) et 30-5 (exequatur).
Mémoire rédigé et soutenu par Jacques Delor
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L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des
activités économiques dans l'espace OHADA
à sa demande, la sentence arbitrale étant
conforme à son ordre public. Cependant, ayant débuté le
recouvrement forcé de sa créance, celle-ci se rend compte que les
biens détenus par son débiteur au Cameroun sont insusceptibles de
satisfaire l'intégralité de la créance. Elle décide
alors d'étendre le recouvrement sur l'une des succursales de son
débiteur au Mali. Ce qui nécessite l'exequatur du juge Malien,
qui, saisi à cette fin, rejette la demande motif pris de ce que la
sentence arbitrale ad hoc rendue au Cameroun est contraire à son ordre
public, les droits de la défense345 n'ayant pas
été suffisamment respectés. Dans une telle
hypothèse, il se pose le problème de la circulation des sentences
arbitrales dans l'espace juridique intégré. Le refus de
l'exéquatur remettra donc en cause les droits acquis de la sentence
rendue au Cameroun par l'entreprise camerounaise, ce qui pose un
problème de sécurité juridique.
Dans le dernier cas, un litige relatif à un contrat
conclu et exécuté au Cameroun oppose deux entreprises de droit
camerounais qui, par un compromis, décident de recourir à
l'arbitrage ad hoc. Le tribunal ayant siégé au Cameroun
rend une sentence qui très tôt fait l'objet d'un recours en
annulation exercé devant la Cour d'appel compétente par la partie
ayant succombée ; cette dernière relevant comme moyen unique, la
violation par l'arbitre d'une règle d'ordre public international. Face
à un pareil cas ne présentant aucun élément
d'extranéité, le juge interne pourrait-il se
référer à l'ordre public au sens du droit international
privé ?
Ces différents exemples montrent que le flou entretenu
par la notion d'ordre public international peut être une source
d'insécurité juridique caractérisée par les
difficultés d'exécution des sentences arbitrales dans l'espace
OHADA.
Toutefois selon nous, l'ordre public international donc fait
référence le législateur africain est celui de l'ensemble
des États parties, il s'agit de la consécration d'un ordre public
communautaire qui constitue à la fois un garde-fou vis-à-vis des
dérives des ordres public nationaux et des excès de la
mondialisation pour emprunter les propos de Roland
AMOUSSOU-GUENOU346. L'OHADA le mérite bien, étant
entendu qu'il constitue un ordre juridique infra-étatique ou
transnational pour reprendre le professeur Paul-Gérard
POUGOUE347 et de ce fait, mérite de se construire un ordre
public supranational. Cependant
345 Le respect des droits de la défense est une
règle d'ordre public procédural.
346 R. AMOUSSOU-GUENOU, « L'Afrique, la mondialisation et
l'arbitrage international », Rev. Cam. Arb., n°3 Octobre- Novembre-
Décembre 1998, p. 3.
347 P-G. POUGOUE, « Doctrine OHADA et théorie
juridique », Rev. ERSUMA, numéro
spécial-Novembre-Décembre 2011, pp.6-18.
Mémoire rédigé et soutenu par Jacques Delor
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L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des
activités économiques dans l'espace OHADA
cet ordre public communautaire ne sera véritablement
efficace que si d'une part la CCJA rend un avis permettant d'éclairer
les juges nationaux sur la portée de l'ordre public international dont
il fait référence et si l'harmonisation de l'arbitrabilité
du litige est réalisée d'autre part.
Paragraphe 2 : La protection rigide de certains
arbitres
Le législateur africain a consacré des
dispositions dont l'objet est la surprotection de certains arbitres OHADA,
notamment ceux de la CCJA. Ces dispositions tendent à ériger
l'immunité diplomatique au bénéfice de ces derniers (A) ce
qui selon nous conduit à s'interroger sur la pertinence d'un tel
privilège(B).
A. L'érection de l'immunité diplomatique dans
l'arbitrage CCJA
Organisation internationale dotée d'une
personnalité juridique distincte de celle de ses États membres,
l'OHADA jouit de la capacité ainsi que des privilèges et
immunités reconnus par le droit international public. Par
conséquent, bien que n'étant pas une personne morale
internationale mais une institution de l'organisation, la CCJA
bénéficie des effets de l'immunité diplomatique propre
à l'OHADA. Immunité que le législateur a étendu
à son personnel à savoir les juges et les arbitres de la cour
communautaire348.
Selon l'article 49 alinéa 1 du Traité OHADA,
« (...) les juges de la Cour commune de justice et d'arbitrage ainsi que
les arbitres nommés ou confirmés par cette dernière
jouissent dans l'exercice de leurs fonctions des privilèges et
immunités diplomatiques ». L'idée qui traduit une telle
extension est qu'à l'instar du juge étatique ou supra
étatique, l'arbitre chargé d'une mission juridictionnelle doit
bénéficier d'une protection visant à l'abriter de toute
poursuite judiciaire susceptible d'intervenir après le prononcé
de la sentence. Selon Pierre BOUBOU349, cette protection est la
condition sine qua non de la sérénité qui
convient à un juge. Dès lors en tant que tel, il est
impérieux que l'arbitre dans l'exercice de sa mission
Dans cet article, cet imminent juriste camerounais explique
que de nos jours, l'ordre juridique de l'État n'est plus le seul
véritable ordre juridique ; qu'il existe aussi des ordres juridiques
infra-étatiques ou transnationaux aussi chaque fois que l'on peut
constater l'existence d'un ordre social, il existe un droit spécifique
qui lui correspond. Dans sa démonstration, il poursuit que l'ordre
juridique suppose également un « jus spécifique »
efficace ce qui permet de l'envisager comme étant à la fois un
ordre normatif et un ordre judiciaire. Dès lors l'OHADA étant
constitué d'une communauté humaine à travers le
regroupement des Etats, d'un ordre normatif issue des actes uniformes et d'un
ordre judiciaire par la création de la CCJA qui est la cour
suprême de l'organisation chargé de veiller à la bonne
application et à la bonne interprétation des actes uniformes
constitue un véritable ordre juridique.
348 P-G. POUGOUE, L'arbitrage dans l'espace OHADA,
tiré à part du recueil des cours, Tome 380, 2010, BRILL NIJHOFF,
p. 132.
349 P. BOUBOU, « L'indépendance et
l'impartialité de l'arbitrage dans le droit OHADA »,
op.cit., p.7.
Mémoire rédigé et soutenu par Jacques Delor
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L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des
activités économiques dans l'espace OHADA
juridictionnelle ne soit pas dans un état d'esprit le
conduisant à redouter en permanence des actions initiées par les
plaideurs de mauvaise foi. Il ressort donc que l'immunité diplomatique a
pour conséquence procédurale l'irrecevabilité de toute
action engagée à l'encontre des arbitres CCJA, même en cas
de faute grave ou intentionnelle. L'intensité de ce privilège a
été et continu d'être fortement critiqué par la
doctrine du fait de son caractère peu pertinent.
B. Une immunité peu pertinente
Selon le Professeur Paul-Gérard POUGOUE, l'idée
d'une immunité protégeant les arbitres dans l'exercice de leur
mission juridictionnelle n'est pas en soi mauvaise. Toutefois il ne saurait
s'agir d'une immunité « de forte intensité comme
l'immunité diplomatique », mais plutôt d'une
immunité « classique » destinée à les
protéger des éventuelles actions en responsabilité pour
les sentences qu'ils rendent, les rassurant ainsi que leurs éventuelles
erreurs de jugements ne les conduiront pas devant les prétoires. Ils
pourront donc, dans ces conditions, rendre la justice de manière
sereine350. Dans le même ordre d'idée, le Professeur
Philippe LEBOULANGER351 estime qu'il est choquant et incompatible
avec l'exercice de la justice à laquelle l'arbitrage doit
répondre, de soustraire un arbitre malhonnête ou malveillant de
toute poursuite. Aussi selon lui, si l'on veut que l'arbitrage de la CCJA
remplisse les promesses que ses promoteurs ont placé en lui, il est
souhaitable de supprimer aux arbitres l'immunité diplomatique et qu'en
attendant, la CCJA pourrait demander aux arbitres à nommer de renoncer
au bénéfice de leur immunité diplomatique. Abdou
DIALLO352 pour sa part relevait l'impertinence de la justification
de l'immunité diplomatique des arbitres de la CCJA, en indiquant que si
cette immunité s'appliquait uniquement aux juges, elle serait
justifiée dans la mesure où ces derniers sont des fonctionnaires
d'une organisation internationale. Or, les arbitres sont des personnes
privées choisis et payés par les parties, en vue de
résoudre leur différend.
En tout état de cause, en doctrine, deux raisons que
nous partageons par ailleurs, militent en faveur de la suppression de
l'immunité diplomatique des arbitres CCJA. D'une part, le fait
d'être nommé par l'organisation internationale qu'est l'OHADA
n'enlève en rien que les arbitres de cette Cour sont et demeurent des
personnes privées contractuellement liées aux parties qui les
désignent et les paient pour dire le droit. N'étant donc pas
des
350 P. G. POUGOUE, L'arbitrage dans l'espace OHADA,
Ibid.
351 Ph. LEBOULANGER, « L'arbitrage et l'harmonisation du
droit des affaires en Afrique », Rev. Arb 1999, no 3, pp.577 et s., propos
rapportés par P. BOUBOU, op.cit., p.8.
352 Ab. DIALLO, op.cit., pp. 231-232.
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L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des
activités économiques dans l'espace OHADA
fonctionnaires de l'organisation, ils ne sauraient profiter
des avantages qui relèvent du statut d'agent diplomatique à
l'instar des juges communautaires.
D'autre part, il peut arriver que l'arbitre CCJA se rende
coupable des manquements intentionnels suffisamment graves qui
préjudicient aux intérêts d'une partie au procès
arbitral ; ce qui pourrait arriver en cas de dissimulation par l'arbitre des
faits ou circonstances de nature à faire douter de son
indépendance ou de son impartialité. Cette situation pourrait
également se réaliser en cas de fraude ou de faute lourde commis
par l'arbitre dans l'exercice de sa mission. Dès lors, vu sous cet
angle, il est amer de constater que la volonté souterraine du
législateur africain est d'éviter, au travers des
immunités diplomatiques, des poursuites aux arbitres qui se livrent
à de tels agissements. Aussi pensons-nous qu'en procédant ainsi,
le législateur communautaire a lui-même érigé une
règle incongrue qui entrave la sécurité judiciaire dans la
procédure arbitrale, par le sacrifice des exigences de qualité de
la justice et de la morale nécessaire à l'arbitrage, à
l'hôtel d'une protection absolue de l'arbitre CCJA. Il est donc
souhaitable que la réforme qui a commencée en 2017 en
matière arbitrale se poursuive par la modification de l'article 49 du
traité OHADA qui consistera en la suppression de l'immunité
diplomatique aux arbitres CCJA ainsi qu'en son remplacement par la limitation
de responsabilité à l'image de celle du règlement
d'arbitrage CCI353.
353 V. art. 41 du règlement d'arbitrage CCI dans sa
version de 2017. Cet article traite de la limitation de responsabilité
et stipule : « Les arbitres, les personnes nommées par le
tribunal arbitral, l'arbitre d'urgence, la Cour et ses membres, la CCI et son
personnel, les comités nationaux et groupes de la CCI et leurs
employés et représentants ne sont responsables envers personne
d'aucun fait, d'aucun acte ou d'aucune omission en relation avec un arbitrage,
sauf dans la mesure ou une telle limitation de responsabilité est
interdite par la loi applicable ».
CONCLUSION DU CHAPITRE I
Mémoire rédigé et soutenu par Jacques Delor
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L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des
activités économiques dans l'espace OHADA
Plusieurs limites normatives édulcorent
l'efficacité de l'arbitrage OHADA. Déjà présentes
dans les anciens textes applicables au plan communautaire, la reforme
opérée en 2017 n'a pas aboutie au traitement de celles
décriées dans le cadre de la présente étude.
En effet, une lecture minutieuse du Traité OHADA, de
l'Acte uniforme relatif au droit de l'arbitrage et du règlement
d'arbitrage CCJA permet de constater la présence de plusieurs silences
et imprécisions législatifs non justifiés ou encore,
l'ultra protection des arbitres de la CCJA, qui constituent autant de failles
intrinsèques au socle normatif arbitral de l'OHADA. Celles-ci sont ou
peuvent être à l'origine d'interprétations divergentes,
d'incertitudes voire, de blocage de nature à fragiliser les bases de la
sécurité juridique et judiciaire pourtant posées par le
législateur africain. Dès lors, il est souhaitable que soient
poursuivi les reformes normatives commencées en 2017. Seulement, quel
sera l'impact de celles-ci, si rien n'est fait pour améliorer le cadre
pratique de l'arbitrage OHADA qui connait également des dérives
?
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L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des
activités économiques dans l'espace OHADA
LES SCORIES D'ORDRE PRATIQUE
CHAPITRE II
Fondamentalement, la justice arbitrale
développée dans l'espace OHADA a pour but de faciliter le
règlement des différends entre partenaires
d'affaires354. Or il arrive souvent que dans la pratique, ils se
heurtent à plusieurs difficultés qui entravent leurs
intérêts qu'ils croyaient sauvegarder en ayant recours à
l'arbitrage de l'organisation. Ces difficultés que nous qualifions de
scories d'ordre pratiques peuvent être classées en deux
catégories à savoir, celles observables à la phase
ante sententiam (section 1) et celles observables à la phase
post sententiam (section 2).
Section 1 : Les difficultés ante sententiam
Les difficultés ante sententiam sont celles
qui interviennent antérieurement à la sentence arbitrale. Il
s'agit non seulement de celles qui tiennent à la mise en oeuvre des
procédures arbitrales (Paragraphe 1), mais aussi aux obstacles à
la sécurité des parties lors du déroulement desdites
procédures (Paragraphe 2).
Paragraphe 1 : Les difficultés tenant à
la mise en oeuvre des procédures
arbitrales
La mise en oeuvre des procédures arbitrales dans
l'espace OHADA peut faire face à des complications en raison soit de
l'importance économique de cette justice (A), soit en raison de
l'attitude du juge étatique vis-à-vis de l'arbitrage (B).
A. L'importance économique de l'arbitrage
Parler de l'importance économique de l'arbitrage ne
renvoie pas à sa nécessité du point de vue
économique, mais plutôt à son coût très
élevé. Les échanges que nous avons eu avec certains
juristes d'entreprise au Cameroun355 révèlent que l'un
des griefs les plus
354Nous tenons à préciser que notre
réflexion porte essentiellement sur l'arbitrage en droit des affaires.
Elle n'a donc pas vocation à s'étendre aux arbitrages civils.
355 Dans le cadre de notre stage dans la société
de distribution de l'énergie électrique au Cameroun (ENEO
Cameroon SA), nous avons eu quelques échanges avec le directeur adjoint
du contentieux de ladite entreprise qui nous a révélé que
l'arbitrage ne passe pas en priorité dans leur stratégie
contentieuse compte tenu de son coût
Mémoire rédigé et soutenu par Jacques Delor
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L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des
activités économiques dans l'espace OHADA
reprochés à l'arbitrage en zone OHADA est celui
de son coût qui le rend inaccessible à tous opérateurs
économiques. À titre d'exemple, Maitre Marie-Andrée
NGWE356 rapporte que devant la Cour d'arbitrage du GICAM, un tiers
environ des procédures sont classées faute de paiement de la
provision, ou du fait de l'impécuniosité des plaideurs.
Dans les arbitrages ad hoc, la pratique
révèle que les arbitres désignés par les parties
ont tendance à réclamer des montants parfois exorbitants à
titre d'honoraire. Dans l'arbitrage CCJA, on peut également constater
que les prévisions du législateur africain concernant les frais
administratifs et les honoraires des arbitres n'ont pas tenu compte de la
situation des petites et des très petites entreprises, alors même
que dans la plupart des États parties, ce sont elles qui constituent le
socle de l'économie. Dès lors, ne pouvant financer des
procédures arbitrales, plusieurs entreprises ont tendance à
qualifier l'arbitrage de « justice des riches » et de ce
fait refusent de conclure des conventions d'arbitrage. C'est dire que
le coût de l'arbitrage constitue, un obstacle à la mise en oeuvre
des procédures arbitrales dans l'espace OHADA. Cette situation n'est pas
à applaudir dans la mesure où dans l'esprit du législateur
africain, l'arbitrage de l'OHADA n'a pas été conçu pour
sécuriser uniquement les grandes entreprises et les multinationales mais
pour que tous les opérateurs du commerce puissent
bénéficier des avantages de cette justice. Il est donc
nécessaire que l'OHADA se penche sur cette question afin réduire
la méfiance exprimée par les acteurs économique à
l'égard de cette justice. En outre, il a été à
juste titre proposé que la CCJA développe des audiences foraines
ou des antennes régionales afin de limiter les coûts des
procédures pour les parties ne résidant pas en Côte
d'ivoire357. À notre avis, à cette mesure
proposée, il faudrait ajouter la consécration et l'encadrement du
tiers financement358 qui, serait certainement une aubaine.
En effet, le tiers financement est un procédé
par lequel une personne étrangère à un litige, prend en
charge tout ou partie du financement d'une procédure juridictionnelle,
moyennant un pourcentage sur le montant de la condamnation définitive.
Dès lors, la rémunération du tiers financeur est
conditionnée par l'issue favorable du procès pour la partie
très élevé, qui ajouté aux
honoraires d'avocat constitue une charge financière énorme, si
l'on prend en compte le volume de leur contentieux. Aussi
préfèrent-ils se contenter de recourir à la justice de
l'Etat en cas d'échec des voies amiables. Dès lors si une aussi
grande entreprise décrie le coût de l'arbitrage en zone OHADA, que
dire des PME et des TPE ?
356 Op.cit., p.1024.
357 Ibid.
358 Sur le tiers financement V. S. PATTON BOGGS, « Le
financement de l'arbitrage par un tiers en France », La revue, Publier
dans Arbitrage-Médiation, 21 Mars 2013, à retrouver sur
www.larevue.squirepattonboggs.com,
consulté le 13 Août 2019 à 19H28.
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L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des
activités économiques dans l'espace OHADA
financée. Il s'agit d'une méthode de financement
capable en notre sens de résoudre le problème de
l'impossibilité d'accès à l'arbitrage OHADA du fait de
l'impécuniosité. Voilà pourquoi nous suggérons que
les législations internes de l'espace communautaire s'approprient ce
mode de financement des procédures juridictionnelles en la consacrant et
en l'encadrant afin d'éviter d'éventuels abus.
B. L'attitude de certains juges
étatiques
Si certains acteurs économiques acceptent parfois de
conclure des conventions d'arbitrage, c'est tout simplement parce qu'ils font
confiance à cette justice qui leurs garantit plus de
sécurité que celle de l'État. Seulement, il arrive que
leur désir se heurte à l'attitude de certains juges
étatiques réfractaires vis-à-vis de l'arbitrage. C'est le
cas notamment lorsque ces derniers violent le principe
compétence-compétence pour se déclarer compétent au
mépris des conventions d'arbitrage.
Comme nous l'avons déjà indiqué, l'effet
négatif du principe compétence-compétence emporte que,
sauf cas de nullité où d'inapplicabilité manifeste de la
convention d'arbitrage, le juge étatique saisi doit se déclarer
incompétent si une partie le demande in limine litis. Or dans
la pratique, il arrive que certains juges malgré l'exception
d'incompétence soulevée par un plaideur méprisent la
convention d'arbitrage et statuent sur le fond de la demande, alors même
que ladite convention est valable. Ce fut par exemple le cas dans l'affaire
société CELTEL contre Société
Générale d'électricité ferroviaire du Congo
(SOGEFCO) SA 359précédemment cité où en
l'espèce, une juridiction d'instance c'était curieusement
déclarée compétente pour connaitre d'un litige contractuel
faisant l'objet d'une convention d'arbitrage, décision que la Cour
d'appel de Pointe-Noire avait sagement infirmée, renvoyant ainsi les
parties à la procédure arbitrale. Cette situation s'était
également produite dans les affaires SOW YERIM ABIB contre SOULEYMAN
AKA360 et Monsieur DAME SARR contre Mutuelle d'assurances des taxis
compteurs d'Abidjan (MACTA)361. Dans ces deux espèces, la
CCJA avait dû se prononcer en déclarant l'incompétence des
juridictions d'instance. Une telle
359 Cour d'Appel de Pointe-Noire, Arrêt no046
du 07 Novembre 2008, Société CELTEL c/Société
Générale d'électricité ferroviaire du Congo
(SOGEFCO) SA, op.cit.
360 Cour Commune de Justice et d'Arbitrage (CCJA), Arrêt
no 020/ 2008 du 24 Avril 2008, SOW YERIM Abib c/ SOULEMANE AKA et
KOFFI SAHOUO Cédric, Actualités juridiques n o 63,
p.147, note François KOMOIN, Ohadata J- 09-300.
361 Cour Commune de Justice et d'Arbitrage (CCJA),
Première Chambre, Arrêt no 43 du 17 Avril 2008, affaire
Monsieur DAME SARR c/ Mutuelle d'assurances des taxis compteurs d'Abidjan
(MACTA), Le Juris Ohada, no 4/ 2008, p.46, Actualités juridiques n
o 63, p.135, note AKO Eloi, Ohadata J-09-81.
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activités économiques dans l'espace OHADA
hostilité affichée à l'égard de
l'arbitrage ne peut que renforcer la méfiance déjà
existante chez plusieurs investisseurs nationaux et étrangers.
Heureusement plusieurs Cours d'appel ainsi que la CCJA n'hésitent pas
à annuler les décisions d'instances rendues en violation du
principe compétence-compétence.
À notre avis, l'attitude que nous décrions
trouve ses origines dans la faible culture de l'arbitrage observée
jusqu'à ce jour dans les États africains. En effet, plusieurs
acteurs du monde judiciaire ne disposent pas d'une bonne connaissance de la
pratique arbitrale. On observe encore et de façon regrettable que le
droit de l'arbitrage constitue dans certaines facultés de droit une
matière facultative ce qui est pire quand il s'agit de la filière
Droit privé362. S'agissant des magistrats et des
avocats363, plusieurs d'entre eux se font remarquer par leur absence
lors des colloques et séminaires de formation sur l'arbitrage. Il est
donc urgent d'intensifier la vulgarisation de ce mode de règlement des
litiges, de classer le droit de l'arbitrage au rang des matières
fondamentales dans la filière droit privé et
complémentaire en droit public, d'organiser des procès fictifs
mettant en jeu le contentieux arbitral. Nous recommandons également aux
différents ministères de la justice des États parties
à l'OHADA d'organiser des séminaires sur l'arbitrage de
l'organisation, financés par l'État et auxquels la
présence de tous les magistrats serait obligatoire. Ces
différentes propositions permettront sans doute aux juges et futures
juges étatiques de parfaire leurs connaissances de la pratique
arbitrale.
Il ressort de ce qui précède que le coût
de l'arbitrage en zone OHADA et la tendance hostile de certains juges
étatiques qui violent le principe compétence-compétence
constituent des obstacles pratiques à la mise en oeuvre des
procédures arbitrales. Ces obstacles compromettent la
sécurité judiciaire recherchée par les acteurs
économiques et par ricochet décrédibilise le
système d'arbitrage communautaire. Dans un tel contexte, seul l'adoption
des mesures fortes tels celles que nous proposons pourront permettre un
meilleur accès à cette justice. Cependant, une fois la
procédure arbitrale mise en oeuvre, son déroulement peut
également faire face à certaines difficultés pratiques non
négligeables susceptibles d'entraver la sécurité des
parties.
362 C'est notamment le cas à l'Université de
Yaoundé 2, Année académique 2015/ 2016 jusqu'à ce
jour.
363 Lors de nos recherches de stage académique, nous
avons transmis notre candidature à un cabinet d'avocat au Tchad qui
compte tenu de notre sujet de recherche l'a rejeté motif, pris de ce
qu'ils n'ont aucune connaissance de l'arbitrage en général et
celui de l'OHADA en particulier. Aussi, il ne pouvait m'être d'aucune
utilité d'effectuer un stage chez eux.
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L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des
activités économiques dans l'espace OHADA
Paragraphe 2 : Les entraves à la
sécurité des parties lors du déroulement de la
procédure arbitrale
Plusieurs facteurs peuvent compromettre la
sécurité des parties lors du déroulement de l'instance
arbitrale. Parmi ceux-ci, on peut citer l'absence d'éthique chez
l'arbitre (A) où même encore chez les parties qui contribuent de
la sorte à l'inefficacité de la procédure (B).
A. L'absence d'éthique chez l'arbitre
Il arrive parfois que dans l'espace OHADA, des
procédures arbitrales connaissent des dérives qui poussent
à se demander si le droit applicable à l'arbitrage communautaire
suffit à lui seul à assurer une sécurité optimale
aux investisseurs ou mieux encore, s'il n'est pas préférable de
l'associer à d'autres normes telles que la morale ou l'éthique.
Cette interrogation n'est pas anodine quand l'on conçoit, pour reprendre
Pascal DIENER, que « le droit, tout le droit, même dans ses
aspects les plus techniques est dominé par les lois morales dans sa
fonction normative »364.
Bien qu'étymologiquement, la morale et l'éthique
soient des synonymes365, certains auteurs les distinguent en raison
de la connotation passéiste ou confessionnelle que la morale pourrait
véhiculer366 car étant essentiellement tournée
vers le for intérieur de l'individu, sa transgression ne peut être
sanctionné que par la conscience. À contrario, l'éthique
serait tournée vers l'extérieur, elle distingue clairement le bon
du mauvais et en cela elle est considérée comme une morale
collective. Le Doyen Cornu l'entendait d'ailleurs comme étant «
l'ensemble des principes et valeurs guidant les comportements sociaux et
professionnels, et inspirant les règles déontologiques où
juridiques »367. L'éthique peut donc être
considérée non seulement comme un parent proche de la morale du
fait de leur rapprochement étymologique, mais également comme une
amie de la déontologie368 en ce sens qu'elle renvoie à
un ensemble de devoirs inhérents à l'exercice d'une
activité
364 P. DIENER, Ethique et droit des affaires, Rec.
Dalloz Sirey, 1993, chr. n° 2, p. 17.
365 Le mot `'éthique» découle du grec
ethikos qui signifie moral qui lui découle de ethos
qui renvoi aux moeurs
366 Ch. JARROSSON, « Ethique, déontologie et
normes juridiques dans l'arbitrage », in L'éthique dans
l'arbitrage, Guy KEUTGEN (Dir.), Actes du colloque de Francarbi du 09
Décembre 2011, Bruylant, 2012, p. 3.
367 G. CORNU, Vocabulaire juridique, 11e Ed.,
Mise à jour, P. 423.
368 K. AGBAM, H. B. MOUZOU, « L'éthique dans
l'arbitrage OHADA : Etude à la lumière du nouvel Acte Uniforme
relatif au droit de l'Arbitrage et du nouveau Règlement d'Arbitrage de
la CCJA », Article publié sur
www.ohada.com, Consulté
le 14 Août 2019 à 23h50, p.1.
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L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des
activités économiques dans l'espace OHADA
professionnelle et le plus souvent établis par un ordre
professionnel369. L'éthique est donc, pour reprendre le
Professeur Pierre TERCIER, « ce qui se fait ou ce qui ne se fait pas,
ce qui doit se faire ou ne pas se faire »370.
Dans l'espace OHADA, la question de l'inter normativité
entre le système normatif arbitral communautaire et l'éthique
pris au sens de la morale collective ne se pose pas, étant entendu que
le législateur africain a consacré des obligations auxquelles
tout arbitre OHADA devrait se soumettre. C'est notamment le cas de l'obligation
d'indépendance et d'impartialité, de
révélation371, de disponibilité372
et même de diligence373 qui est spécialement
prévue par l'article 4.1.2 du NRA/ CCJA et qui à notre avis
impliquerait certainement des obligations tacites de disposer des
qualités requises ainsi que d'agir dans l'intérêt des
parties374. Ce qui permet de soutenir que ce n'est pas la prise en
compte de l'éthique par le droit communautaire arbitral qui fait
problème, mais plutôt son application sur le terrain de la
pratique où on observe très souvent des dérives à
trois niveaux à savoir l'obligation de révélation, de
disposer des qualités requises et d'agir dans l'intérêt des
parties.
S'agissant de l'obligation de révélation, il
arrive que son respect pose des problèmes. Tout récemment encore,
la CCJA s'est vue saisir d'un pourvoi en cassation dirigé contre une
décision de la Cour d'Appel de Douala ayant annulé une sentence
arbitrale pour violation par l'arbitre de son obligation de
révélation, ce qui lui donna l'occasion de rappeler qu'
« il est de jurisprudence que l'arbitre doit révéler toute
circonstance de nature à affecter son jugement et à provoquer
dans l'esprit des parties un doute raisonnable sur ses qualités
d'impartialité et d'indépendance qui sont de l'essence même
de la fonction arbitrale »375.
S'agissant de l'obligation de disposer des qualités
requises, elle suppose, comme l'explique le Professeur TERCIER, qu'au moment
où il est approché par les parties, il doit être à
même de déterminer suivant les informations qui lui sont remises
s'il correspond au profil recherché. Ce qui lui donne l'occasion de ne
pas accepter l'affaire et de s'excuser au cas
369 G. CORNU, Vocabulaire juridique,
8ème éd., op.cit., p.292.
370 P. TERCIER, « L'éthique des arbitres
», in L'éthique dans l'arbitrage, op.cit., p.
19.
371 V. supra.
372 L'obligation de disponibilité est tacitement
consacrée à l'article 7 al.2 NAUA qui prévoit que
« L'arbitre s'engage à poursuivre sa mission jusqu'au terme de
celle-ci à moins qu'il justifie d'un empêchement ou d'une cause
légitime d'abstention ou de démission », et par
l'article 4.1.2 NRA/ CCJA dont il ressort que l'arbitre « doit
poursuivre sa mission jusqu'à son terme avec diligence et
célérité ».
373 L'obligation de diligence s'attache au soin avec lequel tout
professionnel est tenu d'exécuter sa mission. Ce soin s'entrevoit
à travers la rapidité et l'efficacité de son action.
374 P. TERCIER, op.cit., pp.31-34.
375 Recueil de jurisprudences de la CCJA, arrêt n°
151/2017 du 29 juin 2017.
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L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des
activités économiques dans l'espace OHADA
où il n'y répondrait pas376. Cette
exigence est à notre avis d'une indéniable
nécessité dans la mesure où l'arbitre qui dispose
suffisamment de compétence en droit, qui maitrise la langue de
procédure et qui dispose d'une bonne expérience pratique est plus
aguerri pour rendre une bonne sentence dans les délais raisonnables.
Malheureusement, la pratique nous révèle que tel n'est pas
toujours le cas, certains arbitres acceptant souvent des missions portant sur
des questions qui ne ressortent pas toujours de leurs compétences
intellectuelles. Ce qui conduit dans certains cas au dépassement des
délais prévus à l'avance, du fait pour ces derniers de
rechercher en cours de procédure, des compétences dont ils ne
disposaient pas avant d'accepter leur mission. Cette situation permet de
constater que certains arbitres acceptent leur mission non pas dans le but de
rendre un service juridictionnel nécessaire pour la bonne marche des
affaires, mais plutôt dans le but de se faire de l'argent. Nous pensons
qu'il est possible de remédier à cette difficulté si le
législateur faisait du devoir de compétence, une exigence
à laquelle tout arbitre OHADA devrait répondre. Pour parvenir
à ce résultat, nous suggérons que soit étendue
l'obligation de révélation à toute situation de nature
à créer un doute sur la compétence intellectuelle de
l'arbitre.
S'agissant enfin de l'obligation d'agir dans
l'intérêt des parties, elle implique le devoir pour l'arbitre de
faciliter la solution du litige en jouant préalablement un rôle
d'apaisement377 . Il implique également que les arbitres
doivent se préoccuper de l'aspect financier de la procédure.
Aussi ne doivent-ils pas « gonfler artificiellement les coûts
engendrés par leurs prestations, ni accepter des paiements d'une partie,
à moins que cela n'ait été convenu où admis
»378. Le constat est parfois regrettable dans l'espace
OHADA où certains arbitres, le plus souvent, ad hoc
réclament des honoraires exorbitants aux parties, ce qui le plus
souvent décourage certains. Il est également arrivé que
dans un arbitrage CCJA, les arbitres se trouvent en cours d'instance, entrain
de renégocier leurs honoraires avec une partie, en violation de la
décision No 004/ 99/ CCJA du 03 Février 1999 relative
aux frais d'arbitrage et du règlement d'arbitrage de Cour379.
De pareilles situations ne sauraient crédibiliser le système
d'arbitrage de l'OHADA. Mais que faire ?
En effet, comme le relevait le Professeur Charles
JARROSSON380, s'il est vrai qu'au sein des institutions d'arbitrage
on retrouve des prémisses de règles disciplinaires en
matière
376 P. TERCIER, op.cit., p.31.
377 Op.cit., p.34.
378 Ibid., p.35.
379 CCJA, Arrêt N°139/2015 du 19 novembre 2015, Aff.
République de Guinée c/ GETMA international.
380 Ch. JARROSSON, « Éthique, déontologie et
normes juridiques dans l'arbitrage », op.cit.
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L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des
activités économiques dans l'espace OHADA
d'éthique, l'absence d'organisation centrale ou de
corporation à l'image des avocats ou des autres professions juridiques
restreint la possibilité pour le droit d'imposer des règles
générales. Par conséquent, les sanctions disciplinaires ne
peuvent être efficacement pratiquées dans l'arbitrage. Toutefois,
nous pensons que ce qui paraît difficile ailleurs est faisable dans un
espace juridique intégré où les règles de droit
transcendent les Etats pris individuellement, comme c'est le cas avec l'OHADA.
Nous suggérons donc que soit créé un ordre des arbitres de
l'OHADA, régi par un Code d'éthique et de déontologie
à valeur supra nationale. Ainsi, toute personne désirant exercer
entant qu'arbitre professionnel devra y être inscrit et soumis audit code
d'éthique et de déontologie. Il devra s'agir d'une obligation
générale. À notre avis, le faire permettrait de
résoudre au maximum le problème de la violation de
l'éthique par les arbitres dans l'espace OHADA. Toutefois, il ne
faudrait pas oublier l'éthique des parties, car la pratique arbitrale
nous renseigne qu'elles peuvent être également à l'origine
de la décadence de cette valeur dans l'arbitrage.
B. L'absence d'éthique chez les
parties
Pointer un doigt accusateur sur les arbitres comme
étant toujours responsables de la déchéance de
l'éthique en matière arbitrale serait sans doute commettre une
erreur, car en vérité, les parties y ont également une
part non négligeable de responsabilité. Ainsi, il arrive souvent
que les parties adoptent des comportements visant à bloquer ou à
retarder indument la procédure arbitrale. Sans être exhaustif,
c'est le cas lorsqu'elles introduisent des demandes de récusation
à répétition, changent d'avocat dans le seul but de gagner
du temps, mettent en oeuvre des actions pénales dans l'optique de
neutraliser la procédure arbitrale, créent des situations de
litispendance à des fins dilatoires381, ne se
présentent pas lors des audiences ou ne présentent pas leurs
conclusions dans les délais. Ces comportements déloyaux et
contraires à l'éthique ne peuvent que contribuer à jeter
l'opprobre sur le système d'arbitrage communautaire. Le
législateur africain prenant acte de cette réalité, a
tenté de solutionner ce problème en faisant peser sur les parties
l'obligation de loyauté lors du processus arbitral. C'est ainsi qu'on
peut lire à l'article 14 alinéas 4 et 5 NAUA que « Les
parties agissent avec célérité et loyauté dans la
conduite de la procédure et s'abstiennent de toutes mesures
dilatoires.
Si, sans invoquer de motif légitime :
381 J. LEVY-MORELLE, « L'éthique des parties »,
in L'éthique dans l'arbitrage, op.cit., p. 87.
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L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des
activités économiques dans l'espace OHADA
a) le demandeur ne présente pas sa demande, le
tribunal arbitral met fin à la procédure arbitrale
, ·
b) le défendeur ne présente pas sa
défense, le tribunal arbitral poursuit la procédure arbitrale
sans toutefois considérer ce défaut en soi comme une acceptation
des allégations du demandeur , ·
c) l'une des parties omet de comparaître à
l'audience ou de produire des documents, le tribunal arbitral peut poursuivre
la procédure et statuer sur la base des éléments de preuve
dont il dispose ». Le règlement d'arbitrage de la Cour fait
également peser ladite obligation sur les parties dans un arbitrage
CCJA382. Dès lors, si on remarque bien que l'intention du
législateur est de sanctionner les écarts à
l'éthique et les attitudes déloyales venant des parties dans les
procédures arbitrales, force est de constater que les mesures prises,
bien que bonnes, ne peuvent pas entièrement résoudre le
problème qui, à notre avis, réside dans les
mentalités, ce qui appelle un traitement préalablement
préventif qui ne peut être véritablement effectif que s'il
est mis à la disposition des parties un Code de bonne conduite qui, a
priori, inspirera les comportements de ces derniers.
Il ressort en définitive qu'antérieurement
à la sentence arbitrale, plusieurs difficultés pratiques peuvent
entraver la sécurité des parties. Observées tant au moment
de la mise en oeuvre que lors du déroulement des procédures
arbitrale, ces difficultés se traduisent tout d'abord par le coût
important de l'arbitrage qui n'est pas à la portée de tous les
opérateurs économiques. Ensuite, elles se matérialisent
par l'attitude réfractaire qu'ont certains juges étatiques
à l'égard de l'arbitrage, et enfin par la déchéance
de l'éthique qui remet en cause les caractères qui font de
l'arbitrage une justice bien meilleure que celle de l'État. Dès
lors, une meilleure promotion de l'arbitrage communautaire, la
consécration et l'encadrement du tiers financement383, la
mise en place d'un code de bonne conduite arbitrale à destination des
États parties et enfin, l'érection d'un code d'éthique et
de déontologie à valeur supra nationale, pourront sans doute
contribuer à l'amélioration de l'arbitrage OHADA et par
conséquent, à la sécurité judiciaire des
activités économiques. Quid des difficultés qui naissent
postérieurement au rendu des sentences arbitrales ?
382 L'article 19.1.7 de ce règlement prévoit que
« Si l'une des parties, quoique régulièrement
convoquée, ne se présente pas, le tribunal arbitral, après
s'être assuré que la convocation lui est bien parvenue, a le
pouvoir, à défaut d'excuse valable, de procéder
néanmoins à l'accomplissement de sa mission, le débat
étant réputé contradictoire ».
383 V. Supra, pp. 98-99.
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L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des
activités économiques dans l'espace OHADA
Section 2 : Les difficultés post
sententiam
Par difficultés post sententiam, il faut
entendre celles qui se présentent une fois qu'une sentence arbitrale a
été rendue. En effet, dès lors que le tribunal arbitral a
vidé sa saisine en rendant sa sentence, celle-ci est appelée
à être exécutée. Seulement, il arrive que
l'efficacité attendue soit compromise par un certain nombre de
difficulté. On parlera dans ce cas de difficultés
d'exécution de la sentence arbitrale. Celles-ci sont en
général liées soit à la reconnaissance de la
sentence (Paragraphe 1), soit à l'impossibilité totale
d'exécuter cette dernière (Paragraphe 2).
Paragraphe 1 : Les difficultés liées
à la reconnaissance des sentences
Par reconnaissance de la sentence arbitrale, il faut entendre
l'admission à la suite ou non d'une procédure, des effets de
celle-ci dans un État384. Considéré comme
étant une justice autonome, l'arbitrage n'est pas rattaché
à l'ordre judiciaire des États. Il s'agit d'une justice
privée qui ne se réalise que parce que les parties l'ont voulu et
dont les sentences qui tranchent les différends sont semblables aux
décisions de justice étrangères. Par conséquent,
elles ne peuvent être exécutées qu'en vertu d'une
décision d'exequatur rendue par le juge étatique.
Dans l'espace OHADA, l'exequatur est rendu soit par le juge
étatique385, soit par le juge communautaire386
selon qu'on soit dans un arbitrage classique où spécifique CCJA.
Dans ce dernier cas, la reconnaissance est systématique, la formule
exécutoire devant tout simplement être apposée sur la
sentence après présentation de la copie certifiée conforme
à l'original de la sentence exequaturée à
l'autorité national compétente387. Malheureusement,
les choses ne se déroulent pas toujours comme le veut la loi dans la
mesure où, dans certains cas,
384 Pour une définition similaire V. G. CORNU,
Vocabulaire juridique, op.cit., p.772.
385Article 30 NAUA : « La
sentence arbitrale n'est susceptible d'exécution forcée qu'en
vertu d'une décision d'exequatur rendue par la juridiction
compétente dans l'État Partie ».
386 Article 30.1 NRA/ CCJA : « La sentence est
susceptible d'exequatur dès son prononcé. L'exequatur est
demandé par une requête adressée au Président de la
Cour, avec copie au Secrétaire Général. Ce dernier
transmet immédiatement à la Cour les documents permettant
d'établir l'existence de la sentence arbitrale et de la convention
d'arbitrage ».
30.2 « L'exequatur est accordé, dans les
quinze (15) jours du dépôt de la requête, par une ordonnance
du Président de la Cour ou du juge délégué à
cet effet et confère à la sentence un caractère
exécutoire dans les Etats Parties. Cette procédure n'est pas
contradictoire ».
387Article 31.1 NRA/ CCJA : « Le
Secrétaire Général délivre à la partie qui
lui en fait la demande, une copie de la sentence certifiée conforme
à l'original déposé conformément à l'article
28 du présent Règlement, sur laquelle figure une attestation
d'exequatur. Cette attestation mentionne que l'exequatur a été
accordé à la sentence, selon le cas, soit par une ordonnance du
Président de la Cour régulièrement notifiée, soit
par un arrêt de la Cour rejetant un recours en annulation, soit par un
arrêt de la Cour infirmant un refus d'exequatur ».
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L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des
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des difficultés se présentent et font
obstruction à la reconnaissance de la sentence arbitrale. Ces
difficultés sont parfois relatives aux parties elles-mêmes (A),
parfois aux autorités étatiques (B).
A. Les difficultés relatives aux parties
Une fois la sentence arbitrale rendue, la logique est que
suive sa reconnaissance et son exécution. Tel n'est pas toujours le cas,
la pratique révélant que cette phase ultime est souvent
entravée par la partie perdante parfois de mauvaise foi, qui multiplie
les recours dilatoires en vue de gagner du temps, pour tenter de
négocier un accord transactionnel avec la partie gagnante. Cette
pratique est monnaie courante dans les entreprises, qui cherchent toujours
à retarder autant que faire se peut l'exécution des
décisions de justice ou de minorer les créances qui en
découlent. La restriction des voies de recours opérée par
le législateur africain ne suffit pas à faciliter
l'exécution des sentences arbitrales dans l'OHADA, car l'examen du
contentieux arbitral témoigne bien souvent des effets dilatoires des
voies de recours autorisées qui sont d'ailleurs dotées d'un effet
suspensif. Il en est de même pour l'exécution provisoire qui n'est
qu'une possibilité et qui même si elle est accordée peut
faire l'objet d'une défense à exécution, c'est pourquoi un
auteur388suggérait que soit supprimé l'effet suspensif
afin d'assurer l'exécution rapide des sentences. Toutefois, de
manière exceptionnelle, ce dernier pense que le juge chargé du
contentieux de l'exécution des sentences arbitrales ou l'arbitre devrait
avoir la possibilité d'apprécier l'opportunité de
suspendre ou d'aménager l'exécution de la sentence. Ainsi, il
pourra suspendre l'exécution de la sentence tout en ordonnant des
mesures provisoires ou conservatoires en vue d'éviter toute
éventuelle fraude du débiteur de l'exécution et donc de
protéger l'objet du litige. Il suggère également que soit
instituée la possibilité d'exiger du débiteur de
l'exécution une caution bancaire en vue de garantir l'exécution
de la sentence en cas d'échec du recours. Enfin il propose la
médiation ou la conciliation post-arbitrale, le tout dans le but de
concilier la suppression de l'effet suspensif aux droits de la
défense389.
À notre avis, bien qu'il soit juste de protéger
toutes les parties dans un contentieux arbitral, il n'est pas nécessaire
de supprimer l'effet suspensif des voies de recours dans la mesure où,
cela pourrait entraîner des conséquences désastreuses sur
la partie condamnée. Nous pensons que la solution se trouverait dans un
meilleur encadrement de l'exercice des
388 Ab. DIALLO, op.cit., p.198.
389 Ibid.
Mémoire rédigé et soutenu par Jacques Delor
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L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des
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voies de recours. C'est pourquoi nous suggérons au
législateur africain de faire de la présentation d'une caution
bancaire une condition de recevabilité du recours en annulation de la
sentence arbitrale. S'agissant du recours en révision et de la tierce
opposition, nous pensons que l'effet suspensif devrait être
accompagné des mesures provisoires ou conservatoires. De telles mesures
si elles sont consacrées auront le mérite non seulement de
dissuader toute partie désirant verser dans les recours dilatoires, mais
aussi et surtout d'assurer la conservation de l'objet du litige.
En tout état de cause, on peut retenir que parfois, les
parties sont responsables des difficultés d'exécution des
sentences arbitrales. Ce qui ne permet pas au système d'arbitrage OHADA
de contribuer suffisamment à la sécurité judiciaire des
activités économiques dans l'espace communautaire. Cependant, les
difficultés décriées ne sont pas l'apanage des parties,
les autorités étatiques ayant souvent leur part de
responsabilité dans l'inexécution des sentences.
B. Les difficultés relatives aux
autorités étatiques
Plusieurs soupçons, à tort ou à raison,
sont jetés sur les autorités étatiques comme pouvant
être responsables d'éventuels des blocages susceptibles de se
présenter lors de la phase de la reconnaissance des sentences, et plus
précisément celles émanant de la CCJA.
En effet, l'une des spécificités de l'arbitrage
CCJA réside dans le fait que l'exéquatur des sentences y
découlant est rendu par la Cour. Toutefois, l'exéquatur
communautaire ne fait pas obstruction à la formule exécutoire qui
reste de la compétence des États parties. Ces derniers devant
designer chacun l'autorité compétente chargée d'accomplir
cette formalité postérieurement à la simple
vérification de l'authenticité du titre
exécutoire390. Cette « domestication » de
la formule exécutoire a donné lieu à une controverse
doctrinale. Ainsi selon le Professeur Jean-Marie TCHAKOUA, la domestication de
la formule exécutoire au profit de chaque État partie n'est non
seulement pas justifiée mais également constitue une
véritable entrave à l'efficacité des sentences issues des
arbitrages CCJA dans la mesure où, si l'autorité chargée
de l'apposer exerce la fonction de juge, il pourrait alors arriver que sous
le
390 Cf. article 46 du règlement de procédure
CCJA qui prévoit : « La formule exécutoire est
apposée, sans autre contrôle que celui de la vérification
de l'authenticité du titre, par l'autorité nationale que le
Gouvernement de chacun des Etats Parties désignera à cet effet et
dont il donnera connaissance à la Cour ». V. aussi l'article
31.2 du règlement d'arbitrage de la Cour communautaire qui stipule
qu'« Au vu de la copie conforme de la sentence revêtue de
l'attestation du Secrétaire Général de la Cour,
l'autorité nationale désignée par l'État Partie
pour lequel l'exequatur a été demandé, appose la formule
exécutoire telle qu'elle est en vigueur dans ledit État
».
Mémoire rédigé et soutenu par Jacques Delor
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L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des
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couvert de la souveraineté de l'État dont il se
dit être le défenseur naturel, elle prête attention à
la nationalité de la partie condamnée. Ce qui pourrait l'amener
à procéder au contrôle de la sentence et même
à refuser l'exequatur si cette dernière était un
État. Pour cet auteur, l'idéal serait l'adoption d'une formule
exécutoire communautaire rendue non pas au nom du peuple d'un
État membre, mais au nom de tous les peuples des États
parties391. Solution qui n'est pas du tout partagée par
Marie-Andrée NGWE car selon elle, la formule exécutoire n'est
qu'un instrumentum permettant aux huissiers de procéder
à son exécution, par conséquent il parait difficile de
là communautariser étant entendu qu'elle relève de l'ordre
judiciaire des pays392.
Nous pensons que les inquiétudes relatives à la
domestication de la formule exécutoire sont fondées dans la
mesure où, une telle domestication peut être source
d'insécurité judiciaire découlant de l'inefficacité
des sentences arbitrales au cas où, l'autorité chargée de
l'apposer serait un juge393. En revanche, nous ne sommes pas
favorables à l'idée d'une communautarisation, non pas en raison
du fait que la formule exécutoire relève de l'ordre judiciaire
étatique394 comme le pense Madame NGWE, mais plutôt
parce qu'il serait à notre sens injuste de renforcer la
supériorité de l'arbitrage CCJA vis-à-vis de l'arbitrage
ad hoc. Supériorité déjà existante du fait
de l'exéquatur communautaire. Nous suggérons donc que soit
désigné comme autorité compétente au niveau
communautaire le greffier en chef de la Cour suprême ou de la juridiction
équivalente de l'État partie où la formule est
demandée.
Paragraphe 2 : L'exécution impossible
En matière processuelle lorsqu'une décision de
justice est rendue, le principe voudrait que suive son exécution, soit
volontaire, soit forcée en cas de résistance du débiteur
de ladite exécution. Or il arrive qu'à défaut
d'acquiescement, que le créancier soit dans l'impossibilité de
contraindre son débiteur en ayant recours aux mesures d'exécution
forcées, notamment les saisies. Cette situation se présente
lorsqu'une partie au procès est protégée par
l'immunité
391J-M. TCHAKOUA, « L'exécution des
sentences arbitrales dans l'espace OHADA : regard sur une construction
inachevée à partir du cadre camerounais », RASJ, vol. 6,
n°1, 2009, pp. 9 et s.
392M-A. NGWE, op.cit., p. 1014.
393 Tandis que certains Etats parties ont
déterminés les présidents de juridictions comme
autorités compétente, d'autres ont optés pour la
compétence du greffier en chef de la Cour suprême
compétence qu'ils ont soumis au contrôle du président de
ladite Cour.
394 Cet argument ne nous semble pas pertinent dans la mesure
où les Etats de l'OHADA ont abandonné une partie de leur
souveraine judiciaire au profit de la CCJA qui est l'instance suprême en
matière de contentieux des AU et par conséquent, cette
juridiction peut très bien disposer d'une formule exécutoire
communautaire.
Mémoire rédigé et soutenu par Jacques Delor
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L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des
activités économiques dans l'espace OHADA
d'exécution (A) dont elle s'en sert parfois abusivement
comme on le constate très souvent dans l'espace OHADA (B).
A. La consécration de l'immunité
d'exécution dans l'espace OHADA
L'immunité d'exécution est consacrée par
l'Acte uniforme relatif aux procédures simplifiées de
recouvrement de créance et voies d'exécution. Elle s'entend du
privilège qui protège ses bénéficiaires contre
toute exécution forcée et profite aux personnes morales de droit
public ainsi qu'aux entreprises publiques. L'article 30 dudit AU dispose
à ce titre que « l'exécution forcée et les
mesures conservatoires ne sont pas applicable aux personnes qui
bénéficient d'une l'immunité d'exécution.
Toutefois, les dettes certaines, liquides et exigibles des
personnes morales de droit public ou des entreprises publiques, quelles qu'en
soient la forme et la mission, donnent lieu à compensation avec les
dettes également certaines, liquides et exigibles dont quiconque sera
tenu envers elles, sous réserve de réciprocité.
Les dettes des personnes et des entreprises visées
à l'alinéa précédent ne peuvent être
considérées comme certaines au sens des dispositions du
présent article que si elles résultent d'une reconnaissance par
elles de ces dettes ou d'un titre ayant un caractère exécutoire
sur le territoire de l'État où se situent lesdites personnes et
entreprises ». Il ressort de ces dispositions que l'État, les
collectivités territoriales décentralisées ainsi que les
entreprises publiques ne sont pas soumis aux mesures d'exécutions
forcées.
L'immunité d'exécution des personnes morales de
droit public repose sur deux fondements, le premier étant le souci de ne
pas porter atteinte à la souveraineté des États en
évitant que par l'effet des saisies pratiquées sur leurs biens,
ils ne se trouvent dans l'impossibilité d'accomplir leurs missions de
service public, le second étant que les personnes morales publiques sont
toujours réputées solvables395.
Un regard jeté sur le contentieux de l'exécution
des décisions de justice dans l'espace communautaire nous
démontre que les juges ont l'Université toujours appliqué
de manière
395 G. KENFACK DOUAJNI, « L'exécution
forcée contre les personnes morales de droit public dans l'espace OHADA
», Rev. Cam. Arb., no 18, Juillet- Aout- Septembre 2002,
p.4.
Mémoire rédigé et soutenu par Jacques Delor
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L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des
activités économiques dans l'espace OHADA
stricte l'article 30 AUPSRVE. L'affaire TOYEN Dieudonné
contre l'Université de Dschang en est un exemple396.
En l'espèce, l'Université avait
été judiciairement condamnée à payer au sieur TOYEN
la somme de 2.299.721 franc CFA pour licenciement abusif. La décision
devenue exécutoire, ce dernier fit pratiquer une saisie attribution des
créances sur comptes de ladite Université domiciliés
à la BICEC à Dschang. En réaction, l'Université
assigna son créancier en nullité de la saisie pratiquée
sur ses avoirs devant le juge des référés
compétent, au moyen qu'en tant qu'Université d'État,
établissement public à caractère scientifique et culturel
et donc personne morale de droit public, elle bénéficie de
l'immunité d'exécution prévue par l'article 30 AUPSRVE. Le
juge faisant droit à la demande de l'Université, annula la saisie
pratiquée à son préjudice motif pris de ce que les deniers
des Universités d'État sont des deniers publics et par
conséquent sont insaisissables.
Dans une autre affaire opposant la société Togo
Telecom à plusieurs de ses salariés licenciés
abusivement397, le juge Communautaire avait adopté la
même posture. Dans le cas d'espèce, la société Togo
Télécom, société anonyme à capitaux publics
avait été condamnée par la chambre sociale de la Cour
d'appel de Lomé à payer à certains salariés
abusivement licenciés, la somme de 118. 970. 213 francs CFA. La
décision étant devenue exécutoire, ces derniers ont fait
pratiquer une saisie-attribution des comptes bancaires de leur débiteur.
L'entreprise publique n'ayant pas contesté la condamnation, s'est
contentée de se prévaloir de son immunité
d'exécution afin d'obtenir mainlevée de la saisie
pratiquée à son préjudice tant devant les juges de fond
que devant la CCJA.
En l'état actuel du droit OHADA, les sentences
arbitrales condamnant les personnes morales publiques ne sauraient
échapper à cette interdiction posée par le
législateur et confirmée par la juridiction supranationale.
Toutefois, s'il faut reconnaitre que les motifs qui justifient
l'immunité d'exécution paraissent louables, il n'en demeure pas
moins que les bénéficiaires de ce privilège s'en servent
généralement de manière abusive.
396 Ordonnance de référé n° 12-ORD
du 11 septembre 2000 ; V. Rev. Cam. Arb. No18, Juillet- Aout-
Septembre 2002, p. 13.
397 CCJA, Arrêt n° 043/2005 du 07 juillet 2005,
www.daldewolf.com,
consulté le 15 Janvier 2019 à 16H 25.
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L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des
activités économiques dans l'espace OHADA
B. L'usage abusif de l'immunité d'exécution
dans l'espace OHADA
Derrière la consécration de l'immunité
d'exécution, se cache l'idée de bonne foi de la personne morale
publique qui exécuterait spontanément la sentence, au cas
où celle-ci venait à la condamner. Malheureusement, la pratique
nous révèle le contraire ; cette dernière étant
plus disposée à exercer des recours dilatoires et en cas
d'échec, à brandir systématiquement l'article 30 AUPSRVE
qu'à exécuter la sentence. L'article 28 du texte
précédemment cité subordonne l'exécution
forcée au défaut d'exécution volontaire. Or lorsque le
débiteur est une personne morale de droit public, on assiste
pratiquement à un déni de justice qui crée une
insécurité juridique des activités économiques, ce
qui laisse croire que l'immunité d'exécution, plus qu'un moyen
dont l'objet louable serait d'éviter la paralysie des missions
régaliennes de l'État et de ses démembrements, est une
arme au service du `'plus grand des monstres froids qui ment froidement»,
pour emprunter les propos de Fréderic NIETZSCHE398 . Il
s'agit en quelque sorte de l'expression de la consécration du droit de
ne pas payer ses dettes dont usent les personnes morales de droit public,
notamment les entreprises publiques, contre leurs partenaires commerciaux
même si la créance est incontestable399 comme ce fut le
cas dans les affaires TOYEN Dieudonné et Togo Telecom
précédemment citées. Cette fragilisation de la situation
des partenaires d'affaire de la personne publique pousse à s'interroger
sur une possible érection d'une solution en matière arbitrale.
De prime à bord, il faut reconnaitre que le droit
international a posé les prémisses de solution qui ont
certainement inspirées plusieurs décisions en France et qui
aujourd'hui peuvent inspirer le législateur de l'OHADA. Ainsi, on peut
lire à l'article 19 de la convention des nations unis sur les
immunités juridictionnelles des États et de leurs
biens400 que « Aucune mesure de contrainte
postérieure au jugement, telle que saisie, saisie-arrêt ou
saisie-exécution, ne peut être prise contre des biens d'un
État en relation avec une procédure intentée devant un
tribunal d'un autre État excepté si et dans la mesure où
. ·
a) L'État a expressément consenti à
l'application de telles mesures dans les termes indiqués
. ·
i) Par un accord international ;
398 F. NIETZSCHE, Ainsi parlait Zarathoustra, Traduit
par Henri Albert, 82ème éd., Paris, MERCVRE de France,
2012, p. 72.
399 Ap. A. de SABA, « Le recouvrement de la dette
publique intérieure dans les Etats de l'OHADA », Rev. ERSUMA
N°3, Septembre 2013, p. 221.
400 Cette convention a été adoptée au cours
de la 65ème réunion plénière de l'Assemblée
générale des Nations Unis en vertu de la résolution
A/59/508 du 2 décembre 2004. En zone OHADA seul la République de
Guinée équatorial a exprimé en date du 30 Mai 2018 son
adhésion à ladite convention. Le Sénégal bien que
l'ayant signée le 21 Septembre 2005 ne l'a jusqu'à ce jour pas
ratifiée.
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L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des
activités économiques dans l'espace OHADA
ii) Par une convention d'arbitrage ou un contrat
écrit , · ou
iii) Par une déclaration devant le tribunal ou une
communication écrite faite après la survenance du
différend entre les parties , · ou
b) L'État a réservé ou affecté
des biens à la satisfaction de la demande qui fait l'objet de cette
procédure , · ou
C) Il a été établi que les biens sont
spécifiquement utilisés ou destinés à être
utilisés par l'État autrement qu'à des fins de service
public non commerciales et sont situés sur le territoire de
l'État du for, à condition que les mesures de contrainte
postérieures au jugement ne portent que sur des biens qui ont un lien
avec l'entité contre laquelle la procédure a été
intentée ».
En France, la Cour de cassation a eu plusieurs fois l'occasion
de se prononcer sur la question de l'immunité d'exécution des
personnes publiques en matière arbitrale. Ainsi avait-elle jugé
en date du 9 juillet 1992, dans l'affaire Norbert Beyrard France contre la
République de Côte d'Ivoire que « le recours à
l'arbitrage selon les règles de la CCI implique de la part de
l'État qui a accepté de s'y soumettre, engagement
d'exécuter la sentence conformément à ce règlement
»401 . Cette position a été confirmée
par un autre arrêt rendu en date du 6 juillet 2000 dans l'affaire
société Creighton Limited contre ministère des finances de
l'État du Qatar.
Dans cette affaire, la Cour, saisi d'un pourvoi en cassation
de l'arrêt rendu par la Cour d'appel de Paris le 11 juin 1998 jugea qu' :
« attendu que pour ordonner la mainlevée de l'ensemble de ces
saisies, l'arrêt attaqué retient qu'il n'est pas établi par
la société Creighton Limited que l'État du Qatar ait
renoncé à l'immunité d'exécution et que le fait
d'avoir accepté une clause d'arbitrage ne peut faire présumer la
renonciation à cette immunité, qui est distincte de
l'immunité de juridiction , ·
Qu'en statuant ainsi, alors que l'engagement pris par
l'État signataire de la clause d'arbitrage d'exécuter la sentence
dans les termes de l'article 24 du règlement d'arbitrage de la chambre
de commerce internationale impliquait renonciation de cet État à
l'immunité d'exécution, la Cour d'appel a violé les
principes et textes susvisés , ·
Par ces motif (...) casse et annule dans toutes ses
dispositions, l'arrêt rendu le 11 juin 1998, entre les parties, par la
Cour d'appel de Paris , · remet, en conséquence, la cause et
les
401 Cass. 9 juillet 1992, Rev. Arb. 1994. 133, note Ph.
Théry ; V. eg. G. KENFACK DOUAJNI, « L'exécution
forcée contre les personnes morales de droit public dans l'espace OHADA
», op. cit., p.9.
Mémoire rédigé et soutenu par Jacques Delor
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L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des
activités économiques dans l'espace OHADA
parties dans l'état où elles se trouvaient
avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la
Cour d'appel de Paris, autrement composée (...)
».402
La Cour d'appel de renvoi suivit se raisonnement en
déclarant : « Considérant que les biens d'un État
étranger ne peuvent, au regard des principes du droit international
régissant les immunités des États faire l'objet d'une
procédure en vue de l'exécution d'un jugement, sauf si cet
État y a expressément consenti en concluant notamment une clause
compromissoire, l'acceptation du caractère obligatoire de la sentence
qui en résulte de celle de la convention d'arbitrage opérant, au
vu du principe de bonne foi et sauf clause contraire, une renonciation à
l'immunité d'exécution,
Considérant que le contrat de construction d'un
hôpital à Doha au Qatar passé le 19 juin 1982 entre le
gouvernement de cet État et la société Creighton Limited
contient une clause 67, transposée des conditions de génie civil
de la FIDIC, 2e édition, qui prévoient un arbitrage
selon le règlement de la CCI dont l'article 24, dans la version de 1998
applicable entre les parties, prévoit « par soumission de leur
différend à l'arbitrage de la chambre de commerce internationale,
les parties s'engagent à exécuter sans délai la sentence
à intervenir et renoncent à toute voies de recours auxquelles
elles peuvent renoncer » ;
Considérant que l'engagement pris par l'État
du Qatar signataire de la clause d'arbitrage d'exécuter les sentences
à intervenir dans les termes de l'article 24 du règlement
d'arbitrage CCI qui viennent d'être rappelés implique renonciation
de cet État à l'immunité d'exécution (...)
»403. De ces différents arrêts, on retient
qu'il y a une consécration jurisprudentielle du principe de la
renonciation à l'immunité d'exécution dès lors
qu'un État a conclu une convention d'arbitrage CCI. Principe
découlant de la force obligatoire des conventions ainsi que de la bonne
foi contractuelle.
Ce principe jurisprudentiel a fait l'objet d'une controverse
doctrinale. Ainsi, selon le Professeur Philippe THERY404, tout
d'abord, il n'est pas du tout possible de voir dans le règlement
d'arbitrage CCI la manifestation claire et non équivoque de l'intention
de l'État de renoncer à son immunité d'exécution
dans la mesure où la renonciation ne se présume pas. Ensuite,
l'auteur observe que les dispositions de l'article 24 aujourd'hui 35 du
règlement405 s'appliquent indifféremment à
toutes personnes privées ou États, et qu'il n'est pas possible
402 Cass. 6 juillet 2000, Rev. Cam.arb. no 18,
Juillet- Aout- Septembre 2002, p. 21.
403 Paris 1ère Ch. C., 12 Décembre
2001, Rev. Cam. Arb. No 24, Janvier- Février-Mars 2004, note
Ph. LEBOULANGER, p.12.
404 Ph. THERY, « Feu immunité d'exécution ?
», Gaz. Pal., 2001, no 161 à 163, pp.18 et s., V. Rev. Cam. Arb. No
24, Janvier- Février-Mars 2004, note Ph. LEBOULANGER, op.cit.,
p.14.
405 Règlement d'arbitrage CCI dans sa version de 2017.
Mémoire rédigé et soutenu par Jacques Delor
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L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des
activités économiques dans l'espace OHADA
d'y lire un engagement spécifique de renonciation
à l'immunité d'exécution, laquelle ne concerne nullement
les personnes privées. Enfin selon lui, les organismes d'arbitrage ne
peuvent élaborer des règles sur l'exécution des sentences,
parce que l'exécution forcée des sentences arbitrales
relève des seuls États. Par conséquent, ériger
l'article 24 en règle de droit serait là légitimer et par
ricochet, consacrer une usurpation de pouvoir par la CCI qui s'est
avancée sur un terrain qui n'est pas et ne peut pas être le
sien.
Cette position n'est pas partagée par le Professeur
Philippe LEBOULANGER406 qui juge d'ailleurs impertinents les
arguments avancés par le Professeur THERY. Selon cet auteur, la Cour de
cassation a voulu, à travers l'arrêt Creighton Limited,
rétablir dans l'exécution des sentences un équilibre
conçu comme le fait que le caractère conventionnel de l'arbitrage
prime sur le reste. Quant à la reconnaissance du statut de règle
de droit au règlement d'arbitrage CCI, il pense qu'il n'est pas possible
d'établir en quoi elle traduit une usurpation de pouvoir de la part de
ladite institution d'arbitrage, ni même une « capitulation
» des juridictions françaises devant le pouvoir
législatif qu'elle se serait arrogée. Selon cet auteur, il est
possible de faire observer en premier lieu que la CCI n'a aucun pouvoir ni
aucun contrôle sur le sort que la Cour de cassation a estimé
pouvoir réserver à son règlement. Aussi peut-on s'imaginer
qu'elle s'en réjouit même s'il est évident que cela lui
échappe totalement. L'auteur renchérit en soutenant en second
lieu qu'interpréter la volonté des parties telle qu'elle
résulte de l'adoption d'un règlement d'arbitrage, fut-il celui de
la CCI, est difficilement assimilable à une capitulation de la part des
juridictions étatiques dont la fonction est d'interpréter les
textes, ce qui a d'ailleurs permis de découvrir dans l'article 24 une
renonciation tacite à l'immunité d'exécution.
En tout état de cause, la doctrine majoritaire est
favorable à la position adoptée par la Cour de cassation. Telle
est d'ailleurs la solution préconisée par plusieurs
spécialistes de l'arbitrage OHADA qui estiment que, dès lors que
les personnes morales publiques se livrent à des activités
commerciales, elles devraient être traitées au même pied
d'égalité que les personnes privées. Ainsi, les
conventions d'arbitrage qui emportent renonciation à l'immunité
de juridiction devraient également emporter renonciation à
l'immunité d'exécution. Toutefois une telle renonciation ne peut
qu'être partielle.
406 Note Ph. LEBOULANGER, op.cit., p. 15.
Mémoire rédigé et soutenu par Jacques Delor
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L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des
activités économiques dans l'espace OHADA
Le Docteur Gaston KENFACK DOUAJNI407 pense qu'il
revient au juge étatique OHADA de restreindre l'immunité
d'exécution en distinguant les biens publics destinés aux
missions de service public, de ceux affectés à une
activité économique ou commerciale relevant du droit
privé. Selon cet auteur, il s'agit d'une obligation qui pèse sur
le juge étatique et dont le fondement est le Traité OHADA qui
commande dans son préambule que le droit OHADA « soit
appliqué avec diligence dans les conditions propres à garantir la
sécurité juridique des activités économiques, afin
de favoriser l'essor de celles-ci et d'encourager l'investissement ».
À notre avis, il n'est pas possible d'attendre grand-chose du juge
étatique, celui-ci se considérant comme le défenseur
naturel de la souveraineté de l'État, ce qui nous amène
à suggérer que soit réécrit l'article 30 AUPSRVE,
de tel sorte qu'on y retrouve une exception prévoyant la
possibilité d'exercer des mesures d'exécution forcée sur
les personnes morales publiques condamnées par voie d'arbitrage.
À défaut d'une telle réécriture, l'idéal
serait que soit clairement énoncé tant dans l'AUA que dans le
règlement d'arbitrage CCJA que la conclusion d'une convention
d'arbitrage par les personnes morales publiques emporte, sauf clause contraire
expresse, renonciation de leur immunité d'exécution sur leurs
biens affectés aux activités économiques ou commerciales.
En le faisant, le législateur africain mettrait ainsi en musique
l'immunité d'exécution et la promotion des investissements dans
l'espace OHADA.
407 G. KENFACK DOUAJNI, « L'exécution
forcée contre les personnes morales de droit public dans l'espace OHADA
», op.cit., pp.9-12. V. eg. le même auteur, «
Suggestion en vue d'accroitre l'efficacité de l'OHADA », Rev. Cam.
Arb. No 24, Janvier- Février-Mars 2004, pp. 8-9.
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L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des
activités économiques dans l'espace OHADA
CONCLUSION DU CHAPITRE II
Régler un litige d'ordre économique par voie
d'arbitrage en zone OHADA est parfois chose rare. Cette rareté trouve
dans bien des cas, ses origines dans plusieurs scories détectables et
même détectées dans la pratique de l'arbitrage dans
l'espace juridique intégré. Dès lors, si en théorie
l'arbitrage est une justice sécurisante de par les avantages qu'il
présente, la pratique révèle que dans l'espace
communautaire, sa mise en oeuvre, son déroulement, ainsi que
l'exécution des sentences qui en découlent sont des étapes
parfois éprouvantes pour les plaideurs.
Relativement à la mise en oeuvre des procédures
arbitrales, on peut observer que non seulement le coût des
procédures n'est pas à la portée de tous les
opérateurs économiques, mais aussi que les parties sont parfois
obligées de faire face à l'attitude réfractaire de
certains juges étatiques, qui refusent de se soumettre aux exigences du
principe compétence-compétence. De telles difficultés
pratiques constituent, dans la majeure partie des cas un obstacle à la
mise en oeuvre des procédures arbitrales dans l'espace OHADA.
S'agissant du déroulement des procédures
arbitrales, l'absence d'éthique observée tant chez les parties
que chez les arbitres, participe à notre avis à la construction
du doute qui pèse sur la capacité du système d'arbitrage
communautaire à sécuriser les activités économiques
dans l'espace juridique intégré.
S'agissant enfin de la phase d'exécution, l'exercice
des recours dilatoires contre les sentences, la détermination du juge
dans certains États comme autorité compétente pour apposer
la formule exécutoire aux sentences arbitrales CCJA, ainsi que
l'érection de l'immunité d'exécution au
bénéfice des personnes morales de droit public constituent des
entraves à l'exécution paisible des sentences arbitrales dans
l'espace OHADA. Ces difficultés pratiques qui, en portant atteinte aux
intérêts des parties, entachent l'image du système
d'arbitrage communautaire, appellent des solutions urgentes.
CONCLUSION DU TITRE II
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L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des
activités économiques dans l'espace OHADA
Plusieurs limites justifient la contribution insuffisante du
système d'arbitrage OHADA à la sécurisation des
activités économiques. Identifiables à plusieurs niveaux,
elles peuvent être classées en deux grandes catégories,
à savoir celles d'origine normative et celles d'origine pratique.
S'agissant de la première catégorie de limites, elles se
traduisent tout d'abord par les silences gardés par le
législateur sur certains concepts tels l'arbitrabilité ou encore
le juge compétent, sur la règlementation de certaines
procédures à l'instar du recours en révision et de la
tierce opposition.
Ensuite, on note la présence d'incertitude relativement
aux notions de clause manifestement inapplicable et d'ordre public.
Enfin on remarque une protection accrue des arbitres CCJA
à travers l'institution de l'immunité diplomatique. Toutes ces
limites ont pour effet d'entraver l'efficacité des procédures
arbitrales dans la mesure où elles sont ou peuvent être source
d'interprétations divergentes ou de doute susceptible de créer
des blocages pouvant remettre en question les bases de la
sécurité juridique et judiciaire posées par le
législateur africain. Ce qui appelle plusieurs propositions de solution
dont l'uniformisation du contenu de la notion de droit disponible, la
détermination explicite du juge compétent, notamment le
président de la juridiction de l'État partie statuant en
matière d'urgence ou le magistrat par lui délégué
à cette fin. Ce juge sera compétent en cas de blocage survenu
lors de la constitution du tribunal arbitral, de nécessité d'une
mesure provisoire ou conservatoire et enfin, il se prononcera sur les
requêtes aux fins d'exequatur. Pour ce qui est du recours en annulation,
nous pensons qu'il faudrait ériger, au plan communautaire, la Cour
d'appel du siège de l'arbitrage. La détermination par la Cour
communautaire du contenu de la notion de clause manifestement inapplicable
ainsi que la portée de l'ordre public international est
suggérée. Enfin, nous proposons que l'immunité
diplomatique des arbitres CCJA soit remplacée par la limitation de
responsabilité, à l'image de l'article 41 du règlement
d'arbitrage CCI.
S'agissant des limites d'ordre pratique, elles se
caractérisent par le coût important de l'arbitrage dans l'espace
OHADA qui peut le rendre inaccessible à certains opérateurs
économiques. Elles se traduisent également par l'attitude
réfractaire de certains juges étatiques, parfois enclins à
violer le principe compétence-compétence, par l'absence
d'éthique
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L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des
activités économiques dans l'espace OHADA
dont font montre certains arbitres ou certaines parties, par
les difficultés d'exécution des sentences trouvant leurs origines
soit dans le comportement des parties, soit dans l'attitude des
autorités étatiques, et enfin par l'impossibilité
d'exécution de la sentence du fait de l'immunité
d'exécution. Toute chose qui édulcore considérablement
l'image de l'arbitrage OHADA. Pour ces différentes raisons, nous
suggérons que soit consacré et encadré le tiers
financement en vue de permettre aux moins nantis d'accéder à la
justice arbitrale. En outre, nous pensons qu'il est urgent d'intensifier la
vulgarisation de ce mode de règlement des litiges, de classer le droit
de l'arbitrage au rang des matières fondamentales dans la filière
droit privé et complémentaire en droit public, d'organiser des
procès fictifs mettant en jeu le contentieux arbitral. Nous recommandons
également aux différents ministères de la justice des
États parties à l'OHADA d'organiser des séminaires sur
l'arbitrage communautaire, financés par l'État, et auxquels la
présence de tous les magistrats serait obligatoire.
Ensuite, en vue de minimiser les risques de manquements
à l'éthique dans l'arbitrage, nous proposons la création
d'un ordre des arbitres de l'OHADA, l'adoption d'un code d'éthique et de
déontologie régissant ledit ordre, ainsi que la mise en place
d'un code de bonne conduite devant servir aux parties. De plus, la
détermination au niveau communautaire du greffier en chef de la Cour
suprême ou de la juridiction équivalente dans l'État
parties, comme autorité compétente pour apposer la formule
exécutoire aux sentences CCJA revêtues de l'exéquatur
communautaire, s'avère nécessaire, car elle permettrait de
garantir que cette formalité ne soit pas un prétexte pour
procéder à un contrôle supplémentaire dont le but
souterrain serait de protéger indument les personnes morales publiques.
Enfin, nous suggérons que soit renforcé l'encadrement des voies
de recours contre les sentences. Ce renforcement pourrait se traduire d'une
part, par l'institution de la caution bancaire comme condition préalable
de recevabilité du recours en annulation et d'autre part, par la
systématisation des mesures provisoires ou conservatoires en cas de
recours en révision ou de tierce opposition.
CONCLUSION GÉNÉRALE
L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des
activités économiques dans l'espace OHADA
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L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des
activités économiques dans l'espace OHADA
Le développement économique, résultat de
la bonne marche des activités commerciales est largement
conditionné par le niveau de sécurisation que le droit garantit
aux acteurs du commerce interne et international. Ainsi, ces derniers ne
peuvent investir leurs capitaux que s'ils sont entièrement convaincus
d'être protégé par le droit. Cette protection
procède de deux exigences que sont : la sécurité juridique
et la sécurité judiciaire. Les fondateurs de l'OHADA l'avaient
bien compris, raison pour laquelle ils ont à travers le Traité
fondateur de l'organisation mis un accent particulier sur l'arbitrage afin d'en
faire le mode privilégié de règlement des
différends commerciaux dans l'espace juridique intégré.
L'idée était de faire de l'espace communautaire une zone
favorable aux investissements par la présentation des garanties de
sécurité juridique et judiciaire tant aux acteurs
économiques internationaux que nationaux. L'arbitrage devait donc
renforcer les garanties déjà fournies par les Actes uniformes
traitant des autres matières qui constituent le droit des affaires
OHADA, le but étant de gagner la confiance des opérateurs
économiques et de stimuler en eux le goût de faire des affaires en
Afrique. Peut-on dire que l'objectif est atteint ?
L'observation de la pratique du contentieux économique
au Cameroun et dans plusieurs autres États parties révèle
que le reflexe est toujours d'avoir recours au juge étatique, les
entreprises, grandes comme petites, expriment beaucoup de réticence
à l'égard des clauses compromissoires et quand bien même on
retrouve pareilles clauses dans certains contrats, on est souvent surpris de
constater qu'elles renvoient à certains systèmes d'arbitrage qui
n'ont rien à voir avec celui de l'OHADA. Ce qui laisse place à la
question de savoir si en l'état actuel de ce système d'arbitrage,
on peut dire qu'il contribue à la sécurisation des
activités économiques dans l'espace communautaire ?
Notre réflexion avait ainsi pour objectif
d'évaluer la capacité du système d'arbitrage OHADA
à contribuer de manière suffisante à la
sécurisation des activités économiques dans l'espace
communautaire. Dès lors, il ressort de cette étude que si
à l'évidence on peut dans une certaine mesure observer une
contribution tant en ce qui concerne la sécurité juridique qu'en
celui de la sécurité judiciaire, on ne peut que se plier devant
la réalité que cette contribution demeure perfectible.
En effet, la communautarisation de l'arbitrage OHADA a permis
d'avoir un droit à caractère supranational. Cette
supranationalisation a favorisé l'existence d'un droit accessible au
double plan intellectuel et matériel, prévisible et stable.
Toutes choses qui manquaient
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L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des
activités économiques dans l'espace OHADA
avant l'avènement de l'organisation, la plupart des
États étant à cette époque régis par des
textes hérités de la colonisation et imprégnés des
marques de la spécialité législative qui faisait de
l'arbitrage un droit introuvable dans certains États et parfois
incomplet ou ambigu dans d'autres. La supranationalisation a ainsi permis
d'avoir un droit de l'arbitrage unique à travers l'adoption de l'AUA et
du RA/CCJA, intelligible de par le minimum de clarté dont il fait
preuve, prévisible par la prise en compte des situations acquises et
stable dans la mesure où seul le conseil des ministres de l'OHADA peut
autoriser sa modification ou son changement408. Les acteurs
économiques savent donc désormais quel est le droit de
l'arbitrage qui s'applique dans les dix-sept (17) États parties ainsi
que, la procédure qui permet sa mise en oeuvre.
En outre, à travers l'érection d'un
régime unique ne distinguant pas l'arbitrage interne de l'arbitrage
international, le droit de l'arbitrage communautaire fait preuve d'une
originalité indéniable en ce sens qu'il dispense les praticiens
de l'obligation de déterminer le critère
d'internationalité, chose parfois complexe à réaliser,
compte tenu du caractère changeant de ce critère en fonction des
pays. Permettant ainsi de supprimer tout risque de conflit des lois comme le
disait feu le Professeur FOUCHARD409, le régime unique
favorise le renforcement de la sécurité juridique car facilitant
la mise en oeuvre des procédures arbitrales.
Enfin, l'arbitrage OHADA fait preuve d'un remarquable
modernisme caractérisé par la prise en compte de la lex
mercatoria et l'extension de l'arbitrabilité subjective aux
personnes morales publiques. Le premier élément traduisant la
volonté du législateur africain de garantir aux acteurs
économiques surtout internationaux stabilité,
prévisibilité, lisibilité, cohérence et permanence
de la règle de droit dans le commerce international. Le second
empêchant aux personnes morales publiques d'invoquer leur propre
législation pour se soustraire des arbitrages pour lesquels elles ont
librement conclu des clauses compromissoires. Cette démarche participe
au renforcement de la stabilité et de la prévisibilité des
règles de droit en matière d'arbitrage dans l'espace
communautaire.
S'agissant de la sécurité judiciaire, on y
observe également une contribution de l'arbitrage OHADA à travers
la célébration de l'autonomie de la volonté qui favorise
la
408 Art.12 du traité- (Québec 2008) Les
Actes uniformes peuvent être modifiés, à la demande de tout
Etat Partie ou du Secrétariat Permanent, après autorisation du
Conseil des Ministres. La modification intervient dans les conditions
prévues par les articles 6 à 9 ci-dessus.
409 Ph. FOUCHARD, « Le système d'arbitrage de
l'OHADA : le démarrage », Petites affiches, 13 octobre 2004,
n° 205, Ibid.
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L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des
activités économiques dans l'espace OHADA
participation active des parties au procès et par
ricochet la transparence, le tout dans le but de se prémunir des
incertitudes judiciaires susceptible de porter atteinte à leurs
intérêts.
La sécurité judiciaire s'observe
également à travers l'apport du juge public qui favorise
l'efficacité des procédures arbitrales. Enfin on l'entrevoit
à travers la soumission de l'arbitrage OHADA aux principes directeurs
d'une bonne justice, ce qui permet non seulement d'humaniser les
procédures arbitrales, mais aussi de garantir aux parties des
procès justes et équitables.
Tous ces arguments militent pour la soutenance de
l'idée d'une certaine contribution de l'arbitrage OHADA à la
sécurisation des activités économiques dans l'espace
communautaire. Seulement comme tout oeuvre humaine, ce système a
également son « talon d'Achille » et c'est lui qui
suscite la méfiance chez les acteurs économiques qui
préfèrent encore avoir pour la plupart recours aux institutions
d'arbitrage internationales ou aux juridictions étatiques plutôt
que, de recourir au système d'arbitrage OHADA, pour le règlement
des différends nées de leurs activités. On assiste donc
à une dynamique que nous qualifions « d'acceptation-méfiante
»410 et de « méfiant-rejet »411.
C'est dire que l'arbitrage communautaire reste à parfaire, aussi
avons-nous à ce titre suggéré plusieurs pistes de
solution412 pouvant permettre de briser le stéréotype
selon lequel on ne peut entièrement faire confiance aux africains.
En définitive, il était question pour nous
d'apporter notre lumière relativement au rôle du système
d'arbitrage OHADA dans l'objectif de sécurisation des activités
économiques dans l'espace communautaire. Dès lors, sans
prétendre avoir épuisé cette question, puissent les
résultats de cette recherche contribuer à l'amélioration
de ce système d'arbitrage afin de lui permettre d'atteindre l'objectifs
à lui initialement assignés par l'organisation,
c'est-à-dire contribuer de manière suffisante et efficace
à la sécurisation des activité économiques.
410 Le fait de recourir à l'arbitrage OHADA tout en y
portant un regard méfiant.
411 Refus catégorique de recourir à l'arbitrage
OHADA.
412 V. supra, pp. 118-119.
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différends relatif aux investissements
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l'arbitrage
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l'arbitrage
· Règlement de procédure de la Cour Commune
de Justice et d'Arbitrage
· Règlement d'arbitrage CCJA de 1999
· Règlement d'arbitrage CCJA de 2017
· Règlement intérieur de la CCJA de l'OHADA
en matière d'arbitrage
· Décision n°004/99 CCJA relatif aux
frais de l'arbitrage
C. Textes internes
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Mémoire rédigé et soutenu par Jacques Delor
Bikoi Page 132
L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des
activités économiques dans l'espace OHADA
· Loi camerounaise N° 2003/ 009 du 10 Juillet 2003
désignant les juridictions compétentes visées à
l'acte uniforme relatif au droit de l'arbitrage et fixant leur mode de
saisine
· Décret N° 2016-1192 portant
désignation de la juridiction nationale sénégalaise
compétente en matière de coopération étatique dans
le cadre de l'arbitrage pris en application de l'Acte uniforme relatif au droit
de l'arbitrage
· Ordonnance N° 2012-158 du 09 Février 2012
déterminant l'intervention des juridictions nationales ivoirienne dans
la procédure arbitrale
· Ordonnance N° 2012-487 du 07 Juin 2012 portant
Code des investissements ivoirien
· Règlement intérieur du GICAM
· Règlement d'arbitrage du centre d'arbitrage, de
médiation et de conciliation de la chambre de commerce, d'industrie et
d'agriculture de Dakar (CCIAD)
· Textes et document de la chambre de commerce de
Côte d'ivoire (CACI) adopté par le conseil d'administration de la
CACI le 15 février 2000
· Règlement d'arbitrage de la chambre de commerce
internationale de Paris (CCI)
VI. JURISPRUDENCES
· Affaire no 4467/ 1984, Clunet, 1984, p.
924.
· Arrêt Talal Massi c / Omais de 1989 de
la C.A. d'Abidjan.
· Arrêt Myrtoon Steamship C.A. Paris le
10 avril 1957, JDI, 1958, p. 1002 avec une note de B. GOLDMAN.
· Arrêt Galakis Cass. Civ. 2 mai 1966, Grands
arrêts, n°
44.www.legifrance.gouv.fr
· Cour d'appel de Paris 5 Décembre 1989,
État du Sénégal C/SOABI, Cass. civ. 1ère 11 Juin
1991 SOABI C/État du Sénégal, in Revue Dalloz
1991. IR.183. Cette sentence a été publiée dans la revue
du CIRDI, Foreign investisment Law Journal, ICSID Review, Volume 6, number 1,
Spring 1991, p.125.
· Cass. 9 juillet 1992, Rev. Arb. 1994, p. 133, note Ph.
Théry.
· Cass. 6 juillet 2000, Rev. Cam. Arb., no
18, Juillet- Aout- Septembre 2002, p. 21.
· Ordonnance de référé n°
12-ORD du 11 septembre 2000 ; V. Rev. Cam. Arb. no 18, Juillet-
Aout- Septembre 2002, p. 13.
Mémoire rédigé et soutenu par Jacques Delor
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L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des
activités économiques dans l'espace OHADA
· Paris 1ère Ch. C., 12
Décembre 2001, Rev. Cam. Arb. No 24, Janvier-
Février-Mars 2004, note Ph. Leboulanger, p. 12.
· CCJA, Arrêt No001/2002 du 10 janvier
2002, Affaire Compagnie des transports de MAN dite CTM/c Compagnie d'Assurance
COLLINA S.A.
· C.A de Paris, 17 ère ch. Civ. 17 janv. 2002,
S.A Omenex c / Hugon, revue Arb., 2002 n° pp.391 et s.
· CCJA, Arrêt n°010/2003 du 19 juin 2003,
DELPECH contre SOTACI, in Revue trimestrielle de droit africain,
avril-juin 2004, n° 847, pp. 232-233. Note A. FENEON.
· Sentence partielle du 20 octobre 2004, affaire NGANDO
BEBEY c/SOCIETE AXA Assurances. Revue de l'arbitrage no
26-Juillet-AOUT-septembre 2004, p. 3, note R. SOCKENG Ohadata J-08-165. Voir
eg. J. ISSA-SAYEGH, Répertoire OHADA Jurisprudence et Bibliographie,
2006-2010, publié par l'UNIDA, p. 20.
· Cour d'appel de Pointe-Noire, Arrêt
no du 4 Mars 2005, COFIPA INVESTMENT BANK CONGO c/
Société COMADIS CONGO, Ohadata J-13-73.
· CCJA, Arrêt n°043/2005 du 07 juillet
2005,
www.juriscope.org
· Cour d'appel du Littoral, Arrêt no 092/ REF du
09 Mai 2007, Aff. TENE Job c/ PENGHOUA Emmanuel et KAMKEN François, in
répertoire OHADA, jurisprudence et bibliographie, 2006-2010, p.25.
· CCJA, arrêt n°029/2007 du 19 juillet 2007,
affaire Société ivoirienne de raffinage dite (SIR) c/BONA
SHIPHOLDING Ltd, in Revue trimestrielle de droit africain, Avril-Juin
2009, n°867, pp.236-256.
· CCJA, arrêt n°28/2007 du 19 juillet
2007, « Société Nestlé c/ Société
commerciale d'importation Dite (SCIMAS) », in Revue trimestrielle de
droit africain, avril-juin 2009, n°867, pp. 26-56.
· CCJA, première Chambre, Arrêt
no 43 du 17 Avril 2008, affaire Monsieur DAME SARR c/ Mutuelle
d'assurances des taxis compteurs d'Abidjan (MACTA), Le Juris Ohada,
no 4/ 2008, p.46, actualités juridiques n o 63,
p.135, note AKO Eloi, Ohadata J09-81.
· CCJA, première Chambre, Arrêt
no 43 du 17 Avril 2008, affaire Monsieur DAME SARR c/ Mutuelle
d'assurances des taxis compteurs d'Abidjan (MACTA), Le Juris
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L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des
activités économiques dans l'espace OHADA
Ohada, no 4/ 2008, p.46, actualités
juridiques no 63, p.135, note AKO Eloi, Ohadata J09-81.
· CCJA, Arrêt no 020/ 2008 du 24 Avril
2008, SOW YERIM Abib c/ SOULEMANE AKA et KOFFI SAHOUO Cédric,
actualités juridiques no 63, p.147, note François
KOMOIN, Ohadata J- 09-300.
· CCJA Arrêt n°44/2008, 17 Juillet 2008,
affaire SARCI Sarl c/ ATLANTIQUE TELECOM SA et TELECEL BENIN SA, in
P-G. POUGOUE, S. S. KUATE TAMEGHE, Les grandes décisions de la
Cour commune de justice et d'arbitrage de l'OHADA, L'Harmattan, 2016, note
D. R. SOH FOGNO, pp. 315 et s.
· Cour d'appel de Pointe-Noire, Arrêt
no046 du 07 Novembre 2008, Société CELTEL
c/Société Générale d'électricité
ferroviaire du Congo (SOGEFCO) SA. Ohadata J-1376 ; voir ég. J.
ISSA-SAYEGH, Répertoire OHADA Jurisprudence et Bibliographie, 2013,
publié par l'UNIDA, pp.13-14.
· Cour d'appel du Centre, arrêt no 199/
CIV du 28 Avril 2010, affaire Société ARAB CONTRACTOR c/CABINET
F.MBA.SARL, Ohadata J-12-73. Voir eg. Répertoire de jurisprudence OHADA,
2012, p.11.
· CCJA, Arrêt no 041/2010 du 10 juin
2010, Aff. ATLANTIQUE TELECOM contre PLANOR AFRIQUE SA ET TELECEL FASO SA,
recueil de jurisprudence no 15, Janvier-Juin 2010, p.99, Ohadata
J-12-30 ; voir eg. J. ISSA-SAYEGH, Répertoire OHADA jurisprudence et
bibliographie, 2012, Publié par l'UNIDA, p.9.
· CCJA, ARRET N° 012/2011 du 29 novembre 2011.
· CCJA, Arrêt No 059/ 2013 du 18
juillet 2013, affaire compagnie malienne pour le développement des
textiles (CMDT) et groupement des syndicats de producteurs de coton et vivriers
du mali (GSCM) c/ Société inter africaine de distribution (IAD),
in Revue camerounaise de l'arbitrage NO 63,
octobre-Novembre-Décembre 2013, p. 3. Note Patrick Hermann ZANGUE.
· CCJA, Arrêt N°139/2015 du 19 novembre 2015,
Aff. République de Guinée c/ GETMA international. Cet arrêt
peut être consulté sur
www.ohada.com
· Arrêt n° 151/2017 du 29 juin 2017, Recueil
de jurisprudences de la CCJA.
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L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des
activités économiques dans l'espace OHADA
TABLE DES MATIÈRES
AVERTISSEMENT I
DÉDICACE II
REMERCIEMENTS III
LISTE DES PRINCIPALES ABRÉVIATIONS ET SIGLES IV
RÉSUME VII
ABSTRACT VIII
SOMMAIRE IX
INTRODUCTION GÉNÉRALE 1
TITRE I : UNE CONTRIBUTION PERCEPTIBLE DE L'ARBITRAGE OHADA A
LA SÉCURISATION DES ACTIVITÉS ÉCONOMIQUES DANS L'ESPACE
JURIDIQUE
INTÉGRÉ 8
CHAPITRE I : UNE CONTRIBUTION PERCEPTIBLE DE L'ARBITRAGE OHADA
A LA
SÉCURITE JURIDIQUE 10
Section 1 : La consécration d'un droit supranational de
l'arbitrage : une source de sécurité
juridique dans l'espace OHADA 12
Paragraphe1 : La supra nationalité comme facteur
d'accessibilité à l'arbitrage par les
investisseurs dans l'espace OHADA 12
A. L'accessibilité substantielle 13
B. L'accessibilité matérielle 18
Paragraphe 2: La supranationalité comme source de
prévisibilité et de stabilité du droit de
l'arbitrage dans l'espace OHADA 19
A. La supranationalité comme source de
prévisibilité du droit de l'arbitrage dans l'espace
OHADA 20
B. La supranationalité comme source de stabilité
du droit de l'arbitrage dans l'espace
OHADA 21
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L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des
activités économiques dans l'espace OHADA
Section 2 : L'originalité et le modernisme de
l'arbitrage OHADA : un gage de sécurité
juridique dans l'espace OHADA 23
Paragraphe 1 : l'originalité du droit de l'arbitrage
OHADA 24
A. L'érection du principe de l'unité du
régime juridique de l'arbitrage dans le droit
OHADA 24
B. L'exception au principe de l'unité du régime
juridique de l'arbitrage dans le droit
OHADA
|
25
|
Paragraphe 2 : Le modernisme de l'arbitrage OHADA
|
27
|
A. L'extension de l'arbitrabilité subjective aux
personnes morales de droit public
|
..27
|
B. La prise en compte de la lex mercatoria dans
l'arbitrage OHADA
|
31
|
|
CONCLUSION DU CHAPITRE I
|
34
|
CHAPITRE II : UNE CONTRIBUTION PERCEPTIBLE DE L'ARBITRAGE OHADA
A
LA SÉCURITÉ JUDICIAIRE 36
Section 1 : La célébration de l'autonomie de la
volonté, une source de prévention des
incertitudes judiciaires nuisibles aux droits économiques
des parties 37
Paragraphe 1 : L'expression du consentement à l'arbitrage
37
A. La convention d'arbitrage 38
B. Le consentement à l'arbitrage par
référence à un document relatif aux investissements
42
Paragraphe 2 : La libre détermination des modalités
de l'arbitrage 45
A. La prégnance de la volonté des parties dans
l'organisation de la procédure arbitrale 45
B. La prégnance de la volonté des parties quant au
sort de la procédure arbitrale : la
sentence arbitrale d'accord parties 50
Section 2 : La soumission de l'arbitrage OHADA aux principes
directeurs d'une bonne
justice, gage des procès justes et équitables 52
Paragraphe 1 : les exigences consubstantielles à la
fonction juridictionnelle :
l'indépendance et l'impartialité 53
A. Signification du principe 53
Mémoire rédigé et soutenu par Jacques Delor
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L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des
activités économiques dans l'espace OHADA
B. Les moyens tendant à assurer l'efficacité
de l'exigence d'indépendance et
d'impartialité 56
1. Le moyen d'ordre préventif 56
2. Le moyen d'ordre curatif 58
Paragraphe 2 : Les exigences de nature procédurales : le
respect du contradictoire et
l'exigence de célérité 59
A. Le contradictoire dans l'arbitrage OHADA 60
B. L'exigence de la célérité dans
l'arbitrage OHADA 62
Section 3 : Le renfort du juge public, facteur
d'efficacité de l'arbitrage OHADA 67
Paragraphe 1 : Le renfort du juge public dans l'arbitrage
traditionnel 68
A. Le juge public dans l'arbitrage ad hoc 68
B. Le juge public dans l'arbitrage institutionnel interne 70
Paragraphe 2 : Le renfort du juge public dans l'arbitrage CCJA
70
A. La CCJA comme juge public de principe dans « l'arbitrage
CCJA » 70
B. Le juge étatique comme juge public exceptionnel dans
l'arbitrage CCJA 71
CONCLUSION DU CHAPITRE II 73
CONCLUSION DU TITRE I 74
TITRE II : UNE CONTRIBUTION PERFECTIBLE DE L'ARBITRAGE OHADA A LA
SÉCURISATION DES ACTIVITÉS ÉCONOMIQUES DANS L'ESPACE
JURIDIQUE
INTEGRE 75
CHAPITRE I : LES SCORIES D'ORDRE NORMATIF 77
Section 1 : Les silences du législateur africain 77
Paragraphe 1 : Les silences conceptuels 77
A. Sur l'arbitrabilité 78
B. Sur le juge compétent 79
Paragraphe 2 : Les silences quant à la
règlementation de certaines procédures 83
A. Quant au recours en révision 83
Mémoire rédigé et soutenu par Jacques Delor
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L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des
activités économiques dans l'espace OHADA
B. Quant à la tierce opposition 84
Section 2 : Les incertitudes conceptuelles et la protection
rigide de certains arbitres 86
Paragraphe 1 : Les incertitudes conceptuelles 86
A. Le concept de clause manifestement inapplicable, source
d'incertitude dans la mise en
oeuvre des procédures arbitrales OHADA 86
B. La notion d'ordre public, un potentiel obstacle à
l'exécution des sentences arbitrales
dans l'espace OHADA 88
Paragraphe 2 : La protection rigide de certains arbitres 93
A. L'érection de l'immunité diplomatique dans
l'arbitrage CCJA 93
B. Une immunité peu pertinente 94
CONCLUSION DU CHAPITRE I 96
CHAPITRE II : LES SCORIES D'ORDRE PRATIQUE 97
Section 1 : Les difficultés ante sententiam
97
Paragraphe 1 : Les difficultés tenant à la mise
en oeuvre des procédures arbitrales 97
A. L'importance économique de l'arbitrage 97
B. L'attitude de certains juges étatiques 99
Paragraphe 2 : Les entraves à la sécurité
des parties lors du déroulement de la procédure
arbitrale 101
A. L'absence d'éthique observable chez certains
arbitres 101
B. L'absence d'éthique observable chez les parties
104
Section 2 : Les difficultés post sententiam
106
Paragraphe 1 : Les difficultés liées à la
reconnaissance des sentences 106
A. Les difficultés relatives aux parties 107
B. Les difficultés relatives aux autorités
étatiques 108
Paragraphe 2 : L'exécution impossible 109
A. La consécration de l'immunité
d'exécution dans l'espace OHADA 110
B. L'usage abusif de l'immunité d'exécution
dans l'espace OHADA 112
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L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des
activités économiques dans l'espace OHADA
CONCLUSION DU CHAPITRE II 117
CONCLUSION DU TITRE II 118
CONCLUSION GÉNÉRALE 120
BIBLIOGRAPHIE 124
TABLE DES MATIÈRES 135
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