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L' apport de l'arbitrage à  la sécurisation des activités économiques dans l'espace OHADA


par BIKOI Jacques delor
Université de Yaoundé 2 - Master professionnel en Droit privé/option Droit, pratiques juridiques et judiciaires  2016
  

Disponible en mode multipage

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REPUBLIC OF CAMEROON Peace-Work-Fatherland

RÉPUBLIQUE DU CAMEROUN Paix-Travail-Patrie

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MINISTÈRE DE L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR

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MINISTRY OF HIGHER EDUCATION

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UNIVERSITÉ DE YAOUNDÉ II-

SOA

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THE UNIVERSITY OF YAOUNDÉ II-

SOA

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FACULTÉ DES SCIENCES JURIDIQUES ET POLITIQUES

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FACULTY OF LAW AND POLITICAL SCIENCES

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L'APPORT DE L'ARBITRAGE A LA SÉCURISATION DES ACTIVITÉS ÉCONOMIQUES DANS L'ESPACE OHADA

Mémoire présenté et soutenu publiquement en vue de l'obtention du Master professionnel en Droit, pratique juridique et judiciaire

Par
Jacques Delor BIKOI
Titulaire d'une licence en droit privé
Sous la direction du :
Dr. NCHANKOU NJINDAM
Chargé de Cours à l'Université de Yaoundé II

Année Académique : 2016-2017

L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des activités économiques dans l'espace OHADA

AVERTISSEMENT

Mémoire rédigé et soutenu par Jacques Delor BIKOI Page I

« L'Université n'entend ni approuver ni désapprouver les opinions particulières du candidat ».

L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des activités économiques dans l'espace OHADA

DÉDICACE

Mémoire rédigé et soutenu par Jacques Delor BIKOI Page II

A toi ma fille adorée,

Kimora Alexandra-pénélope BIKOI

Aucune dédicace ne saurait exprimer tout l'amour que j'ai pour toi ma petite lumière, te savoir heureuse et en santé me comble de bonheur.

Puisse Dieu dans son infinie bonté te garder, te bénir et t'accorder tout ce que ton coeur lui demandera.

REMERCIEMENTS

Mémoire rédigé et soutenu par Jacques Delor BIKOI Page III

L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des activités économiques dans l'espace OHADA

Je tiens à exprimer mes remerciements les plus sincères à Monsieur le Docteur NCHANKOU NJINDAM, pour la confiance placée en ma personne en acceptant de diriger mes travaux. Sa rigueur, sa disponibilité et ses précieux conseils m'ont permis de réaliser cette contribution.

Je remercie également mes parents MBOMBOG BIKOI Dieudonné Félicien, YOMBA NKONDOCK Jeanne Marlyse et NDOBOTH Henry Samuel, pour m'avoir transmis autant de belles choses à toute épreuve. Que ce mémoire soit la partie visible de leurs labeurs invisibles, la preuve de leur foi en des valeurs positives reçues et véhiculées.

Qu'il me soit permis d'adresser un merci particulier à ma compagne, Annie Irène TETKA qui depuis plusieurs années n'a épargnée aucun effort pour me soutenir, m'encourager et me conseiller.

Qu'il me soit aussi permis de remercier mon frère ainé, BIKOI François d'Assise pour son indéfectible soutien et sa contribution à la finalisation de ces travaux.

Qu'il me soit enfin permis de remercier mes amis et camarades de promotion, YOUMBI LAKOUA Derrick, ETOUNDI ALEGA Hugues Aimé, DOUDAN ROTA Michelle Aurélie, MAGUE-DIHOUND'S Ben-Emery, Fahad AZARACK ALKHALIL, MBIANGANG NZEPANG Ludovic Joël, MBOUDY MBOCK Jean Marvin pour leurs précieuses observations qui ont sans doute permis d'améliorer la qualité de ce mémoire. Puissent-ils trouver en sa soutenance l'expression de ma profonde gratitude.

Mémoire rédigé et soutenu par Jacques Delor BIKOI Page IV

L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des activités économiques dans l'espace OHADA

LISTE DES PRINCIPALES ABRÉVIATIONS ET SIGLES

AEF : Afrique équatoriale française

Al. : Alinéa

AOF : Afrique orientale française

Arb. : Arbitrage

Art. : Article

A.U.A. : Acte uniforme relatif au droit de l'arbitrage

AUPSRVE : Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de

recouvrement et des voies d'exécution

Bull. Civ. : Bulletin des arrêts de la Cour de cassation française

CACI : Cour d'arbitrage de Côte d'Ivoire

CAG : Cour d'arbitrage du GICAM

Cass. : Arrêt de la Cour de cassation française

C. civ. : Code civil

C.C.I : Chambre de commerce internationale

C.C.J.A. : Cour Commune de Justice et d'Arbitrage

CE : Conseil d'État français

Cf. : Se référer ou se reporter

CIRDI : Centre international pour le règlement des litiges relatifs aux

investissements

Civ.1ère : Arrêt de la première Chambre civile de la Cour de cassation française

Clunet : Journal de droit international privé

CNUDCI : Convention des Nations unies relative au droit du commerce

international

Coll. : Collection

D. : Recueil Dalloz

Dir. : Sous la direction

Ed. : Edition(s)

ERSUMA. : École régionale supérieure de la magistrature

Mémoire rédigé et soutenu par Jacques Delor BIKOI Page V

L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des activités économiques dans l'espace OHADA

Gaz. Pal. : Gazette du palais

GICAM : Groupement inter patronal du Cameroun

Ibid. : Ibidem (le même ouvrage)

Idem. : De même

Infra : Ci-dessous

J.C.P. : Jurisclasseur périodique

J.D.I. : Journal du droit international

J. O. : Journal officiel

LGDJ : Librairie générale de droit et de jurisprudence

Mél. : Mélanges

NAUA : Nouvel Acte uniforme relatif au droit de l'arbitrage

NRA/ CCJA : Nouveau Règlement d'arbitrage de la Cour Commune de Justice et

d'Arbitrage

: Numéro

OAPI : Organisation africaine de la propriété intellectuelle

Op. Cit. (Opere Citato) dans l'ouvrage cité

OHADA : Organisation pour l'Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires

P. : Page

PP. : Pages

PME : Petites et moyennes entreprises

P.U.A. : Presses universitaires d'Afrique

PUAM. : Presse universitaire d'Aix-Marseille

PUF. : Presses universitaires de France

PUPPA : Presse universitaire de PAU et des pays du Ladou

Rec. : Recueil

R.A.C.C.J.A. : Règlement d'arbitrage de la Cour Commune de Justice et d'Arbitrage

Rev. Arb. : Revue de l'arbitrage

RASJ : Revue africaine des sciences juridiques

Rev. Cam. Arb : Revue camerounaise d'arbitrage

RDUS : Revue de droit de l'Université Sherbrooke

R.D.A.I. : Revue de droit des affaires internationales

RRJ : Revue de recherche juridique

R.T.D. A : Revue trimestrielle de droit africain

Mémoire rédigé et soutenu par Jacques Delor BIKOI Page VI

L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des activités économiques dans l'espace OHADA

R.I.D.C. : Revue internationale de droit comparé

S. : Suivant

Supra : Ci-dessus

TPE : Très petites entreprises

UNIDROIT : Institut international pour l'unification du droit privé

V. : Voir

Vol. : Volume

Mémoire rédigé et soutenu par Jacques Delor BIKOI Page VII

L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des activités économiques dans l'espace OHADA

RÉSUME

De plus en plus, l'arbitrage occupe une place capitale dans la vie économique. Considéré comme étant un vecteur de sécurité, le législateur OHADA en a fait le mode par excellence de règlement des litiges d'ordre contractuel dans l'espace communautaire, cela dans le but non seulement de favoriser la sécurité juridique et judiciaire, mais aussi et surtout de gagner la confiance des investisseurs, afin de faire du continent africain un pôle de développement par l'investissement. Malheureusement, l'observation du contentieux économique en zone OHADA démontre que le système d'arbitrage communautaire est fortement mis en cause. Dans ce cadre, l'objectif de cette étude est d'évaluer la capacité de l'arbitrage OHADA à contribuer de manière suffisante à la sécurisation des activités économiques dans l'espace juridique intégré. Il ressort donc que si l'on ne peut valablement nier la vérité d'une certaine contribution, celle-ci reste perfectible et appelle par conséquent des reformes.

Mots-clés : arbitrage, sécurisation, activités économiques, OHADA.

Mémoire rédigé et soutenu par Jacques Delor BIKOI Page VIII

L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des activités économiques dans l'espace OHADA

ABSTRACT

Arbitration is progressively occupying a pride of place in the economic life. Considered as a vehicle for security, the OHADA lawmaker posits it as the mode of excellence for the resolution of contract-related litigations within the communal zone; this, not only to enable judiciary and judicial security, but more to earn the confidence of investors, in order to make the African continent a stronghold for development and investments. Unfortunately, though, an analysis of the economic contention in the OHADA zone reveals that the communal arbitration system is highly to blame. The present study aims to evaluate OHADA arbitration capacity in contributing, efficiently, to the security of economic activities within the area legally integrated. It results that, if we want to negate the truth of such a contribution, this latter remains perfectible and therefore calls for amendments.

Keywords : arbitration, protection, economic activities, OHADA

Mémoire rédigé et soutenu par Jacques Delor BIKOI Page IX

L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des activités économiques dans l'espace OHADA

SOMMAIRE

INTRODUCTION GÉNÉRALE 1

TITRE I : UNE CONTRIBUTION PERCEPTIBLE DE L'ARBITRAGE OHADA A LA SÉCURISATION DES ACTIVITÉS ÉCONOMIQUES DANS L'ESPACE JURIDIQUE

INTEGRE 8

CHAPITRE I : UNE CONTRIBUTION PERCEPTIBLE DE L'ARBITRAGE OHADA A LA

SÉCURITE JURIDIQUE 10

Section 1 : La consécration d'un droit supranational de l'arbitrage : une source de sécurité

juridique dans l'espace OHADA 12

Section 2 : L'originalité et le modernisme de l'arbitrage OHADA : un gage de sécurité

juridique dans l'espace OHADA 23

CHAPITRE II : UNE CONTRIBUTION PERCEPTIBLE DE L'ARBITRAGE OHADA A

LA SÉCURITÉ JUDICIAIRE 36

Section 1 : La célébration de l'autonomie de la volonté, une source de prévention des

incertitudes judiciaires nuisibles aux droits économiques des parties 37

Section 2 : La soumission de l'arbitrage OHADA aux principes directeurs d'une bonne

justice, gage des procès justes et équitables 52

Section 3 : Le renfort du juge public, facteur d'efficacité de l'arbitrage OHADA 67

TITRE II : UNE CONTRIBUTION PERFECTIBLE DE L'ARBITRAGE OHADA A LA SÉCURISATION DES ACTIVITÉS ÉCONOMIQUES DANS L'ESPACE JURIDIQUE

INTEGRE 75

CHAPITRE I : LES SCORIES D'ORDRE NORMATIF 77

Section 1 : Les silences du législateur africain 77

Section 2 : Les incertitudes conceptuelles et la protection rigide de certains arbitres 86

CHAPITRE II : LES SCORIES D'ORDRE PRATIQUE 97

Section 1 : Les difficultés ante sententiam 97

Section 2 : Les difficultés post sententiam 106

CONCLUSION GÉNÉRALE 120

BIBLIOGRAPHIE 124

TABLE DES MATIÈRES 135

Mémoire rédigé et soutenu par Jacques Delor BIKOI Page X

L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des activités économiques dans l'espace OHADA

« Je vais t'entretenir de moindres aventures, Te tracer en ces vers de légère peinture ; Et si de t'agréer je n'emporte le prix, J'aurai du moins l'honneur de l'avoir entrepris »1. Jean DE LA FONTAINE

1 J. DE LA FONTAINE, Fables, Livre I, Prologue : « Dédicace à Monseigneur le Dauphin, Louis de France, fils de Louis XIV, également appelé le Grand Dauphin », 1668, édition du groupe « Ebooks libres et gratuits », p.10.

INTRODUCTION GÉNÉRALE

L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des activités économiques dans l'espace OHADA

Mémoire rédigé et soutenu par Jacques Delor Bikoi Page 1

Mémoire rédigé et soutenu par Jacques Delor Bikoi Page 2

L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des activités économiques dans l'espace OHADA

À l'aube des années 1990, heure de la mondialisation de l'économie2, le besoin d'investissement commença à se faire ressentir dans les Etats africains. Ceux-ci pour la plupart mis sous programmes d'ajustement structurel dès 19803 par la Banque Mondiale et le Fonds Monétaire International, avaient à coeur le souci du développement et celui de l'essor de leurs différentes économies.

Face à ce grand besoin, se présentait le problème de l'insécurité juridique et judiciaire longtemps décrié par les opérateurs économiques. Selon le Docteur Gaston KENFACK DOUAJNI, l'une des raisons, voire la plus importante d'entre elles pour lesquelles l'Afrique est incapable de se développer tient à l'absence ou la rareté des investissements dans ce continent4. Or comme le soulignait le Professeur Roger MASSAMBA, il ne saurait avoir de développement durable sans sécurité juridique et judiciaire5. Dans le même esprit, Pierre MEYER affirmait qu'« Il est sans nul doute exact que la sécurité juridique est une condition nécessaire du développement économique. Aucune activité économique durable ne peut raisonnablement être entreprise si les `'règles de jeu» que constituent les règles de droit ne sont pas connues, précises, correctement appliquées et dotées d'une certaine stabilité »6.

L'insécurité résultait de la diversité et la vétusté des règles applicables aux activités économiques ; certains textes datant de la période coloniale d'une part. D'autre part cette insécurité se caractérisait par une insuffisance de moyen matériels et humains, par les lenteurs judiciaires, le coût élevé des procédures, la difficile exécution des décisions de justice, la formation insuffisante des magistrats en droit économique, qui plus est travaillant dans des conditions sociales déplorables, des procès iniques détruisant l'environnement des affaires7 ; maux qui inéluctablement sont facteurs de recrudescence de la corruption ; et constituent une entrave à la bonne marche des affaires, parce que discréditant les Etats concernés avec pour fatale conséquence l'éloignement des investisseurs tant nationaux qu'étrangers. À ce titre, à la question de savoir pourquoi les opérateurs économiques ne voulaient pas investir en Afrique, feu le juge KEBA M'BAYE rapportait que ceux-ci déclaraient : « Nous ne voulons pas investir parce que nous ne connaissons pas quel droit va régir notre patrimoine. Vous allez

2P-G. POUGOUE, « Doctrine OHADA et théorie juridique », Revue de l'ERSUMA, numéro spécial-

Novembre/Décembre 2011, p.6.

3S. BELANGER, « L'ajustement structurel ou restructurer pour la croissance l'État », Université du Québec à

Montréal, Collection cahiers du GRETSE, N°8, Janvier 1992, p.1.

4G. KENFACK DOUAJNI, L'arbitrage OHADA, PUPPA, 2014, p. 24.

5R. MASSAMBA, « L'OHADA et le climat des investissements en Afrique », RTDA, n° 855, p.140.

6P. MEYER, « La sécurité juridique et judiciaire dans l'espace OHADA », RTDA, p.151.

7R. MASSAMBA, « L'OHADA et le climat des investissements en Afrique », op.cit., p.143.

Mémoire rédigé et soutenu par Jacques Delor Bikoi Page 3

L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des activités économiques dans l'espace OHADA

dans un pays, vous demandez quel est le droit qui vous permet de créer aujourd'hui une société anonyme, personne ne le sait. Il y a pire. Une fois que nous arrivons à détecter, dans certains pays, quel est le droit applicable pour la création de notre entreprise, pour sa viabilité et, au cas où surviendrait un jour un différend, pour la manière donc ce différend doit être réglé, nous avons toujours des surprises considérables. Le même droit n'est pas applicable d'un pays à un autre, d'un tribunal à un autre. On ne tient pas compte de la jurisprudence. Et, généralement, nous sommes toujours les victimes de cette situation, c'est ce qui explique notre hésitation à continuer à investir »8.

Il ressort donc que l'insécurité juridique et judiciaire était l'une des principales sources du sous-développement du continent africain. Aussi, en vue de corriger le tir, les Etats de l'Afrique subsaharienne ont décidé de penser, puis de mettre sur pied une institution au sein de laquelle on y trouverait un droit harmonisé, unique et applicable à tous les Etats la constituant, un droit qui deviendrait le droit commun des affaires au sein de l'institution, un droit neuf, moderne et adapté à l'évolution économique dans le monde dont, le destin sera de sécuriser amplement l'environnement des affaires en Afrique et à lever le doute sur les multiples avantages que présente le continent Africain, avec pour finalité absolue la promotion des investissements. C'est donc dans ce contexte que quatorze (14) Etats de l'Afrique au sud du Sahara9 ont, en date du 19 octobre 1993, signés à Port Louis (Ile Maurice) un traité relatif à l'harmonisation du droit des affaires en Afrique et ont confié l'exécution à l'Organisation pour l'Harmonisation en Afrique du Droit des Affaires (OHADA)10. De ce Traité naitront non seulement des actes uniformes11, parmi lesquels l'Acte uniforme relatif au droit de l'arbitrage, mais également une Cour Commune de Justice et d'Arbitrage dont le rôle est de veiller à la bonne interprétation et à la bonne application desdits actes uniformes.

En effet, le législateur africain avait vu juste quant à la nécessité d'une réforme des systèmes judiciaires des Etats africains. C'est donc à l'aune de cette prise d'acte qu'il a vue en l'arbitrage une garantie juridique susceptible de sécuriser les investissements et d'inciter par

8KEBA M'BAYE, Interview accordée au journal parisien l'autre actualité africaine, à retrouver sur africa-libre.com, site consulté le 8 octobre 2019 à 14h09.

9Benin, Cameroun, Burkina Faso, centrafricaine, Comores, Congo, Côte d'ivoire, Gabon, guinée équatoriale, Mali, Niger, Sénégal, Tchad, Togo. Ce chiffre s'est accru avec l'entrée de trois autres Etats à savoir la Guinée, la RD Congo et enfin la Guinée Bissau.

10G. KENFACK DOUAJNI, « L'incidence du système OHADA sur le droit camerounais de l'arbitrage », Rev. Cam. Arb., n 01, Avril-Mai-Juin 1998, p.3.

11Cf. article 2 du Traite OHADA.

Mémoire rédigé et soutenu par Jacques Delor Bikoi Page 4

L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des activités économiques dans l'espace OHADA

ricochet les acteurs économiques à s'intéresser à l'espace OHADA12. À cet égard, l'article 1erdu traite OHADA énonce : « Le présent traité a pour objet l'harmonisation du droit des affaires dans les Etats parties par l'élaboration et l'adoption des règles communes simples, modernes et adaptées à la situation de leurs économies, par la mise en oeuvre de procédures judiciaires appropriées, et par l'encouragement au recours à l'arbitrage pour le règlement des différends contractuels ».

De cette disposition, on semble comprendre que le législateur africain avait effectué un pari sur l'arbitrage, en déclarant fermement son désir d'en faire un mode normal de règlement des litiges compte tenu des limites que présente le système judiciaire de chaque Etat partie. René BOURDIN écrivait à ce titre que : « tout se passe comme si les auteurs du traite OHADA entendaient demander à l'arbitrage une sorte d'intérim du judiciaire jusqu'à une reforme efficace de celui-ci (...) »13 . Ce qui traduit la position qu'occupe l'arbitrage dans le domaine des affaires. Roland AMOSSOU GUENOU écrivait que « dans la gamme des garanties susceptibles d'encourager les investisseurs étrangers, l'arbitrage constitue un élément essentiel »14. Bien avant lui, le Professeur René DAVID soutenait que de nos jours, l'arbitrage est le mode privilégié de règlement des différends relatifs aux investissements internationaux15. Quant au Professeur Dorothé COSSI SOSSA, il s'agit de l'institution la plus importante à ce jour pour le règlement des différends relatifs aux investissements internationaux pour les pays en développement en général et en particulier pour l'Afrique16, et pour Robert BRINER, c'« est la seule méthode réaliste de résolution des litiges commerciaux internationaux »17. En tout état de cause, l'arbitrage doit être considéré en matière d'investissement comme l'une des garanties les plus précieuses qui puisse être accordées à l'entrepreneur privé, disait jadis le Professeur Philippe KAHN18.

12G. KENFACK DOUAJNI, L'arbitrage OHADA, PUPPA, 2014.op.cit. p.17.

13R. BOURDIN, « L'OHADA : information à ce jour », document CCI, n 0420/450 du 30 Mars 2000, cité par G. KENFACK DOUAJNI, Ibid.

14 R. AMOUSSOU GUENOU, « Les investissements étrangers en Afrique », Rev. Cam. Arb., n°2, 1998, p.8.

15 R. DAVID, L'arbitrage dans le commerce international, Paris, Economica, 1981, p.5.

16 D. COSSI SOSSA, « La participation des Etats africains à l'arbitrage du centre international pour le règlement des litiges relatifs aux investissements (CIRDI) », Rev. Cam. Arb., numéro spécial (2), Fév. 2010, p.66.

17 R. BRINER, « L'avenir de l'arbitrage : Note introductive dans l'arbitrage : regard sur la prochaine décennie », supplément spécial, BULL. CCI, publication CCI n°612 F., pp.8-9.

18Ph. KAHN, « Problèmes juridiques de l'investissement dans les pays de l'ancienne Afrique Française », JDI, 1965, p.34.

Mémoire rédigé et soutenu par Jacques Delor Bikoi Page 5

L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des activités économiques dans l'espace OHADA

C'est dire que pour les pères fondateurs de l'OHADA, l'arbitrage devait être une porte ouverte vers la réalisation des perspectives de développement envisagé, cela au regard des garanties de sécurité qu'il est sensé présenter.

De prime abord, certaines clarifications s'imposent. Ainsi, le vocabulaire juridique de l'association Henri Capitant donne deux sens à la notion d'arbitrage. Premièrement, il s'agit d'une : « mission confiée à un tiers par des parties contractantes afin de déterminer un élément nécessaire à la formation du contrat : prix de vente, montant de loyer... »19. Deuxièmement, l'arbitrage est un : « Mode dit parfois amiable ou pacifique mais toujours juridictionnel de règlement d'un litige par une autorité (le ou les arbitres) qui tient son pouvoir de juger, non d'une délégation permanente de l'état, ou d'une institution internationale, mais de la convention des parties lesquelles peuvent être de simples particuliers ou des états »20.

Si le premier sens ne saurait satisfaire le juriste privatiste, le second quant à lui parait intéressant, même si on peut émettre une réserve dans la mesure où nous pensons que l'arbitrage n'est pas un mode amiable ou pacifique de règlement des différends étant entendu, qu'il s'agit d'une procédure contentieuse qui aboutit fatalement à une sentence qui s'impose aux parties. Ce qui n'est pas le cas pour les modes amiables dont l'issue est incertain, les parties pouvant ne pas aboutir à un accord même lorsqu'elles ont recours à un médiateur ou un conciliateur qui, en aucun cas, ne peut le leur imposer.

Au plan normatif, il convient d'indiquer que bien qu'accordant de l'importance à l'arbitrage, ni le traité OHADA, ni le règlement d'arbitrage de la CCJA, ni l'ancien ou le nouvel acte uniforme sur l'arbitrage21 ne propose de définition à la notion d'arbitrage. Ainsi, au-delà du vocabulaire juridique, il faudra se référer à la doctrine afin d'obtenir ample éclairage. L'arbitrage est dès lors entendu tantôt comme une technique qui vise à faire donner à une question intéressant les rapports entre deux ou plusieurs personnes, par une ou plusieurs autres personnes appelées arbitres, lesquelles tiennent leur pouvoir d'une convention privée et statuant sur la base de cette dernière sans être investies de cette mission par l'État22, tantôt comme l'institution par laquelle un tiers règle le différend qui oppose deux ou plusieurs

19G. CORNU, Vocabulaire juridique, Association Henri Capitant, Paris, PUF (quadrige), 2007, p.69.

20 Ibid.

21Le 23 novembre 2017, le conseil des ministres de l'OHADA a adopté un nouvel acte uniforme relatif à l'arbitrage ainsi qu'un nouveau règlement d'arbitrage CCJA. Le premier entrera en vigueur le 23 février 2018 (art 36 AUA de 2017), et le second le 23 janvier 2018 (art 34 RACCJA de 2017).

22 R. DAVID, L'arbitrage dans le commerce international, op.cit., p.9.

Mémoire rédigé et soutenu par Jacques Delor Bikoi Page 6

L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des activités économiques dans l'espace OHADA

parties en exerçant la mission juridictionnelle qui lui a été confiée par celles-ci23, et tantôt comme un mode prive de règlement des litiges fondé sur la convention des parties, caractérisé par la soumission d'un litige à de simples particuliers choisis par les parties, directement ou indirectement24.

Dans tous les cas, il ressort de tout ce qui précède que l'arbitrage est un mode juridictionnel de règlement des litiges fondé sur la volonté des parties et alternatif à la justice étatique rendu par des personnes privées. Dans l'espace OHADA, il est régi par l'AUA qui s'applique à l'arbitrage traditionnel constitué des procédures arbitrales ad hoc et de celles se tenant devant les centres d'arbitrage infra étatiques. L'arbitrage y est également régi par le Traité OHADA et par le RA/ CCJA qui s'appliquent aux arbitrages se tenant sous l'égide de la Cour communautaire.

S'agissant du terme sécurisation, il vient du verbe sécuriser, qui signifie donner un sentiment de sécurité25 ; ce dernier venant du latin « securitas », de « securus » qui signifie sûr, au mieux sans soucis, sans inquiétude etc.26. Le dictionnaire encyclopédique de théorie et de sociologie du droit donne au mot sécurité trois (03) sens. Tout d'abord, la sécurité s'entend comme un état résultant de l'absence d'une impression de danger, la situation objective correspondant à l'absence réelle de danger27. Ensuite, elle s'entrevoit comme une organisation juridique et politique des conditions propres à engendrer cet état, cette situation28. Enfin, comme les mécanismes institutionnels susceptibles d'y conduire29.

La conjugaison de ces trois sens nous permet de comprendre la notion de sécurisation comme la mise en oeuvre des mécanismes juridiques et institutionnels susceptibles de conduire à la situation objective correspondant à l'absence de danger quant à l'existence et à l'application du droit.

23 Ch. JARROSSON, La notion d'arbitrage, LGDJ, Paris, 1987, p.40.

24 DUTOIT, KNOEFFER, LALIVE, MERCIER, Répertoire de droit international prive suisse, T.1, p.241, L'arbitrage international, cité par P.G POUGOUE, J.M TCHAKOUA ET A. FENEON in L'arbitrage dans l'espace OHADA, PUA, 2000, p.8.

25Dictionnaire petit Larousse en couleur, Edition Larousse, 1972, p.847.

26 G. CORNU, Vocabulaire juridique, op.cit. p.853.

27Dictionnaire encyclopédique de théorie et de sociologie du droit, 2ème édition corrigée et augmentée, LGDJ, p.544.

28 Ibid.

29 Ibid.

Mémoire rédigé et soutenu par Jacques Delor Bikoi Page 7

L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des activités économiques dans l'espace OHADA

Enfin, par activité économique il faut entendre toute activité dont l'objet est la production, la distribution ou encore la prestation de service impliquant des échanges commerciaux.

En effet, il sied de préciser que l'adoption et la révision par le Conseil des Ministres de l'OHADA de l'Acte Uniforme relatif au droit de l'arbitrage se sont réalisées en même temps que le Règlement d'arbitrage de la Cour Commune de Justice et d'Arbitrage. Ce dernier fixe dans les détails les règles qui régissent l'arbitrage CCJA, dont les grandes lignes sont fixées par le titre IV du Traite OHADA. L'arbitrage OHADA repose donc sur un support dualiste, puisqu'il est régi à la fois par l'Acte Uniforme relatif au droit de l'arbitrage et par le Règlement d'arbitrage de la CCJA. On peut donc remarquer la place particulière que les pères fondateurs de l'organisation ont accordée à l'arbitrage dans la construction d'un espace qui sécurise les activités économiques. Dans un tel contexte, la question qui se pose est de savoir : en l'état actuel du système d'arbitrage OHADA, peut-on valablement soutenir qu'il contribue à la sécurisation des activités économiques dans l'espace juridique intégré ?

Réfléchir sur l'apport de l'arbitrage à la sécurisation des activités économiques suscite un double intérêt juridique et économique. Au plan juridique, cette recherche s'inscrit dans une logique d'amélioration du cadre législatif de l'arbitrage dans l'espace communautaire. Par conséquent, les résultats obtenus pourront éclairer d'une part le législateur en vue d'une éventuelle nouvelle réforme du droit de l'arbitrage OHADA30 et d'autre part la Cour Commune de Justice et d'Arbitrage, organe chargé de veiller à la bonne application des actes uniformes ainsi, qu'à leur parfaite interprétation, afin qu'elle puisse rendre des avis ou des jurisprudences de nature à garantir une meilleure protection des activités économiques dans l'espace OHADA.

Au plan économique, l'objectif de cette étude s'inscrit dans le cadre d'une meilleure promotion de l'arbitrage à travers des règles modernes et adaptées destinées à attirer les investisseurs et par ricochet à booster l'économie de chaque État de l'organisation. C'est donc dans une démarche exégétique, casuistique, en passant par la libre recherche scientifique que nous avons pu obtenir les résultats qui nous permettent de soutenir que bien qu'elle reste à parfaire (Titre II), on peut observer une certaine contribution de l'arbitrage OHADA à la sécurisation des activités économiques dans l'espace communautaire (Titre I).

30 Notre étude nous permettra d'examiner le nouvel acte uniforme, ainsi que le nouveau règlement d'arbitrage CCJA afin de voir quels sont les améliorations apportées au système d'arbitrage OHADA.

L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des activités économiques dans l'espace OHADA

UNE CONTRIBUTION PERCEPTIBLE DE L'ARBITRAGE OHADA
A LA SÉCURISATION DES ACTIVITÉS ÉCONOMIQUES DANS
L'ESPACE JURIDIQUE INTÉGRÉ

TITRE I

Mémoire rédigé et soutenu par Jacques Delor Bikoi Page 8

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L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des activités économiques dans l'espace OHADA

Dans un monde où l'économie se globalise et où le commerce international progresse de façon constante, investir à l'étranger est une manière courante de traiter les affaires, de s'abriter des crises nationales, de diversifier ses placements ou d'abaisser ses couts de production31. Cependant, loin d'être la chasse gardée des opérateurs économiques étrangers, l'investissement est également l'affaire des nationaux qui désirent contribuer à la croissance économique de leurs Etats par la création d'entreprises chacun en fonction de sa bourse. Seulement, qu'elle soit réalisée au plan national ou à l'étranger, l'activité économique est en grande partie composée de prise de risque. C'est la raison pour laquelle les acteurs économiques sont constamment en quête des règles qui sont de nature à sécuriser leurs investissements. Ainsi, la sécurité apparait comme une condition sine qua non de l'investissement et par ricochet du développement. C'est dire que c'est le désire de sécurisation des activité économiques qui a conduit les initiateurs de l'OHADA à faire de l'arbitrage un instrument privilégié de règlement des différends d'ordre contractuel en vue de créer un environnement propice aux affaires32. L'arbitrage était donc bien plus que les autres matières harmonisées appelé à favoriser la sécurité juridique et judiciaire tant voulu par les pères fondateurs de l'OHADA. La lecture des textes fixant le cadre général de l'arbitrage dans l'espace communautaire à savoir le Traité OHADA, l'Acte uniforme relatif au Droit de l'arbitrage et le Règlement d'arbitrage CCJA nous permettra donc de démontrer que l'arbitrage de l'OHADA contribue dans une certaine mesure à la sécurisation des opérations économiques tant au plan juridique (Chapitre I) que judiciaire (Chapitre II).

31 A. E. RUSCA, « L'arbitrage : une stimulation à l'investissement », Rev. Cam. Arb, n°7 Octobre-Novembre-Décembre, 1999, p. 3.

32 R. AMOUSSOU-GUENOU, « L'Afrique, la mondialisation et l'arbitrage internationale », Rev. Cam. Arb, no3, Octobre-Novembre-Décembre, pp.3 et s. V. ég. G. K. DOUAJNI, « Les condition de création dans l'espace OHADA d'un environnement juridique favorable au développement », Revue juridique et politique, 1998, p.43 et s. Ab. DIALLO, Réflexion sur l'arbitrage dans l'espace OHADA, Thèse, Université de perpignan Via Domitia, 2016, p.25.

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UNE CONTRIBUTION PERCEPTIBLE DE L'ARBITRAGE OHADA A LA SÉCURITE JURIDIQUE

CHAPITRE I

« Il est vrai que l'acte uniforme qui tient lieu de loi relative à l'arbitrage dans les dix-sept pays d'Afrique, réalise non pas une simple harmonisation du droit des affaires en général et du droit de l'arbitrage en particulier, mais une véritable unification radicale, résolument moderne et même progressiste du droit de l'arbitrage sur une partie importante du continent africain. D'abord, en ne faisant aucune distinction entre les arbitrages internes et internationaux, en donnant ainsi au premier un régime très libéral, celui de l'arbitrage international ; ensuite, en introduisant dans une grande partie du continent les standards internationaux les plus favorables à l'arbitrage, destinés à assurer à la fois la liberté des parties et la sécurité du règlement des litiges »33. C'est par cette assertion que le Professeur Philippe LEBOULANGER tentait de démontrer l'existence d'une contribution véritable de l'arbitrage OHADA à la sécurité juridique dans l'espace communautaire. Mais alors qu'est-ce la sécurité juridique ?

Le principe de sécurité juridique est devenu de nos jours une notion cardinale qui influe grandement l'ordre juridique de la plupart des Etats démocratiques au monde. Considéré comme le gage de la qualité des relations qui peuvent se nouer entre plusieurs acteurs, la sécurité juridique s'apparente à ce que les juristes qualifient de standard et serait même considéré comme consubstantiel au modèle de l'Etat de droit34. Constituant un facteur d'attractivité pour les investisseurs et d'amélioration de l'environnement des affaires, la sécurité juridique permet de gagner la confiance des agents économiques et de favoriser par ricochet les échanges35. Notion imprécise et rebelle à toute tentative de conceptualisation36, la sécurité juridique, concept variable, se révèle être une norme polymorphe et adaptable qui fédère les exigences propres à chaque système juridique et dont l'autonomie est

33 Ph. LEBOULANGER, « Rapport introductif » in L'arbitrage en matière commerciale et des investissements en Afrique, op.cit., p. 22.

34 A. LEVADE, « La sécurité juridique », in 4e convention des juristes de la méditerranée, Acte du colloque d'Alger, 9-10 décembre 2012, La semaine Juridique, Edition Générale, supplément au N° 27, 1erJuillet 2013, p.8.

35 J. P. FERRET, « La sécurité juridique », op.cit., pp.6-7.

36 Ab. KA, La sécurité juridique en droit administratif sénégalais, Mémoire DEA droit public, Université Gaston Berger de saint Louis, 2015, www.memoireonligne.com, consulté le 8 Aout 2019 à 23h00.

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problématique37. Elle n'est jamais définie de manière abstraite et ce n'est que par le recensement de ses expressions techniques, concrètes qu'on pourrait parvenir à cerner son contenu38 ; voilà pourquoi Abdou KA a pu écrire que « la sécurité juridique renferme en elle des éléments épars, ce qui lui donne parfois une dimension tentaculaire. Elle serait une notion fonctionnelle plutôt que conceptuelle. Un travail de systématisation sur la notion de sécurité juridique se révèlerait une entreprise vaine en ce qu'elle ne peut être appréhendée que par rapport à la fonction qu'elle remplit dans l'univers du droit, c'est-à-dire une fonction de sécurisation de l'ordre juridique »39. Toutefois, pour Gérard Cornu, l'idée de sécurité juridique évoque « toute garantie, tout système juridique de protection tendant, à assurer, sans surprise, la bonne exécution des obligations, à exclure ou au moins réduire, l'incertitude dans la réalisation du droit »40. Dans le même esprit, le Professeur Anne LEVADE soutient que le principe de sécurité juridique implique que les citoyens soient, sans que cela appelle de leur part des efforts insurmontables, à même de connaitre ce qui est permis et ce qui est interdit par le droit applicable41. Thomas PIAZZON, pense qu'il s'agit de « l'idéal de fiabilité d'un droit accessible et compréhensible, qui permet aux sujets de droit de prévoir raisonnablement les conséquences juridiques de leurs actes ou comportements, et qui respecte les prévisions légitimes déjà bâties par les sujets de droit dont il favorise la réalisation »42. De la conjugaison de ces différentes conceptions, se dégage l'idée que l'insécurité juridique, versant négatif de la sécurité juridique, peut découler de la dégradation et des changements trop fréquent des lois, des incohérences et du défaut d'intelligibilité dont elles peuvent faire preuve, ce qui représente inévitablement un obstacle au développement. D'ailleurs, le Professeur Pierre MEYER écrivait à ce titre qu'« Il est sans nul doute exact que la sécurité juridique est une condition nécessaire du développement économique. Aucune activité économique durable ne peut raisonnablement être entreprise si les `'règles de jeu» que constituent les règles de droit ne sont pas connues, précises, correctement appliquées et dotées d'une certaine stabilité »43 .

37 M. NADEAU, « Perspective pour un principe de sécurité juridique en droit canadien : les pistes du droit européen », RDUS, 2009, p.511.

38 D. SOULAS DE RUSSEL, PH. RAIMBAULT, « Nature et racine du principe de sécurité juridique : une mise au point », RIDC, Vol 55, n° 1, 2003, pp.85-103.

39 Ab. KA, La sécurité juridique en droit administratif sénégalais, op.cit.

40 G. CORNU, Vocabulaire juridique, Association Henri Capitant, PUF, 1990, p.750.

41 A. LEVADE citant le rapport du Conseil d'Etat français, sécurité juridique et complexité du droit, 2006, in « La sécurité juridique », op.cit., p.9.

42 Th. PIAZZON, La sécurité juridique, LGDJ, 2009, spécial, n° 48.

43 P. MEYER, « La sécurité juridique et judiciaire dans l'espace OHADA », RTDA, n° 855, p.151.

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À cet aune, la sécurité juridique impliquerait donc plusieurs impératifs dont les principaux sont l'accessibilité, la prévisibilité et la stabilité des règles de droit. Vue sous cet angle, le droit de l'arbitrage assure-t-il la sécurité juridique des transactions économiques dans l'espace OHADA ? À cette question, une réponse affirmative peut s'imposer, si l'on prend en compte le fait que dans l'espace juridique intégré s'est érigé un droit supranational de l'arbitrage (Section 1), qui se veut à la fois original et moderne (Section 2).

Section 1 : La consécration d'un droit supranational de l'arbitrage : une
source de sécurité juridique dans l'espace OHADA

Comme précédemment indiqué, investir c'est risquer. Aussi la volonté de recourir à l'arbitrage est un moyen pour les opérateurs économiques de se rassurer par rapport aux risques qu'ils prennent dans leurs activités. Vue sous cette angle, l'arbitrage s'avère être « la seule méthode réaliste de résolution des litiges commerciaux internationaux »44. Gage supérieur de sécurisation des activités économiques, son caractère supranational dans l'espace OHADA garanti aux investisseurs désireux de s'évader de la justice étatique, son accessibilité (Paragraphe1), sa prévisibilité et sa stabilité (Paragraphe 2).

Paragraphe 1 : La supra nationalité comme facteur d'accessibilité à
l'arbitrage par les investisseurs dans l'espace OHADA

Participant de l'exigence de sécurité juridique, l'accessibilité trouve son fondement dans le fait que la règle de droit soit extérieure à la volonté individuelle de ses destinataires45. Il est donc important que les sujets de droit aient la possibilité d'en prendre connaissance. Pris dans ce sens, la supranationalité permet aux acteurs économiques d'accéder à l'arbitrage OHADA pour le règlement des litiges nés de leurs investissements. C'est dire que la supranationalité du droit de l'arbitrage OHADA permet de garantir à la fois son accessibilité substantielle (A) et matérielle (B).

44 R. BRINER, « L'avenir de l'arbitrage, note introductive dans l'arbitrage : regard sur la prochaine décennie », Supplément spécial, Bull. CCI, Publication CCI no 612F., pp.8-9.

45 J. L. AUBERT, Introduction au droit, PUF, 2007, p.15.

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A. L'accessibilité substantielle

Première facette de la notion d'accessibilité, l'accessibilité substantielle ou intellectuelle46des règles juridiques suppose la compréhension du sens de celles-ci. Elle exige du droit qu'il fasse preuve de lisibilité, de clarté et d'intelligibilité47.

Entendue comme étant la qualité d'un texte susceptible d'être lu promptement, facilement assimilable, et donc les éléments essentiels sont identifiables et retenus simplement48, la lisibilité suppose d'abord au plan physique que les textes soient formellement présentés de façon cohérente, afin qu'ils puissent aider à la compréhension de leurs sens. Ainsi, le choix des termes du titre, la numérotation des articles et des paragraphes, la composition des alinéas doivent être de nature à favoriser la compréhension facile des réglés de droit49. Au plan linguistique, la lisibilité suppose également la prise en compte de la langue et de son bon usage50.

S'agissant de la clarté, elle peut se définir comme le caractère de ce qui se comprend aisément. Elle suppose l'obligation pour celui qui fait la loi d'être suffisamment clair et précis afin que nul n'en ignore. Selon le Professeur André AKAM AKAM, « l'imprécision des termes, leur mauvais emploi ou encore l'imprécision des phrases, constituent des barrières à la compréhensibilité de la loi »51. L'obligation de clarté interdit donc de verser dans l'usage « des termes vagues, au contenu mal délimité »52, la loi devant être pareille à une chaussée bien pavée sur la quelle l'on puisse circuler avec assurance53.

Enfin l'intelligibilité signifie que la loi soit à la portée de tous et facile à comprendre, parce que rédiger en des termes simples, précis et clairs. Aussi, pour reprendre la Cour européenne des droits de l'homme « on ne peut considérer de loi qu'une norme énoncée avec suffisamment de précision pour permettre au citoyen de régler sa conduite en s'entourant au besoin de conseils éclairés, pour qu'il soit à même de prévoir (...) les conséquences de nature

46 Th. PIAZZON, La sécurité juridique, coll. de thèse, Ed. Defrenois, Tome 35, 2009, p.18.

47 Op.cit., p.19.

48 G. KOUBI, « Lire et comprendre : quelle intelligibilité de la loi ? », in Le titre préliminaire du code civil, G. FAURE et G. KOUBI (Dir.), Économica, coll. Etude juridiques, 2003, pp.215 et s. spéc. p.227, Th. PIAZZON, La sécurité juridique, op.cit., p.19.

49 Ibid.

50 Voir G. NICOLAU, « Accessible droit ! », RRJ, 1998, pp.46-47.

51 A. AKAM AKAM, « Libres propos sur l'adage « nul n'est censé ignorer la loi », R.A.S.J., Yaoundé II, Vol .4, no1, 2007, p.51.

52 R. MERLE et A. VITU, Traité, Problèmes généraux de la science criminelle, droit pénal général, Paris, Cujas, 5eme éd., no 160.

53 M. HAURIOU, Précis de droit administratif et droit public, Dalloz, 12eme éd., 2002, p.238.

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à découler d'un acte déterminé »54. Toutes ces notions se rapportant à l'accessibilité substantielle ou intellectuelle peuvent être considérées comme se ramenant à une exigence générale de qualité du droit55. Dès lors, vue sous ce prisme, un retour dans l'histoire politique des Etats de l'Afrique subsaharienne dont la plupart sont parties aujourd'hui au traite OHADA, nous révèle que dans les anciennes colonies françaises, l'arbitrage était marqué par « le principe de spécialité législative »56. En application de ce principe, seule les textes promulgués en métropole et déclarés expressément applicables devaient recevoir application dans les territoires d'outre-mer57. La spécialité législative fut appliquée aux pays tels que le Benin, le Burkina Faso, le Cameroun58, la Centrafrique, le Congo, la Cote d'ivoire, le Gabon, la Guinée, Madagascar, le Mali, le Maroc, la Mauritanie, le Niger, le Sénégal, et le Tchad59. La procédure civile, le droit commercial et le droit administratif constituent des exemples d'application de ce principe en matière d'arbitrage.

Pour ce qui est de la procédure civile, en vertu du décret du 15 mai 1889 relatif à la réorganisation du Sénégal, une importante partie du Code civil français de 1806 fut rendue applicable aux anciennes possessions françaises d'Afrique occidentale. Seulement, les dispositions relatives à l'arbitrage contenues dans le livre III manquaient à l'appel60.

En droit commercial, c'est suite aux décrets du 6 Aout 1907 et du 15 janvier 1910 que le Code du commerce de 1807 fut déclaré applicable dans certains territoires d'outre-mer, puis à l'ensemble de l'A.O. F et de l'A.E. F61. Plus tard, grâce au décret du 16 mars 1954, la loi du 31 décembre 1925 complétant les dispositions du Code de commerce et autorisant la clause compromissoire en matière commerciale fut déclarée applicable à ces anciens

54 C.E.D.H, 24 Avril 1990, Kruslin et Huvig c. France, J.C.P., 1990-II, 21.541, Note Jeandidier, D., 1990,01343, Note J. PRADEL, cite par F. EDIMO, « L'incrimination du terrorisme en droit Camerounais », Juridical tribune, Vol.6, ISSUE 1, June 2016, p.167.

55 Th. PIAZZON, La sécurité juridique, op.cit., p.20.

56 R. AMOUSSOU-GUENOU, « Droit de l'arbitrage en Afrique avant l'OHADA », in l'OHADA et les perspectives de l'arbitrage en Afrique, Ph. FOUCHARD (Dir.), Bruylant Bruxelles, 2000, p.27.

57 C. LUSSAN, Législation des sociétés dans les territoires d'outre-mer et dans les territoires associés (A.E. F-A.O. F-Madagascar-Togo-Cameroun), copyright by Claude LUSSAN, 1953.20, Adde, M. JEOL, La réforme de la justice en Afrique noire, Paris, éd. A. Pedone, 1963, R. AMOUSSOU-GUENOU, « Droit de l'arbitrage en Afrique avant l'OHADA », Ibid.

58 Le Cameroun était soumis à un statut particulier du fait qu'il fut placé après la seconde guerre mondiale sous mandat français et anglais.

59 R. AMOUSSOU-GUENOU, Ibid.

60L. IDOT, Rev. Arb., 1989.530, V. R. AMOUSSOU-GUENOU, Ibid.

61Encyclopédie juridique de l'Afrique noire, les nouvelles éditions Africaines, ISTRA, 1982, 10 Vol. Première partie, législation, V. R. AMOUSSOU-GUENOU, Ibid.

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territoires62. Toutefois, la clause compromissoire ne sera autorisée que dans les cas prévus à l'article 631 alinéa 1er du Code de commerce à savoir : aux contestations relatives aux engagements entre négociants, marchands et banquier, aux contestations entre associés pour raison d'une société de commerce et enfin aux contestations nées d'actes de commerces parfaits, quel que soit la personne et à l'égard de laquelle la compétence du tribunal de commerce est exclusive63.

En droit administratif où le recours à l'arbitrage pour la personne morale de droit public était proscrit en principe, la loi française du 17 avril 1906 autorisa exceptionnellement le recours à l'arbitrage pour régler les différends relatifs aux marchés de fourniture de travaux publics64 .

Il ressort donc qu'en dehors de l'article 631 alinéa 1er du code de commerce, le recours à l'arbitrage n'était prévu nul autre part. Le principe de spécialité législative comportait donc des limites, du fait de son application sélective, parcellaire et incomplète65. C'est d'ailleurs ce qui expliquait la disparité des règles d'un territoire a un autre, d'un ensemble colonie à d'autres ou encore entre la métropole et ses colonies66. Selon Roland AMOUSSOU-GUENOU « cette absence d'extension législative complète et uniforme aux anciennes colonies fut, après les années 1960, à l'origine de l'embarras des juges étatiques africains amenés à statuer en matière d'arbitrage »67. En effet, dès les années 1960, par le biais de la continuité législative, les Etats nouvellement indépendant héritèrent du système français.

La continuité s'était opérée activement dans certains Etats et passivement dans d'autres.

Les Etats ayant opté pour la continuité active avaient procédés à l'introduction plus ou moins complète, des dispositions relatives à l'arbitrage dans leur code procédure civile tels qu'elles étaient en France lors de leur accession à l'indépendance68 .

62 Décret no 54-325 du 16 mars 1954, Recueil annoté de textes de procédure civile et commerciale applicable en Afrique occidentale française, de G. J. BOUVENET, Paris, éd. De l'union française, 1954, V. R. AMOUSSOU-GUENOU, Ibid.

63 R. AMOUSSOU-GUENOU, op.cit., p.30.

64 A. BOCKEL, « Les contrats administratifs : données générales, le problème de l'arbitrage », Encyclopédie juridique de l'Afrique, spec. 265, voir R. AMOUSSOU-GUENOU, Ibid.

65 J. P. MOUSSERON, Le pouvoir et la justice en Afrique noire francophone et à Madagascar, Paris, Pedone, 1966, p. 23. V. ég. K. AMEGA, « Dix ans de droit en Afrique noir », RTDA, 1972, p.285.

66 D. ARBACHI, note sous Cour Suprême du Niger du 28 novembre, 1991, et Cour d'État du Niger du 13 octobre 1988, RTDA, 1994, no 814, p. 108.

67 R. AMOUSSOU-GUENOU, op.cit., p.32.

68 Cameroun (art. 576 a 601 du Code de procédure civile et commerciale du 16 décembre 1954), Gabon (Art.972 a 993 du Code de procédure civile gabonais du 2 février 1977), Tchad (Art. 370 a 383 de l'ordonnance du 28

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S'agissant des Etats ayant opté pour la continuité passive69, ceux-ci n'avaient pas recueillis le droit français de l'arbitrage tel qu'il se présentait au moment de leur accession à l'indépendance. Il y avait donc un vide juridique en la matière qui traduisait une anomalie dans les systèmes juridique de ces Etats, dans la mesure où, s'il existait un texte qui autorisait bien que restrictivement la clause compromissoire à savoir l'article 631 alinéa 1, on remarquait l'absence de règles procédurales permettant à l'arbitrage de fonctionner. Cette situation a été à l'origine d'une hésitation jurisprudentielle en Côte d'ivoire. En effet, par arrêt rendu le 17 mai 1985 dans l'affaire Talal Massi c / Omais70, La Cour d'appel d'Abidjan, saisie des incidents relatifs à l'exequatur d'une sentence arbitrale, avait conclu à la régularité de l'ordonnance contestée. Aussi déclara-t-elle qu'« il est clair que l'article 631 du Code de commerce autorise la clause compromissoire voulue et acceptée par les parties en cause, celles-ci ont même expressément renoncé à tout recours aux tribunaux pour connaître de leurs litiges éventuels (...). Les clauses compromissoires insérées dans les protocoles d'accord ne sont nullement contraires à l'ordre public ivoirien (...). Il s'ensuit que la sentence présentement attaquée est valable ». D'avis différent, Par un arrêt en date du 29 avril 1986, la Cour suprême cassa la décision de la Cour d'Appel Abidjan, motifs pris de ce que « Les parties peuvent insérer dans un acte qui les lie, une clause compromissoire visant à une procédure d'arbitrage, il n'en reste pas moins vrai que les conditions et les modalités de cet arbitrage doivent être prévues par le législateur. ». Par conséquent, bien que reconnaissant validité des clauses compromissoires, la Cour suprême estimait qu'à défaut de réglementation étatique en la matière, la sentence arbitrale ne pouvait être validée. Interprétation que la Cour d'Appel de Bouaké (Cour d'appel de renvoi), refusa de suivre au regard de son arrêt rendu en date du 25 novembre 1987 dans lequel elle déclarait que « la sentence arbitrale ne contenant rien de contraire à l'ordre public, c'est à tort que l'ordonnance accordant l'exequatur à ladite sentence a été rétractée ». Confrontée à une telle résistance des juges du fond, la Cour suprême dut se réunir en assemblée plénière pour adopter une position définitive. C'est ainsi

juillet 1967 portant promulgation d'un Code de procédure civile au Tchad), Togo (Art. 275 à 290 du Code de procédure civile togolais du 15 mars 1982), Congo (Art. 310 de la loi 51/83 du 21 Avril 1983 réglant la procédure civile, commercial et administrative), cf. P. MEYER, « Le droit de l'arbitrage », www.ohada.com, consulté le 11 Février 2018 à 21h07, p.1.

69 Le Code de procédure du Benin du 23 mars 1981 ne contenait aucune disposition sur l'arbitrage, le Burkina Faso n'a élaboré un code de procure qu'en 1999, le code de procédure Malien du 18 Aout 1961 ne contenait aucune disposition sur l'arbitrage, en Côte d'Ivoire, il n'existait pas de loi relative à l'arbitrage, c'est le droit français qui s'appliquait (cf. cour suprême de côte d'ivoire, 4 avril 1989, in Rev. Arb., 1989.530, note L. IDOT).

70 Sur l'affaire TALAL MASSI c/ OMAIS, V. Rev. Arb, 1989, p. 530. Voir également YOUGONE Frank Nicéphore, Arbitrage commercial international et développement : étude du cas des Etats de l'OHADA et du MERCOSUR, Thèse, Université MONTESQIEU-BORDEAU IV, 2013, pp. 64-65.

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que par un arrêt du 4 avril 1989, elle consacrait la licéité et la validité de la sentence arbitrale. En se fondant sur les motifs suivants : « Après avoir énuméré les contestations qui sont de la compétence des tribunaux de commerce, l'article 631 du Code de commerce dispose en son alinéa 2 que toutefois, les parties pourront au moment où elles contractent, convenir de soumettre à des arbitres les contestions ci-dessus énumérées lorsqu'elles viendront à se produire. Qu'il s'induit de ce texte que le principe du recours à l'arbitrage est admis en Côte d'Ivoire ; Que s'il est constant que le code de procédure civile, commerciale et administrative n'a ni prévu, ni organisé l'arbitrage, il est non moins constant que pour l'application dudit texte, les juridictions ivoiriennes ont recours soit aux principes généraux du droit , soit aux dispositions du livre III du code de procédure civile français à titre de raison écrite ; Qu'il s'ensuit que la Cour d'appel, en déclarant valables la clause compromissoire et la sentence qui en résulte n'a aucunement violé les textes au moyen ».

C'est donc face à toutes ces hésitations jurisprudentielles que le législateur ivoirien, s'inspirant des reformes opérées en France en 1981 a réagi en adoptant la loi n ° 93/671 du 3 août 1993 relative à l'arbitrage.

Dans les pays anglophones régis par l'« indirect rule », à contrario du système français, l'extension législative portait sur l'ensemble du droit processuel anglais tel qu'il était en vigueur en Angleterre à la date de son introduction dans les colonies. À l'opposé de la France, l'Angleterre avait étendu à toutes ses colonies l'ancienne `'arbitration act» de 188971.

Il ressort donc que l'extension sélective du droit français, l'absence de procédure permettant de mettre en oeuvre l'arbitrage dans certains États, le silence de certaines législations en matière d'arbitrage72, la référence à l'article 631 du code de commerce de 1807 qui était déjà dépassé et inadapté, le caractère désuet, éparpillé et incomplet de certaines législations sur l'arbitrage étaient source d'insécurité juridique pour les opérateurs économiques désireux d'investir en Afrique. Cette insécurité juridique se matérialisait par les incertitudes et les incohérences qui rendaient difficile l'accès à ce mode de règlement des différends, voire impossible, alors même qu'il est considéré en matière d'investissement comme la garantie la plus précieuse qui puisse être accordée à un investisseur73. Aussi, en ayant recours à la technique de l'harmonisation, les États de l'OHADA se sont dotés d'une

71 R. AMOUSSOU-GUENOU, op.cit., pp.36-37.

72 Notamment dans les Etats lusophones (Cap vert, guinée Equatorial, etc.)

73 Ph. KAHN, « Les problèmes juridiques de l'investissement dans les pays de l'ancienne Afrique française », JDI, 1965, P.340.

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législation supranationale en matière d'arbitrage. Cette supranationalisation a permis d'obtenir un droit unique de l'arbitrage74 dans les États parties, des règles de procédure75 lisibles, intelligibles et dotées d'une clarté non négligeable, eu égard de leurs rédactions en des termes simples et précis, les rendant facilement compréhensibles et donc substantiellement ou intellectuellement accessibles à tout acteur économique désireux de ne pas recourir à la justice étatique pour régler les différends nés de ses opérations.

Des lors, pour pasticher le conseil d'État français76, on peut soutenir que la supranationalité du droit de l'arbitrage OHADA permet aux investisseurs nationaux et étrangers d'être sans que cela appelle de leur part des efforts insurmontables, en mesure de déterminer ce qui est permis et ce qui est défendu en matière arbitrale.

B. L'accessibilité matérielle

Si le principe de sécurité juridique exige que les règles de droit soient suffisamment lisibles, claires et intelligibles, il exige également que les destinataires desdites règles soient en mesure d'en connaitre le contenu. Voilà pourquoi Xavier SOUVIGNET écrivait que « sans un minimum d'accessibilité et d'intelligibilité de la règle de droit, il n'y a qu'arbitraire et chaos, c'est-à-dire le contraire même du droit »77. L'auteur faisant référence à l'accessibilité matérielle ou formelle, seconde facette de la notion d'accessibilité, cette dernière signifie positivement que les usagers du droit aient la possibilité d'accéder matériellement au corpus des règles juridiques78. Négativement, elle implique l'absence d'obstacle à l'accès matériel de la règle de droit et donc à « la faculté de ses destinataires de la débusquer »79.

Considéré de la sorte, le droit ne doit être ni mystique ni ésotérique. Il doit faire l'objet de publicité afin que ses destinataires puissent connaitre ce qu'il autorise et ce qu'il interdit. Ainsi, sans être une condition d'existence de la règle de droit, l'accessibilité formelle ou matérielle constitue une condition de son acceptabilité, au mieux de sa légitimité80. La règle de droit ne saurait donc être opposable à ses destinataires avant qu'ils n'aient la possibilité d'en prendre connaissance.

74 Il s'agit de l'Acte uniforme relatif à l'arbitrage.

75 AUA et le règlement d'arbitrage de la Cour commune de justice et d'arbitrage.

76 Rapport du conseil d'État Français de 2006 sur la sécurité juridique.

77 X. SOUVIGNET, « L'accès au droit, principe du droit, principe de droit », Jurisdoctoria, no1, 2008, p.23.

78 Th. PIAZZON, La sécurité juridique, op.cit., p.18.

79 N. MOLFESSIS, « La sécurité juridique et l'accès aux règles de droit », RTD civ. 2000, p.662.

80 E. CARTIER, « Accessibilité et communicabilité du droit », Jurisdoctoria, no1, 2008, pp. 169-175.

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En droit OHADA, l'accessibilité matérielle est au coeur de la réflexion juridique. Garanti par le principe de publicité des actes uniformes, l'Acte uniforme relatif au droit de l'arbitrage et le règlement d'arbitrage de la CCJA ne sauraient déroger à la règle, aussi ne peuvent- ils être opposables aux États parties que pour autant qu'ils aient fait l'objet de mesures de publicité adéquates. À ce titre, les lois ne pouvant obliger sans être connues81, la procédure de publicité des Actes uniformes est réglementée par le traité OHADA qui prévoit que ceux-ci sont publiés au journal officiel de l'OHADA par le Secrétariat Permanent dans les soixante jours suivant leur adoption82. Cette publicité faite au plan communautaire est complétée au plan national par la publication des Actes uniformes au journal officiel des Etats parties ou par tout autre moyen approprié83

Relativement aux termes « tout moyens appropriés », l'organisation s'est dotée d'un journal officiel en sus celui existant dans chaque État partie, d'un site internet84, des codes annotés dans lesquels on trouve la toute la législation OHADA85, d'un répertoire de jurisprudence et enfin d'une revue86 ou l'on pourrait retrouver des articles de doctrines axés sur l'arbitrage de l'OHADA87. Tous ces moyens facilitent l'accessibilité matérielle du droit de l'arbitrage commun à l'ensemble des États de l'organisation. Dès lors, si on peut retenir que la supranationalité constitue un facteur d'accessibilité intellectuelle et matérielle du droit de l'arbitrage de l'OHADA, il reste de démontrer quelle en est également une source de prévisibilité et de stabilité.

Paragraphe 2 : La supranationalité comme source de prévisibilité et de
stabilité du droit de l'arbitrage dans l'espace OHADA

Dans l'optique de faciliter notre démonstration, nous commencerons par examiner la prévisibilité(A) et terminerons avec la stabilité(B) ; le tout à l'aune de la supranationalité de l'arbitrage OHADA.

81 J. E. M. PORTALIS, Discours préliminaire du premier projet de code civil, www.justice.gc.ca, Consulté le 9 Aout 2019 à 3h12.

82 Art.9 al.1.

83 Ibid. al. 2.

84www.Ohada.com

85 Il s'agit des codes commentés (vert et bleu).

86 La revue de l'ERSUMA.

87 Cf. A. POLO, « Présentation du site internet de l'OHADA », Rev. Cam. Arb, no 2, Juillet-Aout-Septembre 1998, p.20.

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A. La supranationalité comme source de prévisibilité du droit de l'arbitrage dans l'espace OHADA

Dans ses rapports avec le temps, la règle de droit doit permettre à ses destinataires, de prévoir les conséquences juridiques de leurs actions. Ces derniers doivent donc pouvoir compter sur leurs prévisions, lorsqu'ils actualisent leurs actions dans la durée88. Vu dans ce sens, la prévisibilité renferme les règles de non rétroactivité et de respect des situations acquises.

S'agissant de la non rétroactivité de la règle de droit, ce principe signifie que les lois n'ont d'effets que pour l'avenir et ne devrait donc pas régir les situations antérieures. Quant au respect des situations acquises, il s'agit d'une règle qui commande que le changement de la loi ou d'un droit ne doit pas constituer une menace pour les situations légitimement acquises. Le droit étant le jouet et l'instrument des passions, la remise en cause de ce qui a été fait et légalement fait constitue une des pires menaces qui puisse peser sur les rapports des hommes les uns envers les autres89. La sécurité juridique exige donc que ces règles soient respectées.

Dans l'espace OHADA, la supranationalité du droit de l'arbitrage constitue une source de prévisibilité de ce droit. En effet, l'article 35 AUA dispose « le présent acte uniforme tient lieu de loi relative à l'arbitrage dans les États parties. Il n'est applicable qu'aux procédures arbitrales entrées après son entrée en vigueur »90. Ainsi, les usagers de l'arbitrage peuvent donc sans crainte effectuer leurs prévisions sur la base du texte en vigueur au moment de la réalisation de leurs transactions. Dans un Arrêt No 001/2002 du 10 janvier 2002, la CCJA a eu l'occasion de se prononcer sur la non rétroactivité de l'AUA et du respect des situations acquises en ces termes « attendu en l'espèce que l'acte uniforme relatif au droit de l'arbitrage auquel se réfère la requérante a été adopté le 11 mars 1999 ; qu'il édicté en son article 35 que « le présent acte uniforme tient lieu de loi relative à l'arbitrage dans les États parties. Celui-ci n'est applicable qu'aux instances nées après son entrée en vigueur » ; que l'alinéa 2 de l'article 36 du même acte uniforme précise qu'« il entrera en vigueur

88 Ab. KA, op.cit.

89 B. de JOUVENEL, Du pouvoir, Hachette littérature, coll. Pluriel, 1972, p.511.

90 Cette disposition est contenue dans le nouvel acte uniforme de 2017 et est identique à celle qui se trouvait dans celui de 1999.

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conformément aux dispositions de l'article 9 du traité relatif à l'harmonisation du droit des affaires en Afrique » ;

Attendu qu'au regard des dispositions susmentionnées, il apparait clairement que l'acte uniforme susvisé ne pouvait être applicable à l'instance du fait même de l'antériorité de celle-ci ; qu'en effet, la date prononcée de la sentence arbitrale le 19 mars 1999, ledit acte uniforme n'était pas encore entré en vigueur (...) qu'il échet en conséquence de se déclarer incompétent et de renvoyer la requérante à mieux se pourvoir »91. Nous pouvons donc soutenir que la supranationalité a favorisé la mise en place d'un régime de publicité qui garantit la prévisibilité du droit de l'arbitrage dans l'espace OHADA.

B. La supranationalité comme source de stabilité du droit de l'arbitrage dans l'espace OHADA

Comme les exigences d'accessibilité et de prévisibilité, la stabilité est une facette de la sécurité juridique. Elle est essentielle à un point ou le Conseil d'État français a pu dire que les lois jetables ne sauraient être respectables92. Le Doyen RIPPERT, l'un des plus fervent défenseurs des vertus de la stabilité du droit écrivait : « le droit qui prend sa valeur dans la continuité y prend également sa légitimité »93, ou encore qu'on ne devrait pas s'imaginer que le droit soit autre chose qu'ordre et continuité, ni que le monde puisse vivre le bonheur en l'absence de sécurité que confère le droit94. Cependant, plus qu'une insécurité véritable, l'instabilité du droit renvoie à un sentiment d'insécurité95. Il s'agit d'une insinuation dans l'esprit des usagers du droit, une suspicion de l'existence de l'insécurité pour leur situation personnelle. Le Doyen CARBONIER parlait de la création par l'instabilité du droit, d'une situation d'inquiétude et d'anxiété juridique chez ses destinataires, quand bien même leurs situations juridiques personnelles ne seraient pas en cause96.

91 CCJA, Arrêt No001/2002 du 10 janvier 2002, Affaire Compagnie des transports de MAN dite CMT/c Compagnie d'Assurance COLLINA S.A, Rev. Cam. Arb., n° 19, Octobre- Novembre- Décembre 2002, pp.10 et s.

92 CE, « De la sécurité juridique », in rapport public, 1991, p.31.

93 G. RIPPERT, Les forces créatrices du droit, LGDJ, 2ème éd., 1955, N°1, p.2.

94 G. RIPPERT, Le déclin du droit : étude sur la législation contemporaine, LGDJ, 1949, p.154.

95 Th. PIAZZON, La sécurité juridique, Tome 35, op.cit., p.37.

96 J. CARBONIER, « La part du droit dans l'angoisse contemporaine », Encyclopédie française, Le monde en devenir, Tome XX, Paris, Larousse, 1959, pp.187 et s.

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Pour Thomas PIAZZON, « l'instabilité est l'absence de changement du contenu de la règle par celui qui a compétence pour la modifier »97. Selon cet auteur l'instabilité résulte de la modification des solutions apportées aux problèmes déjà connus et réglés par le droit positif. Ce qui impliquerait qu'au coeur même de la notion d'instabilité, se trouve l'idée de pathologie. Ainsi, loin de porter sur le changement entant que tel de l'état du droit positif, qui peut être modifié dès lors qu'il cesse de protéger les usagers, le véritable problème est lié à la multiplication des changements, étant donné que la règle de droit, qu'elle soit législative ou jurisprudentielle, trouve une bonne partie de sa valeur dans la stabilité98. René DEMOGUE, dans le même sens, soutenait qu'il n'y a rien qui s'oppose le plus au respect et à l'idée même du droit que l'instabilité législatives et juridique ; que de ce fait, le droit étant la charpente solide des sociétés humaines, des modifications ne doivent y être introduites qu'à bon escient et après des études approfondies et ample réflexion99.

Selon le Professeur Anne LEVADE, l'instabilité du droit renvoie à un aspect purement quantitatif, ce qui suppose l'inflation normative ou la multiplicité des normes100. Découlant de la prolifération des normes, l'inflation normatives est parfois source de désordre et peut s'avérer être la cause du défaut de clarté des règles, des incohérences, des contradictions, d'interprétation qui contrastent, en gros d'insécurité juridique.

Dans l'espace OHADA, soucieux de créer un environnement juridique et judiciaire favorable au développement, les États de l'OHADA ont renoncé à une partie de leur souveraineté au double plan législatif et judiciaire101. Par cette démarche, ces derniers ont confié au législateur communautaire le soin de légiférer sur l'ensemble des matières qui ressortissent du droit des affaires, ce qui a permis la création des règles de droit supranationales, parmi lesquelles celle relative à l'arbitrage. En effet, directement applicable et obligatoire dans les États parties, nonobstant toute disposition contraire de droit interne, antérieure ou postérieure102, l'AUA est doté d'une force abrogatoire qui fait de lui le droit commun de l'arbitrage dans l'espace juridiquement intégré. C'est d'ailleurs ce qui ressort de l'article 35 alinéa 1er de ce texte qui dispose : « le présent acte uniforme tient lieu de loi

97 Voir Th. PIAZZON, op.cit., p.32.

98 Ibid.

99 Référence à Courcelles-Seneuil, in Les notions fondamentales du droit privé : Essai critique, éd. A. Rousseau, Paris, 1911, p. 110.

100 A. LEVADE, op.cit., p .9.

101 G. K. DOUAJNI, « L'abandon de souveraineté dans le traité OHADA », in Recueil Penant, N°830, Mai-Août 1999, p.1.

102 Cf. art 10 du Traité OHADA

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relative à l'arbitrage dans les États parties ». On assiste donc à la neutralisation du pouvoir normatif des États parties, qui se traduit par la prévention de toute tentative de changement ou de modification intempestives des règles applicables à l'arbitrage ou encore d'une éventuelle inflation normative en la matière dans l'espace OHADA. Vu sous cet angle, il sied de reconnaitre que la supranationalisation favorise la stabilité du droit de l'arbitrage dans l'espace juridiquement intégré. D'ailleurs, la toute première réforme de l'AUA de 1999 n'a eu lieu que récemment103.

In fine, il ressort des développements qui précèdent que la supranationalisation du droit de l'arbitrage dans l'espace communautaire a permis d'obtenir des règles accessibles, prévisibles et stables ; cela au bénéfice des investisseurs qui, désormais, ont la possibilité d'accéder substantiellement et matériellement aux règles applicables à l'arbitrage dans l'OHADA, d'effectuer leurs prévisions sur la base du droit en vigueur et de passer des opérations économiques, sans crainte des changements intempestifs des règles ou d'une éventuelle inflation normative en matière d'arbitrage. On peut donc soutenir que la consécration d'un droit supranational de l'arbitrage constitue une source de sécurité juridique des transactions économiques dans l'espace OHADA. Cette sécurité juridique est d'autant plus garantie par l'originalité et le modernisme de l'arbitrage communautaire.

Section 2 : L'originalité et le modernisme de l'arbitrage OHADA : un gage de sécurité juridique dans l'espace OHADA

Dans son rapport relatif au projet d'harmonisation du droit des affaires, le juge KEBA M'BAYE pointait du doigt la vétusté des textes comme source d'insécurité juridique104. Comme nous l'avons indiqué105, le droit de l'arbitrage était marqué par cette réalité. Aussi dans le but d'en faire une meilleure garantie pour les opérateurs économiques, les États parties au traité OHADA se sont dotés d'un droit de l'arbitrage faisant preuve à la fois d'originalité (Paragraphe1) et de modernisme (Paragraphe 2), assurant de ce fait en leur sein une sécurité juridique certaine.

103 Les actes uniformes ne peuvent être modifiés que dans les conditions prévues par les articles 7 à 9 du Traité et à la demande de tout État partie. Celui relatif au droit de l'arbitrage datant du 11 mars 1999 a été modifié le 23 novembre 2017.

104 A. POLO, « L'OHADA : histoire, objectif, structure », in L'OHADA et les perspectives de l'arbitrage en Afrique, op.cit., 2010, p.10.

105 V. Supra, p.2.

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Paragraphe 1 : l'originalité du droit de l'arbitrage OHADA

L'originalité du droit de l'arbitrage OHADA tient de l'érection d'un principe de l'unité du régime juridique (A), que le législateur africain a tout de même voulu limiter (B), compte tenu des réalités du commerce international.

A. L'érection du principe de l'unité du régime juridique de l'arbitrage dans le droit OHADA

Il est établi que le régime juridique de l'arbitrage trouve souvent son fondement dans le caractère interne ou international du litige. En droit OHADA, le législateur communautaire a opté pour l'unité du régime juridique en disposant à l'article 1erAUA que « le présent acte uniforme a vocation à s'appliquer à tout arbitrage lorsque le siège du tribunal arbitral se trouve dans l'un des Etats parties ». De ce fait, contrairement à d'autres législations106, le législateur africain n'accorde aucune distinction entre l'arbitrage interne et l'arbitrage international de droit privé107. Selon certains auteurs, « la distinction entre l'arbitrage interne et l'arbitrage international est depuis longtemps menacée par deux phénomènes : les protagonistes veulent de plus en plus s'évader des lois étatiques, les règles spécifiques à l'arbitrage international exerçant une attraction sur l'arbitrage interne »108. Aussi, compte tenu du caractère internationaliste très poussé dont fait montre la loi uniforme qui a vocation à s'appliquer à l'ensemble des États parties, établir une nouvelle frontière entre cet espace et les autres pays du monde peut s'avérer inutile et dangereux109. C'est dire que l'unité du régime est porteuse de plusieurs avantages. En effet, elle permet d'épargner aux juristes la difficulté qu'il y a à définir et à établir le critère d'internationalité qui varie très souvent en fonction des pays. À ce titre, il sied de rappeler que l'internationalité est évoquée pour marquer la différence entre un arbitrage national ou interne et celui qui traverse les frontières nationales. Ainsi, deux critères utilisés séparément ou cumulativement, permettent de définir le concept d'internationalité : l'un juridique et l'autre économique. Juridiquement, la détermination de l'internationalité de l'arbitrage consiste à porter l'attention sur les parties (nationalité,

106 La France, la suisse, le Danemark, l'Irlande etc.

107 L'arbitrage international pris au sens strict désigne un arbitrage dont les parties sont des sujets de droit international. Il s'agit d'un arbitrage de droit public international. Cependant, l'arbitrage international désigné également l'arbitrage de droit international de droit privé donc qui découle d'une relation juridique privée. V. P. MEYER, « Le droit de l'arbitrage », op.cit., p.9.

108 P-G. POUGOUE et G. K. DOUAJNI, « Notion d'arbitrage », Encyclopédie du droit OHADA, Lamy, 2012, p.1198.

109 A. BA, « Droit de l'arbitrage OHADA- session de formation des formateurs auxiliaires de justice (greffiers, huissiers de justice) », module 1 ; du 9 au 21 juillet 2001.

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domicile, siège social), sur les modalités du contrat à savoir le lieu de conclusion ou d'exécution voir même sur lieu de l'arbitrage. Économiquement, l'internationalité de l'arbitrage est fondée sur la nature du litige de telle sorte qu'il mette en cause les intérêts du commerce international. Tel est d'ailleurs la conception qui a été retenue par la jurisprudence française110. Certains pays ont plutôt opté en faveur du cumul des deux critères. C'est le cas notamment de la Guinée et de l'Algérie111.

Le système moniste permet également d'éviter la question délicate de la qualification du litige. Aussi devient-il inutile de rechercher les critères de distinction entre un fait national et un fait international, justifiant par conséquent le caractère de l'arbitrage112. C'est donc dire que l'approche unitaire a pour avantage de rompre avec l'utilité de la définition de l'internationalité de l'arbitrage et comme le relevait le Professeur FOUCHARD dans le rapport de synthèse sur l'arbitrage OHADA, lors d'une conférence tenue à Alexandrie : « C'est évident, il est plus simple, en soi de n'avoir qu'un seul corps de règles. Mais c'est surtout lors de leur mise en oeuvre (règles) que cet avantage est tangible, car le dualisme oblige à se prononcer sur un problème de qualification : l'arbitrage est-il interne ou international ? La difficulté est plus ou moins grande selon le critère retenu pour distinguer arbitrage interne et arbitrage international »113. Nous pensons donc que l'unité du régime juridique participe au renforcement de la sécurité juridique des activités économiques dans l'espace OHADA eu égard du fait qu'il, permet de faciliter la mise en oeuvre du droit communautaire de l'arbitrage.

B. L'exception au principe de l'unité du régime juridique de l'arbitrage dans le droit OHADA

S'il est certain qu'elle présente des avantages considérables, il demeure également vrai que l'unité de régime juridique entre arbitrage interne et international ne peut qu'être relative, l'assimilation complète des deux types d'arbitrage étant impossible. Selon MOUSSA Diakité « elle peut, sans nul doute, concerner la procédure arbitrale mais elle ne peut pas porter sur

110 V. D. MOUSSA, L'arbitrage institutionnel OHADA, instrument émergent de sécurisation juridique et judiciaire des activités économiques en Afrique, Thèse, Université Toulouse Capitole, 2016, p.62. V. ég. C.A de Paris, 17 ère ch. Civ. 17 janv. 2002, S.A Omenex c /Hugon, Rev. Arb., 2002, n°2, note J-B RACINE, pp.391 et s.

111 Cf. art 1183 du code guinéen des activités économiques et 458 bis du code de procédure civil algérien

112 Ab. DIALLO, Réflexion sur l'arbitrage dans l'espace OHADA, op.cit., p.32.

113 Ph. FOUCHARD, « Quand un arbitrage est-il international ? », conférence au comité Français de l'arbitrage, revue arbitrale 1970, p 75 ; P. FAUCHARD, « La notion d'arbitrage commercial international », J-ch. dr. intern., 1989, fasc.585-1, cité par Ab. DIALLO, Ibid.

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le droit applicable au fond du litige (...) »114. Dans le même esprit, Abdou DIALLO écrivait qu'« une bonne illustration de l'inopportunité d'une fusion totale des deux réglementations est fournie par le droit applicable au fond. Ce dernier peut sans nul doute concerner la procédure arbitrale mais dans le cas d'un litige interne n'ayant aucun élément d'extranéité, elle ne peut pas porter sur le droit applicable au fond du litige comme le prévoit l'article 15 alinéa 1 de l'acte uniforme »115. À notre sens, cette conception est juste, étant donné qu'en droit international privé, le problème du choix de la loi applicable au fond du litige ne se pose que dans une relation qui présente un élément d'extranéité ; ce qui n'est nullement le cas dans les relations purement internes. Aussi la question du droit que le tribunal arbitral devra appliquer pour la résolution d'un litige au fond ne se pose que pour l'arbitrage de droit international de droit privé116. C'est donc fort de cette réalité que le législateur Africain a voulu limiter le régime moniste à la procédure arbitrale. L'article 15 alinéa 1erAUA dispose : « le tribunal arbitral tranche le fond du litige conformément aux règles de droit choisies par les parties. À défaut de choix par les parties, le tribunal applique les règles de droit qu'il estime les plus appropriées en tenant compte, le cas échéant, des usages du commerce international »117. Selon messieurs Diakité MOUSSA118 et Abdou Diallo119, cette disposition prête à confusion étant entendu que pour eux, tel qu'elle est libellée, le choix du droit applicable par les parties ou par l'arbitre n'est pas limité au litige international. Aussi se demandent- ils, si les rédacteurs de l'Acte Uniforme ont voulu conférer une telle liberté pour les relations purement internes. Auquel cas cela serait absolument contraire au droit international privé qui pose comme condition d'application des règles de conflit, l'élément d'extranéité.

À notre avis, cette interrogation ne saurait être pertinente étant entendu qu'elle découle d'une interprétation littérale. L'article 15 al.1er ne devrait pas être interprété comme une extension législative, de la liberté de choisir le droit applicable au fond du litige, aux relations purement internes. Nous pensons que cette disposition doit faire l'objet d'une interprétation téléologique qui reflète la véritable intention du législateur africain qui, n'est surtout pas de contrarier les règles du droit international privé, la question de la règle de conflit ne se posant

114 D. MOUSSA, op.cit., p.66.

115 Ab. DIALLO, op.cit., p. 34.

116 P. MEYER, op.cit., p.7.

117 Tel est le libellé du nouvel AUA de 2017.

118 D. MOUSSA, op.cit., p.66.

119 Ab. DIALLO, op.cit.

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pas en matière interne. Il s'agit plutôt, suivant l'esprit du législateur, d'une limite tacite au principe de l'unité du régime juridique de l'arbitrage OHADA. Vu sous ce prisme, la mise en oeuvre de l'article 15 al.1erne peut être effective que dans le cadre des litiges internationaux. Ainsi, c'est en vue d'arrimer l'AUA aux spécificités du commerce international que le législateur africain à limité le principe de l'unité du régime juridique.

En définitive, l'unité du régime juridique de l'arbitrage et son encadrement se présentent comme une originalité remarquable qui, compte tenu de l'objectif d'intégration économique et juridique régionale poursuivi par l'OHADA, permettent une unification maximale du droit des affaires, en supprimant tout risque de conflit de lois120. En cela, une telle originalité constitue un gage de sécurité juridique des transactions économiques, eu égard de ce qu'elle pose les jalons d'un arbitrage adapté à l'évolution mondiale du commerce. Cette adaptation est d'ailleurs renchérie par le modernisme indiscutable donc fait preuve le système d'arbitrage.

Paragraphe 2 : Le modernisme de l'arbitrage OHADA

Le monde des affaires a besoin d'un environnement stable et de règles juridiques capables de lui apporter de la sérénité et de la fluidité. Fort de cette réalité, les États de l'OHADA se sont dotés d'un droit de l'arbitrage moderne, le but étant de fournir des garanties suffisantes aux opérateurs économiques du commerce interne et international. Vecteur de sécurité juridique, ce modernisme est marqué d'une part, par l'extension de l'arbitrabilité subjective aux personnes morales de droit public (A) et par la prise en compte de la lex mercatoria dans l'arbitrage OHADA d'autre part (B).

A. L'extension de l'arbitrabilité subjective121aux personnes morales de

droit public

Les personnes morales de droit public à savoir l'État et ses démembrements que sont les collectivités territoriales décentralisés et les établissements publics administratifs, sont considérés comme des acteurs majeurs du monde des affaires. En vue d'assurer leurs missions de service public, elles sont très souvent amenées à conclure des conventions avec

120 V. Ph. FOUCHARD, « Le système d'arbitrage de l'OHADA: le démarrage », Petites affiches, 13 octobre 2004, n° 205, p. 52.

121 Le terme arbitrabilité est propre à l'arbitrage. Il revoit aux types de litiges qui peuvent être soumis à l'arbitrage ou à la catégorie des personnes susceptibles d'être partie à une procédure arbitrale. On parle donc dans le premier cas de l'arbitrabilité objective et dans le second de l'arbitrabilité subjective.

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des entreprises étrangères ou nationales. Conclus soit par elles même, soit par le biais de leurs sociétés commerciales qualifiées d'entreprises publiques ou d'établissements publics à caractère industriel et commerciale, ces contrats peuvent porter sur la réalisation des ouvrages d'intérêt général, tout comme ils peuvent être d'un caractère purement commercial. Il se pose donc le problème de l'accès à l'arbitrage par les personnes morales de droit public, eu égard au rapport de force qui existe entre ces derniers et les particuliers avec qui ils contractent. C'est donc l'occasion de rappeler qu'avant l'avènement de l'OHADA, le principe était la restriction de la faculté de compromettre à l'arbitrage international. Ainsi, il n'était en principe pas permis aux personnes morales de droit public de conclure une convention d'arbitrage dans le cadre d'un arbitrage interne. Cette restriction fut d'abord consacrée par le juge français et après par le droit international.

En France, c'est la jurisprudence Myrtoon Steamship122 , rendue par la Cour d'appel de Paris le 10 avril 1957 qui consacra les restrictions apportées en droit interne à l'arbitrabilité des litiges concernant des personnes de droit public. En l'espèce, la Cour avait jugé pour la première fois que « la prohibition faite à l'État de compromettre est limitée aux contrats d'ordre interne et sans application pour les conventions ayant un caractère international » et que « l'interdiction qui résultait des articles 83 et 1004 du Code de procédure civile n'est pas d'ordre international ». Plusieurs autres arrêts confirmatifs de cette solution seront rendus, parmi lesquels le plus célèbre, l'arrêt Galakis, du 2 mai 1966123. Dans cette affaire, la Cour de Cassation rejeta le pourvoi en cassation en estimant qu' « attendu que la prohibition dérivant des articles 83 et 1004 du Code de procédure civile ne soulève pas une question de capacité au sens de l'article 3 du Code civil ; que la Cour d'appel avait seulement à se prononcer sur le point de savoir si cette règle, édictée pour les contrats internes, devait s'appliquer également à un contrat international passé pour les besoins et dans des conditions conformes aux usages du commerce maritime ; que l'arrêt attaqué décide justement que la prohibition susvisée n'est pas applicable à un tel contrat et que par la suite, en déclarant valable la clause compromissoire souscrite ainsi par une personne morale de droit public, la Cour d'appel, abstraction faite de tous autres motifs qui peuvent être regardés comme surabondants, a légalement justifié sa décision »124.

122 V. JDI, 1958, p. 1002 avec une note de B. GOLDMAN. V. ég. F. Y. NICÉPHORE, op.cit., p. 103.

123 V. B. ANCEL et Y. LEQUETTE, op.cit., p. 401.

124 Arrêt Galakis Cass. Civ. 2 mai 1966, Grands arrêts, n° 44.

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Le droit administratif français interdit également le recours à l'arbitrage aux personnes publiques125. Dans un avis Eurodisney du 6 mars 1986, le Conseil d'État avait estimé que ce principe résulte des « principes généraux du droit public français, confirmés par les dispositions du premier alinéa de l'article 2060 du Code civil que sous réserve des dérogations découlant des dispositions expresses ou, le cas échéant, de conventions internationales incorporées dans un ordre juridique interne, les personnes morales de droit public ne peuvent pas se soustraire aux règles qui déterminent la compétence des juridictions nationales en remettant à la décision d'un arbitre la solution des litiges auxquels elles sont parties et qui se rattachent à des rapports relevant de l'ordre juridique interne »126. Selon le Conseil d'État, ce principe est fondé sur la crainte que les intérêts des personnes publiques ne soient pas aussi bien protégés par les arbitres que par les juridictions étatiques et aussi d'empêcher qu'elles puissent apparaître comme se défilant de ces juridictions127.

En droit international, l'article II alinéa 1de la Convention européenne de Genève du 21 avril 1961 sur l'arbitrage commercial international énonce que «(...) les personnes morales qualifiées, par la loi qui leur est applicable, de `'personnes morales de droit public» ont la faculté de conclure valablement des conventions d'arbitrage ». De même, la Convention de Washington du 18 mars 1965 pour le Règlement des Différends relatifs aux Investissements entre États et ressortissants d'autres États qui a été ratifiée par de nombreux États qui constituent aujourd'hui l'OHADA, démontre que la plupart des États ne considèrent pas que les litiges pouvant les opposer à des investisseurs étrangers ne sont pas arbitrables128. Telle était l'état de la question dans les états francophones antérieurement à l'OHADA. Aussi, les innovations apportées par l'AUA peuvent être qualifiées d'inédites.

À ce titre, l'article 2 alinéa 2 AUA129 dispose : « les Etats et les collectivités publiques territoriales, les établissements publics et toute autre personne morale de droit public peuvent également être parties à un arbitrage, quelle que soit la nature juridique du contrat, sans

125 V. R. CHAPUS, Droit du contentieux administratif, Paris, Montchrestien, 13e édition, 2008, p. 268 et s., F.Y NICÉPHORE, Ibid.

126 V. l'avis Eurodisney du 6 mars 1986 du Conseil d'État, Section Travaux publics, avis n° 339710, in Études et Documents du Conseil d'État, n° 38, 1987, p. 178. V. aussi les conclusions du Conseil d'État dans l'arrêt Cie des chemins de fer du Nord du 17 mars 1893. Le conseiller d'État LAFFERIERE a écrit à propos de cette affaire qu'« il est de principe que l'État ne peut pas soumettre ses procès à des arbitrages, tant en raison des conséquences aléatoires de l'arbitrage, que des considérations d'ordre juridique qui veulent que l'État ne soit jugé que par des juridictions instituées par la loi ». F. Y. NICÉPHORE, op.cit., note de bas de page 388 ; p.104.

127 F.Y. NICEPHORE, op.cit. p.104.

128 Ibid.

129 Nouveau.

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pouvoir invoquer leur propre droit pour contester l'arbitrabilité d'un différend, leur capacité à compromettre ou la validité de la convention d'arbitrage ». De l'exégèse de cette disposition, il ressort que le droit OHADA de l'arbitrage, consacre sans restriction le recours à l'arbitrage par les personnes morales de droit public. Ces dernières peuvent compromettre tant dans un arbitrage purement interne que dans celui dont le litige présente un élément d'extranéité. À vrai dire, il faut reconnaitre que ce n'est pas l'extension de la faculté des personnes publiques de compromettre dans l'arbitrage interne qui est nouveau, car cette faculté existait déjà dans d'autres législations, sous réserve de certaines autorisations. C'est d'ailleurs le cas en France ou l'article 2060 du code civil dispose : « on peut compromettre (...) sur les contestations intéressant les collectivités publiques et les établissements publics et plus généralement dans toutes les matières qui intéressent l'ordre public. Toutefois, des catégories d'établissements publics à caractère industriel et commercial peuvent être autorisées par décret à compromettre ». Dans le même esprit, le droit iranien soumet l'arbitrabilité des litiges intéressant les personnes publiques au formalisme de l'autorisation, aussi l'article 139 de la constitution iranienne du 15 novembre 1979 dispose que « Le règlement des litiges concernant les biens publics et Gouvernementaux ou le recours à l'arbitrage pour régler lesdits litiges est subordonné, dans chaque cas, à l'approbation du Conseil des ministres et doit être communiqué à l'Assemblée. Dans les cas où la partie adverse est un étranger, et dans les cas internes importants, il doit également être approuvé par l'Assemblée Consultative Islamique. La loi détermine les cas importants ». C'est donc dire que l'innovation réside dans l'absence d'autorisation préalable de compromettre qui caractérise le droit OHADA de l'arbitrage. Il s'agit donc d'une innovation remarquable qui permet de garantir la sécurité juridique aux investisseurs, les personnes morales de droit public ne pouvant plus opposer à leurs cocontractants leurs droits et prérogatives de puissance publique pour se dérober de la procédure arbitrale à laquelle elles auraient consenti. Nous partageons donc l'avis du Professeur Robert NEMEUDEU selon lequel l'article 2 AUA est une loi de police130. Ainsi, en acceptant de recourir à l'arbitrage, les personnes morales publiques acceptent par ricochet de se prêter aux règles de jeux prévues par l'AUA et plus précisément celles contenues dans ladite disposition. L'extension pure et simple de l'arbitrabilité des litiges intéressant les personnes morales de droit public, représente donc indéniablement un intérêt certain pour les personnes privées, amenées à contracter avec les

130 R. NEMEDEU, « La recherche du critère d'arbitrabilité des litiges concernant les personnes morales de droit public en droit OHADA », RASJ, Vol. 6 ? N°1, 2009 pp. 45 s.

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entités étatiques africaines des États parties à l'OHADA, étant entendu que, comme l'écrivait le Professeur TCHAKOUA, « échaudés par les abus de souveraineté de l'État, les investisseurs internationaux trouvent en l'arbitrage une garantie contre l'arbitraire »131 . Un tel choix du législateur africain participe au renforcement de la stabilité et de la prévisibilité des règles de droit en matière d'arbitrage dont ont besoin les investisseurs.

B. La prise en compte de la lex mercatoria dans l'arbitrage OHADA

Entendue comme étant la loi des commerçants ou de la societas mercatorum132, la lex mercatoria trouve sa source dans les usages du commerce international qui en constituent la pierre angulaire. M. ERDEN écrivait d'ailleurs à ce titre que « It can be said that the trade usages constitute the core and one of the main sources of lex mercatoria »133.Selon Berthold GOLDMAN, ces dernières s'entendent comme étant « les comportements des opérateurs dans les relations économiques internationales, qui ont acquis progressivement, par leur généralisation dans le temps et dans l'espace, que peut renforcer leur constatation dans la jurisprudence arbitrale, ou éventuellement étatique, la force de véritables prescriptions qui s'appliquent sans que les intéressés aient à s'y référer, dès lors qu'ils n'y ont pas expressément ou clairement dérogé ».134 Emmanuel JOLIVET est du même avis lorsqu'il affirme que « l'usage est une habitude professionnelle d'origine concertée »135. Il ressort donc que pour être qualifiés d'usages, les comportements ou habitudes professionnelles doivent être anciens, leur application par les acteurs du commerce constante dans le temps et enfin, ils doivent s'imposer comme la solution la mieux adaptée aux besoins du commerce international136.

Selon YOUGONE Nicéphore137, les usages du commerce international sont classés en deux grandes catégories. La première regroupant les usages établis par les parties entre elles,

131 J-M. TCHAKOUA, « L'arbitrage et les investissements internationaux en Afrique noire francophone : un mot sur la compétence de l'arbitre », Rev. Juridis périodique, n°31, p.67.

132 F. OSMAN, Les principes généraux de la lex mercatoria, Contribution à l'étude d'un ordre juridique anational, Paris, LGDJ, 1992, pp. 338 à 346.

133 H. E. ERDEM, « The role of trade usages in ICC arbitration », in Liber Amicorum en l'honneur de Serge LAZAREFF, Paris, A. Pedone, 2011, p. 247 à 265, spéc. p. 250.

134 Sur cette définition v. note sous la décision de la C. Cass. 1ère Ch. Civ., du 22 octobre 1991, Compania Valenciana de Cementos Portland SA c/ Sté Primary Coal, Inc., JDI, 1992, p. 184. Cette définition a été aussi citée par E. JOLIVET, Les Incoterms, Etudes d'une norme du commerce international, Paris, Litec, 2003, p. 363. V. F. Y. NICEPHORE., op.cit., p.324.

135Op.cit., p. 361.

136V. H. E. ERDEM, op.cit., p. 249. F.Y. NICEPHORE, Ibid.

137Op.cit., p.325.

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c'est-à-dire les usages entre professionnels, et la seconde correspondant à celles qui excèdent le cercle des professionnelles du commerce pour s'appliquer de manière générale dans le monde entier et au transactions commerciales de toute nature. L'auteur démontre que la première catégorie d'usages peut être sectoriels ou corporatifs, c'est-à-dire limités à un type d'activité particulier et que Parmi ces usages, tandis que certains jouent un rôle précis dans la sécurisation des échanges commerciaux comme la présomption de compétence des opérateurs du commerce international, l'effectivité de la clause compromissoire et l'inopposabilité du défaut de pouvoir du négociateur du contrat. D'autres correspondent aux besoins de mutabilité dans les relations commerciales comme la présomption d'acquiescement à l'acte d'exécution différent de celui défini par le contrat et l'obligation de renégocier. La particularité de ces usages étant qu'ils constituent des normes impératives pour les opérateurs du commerce international.

Quant à la deuxième catégorie, on y retrouve le principe de bonne foi contractuelle ou l'interdiction de se contredire au détriment d'autrui et les obligations naissant d'une relation contractuelle, comme l'exécution de bonne foi, l'obligation de coopération et de renseignement entre autres. Dans tous les cas, institués pour garantir la stabilité, la cohérence et à la permanence des règles qui gouvernent les rapports entre les acteurs du commerce international, la lex mercatoria ou au sens large les usages du commerce international constituent un véritable ordre juridique à part entière qui peut être qualifié « d'ordre juridique mercatique »138.

À ce titre, l'OHADA n'est pas en reste. L'article 15 alinéa 1er AUA dispose : « le tribunal arbitral tranche le fond du différend conformément aux règles de droit choisies par les parties. À défaut de ce choix par les parties, le tribunal applique les règles de droit qu'il estime les plus appropriées en tenant compte, le cas échéant, des usages du commerce international ». De même, l'article 17 alinéa 2 du règlement d'arbitrage CCJA qui traite de la loi applicable au fond du litige dispose que « dans tous les cas, le tribunal arbitral tient compte des stipulations du contrat et des usages du commerce international ». Ainsi, dans un arbitrage ad hoc, lorsque les parties n'auront pas opté pour un droit spécifique, le tribunal arbitral pourra, en cas de nécessité, trancher au fond en prenant en compte la lex mercatoria.

138 V. A. PELLET, « La lex mercatoria « tiers ordre juridique » ? Remarques ingénues d'un internationaliste de droit public », in Souveraineté étatique et marchés internationaux à la fin du 20ème siècle A propos de 30 ans de recherche du CREDIMI, Mélanges en l'honneur de Philippe Kahn, Paris, Litec, 2000, pp. 53- 74, spéc., p. 69.

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Cette prise en compte est obligatoire dans l'arbitrage se tenant sous l'égide de la Cour. D'ailleurs, dans l'affaire Société ivoirienne (SIR) c/ BONA SHIPHOLDING, la Cour estima qu'a statué en droit l'arbitre qui s'est référé aux usages du commerce international dès lors que ceux-ci sont connus par les parties et appliqués de manière constante. Aussi, elle décida qu'en se référant aux usages du commerce dont l'existence n'était pas contestée par la requérante, le tribunal arbitral avait statué en droit ainsi qu'il en avait l'obligation, conformément au procès-verbal du 13 septembre 2004139. En pratique, Il pourra s'agir par exemple des usages codifiés par la CCI que sont les incoterms, des usages contenus dans la réglementation de la fédération du commerce des cacaos (FCC)140 ou encore des principes UNIDROIT qui, selon plusieurs acteurs, ne sont rien d'autre qu'une transcription écrite de la lex mercatoria au sens large141. Une telle prise en compte de la lex mercatoria dans l'arbitrage de l'OHADA traduit la volonté du législateur africain de garantir aux acteurs économiques surtout internationaux stabilité, prévisibilité, lisibilité, cohérence et permanence de la règle de droit dans le commerce international. Dans tous les cas, le rôle de la lex mercatoria dans la sécurisation juridique des activités économiques est surtout perceptible dans le fait que les arbitres les utilisent soit pour combler les lacunes des lois nationales, soit pour interpréter le contrat des parties142.

139 CCJA, Arrêt n°029/2007 du 19 Juillet 2007, affaire Société ivoirienne de raffinage dite SIR SA contre 1°/ BONA SHIPHOLDING Ltd, 2°/ Monsieur ATLE LEXEROD, 3°/TEEKAY SHIPPING NORWAY AS, 4°/TEEKAY SHIPPIND CANADA Ltd, 5°/STANDARD STEAMSHIP OWNER'S PROTECTION AND INDEMNITY ASSOCIATION Ltd., RTDA, n°867, pp. 226 et s.

140 V. F.N. YOUGONE, op.cit., p. 331.

141 Ibid., p.362.

142Ibid., V. A. PRUJINER, « Comment utiliser les Principes d'Unidroit dans la pratique contractuelle ? », Revue Juridique Thémis, 2002, n°36-2, p. 567 ou l'auteur affirme que « (...) les Principes d'Unidroit se présentent comme une traduction de la lex mercatoria ». V. aussi A.-M. TRAHAN, op.cit., p. 631 où elle cite M. J. BONELL et L. DA GAMA E SOUZA Jr., comme étant des partisans de la consécration des Principes comme l'expression d'une nouvelle lex mercatoria. A contrario, L. MARQUIS, op.cit., p. 554 est plus prudent quant à la qualification des Principes, il préfère y voir une sorte de conscience du monde des affaires (un modus vivendi) plutôt que de la lex mercatoria.

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CONCLUSION DU CHAPITRE I

La sécurité juridique peut être présentée comme une condition essentielle du développement durable. Ainsi, si l'arbitrage occupe de plus en plus une place particulière dans le monde des affaires, c'est parce qu'il représente une des garanties les plus sures de sécurisation des activités économiques. Voilà pourquoi le législateur africain a tenu à en faire le mode par excellence de règlement des différends d'ordre contractuel dans l'espace OHADA. On peut donc observer à travers les textes communautaires143 une contribution de l'arbitrage à la sécurité juridique des activités économiques dans les États parties. Cette observation peut se faire à trois niveaux.

Tout d'abord, un regard jeté vers l'histoire politique et juridique des États qui forment aujourd'hui l'OHADA révèle que l'érection d'un droit supranational de l'arbitrage a permis de garantir non seulement l'existence d'un droit accessible au double plan substantiel et matériel, mais également prévisible et stable.

En outre, la contribution à la sécurité juridique s'entrevoit à travers l'originalité de l'arbitrage OHADA. Une originalité traduite par la consécration et l'encadrement du principe l'unité du régime juridique qui permet de faciliter la mise en oeuvre des procédures arbitrales dans l'espace communautaire.

Enfin, à travers l'extension de l'arbitrabilité subjective aux personnes morales de droit public et la prise en compte de la lex mercatoria, le système d'arbitrage OHADA fait preuve d'un modernisme remarquable. Un modernisme qui participe à la sécurité juridique dans la mesure où, tout en favorisant l'adaptation de l'arbitrage communautaire aux réalités du commerce international, il permet d'assurer la cohérence, la stabilité et la prévisibilité des règles applicables en matière d'arbitrage, le tout au bénéfice des acteurs du commerce interne et à ceux du commerce international. Cependant, si la sécrétion des règles de droit favorables à la sécurité juridique est d'une nécessité indéniable pour le développement économique, il reste encore à les mettre correctement en oeuvre lorsqu'un litige se présente. Ce qui pose le problème de la manière dont la justice est rendue et donc de la sécurité judiciaire.

143 Traité OHADA, AUA, RA/ CCJA.

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Quid de la contribution de l'arbitrage OHADA à la sécurité judiciaire des activités économiques dans l'espace juridique intégré ?

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UNE CONTRIBUTION PERCEPTIBLE DE L'ARBITRAGE OHADA A LA SÉCURITÉ JUDICIAIRE

CHAPITRE II

Selon le Docteur TAMKAM SILATCHOM Guy Armel, « Dans un espace de liberté, la disparité des juridictions ne peut qu'encourager la préférence des investisseurs pour le mode arbitral de règlement de différend. D'une manière générale, on observe que les procédures judiciaires nationales ne conviennent pas au règlement du contentieux de l'investissement international »144. Cette affirmation traduit la vérité de la Palice que les systèmes judiciaires des États de l'Afrique subsaharienne présentent de nombreuses défaillances. Dans la majeure partie des cas, on y constate le délabrement de l'appareil judiciaire, l'absence de célérité dans le rendu des décisions de justice, la dépendance et la partialité des magistrats, la corruption de ces derniers, voire l'insuffisance de leur formation, qui les rend incapables à s'acclimater aux questions parfois économiques ou financières qui caractérisent très souvent les litiges commerciaux145. De tels problèmes constituent inévitablement un facteur majeur de dégradation du climat des affaires en Afrique ; étant donné que l'attractivité d'un État procède en grande partie de la confiance que les opérateurs économiques ont à l'égard de la justice dudit État. C'est dire que l'amélioration du climat des affaires dépend largement de la bonne marche de la justice, de la manière dont elle est rendue et de sa capacité à garantir une sécurité maximale aux investisseurs. À ce titre d'ailleurs, le Professeur Roger MASSAMBA écrivait que « l'amélioration du climat des investissements est largement tributaire de la bonne marche de la justice, c'est-à-dire d'une justice crédible, équitable, capable de dire le droit avec compétence et de sécuriser les justiciables »146. Tel n'étant pas le cas dans les État africains, l'OHADA s'est fixé comme objectif l'encouragement au recours à l'arbitrage pour le règlement des litiges d'ordre contractuel. Aussi, s'est-il doté d'un système d'arbitrage communautaire, en vue de renforcer la confiance des investisseurs tant locaux qu'étrangers et d'améliorer significativement le climat des

144 G. A. TAMKAM SILATCHOM, La contribution de l'arbitrage à la promotion des investissements : étude comparée des systèmes d'arbitrage de la Cour Commune de Justice et d'Arbitrage (CCJA) et du Centre International pour le règlement des différends relatifs aux investissements (CIRDI), Thèse, Université de Yaoundé II, 2015, p. 5.

145 R. MASSAMBA, op.cit., p.143. 146Ibid., p.140.

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affaires dans l'espace juridique intégré. On peut donc observer la contribution de l'arbitrage OHADA à la sécurité judiciaire à travers la célébration de l'autonomie de la volonté (Section 1), l'exigence des principes directeurs d'une bonne justice (Section 2) et l'assistance du juge d'appui (Section 3) qui permettent de prévenir certaines incertitudes judicaires, de garantir des procès justes et équitables aux acteurs économiques, ainsi que l'efficacité de ce mécanisme de règlement des différends dans l'espace OHADA.

Section 1 : La célébration de l'autonomie de la volonté, une source de
prévention des incertitudes judiciaires nuisibles aux droits économiques des

parties

L'arbitrage est un mécanisme de règlement des différends fortement marqué par l'autonomie de la volonté. Cette prééminence se justifie par le fait que dans sa nature, avant d'être juridictionnel l'arbitrage est contractuel. Ainsi, dans cette matière, la volonté des parties représente la clé de voute. Elle constitue la seule base du processus arbitral, de telle sorte que le pouvoir d'un tribunal arbitral ne doit provenir que d'une référence consensuelle147. Il s'agit d'une justice privée dont l'existence est fondée sur l'expression du consentement (Paragraphe 1), qui permet aux parties de définir librement les modalités de leur arbitrage (Paragraphe 2).

Paragraphe 1 : L'expression du consentement à l'arbitrage

Avant de recourir à l'arbitrage, les parties doivent l'avoir préalablement voulu. Selon l'article 3 du nouvel AUA148, « l'arbitrage peut être fondé sur une convention d'arbitrage ou sur un instrument relatif aux investissements, notamment un code des investissements ou un traité bilatéral ou multilatéral relatif aux investissements ». Il ressort qu'en droit OHADA, le consentement à l'arbitrage s'exprime soit par une convention d'arbitrage (A), soit par référence à un instrument relatif aux investissements (B).

147 J. RUBELLIN-DEVICHI, « De l'effectivité de la clause compromissoire en cas de pluralité de défendeurs ou d'appel en garantie dans la jurisprudence récente », Rev. Arb., 1981, pp.29-30. A. MANIRABONA, « Extension de la convention d'arbitrage aux non-signataires en arbitrage impliquant les sociétés en groupement », R.D.U.S, no38, 2008, p.545.

148 Relativement au consentement à l'arbitrage, il s'agit d'une innovation, étant entendu que dans l'ancien AUA de 1999, l'art 3 se contentait uniquement de règlementer la forme de la convention d'arbitrage en les termes suivant : « la convention d'arbitrage doit être faite par écrit ou par tout autre moyen permettant d'en administrer la preuve, notamment par la référence faite à un document la stipulant ».

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A. La convention d'arbitrage

En matière arbitrale, le caractère conventionnel est si fondamental que l'arbitre tire toute sa légitimité dans la volonté des parties149. Ainsi, tandis que le règlement d'arbitrage de la CCJA150 se contente uniquement de faire référence à la convention d'arbitrage sans la définir, l'article 3-1 alinéa 1 NAUA stipule que « la convention d'arbitrage prend la forme d'une clause compromissoire ou d'un compromis ». Les alinéas 2 et 3 de la même disposition procèdent à la définition de la clause compromissoire et du compromis, aussi entendent-elles la première comme étant « la convention par laquelle les parties s'engagent à soumettre à l'arbitrage les différends pouvant naitre ou résulter d'un rapport d'ordre contractuel », et la seconde comme « une convention par laquelle les parties à un différend déjà né conviennent de le régler par la voie de l'arbitrage ». C'est dire que la convention d'arbitrage est un contrat par lequel les parties acceptent de soumettre leur litige à la compétence d'un tribunal arbitral et qu'en tout état de cause, cette convention se matérialise soit par une clause compromissoire, soit d'un compromis. L'une s'élaborant avant la survenance du litige au moment de la rédaction du contrat, l'autre après la survenance du litige151.

Lorsqu'elle est contenue dans un contrat, la convention d'arbitrage jouit de l'autonomie. Elle est à ce titre indépendante dudit contrat. Sa validité ne saurait donc être affectée par la nullité de ce dernier et son appréciation se fait d'après la commune volonté des parties sans référence nécessaire à un droit étatique152. Le principe de l'autonomie a pour objet d'immuniser la convention d'arbitrage contre toutes causes d'invalidité susceptibles d'emporter l'annulation du contrat initial153.

Entant que contrat, la convention d'arbitrage doit réunir toutes les conditions de fond et de forme pour sa validité. S'agissant de la forme, le législateur OHADA est libéral et n'impose aucun formalisme particulier. D'ailleurs, l'article 3-1 alinéa 4 se contente de dire que « la convention d'arbitrage doit être faite par écrit ou par tout autre moyen permettant d'en administrer la preuve, notamment par la référence faite à un document la stipulant ». Il apparait donc que l'écrit est la forme souhaitée mais pas imposée par le législateur, les parties pouvant opter pour tout autre moyen dont ils seront en mesure d'apporter la preuve. Ils

149 A. MANIRABONA, op.cit., pp. 544-545.

150 Voir L'art 2.1 du nouveau règlement d'arbitrage de la CCJA.

151 P. MEYER, op.cit., p.8.

152 V. Art 4 AUA.

153 P. MEYER, op.cit.

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pourront donc faire référence à un document la stipulant à la condition que la partie à laquelle on l'oppose au moment du contentieux ait eu la possibilité de la connaitre et de l'accepter, fut-ce par son silence lors de la conclusion du contrat154. Dans l'affaire ATLANTIQUE TELECOM S.A/ PLANOR AFRIQUE S.A et TELECEL FASO S.A, La CCJA a eu l'occasion de se prononcer sur la validité de la clause compromissoire par référence en ces termes : « il est de principe qu'en matière d'arbitrage international, la clause compromissoire par référence écrite à un document qui la contient est valable, à défaut de mention dans la convention principale, lorsque la partie à laquelle la clause compromissoire est opposée a eu connaissance de la teneur de ce document au moment de la conclusion du contrat et quelle a accepté l'incorporation du document au contrat. En l'espèce, la Cour d'appel de Ouagadougou après avoir examiné les diverses transactions intervenues entre les parties, a, souverainement relevé, par décision motivée, que la clause d'arbitrage contenue dans le pacte d'actionnaire du 10 février 2004 n'est pas opposable à PLANOR AFRIQUE, parce qu'il ne ressort nulle part du dossier, qu'elle ait eu la connaissance de ladite clause et qu'elle ait manifesté la volonté d'être lié par la convention d'arbitrage. Il suit que, le moyen n'est pas fondé et doit être rejeté »155.

Dans la pratique, la liberté octroyée aux parties relativement à la forme de la convention d'arbitrage est souvent source de difficulté quant à l'établissement de la preuve non écrite. Dans une affaire opposant le sieur NGANDO BEBEY à la société AXA Assurance SA156, un tribunal arbitral c'était déclaré incompétent, motif pris de ce qu'« En l'absence de l'acceptation par toutes les parties, l'aspect consensuel qui caractérise toute convention d'arbitrage fait défaut et elle est inexistante ; sans convention d'arbitrage de laquelle les arbitres tirent leurs pouvoirs juridictionnels, il y a lieu de se déclarer incompétent ». Il est donc recommandé de recourir, pour plus de sécurité, à la forme écrite.

Lorsque toutes les conditions de validité sont remplies, la convention d'arbitrage a pour effet d'emporter la compétence du tribunal arbitral et à contrario l'incompétence des juridictions étatiques. En droit OHADA, deux situations sont susceptibles de se présenter,

154 P. MOUSSERON, E. GAILLARD, « La jurisprudence de la Cour de cassation en matière d'arbitrage international », Article publié sur www.courdecassation.fr, site consulté le 16 Août 2018 à 16H05, p.6.

155 CCJA, Arrêt no 041/2010 du 10 juin 2010, Affaire ATLANTIQUE TELECOM contre PLANOR AFRIQUE SA ET TELECEL FASO SA, recueil de jurisprudence no 15, Janvier-Juin 2010, p.99. Ohadata J-12-30 ; V. eg. J. ISSA-SAYEGH, Répertoire OHADA jurisprudence et bibliographie, 2012, Publié par l'UNIDA, p.9.

156 Sentence partielle du 20 octobre 2004, affaire NGANDO BEBEY c/SOCIETE AXA Assurances. Rev. Arb., no26-Juillet-AOUT-Septembre 2004, p.3, note R. SOCKENG Ohadata J-08-165. V. ég. J. ISSA-SAYEGH, Répertoire OHADA Jurisprudence et Bibliographie, 2006-2010, publié par l'UNIDA, p. 20.

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notamment celle dans laquelle le tribunal arbitral a déjà été saisi en vertu d'une convention d'arbitrage et celle contraire c'est-à-dire lorsque le tribunal arbitral n'a pas encore été saisi.

Pour la première hypothèse, l'article 13 alinéa 1 AUA dispose que « lorsqu'un différend faisant l'objet d'une procédure arbitrale en vertu d'une convention d'arbitrage est porté devant une juridiction étatique, celle-ci doit, si l'une des parties en fait la demande, se déclarer incompétente ». S'agissant de la seconde hypothèse, l'alinéa 2 du même article dispose que « si le tribunal arbitral n'est pas encore saisi ou si aucune demande d'arbitrage n'a été formulée, la juridiction étatique doit également se déclarer incompétente à moins que la convention d'arbitrage soit manifestement nulle ou manifestement inapplicable en l'espèce ».Toutefois, une telle déclaration d'incompétence ne saurait être relevée d'office, l'une des parties ayant l'obligation de décliner la compétence de la juridiction étatique157.

Dans la pratique, il arrive des cas ou une partie désirant se dérober de la procédure arbitrale saisit le juge étatique arguant par exemple de l'incompétence de la juridiction arbitrale. C'est donc en vue de protéger le consentement à l'arbitrage que le législateur africain a consacré le principe compétence- compétence, dont l'effet est à la fois positif et négatif. Le premier permettant à l'arbitre de connaitre des litiges qui rentrent dans le champ d'application de la convention d'arbitrage. Le second interdit aux juridictions étatiques de se prononcer sur ces mêmes litiges158. En effet, d'après l'article 11 alinéa 1 AUA « le tribunal arbitral est seul compétent pour statuer sur sa propre compétence, y compris sur toute demande relative à l'existence ou à la validité de la convention d'arbitrage ». Le règlement d'arbitrage de la CCJA énonce également ce principe159 de telle sorte qu'il apparait qu'en droit OHADA de l'arbitrage toute demande qui tient à la compétence des arbitres ne peut être tranchée que par le tribunal arbitral. Toutefois, la juridiction étatique pourra se déclarer compétente en cas de nullité manifeste de la convention d'arbitrage et si la juridiction arbitrale n'a pas encore été saisie. Ainsi, dès que les parties ont clairement et régulièrement exprimée leur volonté de recourir à l'arbitrage en cas de survenance d'un litige relatif au contrat qui les lie, le juge étatique est tenu de se déclarer incompétent si une partie le lui

157 Voir article 13 al. 3 du nouvel AUA.

158 E. GAILLARD, « L'effet négatif du principe compétence- compétence », in Étude de procédure et d'arbitrage en l'honneur de Jean-François POUDRET, Lausanne, 1999, p. 387.

159 L'art 10.3 dispose que « Lorsqu'une partie soulève un ou plusieurs moyens relatifs à l'existence, à la validité ou à la portée de la convention d'arbitrage (...) il appartiendra au tribunal de prendre toutes décisions sur sa propre compétence ». Selon l'art 10.4 « le tribunal arbitral est seul compétent pour statuer sur sa propre compétence ainsi que sur la recevabilité de la demande d'arbitrage ».

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demande. C'est dire que la convention d'arbitrage a une force qui s'impose non seulement aux juges étatiques, mais également aux parties160. Dans l'affaire Société CELTEL c/Société Générale d'électricité ferroviaire du Congo (SOGEFCO) SA161, la cour d'appel de Pointe-Noire a rappelé cette règle, aussi a-t-elle jugé que « le fait de rompre un contrat ne peut en soi, à défaut de manifestation de volonté non équivoque en ce sens, caractériser une renonciation tacite à une convention d'arbitrage (...)

En l'espèce, les parties ont convenues dans leur contrat de prestation de services d'une clause compromissoire aux termes de laquelle toutes contestations nées de l'interprétation ou de l'exécution du contrat seront soumises à l'arbitrage institutionnel de la CCJA et conformément au règlement d'arbitrage de cette Cour. Or, il n'a pas été argué de la nullité manifeste de cette convention d'arbitrage.

En retenant plutôt que les parties avaient de leur propre gré renoncé à la convention d'arbitrage et que le tribunal était compétent, les premiers juge ont mal interprétés la volonté clairement exprimée de la partie défenderesse qui avait, in limine litis, demandé au juge étatique de se déclarer incompétent en raison de l'existence de la convention d'arbitrage. Ils ont ainsi violé outre la convention des parties, les termes de l'article 1134 du code civil et 13 alinéa 2 AUA.

Il y a lieu donc d'annuler en toutes ses dispositions le jugement attaqué, et de se déclarer incompétent en application de l'article 13, alinéa 2 AUA précité ».

En tout état de cause, la convention d'arbitrage n'est rien d'autre que la matérialisation de l'expression du consentement à l'arbitrage, mieux encore de la volonté de recourir à une justice alternative plus sécurisante par les parties à un contrat d'affaire.

160 R. SOCKENG, « Les effets de la convention d'arbitrage en droit camerounais », Rev. Cam. Arb., no4, Janvier-Février-Mars, 1999, p.11.

161 Cour d'Appel de Pointe-Noire, Arrêt no046 du 07 Novembre 2008, Société CELTEL c/Société Générale d'électricité ferroviaire du Congo (SOGEFCO) SA., Ohadata J-13-76 ; V. J. ISSA-SAYEGH, Répertoire OHADA Jurisprudence et Bibliographie, 2013, publié par l'UNIDA, pp.13-14.

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B. Le consentement à l'arbitrage par référence à un document relatif aux investissements

Comme précédemment indiqué162, le consentement constitue la pierre angulaire de l'arbitrage. Selon le législateur africain, s'il n'est pas directement exprimé dans une convention d'arbitrage, il peut l'être à travers un instrument relatif aux investissements notamment un code d'investissement ou un traité bilatéral ou multilatéral163. À ce sujet, il faut dire qu'il s'agit d'une innovation, car même s'il reste vrai que plusieurs législations africaines prévoyaient déjà la possibilité de recourir à l'arbitrage via un code d'investissement ou un traité164, une telle possibilité n'était pas prévue par le législateur OHADA de 1999 en matière d'arbitrage. La consécration de la possibilité de recourir à l'arbitrage par le biais d'un instrument relatif aux investissements vient donc à point nommé pour renforcer l'objectif de l'OHADA qui est de stimuler l'activité économique et de faire de l'espace communautaire un pôle de développement par l'investissement.

En effet, en vue de favoriser le développement des pays africains, il était nécessaire de créer des conditions favorables à l'attraction des capitaux étrangers. Il fallait promouvoir les investissements et, pour cela, donner confiance aux investisseurs en sécurisant leurs apports. C'est dire l'urgence qui était de mettre à la disposition des opérateurs économique, un mécanisme fiable de règlement des différends. Voilà pourquoi plusieurs pays de l'OHADA ont inséré dans leur code d'investissement des dispositions permettant aux investisseurs de recourir à l'arbitrage lorsque leurs intérêts seraient menacés. Au Cameroun par exemple, l'article 45 alinéa 1 du code des investissements prévoit que « les entreprises agréées ont le droit de demander à ce que leurs différends qui n'auraient pas pu être résolus à l'amiable avec l'État, relatif à la validation et à l'interprétation de l'acte d'agrément, au non- respect des garanties prévus par le Titre II ci-dessus et au non-respect des engagements implicites dans les objectifs du programme d'investissement qui ont été déterminé pour l'éligibilité à l'un des régimes du Titre III ci-dessus, soient définitivement réglés conformément aux procédures d'arbitrage et de conciliation découlant :

- Soit d'une procédure de conciliation et d'arbitrage dont les parties sont expressément convenues,

162 V. supra, p.37. 163V. art.3 AUA. 164 V. à titre d'exemple le Code des investissements camerounais en son article 45 et celui de la Cote d'ivoire en son article 20.

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- Soit des accords et traités relatifs à la protection des investissements conclus entre l'État du Cameroun et l'État de la personne physique ou morale concernée dans l'entreprise agréée en qualité d'investisseur est ressortissante (...) ».

En côte d'ivoire, l'article 20 alinéa 2 de l'ordonnance No2012-487 du 07 juin 2012 portant code des investissements dispose que : « Tout différend ou litige entre les personnes physiques ou morales étrangères et la République de Côte d'ivoire relatif à l'application du présent Code, à défaut d'un règlement amiable, est réglé par les juridictions ivoiriennes ou par un tribunal arbitral (...) ».

La consécration par le droit OHADA de la possibilité de fonder l'arbitrage sur un code d'investissement permet désormais que même en l'absence d'une convention d'arbitrage, l'investisseur puisse déclencher une procédure d'arbitrage contre une personne morale de droit public des lors que les droits violés sont protégés par un code d'investissement qui prévoit le recours à une telle procédure pour régler le différend.

S'agissant du traité, l'arbitrage d'investissement connaît depuis plusieurs années une évolution remarquable due à la multiplication des traités bilatéraux ou multilatéraux qui garantissent l'investissement, interdisent l'expropriation sans indemnité, et prévoient la possibilité pour tout investisseur d'instaurer un arbitrage contre l'État hôte165. Ces traités d'investissement sont cruciaux, étant entendu qu'ils permettent de rétablir l'équilibre entre l'investisseur et l'État hôte166. En effet, comme l'a démontré Prosper WEIL167, l'investisseur étranger dans sa relation contractuelle avec l'État est soumis à deux formes « d'aléas de souveraineté » à savoir « l'aléa de puissance publique »et « l'aléa législatif ».

« L'aléa de puissance publique » consiste à l'exercice par l'État de la faculté de modifier unilatéralement certaines dispositions du contrat voire, de le résilier168. S'agissant de « l'aléa législatif », il consiste dans le fait que l'État puisse modifier sa législation en cours d'exécution du contrat, ce qui causerait un grave préjudice à son cocontractant qui aura tout

165V. G. KAUFMANN-KOHLER, « L'arbitrage d'investissement : entre contrat et traité - entre intérêts privés et intérêt public », Texte d'une conférence prononcée le 24 juin 2004 au Centre libanais d'arbitrage à Beyrouth, www.lk-k.com, consulté le 10 Septembre 2018 à 20h15, p. 6.

166 V. compte rendu de la Journée d'études Conventions sur le thème « L'arbitrage relatif aux investissements : Nouvelles dynamiques internationales », 4 mars 2011, p. 3.

167 P. WEIL, « Les clauses de stabilisation ou d'intangibilités insérées dans les accords de développement économique », Mélanges offert à Ch. ROUSSEAU, Paris, A. Pedonne, 1974. V. ég. G. Van HECK, « Les enseignements du droit interne » in Les contrats entre Etats et personnes privées étrangères, par F. A. MANN, L. SEIDL-HOHENVELDERN, P. LALIVE, G. Van HECKE, RBDI, 1975, p.580.

168 G. Van HECK, Ibid.

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intérêt à aller vers l'arbitrage plutôt que, d'avoir recours en la justice de l'État. Une justice vis-à-vis de laquelle il n'exprime aucune confiance. Ainsi, dès lors qu'un traité auquel ledit État est parti prévoit le recours à l'arbitrage, l'investisseur pourra mettre en oeuvre une procédure arbitrale contre l'État hôte bien que, le contrat de base ne comportant pas une clause compromissoire169 . Dans un tel contexte, la jurisprudence internationale considère que la disposition du traité prévoyant le recours à l'arbitrage constitue l'offre d'arbitrer exprimée par l'État170. Quant à l'investisseur, il exprime son consentement par le dépôt de la demande d'arbitrage. Ainsi, pour reprendre le Professeur Gabrielle KAUFMANN-KOHLER, « Si la construction contractuelle du consentement est sauvegardée, en tous cas en apparence, il est indéniable que nous nous éloignons ici considérablement du fondement consensuel classique de l'arbitrage commercial »171.

En droit OHADA, depuis le nouvel Acte uniforme relatif à de 2017, le traité constitue désormais un fondement de l'arbitrage. Comme le prévoit l'article 3 NAUA, « l'arbitrage peut être fondé (...) sur un instrument relatif aux investissements, notamment (...) un traité bilatéral ou multilatéral relatif aux investissements ». Ainsi, lorsqu'un traité relatif aux investissements autorise de recourir à l'arbitrage en cas de survenance d'un litige entre un entrepreneur privé et l'État hôte, l'entrepreneur privé pourra s'en prévaloir pour mettre en oeuvre une procédure arbitrale CCJA ou régie par l'AUA172, dès lors que l'État hôte et le sien sont parties audit traité à défaut d'existence d'une clause compromissoire ou d'un compromis. De ce fait, comme en matière international le consentement de l'État hôte sera matérialisé par « l'offre d'arbitrer » découlant de la ratification du traité, tandis que celui de l'investisseur se traduira par la demande d'arbitrage adressée au secrétariat de la CCJA, à son cocontractant pour un arbitrage ad hoc ou au secrétariat de l'institution privée étatique d'arbitrage.

En définitive, le consentement à l'arbitrage constitue le premier pan de l'autonomie de la volonté qui caractérise l'arbitrage en général et celui de l'OHADA en particulier. Représentant une source de sécurité judiciaire, il se traduit en droit OHADA par la convention

169 PSEG Global Inc., The North American Coal Corporation, and Konya Ilgin Elektrik Üretim ve Ticaret Limited Sirketi v. Republic of Turkey. La décision sur compétence a été rendue le 4 juin 2004 et est publiée in International Law in Brief, www.asil.org/ilib/psegdecision.pdf.

170 Not. Asian Agricultural Products Ltd v. Democratic Socialist Republic of Sri Lanka, ICSID reports, vol. 4, pp. 246ss, no. 2; American Manufacturing & Trading, Inc. v. Zaire, ICSID Reports, vol. 5, pp. 11 ss, nos. 5.19ss. Sur ce sujet, voir aussi Schreuer, op. cit. Note 1, pp. 210ss, nos. 285ss; G. KAUFMANN-KOHLER, op.cit., p. 9.

171 G. KAUFMANN-KOHLER, Ibid.

172 La partie désirant mettre en oeuvre une procédure d'arbitrage OHADA sur la base d'un traité devra le faire conformément à l'article 1er AUA ou à l'article 2.1 RA/ CCJA.

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d'arbitrage ou par la référence à un code d'investissement, un traité bilatéral ou multilatéral relatif aux investissements. Il permet aux parties à un différend économique d'avoir recours à une justice plus sécurisante dans laquelle elles exercent un contrôle et disposent par ricochet de la faculté de contribuer activement à la fabrication de leur décision de justice, dès lors qu'elles ont en toute régularité173 opéré le choix de s'affranchir des juridictions étatiques. Ainsi, à travers la convention d'arbitrage, les parties disposent de la faculté d'aménager librement leur arbitrage et de se prémunir en conséquence des éventuelles péripéties susceptibles de nuirent à leurs activités.

Paragraphe 2 : La libre détermination des modalités de l'arbitrage

Le consentement confère aux parties d'énormes libertés qui leurs permettent de se prémunir des éventuels vices procéduraux susceptibles d'entraver leurs intérêts. Ainsi, lorsqu'elles auront opté pour le recours à l'arbitrage, leur volonté sera prépondérante dans l'organisation de la procédure arbitrale (A) procédure dont elles pourront librement décider du sort (B).

A. La prégnance de la volonté des parties dans l'organisation de la procédure arbitrale

En matière arbitrale, le législateur africain a hissé la volonté des parties au-dessus de tout, de telle sorte qu'on puisse voire en la puissance de la volonté une source de sécurité judiciaire. Ainsi, en constituant librement leur tribunal, en déterminant le droit applicable au litige, en fixant les missions du tribunal arbitral, la durée de la procédure ou encore en se prononçant sur l'exercice des voies de recours contre la sentence, les parties posent elles-mêmes les conditions favorables à la sécurité de leurs intérêts.

Tout d'abord, s'agissant de la constitution du tribunal arbitral, les parties fixent librement le nombre d'arbitres dans les conditions prévues à l'AUA174. Elles pourront donc choisir l'arbitrage à un arbitre ou l'arbitrage collégial à trois. En cas d'arbitrage par trois, chaque partie désignera un arbitre et le troisième sera nommé par les deux arbitres choisis. Dans le cas d'un arbitrage par un seul arbitre, ce dernier est désigné en principe par les parties

173 La régularité ici tient des conditions de formation d'un contrat, de l'arbitrabilité du litige ou encore de l'absence d'inapplicabilité manifeste de la clause compromissoire.

174 V. art. 5 AUA.

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d'un commun accord175. Si les parties ont prévues un tribunal composé de deux arbitres, le troisième arbitre sera nommé d'un commun accord par les parties. À défaut d'accord des parties sur la désignation du troisième arbitre, cette désignation sera faite par les deux arbitres précédemment choisis et cas de mésentente de ces derniers par le juge compétent de l'État partie176 . Le législateur africain a placé la désignation des arbitres sous l'emprise de la volonté des parties, de sorte que ceux-ci soient nommés, remplacés ou révoqués conformément à leur convention177. Cette règle s'applique tant aux arbitrages ad hoc que pour les arbitrages institutionnels dont la volonté des parties s'exprime dans le choix de l'institution et donc de son règlement178. Dans le cadre de l'arbitrage autonome CCJA, conformément à l'article 10 alinéa 1 AUA179, les parties opéreront leur choix sur la liste des arbitres établies par la Cour180.

Il ressort donc que l'arbitre est un juge choisi par les parties et que ce choix est la traduction de la confiance qu'ils expriment à son égard. Dans leur choix, les parties seront certainement guidées par les compétences professionnelles de l'arbitre, notamment son expérience et sa maitrise des questions qui fondent le litige, par ses qualités personnelles à savoir la bonne moralité, l'éthique ou encore par sa réputation181. La faculté de choisir librement son arbitre apparait donc comme un gage de sécurité judiciaire que procure l'arbitrage OHADA aux investisseurs.

En outre, la volonté des parties est prééminente en ce qui concerne la détermination du droit applicable au litige. Le système d'arbitrage OHADA leur permet de choisir en toute liberté le droit applicable tant à la procédure arbitrale qu'au fond du litige182.

S'agissant de la détermination de la loi applicable à la procédure, l'article 14 alinéa 1 AUA dispose : « les parties peuvent, directement ou par référence à un règlement d'arbitrage, régler la procédure arbitrale. Elles peuvent aussi soumettre celle-ci à la loi de procédure de leur choix ». Ainsi, les parties ont trois options. Premièrement, elles peuvent

175 V. art.6 AUA.

176 V. art.6 alinéa 2 et 3 AUA.

177 V. art. 6 alinéa 1 AUA.

178 P-G. POUGOUE, J-M. TCHAKOUA, « Arbitrage selon l'Acte uniforme relatif au droit de l'arbitrage », in Encyclopédie du droit OHADA, P-G. POUGOUE (Dir.), Lamy, 2011, p. 239.

179 Cet article dispose que « le fait pour les parties de s'en remettre à un organisme d'arbitrage les engagent à appliquer le règlement d'arbitrage de cet organisme, sauf pour les parties à en écarter expressément certaines dispositions, en accord avec ledit organisme ».

180V. art. 3.2 RA/CCJA.

181 F. Y. NICEPHORE, op.cit. pp. 192-197.

182V. art 15 al. 1 AUA et 17 al. 1 RA/CCJA.

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régler directement la procédure arbitrale en rédigeant l'ensemble des dispositions relatives à l'introduction, à l'instruction et au jugement de l'affaire ; il s'agira en quelque sorte d'élaborer un « code de procédure arbitrale »183. Toutefois, bien que cette possibilité soit séduisante, elle peut s'avérer dangereuse étant entendu que les parties ne sont pas très souvent des juristes. De ce fait, elles peuvent oublier de ressortir certaines dispositions pertinentes ou encore faire preuve de maladresse dans l'élaboration des règles de procédure184.

Deuxièmement, les parties peuvent soumettre la procédure à un règlement d'arbitrage de leur choix. Dans ce cas, la prééminence de leur volonté se traduit par la décision de recourir audit règlement.

Troisièmement enfin, les parties peuvent soumettre la procédure arbitrale à une loi de procédure étatique. Celles-ci étant d'ordinaire exhaustives et cohérentes, un tel choix aura pour avantage de mettre les parties à l'abri des incohérences et de l'oubli185.

S'agissant du droit applicable au fond du litige, conformément aux règles posées par le droit international privé186, cette question ne se pose pas dans un arbitrage purement interne, c'est-à-dire celui dont tous les éléments sont situés dans un seul État de l'OHADA. En revanche, lorsque le différend présente un élément d'extranéité, les parties sont libres de choisir le droit qui devra s'appliquer au fond. Très souvent, lorsque le contrat présente un élément d'extranéité, les parties recherchent le droit qui sécurisera le mieux leur transaction. Cette faculté leur est donc reconnue en droit OHADA. Dès lors, elles pourront librement opérer leur choix en cas d'internationalité du litige.

De plus, la prégnance de la volonté des parties se traduit par la libre fixation de la mission des arbitres. Les parties peuvent ainsi demander au tribunal arbitral de statuer en droit ou leur attribuer les pouvoirs d'amiable compositeur187. Selon Emmanuel PUTMAN, lorsque les parties ont confiées à l'arbitre la mission de statuer en droit, « il n'y a pas de difficultés relatives à son pouvoir quant aux règles de droit : il doit les appliquer. Il ne peut d'ailleurs pas usurper des pouvoirs d'amiable compositeur et statuer en équité, lorsqu'il n'a reçu pour

183 P-G. POUGOUE, J-M. TCHAKOUA, op.cit., p. 262.

184 Ibid.

185 Ibid., pp.262-263.

186 En droit international privé, la question de la règle de conflit ne se pose pas en matière interne. Dès lors dans un conflit qui ne présente aucun élément d'extranéité, l'option d'un droit autre que celui de l'État dont les parties sont issues constitue une fraude à la loi qui sera sanctionnée par son éviction, motif pris de ce qu'elle serait contraire à l'ordre public international.

187 V. art.15 al.2 AUA.

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mission que de statuer en droit »188. L'arbitre statuant en droit est donc tenu de se conformer à la règle de droit, il doit l'appliquer de manière stricte. Ne pas le faire serait outre passer sa mission et exposer sa sentence à l'annulation. Tel est la position adoptée par la CCJA dans l'affaire Société Nestlé Sahel contre Société commerciale d'importation AZAR et SALAME, dite (SCIMAS)189.

En l'espèce, le tribunal avait reçu des parties mission de statuer en droit et donc d'appliquer le Droit ivoirien, mission qu'il avait outrepassé en statuant en équité, ce qui a conduisit à l'annulation de la sentence, la Cour estimant que le tribunal ayant jugé en équité alors qu'il n'avait pas reçu des parties, le pouvoir de statuer en amiable compositeur.

En revanche, lorsque l'arbitre a reçu des parties les pouvoirs d'amiable compositeur, il est autorisé à statuer « ex aequo et bono », c'est-à-dire en conscience ou selon son savoir et entendement, il peut donc statuer en équité190. Le pouvoir de statuer en équité ne signifie pas que l'arbitre est tenu de faire abstraction du droit lorsqu'il tranche l'affaire. Il s'agit plutôt d'un pouvoir qui lui permet de prendre en compte les circonstances particulières qui caractérisent le litige afin d'établir un équilibre entre les parties. L'équité ne s'opposant pas au droit, l'arbitre amiable compositeur pourra rechercher la solution dans le droit s'il juge la démarche utile. La Cour d'arbitrage de la CCI a d'ailleurs rappelé cette règle en jugeant que « l'équité consiste dans le pouvoir de dévier et modifier la rigueur du summum jus par rapport à des éléments de circonstance et des situations particulières, qui ne sont pas tenues en considération et qui n'ont pas d'influence d'après le droit. Ceci n'empêche pas l'arbitre de pouvoir appliquer le droit strict quand celui-ci coïncide dans le cas concret avec l'équité. En effet le droit positif et l'équité sont deux règlements qui coexistent et parfois coïncident, le deuxième est plus grand et contient en lui le premier plus petit. »191

Les parties disposent enfin de la faculté, à travers la convention d'arbitrage, de se prémunir contre les lenteurs en déterminant les délais impartis au tribunal arbitral pour rendre sa sentence192 ; ou encore de renoncer à l'exercice du recours en annulation contre la sentence arbitrale, à condition que la renonciation soit à la fois conforme à l'ordre public

188 E. PUTMAN, Contentieux économique, PUF, 1ereéd., 1998, p. 262.

189 C.C.J.A, arrêt n°28/2007 du 19 juillet 2007, Société Nestlé c/Société commerciale d'importation Dite (SCIMAS), RTDA, Avril-Juin 2009, n°867, pp.226-256.

190 E. PUTMAN, op. cit., p. 264.

191Affaire no 4467/ 1984, Clunet, 1984, 924; V. ég. E. PUTMAN, op.cit., p. 268. 192 V. art.12 al.1 AUA.

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international193 et expressément prévue. Cette dernière condition est une contribution de la CCJA en vue de trancher le débat relatif aux conditions de validités de la renonciation à l'exercice du recours en annulation. À cet effet, elle affirma dans l'arrêt Société NESTLE Sahel c/ Société commerciale d'importation AZAR et SALAME précédemment citée qu' « attendu que la convention d'arbitrage conclue par les parties, bien qu'ayant prévu que tous différends découlant du présent contrat ou en relation avec celui-ci (...) seront tranchés définitivement suivant le Règlement d'arbitrage de la Cour Commune de Justice et d'Arbitrage de l'OHADA ne saurait interdire le recours en contestation de validité de la sentence initié par la société Nestlé Sahel dès lors que comme indiqué à l'article 29.2 du Règlement précité, il ne ressort pas de ladite convention, une renonciation expresse audit recours ;que la locution adverbiale définitivement qui est purement usuelle, ne saurait impliquer à elle seule, la renonciation au recours en contestation de validité spécialement prévu par le Règlement d'arbitrage susvisé, recours auquel les parties ne peuvent renoncer que par une disposition expresse de la convention d'arbitrage; que tel n'étant pas le cas en l'espèce, il y a lieu de rejeter l'exception d'irrecevabilité soulevée par la SCIMAS ».

En tout état de cause, les parties pourront opérer leur choix lors de la conclusion de la convention d'arbitrage, au moment de la demande d'arbitrage, ou encore lors de la rédaction de l'acte de mission de l'arbitre. En effet, une convention d'arbitrage bien conçue194 doit contenir le choix des parties relativement aux modalités de l'arbitrage. Toutefois en pratique, il arrive souvent que les parties se contentent de renvoyer à l'arbitrage les litiges susceptibles de naitre de leur relation contractuelle. Dans ce cas, elles pourront fixer le nombre d'arbitres et procéder à leur désignation au moment de la constitution du tribunal. Elles pourront également à ce moment déterminer le droit applicable au litige, le siège du tribunal, les délais etc. Si le choix n'est pas entièrement opéré à ce moment, les arbitres pourront inviter les parties à le faire lors de la rédaction de l'acte de mission.

En définitive, il ressort de ce qui précède que le système d'arbitrage OHADA consacre la prégnance de la volonté des parties quant à l'organisation de leur arbitrage. Ainsi, la mise à profit d'une telle possibilité permettrait aux acteurs économiques de poser les balises d'une sécurité judiciaire tant recherchée dans la pratique des affaires.

193 V. art.25 al.3 AUA et 29.2 RA/CCJA.

194 V. P. LALIVE ; « L'influence des clauses arbitrales », in Les contrats entre Etats et personnes privées étrangères, op.cit., p. 577.

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B. La prégnance de la volonté des parties quant au sort de la procédure arbitrale : la sentence arbitrale d'accord parties

La sécurité judiciaire implique que la justice soit rendue de telle sorte qu'elle soit de nature à ne pas compromettre les droits des justiciables. Dans l'arbitrage, la volonté des parties contribue énormément à la réalisation de cet objectif. Les parties qui peuvent organiser la procédure, peuvent également en décider du sort à elle réservée. Ainsi considéré, lorsqu'une procédure arbitrale est mise en oeuvre et que son déroulement est effectif, les parties peuvent décider de conclure un accord amiable qui règle leur différend et rétablit la concorde entre elles si elles estiment que mener la procédure jusqu'à son terme pourrait leur être préjudiciable. À travers cet accord, elles peuvent tout simplement éteindre la procédure arbitrale ou décider que leur décision soit constatée sous forme de sentence195.

En droit OHADA de l'arbitrage, cette possibilité octroyée aux parties de décider du sort de la procédure arbitrale est prévue196. Selon l'AUA qui s'applique à l'arbitrage ad hoc et plus précisément en son article 19 alinéa 3, « si les parties se mettent d'accord au cours de la procédure arbitrale, elles peuvent demander au tribunal arbitral que cet accord soit constaté en la forme d'une sentence rendu d'accord parties. Cette sentence a le même statut et produit les mêmes effets que toute autre sentence mettant fin au différend ». Le règlement d'arbitrage CCJA reprend les mêmes termes, même s'il ne fait pas expressément allusion au statut et aux effets de la sentence arbitrale d'accord parties197. En tout état de cause, on retient le caractère facultatif de la constatation de l'accord en la forme d'une sentence. L'usage par le législateur OHADA du verbe « pouvoir » signifie que les parties qui ont transigées ou conclu un accord de conciliation, voire de médiation, ont soit la possibilité de mettre tout simplement un terme à la procédure, soit de demander que l'accord soit constaté par une sentence. Dans la première hypothèse, l'accord qui règle le litige de manière définitive ne pourra recevoir force de chose jugée qu'après homologation par le juge et apposition de la formule exécutoire. Le tribunal arbitral devra tout simplement constater l'accord et mettre fin à la

195 Ph. FOUCHARD, E. GAILLARD, B. GOLDMAN, Traité de l'arbitrage commerce international, Litec, 1996, p.757.

196 L'ancien AUA de 1999 était muet sur l'éventualité d'une extinction amiable de la procédure arbitrale et mieux encore de la sentence arbitrale d'accord parties. Le Professeur J-M. TCHAKOUA relevait d'ailleurs à ce titre la curiosité d'un tel silence, aussi écrivait-il qu'« il y a là une attitude pleine d'énigme au sujet d'une institution qui cherche depuis longtemps une plus forte reconnaissance officielle de son identité ». V. J. M. TCHAKOUA, « Le statut de la sentence arbitrale d'accord parties : les limites d'un déguisement bien utile », Juridis périodique, no51, juillet- Aout- Septembre 2002, p. 80.

197 V. art 20 RA/ CCJA.

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procédure arbitrale. On assistera alors à une forme de radiation de l'affaire du rôle comme cela se fait devant les tribunaux étatiques.

Dans la seconde hypothèse, si les parties le demandent, le législateur africain exige que le tribunal arbitral constate l'accord amiable en la forme d'une sentence arbitrale rendue d'accord parties et soumet cette dernière au même régime d'efficacité que les sentences rendues à l'issue du délibéré arbitral. Seulement, est-il interdit à l'arbitre de s'abstenir de constater l'accord en la forme d'une sentence s'il dispose d'un motif légitime et sérieux ? Autrement dit, l'arbitre est-il tenu de rendre une sentence d'accord partie dès lors que les parties le sollicitent ?

Contrairement à d'autres règlementations198, on peut reconnaitre que le système d'arbitrage OHADA laisse perplexe sur la question. Cependant nous convenons avec le Professeur Jean-Marie TCHAKOUA que, bien que l'arbitre soit tenu par la volonté des parties, il conserve, même en l'absence de texte, la possibilité de soulever une objection pour ne pas mettre en forme un accord qui serait contraire à l'ordre public199 étant entendu qu'en le faisant, il exposerait la sentence d'accord partie soit au refus de l'exequatur200, soit au recours en annulation pour contrariété à l'ordre public international201par la partie de mauvaise foi. Entant que gardien de l'ordre public au même titre que le juge étatique, l'arbitre doit veiller à son respect durant tout le déroulement de la procédure arbitrale.

Tout compte fait, l'exercice du pouvoir décisionnel de conclure un accord qui tranche définitivement le litige soumis à l'arbitrage n'est rien d'autre que la manifestation du principe du dispositif202 qui, comme le soutient le professeur TCHAKOUA, « trouve un terrain très favorable dans l'instance arbitrale où on donne une importante place à la volonté des

198 L'article 30 de la loi-type de la CNUDCI sur l'arbitrage commerciale international prévoit que, si durant la procédure arbitrale les parties s'entendent pur régler le différend, le tribunal met fin à la procédure et, si les parties lui en font la demande et s'il n'y voit pas d'objection, constate le fait par une sentence arbitrale rendue d'accord parties. Dans le même esprit, l'article 43 alinéa 2 du règlement d'arbitrage du CIRDI énonce que « si les parties dépose le texte complet et signé du règlement intervenu auprès du secrétariat général et demande par écrit au tribunal de l'incorporer à sa sentence, le tribunal peut procéder à cette incorporation ». Toujours dans la même logique, l'article 28 du règlement d'arbitrage de la CACI prévoit que « si les parties se mettent d'accord en cours de procédure, le tribunal peut rendre une sentence arbitrale d'accord parties ». Au bénéfice de toutes ces dispositions, on retient le caractère non obligatoire de se soumettre à la volonté des parties. Le mot « peut » signifiant que l'arbitre peut s'abstenir de constater l'accord dans une sentence lorsqu'il dispose d'un motif légitime et sérieux.

199 J. M. TCHAKOUA, op.cit., p. 82.

200 V. art.31 al.4 AUA et 30.5-a RA/ CCJA.

201 V. art. 26-e AUA et 29.2-e RA/ CCJA.

202 Sur ce principe V. H. MOTULSKY, « Prolégomènes pour un futur code de procédure civile : la consécration des principes directeurs du procès civil par le décret du 9 septembre 1971 », D., 1972, p.91.

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parties »203. Les parties prennent l'initiative de la procédure arbitrale, elles en règlent le rythme, et peuvent y mettre un terme204. Aussi choisiront-elles la voie de l'accord certainement dans le but de se soustraire aux aléas du règlement par l'arbitre, surtout si elles l'ont constituée amiable compositeur205. Une telle force de leur volonté leur permet donc de sécuriser leurs intérêts comme elles le désirent.

En définitive, il ressort de ce qui précède que la célébration de l'autonomie de la volonté dans l'arbitrage OHADA constitue une source de sécurité judiciaire dans la mesure où elle permet aux parties de prévenir les incertitudes judiciaires susceptibles de porter atteinte à leurs intérêts. Aussi lorsque les parties ont exprimé leur consentement et réglé toutes les questions relatives à la mise en oeuvre de leur arbitrage, la procédure pourra débuter et pourra être conduite jusqu'à son terme soit par une sentence d'accord parties, soit par une sentence issue du délibéré arbitral. En tout état de cause, le législateur Africain soumet la procédure arbitrale au respect des principes directeurs d'une bonne justice, afin de garantir un procès juste et équitable aux parties.

Section 2 : La soumission de l'arbitrage OHADA aux principes directeurs
d'une bonne justice, gage des procès justes et équitables

La sécurité judicaire nous l'avons déjà indiqué suppose que la justice soit rendue de manière à sécuriser les intérêts des parties au procès. Pour arriver à ce résultat, la justice doit garantir aux justiciables des procès justes et équitables. À la fois une nature contractuelle et juridictionnelle, l'arbitrage est une justice rendue par des personnes privées moyennant une rémunération. Entant que telle, elle est soumise aux principes qui régissent la justice rendue par les juridictions étatiques. Dans l'espace OHADA, le législateur supranational pour garantir la sécurité judiciaire des opérations économiques soumet ses deux types d'arbitrage aux principes directeurs d'une bonne justice qui sont en réalité des exigences que nous classerons en deux groupes notamment celles qui sont consubstantielles à la fonction juridictionnelle (Paragraphe 1) d'une part, et celles qui sont de nature procédurales (Paragraphe 2) d'autre part.

203 J- M. TCHAKOUA, op.cit., p.82.

204 Ibid.

205J-M. TCHAKOUA, op.cit., p. 87.

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Paragraphe 1 : les exigences consubstantielles à la fonction juridictionnelle : l'indépendance et l'impartialité

S'il importe en premier lieu de ressortir la signification du principe d'indépendance et d'impartialité(A), il sied également de présenter les moyens par lesquels le législateur africain assure son efficacité(B)

A. Signification du principe

Bien plus que de simples obligations, qui s'imposent au titulaire de la fonction juridictionnelle, l'indépendance et l'impartialité constituent l'essence même de la fonction de juger. Par conséquent, ce n'est que parce que l'arbitre est indépendant et impartial qu'il peut valablement connaitre d'une affaire206.

L'indépendance suppose une absence de subordination207. Ce qui signifie que l'arbitre ne peut être lié aux parties qui l'ont désigné. Selon la jurisprudence française, « l'indépendance de l'arbitre est de l'essence de sa fonction juridictionnelle, en ce sens que d'une part, il accède dès sa désignation au statut de juge, exclusif de tout lien de dépendance, notamment avec les parties, et que d'autre part, les circonstances invoquées pour contester cette indépendance doivent se caractériser par l'existence de liens matériels et intellectuels, une situation de nature à affecter le jugement de l'arbitre en constituant un risque certain de prévention à l'égard de l'une des parties à l'arbitrage »208. N'est donc pas indépendant l'arbitre contre qui il est établie l'existence d'un lien matériel et intellectuel de dépendance ou toute situation de nature à affecter son indépendance d'esprit et sa liberté de jugement209.

L'impartialité suppose l'absence de parti pris, de préjugé, de préférence, d'idée préconçue. Il s'agit d'une exigence consubstantielle à la fonction juridictionnelle dont le propre est de départager les parties de façon juste et équitable210. Selon Alexandre KOJEVE cité par Thomas CLAY, « un homme aura beau être intelligent, énergique, prévoyant, beau ou autre chose, on ne le choisira pas s'il est présumé être partial. (...) Inversement si on le

206 F. N. YOUGONE, op.cit., p.203.

207 G. CORNU, Vvocabulaire juridique, op.cit., p. 482.

208 Sur les différentes décisions des juridictions françaises qui définissent la notion d'indépendance, V. FOUCHARD, GAILLARD, ET GOLDMAN, op.cit., p.583.

209 P. BOUBOU, « L'indépendance et l'impartialité de l'arbitrage dans le droit OHADA », Rev. Cam. Arb., no9, Avril- mai- Juin 2000, p.4.

210 G. CORNU, Vocabulaire juridique, op.cit., p.468.

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sait « juste », on peut fermer les yeux sur tous les autres défauts »211. Cette affirmation témoigne de l'importance qui est attachée à l'impartialité de toute personne exerçant une fonction juridictionnelle. Partant de ce fait, Parce qu'il est investi d'une mission juridictionnelle, l'arbitre se doit d'être impartial. Il doit complètement effacer son origine, ses convictions, sa religion et sa culture face aux parties et dans le prononcé de la sentence212. C'est dire que l'arbitre est tenu de s'abstenir de tout favoritisme, qu'il a l'obligation stricte de n'avantager aucune partie et de ne statuer que sur des raisons qui tiennent au bien-fondé des prétentions présentées par les parties213. L'impartialité serait donc une disposition de l'esprit, un état psychologique par nature subjectif214, dont l'objet est de prévenir l'arbitre à l'égard de l'une des parties215. Les tribunaux ont eu à se prononcer sur la notion d'impartialité de l'arbitre. C'est le cas du tribunal fédéral Suisse qui a eu à rejeter les accusations de suspicion de partialité portées contre un arbitre, au motif que celles-ci ne reposaient que « sur le seul sentiment subjectif d'une partie et non sur des faits concrets propres à justifier objectivement et raisonnablement la méfiance chez une personne réagissant normalement »216.

Pour FOUCHARD, GAILLARD, ET GOLDMAN, il existe en pratique deux séries de circonstances constamment invoquées à l'appui des demandes de révocation d'arbitre pour défaut d'impartialité. En premier lieu, le fait que l'arbitre désigné a déjà connu du litige ou d'un litige connexe dans un arbitrage antérieur. Il est alors reproché à l'arbitre de ne plus disposer de l'objectivité et de la « candeur » qui doit caractériser tout juge lorsqu`il est saisi d'un nouveau litige. En second lieu, le soupçon de partialité est alimenté par une attitude antérieure de l'arbitre, qu'une partie considère comme hostile à son égard, par exemple dans un débat d'ordre général, qui serait contraire aux intérêts de cette partie. Mais pour être admis comme cause de récusation, le demandeur doit pouvoir prouver que les propos allégués sont de nature à établir une inimitié de l'arbitre à son égard ou qu'ils relèvent d'un préjugé à l'égard de ses thèses.

211 V. Th. CLAY, « L'indépendance et l'impartialité de l'arbitre et les règles du procès équitable », in L'impartialité du juge et l'arbitre, Etude de droit comparé, Bruxelles, Bruylant, 2006, p. 216.

212 V. M. de BOISSÉSON, Le droit français de l'arbitrage interne et international, Paris, GLN-Joly, 1990, p. 787, V. eg. F.N. YOUGONE, op.cit., p.204.

213 G. CORNU, Vocabulaire juridique, op.cit., p.468.

214 FOUCHARD, GAILLARD, ET GOLDMAN, op.cit., p.582.

215 11 Mai 1992, Bull. ASA, 1992, p.382, spécialement p.392, cité par FOUCHARD, GAILLARD, GOLDMAN, op.cit., p.585.

216 Ibid.

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En matière internationale, la nationalité de l'arbitre peut contribuer à créer un doute dans l'esprit des parties. C'est pourquoi il est recommandé de prévoir que le troisième arbitre ou l'arbitre unique soit de nationalité tierce par rapport aux parties217. En effet en matière internationale, il est bien établi que les parties ont très souvent tendance à choisir comme arbitre un ressortissant de leur pays ce qui ne devrait en rien remettre en cause son impartialité car, pour reprendre le Professeur Pierre MAYER, « l'arbitre n'étant pas dans le camp d'aucune des parties sur le terrain politique, religieux ou idéologique. Dans toute la mesure du possible, il doit s'efforcer, surtout s'agissant d'un arbitre unique, ou du président d'un tribunal arbitral de faire abstraction de la plus grande sympathie qu'il éprouve pour les valeurs défendues par l'une des parties, lorsqu'elles opposent une civilisation ou un système politique à une autre, dont est issue l'autre partie »218.

Si selon certains auteurs, l'indépendance et l'impartialité sont quasiment indissociables219, la première qualité laissant présumer la seconde220, d'autres soutiennent que ces concepts peuvent à la fois être et ne pas être liés. Dans le premier cas, celui qui n'est pas indépendant n'est pas impartial et dans le second, celui qui est indépendant peut cependant ne pas être impartial221.

Gaston KENFACK DOUAJNI est encore plus radical car selon lui, « il serait hypocrite de penser que l'arbitre désigné par une partie puisse être aussi indépendant que doit l'être le président du tribunal ou l'arbitre unique »222. L'auteur indique qu'on peut bien être dépendant et être impartial et que des lors, l'impartialité devrait être la seule qualité à exiger d'un arbitre. En tout état de cause, le législateur africain a opté pour la réunion des deux exigences ; Aussi peut-on lire à l'article 7 alinéa 3 AUA que « l'arbitre doit (...) demeurer indépendant et impartial vis-à-vis des parties ». L'article 4.1 RA/CCJA quant à lui dispose que « tout arbitre nommé ou confirmé par la Cour doit être et demeurer indépendant vis-à-vis des parties ». Il ressort donc que dans les deux textes, l'insistance sur le mot « demeurer » se fait remarquer. Ce qui signifie que l'arbitre doit fournir les garanties

217 FOUCHARD, GAILLARD, ET GOLDMAN, op.cit. p. 588.

218 P. MAYER, « La règle morale dans l'arbitrage international », in Etudes offertes à Pierre Bellet, Paris, Litec, 1991, pp. 396- 397.

219F.N. YOUGONE, op.cit., p. 206.

220 P. MEYER, Droit de l'arbitrage, collection droit uniforme africain, JURISCOPE, pp. 151-152.

221 D. MOUGENOT et J. V. COMPERNOLLE, « Déontologie de l'expert judiciaire », in manuel de l'expertise judiciaire, ANTHEMIS, p. 230.

222G. KENFACK DOUAJNI, « De la nécessité pour les arbitres originaires des pays en développement et en transition, de participer à la mondialisation de l'arbitrage », Rev. Cam. Arb., no33, Avril-Mai-Juin 2006, OHADATA D-08-62.

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d'indépendance et d'impartialité non seulement au moment de sa désignation mais également tout au long de la procédure arbitrale jusqu'au prononcé de la sentence arbitrale. Sa neutralité doit demeurer à l'égard de toutes les parties, quelle que soit celle qui les a désignés et quelle que soit la façon dont ils ont été désignés223. Cette exigence posée par le législateur africain n'est rien d'autre que la manifestation de sa volonté qui est de garantir la sécurité judiciaire dans l'arbitrage OHADA. Cette volonté est d'autant plus manifeste dans la mesure où, il a prévu des moyens tendant à assurer l'efficacité de l'exigence d'indépendance et d'impartialité.

B. Les moyens tendant à assurer l'efficacité de l'exigence d'indépendance et d'impartialité

A l'instar des législations modernes, pour garantir aux parties l'accès à un arbitre indépendant et impartial, le législateur africain a prévu des moyens à la fois d'ordre préventif (1) et curatif (2).

1. Le moyen d'ordre préventif

En droit OHADA de l'arbitrage, la prévention du risque de dépendance et de partialité de l'arbitre est assurée par l'obligation de révélation.

Absente en matière de justice étatique, l'obligation de révélation a été consacrée dans l'arbitrage en général et dans celui de l'OHADA en particulier dans l'optique de renforcer la crédibilité de ce mode alternatif mais juridictionnel de règlement des litiges. Il s'agit d'un moyen de sécurité judiciaire donc l'efficacité à notre avis parait indiscutable.

Dans l'arbitrage de droit commun régit par l'AUA, « Tout arbitre pressenti informe les parties de toute circonstance de nature à créer dans leur esprit un doute légitime sur son indépendance et son impartialité et ne peut accepter sa mission qu'avec leur accord unanime et écrit »224. Le règlement d'arbitrage CCJA est dans la même lancée quand il prévoit que « avant sa nomination ou sa confirmation par la cour, l'arbitre pressenti révèle par écrit au

223 P. BOUBOU, op.cit., p.5.

224 Art 7 al.4 NAUA.

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Secrétaire général toute circonstance de nature à soulever des doutes légitimes sur son impartialité ou son indépendance »225.

Il résulte de ces textes que l'arbitre qui suppose en sa personne une cause de récusation doit en informer les parties et éventuellement la CCJA si l'arbitrage en question est conduit sous l'égide de cette Cour. Il s'agit d'une obligation permanente au regard du fait qu'elle dure toute la procédure arbitrale jusqu'au prononcé de la sentence arbitrale226. Cependant, quelle est la nature des faits devant être révélés par l'arbitre ?

En effet, comme l'indiquait un auteur227, l'ancien Acte uniforme utilisait, de manière assez peu heureuse, l'expression de « cause de récusation »228pour circonscrire l'obligation d'information des arbitres, ce qui laissait planer un doute sur l'étendu de l'obligation de révélation. Était-ce à dire que l'arbitre n'était tenu de révéler que les faits qui, pour un juge, seraient de nature à entrainer sa récusation ? En d'autres termes, le statut de l'arbitre serait-il, sur ce point, calqué sur celui des juges ? Une réponse négative s'est à juste titre imposée en doctrine.

À ce titre, selon Marc HENRY229, la récusation doit être ici entendue dans un sens général et non dans le sens technique qui lui est attribué pour les juges par les codes de procédure civile. La législation uniforme ne renvoyait donc pas sur ce point aux codes de procédure civile des États membres OHADA. Pour lui, les arbitres n'étant pas assimilables aux magistrats, rien ne justifie que les causes de récusation à eux appliquées soient calquées sur celles des magistrats. Ainsi, du fait de l'utilisation des termes « indépendance et impartialité », il sied d'écarter toute restriction qu'impliquerait la notion de récusation telle qu'appliquée aux juges étatiques. Les arbitres doivent donc révéler tout fait de nature à pouvoir susciter un doute légitime dans l'esprit des parties quant à leur indépendance ou leur impartialité. C'est d'ailleurs fort heureusement la nouvelle formule consacrée par les reformes

225 Art 4.1.3 NRA/CCJA.

226 Art.4.1.5 NR/CCJA : « L'arbitre doit immédiatement faire connaitre par écrit au secrétaire général de la cour et aux parties, les faits et circonstances de même nature qui surviendraient entre sa nomination ou sa confirmation par la cour et la notification de la sentence finale ». V. ég. Art.7 al.4 NAUA : « A partir de la date de sa nomination et durant toute la procédure arbitrale, l'arbitre signale de telle circonstance aux parti ».

227 M. DIAKITE, op.cit., p. 276.

228 Art 7 al.2 AAUA.

229 M. HENRY, « Le devoir d'indépendance de l'arbitre », Paris, LGDJ. 2001, p. 218.

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de 2017230. Ils ne sont cependant pas tenus de révéler une situation notoirement connue. Une circonstance ne doit en effet être révélée que pour autant qu'elle est ignorée231.

En tout état de cause, lorsque la révélation est faite, l'arbitre ne pourra accepter sa mission qu'avec l'accord unanime et écrit des parties232. L'exigence d'un écrit dans ce cas n'est pas fortuite. Le Professeur LEBOULANGER soulignait qu'elle « est sans doute une sage précaution, qui évitera des tentatives de récusation à des fins purement dilatoires, mais qui pourra, à l'inverse, être une source de blocage, si une des parties refuse de donner son accord »233. En somme, la finalité de l'obligation de révélation est de garantir la sécurité judiciaire dans l'arbitrage en permettant d'une part, aux parties de mettre en exergue leur consentement par l'acceptation l'arbitre ou par sa révocation. D'autre part, cette obligation permet de neutraliser toute contestation à un stade ultérieur de la procédure, si les parties n'exercent pas leur droit à temps ou le font sans succès.

2. Le moyen d'ordre curatif

À titre curatif, l'AUA autorise la récusation de l'arbitre et laisse le soin aux parties de régler la procédure qui permettra d'aboutir à cette récusation234 . Ce texte précise également que si les parties n'ont pas réglé la procédure de récusation, il appartiendra au juge compétent de l'État partie de statuer sur cette demande.

La récusation n'est admise que pour une cause révélée après la nomination de l'arbitre235. Si la partie qui demande la récusation de l'arbitre avait accepté la nomination de ce dernier en étant au courant de la cause qu'elle invoque plus tard comme motif de récusation, ladite demande sera déclarée irrecevable comme tardive236.

Si après la nomination d'un arbitre, une partie découvre que celui-ci ne remplit pas les conditions d'indépendance et d'impartialité requises pour juger, elle peut le récuser237.

230 Voir à ce titre les articles 7 al. 4 NAUA et 4.1.3 NRA/CCJA.

231 M. HENRY, op.cit., pp.220 et s.

232 Art 7 al.2 AAU et

233 Ph. LEBOULANGER, « Présentation générale des actes sur l'arbitrage », in l'OHADA et les perspectives de l'arbitrage en Afrique, op.cit., p. 75.

234Art 8 al.1 NAUA. 235Art 8 al.4 NAUA.

236 P. BOUBOU, op.cit., p. 6.

237 Ibid.

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Le règlement d'arbitrage CCJA est assez précis sur les conditions et la procédure de récusation. Aussi indique-t-il que la récusation de l'arbitre peut être fondée sur un « défaut d'indépendance ou sur tout autre motif »238. La demande de récusation est introduite par l'envoi au secrétariat général d'une déclaration précisant les faits et circonstances sur lesquels se fonde cette demande239.Pour être recevable, la demande de récusation doit être introduite par la partie soit dans les trente(30) jours suivant la réception par celle-ci de la notification de la nomination ou de la confirmation de l'arbitre par la Cour, soit dans les trente(30) jours suivant la date à laquelle la partie introduisant la demande de récusation a été informée des faits et circonstances quelle évoque à l'appui de sa demande de récusation, si cette date est postérieure à la réception de la notification susvisée240. La CCJA ne peut se prononcer sur la recevabilité et sur le bien-fondé de la demande récusation qu'après que le secrétaire général de la cour ait mis l'arbitre concerné, les parties et éventuellement, les autres membres du tribunal arbitral, en mesure de présenter leurs observations par écrit dans un délai approprié241. Lorsque la Cour admet la récusation, elle doit procéder au remplacement de l'arbitre242.

En définitive, la récusation est une sanction qui intervient lorsque la mesure préventive qu'est l'obligation de révélation n'a pas été respectée par l'arbitre. Ces moyens permettent de rétablir le lien de confiance entre l'arbitre et les parties et sont donc facteur de sécurité judiciaire car favorisant l'efficacité de l'exigence de l'indépendance et l'impartialité entant qu'élément consubstantiel à la fonction juridictionnelle de l'arbitre.

Paragraphe 2 : Les exigences de nature procédurale : le respect du
contradictoire et l'exigence de célérité

Nous examinerons tour à tour le principe du contradictoire (A) et l'exigence de célérité dans l'arbitrage OHADA (B).

238 Art 4.2 NRA/CCJA.

239 Ibid.

240Art 4.2.2 NRA/ CCJA.

241 Art 4.2.3 NRA / CCJA.

242 Art 4.3.1 NRA/CCJA.

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A. Le contradictoire dans l'arbitrage OHADA

Le principe du « contradictoire » figure en bonne place parmi les principes consacrés, établis pour assurer aux parties la garantie d'un procès équitable243. Il évoque le respect des droits de la défense et implique que dans un procès, nulle partie ne peut être jugée sans avoir été entendue ou appelée. Entant que premier facteur d'une justice de qualité, le contradictoire innerve l'instance et doit être observé, tant au seuil que pendant le cours de la procédure. Au seuil de l'instance, ce principe implique le droit pour toute personne d'être informée de façon claire et régulière du procès qui lui est fait. Au cours de l'instance il exige que toutes les parties aient la possibilité d'organiser leur défense. C'est dire que le contradictoire crée pour les parties, aussi bien des obligations réciproques que des obligations à l'égard du juge. Cette règle n'échappe pas à la procédure arbitrale, l'arbitrage étant doté d'une nature juridictionnelle.

En droit OHADA de l'arbitrage et plus spécifiquement dans l'arbitrage de droit commun, le principe du contradictoire est consacré par l'article 9 AUA qui prévoit que les parties soient traitées sur un pied d'égalité et que chacune d'elle ait toute possibilité de faire valoir ses droits. Il est donc interdit au tribunal arbitral de fonder sa décision sur des moyens, explications ou documents invoqués ou produits par les parties si celles-ci n'ont pas été à même d'en débattre contradictoirement244. Aussi si à l'égard des parties le contradictoire suppose que durant toute la procédure arbitrale, celles-ci s'entre-communiquent en temps utile les pièces ou documents nécessaires à la manifestation de la vérité afin que ceux-ci soient débattu contradictoirement, il interdit à l'arbitre de rendre des décisions sur des faits non débattus, le droit d'être entendu par le tribunal arbitral étant un droit consacré.

Le règlement d'arbitrage de la CCJA n'est pas en reste. En effet, pour les arbitrages se développant sous l'égide de cette Cour, les mémoires et toutes communications écrites présentés par les parties, ainsi que toutes les pièces annexes, sont fournies en autant d'exemplaire qu'il y a de parties plus un pour chaque arbitre ainsi qu'une copie électronique envoyée au Secrétariat Général245. Toute notifications ou communications du secrétariat Général et du tribunal arbitral sont faites à l'adresse où à la dernière adresse connue de la partie qui en est destinataire ou de son représentant, telle que communiquée par celle-ci ou par

243 Ces principes sont communément appelés « principes directeurs du procès ».

244 Art. 14 al. 7 NAUA.

245 Art 12. 1 NRA/ CCJA.

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l'autre partie, le cas échéant. Elle peut être effectuée par remise contre reçu, lettre recommandée, service de transport, courriel ou par tout autre moyen électronique permettant de fournir la preuve de l'envoi246. Lorsqu'elle est valablement faite, la notification ou la communication est considérée comme acquise quand elle a été reçue par l'intéressé ou par son représentant247.

Après examen des écrits des parties et des pièces versées par les parties au débat, le tribunal arbitral entend contradictoirement les parties soit à la demande de l'une d'elles, soit d'office. Il peut, s'il l'estime nécessaire, les entendre séparément. Dans ce cas, l'audition de chaque partie a lieu en présence des conseils des deux parties248.

Il faut cependant noter qu'en matière de contradictoire, le plus important n'est pas la comparution de la partie défenderesse, mais qu'elle soit appelée. Des lors, si un plaideur informé refuse le débat contradictoire, cela n'empêche pas le prononcé de la sentence. Aussi, a-t-il été jugé que « doit être rejeté l'argument tiré du non-respect du principe du contradictoire des lors qu'il est prouvé qu'une partie a été régulièrement notifiée de la composition du tribunal arbitral et de la tenue des instances arbitrales auxquelles elle ne s'est pas présenté et que par ailleurs cette partie n'apporte aucun élément justifiant de sa défaillance à l'instance arbitrale »249.

Il résulte donc de tout ce qui précède que le principe du contradictoire, gage du procès équitable, est fortement affirmé dans le système d'arbitrage OHADA. Le législateur en a fait un principe d'ordre public au point où sa violation par l'arbitre entrainerait l'annulation de la sentence arbitrale250. La Cour d'appel de Pointe Noire l'a rappelé dans l'affaire COFIPA INVESTMENT BANK CONGO contre Société COMADIS CONGO en ces termes : « Des dispositions combinées des articles 9 et 14 alinéas 5 et 6 AUA, il résulte que le respect de la contradiction par l'arbitre, et dont l'inobservation est sanctionnée par l'annulation de la sentence, d'une part, de l'obligation qui lui est faite d'accorder à chacune des parties la possibilité de faire valoir ses prétentions, connaitre celles de son adversaire et procéder à leur discussion, et d'autre part, de l'interdiction de se fonder sur des moyens relevés d'office

246 Art 12.2 NRA/ CCJA.

247 Art 12.3 NRA/CCJA.

248 Art 19.1.2 et 19.1.5 NRA/CCJA.

249 Cour d'Appel du Centre, Arrêt no 199/ CIV du 28 Avril 2010, affaire Société ARAB CONTRACTOR c/CABINET F.MBA.SARL, Ohadata J-12-73. V. eg. Répertoire de jurisprudence OHADA, 2012, p.11.

250 V. art.26 NAUA et 29 NRA/CCJA.

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sans que les parties n'aient été au préalable invitée à en discuter, ou de procéder seul à des investigations personnelles. En l'espèce, l'arbitre a lui-même seul procédé à une enquête sans associer les parties, ni même soumettre à la discussion de celles-ci les éléments de faits ou de droit recueillis lors de cette investigation. Il a manifestement des lors inobservé le principe du contradictoire, et sa sentence encours annulation »251.C'est dire que le respect du principe du contradictoire dans l'arbitrage est au coeur de la pensée législative et judiciaire dans l'espace OHADA. Son respect permet d'améliorer la qualité de la justice arbitrale. Une qualité nécessaire pour la sécurité judiciaire des activités économiques dans l'espace juridique intégré.

B. L'exigence de la célérité dans l'arbitrage OHADA

Fondamental, mais parfois négligé ou mal appliqué, le principe de célérité constitue l'épine dorsale du droit processuel, étant entendu qu'une justice rendue tardivement est une justice de mauvaise qualité car conduisant très souvent au « paradoxe d'une partie juridiquement gagnante, et, économiquement perdante »252. Vu dans ce sens, les lenteurs judiciaires ne peuvent qu'être source d'insécurité judiciaire.

Consacré par la charte africaine des droits de l'homme et des peuples comme le droit d'être jugé dans un délai raisonnable253, le principe de célérité suggère de réfléchir sur le rythme, voire le temps de la procédure ; l'objectif étant de distinguer « les temps utiles, qui améliorent la qualité de la procédure, et les temps morts qui doivent disparaitre »254.

Au coeur de la réflexion en droit OHADA, les reformes de 2017 apportées en matière arbitrale n'ont pas fait fi des délais de procédure, organisant minutieusement ceux-ci dans l'optique de prévenir les lenteurs judiciaires en matière arbitrale et de neutraliser au maximum les manoeuvres dilatoires des parties et même des juges intervenant dans une procédure arbitrale. Des lors, soucieux de proposer des procédures arbitrales qui répondent aux attentes des justiciables, pour qui ce mode de règlement des différends est cher, le législateur africain a posé un remarquable accent sur les délais tant dans la phase « ante sententiam » que dans les phases « sententia » et « post sententiam ».

251 Cour d'appel de Pointe-Noire, Arrêt no du 4 Mars 2005, COFIPA INVESTMENT BANK CONGO c/ Société COMADIS CONGO, Ohadata J-13-73.

252 C. BARRERE, « Temps (point de vue de l'économiste) », in Cadiet (L.) Dir., Dictionnaire de la justice, 2004.

253 V. art.7 al.1-d CADHP

254 S. AMRANI-MEKKI, « Le principe de célérité », Revue française d'administration publique 2008/ 1, n° 125, p.52.

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L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des activités économiques dans l'espace OHADA

Dans l'arbitrage ad hoc et à la phase ante sententiam constituée du moment de la constitution du tribunal arbitral et celui de l'instance, en cas d'arbitrage par trois arbitres, chaque partie nomme un arbitre et le troisième est désigné par les deux autres. Le délai de désignation est de trente (30) jours à compter de la demande à cette fin émanant de l'autre partie. En cas de désaccord des deux arbitres sur le choix du troisième, les parties disposent d'un un délai de trente (30) jours à compter de leur désignation pour saisir la juridiction compétente de l'État partie aux fins pour elle de mettre un terme à la carence255. Cette dernière dispose à son tour d'un délai de quinze (15) jours à compter de sa saisine pour rendre sa décision qui ne peut faire l'objet d'aucun recours. Ce délai peut être raccourci par la législation de l'État partie256. En effet, le délai imposé au juge étatique pour mettre un terme au blocage susceptible de survenir lors de la constitution du tribunal arbitral constitue une nouveauté étant donné que l'ancien Acte uniforme était silencieux sur cette question ; ce qui est une mesure préventive qui favorise la neutralisation des manoeuvres dilatoires à cette phase de la procédure arbitrale.

En matière de récusation, le législateur africain a encore fait preuve d'un énorme pragmatisme en imposant un délai de trente (30) jours au juge étatique saisi d'une demande de récusation pour rendre sa décision ; délai dont le non-respect est sanctionné par le dessaisissement de ladite juridiction au profit de la CCJA257. Cette nouvelle mesure est salutaire compte tenu de l'environnement judiciaire des Etats parties au traité OHADA fortement marqué soit par l'engorgement des prétoires, soit par les errements des magistrats qui parfois se laisse emporter par le vent de la corruption qui souffle sur eux, les poussant à effectuer des renvois incessants dont le seul but est de trainer le procès au bénéfice d'une partie de mauvaise foi. Le législateur africain impose également que toute cause de récusation soit soulevée dans un délai qui ne saurait excéder trente (30) jours à compter de la découverte du fait ayant motivé la récusation par la partie qui entend s'en prévaloir258.

L'instance arbitrale est également marquée par des délais stricts. Aussi, si les parties n'ont pas conventionnellement fixé un délai pour leur arbitrage, le législateur africain

255 Art 6 al.4-a NAUA. Ce délai est le même au cas où les parties ne s'accordent pas sur la désignation de l'arbitre unique.

256 Art 5 al.5 NAUA.

257 Art 8 al.1 NAUA.

258 Art 8 al.3 NAUA. Il sied d'indiquer que cette mesure a fait l'objet d'une réécriture. L'article 7 alinéa 4 de l'ancien AUA faisait mention du terme `'sans délai». Cette imprécision peu favorable à l'exigence de célérité a à juste titre été corrigée par la prévision d'un délai fixe et précis qui est de trente (30) jours.

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plafonne la durée de la procédure à six (06) mois à compter du jour où le dernier arbitre a accepté sa mission. Toutefois, le délai d'arbitrage, qu'il soit légal ou conventionnel, peut être prorogé, soit par accord des parties, soit à la demande de l'une d'elles ou du tribunal arbitral, par la juridiction de l'État partie259. En outre, en cas de difficulté liée au caractère manifestement nulle ou manifestement inapplicable de la convention d'arbitrage, la juridiction étatique dispose d'un délai maximum de quinze (15) jours pour statuer en dernier ressort sur sa compétence, décision ne pouvant faire l'objet que d'un pourvoi en cassation devant la CCJA260. En effet, l'absence remarquable de délai accordé au juge étatique pour statuer sur sa compétence, et la possibilité d'interjeter appel contre sa décision en la matière dont faisait état l'AUA de 1999261 allait en contradiction avec le caractère de l'arbitrage qui se veut rapide. La fixation d'un délai maximum de quinze (15) jours et la mise à l'écart du principe du double degré de juridiction en matière de compétence du juge étatique est une innovation salutaire, eu égard de la mise en harmonie entre la législation arbitrale OHADA et l'objectif de sécurisation judiciaire des parties.

Dans la phase sententia, au cas où la sentence arbitrale nécessite d'être interprétée ou rectifiée du fait des erreurs ou omissions qui l'affectent, ou même encore lorsque le juge a omis de statuer sur un chef de demande, les parties disposent de trente (30) jours à compter de la notification de la sentence pour formuler leur requête. Le tribunal arbitral aura alors quarante-cinq jours (45) jours pour statuer dans le premier cas sur la demande d'interprétation ou de rectification des erreurs matérielles, et dans le second cas pour rendre une sentence additionnelle262.

La phase post sententiam est également marquée par le principe de célérité. L'AUA prévoit à ce titre un délai pour introduire un recours en annulation de la sentence arbitrale. Les parties peuvent donc introduire ce recours dès le prononcé de la sentence querellée, possibilité qui cesse dans le mois de la signification de la sentence munie de l'exéquatur. La juridiction compétente est tenue de statuer dans un délai ne pouvant excéder trois (03) mois et comme en matière de récusation, faute pour elle de respecter ce délai, elle se verra dessaisie au profit de la CCJA qui pourra être saisie dans les quinze (15) jours suivants. La Cour communautaire

259 Art.12 NAUA.

260 Art.13 al.2 NAUA.

261 V. art 13 ancien AUA.

262 Art.22 al.2-4. NAUA.

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L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des activités économiques dans l'espace OHADA

dispose à son tour de six (06) mois à compter de sa saisine pour statuer263. Il s'agit également d'une nouvelle mesure qui vise non seulement à prévenir de manière efficace les manoeuvres dilatoires des acteurs du procès arbitral, mais également de toute autre forme de lenteur de nature à préjudicier aux créanciers de l'exécution de la sentence arbitrale.

L'arbitrage institutionnel CCJA ne déroge pas au principe de célérité. Le législateur africain n'a ménagé aucun effort pour encadrer les délais de procédure applicables à ce type d'arbitrage. Aussi, lorsqu'une partie a adressé une demande d'arbitrage au Secrétaire général de la Cour, le ou les défendeurs disposent de trente (30) jours à compter de la date de la notification de la demande pour adresser leurs réponses264. Au cas où le défendeur aurait formé une demande reconventionnelle dans sa réponse, le demandeur pourra alors, dans les trente (30) jours de la réception de ladite réponse, répondre par une note complémentaire265. Lors de la constitution du tribunal arbitral, le règlement d'arbitrage CCJA prévoit un délai de trente (30) jours dans lequel les parties doivent désigner l'arbitre unique. Ce délai court à partir de la date de notification de la demande d'arbitrage à l'autre partie. À défaut d'accord entre les parties dans l'intervalle de ce délai, l'arbitre est nommé par la Cour266 . Si les parties n'ont pas fixé d'un commun accord le nombre d'arbitre et que la Cour juge nécessaire la constitution d'un tribunal collégial, le règlement d'arbitrage sus indiqué octroie un délai de quinze (15) jours aux parties pour désigner leurs arbitres267. Lorsque plusieurs demandeurs ou défendeurs doivent présenter à la Cour des propositions conjointes pour la nomination d'un arbitre et que celles-ci ne s'accordent pas dans les délais impartis, la Cour peut nommer la totalité du tribunal arbitral268. La demande de récusation doit, à peine de forclusion être introduite soit dans les trente (30) jours suivant la réception par la partie qui la sollicite de la notification de la nomination ou de la confirmation de l'arbitre par cour, soit dans les trente (30) jours suivant la date à laquelle la partie introduisant la demande de récusation a été informée des faits et circonstances qu'elle évoque à l'appui de sa demande, si cette date est postérieure à la réception de la notification susvisée269. Après réception du dossier, le tribunal arbitral convoque les parties ou leurs représentants, ainsi que leurs conseils à une réunion de cadrage aussi rapidement que possible et au plus tard dans les quarante-cinq (45) jours de sa

263 Art.27 NAUA.

264 Art.6 al 1 NRA/ CCJA

265 Art.7 NRA/ CCJA

266 Art.3.1.2 NRA/ CCJA.

267 Art.3.1.4 NRA/ CCJA.

268 Art.3.1.5 NRA/ CCJA.

269 Art.4.2.1 NRA/ CCJA.

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L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des activités économiques dans l'espace OHADA

saisine270. Le calendrier prévisionnel de la procédure arbitrale y sera fixé et il précisera les dates de remises des mémoires respectifs jugés nécessaires et, le cas échéant, la date de l'audience à l'issue de laquelle les débats seront déclarés clos. Cette date de l'audience ne doit pas être fixée au-delà de six (06) mois271. Sauf prorogation ordonnée par la Cour d'office ou à la demande du tribunal, la sentence est rédigée et signée dans les quatre-vingt-dix (90) jours qui suivent l'ordonnance de clôture des débats272. Toutefois, la Cour examine le projet de sentence et rend son avis dans un délai d'un (01) mois suivant la date sa saisine273. Comme dans l'arbitrage ad hoc, au cas où la sentence arbitrale nécessite d'être interprétée ou rectifiée du fait des erreurs ou omissions qui l'affectent, ou même encore lorsque le juge a omis de statuer sur un chef de demande, les parties disposent de trente (30) jours à compter de la notification de la sentence pour formuler leurs requêtes. Le Secrétaire général communique, dès réception la requête au tribunal et à la partie adverse afin pour elle d'adresser ses observations au tribunal et à la partie adverse dans un délai de trente (30) jours. Après avoir examiné contradictoirement les points de vue des parties et les pièces éventuellement soumises, le tribunal est tenu dans les quarante-cinq (45) jours de sa saisine d'adresser le projet de sentence additionnelle ou rectificative à la Cour. Si une partie désire introduire un recours en annulation de la sentence, cette action sera recevable dès le prononcé de ladite sentence et cessera de l'être dans les deux (02) mois de sa notification274. La Cour statuera dans les six (06) mois de sa saisine275. La sentence arbitrale est susceptible d'exéquatur dès son prononcé. Celui-ci peut également être accordé dans les quinze (15) jours du dépôt de la requête, par une ordonnance du président de la Cour ou du juge délégué à cet effet. Cette procédure est non contradictoire276. S'agissant des mesures provisoires ou conservatoires, la décision d'exéquatur en la matière est rendue dans les trois (03) jours suivant le dépôt de la requête à la Cour277. En cas de refus de l'exéquatur, la partie requérante pourra saisir la Cour dans les quinze (15) jours de la notification du rejet de sa requête. Ce délai est réduit de trois (03) jours lorsque le recours est relatif aux mesures provisoires ou conservatoires278.

270 Art.15.1.1 NRA/ CCJA.

271 Art.15.1.2-f NRA/ CCJA.

272 Art.15.4 NRA/ CCJA.

273 Art.23.2.2 NRA/ CCJA.

274 Art.29.3 NRA/CCJA.

275 Art.29.4.2 NRA/CCJA.

276 Art.30.1 et 30.2.1 NRA/CCJA.

277 Art.30.2.5 NRA/CCJA.

278 Art.30.3 NRA/CCJA.

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L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des activités économiques dans l'espace OHADA

Il ressort de ce qui précède que le système d'arbitrage OHADA est fortement imprégné de l'exigence de célérité. Elle existe à toutes les phases du procès arbitral, que ce soit à la phase ante sententiam, que dans les phases sententia et post sententiam. Le législateur africain a minutieusement encadré les délais de procédure de telle sorte que l'arbitrage n'excède pas une durée de six (06) mois, sauf convention contraire des parties. Un tel souci de célérité a le mérite de mettre en musique le système d'arbitrage de l'organisation et l'objectif de cette dernière qui est de garantir la sécurité judiciaire aux investisseurs à travers l'arbitrage.

En définitive, la sécurité judiciaire dépend de la qualité de la justice. Une justice protectrice, rendue de façon juste et équitable. Ainsi, soucieux d'améliorer le climat des affaires dans l'espace OHADA, le législateur africain a soumis son système d'arbitrage aux principes directeurs d'une bonne justice, parmi lesquels les principes d'indépendance et d'impartialité, du contradictoire et de célérité. Consacrés avec autorité dans l'AUA et le règlement d'arbitrage de la CCJA, ils constituent le gage des procès justes et équitables en matière arbitrale et contribuent à l'amélioration de la qualité de la justice arbitrale dans l'espace OHADA. Toutes choses qui permettent au système d'arbitrage communautaire de contribuer à la sécurité judiciaire des activités économiques dans l'espace juridique intégré. Toutefois, cette contribution aurait-elle été suffisamment pertinente si elle avait fait fi du renfort du juge public ?

Section 3 : Le renfort du juge public, facteur d'efficacité de l'arbitrage

OHADA

C'est un truisme que la sécurité judiciaire s'accommode mal à l'inefficacité de la justice. Une efficacité amplement recherchée en matière arbitrale où, la prégnance de la volonté des parties pourrait dans certains cas entrainer des effets pervers. C'est pourquoi le législateur africain a érigé le juge public en juge de renfort dans l'arbitrage étant entendu, qu'« il y a pas de bon arbitrage sans bon juge »279. De cette thèse, il ressort que l'efficacité de l'arbitrage dépend en grande partie de la qualité du juge qui y intervient. Mais de quel juge s'agit-il ? Il s'agit d'un juge biface qui intervient parfois comme « juge d'appui », parfois

279 J. P. ANCEL, « Le contrôle de la sentence », in L'OHADA et les perspectives de l'arbitrage en Afrique, Op.cit., p. 189.

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L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des activités économiques dans l'espace OHADA

comme « juge de contrôle ». C'est un assistant technique280 à l'arbitrage qui se distingue selon que l'on soit dans l'arbitrage traditionnel (Paragraphe 1) ou dans l'arbitrage spécifique CCJA (Paragraphe 2).

Paragraphe 1 : Le renfort du juge public dans l'arbitrage traditionnel

L'arbitrage traditionnel dans l'espace OHADA est constitué d'une part de l'arbitrage ad hoc(A) et des arbitrages rendus par les institutions internes281(B).

A. Le juge public dans l'arbitrage ad hoc

Dans l'arbitrage ad hoc, le juge public n'est nul autre que le juge étatique qui apporte son soutien à l'arbitrage. L'AUA lui confère des compétences d'attribution qui lui permettent d'intervenir avant, pendant et après l'instance arbitrale. Avant l'instance, le juge étatique peut intervenir lors de la constitution du tribunal arbitral. Ainsi, l'AUA prévoit que les parties peuvent choisir un arbitre ou un collège constitué de trois arbitres. Dans la première hypothèse, l'arbitre unique est désigné d'après la commune volonté des parties et à défaut par le juge compétent de l'État partie. Dans la seconde hypothèse, chaque partie nomme un arbitre et les deux arbitres ainsi nommés désignent le troisième arbitre. Si une partie ne procède pas à la désignation d'un arbitre dans un délai de trente (30) jours suivant la date de réception d'une demande à cette fin émanant de l'autre partie, ou si les deux arbitres ne s'accordent pas sur le choix du troisième arbitre dans un délais de trente jours suivant leur désignation, ce dernier sera désigné par la juridiction compétente de l'État partie. Lorsque les parties ont prévu la désignation de deux arbitres, le tribunal arbitral est complété par un troisième arbitre choisi d'un commun accord par les parties, à défaut par les arbitres choisis et en cas de désaccord de ces derniers, par la juridiction compétente de l'Etat partie. En tout état de cause, la désignation par le juge étatique ne pourra se faire que sur demande de la partie la plus diligente282. Le juge étatique intervient également en cas d'urgence reconnue et motivée pour prononcer des mesures provisoires et conservatoires lorsque le tribunal arbitral n'est pas encore constitué, à condition pour lui de ne pas statuer au fond du litige283. Cette règle a déjà

280 L'expression est de Ph. FOUCHARD in « La coopération du président du tribunal de grande instance à l'arbitrage », RCV. Arbitrage, 1985, p.9.

281 Centre d'arbitrage du GICAM (CAG), Centre national d'arbitrage (CNA), Centre d'arbitrage de Côte d'ivoire (CACI) etc.

282 Art 6 NAUA.

283 Art 13 al.4 NAUA.

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été rappelée par le juge camerounais en ces termes : « Conformément à l'article 13 de l'acte uniforme relatif au droit de l'arbitrage, l'existence d'une convention d'arbitrage ne fait pas obstacle à la compétence du juge étatique, en l'espèce le juge des référés, pour prendre des mesures conservatoires lorsqu'il y a urgence et que cette mesure (...) ne préjudicie pas au fond »284. Il ressort donc qu'avant l'instance arbitrale, le juge étatique peut intervenir soit pour vaincre tout blocage susceptible de paralyser la constitution du tribunal arbitral, soit pour sauvegarder les intérêts des parties relativement à l'administration ou la conservation des preuves, au maintien des relations des parties pendant le cours de la procédure et enfin à la préservation d'une situation de fait ou de droit donnée285.

Pendant l'instance arbitrale, dès lors que les parties n'ont pas réglé la procédure de remplacement de l'arbitre récusé, réputé incapable, décédé ou démissionnaire et au cas où le tribunal arbitral ne parvient pas à régler ces incidents de procédure, la solution sera apportée par le juge compétent de l'État partie à la demande de la partie la plus diligente286. Ce dernier pourra également, en cours d'instance, autoriser les mesures provisoires ou conservatoires. Toutefois, sa compétence à ce niveau est concurrente avec celle de l'arbitre. Ainsi, la partie qui sollicite lesdites mesures dispose du choix d'adresser sa requête soit au juge étatique, soit au tribunal arbitral. Cependant, il est avantageux de saisir le juge étatique eu égard de ce que contrairement aux sentences arbitrales qui nécessites pour leur exécution l'exéquatur du fait de l'absence d'impérium octroyé à l'arbitre, les décisions du juge étatique font l'objet d'une exécution rapide, ce qui favorise une meilleure sauvegarde des intérêts du demandeur. Le juge étatique peut également proroger le délai légal ou conventionnel de l'arbitrage à la demande de l'une des parties ou du tribunal arbitral287.

Après l'instance arbitrale, le juge étatique intervient pour accorder l'exéquatur288, autoriser l'exécution forcée, interpréter ou rectifier les erreurs matérielles qui affectent la

284 Cour d'appel du Littoral, Arrêt no 092/ REF du 09 Mai 2007, Aff. TENE Job c/ PENGHOUA Emmanuel et KAMKEN François, in répertoire OHADA, jurisprudence et bibliographie, 2006-2010, p. 25.

285 P. BERNADI, « Les pouvoirs de l'arbitre »in Mesures conservatoires et provisoires en matière d'arbitrage international, publication CCI no 519, p.24. V. ég. G. K. DOUAJNI, « Les mesures provisoires et conservatoires dans l'arbitrage OHADA », Rev. Cam. Arb., no8, Janvier- Février- Mars 2000, pp.3-s.

286 Art 6.al.3 NAUA.

287 Art 12 al.2 NAUA.

288 Art.30 et s. NAUA.

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sentence si le tribunal ne peut plus être réuni289 ou pour connaitre du recours en annulation de la sentence290.

B. Le juge public dans l'arbitrage institutionnel interne

L'arbitrage institutionnel interne est celui qui se déroule sous l'égide des organismes d'arbitrages existants à l'intérieur des États. Le droit OHADA de l'arbitrage autorise les parties à s'en remettre à de tels organismes pour le règlement de leurs différends. Seulement, le choix d'un organisme d'arbitrage emporte obligation pour les parties de se soumettre à son règlement d'arbitrage291. En effet, dans l'arbitrage institutionnel interne, la présence du juge étatique n'est pas aussi intense que dans l'arbitrage ad hoc. Dans ce type d'arbitrage, le juge étatique saisi par une partie pourra intervenir pour accorder les mesures provisoires ou conservatoires sans qu'une telle action ne remette en cause la convention d'arbitrage292. L'intervention du juge étatique est également nécessaire à défaut d'exécution spontanée pour accorder l'exequatur à la sentence arbitrale rendue par l'institution d'arbitrage.

En somme, on peut retenir que le renfort du juge étatique est un facteur d'efficacité de l'arbitrage traditionnel dans l'espace OHADA.

Paragraphe 2 : Le renfort du juge public dans l'arbitrage CCJA

Tout comme l'arbitrage ad hoc, l'arbitrage institutionnel CCJA est fortement marqué par l'assistance du juge public, à la différence que si dans le premier type d'arbitrage il s'agit essentiellement du juge étatique, dans le second, le règlement d'arbitrage CCJA prévoit que ce juge soit en principe la CCJA (A) et de façon exceptionnelle, le juge compétent de l'État partie (B).

A. La CCJA comme juge public de principe dans « l'arbitrage CCJA »

En effet, le principe est le même que dans un arbitrage ad hoc. L'intervention du juge public se fait avant, pendant et après l'instance arbitrale.

289 Art. 22 al. 5 NAUA.

290 Art. 27. NAUA.

291 Art. 10 al.1 NAUA.

292 V. art 26.3 du règlement d'arbitrage CAG, art. 22 du règlement d'arbitrage CACI, art. 30 al.2 du règlement d'arbitrage du centre d'arbitrage et de médiation de l'OAPI.

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L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des activités économiques dans l'espace OHADA

Avant l'instance, la CCJA peut être appelé à prêter son concours lors de la constitution du tribunal, en nommant des arbitres en lieu et place des parties ou des arbitres qui ne s'accordent pas sur le choix du troisième arbitre.293 Elle peut également intervenir en vue d'examiner les demandes de récusation introduites dans les trente (30) jours qui suivent la réception par le requérant de la notification de la nomination ou de la confirmation de l'arbitre par la Cour294.

A la phase de l'instance, la CCJA pourra apporter son appui au cas où, une demande de récusation est introduite pour des faits découverts en cour de procédure295.La compétence de la Cour est également établie en cas de remplacement de l'arbitre pour cause de décès, de démission ou d'incapacité296.

A la phase post arbitrale, c'est-à-dire après le rendu de la sentence arbitrale, la CCJA peut éventuellement intervenir pour nommer un arbitre unique en vue de statuer sur le recours en interprétation, rectification ou complément de sentence en cas de désaccord entre les parties sur la nomination d'un nouveau tribunal lorsque l'ancien ne peut plus être réuni. Elle intervient également pour accorder l'exéquatur297 à la sentence et pour connaitre du recours en annulation298 de cette dernière, du recours en tierce opposition299 ou à défaut d'accord entre les parties et si le tribunal ne plus être saisi pour nommer un nouveau tribunal arbitral300.

B. Le juge étatique comme juge public exceptionnel dans l'arbitrage

CCJA

L'article 10-1 alinéa 3 NRA/ CCJA prévoit la possibilité pour une partie de saisir le juge étatique compétent au cas où l'urgence des mesures provisoires et conservatoires ne permettrai pas au tribunal de statuer rapidement. Cette compétence est concurrentielle à celle du tribunal arbitral, aussi le requérant aura à choisir entre l'arbitre CCJA et le juge étatique, son choix étant guidé tant par la nature des mesures sollicitées que par la possibilité de leur exécution plus ou moins facile.

293 Art.3.3 NRA/ CCJA.

294 Art. 4.2.1 NRA/ CCJA.

295 Ibid.

296 Art. 3 et 4 NRA/ CCJA.

-297 Lire à ce titre l'article 30 du nouveau règlement d'arbitrage CCJA.

298 Art. 29.1 NRA/ CCJA.

299 Art. 33 NRA/ CCJA.

300 Art. 32 NRA/ CCJA.

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L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des activités économiques dans l'espace OHADA

En définitive, on peut retenir que l'efficacité du système d'arbitrage OHADA est largement tributaire du soutient que lui apporte le juge public, dont le rôle est de contribuer au bon déroulement des procédures arbitrales. Juge étatique ou CCJA, sa présence tant dans l'AUA que dans le RA/ CCJA témoigne de la volonté du législateur de garantir aux acteurs économiques la sécurité judiciaire en leur assurant, l'accès à des arbitrages dont l'efficacité serait difficilement mise en cause.

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L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des activités économiques dans l'espace OHADA

CONCLUSION DU CHAPITRE II

La sécurité judiciaire est un besoin constant dans la vie juridique. Elle s'entend de la manière dont la justice est rendue et suggère que celle-ci soit crédible, équitable, transparente, capable de dire le droit avec compétence et de sécuriser les justiciables. Recherchée avec le plus d'acuité dans le contentieux économique, la sécurité judiciaire est une exigence sans laquelle aucun État ne peut véritablement prétendre au développement économique. Elle constitue l'une des raisons d'être de l'OHADA et c'est elle qui justifie la place particulière du droit de l'arbitrage communautaire vis-à-vis des autres règles harmonisées.

En effet, il est évident que les systèmes judiciaires des États parties au Traité OHADA présentent de nombreuses défaillances qui dégradent le climat des affaires. Vu sous ce prisme, l'arbitrage OHADA ne peut qu'être une solution idoine au problème de l'insécurité judiciaire dans la mesure où, tout d'abord, il est marqué par la célébration de l'autonomie de la volonté qui favorise la participation active des parties dans l'organisation, le déroulement et le sort de leur procédure arbitrale. Ainsi, elles peuvent se prémunir contre tous les aléas susceptibles de nuirent à leurs intérêts.

En outre, l'arbitrage OHADA est soumis aux principes directeurs d'une bonne justice ; ce qui garantit aux investisseurs des procès arbitraux justes et équitables dans l'espace communautaire et enfin, l'assistance du juge public permet de renforcer l'efficacité des procédures arbitrales.

C'est dire en définitive qu'on peut affirmer eu égard des argumentations qui précèdent que, dans une certaine mesure, l'arbitrage OHADA contribue à la sécurité judiciaire des activités économiques dans les États parties.

CONCLUSION DU TITRE I

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L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des activités économiques dans l'espace OHADA

Le développement économique est largement tributaire de la sécurité juridique et judiciaire. Sans pour autant soutenir que l'arbitrage est la seule matière à pouvoir contribuer à la réalisation de cet objectif, force est de reconnaitre que dans l'espace OHADA, il occupe une place fondamentale.

Pour ce qui est de la sécurité juridique, avant le 11 Mars 1999, le droit de l'arbitrage était parfois absent, parfois incomplet, où même encore contradictoire et inadapté dans la plupart des États africains. Cette situation s'expliquait non seulement par le choix législatif opéré par ces derniers lors de leur accession à l'indépendance ; les uns ayant optés pour la continuité passive, les autres pour la continuité active, mais également par la caducité des quelques règles arbitrales disponibles dans certains États. Ce qui avait donc pour conséquence l'insécurité juridique qui rendait l'environnement impropice aux affaires. Ainsi, la supranationalisation du système d'arbitrage OHADA, son originalité ainsi que son modernisme ont permis d'obtenir un droit accessible, prévisible, stable et adapté. En clair, un droit de l'arbitrage qui contribue à la sécurité juridique dans l'espace juridique intégré.

Au plan de la sécurité judiciaire, la célébration de l'autonomie de la volonté, l'exigence du respect des principes directeurs d'une bonne justice et le renfort du juge public ont permis d'améliorer la qualité de la justice arbitrale dans les États parties. Une qualité qui permet au système d'arbitrage OHADA de contribuer à la sécurité judiciaire dans l'espace communautaire.

On peut donc en définitive conclure que le système d'arbitrage OHADA contribue à la sécurisation des activités économiques dans l'espace juridique intégré. Seulement cette contribution reste perfectible.

UNE CONTRIBUTION PERFECTIBLE DE L'ARBITRAGE OHADA A LA
SÉCURISATION DES ACTIVITÉS ÉCONOMIQUES DANS L'ESPACE
JURIDIQUE INTEGRE

TITRE II

L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des activités économiques dans l'espace OHADA

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Le terme perfectible renvoie à ce que l'on peut parfaire et donc à ce qui présente des limites qui demandent des solutions pour être parfait. Aussi, si tant est vrai que comme nous l'avons démontré, le système d'arbitrage OHADA contribue d'une certaine manière à la sécurisation des opérations économiques dans l'espace intégré, il reste de constater que cette contribution bien que nécessaire présente un certain nombre de scories. Quelles sont-elles et comment les améliore- t-on ? La réponse à cette interrogation suggère d'examiner d'une part les scories d'ordre normatif (chapitre I) et d'ordre pratique (chapitre II) d'autre part.

LES SCORIES D'ORDRE NORMATIF

CHAPITRE I

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Afin de permettre à son système d'arbitrage de contribuer efficacement à la sécurisation des activités économiques, le législateur africain s'inspirant largement du droit français et des règles matérielles de l'arbitrage international,301 s'est doté de règles modernes et originales302. Seulement, force est de constater que celles-ci laissent transparaitre des défaillances qui compromettent l'objectif recherché c'est-à-dire la sécurité juridique et judiciaire, afin non seulement de conserver les investissements existants, mais également d'attirer beaucoup plus d'autres. Ces défaillances que nous qualifions d'ordre normatif se traduisent par des silences (section 1), des imprécisions et enfin l'hyper protection de l'arbitre CCJA (section 2).

Section 1 : Les silences du législateur africain

L'exégèse des textes et la pratique arbitrale révèlent que le législateur a, dans certains cas, opéré le choix de rester silencieux sur bon nombre de questions essentielles ; ce qui entache ou est susceptible d'entacher l'efficacité des procédures arbitrales dans l'espace OHADA. Ces silences tiennent d'une part à certains concepts (Paragraphe 1) et d'autre part à la règlementation de certaines procédures (Paragraphe 2).

Paragraphe 1 : Les silences conceptuels

Le législateur africain a fait preuve d'un silence remarquable et répété au sujet de deux concepts fondamentaux en droit de l'arbitrage. Il s'agit de l'arbitrabilité (A) et du juge compétent (B).

301 Ab. DIALLO, op.cit., p. 29. À ce titre ce dernier précise qu'« En droit international privé, les règles matérielles se définissent comme des normes ou des règles dans les quelles, la situation internationale trouve directement son application ou sa réglementation. Ces règles matérielles sont l'oeuvre de la jurisprudence ».

302 V. supra.

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A. Sur l'arbitrabilité

Selon l'article 2 AUA : « Toute personne physique ou morale peut recourir à l'arbitrage sur les droits dont elle a la libre disposition ». Mais que faut-il entendre par « droits dont a la libre disposition » ? En effet, le législateur africain n'a pas défini cette notion. Il s'est contenté d'une formule générale en laissant le soin à chaque État membre de déterminer les droits dont les parties ont la libre disposition. Ainsi, il arrive parfois que le contenu de la notion diverge en fonction des États. Ce qui pourrait engendrer de sérieuses difficultés au cas où les parties viendraient tous de l'espace OHADA mais, d'États différents et dont les législations sont contradictoires sur ce sujet303. Pour s'en convaincre, il suffit d'évoquer à titre d'exemple le droit sénégalais qui, contrairement à d'autres législations voisines, n'autorise pas de compromettre en matière de contrats administratifs. Le problème s'était déjà posé dans une affaire opposant l'État du Sénégal à la Société Ouest Africaine de Bétons Industriels (SOABI).

Dans cette affaire, L'État du Sénégal avait signé en application du Code des investissements une convention d'établissement avec la SOABI (Société Ouest Africaine de Bétons Industriels) laquelle s'était engagée à construire entre Dakar et Thiès quinze mille logements sociaux. C'est bien plus tard que l'État, au motif que cet accord relevait de la catégorie des contrats administratifs, prit l'initiative de rompre unilatéralement le contrat. Cette rupture du contrat causait d'importants préjudices à son partenaire. Ce dernier mit alors en oeuvre la clause compromissoire que contenait l'accord en question en sollicitant un arbitrage du centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements304. Le motif qui justifie la rupture du contrat par l'État sénégalais témoigne à suffisance que le renvoi opéré par le législateur africain peut avoir des conséquences désastreuses pour les investisseurs, étant donné qu'il peut arriver qu'une sentence arbitrale rendue dans un État partie et dont l'exécution devrait se poursuivre dans un autre État partie, se voit refuser l'exéquatur pour contrariété à l'ordre public, le litige étant inarbitrable dans ledit État. Nous jugeons donc impertinente cette attitude du législateur qui vise à garder le

303 M-A NGWE, « Pratique de l'arbitrage OHADA, bilan et perspectives », in International arbitration and the rule of law, contribution and conformity, ICCA congres series NO19, General Editor, Andrea MENAKER with the assistance of the permanent court of Arbitration Peace Palace, the Hague, p.1011.

304Cour d'Appel de Paris 5 Décembre 1989, État du Sénégal c/SOABI, Cass.civ. 1ère 11 Juin 1991 SOABI C/État du Sénégal, in Revue Dalloz 1991. IR.183. Cette sentence a été publiée dans la Revue du CIRDI, Foreign investisment Law Journal, ICSID Review, Volume 6, number 1, Spring 1991, p.125.

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silence et à laisser à chaque État le soin de déterminer les litiges arbitrables et ceux qui ne le sont pas, eu égard au fait que non seulement elle rentre en contradiction avec l'objectif d'harmonisation recherché, mais aussi qu'elle entrave la sécurité juridique par le fait qu'un droit peut être acquis en vertu d'une sentence arbitrale dans un État partie et se voir refusé dans un autre. Il est donc souhaitable qu'à l'avenir, le législateur africain fasse preuve de courage en adoptant une formule qui permettra de déterminer le contenu de la notion de droit disponible. Il pourrait éventuellement emprunter à la formule utilisée par le Code de procédure civile camerounais à savoir : « On ne peut compromettre sur les dons et legs d'aliments, logements et vêtements ; sur les séparations d'entre mari et femme, divorces, questions d'état, ni sur aucune des contestations qui seraient sujettes à communication au ministère public »305. Une telle initiative aurait le mérite de mettre fin aux divergences existantes ou susceptibles de l'être dans les États membre de l'OHADA et par ricochet de renforcer la sécurité juridique communément voulue par l'organisation et les opérateurs économiques.

B. Sur le juge compétent

Comme nous l'avons déjà indiqué, le juge étatique, juge d'appui, est un personnage nécessaire en termes de garantie de bonne justice. Cependant, s'il est vrai que la question de son identification ne se pose pas en matière d'arbitrage CCJA306, tel n'est pas le cas pour les arbitrages traditionnels.

Selon l'Acte uniforme relatif au droit de l'arbitrage, le juge appelé à apporter son assistance à l'arbitrage avant, pendant et après l'instance est « le juge compétent de l'État partie ». La question qui se pose est donc de savoir qui est ce juge ? À cette question, le législateur a répondu par le silence, aussi a-t-il renvoyé sa détermination à chaque État membre de l'organisation. Seulement, le renvoi opéré n'a jusqu'à ce jour pas produit beaucoup d'effets, seul trois États307 ayant légiféré en la matière. C'est dire que le juge

305 Cf. art 577 du Code de procédure civile camerounais.

306 Dans l'arbitrage se déroulant sous l'égide de la CCJA, le juge compétent pour assister le tribunal arbitral est

la CCJA.

307Cameroun (Loi N° 2003/ 009 du 10 Juillet 2003 désignant les juridictions compétentes visées à l'acte uniforme relatif au droit de l'arbitrage et fixant leur mode de saisine. Cette loi désigne le président du tribunal de première instance du lieu de l'arbitrage ou le magistrat par lui délégué comme étant le juge compétent pour assister le tribunal arbitral à la phase ante sententiam. A la phase post sententiam, elle désigne la Cour d'appel pour connaitre du recours en annulation de la sentence arbitrale), Sénégal (Décret N° 2016-1192 portant désignation de la juridiction nationale compétente en matière de coopération étatique dans le cadre de l'arbitrage pris en application de l'Acte uniforme relatif au droit de l'arbitrage. Ce texte prévoit que le juge compétent visé

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compétent est pratiquement introuvable dans la plupart des États de l'OHADA, ce qui constitue un frein à l'efficacité des procédures arbitrales.

En effet, les difficultés d'identification du juge compétent ont eu à se présenter dans la zone OHADA. Ce fut notamment le cas dans l'affaire ayant opposé les époux DELPECH à la société « SOTACI ».

En l'espèce, les demandeurs soutenaient que le juge compétent prévu à l'article 25 alinéa 2 de l'acte uniforme relatif au droit de l'arbitrage n'est rien d'autre que le tribunal de première instance conformément à l'article 5 du Code ivoirien de procédure civile308. La Cour répondit en ces termes :« attendu qu'aux termes de l'article 25 alinéa 2 de l'acte uniforme relatif au droit de l'arbitrage, la sentence arbitrale peut faire l'objet d'un recours en annulation, qui doit être porté devant le juge compétent dans l'État partie ; que l'acte uniforme sus-indiqué ne précisant pas le ledit juge compétent, il y'a lieu de se reporter à la loi nationale de l'État-partie concerné pour déterminer le juge devant lequel le recours en annulation doit être porté ; qu'aux termes de l'article 44 de la loi ivoirienne n°93-671 du 09 août 1993 relative à l'arbitrage l'appel et le recours en annulation sont portés devant la cour d'appel dans le ressort de laquelle la sentence arbitrale a été rendue ; qu'en l'espèce la sentence arbitrale ayant été rendue à Abidjan, c'est bien la cour d'appel d'Abidjan qui était compétente pour connaître du recours en annulation ». Dans une autre affaire, en l'occurrence SARCI Sarl contre ATLANTIQUE TELECOM SA et TELECEL BENIN SA, la SARCI Sarl soutenait devant la CCJA que le tribunal de première instance de première classe de Cotonou saisi du recours en annulation de la sentence arbitrale était incompétent au motif que le recours en annulation d'une sentence arbitrale revêtue de l'autorité de la chose jugée relève de la Cour d'appel. Dès lors c'est à tort que le tribunal saisi s'était déclaré compétent. N'ayant pas suivi ce raisonnement, la Cour communautaire estima « qu'il est établi en droit positif béninois qu'aucun texte particulier n'est intervenu depuis l'entrée en vigueur de l'acte

aux articles 5, 6, 7, 8, 12, 13, alinéa 4 et 14, alinéa 7 AUA est le président du TGI dans le ressort duquel se déroule la procédure d'arbitrage. S'agissant du juge visé à l'article 22, le texte désigne le TGI du lieu de l'arbitrage. Enfin, le juge visé à l'article 25 est la Cour d'appel du lieu de l'arbitrage.), Côte d`Ivoire (L'ordonnance n° 2012-158 du 09 Février 2012 déterminant l'intervention des juridictions nationales dans la procédure arbitrale désigne comme juge compétent pour apporter son soutien à l'arbitrage, le Président du TPI du lieu de l'arbitrage, sauf l'hypothèse particulière du recours aux mesures provisoires ou conservatoires où c'est le Président du lieu où la mesure provisoire ou conservatoire est sollicitée peut être le juge étatique compétent. En matière d'exequatur, il s'agit du Président du TPI du lieu où l'exequatur est demandé ; en matière d'annulation il s'agit de la Cour d'appel du ressort du siège de l'arbitrage).

308Cf. A. FENEON, « C.C.J.A arrêt n°010/2003 du 19 juin 2003, DELPECH contre SOTACI », in RTDA, Avril-Juin, 2004, n° 847, pp. 232-233.

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uniforme relatif au droit de l'arbitrage pour préciser le juge compétent devant lequel doit être porté le recours en annulation ; que l'Acte uniforme relatif au droit de l'arbitrage n'ayant pas précisé le juge compétent devant lequel le recours en annulation doit être porté, il y a lieu de se reporter à la loi nationale de chaque Etat partie pour cette détermination ; qu'en République du Bénin, Etat partie, la loi n°2001-37 du 27 août 2002 portant organisation judiciaire dispose en son article 49 que « les tribunaux de première instance sont juges de droit de commun en matière pénale, civile, commerciale, sociale et administrative »; qu'en conséquence, il échet de dire que le tribunal de première instance de première classe de Cotonou est, en l'espèce, le juge compétent pour connaître du recours en annulation de la sentence arbitrale du 09 mars 2008 »309. Cette décision de la Cour est discutable selon Abdou DIALLO car elle affirme d'abord, que « depuis l'entrée en vigueur de l'acte uniforme au Bénin aucun texte particulier ne précise le juge compétent en matière de recours en annulation ». Ensuite, elle confirme la compétence du tribunal de première classe, en matière de recours en annulation. Dès lors pour cet auteur, une telle démarche peut être analysée comme une contradiction des motifs310. A notre avis, un raisonnement différent aurait été difficilement envisageable compte tenu de l'absence de texte particulier désignant le juge compétent au Benin. En tout état de cause, Ces différentes affaires montrent bien à quel point le vide juridique relativement au juge compétent peut être une source d'insécurité judiciaire, car conduisant à des interprétations erronées de nature à trainer une procédure arbitrale. Aussi, pour résoudre ce problème, deux thèses s'affrontent à savoir celle de la réaction des États retardataires et celle de la prise de ses responsabilités par le législateur africain.

Pour les tenants de la première thèse, il revient aux États parties de déterminer le juge compétent311. Ainsi, tous les États qui n'ont toujours pas légiférer en la matière devraient impérativement suivre les pas de ceux qui l'ont déjà fait312. Ainsi, selon Marie-Andrée NGWE, le conseil des ministres de l'OHADA pourrait faire des recommandations à ce sujet aux États membre, les organismes internationaux pourraient également avoir une influence nécessaire pour inciter ces derniers à légiférer. Pour cet auteur, deux raisons militent en faveur

309 Cf. CCJA, arrêt n°44/2008, 17 Juillet 2008, Société africaine de relations commerciales et industrielles dite SARCI Sarl c/ Atlantique Télécom SA et Télécel Benin SA, in P-G. POUGOUE, S. S. KUATE TAMEGHE (Dir.), Les grandes décisions de la Cour commune de justice et d'arbitrage de l'OHADA, L'Harmattan, 2016, pp. 315 et s.

310 Ab. DIALLO, op.cit., p.123.

311 M-A. NGWE, op.cit., pp.1018-1019.

312 J. BELIBI, G. K. DOUAJNI, « Le juge d'appui dans l'arbitrage OHADA », Revue de l'ERSUMA, numéro spécial-Novembre/ Décembre 2011, pp.46 et s.

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de l'intervention desdits organismes internationaux à savoir « d'abord, pour l'amélioration du climat des affaires dans l'objectif de développement qu'ils poursuivent, ensuite parce que les projets auxquels ils prennent part en tant que bailleurs de fonds peuvent voir leur bon déroulement perturbé par un litige que l'arbitrage permettrait de résoudre ». Elles pourraient donc jouer ce rôle à travers l'organisation des évènements et d'actions visant à sensibiliser les législateurs nationaux. Au plan national, l'auteur pense qu'une action concertée des opérateurs économiques au travers des organes de défenses, des corporations telles que les chambre de commerce, les organisations patronales, les syndicats d'entreprises, serait la bienvenue. Monsieur Denis Roger SOH FOGNO313 va encore plus loin en proposant qu'en matière de recours en annulation, les Etats parties retardataires empruntent au droit camerounais314 en érigeant la cour d'appel du siège de l'arbitrage en juge du contentieux de l'annulation.

Pour les tenants de la seconde thèse, il revient au législateur africain de taire le silence en déterminant clairement le juge compétent dont il fait référence. Pierre Meyer pense qu'il s'agit d'une tâche difficile mais qui pourra être effectuée en fonction du contexte judiciaire des États parties315.

À notre avis, si la première thèse parait peu pertinente eu égard de ce qu'elle est fondée soit sur de simples recommandations qui n'ont aucune force contraignante, soit sur le bon vouloir des États parties, la seconde semble être la plus à même de régler la question du juge étatique compétent pour prêter main force à l'arbitrage dans l'espace OHADA. Il est donc à notre sens souhaitable que le législateur africain consacre explicitement ce juge. En matière d'assistance lors de la constitution du tribunal arbitral, de nécessité d'une mesure provisoire ou conservatoire, ou enfin d'exequatur, il pourra s'agir du président de la juridiction de l'État partie statuant en matière d'urgence ou le magistrat par lui délégué à cette fin. S'agissant du contentieux de l'annulation des sentences arbitrales le juge compétent pourra être la Cour d'appel du siège de l'arbitrage. En tout état de cause, il revient au législateur de le faire, étant donné qu'une telle initiative aura le mérite de faciliter

313 D. R. SOH FOGNO, « Le contentieux de l'annulation des sentences issues de l'arbitrage traditionnel dans l'espace de l'OHADA », Rev. Cam. Arb., no23, Oct-Nov-Dec., 2003, p. 9.

314 L'article 4 alinéa 1 de la loi No 2003/ 009 du 10 juillet 2003 portant désignation des juridictions compétentes visées dans l'Acte uniforme relatif au droit de l'arbitrage et fixant leur mode saisine dispose que « le juge compétent visé par les articles 25 et 28 de l'acte uniforme relatif au droit de l'arbitrage est la Cour d'appel... ».

315 P. MEYER, Droit de l'arbitrage, Bruylant, Coll. droit uniforme africain, 2002.

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l'identification de ce juge, ainsi que de renforcer l'efficacité des arbitrages classiques et par ricochet la sécurité judiciaire dans l'espace OHADA.

Paragraphe 2 : Les silences quant à la règlementation de certaines

procédures

Le législateur africain n'a réglementé ni le recours en révision des sentences arbitrales (A), ni la tierce opposition (B).

A. Quant au recours en révision

Encore appelé recours en rétractation ou requête civile, le recours en révision tend à la rétractation de la sentence pour que les arbitres statuent de nouveau316. Entant que voie de recours extraordinaire, il ne s'applique qu'aux décisions passées en force de chose jugée et n'est ouvert qu'en vue de permettre à toute personne intéressée de faire réviser le procès en cas de découverte d'un fait décisif qui, avant le prononcé de la sentence, était inconnu du tribunal arbitral et de la partie qui l'introduit317.

Dans le système d'arbitrage OHADA, il est prévu par les articles 25 alinéa 6 NAUA et 32 NRA/ CCJA. Dans le premier cas, il est dit que la sentence arbitrale peut faire « l'objet d'un recours en révision devant le tribunal en raison de la découverte d'un fait de nature à exercer sur la solution du différend une influence décisive et qui, avant le prononcé de la sentence, était inconnu du tribunal arbitral et de la partie qui demande la révision (...) ». Dans le second cas, sauf indication que le recours en révision est déposé au secrétariat général de la Cour communautaire, la formule en elle-même ne diffère pas. C'est dire que dans le système d'arbitrage OHADA, le recours en révision ne peut valablement être intenté que si deux conditions sont réunies, à savoir l'existence d'un fait inconnu et le caractère décisif de ce fait.

Le fait inconnu est un fait nouveau et son caractère décisif suppose qu'il est susceptible de modifier la décision des arbitres318. C'est d'ailleurs ce qu'a rappelé la CCJA dans l'affaire IAD et CMDT contre GSCM319.

316 Ab. DIALLO, op.cit., p.142.

317 P-G. POUGOUE, J-M. TCHAKOUA, A. FENEON, Droit de l'arbitrage dans l'espace OHADA, PUA, 2000, p. 230.

318P. MEYER, Droit de l'arbitrage, op.cit., p. 260.

319 CCJA, Arrêt No 059/ 2013 du 18 juillet 2013, affaire Compagnie malienne pour le développement des textiles (CMDT) et groupement des syndicats de producteurs de coton et vivriers du mali (GSCM) c/ Société inter

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Seulement, s'il est vrai que par le passé, législateur africain avait renvoyé la procédure du recours en révision des sentences arbitrales CCJA aux règles prévues à l'article 49 du règlement de procédure de la Cour tout en se gardant de règlementer ladite procédure dans l'AUA, force est de constater que la réforme de 2017 se fait remarquer par un total mutisme législatif en la matière320.

En effet, ni dans le NAUA, ni dans le NRA/CCJA le législateur n'a prévu de délai de forclusion pour l'exercice du recours en révision. Or il semble difficile d'admettre qu'une telle action puisse être intentée très longtemps après la découverte du fait nouveau321. Il n'est pas non plus prévu un délai dans lequel le tribunal arbitral est tenu de statuer en cas de recevabilité du recours en révision. Un tel silence ne participe pas à la réalisation de l'objectif de sécurisation recherchée dans l'espace OHADA, étant donné qu'il est susceptible de laisser place au dilatoire et par ricochet de porter atteinte au caractère de l'arbitrage qui se veut rapide. Aussi suggérons-nous que dans les deux textes, s'agissant du déclenchement de la procédure il soit renvoyé à l'article 49 alinéas 4 et 5 du règlement de procédure de la Cour communautaire322. S'agissant du délai pour statuer, l'idéal serait que dans l'arbitrage ad hoc, il soit accordé au tribunal arbitral un délai de trois (03) mois pour se prononcer. Cependant si le tribunal ne peut plus être réuni, le même délai devrait être accordé au juge étatique compétent assorti cette fois d'un dessaisissement au profit de la CCJA au cas où ce délai n'était pas respecté. Le délai de trois (03) mois pourra également se voir appliqué dans l'arbitrage CCJA. Nous pensons que ce délai trimestriel permettrait non seulement de renforcer la célérité qui caractérise l'arbitrage, mais également de prévenir les comportements dilatoires susceptibles d'être mis en oeuvre par une partie de mauvaise foi.

B. Quant à la tierce opposition

Tout comme le recours en révision, la tierce opposition est une voie de recours extraordinaire. Elle a pour objet de rétablir la relativité de la chose jugée à l'égard des tiers323. Ainsi, toute personne physique comme morale étrangère à une procédure arbitrale, mais dont

africaine de distribution (IAD), in Rev. Cam. Arb N° 63, Octobre-Novembre-Décembre, 2013, pp.3-10, arrêt commenté par Patrick Hermann ZANGUE, attaché de recherches à l'APAA.

320 Selon nous, il s'agit très certainement d'une erreur commise par le législateur.

321 P-G. POUGOUE, J-M. TCHAKOUA, A. FENEON, op.cit., p. 231.

322Article 49 alinéa 4 :« la demande en révision doit être formée dans un délai de trois mois à compter du jour où le demandeur a eu connaissance du fait sur lequel la demande en révision est basée » ; alinéa 5 : « aucune demande en révision ne pourra être formée après l'expiration d'un délai de dix ans à dater de l'arrêt ».

323P. MEYER, Droit de l'arbitrage, op.cit., p. 261.

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la sentence compromet ses intérêts, peut exercer ce recours. La tierce opposition exige dès lors pour sa validité l'existence d'un intérêt à agir. Il s'agit d'un principe constant que la CCJA a d'ailleurs pris la peine de rappeler dans l'affaire République de Guinée équatoriale et CEMAC contre la société Commercial Bank of Guinea Ecuatorial (CBGE) en ces termes : « attendu que l'exercice de l'action en tierce opposition suppose, au regard des dispositions de l'article 47.2 ci-dessus énoncé du Règlement de procédure de la Cour qui dispose que la demande doit « indiquer en quoi l'arrêt préjudicie aux droits du tiers opposant », l'existence d'un intérêt à agir, alors qu'en l'espèce, la solution donnée au litige dans la sentence consistant en l'allocation de dommages-intérêts en réparation d'un préjudice né d'une situation ponctuelle qui a épuisé ses effets dans le dénouement de l'instance arbitrale, n'est pas de nature à perpétuer un comportement en contrariété à un ordre public dont la CEMAC serait chargée de veiller au respect dans son espace ; qu'il s'en suit que cette organisation communautaire ne justifie pas d'un intérêt à agir pour l'exercice de ce recours ; qu'il échet en conséquence de déclarer irrecevable »324. Toutefois, si à notre sens la réglementation de la tierce opposition ne pose pas de problèmes dans l'arbitrage CCJA, dans la mesure où le législateur africain a renvoyé325 sa procédure à l'article 47 du règlement de procédure de la Cour communautaire326, tel n'est pas le cas dans l'arbitrage soumis à l'AUA.

Dans l'arbitrage régi par l'AUA, l'article 25 alinéa 5 de la nouvelle règlementation prévoit que « la sentence arbitrale peut faire l'objet d'une tierce opposition par toute personne devant la juridiction de l'État partie qui eut été compétente à défaut d'arbitrage et lorsque cette sentence préjudicie à ses droits ». Ainsi, le législateur renvoi la compétence pour connaitre de la tierce opposition à la juridiction étatique qui eut été compétente à défaut d'arbitrage. Seulement, il est resté muet sur la procédure applicable à cette voie de recours. Le fait d'avoir déterminé le juge étatique comme compétent pour connaitre du recours en tierce

324CCJA, Arrêt n° 012/2011 du 29 novembre 2011. Cet arrêt peut être trouvé sur http://biblio.ohada.org, consulté le 10 Août 2019 à 6H02.

325 V. Art. 33 NRA/ CCJA.

326 Article 47 «1. Toute personne physique ou morale peut présenter une demande en tierce opposition contre un arrêt rendu sans qu'elle ait été appelée, si cet arrêt préjudicie à ses droits.

2. Les dispositions des articles 23 et 27 du présent Règlement sont applicables à la demande en tierce opposition. Celle-ci doit en outre :

a) spécifier l'arrêt attaqué ;

b) indiquer en quoi cet arrêt préjudicie aux droits du tiers opposant ;

c) indiquer les raisons pour lesquelles le tiers opposant n'a pu participer au litige principal. La demande est formée contre toutes les Parties au litige principal.

3. L'arrêt attaqué est modifié dans la mesure où il fait droit à la tierce opposition. La minute de l'arrêt rendu sur tierce opposition est annexée à la minute de l'arrêt attaqué. Mention de l'arrêt rendu sur tierce opposition est faite en marge de la minute de l'arrêt attaqué ».

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opposition laisse penser que le législateur a renvoyé sa procédure aux lois nationales. Mais alors, il peut arriver que celles-ci diffèrent, ou ne correspondent pas à la vitesse recherchée en matière arbitrale, ce qui n'est pas favorable à l'objectif d'harmonisation recherché par les fondateurs de l'OHADA. À notre avis, il aurait été souhaitable que le législateur africain réglât la procédure de tierce opposition en prévoyant les délais d'action, de jugement ainsi que les règles relatives à l'instruction du recours en tierce opposition. L'action étant née d'un arbitrage régi par l'AUA, les dispositions de ce texte se verraient imposées, au juge étatique.

En somme, les silences législatifs constituent des limites normatives à la sécurisation des opérations économiques dans l'espace OHADA. Cependant, elles ne sont pas les seules car on constate également des incertitudes liées à certains concepts, ainsi qu'une protection rigide de certains arbitres.

Section 2 : Les incertitudes conceptuelles et la protection rigide de certains

arbitres

Nous examinerons tour à tour les incertitudes conceptuelles (Paragraphe 1) et la protection rigide de certains arbitres (Paragraphe 2).

Paragraphe 1 : Les incertitudes conceptuelles

Un certain nombre de concepts utilisés par le législateur africain en matière arbitrale présentent un caractère flou susceptible de créer des incertitudes dans la mise en oeuvre des procédures où lors de l'exécution des sentences arbitrales. Il s'agit d'une part de la clause manifestement inapplicable (A) et de l'ordre public international (B) d'autre part.

A. Le concept de clause manifestement inapplicable, source d'incertitude dans la mise en oeuvre des procédures arbitrales OHADA

La consécration de la clause manifestement inapplicable en droit OHADA de l'arbitrage est un emprunt au droit français de l'arbitrage327. Il s'agit d'une nouveauté découlant de la réforme de 2017. Aussi si l'ancien article 13 alinéa 2 AUA n'en faisait pas référence, la nouvelle formulation de cette disposition le prévoit de manière expresse en ces termes : « Si le tribunal arbitral n'est pas encore saisi ou si aucune demande d'arbitrage n'a été formulée, la juridiction étatique doit également se déclarer incompétente à moins que la

327 V. art. 1448 du Code de procédure civil français.

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convention d'arbitrage ne soit manifestement nulle ou manifestement inapplicable à l'espèce ». Le règlement d'arbitrage de la Cour communautaire est silencieux sur la question . Dès lors est-ce à dire que le législateur a choisi de là restreindre aux conventions d'arbitrage renvoyant à l'acte uniforme ? Nous pensons que c'est le cas étant entendu que seul le règlement d'arbitrage de Cour communautaire et le traité OHADA s'appliquent aux arbitrages que les parties ont choisies de confier à la juridiction supranationale, ce qui à notre sens est regrettable dans la mesure où sa venue dans le droit communautaire est née d'un plaidoyer en faveur du renforcement de la protection de la partie faible dans l'arbitrage OHADA328. Or, il est évident que des difficultés relatives à la clause d'arbitrage manifestement inapplicable sont susceptibles de se présenter dans un arbitrage CCJA notamment, en cas d'impécuniosité d'une partie.

En effet, la justice arbitrale est couteuse, ce qui induit que sa mise en oeuvre et son suivi exigent de réunir des financements conséquents. Or il arrive parfois des cas où une partie signataire d'une clause compromissoire se voit après la survenance d'un litige incapable de financer la procédure arbitrale. Cette incapacité pouvant trouver ses origines soit dans les difficultés économiques et financières survenues après la conclusion de la clause compromissoire, soit dans le statut de l'impécunieux qui n'est nul autre qu'une PME et dont les revenues ne permettent pas de financer la procédure arbitrale. Cette situation est susceptible de se présenter lorsque le litige oppose une grande entreprise à une PME ou encore une entreprise in bonis à une entreprise en difficulté. Vu sous ce prisme, l'impécuniosité peut être un obstacle non seulement au droit d'accès à la justice, mais également à l'égalité des armes. Dès lors, nous pensons que si la partie économiquement faible pourrait trouver refuge en la clause manifestement inapplicable pour se protéger du déni de justice pouvant être occasionné par la clause compromissoire, cette protection devrait également profiter aux impécunieux qui ont conclu des clauses compromissoires CCJA. Ainsi, la restriction opérée par le législateur africain pourrait traduire une potentielle volonté de protéger les parties économiquement faibles dans l'arbitrage traditionnel en ne tenant pas compte de celles susceptibles d'exister dans l'arbitrage CCJA. Il y aurait donc là à notre avis une discrimination législative qui exposerait les faibles au bon vouloir des forts. Néanmoins, là ne se trouve pas le gros du problème car en effet, si on peut imaginer que la volonté législative est de renforcer la protection de la partie faible à travers la consécration de la

328 V. à ce sujet la thèse précédemment citée de Me Martial KOFFI AKAKPO sur la protection de la partie faible dans l'arbitrage OHADA.

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clause manifestement inapplicable, il y a que ce concept reste à définir. On peut donc valablement se demander qu'est-ce qu'une clause manifestement inapplicable ? Dans quels cas le juge étatique peut-il considérer comme manifestement inapplicable une clause d'arbitrage pour se déclarer compétent ? Telles sont les interrogations dont l'absence de réponse pourrait causer des difficultés lors de la mise en oeuvre des procédures d'arbitrage traditionnels. Dans tous les cas, la CCJA devra se prononcer sur cette question soit à l'occasion d'un arrêt, soit à celui d'une consultation.

B. La notion d'ordre public, un potentiel obstacle à l'exécution des sentences arbitrales dans l'espace OHADA

Selon le Professeur Jean-Baptiste RACINE « les rapports entre l'arbitrage et l'ordre public autrefois conflictuels se sont apaisés. Une grande confiance est désormais placée dans les arbitres et l'ordre public n'est plus là pour entraver l'arbitrage. C'est une évolution majeure du droit de l'arbitrage qui s'est ainsi considérablement libéralisé au cours des dernières décennies. Cette discipline a même été transfigurée : l'arbitrabilité ayant été largement admise, l'ordre public s'est placé au stade de la convention d'arbitrage vers celui de la sentence arbitrale. Les arbitres sont désormais chargés d'appliquer et de respecter l'ordre public dans les sentences qu'ils rendent »329. Ces écrits du Professeur averti en disent tout sur la portée de l'ordre public dans l'arbitrage.

Notion d'une importance capitale en matière d'arbitrage selon cet auteur, l'ordre public soulève d'épineuses questions au double plan pratique et théorique explique-t-il. Ainsi au plan pratique, il est fondamental pour l'arbitre de se demander quel ordre public doit-il respecter et comment le faire. Pour le juge du contrôle, il doit savoir les bases sur lesquelles il exercera son contrôle. Au plan théorique, il soutient que le respect de l'ordre public par les arbitres constitue non seulement la limite, mais également la condition de l'autonomie de l'arbitrage international, l'arbitrage ne pouvant jouir de l'autonomie que s'il respecte l'ordre public et dans la mesure où il le respecte. Dans le même esprit, Serge LAZAREFFE, écrivait qu'« À aucun moment, en effet, l'arbitrage ne doit devenir une justice au rabais, une justice dont on peut penser qu'elle fait prévaloir l'application du contrat et les usages du commerce sur l'application des règles d'ordre public. L'arbitre ne doit pas être un recours à la

329 J-B. RACINE, « Les normes porteuses d'ordre public dans l'arbitrage commercial international », in L'ordre public et l'arbitrage, E. LOQUIN, S. MANCIAUX, Actes du colloque des 15 et 16 Mars 2013- Dijon, LexisNexis, 2014, vol. 42, p. 7.

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recherche de l'illégalité »330. Il ressort donc de ces écrits que l'ordre public détient une place de choix dans l'arbitrage. Mais seulement, que faut-il entendre par ordre public ?

Selon le Professeur Éric LOQUIN, il s'agit « d'une notion protéiforme, impossible à définir, ni même à fixer, car en constant mouvement (...) »331. Dans le même ordre d'idée, Jean VASSOGNE affirmait de l'ordre public est une « notion fugitive aux contours incertains, insaisissable, indocile à toute définition ou, ce qui revient au même, susceptible de trop nombreuses définitions ».332Dès lors, c'est certainement la difficulté qui est d'éclaircir cette notion qui peut justifier la définition platonique proposée par le Professeur Philippe MALAURIE pour qui, l'ordre public serait l'expression du principe de la primauté de l'intérêt général sur l'intérêt particulier333. En tout état de cause, cette notion se conçoit au plan interne et au plan international.

En droit interne, pour reprendre le Docteur Gaston KENFACK DOUAJNI, l'ordre public au sens classique, s'entend des règles qui ont pour objet la sauvegarde des valeurs essentielles de la société334. C'est le rocher sur lequel cette dernière se construit335 et pour être précis, c'est l'ensemble des règles obligatoires qui touchent à l'organisation de la nation, à l'économie, à la morale, à la santé, à la sécurité, à la paix publique, aux droits et aux libertés essentiels de chaque individu336. Pris sur le terrain du droit international, la doctrine et la jurisprudence moderne s'accordent à définir l'ordre public comme un correctif exceptionnel permettant d'écarter la loi étrangère normalement compétente, lorsque cette dernière contient des dispositions dont l'application est jugée inadmissible par le tribunal saisi337. Selon un imminent juriste, l'ordre public international où l'ordre public au sens du droit international privé désigne l'ensemble des principes, écrits ou non, qui sont considérés dans un ordre juridique donné et à un moment donné comme fondamentaux et dont le respect est à ce titre,

330 S. LAZAREFF, « L'arbitre face à l'ordre public. Suite... et non fin », in Mélange P. TERCIER, Schultess, 2008, p.851, Spéc., p.861, cité par J-B. RACINE, op.cit., p.30.

331 E. LOQUIN, « propos introductif », in L'ordre public et l'arbitrage, E. LOQUIN et S. MANCIAUX (Dir.), op.cit., p. 1.

332 J. VASSOGNE, « L'arbitre, le juge et l'ordre public économique », Rev. Arb., 1987, n°1, p. 88.

333 P. MALAURIE, L'ordre public et le contrat, paris 1951, énoncé par E. LOQUIN, Ibid.

334 G. K. DOUAJNI, « La notion d'ordre public international dans l'arbitrage OHADA », Rev. Cam. Arb. No 29, Avril-Mai-Juin 2005, p.1.

335 F. TERRE, Ph. SIMLER, Y. LEQUET, Les obligations, 7ème éd., 1999, Dalloz, No 349-1, p.346.

336 S. I. BEBOHI OBONGO, « L'ordre public international des Etats parties à l'OHADA », Rev. Cam. Arb No 34, Juillet- Aout- Septembre 2006, p.1.

337 Y. LOUSSOUARN, P. BOUREL, P. DE VAREILLES-SOMMIERES, Droit international privé, Dalloz, 10ème éd., 2013, p.361.

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impératif338. L'ordre public international est donc l'ordre public de chaque État qui s'oppose à l'application d'une loi ou d'un jugement étranger incompatible avec les valeurs du for.

En droit de l'arbitrage, le juge saisi d'une demande d'exequatur ou d'annulation d'une sentence arbitrale sera ou pourra être amené à vérifier sa conformité à l'ordre public. Ce qui signifie qu'en amont, l'arbitre est tenu lors de son office, au respect de l'ordre public sous peine de voir sa sentence en aval refusée d'être exequaturée ou annulée par le juge du contrôle. Serait-ce à dire que l'arbitre est le gardien de l'ordre public ? Si oui lequel ? En référence à quel ordre public le juge devra se fonder pour refuser l'exequatur ou annuler la sentence arbitrale ? Serait-ce l'ordre public interne ou l'ordre public international ?

Ces interrogations à notre sens sont d'un grand intérêt, étant donné que l'arbitrage est une institution autonome, détachée de la volonté étatique et donc de l'ordre juridique des États, ce qui a pour conséquence qu'en matière arbitrale, la justice n'est rendue au nom d'aucun État339. Cependant, comme l'indiquait à juste titre le Professeur LOQUIN340, les États ont fait confiance à cette institution et ont accepté qu'elle devienne une justice autonome des ordres juridiques étatiques, confiance qui s'est, avec le temps, traduite par l'admission aux tribunaux arbitraux de connaitre des litiges intéressant l'ordre public et même d'en sanctionner les violations. Ce qui est d'ailleurs le cas avec l'extension de l'arbitrabilité des litiges qui fait de l'arbitre un juge de l'ordre public. Dès lors pour le reprendre intégralement, « il a été délégué au juge privé la mission de protéger et de faire respecter les intérêts fondamentaux des États, ce qui a permis à d'éminents juriste d'écrire que l'arbitrage était non seulement au service des parties, mais aussi au service de la communauté des États ». L'arbitre peut donc être considéré comme étant le gardien de l'ordre public. Mais lequel ? S'agit-il d'un ordre public propre à l'arbitrage ? Auquel cas il faudrait démontrer son existence, ou encore s'agit-il de l'ordre public des États341 ?

Le droit de l'arbitrage OHADA n'est pas en reste sur la question de l'ordre public. En effet, le système d'arbitrage communautaire fait référence à cette notion et dans ce sens

338 S. MANCIAUX, « L'ordre public international et l'arbitrage d'investissement » in L'ordre public et l'arbitrage, E. LOQUIN, S. MANCIAUX (Dir.), op.cit., p. 37

339 L'on a coutume à ce titre de dire que l'arbitre n'a pas de for.

340 E. LOQUIN, « propos introductif », op.cit., p.2.

341Relativement à ces interrogations V. J-B RACINE, « Les normes porteuses d'ordre public dans l'arbitrage commercial international », op.cit.

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choisit l'approche internationaliste. À ce titre, le Traité OHADA342, le nouvel AUA343 et le nouveau RA 344de la cour communautaire font tous référence à l'ordre public international. Dans l'arbitrage régi par l'AUA, la sentence arbitrale pourra être annulée si elle est contraire à l'ordre public international. Elle pourra également se voir refuser l'exequatur si elle est manifestement contraire à cet ordre public. S'agissant de l'arbitrage CCJA, que ce soit en matière d'annulation ou en matière d'exequatur, le juge communautaire opérera son contrôle à l'aune de l'ordre public international. C'est dire qu'à la base, l'arbitre OHADA est tenu de respecter et de faire respecter l'ordre public international, faute de quoi il exposerait sa sentence à des sanctions. Cependant, de quel ordre public international parle-t-on ? De l'ordre public international communautaire ou de celui de chaque État partie au traité ? Cette interrogation peut être source de difficulté lors de l'exécution des sentences arbitrales dans l'OHADA. Prenons par exemple trois cas fictifs :

Dans le premier cas, un litige opposant une entreprise camerounaise à l'État sénégalais relativement à l'exécution d'un marché public est porté devant la cour d'arbitrage de la CCJA. Cette dernière rend une sentence condamnant l'État du Sénégal qui, non content saisi la Cour communautaire d'une requête en annulation de ladite sentence pour contrariété à l'ordre public international, ledit litige étant inarbitrable en droit sénégalais. Face à une pareille hypothèse, le juge communautaire devra-t-il contrôler la sentence à l'aune de l'ordre public sénégalais ? Nous penchons pour une réponse négative étant entendu que le faire serait poser à notre avis un acte contraire à l'harmonisation recherchée ; la CCJA n'étant pas la juridiction d'un État en particulier et par conséquent le garant de son ordre public, mais celle de l'ensemble des États de la communauté OHADA.

Dans le second cas, un litige relatif à l'inexécution d'un contrat oppose une entreprise camerounaise à une entreprise ivoirienne. La première décide en vertu de la clause compromissoire ad hoc contenue dans le contrat de mettre en oeuvre une procédure arbitrale contre la seconde afin de la voir condamnée à réparer son préjudice. Le tribunal arbitral siégeant au Cameroun rend une sentence condamnant l'entreprise ivoirienne à réparer le préjudice subi par son adversaire à hauteur de trois cent millions (300 000 000) FCFA. Par requête aux fins d'exequatur, l'entreprise camerounaise saisi le juge camerounais qui fait droit

342 Art. 25.

343 Art. 26 (recours en annulation) et 31 al.4 (exequatur).

344 Art. 29-2 (recours en annulation) et 30-5 (exequatur).

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à sa demande, la sentence arbitrale étant conforme à son ordre public. Cependant, ayant débuté le recouvrement forcé de sa créance, celle-ci se rend compte que les biens détenus par son débiteur au Cameroun sont insusceptibles de satisfaire l'intégralité de la créance. Elle décide alors d'étendre le recouvrement sur l'une des succursales de son débiteur au Mali. Ce qui nécessite l'exequatur du juge Malien, qui, saisi à cette fin, rejette la demande motif pris de ce que la sentence arbitrale ad hoc rendue au Cameroun est contraire à son ordre public, les droits de la défense345 n'ayant pas été suffisamment respectés. Dans une telle hypothèse, il se pose le problème de la circulation des sentences arbitrales dans l'espace juridique intégré. Le refus de l'exéquatur remettra donc en cause les droits acquis de la sentence rendue au Cameroun par l'entreprise camerounaise, ce qui pose un problème de sécurité juridique.

Dans le dernier cas, un litige relatif à un contrat conclu et exécuté au Cameroun oppose deux entreprises de droit camerounais qui, par un compromis, décident de recourir à l'arbitrage ad hoc. Le tribunal ayant siégé au Cameroun rend une sentence qui très tôt fait l'objet d'un recours en annulation exercé devant la Cour d'appel compétente par la partie ayant succombée ; cette dernière relevant comme moyen unique, la violation par l'arbitre d'une règle d'ordre public international. Face à un pareil cas ne présentant aucun élément d'extranéité, le juge interne pourrait-il se référer à l'ordre public au sens du droit international privé ?

Ces différents exemples montrent que le flou entretenu par la notion d'ordre public international peut être une source d'insécurité juridique caractérisée par les difficultés d'exécution des sentences arbitrales dans l'espace OHADA.

Toutefois selon nous, l'ordre public international donc fait référence le législateur africain est celui de l'ensemble des États parties, il s'agit de la consécration d'un ordre public communautaire qui constitue à la fois un garde-fou vis-à-vis des dérives des ordres public nationaux et des excès de la mondialisation pour emprunter les propos de Roland AMOUSSOU-GUENOU346. L'OHADA le mérite bien, étant entendu qu'il constitue un ordre juridique infra-étatique ou transnational pour reprendre le professeur Paul-Gérard POUGOUE347 et de ce fait, mérite de se construire un ordre public supranational. Cependant

345 Le respect des droits de la défense est une règle d'ordre public procédural.

346 R. AMOUSSOU-GUENOU, « L'Afrique, la mondialisation et l'arbitrage international », Rev. Cam. Arb., n°3 Octobre- Novembre- Décembre 1998, p. 3.

347 P-G. POUGOUE, « Doctrine OHADA et théorie juridique », Rev. ERSUMA, numéro spécial-Novembre-Décembre 2011, pp.6-18.

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cet ordre public communautaire ne sera véritablement efficace que si d'une part la CCJA rend un avis permettant d'éclairer les juges nationaux sur la portée de l'ordre public international dont il fait référence et si l'harmonisation de l'arbitrabilité du litige est réalisée d'autre part.

Paragraphe 2 : La protection rigide de certains arbitres

Le législateur africain a consacré des dispositions dont l'objet est la surprotection de certains arbitres OHADA, notamment ceux de la CCJA. Ces dispositions tendent à ériger l'immunité diplomatique au bénéfice de ces derniers (A) ce qui selon nous conduit à s'interroger sur la pertinence d'un tel privilège(B).

A. L'érection de l'immunité diplomatique dans l'arbitrage CCJA

Organisation internationale dotée d'une personnalité juridique distincte de celle de ses États membres, l'OHADA jouit de la capacité ainsi que des privilèges et immunités reconnus par le droit international public. Par conséquent, bien que n'étant pas une personne morale internationale mais une institution de l'organisation, la CCJA bénéficie des effets de l'immunité diplomatique propre à l'OHADA. Immunité que le législateur a étendu à son personnel à savoir les juges et les arbitres de la cour communautaire348.

Selon l'article 49 alinéa 1 du Traité OHADA, « (...) les juges de la Cour commune de justice et d'arbitrage ainsi que les arbitres nommés ou confirmés par cette dernière jouissent dans l'exercice de leurs fonctions des privilèges et immunités diplomatiques ». L'idée qui traduit une telle extension est qu'à l'instar du juge étatique ou supra étatique, l'arbitre chargé d'une mission juridictionnelle doit bénéficier d'une protection visant à l'abriter de toute poursuite judiciaire susceptible d'intervenir après le prononcé de la sentence. Selon Pierre BOUBOU349, cette protection est la condition sine qua non de la sérénité qui convient à un juge. Dès lors en tant que tel, il est impérieux que l'arbitre dans l'exercice de sa mission

Dans cet article, cet imminent juriste camerounais explique que de nos jours, l'ordre juridique de l'État n'est plus le seul véritable ordre juridique ; qu'il existe aussi des ordres juridiques infra-étatiques ou transnationaux aussi chaque fois que l'on peut constater l'existence d'un ordre social, il existe un droit spécifique qui lui correspond. Dans sa démonstration, il poursuit que l'ordre juridique suppose également un « jus spécifique » efficace ce qui permet de l'envisager comme étant à la fois un ordre normatif et un ordre judiciaire. Dès lors l'OHADA étant constitué d'une communauté humaine à travers le regroupement des Etats, d'un ordre normatif issue des actes uniformes et d'un ordre judiciaire par la création de la CCJA qui est la cour suprême de l'organisation chargé de veiller à la bonne application et à la bonne interprétation des actes uniformes constitue un véritable ordre juridique.

348 P-G. POUGOUE, L'arbitrage dans l'espace OHADA, tiré à part du recueil des cours, Tome 380, 2010, BRILL NIJHOFF, p. 132.

349 P. BOUBOU, « L'indépendance et l'impartialité de l'arbitrage dans le droit OHADA », op.cit., p.7.

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juridictionnelle ne soit pas dans un état d'esprit le conduisant à redouter en permanence des actions initiées par les plaideurs de mauvaise foi. Il ressort donc que l'immunité diplomatique a pour conséquence procédurale l'irrecevabilité de toute action engagée à l'encontre des arbitres CCJA, même en cas de faute grave ou intentionnelle. L'intensité de ce privilège a été et continu d'être fortement critiqué par la doctrine du fait de son caractère peu pertinent.

B. Une immunité peu pertinente

Selon le Professeur Paul-Gérard POUGOUE, l'idée d'une immunité protégeant les arbitres dans l'exercice de leur mission juridictionnelle n'est pas en soi mauvaise. Toutefois il ne saurait s'agir d'une immunité « de forte intensité comme l'immunité diplomatique », mais plutôt d'une immunité « classique » destinée à les protéger des éventuelles actions en responsabilité pour les sentences qu'ils rendent, les rassurant ainsi que leurs éventuelles erreurs de jugements ne les conduiront pas devant les prétoires. Ils pourront donc, dans ces conditions, rendre la justice de manière sereine350. Dans le même ordre d'idée, le Professeur Philippe LEBOULANGER351 estime qu'il est choquant et incompatible avec l'exercice de la justice à laquelle l'arbitrage doit répondre, de soustraire un arbitre malhonnête ou malveillant de toute poursuite. Aussi selon lui, si l'on veut que l'arbitrage de la CCJA remplisse les promesses que ses promoteurs ont placé en lui, il est souhaitable de supprimer aux arbitres l'immunité diplomatique et qu'en attendant, la CCJA pourrait demander aux arbitres à nommer de renoncer au bénéfice de leur immunité diplomatique. Abdou DIALLO352 pour sa part relevait l'impertinence de la justification de l'immunité diplomatique des arbitres de la CCJA, en indiquant que si cette immunité s'appliquait uniquement aux juges, elle serait justifiée dans la mesure où ces derniers sont des fonctionnaires d'une organisation internationale. Or, les arbitres sont des personnes privées choisis et payés par les parties, en vue de résoudre leur différend.

En tout état de cause, en doctrine, deux raisons que nous partageons par ailleurs, militent en faveur de la suppression de l'immunité diplomatique des arbitres CCJA. D'une part, le fait d'être nommé par l'organisation internationale qu'est l'OHADA n'enlève en rien que les arbitres de cette Cour sont et demeurent des personnes privées contractuellement liées aux parties qui les désignent et les paient pour dire le droit. N'étant donc pas des

350 P. G. POUGOUE, L'arbitrage dans l'espace OHADA, Ibid.

351 Ph. LEBOULANGER, « L'arbitrage et l'harmonisation du droit des affaires en Afrique », Rev. Arb 1999, no 3, pp.577 et s., propos rapportés par P. BOUBOU, op.cit., p.8.

352 Ab. DIALLO, op.cit., pp. 231-232.

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fonctionnaires de l'organisation, ils ne sauraient profiter des avantages qui relèvent du statut d'agent diplomatique à l'instar des juges communautaires.

D'autre part, il peut arriver que l'arbitre CCJA se rende coupable des manquements intentionnels suffisamment graves qui préjudicient aux intérêts d'une partie au procès arbitral ; ce qui pourrait arriver en cas de dissimulation par l'arbitre des faits ou circonstances de nature à faire douter de son indépendance ou de son impartialité. Cette situation pourrait également se réaliser en cas de fraude ou de faute lourde commis par l'arbitre dans l'exercice de sa mission. Dès lors, vu sous cet angle, il est amer de constater que la volonté souterraine du législateur africain est d'éviter, au travers des immunités diplomatiques, des poursuites aux arbitres qui se livrent à de tels agissements. Aussi pensons-nous qu'en procédant ainsi, le législateur communautaire a lui-même érigé une règle incongrue qui entrave la sécurité judiciaire dans la procédure arbitrale, par le sacrifice des exigences de qualité de la justice et de la morale nécessaire à l'arbitrage, à l'hôtel d'une protection absolue de l'arbitre CCJA. Il est donc souhaitable que la réforme qui a commencée en 2017 en matière arbitrale se poursuive par la modification de l'article 49 du traité OHADA qui consistera en la suppression de l'immunité diplomatique aux arbitres CCJA ainsi qu'en son remplacement par la limitation de responsabilité à l'image de celle du règlement d'arbitrage CCI353.

353 V. art. 41 du règlement d'arbitrage CCI dans sa version de 2017. Cet article traite de la limitation de responsabilité et stipule : « Les arbitres, les personnes nommées par le tribunal arbitral, l'arbitre d'urgence, la Cour et ses membres, la CCI et son personnel, les comités nationaux et groupes de la CCI et leurs employés et représentants ne sont responsables envers personne d'aucun fait, d'aucun acte ou d'aucune omission en relation avec un arbitrage, sauf dans la mesure ou une telle limitation de responsabilité est interdite par la loi applicable ».

CONCLUSION DU CHAPITRE I

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Plusieurs limites normatives édulcorent l'efficacité de l'arbitrage OHADA. Déjà présentes dans les anciens textes applicables au plan communautaire, la reforme opérée en 2017 n'a pas aboutie au traitement de celles décriées dans le cadre de la présente étude.

En effet, une lecture minutieuse du Traité OHADA, de l'Acte uniforme relatif au droit de l'arbitrage et du règlement d'arbitrage CCJA permet de constater la présence de plusieurs silences et imprécisions législatifs non justifiés ou encore, l'ultra protection des arbitres de la CCJA, qui constituent autant de failles intrinsèques au socle normatif arbitral de l'OHADA. Celles-ci sont ou peuvent être à l'origine d'interprétations divergentes, d'incertitudes voire, de blocage de nature à fragiliser les bases de la sécurité juridique et judiciaire pourtant posées par le législateur africain. Dès lors, il est souhaitable que soient poursuivi les reformes normatives commencées en 2017. Seulement, quel sera l'impact de celles-ci, si rien n'est fait pour améliorer le cadre pratique de l'arbitrage OHADA qui connait également des dérives ?

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LES SCORIES D'ORDRE PRATIQUE

CHAPITRE II

Fondamentalement, la justice arbitrale développée dans l'espace OHADA a pour but de faciliter le règlement des différends entre partenaires d'affaires354. Or il arrive souvent que dans la pratique, ils se heurtent à plusieurs difficultés qui entravent leurs intérêts qu'ils croyaient sauvegarder en ayant recours à l'arbitrage de l'organisation. Ces difficultés que nous qualifions de scories d'ordre pratiques peuvent être classées en deux catégories à savoir, celles observables à la phase ante sententiam (section 1) et celles observables à la phase post sententiam (section 2).

Section 1 : Les difficultés ante sententiam

Les difficultés ante sententiam sont celles qui interviennent antérieurement à la sentence arbitrale. Il s'agit non seulement de celles qui tiennent à la mise en oeuvre des procédures arbitrales (Paragraphe 1), mais aussi aux obstacles à la sécurité des parties lors du déroulement desdites procédures (Paragraphe 2).

Paragraphe 1 : Les difficultés tenant à la mise en oeuvre des procédures

arbitrales

La mise en oeuvre des procédures arbitrales dans l'espace OHADA peut faire face à des complications en raison soit de l'importance économique de cette justice (A), soit en raison de l'attitude du juge étatique vis-à-vis de l'arbitrage (B).

A. L'importance économique de l'arbitrage

Parler de l'importance économique de l'arbitrage ne renvoie pas à sa nécessité du point de vue économique, mais plutôt à son coût très élevé. Les échanges que nous avons eu avec certains juristes d'entreprise au Cameroun355 révèlent que l'un des griefs les plus

354Nous tenons à préciser que notre réflexion porte essentiellement sur l'arbitrage en droit des affaires. Elle n'a donc pas vocation à s'étendre aux arbitrages civils.

355 Dans le cadre de notre stage dans la société de distribution de l'énergie électrique au Cameroun (ENEO Cameroon SA), nous avons eu quelques échanges avec le directeur adjoint du contentieux de ladite entreprise qui nous a révélé que l'arbitrage ne passe pas en priorité dans leur stratégie contentieuse compte tenu de son coût

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reprochés à l'arbitrage en zone OHADA est celui de son coût qui le rend inaccessible à tous opérateurs économiques. À titre d'exemple, Maitre Marie-Andrée NGWE356 rapporte que devant la Cour d'arbitrage du GICAM, un tiers environ des procédures sont classées faute de paiement de la provision, ou du fait de l'impécuniosité des plaideurs.

Dans les arbitrages ad hoc, la pratique révèle que les arbitres désignés par les parties ont tendance à réclamer des montants parfois exorbitants à titre d'honoraire. Dans l'arbitrage CCJA, on peut également constater que les prévisions du législateur africain concernant les frais administratifs et les honoraires des arbitres n'ont pas tenu compte de la situation des petites et des très petites entreprises, alors même que dans la plupart des États parties, ce sont elles qui constituent le socle de l'économie. Dès lors, ne pouvant financer des procédures arbitrales, plusieurs entreprises ont tendance à qualifier l'arbitrage de « justice des riches » et de ce fait refusent de conclure des conventions d'arbitrage. C'est dire que le coût de l'arbitrage constitue, un obstacle à la mise en oeuvre des procédures arbitrales dans l'espace OHADA. Cette situation n'est pas à applaudir dans la mesure où dans l'esprit du législateur africain, l'arbitrage de l'OHADA n'a pas été conçu pour sécuriser uniquement les grandes entreprises et les multinationales mais pour que tous les opérateurs du commerce puissent bénéficier des avantages de cette justice. Il est donc nécessaire que l'OHADA se penche sur cette question afin réduire la méfiance exprimée par les acteurs économique à l'égard de cette justice. En outre, il a été à juste titre proposé que la CCJA développe des audiences foraines ou des antennes régionales afin de limiter les coûts des procédures pour les parties ne résidant pas en Côte d'ivoire357. À notre avis, à cette mesure proposée, il faudrait ajouter la consécration et l'encadrement du tiers financement358 qui, serait certainement une aubaine.

En effet, le tiers financement est un procédé par lequel une personne étrangère à un litige, prend en charge tout ou partie du financement d'une procédure juridictionnelle, moyennant un pourcentage sur le montant de la condamnation définitive. Dès lors, la rémunération du tiers financeur est conditionnée par l'issue favorable du procès pour la partie

très élevé, qui ajouté aux honoraires d'avocat constitue une charge financière énorme, si l'on prend en compte le volume de leur contentieux. Aussi préfèrent-ils se contenter de recourir à la justice de l'Etat en cas d'échec des voies amiables. Dès lors si une aussi grande entreprise décrie le coût de l'arbitrage en zone OHADA, que dire des PME et des TPE ?

356 Op.cit., p.1024.

357 Ibid.

358 Sur le tiers financement V. S. PATTON BOGGS, « Le financement de l'arbitrage par un tiers en France », La revue, Publier dans Arbitrage-Médiation, 21 Mars 2013, à retrouver sur www.larevue.squirepattonboggs.com, consulté le 13 Août 2019 à 19H28.

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financée. Il s'agit d'une méthode de financement capable en notre sens de résoudre le problème de l'impossibilité d'accès à l'arbitrage OHADA du fait de l'impécuniosité. Voilà pourquoi nous suggérons que les législations internes de l'espace communautaire s'approprient ce mode de financement des procédures juridictionnelles en la consacrant et en l'encadrant afin d'éviter d'éventuels abus.

B. L'attitude de certains juges étatiques

Si certains acteurs économiques acceptent parfois de conclure des conventions d'arbitrage, c'est tout simplement parce qu'ils font confiance à cette justice qui leurs garantit plus de sécurité que celle de l'État. Seulement, il arrive que leur désir se heurte à l'attitude de certains juges étatiques réfractaires vis-à-vis de l'arbitrage. C'est le cas notamment lorsque ces derniers violent le principe compétence-compétence pour se déclarer compétent au mépris des conventions d'arbitrage.

Comme nous l'avons déjà indiqué, l'effet négatif du principe compétence-compétence emporte que, sauf cas de nullité où d'inapplicabilité manifeste de la convention d'arbitrage, le juge étatique saisi doit se déclarer incompétent si une partie le demande in limine litis. Or dans la pratique, il arrive que certains juges malgré l'exception d'incompétence soulevée par un plaideur méprisent la convention d'arbitrage et statuent sur le fond de la demande, alors même que ladite convention est valable. Ce fut par exemple le cas dans l'affaire société CELTEL contre Société Générale d'électricité ferroviaire du Congo (SOGEFCO) SA 359précédemment cité où en l'espèce, une juridiction d'instance c'était curieusement déclarée compétente pour connaitre d'un litige contractuel faisant l'objet d'une convention d'arbitrage, décision que la Cour d'appel de Pointe-Noire avait sagement infirmée, renvoyant ainsi les parties à la procédure arbitrale. Cette situation s'était également produite dans les affaires SOW YERIM ABIB contre SOULEYMAN AKA360 et Monsieur DAME SARR contre Mutuelle d'assurances des taxis compteurs d'Abidjan (MACTA)361. Dans ces deux espèces, la CCJA avait dû se prononcer en déclarant l'incompétence des juridictions d'instance. Une telle

359 Cour d'Appel de Pointe-Noire, Arrêt no046 du 07 Novembre 2008, Société CELTEL c/Société Générale d'électricité ferroviaire du Congo (SOGEFCO) SA, op.cit.

360 Cour Commune de Justice et d'Arbitrage (CCJA), Arrêt no 020/ 2008 du 24 Avril 2008, SOW YERIM Abib c/ SOULEMANE AKA et KOFFI SAHOUO Cédric, Actualités juridiques n o 63, p.147, note François KOMOIN, Ohadata J- 09-300.

361 Cour Commune de Justice et d'Arbitrage (CCJA), Première Chambre, Arrêt no 43 du 17 Avril 2008, affaire Monsieur DAME SARR c/ Mutuelle d'assurances des taxis compteurs d'Abidjan (MACTA), Le Juris Ohada, no 4/ 2008, p.46, Actualités juridiques n o 63, p.135, note AKO Eloi, Ohadata J-09-81.

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hostilité affichée à l'égard de l'arbitrage ne peut que renforcer la méfiance déjà existante chez plusieurs investisseurs nationaux et étrangers. Heureusement plusieurs Cours d'appel ainsi que la CCJA n'hésitent pas à annuler les décisions d'instances rendues en violation du principe compétence-compétence.

À notre avis, l'attitude que nous décrions trouve ses origines dans la faible culture de l'arbitrage observée jusqu'à ce jour dans les États africains. En effet, plusieurs acteurs du monde judiciaire ne disposent pas d'une bonne connaissance de la pratique arbitrale. On observe encore et de façon regrettable que le droit de l'arbitrage constitue dans certaines facultés de droit une matière facultative ce qui est pire quand il s'agit de la filière Droit privé362. S'agissant des magistrats et des avocats363, plusieurs d'entre eux se font remarquer par leur absence lors des colloques et séminaires de formation sur l'arbitrage. Il est donc urgent d'intensifier la vulgarisation de ce mode de règlement des litiges, de classer le droit de l'arbitrage au rang des matières fondamentales dans la filière droit privé et complémentaire en droit public, d'organiser des procès fictifs mettant en jeu le contentieux arbitral. Nous recommandons également aux différents ministères de la justice des États parties à l'OHADA d'organiser des séminaires sur l'arbitrage de l'organisation, financés par l'État et auxquels la présence de tous les magistrats serait obligatoire. Ces différentes propositions permettront sans doute aux juges et futures juges étatiques de parfaire leurs connaissances de la pratique arbitrale.

Il ressort de ce qui précède que le coût de l'arbitrage en zone OHADA et la tendance hostile de certains juges étatiques qui violent le principe compétence-compétence constituent des obstacles pratiques à la mise en oeuvre des procédures arbitrales. Ces obstacles compromettent la sécurité judiciaire recherchée par les acteurs économiques et par ricochet décrédibilise le système d'arbitrage communautaire. Dans un tel contexte, seul l'adoption des mesures fortes tels celles que nous proposons pourront permettre un meilleur accès à cette justice. Cependant, une fois la procédure arbitrale mise en oeuvre, son déroulement peut également faire face à certaines difficultés pratiques non négligeables susceptibles d'entraver la sécurité des parties.

362 C'est notamment le cas à l'Université de Yaoundé 2, Année académique 2015/ 2016 jusqu'à ce jour.

363 Lors de nos recherches de stage académique, nous avons transmis notre candidature à un cabinet d'avocat au Tchad qui compte tenu de notre sujet de recherche l'a rejeté motif, pris de ce qu'ils n'ont aucune connaissance de l'arbitrage en général et celui de l'OHADA en particulier. Aussi, il ne pouvait m'être d'aucune utilité d'effectuer un stage chez eux.

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Paragraphe 2 : Les entraves à la sécurité des parties lors du déroulement de la procédure arbitrale

Plusieurs facteurs peuvent compromettre la sécurité des parties lors du déroulement de l'instance arbitrale. Parmi ceux-ci, on peut citer l'absence d'éthique chez l'arbitre (A) où même encore chez les parties qui contribuent de la sorte à l'inefficacité de la procédure (B).

A. L'absence d'éthique chez l'arbitre

Il arrive parfois que dans l'espace OHADA, des procédures arbitrales connaissent des dérives qui poussent à se demander si le droit applicable à l'arbitrage communautaire suffit à lui seul à assurer une sécurité optimale aux investisseurs ou mieux encore, s'il n'est pas préférable de l'associer à d'autres normes telles que la morale ou l'éthique. Cette interrogation n'est pas anodine quand l'on conçoit, pour reprendre Pascal DIENER, que « le droit, tout le droit, même dans ses aspects les plus techniques est dominé par les lois morales dans sa fonction normative »364.

Bien qu'étymologiquement, la morale et l'éthique soient des synonymes365, certains auteurs les distinguent en raison de la connotation passéiste ou confessionnelle que la morale pourrait véhiculer366 car étant essentiellement tournée vers le for intérieur de l'individu, sa transgression ne peut être sanctionné que par la conscience. À contrario, l'éthique serait tournée vers l'extérieur, elle distingue clairement le bon du mauvais et en cela elle est considérée comme une morale collective. Le Doyen Cornu l'entendait d'ailleurs comme étant « l'ensemble des principes et valeurs guidant les comportements sociaux et professionnels, et inspirant les règles déontologiques où juridiques »367. L'éthique peut donc être considérée non seulement comme un parent proche de la morale du fait de leur rapprochement étymologique, mais également comme une amie de la déontologie368 en ce sens qu'elle renvoie à un ensemble de devoirs inhérents à l'exercice d'une activité

364 P. DIENER, Ethique et droit des affaires, Rec. Dalloz Sirey, 1993, chr. n° 2, p. 17.

365 Le mot `'éthique» découle du grec ethikos qui signifie moral qui lui découle de ethos qui renvoi aux moeurs

366 Ch. JARROSSON, « Ethique, déontologie et normes juridiques dans l'arbitrage », in L'éthique dans l'arbitrage, Guy KEUTGEN (Dir.), Actes du colloque de Francarbi du 09 Décembre 2011, Bruylant, 2012, p. 3.

367 G. CORNU, Vocabulaire juridique, 11e Ed., Mise à jour, P. 423.

368 K. AGBAM, H. B. MOUZOU, « L'éthique dans l'arbitrage OHADA : Etude à la lumière du nouvel Acte Uniforme relatif au droit de l'Arbitrage et du nouveau Règlement d'Arbitrage de la CCJA », Article publié sur www.ohada.com, Consulté le 14 Août 2019 à 23h50, p.1.

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professionnelle et le plus souvent établis par un ordre professionnel369. L'éthique est donc, pour reprendre le Professeur Pierre TERCIER, « ce qui se fait ou ce qui ne se fait pas, ce qui doit se faire ou ne pas se faire »370.

Dans l'espace OHADA, la question de l'inter normativité entre le système normatif arbitral communautaire et l'éthique pris au sens de la morale collective ne se pose pas, étant entendu que le législateur africain a consacré des obligations auxquelles tout arbitre OHADA devrait se soumettre. C'est notamment le cas de l'obligation d'indépendance et d'impartialité, de révélation371, de disponibilité372 et même de diligence373 qui est spécialement prévue par l'article 4.1.2 du NRA/ CCJA et qui à notre avis impliquerait certainement des obligations tacites de disposer des qualités requises ainsi que d'agir dans l'intérêt des parties374. Ce qui permet de soutenir que ce n'est pas la prise en compte de l'éthique par le droit communautaire arbitral qui fait problème, mais plutôt son application sur le terrain de la pratique où on observe très souvent des dérives à trois niveaux à savoir l'obligation de révélation, de disposer des qualités requises et d'agir dans l'intérêt des parties.

S'agissant de l'obligation de révélation, il arrive que son respect pose des problèmes. Tout récemment encore, la CCJA s'est vue saisir d'un pourvoi en cassation dirigé contre une décision de la Cour d'Appel de Douala ayant annulé une sentence arbitrale pour violation par l'arbitre de son obligation de révélation, ce qui lui donna l'occasion de rappeler qu' « il est de jurisprudence que l'arbitre doit révéler toute circonstance de nature à affecter son jugement et à provoquer dans l'esprit des parties un doute raisonnable sur ses qualités d'impartialité et d'indépendance qui sont de l'essence même de la fonction arbitrale »375.

S'agissant de l'obligation de disposer des qualités requises, elle suppose, comme l'explique le Professeur TERCIER, qu'au moment où il est approché par les parties, il doit être à même de déterminer suivant les informations qui lui sont remises s'il correspond au profil recherché. Ce qui lui donne l'occasion de ne pas accepter l'affaire et de s'excuser au cas

369 G. CORNU, Vocabulaire juridique, 8ème éd., op.cit., p.292.

370 P. TERCIER, « L'éthique des arbitres », in L'éthique dans l'arbitrage, op.cit., p. 19.

371 V. supra.

372 L'obligation de disponibilité est tacitement consacrée à l'article 7 al.2 NAUA qui prévoit que « L'arbitre s'engage à poursuivre sa mission jusqu'au terme de celle-ci à moins qu'il justifie d'un empêchement ou d'une cause légitime d'abstention ou de démission », et par l'article 4.1.2 NRA/ CCJA dont il ressort que l'arbitre « doit poursuivre sa mission jusqu'à son terme avec diligence et célérité ».

373 L'obligation de diligence s'attache au soin avec lequel tout professionnel est tenu d'exécuter sa mission. Ce soin s'entrevoit à travers la rapidité et l'efficacité de son action.

374 P. TERCIER, op.cit., pp.31-34.

375 Recueil de jurisprudences de la CCJA, arrêt n° 151/2017 du 29 juin 2017.

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où il n'y répondrait pas376. Cette exigence est à notre avis d'une indéniable nécessité dans la mesure où l'arbitre qui dispose suffisamment de compétence en droit, qui maitrise la langue de procédure et qui dispose d'une bonne expérience pratique est plus aguerri pour rendre une bonne sentence dans les délais raisonnables. Malheureusement, la pratique nous révèle que tel n'est pas toujours le cas, certains arbitres acceptant souvent des missions portant sur des questions qui ne ressortent pas toujours de leurs compétences intellectuelles. Ce qui conduit dans certains cas au dépassement des délais prévus à l'avance, du fait pour ces derniers de rechercher en cours de procédure, des compétences dont ils ne disposaient pas avant d'accepter leur mission. Cette situation permet de constater que certains arbitres acceptent leur mission non pas dans le but de rendre un service juridictionnel nécessaire pour la bonne marche des affaires, mais plutôt dans le but de se faire de l'argent. Nous pensons qu'il est possible de remédier à cette difficulté si le législateur faisait du devoir de compétence, une exigence à laquelle tout arbitre OHADA devrait répondre. Pour parvenir à ce résultat, nous suggérons que soit étendue l'obligation de révélation à toute situation de nature à créer un doute sur la compétence intellectuelle de l'arbitre.

S'agissant enfin de l'obligation d'agir dans l'intérêt des parties, elle implique le devoir pour l'arbitre de faciliter la solution du litige en jouant préalablement un rôle d'apaisement377 . Il implique également que les arbitres doivent se préoccuper de l'aspect financier de la procédure. Aussi ne doivent-ils pas « gonfler artificiellement les coûts engendrés par leurs prestations, ni accepter des paiements d'une partie, à moins que cela n'ait été convenu où admis »378. Le constat est parfois regrettable dans l'espace OHADA où certains arbitres, le plus souvent, ad hoc réclament des honoraires exorbitants aux parties, ce qui le plus souvent décourage certains. Il est également arrivé que dans un arbitrage CCJA, les arbitres se trouvent en cours d'instance, entrain de renégocier leurs honoraires avec une partie, en violation de la décision No 004/ 99/ CCJA du 03 Février 1999 relative aux frais d'arbitrage et du règlement d'arbitrage de Cour379. De pareilles situations ne sauraient crédibiliser le système d'arbitrage de l'OHADA. Mais que faire ?

En effet, comme le relevait le Professeur Charles JARROSSON380, s'il est vrai qu'au sein des institutions d'arbitrage on retrouve des prémisses de règles disciplinaires en matière

376 P. TERCIER, op.cit., p.31.

377 Op.cit., p.34.

378 Ibid., p.35.

379 CCJA, Arrêt N°139/2015 du 19 novembre 2015, Aff. République de Guinée c/ GETMA international.

380 Ch. JARROSSON, « Éthique, déontologie et normes juridiques dans l'arbitrage », op.cit.

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d'éthique, l'absence d'organisation centrale ou de corporation à l'image des avocats ou des autres professions juridiques restreint la possibilité pour le droit d'imposer des règles générales. Par conséquent, les sanctions disciplinaires ne peuvent être efficacement pratiquées dans l'arbitrage. Toutefois, nous pensons que ce qui paraît difficile ailleurs est faisable dans un espace juridique intégré où les règles de droit transcendent les Etats pris individuellement, comme c'est le cas avec l'OHADA. Nous suggérons donc que soit créé un ordre des arbitres de l'OHADA, régi par un Code d'éthique et de déontologie à valeur supra nationale. Ainsi, toute personne désirant exercer entant qu'arbitre professionnel devra y être inscrit et soumis audit code d'éthique et de déontologie. Il devra s'agir d'une obligation générale. À notre avis, le faire permettrait de résoudre au maximum le problème de la violation de l'éthique par les arbitres dans l'espace OHADA. Toutefois, il ne faudrait pas oublier l'éthique des parties, car la pratique arbitrale nous renseigne qu'elles peuvent être également à l'origine de la décadence de cette valeur dans l'arbitrage.

B. L'absence d'éthique chez les parties

Pointer un doigt accusateur sur les arbitres comme étant toujours responsables de la déchéance de l'éthique en matière arbitrale serait sans doute commettre une erreur, car en vérité, les parties y ont également une part non négligeable de responsabilité. Ainsi, il arrive souvent que les parties adoptent des comportements visant à bloquer ou à retarder indument la procédure arbitrale. Sans être exhaustif, c'est le cas lorsqu'elles introduisent des demandes de récusation à répétition, changent d'avocat dans le seul but de gagner du temps, mettent en oeuvre des actions pénales dans l'optique de neutraliser la procédure arbitrale, créent des situations de litispendance à des fins dilatoires381, ne se présentent pas lors des audiences ou ne présentent pas leurs conclusions dans les délais. Ces comportements déloyaux et contraires à l'éthique ne peuvent que contribuer à jeter l'opprobre sur le système d'arbitrage communautaire. Le législateur africain prenant acte de cette réalité, a tenté de solutionner ce problème en faisant peser sur les parties l'obligation de loyauté lors du processus arbitral. C'est ainsi qu'on peut lire à l'article 14 alinéas 4 et 5 NAUA que « Les parties agissent avec célérité et loyauté dans la conduite de la procédure et s'abstiennent de toutes mesures dilatoires.

Si, sans invoquer de motif légitime :

381 J. LEVY-MORELLE, « L'éthique des parties », in L'éthique dans l'arbitrage, op.cit., p. 87.

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a) le demandeur ne présente pas sa demande, le tribunal arbitral met fin à la procédure arbitrale ,
·

b) le défendeur ne présente pas sa défense, le tribunal arbitral poursuit la procédure arbitrale sans toutefois considérer ce défaut en soi comme une acceptation des allégations du demandeur ,
·

c) l'une des parties omet de comparaître à l'audience ou de produire des documents, le tribunal arbitral peut poursuivre la procédure et statuer sur la base des éléments de preuve dont il dispose ». Le règlement d'arbitrage de la Cour fait également peser ladite obligation sur les parties dans un arbitrage CCJA382. Dès lors, si on remarque bien que l'intention du législateur est de sanctionner les écarts à l'éthique et les attitudes déloyales venant des parties dans les procédures arbitrales, force est de constater que les mesures prises, bien que bonnes, ne peuvent pas entièrement résoudre le problème qui, à notre avis, réside dans les mentalités, ce qui appelle un traitement préalablement préventif qui ne peut être véritablement effectif que s'il est mis à la disposition des parties un Code de bonne conduite qui, a priori, inspirera les comportements de ces derniers.

Il ressort en définitive qu'antérieurement à la sentence arbitrale, plusieurs difficultés pratiques peuvent entraver la sécurité des parties. Observées tant au moment de la mise en oeuvre que lors du déroulement des procédures arbitrale, ces difficultés se traduisent tout d'abord par le coût important de l'arbitrage qui n'est pas à la portée de tous les opérateurs économiques. Ensuite, elles se matérialisent par l'attitude réfractaire qu'ont certains juges étatiques à l'égard de l'arbitrage, et enfin par la déchéance de l'éthique qui remet en cause les caractères qui font de l'arbitrage une justice bien meilleure que celle de l'État. Dès lors, une meilleure promotion de l'arbitrage communautaire, la consécration et l'encadrement du tiers financement383, la mise en place d'un code de bonne conduite arbitrale à destination des États parties et enfin, l'érection d'un code d'éthique et de déontologie à valeur supra nationale, pourront sans doute contribuer à l'amélioration de l'arbitrage OHADA et par conséquent, à la sécurité judiciaire des activités économiques. Quid des difficultés qui naissent postérieurement au rendu des sentences arbitrales ?

382 L'article 19.1.7 de ce règlement prévoit que « Si l'une des parties, quoique régulièrement convoquée, ne se présente pas, le tribunal arbitral, après s'être assuré que la convocation lui est bien parvenue, a le pouvoir, à défaut d'excuse valable, de procéder néanmoins à l'accomplissement de sa mission, le débat étant réputé contradictoire ».

383 V. Supra, pp. 98-99.

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Section 2 : Les difficultés post sententiam

Par difficultés post sententiam, il faut entendre celles qui se présentent une fois qu'une sentence arbitrale a été rendue. En effet, dès lors que le tribunal arbitral a vidé sa saisine en rendant sa sentence, celle-ci est appelée à être exécutée. Seulement, il arrive que l'efficacité attendue soit compromise par un certain nombre de difficulté. On parlera dans ce cas de difficultés d'exécution de la sentence arbitrale. Celles-ci sont en général liées soit à la reconnaissance de la sentence (Paragraphe 1), soit à l'impossibilité totale d'exécuter cette dernière (Paragraphe 2).

Paragraphe 1 : Les difficultés liées à la reconnaissance des sentences

Par reconnaissance de la sentence arbitrale, il faut entendre l'admission à la suite ou non d'une procédure, des effets de celle-ci dans un État384. Considéré comme étant une justice autonome, l'arbitrage n'est pas rattaché à l'ordre judiciaire des États. Il s'agit d'une justice privée qui ne se réalise que parce que les parties l'ont voulu et dont les sentences qui tranchent les différends sont semblables aux décisions de justice étrangères. Par conséquent, elles ne peuvent être exécutées qu'en vertu d'une décision d'exequatur rendue par le juge étatique.

Dans l'espace OHADA, l'exequatur est rendu soit par le juge étatique385, soit par le juge communautaire386 selon qu'on soit dans un arbitrage classique où spécifique CCJA. Dans ce dernier cas, la reconnaissance est systématique, la formule exécutoire devant tout simplement être apposée sur la sentence après présentation de la copie certifiée conforme à l'original de la sentence exequaturée à l'autorité national compétente387. Malheureusement, les choses ne se déroulent pas toujours comme le veut la loi dans la mesure où, dans certains cas,

384 Pour une définition similaire V. G. CORNU, Vocabulaire juridique, op.cit., p.772.

385Article 30 NAUA : « La sentence arbitrale n'est susceptible d'exécution forcée qu'en vertu d'une décision d'exequatur rendue par la juridiction compétente dans l'État Partie ».

386 Article 30.1 NRA/ CCJA : « La sentence est susceptible d'exequatur dès son prononcé. L'exequatur est demandé par une requête adressée au Président de la Cour, avec copie au Secrétaire Général. Ce dernier transmet immédiatement à la Cour les documents permettant d'établir l'existence de la sentence arbitrale et de la convention d'arbitrage ».

30.2 « L'exequatur est accordé, dans les quinze (15) jours du dépôt de la requête, par une ordonnance du Président de la Cour ou du juge délégué à cet effet et confère à la sentence un caractère exécutoire dans les Etats Parties. Cette procédure n'est pas contradictoire ».

387Article 31.1 NRA/ CCJA : « Le Secrétaire Général délivre à la partie qui lui en fait la demande, une copie de la sentence certifiée conforme à l'original déposé conformément à l'article 28 du présent Règlement, sur laquelle figure une attestation d'exequatur. Cette attestation mentionne que l'exequatur a été accordé à la sentence, selon le cas, soit par une ordonnance du Président de la Cour régulièrement notifiée, soit par un arrêt de la Cour rejetant un recours en annulation, soit par un arrêt de la Cour infirmant un refus d'exequatur ».

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des difficultés se présentent et font obstruction à la reconnaissance de la sentence arbitrale. Ces difficultés sont parfois relatives aux parties elles-mêmes (A), parfois aux autorités étatiques (B).

A. Les difficultés relatives aux parties

Une fois la sentence arbitrale rendue, la logique est que suive sa reconnaissance et son exécution. Tel n'est pas toujours le cas, la pratique révélant que cette phase ultime est souvent entravée par la partie perdante parfois de mauvaise foi, qui multiplie les recours dilatoires en vue de gagner du temps, pour tenter de négocier un accord transactionnel avec la partie gagnante. Cette pratique est monnaie courante dans les entreprises, qui cherchent toujours à retarder autant que faire se peut l'exécution des décisions de justice ou de minorer les créances qui en découlent. La restriction des voies de recours opérée par le législateur africain ne suffit pas à faciliter l'exécution des sentences arbitrales dans l'OHADA, car l'examen du contentieux arbitral témoigne bien souvent des effets dilatoires des voies de recours autorisées qui sont d'ailleurs dotées d'un effet suspensif. Il en est de même pour l'exécution provisoire qui n'est qu'une possibilité et qui même si elle est accordée peut faire l'objet d'une défense à exécution, c'est pourquoi un auteur388suggérait que soit supprimé l'effet suspensif afin d'assurer l'exécution rapide des sentences. Toutefois, de manière exceptionnelle, ce dernier pense que le juge chargé du contentieux de l'exécution des sentences arbitrales ou l'arbitre devrait avoir la possibilité d'apprécier l'opportunité de suspendre ou d'aménager l'exécution de la sentence. Ainsi, il pourra suspendre l'exécution de la sentence tout en ordonnant des mesures provisoires ou conservatoires en vue d'éviter toute éventuelle fraude du débiteur de l'exécution et donc de protéger l'objet du litige. Il suggère également que soit instituée la possibilité d'exiger du débiteur de l'exécution une caution bancaire en vue de garantir l'exécution de la sentence en cas d'échec du recours. Enfin il propose la médiation ou la conciliation post-arbitrale, le tout dans le but de concilier la suppression de l'effet suspensif aux droits de la défense389.

À notre avis, bien qu'il soit juste de protéger toutes les parties dans un contentieux arbitral, il n'est pas nécessaire de supprimer l'effet suspensif des voies de recours dans la mesure où, cela pourrait entraîner des conséquences désastreuses sur la partie condamnée. Nous pensons que la solution se trouverait dans un meilleur encadrement de l'exercice des

388 Ab. DIALLO, op.cit., p.198.

389 Ibid.

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voies de recours. C'est pourquoi nous suggérons au législateur africain de faire de la présentation d'une caution bancaire une condition de recevabilité du recours en annulation de la sentence arbitrale. S'agissant du recours en révision et de la tierce opposition, nous pensons que l'effet suspensif devrait être accompagné des mesures provisoires ou conservatoires. De telles mesures si elles sont consacrées auront le mérite non seulement de dissuader toute partie désirant verser dans les recours dilatoires, mais aussi et surtout d'assurer la conservation de l'objet du litige.

En tout état de cause, on peut retenir que parfois, les parties sont responsables des difficultés d'exécution des sentences arbitrales. Ce qui ne permet pas au système d'arbitrage OHADA de contribuer suffisamment à la sécurité judiciaire des activités économiques dans l'espace communautaire. Cependant, les difficultés décriées ne sont pas l'apanage des parties, les autorités étatiques ayant souvent leur part de responsabilité dans l'inexécution des sentences.

B. Les difficultés relatives aux autorités étatiques

Plusieurs soupçons, à tort ou à raison, sont jetés sur les autorités étatiques comme pouvant être responsables d'éventuels des blocages susceptibles de se présenter lors de la phase de la reconnaissance des sentences, et plus précisément celles émanant de la CCJA.

En effet, l'une des spécificités de l'arbitrage CCJA réside dans le fait que l'exéquatur des sentences y découlant est rendu par la Cour. Toutefois, l'exéquatur communautaire ne fait pas obstruction à la formule exécutoire qui reste de la compétence des États parties. Ces derniers devant designer chacun l'autorité compétente chargée d'accomplir cette formalité postérieurement à la simple vérification de l'authenticité du titre exécutoire390. Cette « domestication » de la formule exécutoire a donné lieu à une controverse doctrinale. Ainsi selon le Professeur Jean-Marie TCHAKOUA, la domestication de la formule exécutoire au profit de chaque État partie n'est non seulement pas justifiée mais également constitue une véritable entrave à l'efficacité des sentences issues des arbitrages CCJA dans la mesure où, si l'autorité chargée de l'apposer exerce la fonction de juge, il pourrait alors arriver que sous le

390 Cf. article 46 du règlement de procédure CCJA qui prévoit : « La formule exécutoire est apposée, sans autre contrôle que celui de la vérification de l'authenticité du titre, par l'autorité nationale que le Gouvernement de chacun des Etats Parties désignera à cet effet et dont il donnera connaissance à la Cour ». V. aussi l'article 31.2 du règlement d'arbitrage de la Cour communautaire qui stipule qu'« Au vu de la copie conforme de la sentence revêtue de l'attestation du Secrétaire Général de la Cour, l'autorité nationale désignée par l'État Partie pour lequel l'exequatur a été demandé, appose la formule exécutoire telle qu'elle est en vigueur dans ledit État ».

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couvert de la souveraineté de l'État dont il se dit être le défenseur naturel, elle prête attention à la nationalité de la partie condamnée. Ce qui pourrait l'amener à procéder au contrôle de la sentence et même à refuser l'exequatur si cette dernière était un État. Pour cet auteur, l'idéal serait l'adoption d'une formule exécutoire communautaire rendue non pas au nom du peuple d'un État membre, mais au nom de tous les peuples des États parties391. Solution qui n'est pas du tout partagée par Marie-Andrée NGWE car selon elle, la formule exécutoire n'est qu'un instrumentum permettant aux huissiers de procéder à son exécution, par conséquent il parait difficile de là communautariser étant entendu qu'elle relève de l'ordre judiciaire des pays392.

Nous pensons que les inquiétudes relatives à la domestication de la formule exécutoire sont fondées dans la mesure où, une telle domestication peut être source d'insécurité judiciaire découlant de l'inefficacité des sentences arbitrales au cas où, l'autorité chargée de l'apposer serait un juge393. En revanche, nous ne sommes pas favorables à l'idée d'une communautarisation, non pas en raison du fait que la formule exécutoire relève de l'ordre judiciaire étatique394 comme le pense Madame NGWE, mais plutôt parce qu'il serait à notre sens injuste de renforcer la supériorité de l'arbitrage CCJA vis-à-vis de l'arbitrage ad hoc. Supériorité déjà existante du fait de l'exéquatur communautaire. Nous suggérons donc que soit désigné comme autorité compétente au niveau communautaire le greffier en chef de la Cour suprême ou de la juridiction équivalente de l'État partie où la formule est demandée.

Paragraphe 2 : L'exécution impossible

En matière processuelle lorsqu'une décision de justice est rendue, le principe voudrait que suive son exécution, soit volontaire, soit forcée en cas de résistance du débiteur de ladite exécution. Or il arrive qu'à défaut d'acquiescement, que le créancier soit dans l'impossibilité de contraindre son débiteur en ayant recours aux mesures d'exécution forcées, notamment les saisies. Cette situation se présente lorsqu'une partie au procès est protégée par l'immunité

391J-M. TCHAKOUA, « L'exécution des sentences arbitrales dans l'espace OHADA : regard sur une construction inachevée à partir du cadre camerounais », RASJ, vol. 6, n°1, 2009, pp. 9 et s.

392M-A. NGWE, op.cit., p. 1014.

393 Tandis que certains Etats parties ont déterminés les présidents de juridictions comme autorités compétente, d'autres ont optés pour la compétence du greffier en chef de la Cour suprême compétence qu'ils ont soumis au contrôle du président de ladite Cour.

394 Cet argument ne nous semble pas pertinent dans la mesure où les Etats de l'OHADA ont abandonné une partie de leur souveraine judiciaire au profit de la CCJA qui est l'instance suprême en matière de contentieux des AU et par conséquent, cette juridiction peut très bien disposer d'une formule exécutoire communautaire.

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d'exécution (A) dont elle s'en sert parfois abusivement comme on le constate très souvent dans l'espace OHADA (B).

A. La consécration de l'immunité d'exécution dans l'espace OHADA

L'immunité d'exécution est consacrée par l'Acte uniforme relatif aux procédures simplifiées de recouvrement de créance et voies d'exécution. Elle s'entend du privilège qui protège ses bénéficiaires contre toute exécution forcée et profite aux personnes morales de droit public ainsi qu'aux entreprises publiques. L'article 30 dudit AU dispose à ce titre que « l'exécution forcée et les mesures conservatoires ne sont pas applicable aux personnes qui bénéficient d'une l'immunité d'exécution.

Toutefois, les dettes certaines, liquides et exigibles des personnes morales de droit public ou des entreprises publiques, quelles qu'en soient la forme et la mission, donnent lieu à compensation avec les dettes également certaines, liquides et exigibles dont quiconque sera tenu envers elles, sous réserve de réciprocité.

Les dettes des personnes et des entreprises visées à l'alinéa précédent ne peuvent être considérées comme certaines au sens des dispositions du présent article que si elles résultent d'une reconnaissance par elles de ces dettes ou d'un titre ayant un caractère exécutoire sur le territoire de l'État où se situent lesdites personnes et entreprises ». Il ressort de ces dispositions que l'État, les collectivités territoriales décentralisées ainsi que les entreprises publiques ne sont pas soumis aux mesures d'exécutions forcées.

L'immunité d'exécution des personnes morales de droit public repose sur deux fondements, le premier étant le souci de ne pas porter atteinte à la souveraineté des États en évitant que par l'effet des saisies pratiquées sur leurs biens, ils ne se trouvent dans l'impossibilité d'accomplir leurs missions de service public, le second étant que les personnes morales publiques sont toujours réputées solvables395.

Un regard jeté sur le contentieux de l'exécution des décisions de justice dans l'espace communautaire nous démontre que les juges ont l'Université toujours appliqué de manière

395 G. KENFACK DOUAJNI, « L'exécution forcée contre les personnes morales de droit public dans l'espace OHADA », Rev. Cam. Arb., no 18, Juillet- Aout- Septembre 2002, p.4.

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stricte l'article 30 AUPSRVE. L'affaire TOYEN Dieudonné contre l'Université de Dschang en est un exemple396.

En l'espèce, l'Université avait été judiciairement condamnée à payer au sieur TOYEN la somme de 2.299.721 franc CFA pour licenciement abusif. La décision devenue exécutoire, ce dernier fit pratiquer une saisie attribution des créances sur comptes de ladite Université domiciliés à la BICEC à Dschang. En réaction, l'Université assigna son créancier en nullité de la saisie pratiquée sur ses avoirs devant le juge des référés compétent, au moyen qu'en tant qu'Université d'État, établissement public à caractère scientifique et culturel et donc personne morale de droit public, elle bénéficie de l'immunité d'exécution prévue par l'article 30 AUPSRVE. Le juge faisant droit à la demande de l'Université, annula la saisie pratiquée à son préjudice motif pris de ce que les deniers des Universités d'État sont des deniers publics et par conséquent sont insaisissables.

Dans une autre affaire opposant la société Togo Telecom à plusieurs de ses salariés licenciés abusivement397, le juge Communautaire avait adopté la même posture. Dans le cas d'espèce, la société Togo Télécom, société anonyme à capitaux publics avait été condamnée par la chambre sociale de la Cour d'appel de Lomé à payer à certains salariés abusivement licenciés, la somme de 118. 970. 213 francs CFA. La décision étant devenue exécutoire, ces derniers ont fait pratiquer une saisie-attribution des comptes bancaires de leur débiteur. L'entreprise publique n'ayant pas contesté la condamnation, s'est contentée de se prévaloir de son immunité d'exécution afin d'obtenir mainlevée de la saisie pratiquée à son préjudice tant devant les juges de fond que devant la CCJA.

En l'état actuel du droit OHADA, les sentences arbitrales condamnant les personnes morales publiques ne sauraient échapper à cette interdiction posée par le législateur et confirmée par la juridiction supranationale. Toutefois, s'il faut reconnaitre que les motifs qui justifient l'immunité d'exécution paraissent louables, il n'en demeure pas moins que les bénéficiaires de ce privilège s'en servent généralement de manière abusive.

396 Ordonnance de référé n° 12-ORD du 11 septembre 2000 ; V. Rev. Cam. Arb. No18, Juillet- Aout- Septembre 2002, p. 13.

397 CCJA, Arrêt n° 043/2005 du 07 juillet 2005, www.daldewolf.com, consulté le 15 Janvier 2019 à 16H 25.

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B. L'usage abusif de l'immunité d'exécution dans l'espace OHADA

Derrière la consécration de l'immunité d'exécution, se cache l'idée de bonne foi de la personne morale publique qui exécuterait spontanément la sentence, au cas où celle-ci venait à la condamner. Malheureusement, la pratique nous révèle le contraire ; cette dernière étant plus disposée à exercer des recours dilatoires et en cas d'échec, à brandir systématiquement l'article 30 AUPSRVE qu'à exécuter la sentence. L'article 28 du texte précédemment cité subordonne l'exécution forcée au défaut d'exécution volontaire. Or lorsque le débiteur est une personne morale de droit public, on assiste pratiquement à un déni de justice qui crée une insécurité juridique des activités économiques, ce qui laisse croire que l'immunité d'exécution, plus qu'un moyen dont l'objet louable serait d'éviter la paralysie des missions régaliennes de l'État et de ses démembrements, est une arme au service du `'plus grand des monstres froids qui ment froidement», pour emprunter les propos de Fréderic NIETZSCHE398 . Il s'agit en quelque sorte de l'expression de la consécration du droit de ne pas payer ses dettes dont usent les personnes morales de droit public, notamment les entreprises publiques, contre leurs partenaires commerciaux même si la créance est incontestable399 comme ce fut le cas dans les affaires TOYEN Dieudonné et Togo Telecom précédemment citées. Cette fragilisation de la situation des partenaires d'affaire de la personne publique pousse à s'interroger sur une possible érection d'une solution en matière arbitrale.

De prime à bord, il faut reconnaitre que le droit international a posé les prémisses de solution qui ont certainement inspirées plusieurs décisions en France et qui aujourd'hui peuvent inspirer le législateur de l'OHADA. Ainsi, on peut lire à l'article 19 de la convention des nations unis sur les immunités juridictionnelles des États et de leurs biens400 que « Aucune mesure de contrainte postérieure au jugement, telle que saisie, saisie-arrêt ou saisie-exécution, ne peut être prise contre des biens d'un État en relation avec une procédure intentée devant un tribunal d'un autre État excepté si et dans la mesure où .
·

a) L'État a expressément consenti à l'application de telles mesures dans les termes indiqués .
·

i) Par un accord international ;

398 F. NIETZSCHE, Ainsi parlait Zarathoustra, Traduit par Henri Albert, 82ème éd., Paris, MERCVRE de France, 2012, p. 72.

399 Ap. A. de SABA, « Le recouvrement de la dette publique intérieure dans les Etats de l'OHADA », Rev. ERSUMA N°3, Septembre 2013, p. 221.

400 Cette convention a été adoptée au cours de la 65ème réunion plénière de l'Assemblée générale des Nations Unis en vertu de la résolution A/59/508 du 2 décembre 2004. En zone OHADA seul la République de Guinée équatorial a exprimé en date du 30 Mai 2018 son adhésion à ladite convention. Le Sénégal bien que l'ayant signée le 21 Septembre 2005 ne l'a jusqu'à ce jour pas ratifiée.

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ii) Par une convention d'arbitrage ou un contrat écrit ,
· ou

iii) Par une déclaration devant le tribunal ou une communication écrite faite après la survenance du différend entre les parties ,
· ou

b) L'État a réservé ou affecté des biens à la satisfaction de la demande qui fait l'objet de cette procédure ,
· ou

C) Il a été établi que les biens sont spécifiquement utilisés ou destinés à être utilisés par l'État autrement qu'à des fins de service public non commerciales et sont situés sur le territoire de l'État du for, à condition que les mesures de contrainte postérieures au jugement ne portent que sur des biens qui ont un lien avec l'entité contre laquelle la procédure a été intentée ».

En France, la Cour de cassation a eu plusieurs fois l'occasion de se prononcer sur la question de l'immunité d'exécution des personnes publiques en matière arbitrale. Ainsi avait-elle jugé en date du 9 juillet 1992, dans l'affaire Norbert Beyrard France contre la République de Côte d'Ivoire que « le recours à l'arbitrage selon les règles de la CCI implique de la part de l'État qui a accepté de s'y soumettre, engagement d'exécuter la sentence conformément à ce règlement »401 . Cette position a été confirmée par un autre arrêt rendu en date du 6 juillet 2000 dans l'affaire société Creighton Limited contre ministère des finances de l'État du Qatar.

Dans cette affaire, la Cour, saisi d'un pourvoi en cassation de l'arrêt rendu par la Cour d'appel de Paris le 11 juin 1998 jugea qu' : « attendu que pour ordonner la mainlevée de l'ensemble de ces saisies, l'arrêt attaqué retient qu'il n'est pas établi par la société Creighton Limited que l'État du Qatar ait renoncé à l'immunité d'exécution et que le fait d'avoir accepté une clause d'arbitrage ne peut faire présumer la renonciation à cette immunité, qui est distincte de l'immunité de juridiction ,
·

Qu'en statuant ainsi, alors que l'engagement pris par l'État signataire de la clause d'arbitrage d'exécuter la sentence dans les termes de l'article 24 du règlement d'arbitrage de la chambre de commerce internationale impliquait renonciation de cet État à l'immunité d'exécution, la Cour d'appel a violé les principes et textes susvisés ,
·

Par ces motif (...) casse et annule dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 11 juin 1998, entre les parties, par la Cour d'appel de Paris ,
· remet, en conséquence, la cause et les

401 Cass. 9 juillet 1992, Rev. Arb. 1994. 133, note Ph. Théry ; V. eg. G. KENFACK DOUAJNI, « L'exécution forcée contre les personnes morales de droit public dans l'espace OHADA », op. cit., p.9.

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parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Paris, autrement composée (...) ».402

La Cour d'appel de renvoi suivit se raisonnement en déclarant : « Considérant que les biens d'un État étranger ne peuvent, au regard des principes du droit international régissant les immunités des États faire l'objet d'une procédure en vue de l'exécution d'un jugement, sauf si cet État y a expressément consenti en concluant notamment une clause compromissoire, l'acceptation du caractère obligatoire de la sentence qui en résulte de celle de la convention d'arbitrage opérant, au vu du principe de bonne foi et sauf clause contraire, une renonciation à l'immunité d'exécution,

Considérant que le contrat de construction d'un hôpital à Doha au Qatar passé le 19 juin 1982 entre le gouvernement de cet État et la société Creighton Limited contient une clause 67, transposée des conditions de génie civil de la FIDIC, 2e édition, qui prévoient un arbitrage selon le règlement de la CCI dont l'article 24, dans la version de 1998 applicable entre les parties, prévoit « par soumission de leur différend à l'arbitrage de la chambre de commerce internationale, les parties s'engagent à exécuter sans délai la sentence à intervenir et renoncent à toute voies de recours auxquelles elles peuvent renoncer » ;

Considérant que l'engagement pris par l'État du Qatar signataire de la clause d'arbitrage d'exécuter les sentences à intervenir dans les termes de l'article 24 du règlement d'arbitrage CCI qui viennent d'être rappelés implique renonciation de cet État à l'immunité d'exécution (...) »403. De ces différents arrêts, on retient qu'il y a une consécration jurisprudentielle du principe de la renonciation à l'immunité d'exécution dès lors qu'un État a conclu une convention d'arbitrage CCI. Principe découlant de la force obligatoire des conventions ainsi que de la bonne foi contractuelle.

Ce principe jurisprudentiel a fait l'objet d'une controverse doctrinale. Ainsi, selon le Professeur Philippe THERY404, tout d'abord, il n'est pas du tout possible de voir dans le règlement d'arbitrage CCI la manifestation claire et non équivoque de l'intention de l'État de renoncer à son immunité d'exécution dans la mesure où la renonciation ne se présume pas. Ensuite, l'auteur observe que les dispositions de l'article 24 aujourd'hui 35 du règlement405 s'appliquent indifféremment à toutes personnes privées ou États, et qu'il n'est pas possible

402 Cass. 6 juillet 2000, Rev. Cam.arb. no 18, Juillet- Aout- Septembre 2002, p. 21.

403 Paris 1ère Ch. C., 12 Décembre 2001, Rev. Cam. Arb. No 24, Janvier- Février-Mars 2004, note Ph. LEBOULANGER, p.12.

404 Ph. THERY, « Feu immunité d'exécution ? », Gaz. Pal., 2001, no 161 à 163, pp.18 et s., V. Rev. Cam. Arb. No 24, Janvier- Février-Mars 2004, note Ph. LEBOULANGER, op.cit., p.14.

405 Règlement d'arbitrage CCI dans sa version de 2017.

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d'y lire un engagement spécifique de renonciation à l'immunité d'exécution, laquelle ne concerne nullement les personnes privées. Enfin selon lui, les organismes d'arbitrage ne peuvent élaborer des règles sur l'exécution des sentences, parce que l'exécution forcée des sentences arbitrales relève des seuls États. Par conséquent, ériger l'article 24 en règle de droit serait là légitimer et par ricochet, consacrer une usurpation de pouvoir par la CCI qui s'est avancée sur un terrain qui n'est pas et ne peut pas être le sien.

Cette position n'est pas partagée par le Professeur Philippe LEBOULANGER406 qui juge d'ailleurs impertinents les arguments avancés par le Professeur THERY. Selon cet auteur, la Cour de cassation a voulu, à travers l'arrêt Creighton Limited, rétablir dans l'exécution des sentences un équilibre conçu comme le fait que le caractère conventionnel de l'arbitrage prime sur le reste. Quant à la reconnaissance du statut de règle de droit au règlement d'arbitrage CCI, il pense qu'il n'est pas possible d'établir en quoi elle traduit une usurpation de pouvoir de la part de ladite institution d'arbitrage, ni même une « capitulation » des juridictions françaises devant le pouvoir législatif qu'elle se serait arrogée. Selon cet auteur, il est possible de faire observer en premier lieu que la CCI n'a aucun pouvoir ni aucun contrôle sur le sort que la Cour de cassation a estimé pouvoir réserver à son règlement. Aussi peut-on s'imaginer qu'elle s'en réjouit même s'il est évident que cela lui échappe totalement. L'auteur renchérit en soutenant en second lieu qu'interpréter la volonté des parties telle qu'elle résulte de l'adoption d'un règlement d'arbitrage, fut-il celui de la CCI, est difficilement assimilable à une capitulation de la part des juridictions étatiques dont la fonction est d'interpréter les textes, ce qui a d'ailleurs permis de découvrir dans l'article 24 une renonciation tacite à l'immunité d'exécution.

En tout état de cause, la doctrine majoritaire est favorable à la position adoptée par la Cour de cassation. Telle est d'ailleurs la solution préconisée par plusieurs spécialistes de l'arbitrage OHADA qui estiment que, dès lors que les personnes morales publiques se livrent à des activités commerciales, elles devraient être traitées au même pied d'égalité que les personnes privées. Ainsi, les conventions d'arbitrage qui emportent renonciation à l'immunité de juridiction devraient également emporter renonciation à l'immunité d'exécution. Toutefois une telle renonciation ne peut qu'être partielle.

406 Note Ph. LEBOULANGER, op.cit., p. 15.

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Le Docteur Gaston KENFACK DOUAJNI407 pense qu'il revient au juge étatique OHADA de restreindre l'immunité d'exécution en distinguant les biens publics destinés aux missions de service public, de ceux affectés à une activité économique ou commerciale relevant du droit privé. Selon cet auteur, il s'agit d'une obligation qui pèse sur le juge étatique et dont le fondement est le Traité OHADA qui commande dans son préambule que le droit OHADA « soit appliqué avec diligence dans les conditions propres à garantir la sécurité juridique des activités économiques, afin de favoriser l'essor de celles-ci et d'encourager l'investissement ». À notre avis, il n'est pas possible d'attendre grand-chose du juge étatique, celui-ci se considérant comme le défenseur naturel de la souveraineté de l'État, ce qui nous amène à suggérer que soit réécrit l'article 30 AUPSRVE, de tel sorte qu'on y retrouve une exception prévoyant la possibilité d'exercer des mesures d'exécution forcée sur les personnes morales publiques condamnées par voie d'arbitrage. À défaut d'une telle réécriture, l'idéal serait que soit clairement énoncé tant dans l'AUA que dans le règlement d'arbitrage CCJA que la conclusion d'une convention d'arbitrage par les personnes morales publiques emporte, sauf clause contraire expresse, renonciation de leur immunité d'exécution sur leurs biens affectés aux activités économiques ou commerciales. En le faisant, le législateur africain mettrait ainsi en musique l'immunité d'exécution et la promotion des investissements dans l'espace OHADA.

407 G. KENFACK DOUAJNI, « L'exécution forcée contre les personnes morales de droit public dans l'espace OHADA », op.cit., pp.9-12. V. eg. le même auteur, « Suggestion en vue d'accroitre l'efficacité de l'OHADA », Rev. Cam. Arb. No 24, Janvier- Février-Mars 2004, pp. 8-9.

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CONCLUSION DU CHAPITRE II

Régler un litige d'ordre économique par voie d'arbitrage en zone OHADA est parfois chose rare. Cette rareté trouve dans bien des cas, ses origines dans plusieurs scories détectables et même détectées dans la pratique de l'arbitrage dans l'espace juridique intégré. Dès lors, si en théorie l'arbitrage est une justice sécurisante de par les avantages qu'il présente, la pratique révèle que dans l'espace communautaire, sa mise en oeuvre, son déroulement, ainsi que l'exécution des sentences qui en découlent sont des étapes parfois éprouvantes pour les plaideurs.

Relativement à la mise en oeuvre des procédures arbitrales, on peut observer que non seulement le coût des procédures n'est pas à la portée de tous les opérateurs économiques, mais aussi que les parties sont parfois obligées de faire face à l'attitude réfractaire de certains juges étatiques, qui refusent de se soumettre aux exigences du principe compétence-compétence. De telles difficultés pratiques constituent, dans la majeure partie des cas un obstacle à la mise en oeuvre des procédures arbitrales dans l'espace OHADA.

S'agissant du déroulement des procédures arbitrales, l'absence d'éthique observée tant chez les parties que chez les arbitres, participe à notre avis à la construction du doute qui pèse sur la capacité du système d'arbitrage communautaire à sécuriser les activités économiques dans l'espace juridique intégré.

S'agissant enfin de la phase d'exécution, l'exercice des recours dilatoires contre les sentences, la détermination du juge dans certains États comme autorité compétente pour apposer la formule exécutoire aux sentences arbitrales CCJA, ainsi que l'érection de l'immunité d'exécution au bénéfice des personnes morales de droit public constituent des entraves à l'exécution paisible des sentences arbitrales dans l'espace OHADA. Ces difficultés pratiques qui, en portant atteinte aux intérêts des parties, entachent l'image du système d'arbitrage communautaire, appellent des solutions urgentes.

CONCLUSION DU TITRE II

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Plusieurs limites justifient la contribution insuffisante du système d'arbitrage OHADA à la sécurisation des activités économiques. Identifiables à plusieurs niveaux, elles peuvent être classées en deux grandes catégories, à savoir celles d'origine normative et celles d'origine pratique. S'agissant de la première catégorie de limites, elles se traduisent tout d'abord par les silences gardés par le législateur sur certains concepts tels l'arbitrabilité ou encore le juge compétent, sur la règlementation de certaines procédures à l'instar du recours en révision et de la tierce opposition.

Ensuite, on note la présence d'incertitude relativement aux notions de clause manifestement inapplicable et d'ordre public.

Enfin on remarque une protection accrue des arbitres CCJA à travers l'institution de l'immunité diplomatique. Toutes ces limites ont pour effet d'entraver l'efficacité des procédures arbitrales dans la mesure où elles sont ou peuvent être source d'interprétations divergentes ou de doute susceptible de créer des blocages pouvant remettre en question les bases de la sécurité juridique et judiciaire posées par le législateur africain. Ce qui appelle plusieurs propositions de solution dont l'uniformisation du contenu de la notion de droit disponible, la détermination explicite du juge compétent, notamment le président de la juridiction de l'État partie statuant en matière d'urgence ou le magistrat par lui délégué à cette fin. Ce juge sera compétent en cas de blocage survenu lors de la constitution du tribunal arbitral, de nécessité d'une mesure provisoire ou conservatoire et enfin, il se prononcera sur les requêtes aux fins d'exequatur. Pour ce qui est du recours en annulation, nous pensons qu'il faudrait ériger, au plan communautaire, la Cour d'appel du siège de l'arbitrage. La détermination par la Cour communautaire du contenu de la notion de clause manifestement inapplicable ainsi que la portée de l'ordre public international est suggérée. Enfin, nous proposons que l'immunité diplomatique des arbitres CCJA soit remplacée par la limitation de responsabilité, à l'image de l'article 41 du règlement d'arbitrage CCI.

S'agissant des limites d'ordre pratique, elles se caractérisent par le coût important de l'arbitrage dans l'espace OHADA qui peut le rendre inaccessible à certains opérateurs économiques. Elles se traduisent également par l'attitude réfractaire de certains juges étatiques, parfois enclins à violer le principe compétence-compétence, par l'absence d'éthique

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dont font montre certains arbitres ou certaines parties, par les difficultés d'exécution des sentences trouvant leurs origines soit dans le comportement des parties, soit dans l'attitude des autorités étatiques, et enfin par l'impossibilité d'exécution de la sentence du fait de l'immunité d'exécution. Toute chose qui édulcore considérablement l'image de l'arbitrage OHADA. Pour ces différentes raisons, nous suggérons que soit consacré et encadré le tiers financement en vue de permettre aux moins nantis d'accéder à la justice arbitrale. En outre, nous pensons qu'il est urgent d'intensifier la vulgarisation de ce mode de règlement des litiges, de classer le droit de l'arbitrage au rang des matières fondamentales dans la filière droit privé et complémentaire en droit public, d'organiser des procès fictifs mettant en jeu le contentieux arbitral. Nous recommandons également aux différents ministères de la justice des États parties à l'OHADA d'organiser des séminaires sur l'arbitrage communautaire, financés par l'État, et auxquels la présence de tous les magistrats serait obligatoire.

Ensuite, en vue de minimiser les risques de manquements à l'éthique dans l'arbitrage, nous proposons la création d'un ordre des arbitres de l'OHADA, l'adoption d'un code d'éthique et de déontologie régissant ledit ordre, ainsi que la mise en place d'un code de bonne conduite devant servir aux parties. De plus, la détermination au niveau communautaire du greffier en chef de la Cour suprême ou de la juridiction équivalente dans l'État parties, comme autorité compétente pour apposer la formule exécutoire aux sentences CCJA revêtues de l'exéquatur communautaire, s'avère nécessaire, car elle permettrait de garantir que cette formalité ne soit pas un prétexte pour procéder à un contrôle supplémentaire dont le but souterrain serait de protéger indument les personnes morales publiques. Enfin, nous suggérons que soit renforcé l'encadrement des voies de recours contre les sentences. Ce renforcement pourrait se traduire d'une part, par l'institution de la caution bancaire comme condition préalable de recevabilité du recours en annulation et d'autre part, par la systématisation des mesures provisoires ou conservatoires en cas de recours en révision ou de tierce opposition.

CONCLUSION GÉNÉRALE

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L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des activités économiques dans l'espace OHADA

Le développement économique, résultat de la bonne marche des activités commerciales est largement conditionné par le niveau de sécurisation que le droit garantit aux acteurs du commerce interne et international. Ainsi, ces derniers ne peuvent investir leurs capitaux que s'ils sont entièrement convaincus d'être protégé par le droit. Cette protection procède de deux exigences que sont : la sécurité juridique et la sécurité judiciaire. Les fondateurs de l'OHADA l'avaient bien compris, raison pour laquelle ils ont à travers le Traité fondateur de l'organisation mis un accent particulier sur l'arbitrage afin d'en faire le mode privilégié de règlement des différends commerciaux dans l'espace juridique intégré. L'idée était de faire de l'espace communautaire une zone favorable aux investissements par la présentation des garanties de sécurité juridique et judiciaire tant aux acteurs économiques internationaux que nationaux. L'arbitrage devait donc renforcer les garanties déjà fournies par les Actes uniformes traitant des autres matières qui constituent le droit des affaires OHADA, le but étant de gagner la confiance des opérateurs économiques et de stimuler en eux le goût de faire des affaires en Afrique. Peut-on dire que l'objectif est atteint ?

L'observation de la pratique du contentieux économique au Cameroun et dans plusieurs autres États parties révèle que le reflexe est toujours d'avoir recours au juge étatique, les entreprises, grandes comme petites, expriment beaucoup de réticence à l'égard des clauses compromissoires et quand bien même on retrouve pareilles clauses dans certains contrats, on est souvent surpris de constater qu'elles renvoient à certains systèmes d'arbitrage qui n'ont rien à voir avec celui de l'OHADA. Ce qui laisse place à la question de savoir si en l'état actuel de ce système d'arbitrage, on peut dire qu'il contribue à la sécurisation des activités économiques dans l'espace communautaire ?

Notre réflexion avait ainsi pour objectif d'évaluer la capacité du système d'arbitrage OHADA à contribuer de manière suffisante à la sécurisation des activités économiques dans l'espace communautaire. Dès lors, il ressort de cette étude que si à l'évidence on peut dans une certaine mesure observer une contribution tant en ce qui concerne la sécurité juridique qu'en celui de la sécurité judiciaire, on ne peut que se plier devant la réalité que cette contribution demeure perfectible.

En effet, la communautarisation de l'arbitrage OHADA a permis d'avoir un droit à caractère supranational. Cette supranationalisation a favorisé l'existence d'un droit accessible au double plan intellectuel et matériel, prévisible et stable. Toutes choses qui manquaient

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avant l'avènement de l'organisation, la plupart des États étant à cette époque régis par des textes hérités de la colonisation et imprégnés des marques de la spécialité législative qui faisait de l'arbitrage un droit introuvable dans certains États et parfois incomplet ou ambigu dans d'autres. La supranationalisation a ainsi permis d'avoir un droit de l'arbitrage unique à travers l'adoption de l'AUA et du RA/CCJA, intelligible de par le minimum de clarté dont il fait preuve, prévisible par la prise en compte des situations acquises et stable dans la mesure où seul le conseil des ministres de l'OHADA peut autoriser sa modification ou son changement408. Les acteurs économiques savent donc désormais quel est le droit de l'arbitrage qui s'applique dans les dix-sept (17) États parties ainsi que, la procédure qui permet sa mise en oeuvre.

En outre, à travers l'érection d'un régime unique ne distinguant pas l'arbitrage interne de l'arbitrage international, le droit de l'arbitrage communautaire fait preuve d'une originalité indéniable en ce sens qu'il dispense les praticiens de l'obligation de déterminer le critère d'internationalité, chose parfois complexe à réaliser, compte tenu du caractère changeant de ce critère en fonction des pays. Permettant ainsi de supprimer tout risque de conflit des lois comme le disait feu le Professeur FOUCHARD409, le régime unique favorise le renforcement de la sécurité juridique car facilitant la mise en oeuvre des procédures arbitrales.

Enfin, l'arbitrage OHADA fait preuve d'un remarquable modernisme caractérisé par la prise en compte de la lex mercatoria et l'extension de l'arbitrabilité subjective aux personnes morales publiques. Le premier élément traduisant la volonté du législateur africain de garantir aux acteurs économiques surtout internationaux stabilité, prévisibilité, lisibilité, cohérence et permanence de la règle de droit dans le commerce international. Le second empêchant aux personnes morales publiques d'invoquer leur propre législation pour se soustraire des arbitrages pour lesquels elles ont librement conclu des clauses compromissoires. Cette démarche participe au renforcement de la stabilité et de la prévisibilité des règles de droit en matière d'arbitrage dans l'espace communautaire.

S'agissant de la sécurité judiciaire, on y observe également une contribution de l'arbitrage OHADA à travers la célébration de l'autonomie de la volonté qui favorise la

408 Art.12 du traité- (Québec 2008) Les Actes uniformes peuvent être modifiés, à la demande de tout Etat Partie ou du Secrétariat Permanent, après autorisation du Conseil des Ministres. La modification intervient dans les conditions prévues par les articles 6 à 9 ci-dessus.

409 Ph. FOUCHARD, « Le système d'arbitrage de l'OHADA : le démarrage », Petites affiches, 13 octobre 2004, n° 205, Ibid.

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participation active des parties au procès et par ricochet la transparence, le tout dans le but de se prémunir des incertitudes judiciaires susceptible de porter atteinte à leurs intérêts.

La sécurité judiciaire s'observe également à travers l'apport du juge public qui favorise l'efficacité des procédures arbitrales. Enfin on l'entrevoit à travers la soumission de l'arbitrage OHADA aux principes directeurs d'une bonne justice, ce qui permet non seulement d'humaniser les procédures arbitrales, mais aussi de garantir aux parties des procès justes et équitables.

Tous ces arguments militent pour la soutenance de l'idée d'une certaine contribution de l'arbitrage OHADA à la sécurisation des activités économiques dans l'espace communautaire. Seulement comme tout oeuvre humaine, ce système a également son « talon d'Achille » et c'est lui qui suscite la méfiance chez les acteurs économiques qui préfèrent encore avoir pour la plupart recours aux institutions d'arbitrage internationales ou aux juridictions étatiques plutôt que, de recourir au système d'arbitrage OHADA, pour le règlement des différends nées de leurs activités. On assiste donc à une dynamique que nous qualifions « d'acceptation-méfiante »410 et de « méfiant-rejet »411. C'est dire que l'arbitrage communautaire reste à parfaire, aussi avons-nous à ce titre suggéré plusieurs pistes de solution412 pouvant permettre de briser le stéréotype selon lequel on ne peut entièrement faire confiance aux africains.

En définitive, il était question pour nous d'apporter notre lumière relativement au rôle du système d'arbitrage OHADA dans l'objectif de sécurisation des activités économiques dans l'espace communautaire. Dès lors, sans prétendre avoir épuisé cette question, puissent les résultats de cette recherche contribuer à l'amélioration de ce système d'arbitrage afin de lui permettre d'atteindre l'objectifs à lui initialement assignés par l'organisation, c'est-à-dire contribuer de manière suffisante et efficace à la sécurisation des activité économiques.

410 Le fait de recourir à l'arbitrage OHADA tout en y portant un regard méfiant.

411 Refus catégorique de recourir à l'arbitrage OHADA.

412 V. supra, pp. 118-119.

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· Règlement d'arbitrage CCJA de 1999

· Règlement d'arbitrage CCJA de 2017

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· Décision n°004/99 CCJA relatif aux frais de l'arbitrage

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· Ordonnance de référé n° 12-ORD du 11 septembre 2000 ; V. Rev. Cam. Arb. no 18, Juillet- Aout- Septembre 2002, p. 13.

Mémoire rédigé et soutenu par Jacques Delor Bikoi Page 133

L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des activités économiques dans l'espace OHADA

· Paris 1ère Ch. C., 12 Décembre 2001, Rev. Cam. Arb. No 24, Janvier- Février-Mars 2004, note Ph. Leboulanger, p. 12.

· CCJA, Arrêt No001/2002 du 10 janvier 2002, Affaire Compagnie des transports de MAN dite CTM/c Compagnie d'Assurance COLLINA S.A.

· C.A de Paris, 17 ère ch. Civ. 17 janv. 2002, S.A Omenex c / Hugon, revue Arb., 2002 n° pp.391 et s.

· CCJA, Arrêt n°010/2003 du 19 juin 2003, DELPECH contre SOTACI, in Revue trimestrielle de droit africain, avril-juin 2004, n° 847, pp. 232-233. Note A. FENEON.

· Sentence partielle du 20 octobre 2004, affaire NGANDO BEBEY c/SOCIETE AXA Assurances. Revue de l'arbitrage no 26-Juillet-AOUT-septembre 2004, p. 3, note R. SOCKENG Ohadata J-08-165. Voir eg. J. ISSA-SAYEGH, Répertoire OHADA Jurisprudence et Bibliographie, 2006-2010, publié par l'UNIDA, p. 20.

· Cour d'appel de Pointe-Noire, Arrêt no du 4 Mars 2005, COFIPA INVESTMENT BANK CONGO c/ Société COMADIS CONGO, Ohadata J-13-73.

· CCJA, Arrêt n°043/2005 du 07 juillet 2005, www.juriscope.org

· Cour d'appel du Littoral, Arrêt no 092/ REF du 09 Mai 2007, Aff. TENE Job c/ PENGHOUA Emmanuel et KAMKEN François, in répertoire OHADA, jurisprudence et bibliographie, 2006-2010, p.25.

· CCJA, arrêt n°029/2007 du 19 juillet 2007, affaire Société ivoirienne de raffinage dite (SIR) c/BONA SHIPHOLDING Ltd, in Revue trimestrielle de droit africain, Avril-Juin 2009, n°867, pp.236-256.

· CCJA, arrêt n°28/2007 du 19 juillet 2007, « Société Nestlé c/ Société commerciale d'importation Dite (SCIMAS) », in Revue trimestrielle de droit africain, avril-juin 2009, n°867, pp. 26-56.

· CCJA, première Chambre, Arrêt no 43 du 17 Avril 2008, affaire Monsieur DAME SARR c/ Mutuelle d'assurances des taxis compteurs d'Abidjan (MACTA), Le Juris Ohada, no 4/ 2008, p.46, actualités juridiques n o 63, p.135, note AKO Eloi, Ohadata J09-81.

· CCJA, première Chambre, Arrêt no 43 du 17 Avril 2008, affaire Monsieur DAME SARR c/ Mutuelle d'assurances des taxis compteurs d'Abidjan (MACTA), Le Juris

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Ohada, no 4/ 2008, p.46, actualités juridiques no 63, p.135, note AKO Eloi, Ohadata J09-81.

· CCJA, Arrêt no 020/ 2008 du 24 Avril 2008, SOW YERIM Abib c/ SOULEMANE AKA et KOFFI SAHOUO Cédric, actualités juridiques no 63, p.147, note François KOMOIN, Ohadata J- 09-300.

· CCJA Arrêt n°44/2008, 17 Juillet 2008, affaire SARCI Sarl c/ ATLANTIQUE TELECOM SA et TELECEL BENIN SA, in P-G. POUGOUE, S. S. KUATE TAMEGHE, Les grandes décisions de la Cour commune de justice et d'arbitrage de l'OHADA, L'Harmattan, 2016, note D. R. SOH FOGNO, pp. 315 et s.

· Cour d'appel de Pointe-Noire, Arrêt no046 du 07 Novembre 2008, Société CELTEL c/Société Générale d'électricité ferroviaire du Congo (SOGEFCO) SA. Ohadata J-1376 ; voir ég. J. ISSA-SAYEGH, Répertoire OHADA Jurisprudence et Bibliographie, 2013, publié par l'UNIDA, pp.13-14.

· Cour d'appel du Centre, arrêt no 199/ CIV du 28 Avril 2010, affaire Société ARAB CONTRACTOR c/CABINET F.MBA.SARL, Ohadata J-12-73. Voir eg. Répertoire de jurisprudence OHADA, 2012, p.11.

· CCJA, Arrêt no 041/2010 du 10 juin 2010, Aff. ATLANTIQUE TELECOM contre PLANOR AFRIQUE SA ET TELECEL FASO SA, recueil de jurisprudence no 15, Janvier-Juin 2010, p.99, Ohadata J-12-30 ; voir eg. J. ISSA-SAYEGH, Répertoire OHADA jurisprudence et bibliographie, 2012, Publié par l'UNIDA, p.9.

· CCJA, ARRET N° 012/2011 du 29 novembre 2011.

· CCJA, Arrêt No 059/ 2013 du 18 juillet 2013, affaire compagnie malienne pour le développement des textiles (CMDT) et groupement des syndicats de producteurs de coton et vivriers du mali (GSCM) c/ Société inter africaine de distribution (IAD), in Revue camerounaise de l'arbitrage NO 63, octobre-Novembre-Décembre 2013, p. 3. Note Patrick Hermann ZANGUE.

· CCJA, Arrêt N°139/2015 du 19 novembre 2015, Aff. République de Guinée c/ GETMA international. Cet arrêt peut être consulté sur www.ohada.com

· Arrêt n° 151/2017 du 29 juin 2017, Recueil de jurisprudences de la CCJA.

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L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des activités économiques dans l'espace OHADA

TABLE DES MATIÈRES

AVERTISSEMENT I

DÉDICACE II

REMERCIEMENTS III

LISTE DES PRINCIPALES ABRÉVIATIONS ET SIGLES IV

RÉSUME VII

ABSTRACT VIII

SOMMAIRE IX

INTRODUCTION GÉNÉRALE 1

TITRE I : UNE CONTRIBUTION PERCEPTIBLE DE L'ARBITRAGE OHADA A LA SÉCURISATION DES ACTIVITÉS ÉCONOMIQUES DANS L'ESPACE JURIDIQUE

INTÉGRÉ 8

CHAPITRE I : UNE CONTRIBUTION PERCEPTIBLE DE L'ARBITRAGE OHADA A LA

SÉCURITE JURIDIQUE 10

Section 1 : La consécration d'un droit supranational de l'arbitrage : une source de sécurité

juridique dans l'espace OHADA 12

Paragraphe1 : La supra nationalité comme facteur d'accessibilité à l'arbitrage par les

investisseurs dans l'espace OHADA 12

A. L'accessibilité substantielle 13

B. L'accessibilité matérielle 18

Paragraphe 2: La supranationalité comme source de prévisibilité et de stabilité du droit de

l'arbitrage dans l'espace OHADA 19

A. La supranationalité comme source de prévisibilité du droit de l'arbitrage dans l'espace

OHADA 20

B. La supranationalité comme source de stabilité du droit de l'arbitrage dans l'espace

OHADA 21

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L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des activités économiques dans l'espace OHADA

Section 2 : L'originalité et le modernisme de l'arbitrage OHADA : un gage de sécurité

juridique dans l'espace OHADA 23

Paragraphe 1 : l'originalité du droit de l'arbitrage OHADA 24

A. L'érection du principe de l'unité du régime juridique de l'arbitrage dans le droit

OHADA 24

B. L'exception au principe de l'unité du régime juridique de l'arbitrage dans le droit

OHADA

25

Paragraphe 2 : Le modernisme de l'arbitrage OHADA

27

A. L'extension de l'arbitrabilité subjective aux personnes morales de droit public

..27

B. La prise en compte de la lex mercatoria dans l'arbitrage OHADA

31

 

CONCLUSION DU CHAPITRE I

34

CHAPITRE II : UNE CONTRIBUTION PERCEPTIBLE DE L'ARBITRAGE OHADA A

LA SÉCURITÉ JUDICIAIRE 36

Section 1 : La célébration de l'autonomie de la volonté, une source de prévention des

incertitudes judiciaires nuisibles aux droits économiques des parties 37

Paragraphe 1 : L'expression du consentement à l'arbitrage 37

A. La convention d'arbitrage 38

B. Le consentement à l'arbitrage par référence à un document relatif aux investissements

42

Paragraphe 2 : La libre détermination des modalités de l'arbitrage 45

A. La prégnance de la volonté des parties dans l'organisation de la procédure arbitrale 45

B. La prégnance de la volonté des parties quant au sort de la procédure arbitrale : la

sentence arbitrale d'accord parties 50

Section 2 : La soumission de l'arbitrage OHADA aux principes directeurs d'une bonne

justice, gage des procès justes et équitables 52

Paragraphe 1 : les exigences consubstantielles à la fonction juridictionnelle :

l'indépendance et l'impartialité 53

A. Signification du principe 53

Mémoire rédigé et soutenu par Jacques Delor Bikoi Page 137

L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des activités économiques dans l'espace OHADA

B. Les moyens tendant à assurer l'efficacité de l'exigence d'indépendance et

d'impartialité 56

1. Le moyen d'ordre préventif 56

2. Le moyen d'ordre curatif 58

Paragraphe 2 : Les exigences de nature procédurales : le respect du contradictoire et

l'exigence de célérité 59

A. Le contradictoire dans l'arbitrage OHADA 60

B. L'exigence de la célérité dans l'arbitrage OHADA 62

Section 3 : Le renfort du juge public, facteur d'efficacité de l'arbitrage OHADA 67

Paragraphe 1 : Le renfort du juge public dans l'arbitrage traditionnel 68

A. Le juge public dans l'arbitrage ad hoc 68

B. Le juge public dans l'arbitrage institutionnel interne 70

Paragraphe 2 : Le renfort du juge public dans l'arbitrage CCJA 70

A. La CCJA comme juge public de principe dans « l'arbitrage CCJA » 70

B. Le juge étatique comme juge public exceptionnel dans l'arbitrage CCJA 71

CONCLUSION DU CHAPITRE II 73

CONCLUSION DU TITRE I 74

TITRE II : UNE CONTRIBUTION PERFECTIBLE DE L'ARBITRAGE OHADA A LA SÉCURISATION DES ACTIVITÉS ÉCONOMIQUES DANS L'ESPACE JURIDIQUE

INTEGRE 75

CHAPITRE I : LES SCORIES D'ORDRE NORMATIF 77

Section 1 : Les silences du législateur africain 77

Paragraphe 1 : Les silences conceptuels 77

A. Sur l'arbitrabilité 78

B. Sur le juge compétent 79

Paragraphe 2 : Les silences quant à la règlementation de certaines procédures 83

A. Quant au recours en révision 83

Mémoire rédigé et soutenu par Jacques Delor Bikoi Page 138

L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des activités économiques dans l'espace OHADA

B. Quant à la tierce opposition 84

Section 2 : Les incertitudes conceptuelles et la protection rigide de certains arbitres 86

Paragraphe 1 : Les incertitudes conceptuelles 86

A. Le concept de clause manifestement inapplicable, source d'incertitude dans la mise en

oeuvre des procédures arbitrales OHADA 86

B. La notion d'ordre public, un potentiel obstacle à l'exécution des sentences arbitrales

dans l'espace OHADA 88

Paragraphe 2 : La protection rigide de certains arbitres 93

A. L'érection de l'immunité diplomatique dans l'arbitrage CCJA 93

B. Une immunité peu pertinente 94

CONCLUSION DU CHAPITRE I 96

CHAPITRE II : LES SCORIES D'ORDRE PRATIQUE 97

Section 1 : Les difficultés ante sententiam 97

Paragraphe 1 : Les difficultés tenant à la mise en oeuvre des procédures arbitrales 97

A. L'importance économique de l'arbitrage 97

B. L'attitude de certains juges étatiques 99

Paragraphe 2 : Les entraves à la sécurité des parties lors du déroulement de la procédure

arbitrale 101

A. L'absence d'éthique observable chez certains arbitres 101

B. L'absence d'éthique observable chez les parties 104

Section 2 : Les difficultés post sententiam 106

Paragraphe 1 : Les difficultés liées à la reconnaissance des sentences 106

A. Les difficultés relatives aux parties 107

B. Les difficultés relatives aux autorités étatiques 108

Paragraphe 2 : L'exécution impossible 109

A. La consécration de l'immunité d'exécution dans l'espace OHADA 110

B. L'usage abusif de l'immunité d'exécution dans l'espace OHADA 112

Mémoire rédigé et soutenu par Jacques Delor Bikoi Page 139

L'apport de l'arbitrage à la sécurisation des activités économiques dans l'espace OHADA

CONCLUSION DU CHAPITRE II 117

CONCLUSION DU TITRE II 118

CONCLUSION GÉNÉRALE 120

BIBLIOGRAPHIE 124

TABLE DES MATIÈRES 135






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