b. La BEAC
Alors que son caractère communautaire la
prédisposait à une plus grande autonomie, il est apparu à
la lumière des crises récentes que la BEAC a fonctionné en
marge des règles. En effet, la pratique de la politique
monétaire, les modes de désignation de ses dirigeants, le laxisme
dans le contrôle interne se sont révélés peu
efficaces et contre-productifs (Avom et Bobo, 2013). La Banque centrale n'a pas
été plus à l'abri des pressions politiques dans
l'expansion du crédit. Elle ne disposait pas non plus de
l'indépendance nécessaire pour protester, lorsque les
gouvernements respectifs ont par exemple contraint les banques commerciales et
de développement à prêter pour des raisons politiques, et
sans se préoccuper de la fiabilité et de la rentabilité
des projets proposés par les clients (Stasavage,1996). On peut aussi
citer entre autres les pertes colossales liées aux placements hasardeux
effectués par les dirigeants en 2008 (327 milliards de FCFA) et le
démantèlement en 2009 d'un réseau bien rodé de
détournements de fonds au bureau extérieur de Paris, dont le
montant s'est élevé à 15 Milliards de
FCFA57.
À la suite de ces évènements
déplorables, des réformes ont été engagées
par les hautes autorités de la CEMAC afin de donner plus de
crédibilité et de redorer l'image de la Banque.
Les dirigeants de la CEMAC ont ainsi jugé
nécessaire de créer un comité de politique
monétaire58, de limiter la durée des mandats des
dirigeants, d'adopter le principe de collégialité dans la prise
de décision du gouvernorat de la Banque et d'établir un code de
déontologie et d'éthique de la Banque. On a ainsi élargit
le gouvernorat de la BEAC afin d'impliquer chaque Etat dans l'administration et
la gestion de la Banque Centrale de la zone CEMAC. De plus une
répartition équilibrée des réserves de la banque
est envisagée. Récemment la banque a augmenté le niveau
des objectifs monétaires et de crédits.
57 On totalise donc une perte totale d'au moins 342
milliards. Le coût d'opportunité de cette perte est énorme
pour les populations communautaires.
58 Le Comité de Pilotage de la Politique
monétaire s'occupe des questions de politique monétaire et de
gestion de réserves de change.
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GOUVERNANCE DES INSTITUTIONS D'INTEGRATION
ÉCONOMIQUE DE L'AFRIQUE CENTRALE : LE CAS DE LA COMMUNAUTE ECONOMIQUE
ET MONETAIRE DE L'AFRIQUE CENTRALE(CEMAC)
La mise en oeuvre progressive de ces reformes fait dire
à Avom et Bobo (2013) que la Banque est en quête de son
autonomie59.Ces auteurs insistent sur les évolutions
institutionnelles observées, lesquelles concernent surtout la
clarification de l'objectif de la politique monétaire60,
ainsi que la mise en place du Comité de politique monétaire (CPM)
qui devient l'organe de décision de la politique monétaire. Dans
les statuts de 1972, le conseil d'administration de la BEAC, composé des
ministres en charge de l'économie et des finances des États
membres et présidé par l'un d'entre eux, était l'organe
qui définissait les grandes orientations de la politique
monétaire. Cet organe était plus politique que technique et, par
conséquent, extrêmement rigide dans la réactivité de
la politique monétaire. En revanche, avec la création du CPM, la
politique monétaire semble retrouver ses vertus (Avom et Bobo, 2013). De
par sa composition (quinze membres dont le gouverneur qui assure la
présidence, deux représentants de chaque État membre, dont
le directeur national de la BEAC, et deux de la France), le CPM apparaît
comme un organe technique susceptible de diluer les préférences
nationales61. Alors que les directeurs nationaux sont nommés
et révoqués par le conseil d'administration, sur proposition du
gouverneur, après agrément de l'État membre
concerné (art. 55, statuts, 2010), les autres membres du CPM sont
choisis et nommés par le Comité ministériel de l'UMAC
exclusivement pour leur compétence dans le domaine monétaire et
financier pour un mandat de quatre ans renouvelable une seule fois (art. 40,
statuts, 2010).
L'introduction de ces réformes montre clairement que
les autorités de la CEMAC sont bien conscientes et
préoccupées par les questions de gouvernance au sein des
institutions communautaires, ce qui est de bon aloi.
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