CONCLUSION
Dans ce deuxième chapitre, et au niveau de la
première section, nous avons introduit la notion de la
conformité, ses enjeux et son périmètre. Dans la
deuxième section nous avons abordé, la problématique de
notre sujet qui est le « De-risking », sa définition et la
relation de correspondance bancaire. Ensuite, nous avons présenté
une analyse du phénomène dans le monde en général
puis nous avons pris le cas de la région MENA à laquelle
appartient la Tunisie.
Le « De-risking » a frappé beaucoup
d'institutions financières partout dans le monde. Ce
phénomène vient de prendre une place dans les
préoccupations des principaux organismes de contrôle (FMI, FMA,
BM...) à travers les nouvelles réglementations internationales.
Le système bancaire tunisien ne se trouve pas à l'abri de ce
phénomène. En effet, le « De-risking »
opéré par les banques correspondantes des banques tunisiennes
admet forcément des répercussions négatives sur la
rentabilité de ces banques et leur intégration au système
bancaire
49 Cette recommandation concerne, comme nous l'avons
déjà mentionné ci-dessus, les sanctions financières
liées à la prolifération (Armes / Financement du
terrorisme).
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mondial. Nous allons tenter, dans le chapitre suivant,
d'analyser l'impact du « De-risking » sur les banques tunisiennes,
ainsi que leurs dispositifs de conformité et de lutte contre le LAB/FT
pour limiter les répercussions négatives du « De-risking
».
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CHAPITRE 3 : « Le De-risking », étude
du problème
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INTRODUCTION
Le chapitre précédent nous a permis de passer en
revue le cadre règlementaire de la lutte contre le blanchiment d'argent
et le financement du terrorisme dans le secteur bancaire en mettant l'accent
sur un nouveau phénomène qui touche toutes les banques à
travers leurs relations de correspondances ; le phénomène du
« de-risking ». Ce phénomène concerne les banques
tunisiennes puisque leurs banques correspondantes à l'étranger
sont contraintes, à cause du renforcement de leurs
règlementations prudentielles, à limiter voire même
supprimer leurs relations d'affaires avec des banques situées dans des
pays ne respectant pas les nouvelles règlementations du GAFI et autres
organismes soucieux de la lutte contre le blanchiment d'argent et le
financement du terrorisme.
Pour tenter de cerner l'étendue et l'amplitude de ce
phénomène dans le secteur bancaire tunisien, nous avons choisi de
mener un questionnaire auprès des banques tunisiennes.
Ainsi, nous consacrons ce dernier chapitre à l'analyse
empirique du phénomène de « De-risking » en Tunisie
à travers un questionnaire proposé aux banques installées
sur le territoire tunisien. Pour cela, dans une première section nous
allons procéder à une description du questionnaire en mentionnant
son objectif principal et son contenu. Ensuite, dans la deuxième section
nous allons présenter la démarche empirique en décrivant
la population de banques interviewées et le dépouillement du
questionnaire. La troisième section sera consacrée à
l'analyse des résultats obtenus à travers le dépouillement
du questionnaire. Enfin, nous tenterons dans la quatrième section de
proposer des solutions et des recommandations afin de minimiser les
conséquences de ce nouveau phénomène.
SECTION 1 : DESCRIPTION DU QUESTIONNAIRE
1.1. Objectif du questionnaire
Cette enquête, menée au cours de la
période Février - Novembre 2018, vise à évaluer
dans quelle mesure les banques tunisiennes ont fait l'objet d'interruptions
et/ou des restrictions de leurs relations avec les correspondants bancaires au
cours des huit dernières années (20102018), identifier les causes
sous-jacentes et collecter les éléments pouvant justifier
l'impact engendré par les pratiques des banques correspondantes sur les
produits et services offerts par les banques tunisiennes ainsi que sur les
différents segments de leur clientèle.
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En effet, l'étude de l'impact du « De-risking
» dans d'autres régions et sur d'autres systèmes bancaires,
développée dans le chapitre précédent nous
mène à nous interroger sur la sensibilité des banques
tunisiennes à ce phénomène et sur l'amplitude de ses
répercussions sur leurs performances.
Ainsi, nous cherchons, à travers ce questionnaire,
à vérifier l'hypothèse que les banques affectées
par le phénomène du « De-risking » ont
réellement trouvé des difficultés à servir certains
segments de clientèle et à fournir certains produits et services,
ainsi que leur capacité à mener des opérations
libellées en devises aussi bien en capital qu'en compte courant.
Pour cela, nous avons choisi de proposer aux responsables des
directions conformité et LAB de chaque banque installée sur le
territoire tunisien, un questionnaire, permettant de situer ce
phénomène nouveau dans le contexte tunisien et de vérifier
les hypothèses précédemment posées. Il est à
noter que la nouveauté du phénomène ainsi que la non
disponibilité de données chiffrées nous a privé de
recourir à des outils autre que le questionnaire pour mener notre
étude.
1.2. Description du questionnaire
Notre questionnaire comporte vingt-trois questions
divisées en trois parties.
Les questions proposées sont de plusieurs types. Nous
avons inclus des questions ouvertes tel que par exemple, quel est le rôle
de la direction dans la mise en oeuvre et le suivi de la conformité et
de ses procédures ? Ce genre de questions permet aux responsables
interviewés de donner des réponses riches et variées. Nous
avons également inclus des questions fermées de type (Oui ou
Non), ou encore de type questions suggestives qui proposent plusieurs choix aux
interviewés.
Dans ce qui suit, nous allons procéder à une
description détaillée de notre questionnaire. Comme nous l'avons
déjà évoqué, le questionnaire se divise en trois
grandes parties :
1. La première nous permet de collecter des
renseignements généraux relatifs à l'établissement.
Elle contient trois questions sur le type, la taille et les principales
activités de la banque.
2. La deuxième partie comporte dix questions sur les
règles et les procédures de la conformité et la lutte
anti-blanchiment d'argent et le financement du terrorisme. Dans ce cadre nous
avons progressé des questions générales vers des questions
précises sur
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la stratégie de la banque en termes de respect des
recommandations internationales imposées par le GAFI et les autres
organisations de contrôle. Les questions proposées visent à
mettre en valeur l'effort de la banque interviewée en termes de respect
de ces recommandations ou encore son état d'avancement dans ce domaine.
Nous avons proposé des questions sur le reporting, l'archivage, de la
sécurité de la banque (avec qui elle est en relation, est ce
qu'elle ne travaille pas des shell banques50), sur la
sécurité de la banque par rapport à ses clients (les
blanchisseurs ou bien les terroristes).
Cette partie du questionnaire nous permet d'avoir une
idée sur la conformité de l'établissement aux
règles de lutte anti-blanchiment d'argent et son respect des
dispositions règlementaires dans le domaine.
3. La troisième partie du questionnaire concerne notre
centre d'intérêt « Le De-risking ». Elle
représente la partie centrale du questionnaire et se divise,
elle-même, en quatre parties :
1. La première partie nous renseigne sur
l'évolution des relations de correspondance des banques après le
classement de la Tunisie comme pays à haut risque (augmentation,
diminution, pas de changement des relations de correspondance bancaire). Dans
ce cadre nous avons tenté de cerner le nombre des comptes
résiliés, les juridictions sous lesquelles les banques
correspondantes étrangères qui ont résilié et / ou
imposé des restrictions sur la banque, sont installées. Ceci nous
permet de connaître la juridiction qui a retiré le plus de
correspondants bancaires.
2. La deuxième partie concerne les causes de ces
résiliations. Le responsable interviewé a le choix entre seize
causes qui peuvent être responsables des résiliations de comptes
de la part des banques correspondantes. Ensuite, il est tenu de les classer par
ordre de signification (1 la plus significative, 16 la moins). Nous avons fait
notre choix des causes de résiliations possibles en nous inspirant des
questionnaires déjà proposés par l'AMF, l'IMF, la banque
mondiale ou celui de Wolfsberg, ainsi que des solutions proposées par
nous-
50 : sont définies comme les banques qui ne disposent
d'aucune présence physique (c'est-à-dire sans véritable
direction effective) dans le pays où elles sont constituées en
société et agréées, et qui ne sont pas
apparentées à un groupe de services financiers soumis à un
contrôle consolidé effectif (source : comité de Bâle
sur le contrôle bancaire janvier 2003)
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même. Nous avons cherché d'abord à
détecter les anomalies qui impactent la conformité et la lutte
contre le blanchiment d'argent au sein des banques tunisiennes. Ensuite,
d'après les informations collectées, nous avons proposé
les solutions que d'autres pays sui sont passés par cette
expérience ont trouvé pertinentes.
3. La troisième partie est celle qui décrit les
différentes répercutions de la baisse des relations de
correspondance bancaire. D'abord, nous avons questionné à propos
de son impact sur la capacité des banques à effectuer des
opérations en capital et en compte courant libellées en devises
étrangères par région. Puis, nous avons soulevé la
capacité des banques à accéder aux différents
produits et services tel que les compensations et règlements, le
financement du commerce, la lettre de crédit, les virements
électroniques internationaux, le service de change... . De même,
nous avons étudié l'impact de la baisse des CBR sur la
capacité des banques à servir leurs clients comme les
fournisseurs de services, les petits et moyens exportateurs, les entreprises de
transfert de fonds... . Enfin, nous avons questionné les banques sur
leurs capacités à trouver des remplaçants ou à
établir une solution de rechange pour chaque relation
résiliée. Ceci nous permet de mesurer l'amplitude des pertes
subies si elles ne trouvent pas d'autres solutions pour continuer leurs
activités.
Et La dernière partie de notre questionnaire concerne
les solutions proposées de notre part pour chaque banque selon son type
(Privée ou publique). Nous avons présenté une liste de
solutions pour le secteur public ainsi que pour le secteur privé aux
banques interviewées, en espérant les aider à trouver la
meilleure pour leur situation.
1.2.1. Présentation de la population
Le système bancaire tunisien comprend : la Banque
Centrale de Tunisie, 21 établissements de crédit ayant la
qualité de banque, 2 banques d'affaires et 8 banques
off-shore.51
51 Source : Site officiel du ministère des
finances
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Les 31 banques qui constituent le secteur bancaire tunisien
sont réparties en trois groupes comme suit :
· Les banques publiques : Ce sont les banques qui sont
sous le contrôle de l'Etat ou des acteurs publics ; on peut citer la
Société Tunisienne des Banques (STB), la Banque Nationale
Agricole (BNA), la Banque de l'Habitat (BH) et la Banque Tunisienne de
Solidarité (BTS).
· Les banques privées : Ce sont les banques qui
sont sous le contrôle des acteurs privées qui peuvent être
des étrangers ou de nationalité tunisienne ; on peut citer la
BIAT, Attijeri Bank, l'ATB, la BT, Zitouna Bank, l'UIB, l'UBCI, l'Amen Bank, la
BTE, la BTK, la BTL, la BFT, la QNB, Al Baraka Bank, Al wifak Bank et Stusid
Bank.
· Les banques off-shore : Ce sont des
établissements bancaires installés en dehors de la
résidence fiscale du déposant des fonds ; on peut citer : l'ABC,
City Bank, North Africa International Bank, TIB, l'UTB...
Nous avions pour objectif de couvrir toute la population de
banques de la place, mais nous avons eu accès à seulement
vingt-quatre banques. Ainsi nous avons été contraints d'exclure
les cinq banques off-shore à savoir : l'UTB, la LINC, la TIB, Best Bank
et North Africa International Bank pour des raison d'accessibilité ; et
deux banques privées qui sont l'UIB et l'AMEN BANK pour des raisons de
confidentialité.
Au final, sur 31 banques, nous avons eu les réponses
de 24 banques ce qui traduit que 22.5% des banques n'ont pas répondu
à notre questionnaire.
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