INTRODUCTION
Nous nous appesantirons ici sur la circonscription de la
thématique auscultée (1), les motivations étayant l'option
de ce travail (2), son présupposé ou énoncé de
départ (3), les procédés utilisés en vue
d'atteindre le résultat scientifique qu'il propose (4) et la description
sommaire des parties qui le constituent (5).
1. Problématique
Le 11 février 1945 eut lieu une conférence
à Yalta qui décida de l'armistice, mieux de la fin de la Seconde
Guerre mondiale. Cependant, contrairement à l'entendement
régulier de tout accord de cessez-le-feu qui est censé regrouper
toutes les parties en conflit, cette conférence eut la
particularité de ne réunir que les Puissances
Alliées1(*) ;
l'Allemagne nazie et les pays de l'Axe étant exclus de ces assises.
Cette dimension unipolaire préfigurait déjà la part du
lion qu'allaient s'arroger les Etats victorieux de la Seconde Guerre mondiale
dans le cours de la politique internationale. Et la Charte des Nations Unies
qui sera signée le 26 juin 1945 à San Francisco pour compenser
les imperfections de la Société des Nations loge des
dispositions2(*) très
révélatrices de ce régime de faveur dont jouissent les
vainqueurs de la Seconde Guerre mondiale et leurs alliés. Tel est le cas
de l'article 23 de la Charte qui leur confère le statut de membres
permanents au Conseil de Sécurité3(*) et de l'article 27 de la même Charte qui soumet
l'adoption des décisions du Conseil de Sécurité sur toutes
questions autres que celles de procédure à un vote affirmatif de
neuf de ses membres dans lequel sont comprises les voix de tous les membres
permanents, étant entendu qu'une partie à un différend
s'abstient de voter, et ce, sous la férule des amendements dont a
été l'objet la Charte de l'ONU4(*). En d'autres termes, le vote négatif5(*) de l'un des cinq membres
permanents parmi les 15 membres du Conseil de Sécurité suffit
pour bloquer l'adoption d'une décision ou une résolution sur des
questions de paix et de sécurité et, partant, empiéter la
résolution d'un conflit dans le cadre d'une action des Nations Unies.
C'est cela le droit de veto au Conseil de Sécurité qui trouve
encrage en l'article 27 alinéa 2 de la Charte. Celui-ci s'entend, en
droit international public, du privilège de chacun des cinq Etats
membres permanents du Conseil de Sécurité de l'ONU de paralyser
les décisions de cet organe portant sur des questions autres que des
questions de procédure6(*). Ce privilège découle de la
règle selon laquelle la majorité requise pour ces
décisions - 9 voix sur 15 - doit comprendre les voix de tous les membres
permanents du Conseil7(*).
Le système du veto8(*) a été établi pour protéger
les intérêts des membres fondateurs des Nations Unies qui
étaient sortis victorieux de la Seconde Guerre mondiale. A la
conférence de Dumbarton Oaks en octobre 1944 qui a
prévalu à la création de l'ONU, il a été
décidé que les représentants de la République de
Chine, des Etats-Unis, du Royaume-Uni et de la France seraient membres
permanents et, donc, titulaires du droit de veto. La France, même battue
et occupée par l'Allemagne nazie, avait joué un rôle
primordial en tant que l'une des figures de proue de la Société
des Nations. En sus, elle était une puissance coloniale de
première importance et les activités des Forces françaises
libres aux côtés des Alliés leur ont permis de s'asseoir
à la même table que les Quatre Grands.
Ainsi moulé, le droit de veto fut instauré, du
point de vue formel, pour assurer la paix et la sécurité
internationales, gage de développement, et préserver les
générations futures du fléau de la guerre qui deux fois en
l'espace d'une vie humaine a infligé à l'humanité
d'indicibles souffrances9(*). Les rédacteurs de la Charte des Nations
Unies ont voulu que cinq pays - la Chine, les Etats-Unis d'Amérique, la
France, le Royaume Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord et l'Union des
Républiques Socialistes Soviétiques (à laquelle a
succédé la Fédération de Russie en 1990) -
continuent de jouer un rôle de premier plan dans le maintien de la paix
et de la sécurité internationales, en leur accordant des
sièges permanents au Conseil de Sécurité avec droit de
veto, fort de la part essentielle qu'ils avaient prise à la
création de l'ONU. Ce qui se veut à tous égards un
objectif noble aux vertus indéniables.
Seulement voilà, la praxis de cette
prérogative ou l'emploi du veto par les membres permanents du Conseil de
Sécurité soulève des problèmes et contraintes
pratiques dont la récurrence et l'ampleur dans la complexification des
conflits qui surgissent sur la table des Nations Unies préoccupent au
plus haut point les réflexions doctrinales, en droit international
public, auxquelles s'affilie, non sans originalité, le présent
mémoire.
Hubert VEDRINE constate qu'au fil des ans, l'identité
principielle du droit de veto s'est foncièrement
métamorphosée au point de relativiser les abus de l'usage de ce
dernier tant du côté de ses utilisateurs que de celui de l'opinion
publique internationale.10(*) Pour lui, le renforcement de l'efficacité de
ce droit aujourd'hui passerait par la définition des restrictions
à son exercice. Et Bruno TERTRAIS voit en l'usage de ce droit une
arme de guerre occulte, entre les grandes puissances qui le détiennent,
dont font les frais les Etats faibles11(*). Ainsi, préconise-t-il une réforme de
ce droit dans le sens de l'élargissement du nombre de ses titulaires
pour sortir de ce gouffre.12(*) Et Bernard EMIE de prévenir qu'un tel
passage, tout en demeurant irréaliste, risquerait d'ouvrir fatalement la
voie d'une « Troisième Guerre mondiale »13(*).
Notre dissertation juridique a la particularité de
relever une autre dimension liée à ces problèmes et
contraintes inhérents au droit de veto aujourd'hui. Il s'agit de celle
s'identifiant principalement au dualisme du veto onusien qui s'apparente
tantôt à un garde-fou contre des guerres incessantes en vue de
garantir « une paix et une sécurité internationales
d'exclusion »14(*), tantôt à un instrument au service du
diktat impérialiste des Etats membres permanents du Conseil de
Sécurité et devenant un blocage des règlements des
conflits internationaux que ceux-ci sont pourtant chargés de
gérer de manière à les enrayer15(*) . Dans ce dernier volet,
l'usage du veto revêt aujourd'hui un visage utilitariste moderne. Il
paraît tantôt comme un outil de positionnement
géostratégique des membres permanents, tantôt comme une
arme au service de leurs intérêts économiques, tantôt
enfin telle une balance d'affirmation de leur puissance internationale.
Ce cliché nous pousse à situer le droit de veto
au Conseil de Sécurité entre gage juridique16(*) d'une paix internationale
d'exclusion et blocage politique du règlement des conflits
internationaux. Gage d'une paix internationale d'exclusion, le droit de veto
exercé entraine comme conséquence fréquemment manifeste la
prévention de la propension des affres de la crise sécuritaire et
de la rupture d'une paix quelque internationale, laquelle esquive s'accompagne
généralement de l'isolement de facto, de l'aire d'Etats
jouissant des bienfaits de ladite paix, de l'Etat ou des Etats directement en
conflit ou engagés aux hostilités qui se voient comme mis en
quarantaine au regard du bénéfice de la
« paix » qui serait instaurée. Ceci voudrait dire en
d'autres termes que les avantages de la paix défendue par l'exercice du
veto ne profitent, in concreto, dans une large mesure qu'à
l'Etat qui en fait usage au Conseil de Sécurité ainsi qu'aux
Etats tiers ; l'Etat où se déroulent les hostilités
demeurant en conflit. Le veto serait ici un outil qui protège moins la
paix internationale que les intérêts et la sécurité
des Etats titulaires de son droit17(*).
Ce droit de veto, asservi par les ambitions
démesurées d'affirmation compétitive des tendances
hégémoniques de ses titulaires-toujours en confrontation latente
teintée des rapports hypocrites-, endosse le masque du blocage politique
du règlement des conflits menaçant de briser la paix et la
sécurité internationales en fondant son emploi moins sur le souci
de faire le contrepoids des manoeuvres d'entrée en guerre arbitraires
sous l'égide d'une action militaire des Nations Unies que sur la
préservation des intérêts économiques et
géostratégiques de ses utilisateurs, la capitalisation de leur
crédit de développement ainsi que l'ardeur d'engraisser leur
puissance dans le jeu des rapports des forces internationaux. C'est ce
vacillement du droit de veto, toujours d'actualité, qui motive l'analyse
de certains auteurs et la position de certains Etats dans le sens tantôt
d'en opérer une réforme taillée, tantôt d'aller vers
son abolition, tantôt encore de substituer une majorité
qualifiée des voix des membres permanents à la règle,
quelque peu discriminatoire, rigide et désuète, de
l'unanimité des voix des membres permanents qui en est le socle18(*), tantôt enfin de
revisiter la structure de la représentativité du Conseil de
Sécurité19(*). La France chapeaute aujourd'hui un bloc d'Etats qui
bataillent en faveur, à défaut d'une suppression totale du veto
que la conjoncture politique internationale rend utopique, de l'adoption d'un
« code de conduite » qui obligerait les Etats membres
permanents du Conseil de Sécurité à renoncer par avance
à faire usage de leur veto en face des « crimes de
masse »20(*).
Par ailleurs, cette vapeur sombre qui plane sur la substance
du veto oblige ses utilisateurs à rendre des comptes à l'opinion
publique internationale sur le mode de fonctionnement du Conseil de
Sécurité, sur le fondement juridique du veto et la
légitimité de son exercice, postule Pierre Edouard
DELDIQUE21(*).
Au rebond de cette approche, Géraldine LHOMMEAU estime
que « le droit de veto n'est pas un privilège, mais une
responsabilité »22(*).
A côté de la ventilation de toutes ces
considérations attachées au droit de veto, notre dissertation
juridique entend forger une analyse qui participe de sa perception telle une
prérogative bipolaire, aux diapasons non moins ambigus. Cette approche,
qui n'est rien de moins que la courroie de transmission de nos
réflexions dans les arcanes de ce travail, cerne le droit de veto
à la fois tel un garde-fou aux guerres arbitraires23(*) sous la bannière
onusienne, mieux le gage juridique d'une paix et d'une sécurité
internationales d' « exclusion »24(*) (Chapitre 1)
et tel un verrou des voies de résolution des conflits armés qui
se mesure en termes d'obstacle à la paix et à la
sécurité internationales (Chapitre 2) et qui
exige aujourd'hui d'être franchi (Chapitre 3).
Au demeurant, ce cliché soulève une ribambelle
d'interrogations dont l'arrière-fond des réponses concourt
à une meilleure appréhension des mécanismes fonctionnels
et de l'originalité procédurale du droit de veto au Conseil de
Sécurité des Nations Unies : Quelle est la ratio
legis de ce droit - absent du Pacte de la Société des
Nations - dans la Charte des Nations Unies ? Les membres permanents
l'exercent-ils toujours au nom de la paix et la sécurité
internationales, à des fins humanitaires par philanthropie et humanisme
pour les populations civiles devant être préservées des
affres des guerres ou bien en considération des pesanteurs beaucoup plus
latentes ? Le fondement de ce privilège est-il
démocratique ? Quel pourrait être le taux de son
efficacité à résorber les crises internationales qui font
l'objet de son usage ? Faut-il l'abolir aujourd'hui ?
Le présent travail s'assigne comme objectif notamment
d'apporter lucidement, au terme d'une démarche qui ne fait pas lire mais
fait penser, des éléments de réponse à ce
questionnement. Ceci étant, l'intérêt du sujet
examiné n'est certes pas moins avéré d'autant que son
champ spatio-temporel ne s'en trouve pas moins déterminé.
2. Choix et intérêt du sujet
L'intérêt de cette étude s'enracine dans
son effort à forger une réflexion autant courageuse que
décomplexée sur une thématique à la fois
délicate et d'actualité, savoir : la pertinence du droit de
veto au Conseil de Sécurité de l'ONU qui conduit à
s'interroger sur l'opportunité du maintien du statut de membres
permanents dans cet organe onusien. Une autre dimension du mérite de ce
travail est assurément son sens élevé
d'interprétation et d'analyse
« révolutionnaires » qui amènent à
percevoir la face lacunaire du veto employé au Conseil de
Sécurité en ce qu'il n'est souvent porteur que d'une paix
« d'exclusion ».
Face, en outre, à la prolifération des conflits
armés et aux difficultés, parfois de taille, d'y mettre fin tant
par les belligérants impliqués que par les canaux du Conseil de
Sécurité de l'ONU, il s'est avéré impérieux
d'engager une étude d'un intérêt soutenu sur les
propriétés du droit de veto au regard des crises
sécuritaires qui se développent et se reproduisent sur la
scène internationale afin de comprendre on ne peut mieux les facteurs
sous-jacents liés à la nature complexe de ce droit - qui,
plutôt que de toujours concourir au maintien de la stabilité, la
sécurité et l'ordre internationaux en réglant
pacifiquement25(*) les
situations menaçant de rompre l'équilibre de la paix et la
constance sécuritaire internationales, n'accouche souvent que d'une paix
étanche dont un cercle réduit d'Etats seulement tient
l'exclusivité du bénéfice et forme parfois une muraille
dans la résolution de ces situations-problèmes - ainsi que la
multitude de détonateurs circonstanciels qui, interagissant, activent
son exercice.
La prise en compte de toutes ces indications adjointe au souci
d'ausculter la valeur du droit de veto au Conseil de Sécurité, le
bien-fondé de sa préservation aujourd'hui et sa portée
tendant à bénir la poursuite des conflits qui font l'objet de son
apposition ou à envenimer leur résorption érigent la
quintessence à la fois de l'intérêt de ce travail et des
raisons du choix du sujet qu'il aborde. Ainsi affirmé,
l'intérêt de ce travail se trouve nourri par une chaîne de
prémisses et considérations destinées à expliquer
les faits et phénomènes qui seront étudiés en vue
de vérifier l'exactitude des thèses résultant de
l'observation et de l'analyse qui seront méthodiquement
effectuées.
3. Hypothèse
Thomas KUHN26(*) faisait judicieusement remarqué qu'une
hypothèse, pour être scientifiquement admissible, doit être
réfutable, c'est-à-dire doit permettre des expériences qui
la corroborent (la confirment) ou la réfutent (l'infirment). Et
l'hypothèse du présent mémoire ne fait pas exception
à cette règle d'or.
A la lumière des éléments de
réflexion étayés par ce travail, nous estimons qu'un
meilleur règlement des conflits et une judicieuse gestion des questions
de paix et de sécurité internationales par le Conseil de
Sécurité onusien, sans être l'hottage des
intérêts épars des Etats, repose irrécusablement sur
la substitution de l'unanimité des voix des membres permanents - sur des
questions autres que celles de procédure - qu'implique le droit de veto
par l'instauration d'une majorité qualifiée27(*) de leurs voix comme
critère d'adoption des décisions de telle nature. Cette mutation
du droit de veto devrait aller de pair, et tel est le voeu idéal, avec
le dépassement mieux la rotation de la qualité de membres
permanents28(*) du Conseil
de Sécurité. Cette mise à jour aura la faveur de mieux
refléter l'idéal d'égalité souveraine des Etats qui
est l'un des principes au coeur même de la création de
l'Organisation des Nations Unies29(*). Cependant, une telle entreprise semblerait un peu
utopique compte tenu de la réalité des rapports des forces
actuels hostiles à tout dépouillement par les membres permanents
de leurs prérogatives ou encore à leur éventuel partage
avec d'autres Etats, craignant de mettre en danger leurs intérêts
immédiats.
Ainsi, l'enchainement de nos réflexions sera-il
truffé des procédés et outils d'étude scientifique
propres.
4. Méthodes et techniques
La nécessité d'énoncer l'arsenal des
procédés qui président à la conduite de toute
investigation scientifique est de mise étant donné que les
résultats de toute recherche scientifique valent ce que valent les
méthodes et techniques utilisées30(*). Ce faisant, nous nous attèlerons ici à
passer en revue la quintessence de principales méthodes et techniques
qui seront le vade mecum de nos analyses et à
ressortir la pointe de la touche particulière que chacune d'elles entend
apporter dans l'ossature de celles-ci.
4.1. Méthodes
Depuis ARISTOTE jusqu'aux théories contemporaines de la
recherche scientifique via René DESCARTES et Karl POPPER, la
méthode désigne « l'ensemble de canons guidant ou
devant guider le processus de production des connaissances scientifiques, qu'il
s'agisse d'observations, d'expériences, de raisonnements, ou de calculs
théoriques »31(*). Elle est pour ainsi dire un ensemble ordonné
de manière logique de principes, de règles, d'étapes
permettant de parvenir à un résultat et à la connaissance
d'une vérité32(*).
Ainsi, afin de mener à bon port l'étude que
s'assigne comme finalité ce mémoire, nous emploierons :
4.1.1. La Méthode analytique :
qui renvoie à l'auscultation d'un problème complexe afin de le
diviser en sous problèmes plus simples pour mieux le comprendre et le
résoudre. Énoncée par DESCARTES dans son Discours de
la méthode, cette méthode permet de diviser chacune des
difficultés à examiner en autant de parcelles qu'il se pourrait,
et qu'il serait requis pour mieux les pallier33(*).
Appliquée au présent travail, cette
méthode va nous permettre de segmenter la masse de facteurs,
pièces et autres pesanteurs qui mettent les bâtons dans les roues
de la mécanique, du fonctionnement et de l'objectif essentiel du droit
de veto au Conseil de Sécurité de l'ONU, afin d'abord de porter
un jugement explicatif assez pertinent de cette situation qui, de plus en plus,
gèle la résorption des crises sécuritaires
internationales, et ensuite d'établir la part de chacun des pions -
apparents et voilés mais déterminants - dans les limites de
l'usage du droit de veto à résoudre les conflits armés
internationaux et dans sa tendance à les complexifier de nos jours.
4.1.2. La Méthode
exégétique : figurant dans la chaine des
méthodes de l'approche juridique, s'intéresse à la
manière dont le droit positif entend solutionner une question
posée ou soulevée34(*).Le recours à cette méthode permet
ici de cerner, à la lumière de la ratio legis
de l'article 27 alinéa 2 de la Charte des Nations Unies, la dimension
préventive des menaces à l'équilibre de la paix et la
sécurité internationales propre à l'exercice du droit de
veto au titre de mécanisme normatif garantissant, dans la Charte de
l'ONU, la stabilité et l'ordre sur la sphère internationale.
4.1.3. La Méthode
hypothético-déductive : est une méthode
scientifique qui consiste à formuler une hypothèse afin d'en
déduire des conséquences observables futures (prédiction),
mais également passées (rétro diction), permettant d'en
déterminer la validité35(*). L'usage de cette méthode nous amènera
d'une part à chercher, au travers de certains casus concrets dans
l'histoire, des explications à l'attitude poussant, aujourd'hui, les
Etats membres permanents du Conseil de Sécurité à se
servir de leur droit de veto telle une arme de pression qui gèle,
à ce jour plus que jamais, l'issue de nombreux conflits armés
internationaux et autres crises humanitaires à portée
internationale ; et d'autre part, à nous interroger sur la
validité et l'opportunité de ce droit aujourd'hui, en faisant
émerger le visage que nous estimons mieux adapté à ce
dernier pour qu'il assure effectivement une meilleure gestion des conflits
armés et soit un dispositif juridique prévenant au mieux les
situations menaçant d'interrompre l'équilibre de la paix et la
sécurité internationales.
4.2. Techniques
La technique de recherche en sciences sociales demeure le
moyen d'atteindre un but- la collecte, le dépouillement et la
présentation des données- qui se situe au niveau des faits
concrets, c'est-à-dire au niveau des étapes pratiques de la
recherche36(*). En effet,
la méthode, au sens profond du terme, qui se situe au niveau d'une
conception intellectuelle ordonnant un ensemble d'opérations vise
l'explication scientifique des données du terrain, données
observées et collectées, grâce à la technique
utilisée. En ce sens, la technique se situe en amont, et la
méthode en avale dans une démarche d'investigation scientifique
voulant répondre aux critères de validité
épistémologique. Ainsi, les principales techniques
utilisées dans le cadre de cette réflexion sont l'observation
scientifique et la technique documentaire37(*).
4.2.1. L'observation : est l'action de
suivi attentif des phénomènes, sans volonté de les
modifier, à l'aide de moyens d'enquête et d'étude
appropriés38(*).
L'observation est une technique de recherche sociologique qui consiste en un
contact du chercheur avec son champ d'investigation scientifique. Nous
l'utiliserons ici pour mieux étudier et comprendre les
phénomènes qui écument tellement la société
internationale au point d'affecter le fonctionnement intérieur du
Conseil de Sécurité des Nations Unies et de conditionner l'usage
du droit de veto par ses membres permanents sans en être forcément
le postulat de droit.39(*)
4.2.2. La technique documentaire :
consiste à fonder des opinions et positions scientifiques sur l'analyse
méticuleuse des données, explications des faits et autres
éléments d'analyse fouillés dans l'ossature des ouvrages
et autres textes examinés. Elle nous permettra de cerner les documents
à notre portée à la lumière de l'expérience
des faits historiques en les passant au crible de la critique, suivant un
enchaînement cohérent, en vue de contribuer à une meilleure
connaissance et compréhension de notre objet d'étude.
5. Plan et division du travail
La toile de fond de notre travail est le postulat d'une
réflexion juridique sur la pertinence du droit de veto et
l'opportunité aujourd'hui du statut des membres permanents au Conseil de
Sécurité onusien. Et cette démarche critique se
réalisera sous le prisme d'une approche dialectique que vont structurer
trois chapitres chargés chacun de décrypter un aspect
spécifique de la question traitée. Le premier entend porter sur
l'exploration des paramètres de la force du droit de veto à
assurer la paix internationale avant d'exhumer la face boiteuse et
précaire de celle-ci. Le deuxième se propose pour sa part de
scruter les tentacules de l'usage abusif de ce droit de veto par ses titulaires
qui a pour résultante fatidique l'enlisement des perspectives de sortie
des conflits armés dans le cadre des Nations Unies, et pour fondement
implicite, dans le chef des membres permanents du Conseil de
Sécurité, l'élan de la quête effrénée
de la défense de leurs intérêts économiques toujours
tirés vers le haut, en plein contexte du capitalisme concurrentiel des
marchés, en vue d'asseoir chacun sa suprématie étatique et
sa puissance internationale. Et le travail sera étoffé par un
troisième chapitre qui articulera à la fois notre contribution et
position pour le façonnage d'un visage le moins scabreux et utilitariste
possible du droit de veto en vue d'une meilleure et plus efficace gestion des
conflits internationaux par le conseil de sécurité des Nations
Unies.
CHAPITRE 1. LE VETO, UN DROIT INIQUE AU SERVICE DE LA
PAIX ET DE LA SÉCURITÉ INTERNATIONALES ?
Elaborée et adoptée au sortir de la Seconde
Guerre mondiale, la Charte de l'ONU a pour toile de fond la recherche et le
maintien de la paix et la sécurité internationales
considérées comme prélude au développement
plénier. La quasi-totalité de ses dispositions converge vers la
matérialisation de ce postulat. Pour ce faire, la Charte dote l'ONU
d'organes d'actions et de décisions dont le prééminent
demeure le Conseil de Sécurité fondant sa
notoriété, entre autres, sur les techniques spécifiques de
son fonctionnement dans la prise des décisions. Le droit de veto, qui
est ouvert aux cinq membres permanents du Conseil, leur conférant la
possibilité d'assurer en fait la censure de grandes questions de la vie
internationale, n'est pas étranger à ce penchant. Et L'usage de
ce droit au sujet d'un conflit visé conduit parfois à
empêcher la contagion de ce dernier d'une part ; et d'autre part,
à faire barrière aux interventions onusiennes utilitaristes. On
le constate certes, autant sous son étiquette de bouclier contre le
risque du déversement des conflits armés nationaux sur les
territoires de nombreux autres Etats du fait de leur entrée en danse
dans les hostilités militaires que dans son costume de pourfendeur de
toute manoeuvre d'instrumentalisation du Conseil de Sécurité des
Nations Unies aux fins des campagnes militaires arbitraires et
impérialistes par certains Etats, le droit de veto assure l'office de
gardien de la paix et la sécurité internationales. Appelé
à corriger les lacunes structurales de la Société des
Nations dont le conseil était très pauvre en termes d'outils
d'action de nature à résoudre efficacement et
définitivement les conflits armés interétatiques et en
l'occurrence son incapacité à prévenir, mieux à
juguler la Seconde Guerre mondiale, le Conseil de Sécurité des
Nations Unies est pourvu d'instruments et canaux de majeure envergure pour
remblayer ce ravinement. A ce titre, le droit de veto au Conseil de
Sécurité des Nations Unies est à la fois un outil novateur
qui taille entre Etats membres un régime d'inégalité
pointue sur une base juridique internationale40(*) et une marque de l'originalité normative de la
Charte41(*) dans la
conjonction des efforts de ses signataires à garantir au mieux la paix
mondiale. C'est pourquoi Alain PELLET42(*) considère, non moins paradoxalement, le veto
ainsi que le régime sournois de son usage comme relevant d'un droit
des plus puissants Etats dont ils se servent pour préserver et porter
toujours plus haut leurs intérêts partisans sur l'échiquier
international. Dans l'autre sens, P. WEIL43(*) estime, pour sa part, que
quoique paraissant discriminatoire, le droit de veto est de nos jours un
rempart irremplaçable contre le regain du communisme et les assauts des
alliances idéologiques de type féodal où le plus fort
attire autour de lui les plus faibles qu'il protège et auxquels il
assure une impunité généralisée44(*) en contre partie de leur
allégeance. Delphine EMMANUEL ADOUKI45(*) affirme même que ce
droit aura contribué au passage de
l'homogénéité à
l'hétérogénéité de la société
internationale en s'érigeant en juste-milieu dans la délicate
cohabitation des intérêts pluriels des Etats et en passerelle
d'unité et de diversité dans le cours de la vie politique et
normative internationale continuellement confrontée à de nouveaux
défis.
A la confluence de ces opinions doctrinales, nous
estimons, quant à nous, à la lumière des pesanteurs de la
real politik et des signes des temps, que le veto parait un
« droit inique » au service de la paix et la
sécurité internationales.
Le décorticage de cette carapace que nous reconnaissons
au droit de veto voudrait que l'on se penche d'abord, dans une
première section, sur son analyse au double titre de
prérogative novatrice de la Charte des Nations Unies dans l'optique de
la consolidation de la paix générale et de mécanisme
révélateur de la spécificité institutionnelle de
l'Organisation des Nations-Unies comparativement à la
Société des Nations dont le Pacte créateur souffrit d'une
carence des moyens tant techniques que structurels efficaces de
prévention et de règlement des conflits armés à
portée internationale. Et nous nous appesantirons ensuite, dans une
seconde section, sur l'examen de différents méandres
inhérents aux motivations de l'usage de ce veto afin d'ausculter le
fondement du caractère discrétionnaire qui l'environne de
manière à déterminer le visage qu'il peut revêtir
pour mieux éjecter le règne de l'arbitraire de la sphère
internationale en faveur de l'intégration de l'ordre et la
stabilité, fondés sur des relations pacifiques entre Etats.
SECTION 1. LE DROIT DE VETO, UNE
SPÉCIFICITÉ INSTITUTIONNELLE DE L'ONU
Entre le 25 avril et le 25 juin 1945, les
représentants de cinquante nations -- encore engagées dans
la Seconde Guerre mondiale contre les puissances de l'Axe46(*) -- se réunissent
en conférence à San Francisco, aux États-Unis. Ils
doivent élaborer les statuts de la future organisation internationale,
dont l'objectif est de réguler les conflits mondiaux et d'organiser la
paix internationale. La Charte, signée le 26 juin 1945, est
fondatrice de l'Organisation des Nations Unies (ONU). Celle-ci est une
organisation internationale d'États nations fondée en 1945,
sur le principe de l'égalité souveraine de ses membres, dans le
but d'assurer la paix, la sécurité et la coopération
internationales47(*).
Siégeant à New York, aux Etats-Unis, cette
organisation se veut non un gouvernement supranational, mais un instrument
flexible de collaboration et de coordination entre ses États membres,
dont l'efficacité dépend plus de la volonté des
gouvernements de chaque pays membre que de la structure de l'organisation
elle-même, dépourvue d'une véritable autorité et
d'une réelle indépendance48(*). C'est ce qui explique l'influence et le rôle
fluctuants qu'exerce l'institution internationale sur les affaires du monde en
fonction de l'état des relations internationales et, bon gré, mal
gré, du rapport des forces : le droit de veto étant l'une
des émanations de ce rapport des forces, plaçant les Etats
membres permanents du Conseil de Sécurité qui en sont titulaires
dans une haute posture. La consécration du droit de veto aux cinq
membres permanents du Conseil de sécurité des Nations Unies
reste, avions-nous fait remarquer, l'oeuvre de l'article 27, alinéa 2 de
la Charte. Et il s'avère établi que la ratio
legis, l'esprit et la lettre mêmes de cette disposition ont
toujours indéniablement reposé sur la volonté d'instaurer
et de maintenir permanemment la paix mondiale, mieux un certain ordre
politico-économico-social comme prémisse du développement
sur l'échiquier international voulu dépourvu de guerres ou autres
formes de conflits armés. Ce portrait retrace on ne peut mieux la
vocation initiale du droit de veto au titre de gage juridique de la paix
internationale destiné à prévenir d'autres catastrophes
humanitaires ou hécatombes à la mesure de ceux engendrés
par les deux fléaux conflictuels les plus dévastateurs de
l'histoire en termes de perte en vies humaines49(*). A ce sujet, le préambule de la Charte fait de
la pratique de la tolérance, de la recherche de la paix entre Etats dans
un esprit de bon voisinage et de l'union des forces des Etats membres pour
maintenir la paix et la sécurité internationales les fins
essentielles de l'Organisation des Nations Unies.
Ainsi saisi, le veto peut être exercé par un
membre permanent du Conseil de Sécurité en solo ou
collégialement avec d'autres afin d'assurer la paix internationale en ce
sens qu'il viserait à empêcher la réalisation d'une action
qui aurait eu pour conséquence de briser l'équilibre de la paix
et de fracasser l'élan sécuritaire mondial, paix et
sécurité internationales étant indissociables telles deux
manches d'une même chemise. Cependant, il sied de remarquer que cette
« paix internationale » préservée a souvent
tendance, dans ses effets, à exclure du champ de son
bénéfice l'Etat dont le territoire est théâtre du
conflit considéré et à donner quitus implicite à la
poursuite graduelle des hostilités. Ici, le veto prévient une
destruction de la paix mondiale par contagion qui découlerait d'une
action ou d'un recours à la force armée sur pied d'une
résolution du Conseil de Sécurité mais ne règle pas
totalement le conflit en cours. Tels ont été les cas d'abord du
veto posé le 2 décembre 1994 par la Fédération de
Russie contre un projet de résolution visant une mission de maintien de
la paix en Bosnie-Herzégovine alors en proie à une guerre civile
aux consonances sécessionnistes et génocidaires, puis de celui
exercé conjointement, à trois reprises50(*), par la République
populaire de Chine et la Fédération de Russie contre la
condamnation de la répression en Syrie des protestations contre le
régime du Président Bachar al ASSAD et enfin de celui brandi par
les Etats-Unis d'Amérique le 18 février 2011 contre la
proposition d'arrêt de l'implantation israélienne en Cisjordanie.
Ces trois territoires ont vu les conflits qui les étrillaient continuer
à faire libre cours et ne pouvaient dans ces conditions tirer profit de
la fameuse paix internationale ayant pourtant constitué l'argument
moteur des différents vetos mis en branle. Ce qui revient à
remettre en cause une considération aprioristique de la
généralisation de l'internationalité de ladite paix.
En revanche, un Etat membre permanent peut aussi faire usage
de son droit veto pour bloquer le passage à un autre Etat, fût-il
aussi membre permanent, qui tenterait malicieusement de concrétiser ses
ambitions hégémoniques sous la casquette des Nations Unies
à travers une intervention militaire arbitraire au service des
intérêts particuliers. Le veto que la France menaça
d'opposer à toute tentative américaine d'obtenir l'aval du
Conseil de Sécurité des Nations Unies pour une intervention
militaire en Irak en 2003, laquelle intervention fut néanmoins
réalisée au mois de mars de la même année sous la
férule d'une coalition américano-britannique -dont le leitmotiv
caché était l'éviction de Saddam HUSSEIN et
l'éjection de ses 24 ans d'autocratie prédatrice -, en donne une
illustration topique51(*).
Il nous paraît ainsi non moins utile, en vue de mieux
cerner l'ossature systémique et les facteurs déterminants des
mutations de ce droit de veto, de nous faire une description laconique de la
structure organique de l'Organisation des Nations Unies qui va être au
coeur de toutes nos analyses (paragraphe 1) avant de jeter un regard
croisé sur quelques instruments juridiques de différence entre le
Pacte de la SDN et la Charte de l'ONU (paragraphe 2).
Paragraphe 1. Les principaux organes de l'ONU52(*)
L'Organisation des Nations Unies se compose de six organes
administratifs qui supervisent l'activité d'un certain nombre de
comités, d'agences spécialisées et de fonds. Bien que
l'Assemblée générale contrôle en théorie
l'activité des cinq autres organes administratifs, c'est en fait le
Conseil de sécurité qui exerce au sein de l'Organisation
l'influence la plus importante. En effet, le Conseil décide en dernier
ressort des actions qui doivent être entreprises par les Nations Unies et
de l'admission de nouveaux membres. La Charte prévoit six
organes principaux : l'Assemblée générale, le Conseil
de sécurité, le Conseil économique et social, le Conseil
de tutelle, la Cour Internationale de Justice et le Secrétariat.
· L'Assemblée
générale53(*) est l'organe de
délibération de l'ONU. Tous les États membres y sont
représentés, et chacun d'entre eux dispose d'une voix.
L'Assemblée générale tient des sessions
régulières annuelles et peut tenir des sessions extraordinaires.
Sur les questions ordinaires, les décisions sont prises à la
majorité simple, les décisions importantes devant être
adoptées à la majorité des deux tiers. L'Assemblée
n'a pas de pouvoir de contrainte : ses décisions sont simplement
des recommandations faites aux États membres, qui demeurent
souverains ; elles ont cependant un poids important sur l'opinion
mondiale.
L'Assemblée générale est au
centre de l'ONU : elle admet les nouveaux membres, approuve le budget,
crée des agences et lance des programmes afin de mettre en oeuvre ses
recommandations -- les plus importants sont le Programme des Nations unies
pour le développement (PNUD) et la Conférence des Nations unies
sur le commerce et le développement (CNUCED). Enfin, elle nomme le
secrétaire général et les membres des différents
programmes et agences, et coordonne leur action par l'établissement de
comités
· Le Conseil de
Sécurité54(*) est le principal organe de maintien de la
paix et la sécurité internationales des Nations Unies. Il compte
15 membres, dont cinq -- la Chine, la France, le Royaume-Uni, la
Russie et les États-Unis -- détiennent un siège
permanent ; les dix autres membres non permanents sont élus par
l'Assemblée générale pour des mandats non
immédiatement reconductibles, d'une durée de deux ans. Ces
sièges sont pourvus sur une base géographique : l'ensemble
des pays d'Asie, d'Afrique et du Proche-Orient détient cinq
sièges, les pays occidentaux et l'Amérique latine en
détiennent chacun deux, et les pays d'Europe de l'Est en occupent un. La
présidence du Conseil est assurée pour une durée d'un mois
par chacun des membres, dans l'ordre alphabétique des pays selon leur
dénomination anglaise.
Les décisions du Conseil de Sécurité sont
prises à la majorité de neuf membres pour les questions de
procédure. Aucune décision ne peut être prise si un membre
permanent émet un vote négatif (droit de veto). En d'autres
termes, le Conseil de Sécurité n'est effectif que si ses membres
permanents parviennent à un consensus. Ses décisions,
appelées « résolutions », sont
exécutoires immédiatement. C'est le seul organe de l'ONU qui, en
vertu du chapitre VII de la Charte, peut ordonner une action de maintien
de la paix pouvant allier des sanctions économiques à des mesures
militaires, après avoir constaté l'existence d'une situation
d'agression ou de menace contre la paix.
En outre, le Conseil de sécurité adresse des
recommandations à l'Assemblée générale concernant
les admissions de nouveaux membres et la nomination du secrétaire
général. Il participe à égalité avec
l'Assemblée à l'élection des juges à la Cour
Internationale de Justice. Le Conseil dispose de deux commissions permanentes
et d'un comité d'état-major, qui n'est actuellement pas en
fonction ; le Conseil peut également établir des organes
ad hoc.
Quand le Conseil de sécurité
est saisi d'une question menaçant la paix, il recommande aux parties de
régler pacifiquement leur différend et il peut alors jouer le
rôle de médiateur. Si le conflit a commencé, il s'efforce
d'obtenir un cessez-le-feu. En l'absence de solution pacifique, le Conseil peut
adopter des résolutions allant de sanctions économiques à
une opération militaire collective. Il sied de relever que le Conseil de
Sécurité est l'organe qui intéresse le plus notre
étude d'autant que le droit de veto qui est l'objet central de celle-ci
s'exerce en son sein.
· Le Conseil économique et social55(*) des Nations
Unies, appelé également ECOSOC (Economic and
Social Council, en anglais), est l'un des six principaux organes
créés par la charte des Nations unies en 1945, chargé des
questions économiques, sociales, culturelles, humanitaires et
éducatives qui se posent sur le plan international.
Composé des représentants de
54 pays, dont 18 sont élus chaque année pour une
période de trois ans, L'ECOSOC, fondé à l'origine pour
venir en aide aux pays d'Europe et d'Asie après la guerre, s'occupe
aujourd'hui principalement des problèmes des nations en voie de
développement. Il soumet ses recommandations, prises à la
majorité simple, à l'Assemblée générale des
Nations unies sous l'autorité de laquelle il est placé, et
coordonne les activités des institutions de l'ONU
spécialisées dans les différents domaines de sa
compétence. Le Conseil économique et social, qui se réunit
deux fois par an, à Genève et à New York,
opère principalement par l'intermédiaire de ses comités
permanents et de ses commissions techniques et régionales.
· Le Conseil de tutelle56(*) des Nations Unies est
chargé de l'administration et de la surveillance des territoires
placés sous l'autorité du système de tutelle
internationale. Son rôle consiste à assister ces territoires dans
leur évolution vers l'autonomie ou c l'indépendance. Il est
composé des États-Unis, seule puissance à exercer, quand
il y a lieu, une mission d'administration effective, de la Russie, de la
Grande-Bretagne, de la France et de la Chine, tous membres permanents du
Conseil de sécurité, mais seuls les quatre premiers pays
cités siègent effectivement, la Chine s'abstenant de prendre part
aux travaux du Conseil. L'action du Conseil peut être
considérée comme efficace, dans la mesure où, depuis la
mise en place du système, les onze territoires administrés sont
sortis du régime de tutelle. Certains de ces territoires ont
fusionné avec un État voisin, d'autres ont rejoint les Nations
unies après avoir accédé à l'indépendance.
En 1990, seul le territoire de Belau restait placé sous tutelle ;
devenu une république autonome associée aux États-Unis, il
accéda à l'indépendance en 1994. Sa mission étant
devenue sans objet, le Conseil de tutelle ne s'est pas réuni depuis
1994.
· La Cour Internationale de Justice57(*) des Nations Unies est
le principal organe judiciaire des Nations unies, créé
en 1945, selon les dispositions de la Charte des Nations unies, pour
succéder à la Cour permanente de justice internationale. La Cour
fonctionne conformément à un statut qui lui est propre,
annexé à la Charte des Nations unies. Sa principale tâche
consiste à statuer sur les différends d'ordre juridique entre
nations ou Etats ; elle ne peut, de ce fait, être saisie d'une
affaire par l'action d'un particulier. Tous les États membres de
l'Organisation des Nations Unies (ONU) sont parties au statut de la Cour
Internationale de justice, tout comme les trois États non membres de
l'ONU que sont la Suisse, le Liechtenstein et Saint-Marin. Une nation qui n'est
pas partie au statut de la Cour peut recourir à cette dernière si
elle accepte, à titre général ou particulier, de se
soumettre aux obligations d'un État membre des Nations unies.
Conformément à l'article 94 de la
Charte des Nations Unies, il existe deux procédures permettant de porter
un différend devant la Cour. La première consiste à
recourir au protocole de soumission à la Cour du différend par
l'ensemble des parties. La seconde concerne l'application unilatérale
des obligations par une seule des parties impliquées dans un litige. Par
exemple, un pays peut prétendre que son adversaire a été
contraint par les termes d'un traité particulier à se plier, dans
le cas d'un litige, à l'autorité de la Cour. Une clause
stipulée dans le statut de la Cour peut également permettre
-- sans obliger pour autant -- les États parties au statut
à reconnaître par avance comme obligatoire la juridiction de la
Cour dans certains différends internationaux. Si deux parties en conflit
ont exprimé leur consentement en la matière et que le litige
reste dans le cadre dudit accord, l'une ou l'autre des parties peut porter le
différend devant la Cour.
En octobre 1985, Ronald Reagan, alors
président des Etats-Unis, mit officiellement fin à la politique
menée de longue date consistant à se plier automatiquement aux
décisions de la Cour Internationale de Justice, ramenant ainsi à
43 le nombre de nations reconnaissant comme obligatoire la juridiction de la
Cour. L'initiative américaine eut pour effet d'affaiblir la Cour,
déjà handicapée par le refus de principales grandes
puissances, parmi lesquelles l'Union soviétique, la Chine, la France,
l'Allemagne de l'Ouest et l'Italie de se plier à son autorité. La
Cour rend ses jugements selon les principes généraux du droit
international reconnus par les nations civilisées ainsi que selon les
droits coutumiers et règlements internationaux régissant les
traités et conventions acceptés par les parties en litige. La
Cour invoque également les décisions judiciaires
antérieures et les conclusions d'experts en droit international qui ont
contribué à établir la jurisprudence. Le jugement de la
Cour, qui doit faire état des raisons de sa décision, est
définitif et irrévocable, sans aucune possibilité de
recours. Le Conseil de Sécurité de l'Organisation des Nations
Unies est habilité à prendre des mesures afin de faire appliquer
la décision de la Cour si les parties en litige refusent
d'exécuter l'arrêt. En réalité, la Cour
Internationale de Justice ne dispose que de peu de moyens pour faire
exécuter ses décisions. À titre d'exemple, en 1980,
lorsque la Cour ordonna à l'Iran de libérer 53 otages
américains, son injonction resta sans effet.
Outre l'arbitrage des litiges entre nations, la Cour
peut donner des avis consultatifs, sur des questions juridiques, à
l'Assemblée générale, au Conseil de
Sécurité, et à d'autres agences
spécialisées, autorisées par l'Assemblée
générale à solliciter ces avis. Dans ce cadre, on peut
citer le jugement de la Cour en 1962, selon lequel les dépenses
destinées à maintenir la paix dans la République populaire
du Congo et au Moyen-Orient représentaient les
« dépenses de l'organisation » à payer par
les États membres, selon la répartition établie par
l'Assemblée générale.
· Le Secrétariat58(*) assure le suivi
du travail de l'ONU. Il est présidé par un secrétaire
général, nommé par l'Assemblée
générale, sur recommandation du Conseil de
Sécurité, pour un mandat de cinq ans renouvelable. Le rôle
du « plus haut fonctionnaire de l'Organisation » est
central : il assiste aux réunions de l'Assemblée
générale dont il peut attirer l'attention sur une situation qui
mettrait la paix en danger. Il doit aussi mettre en oeuvre les décisions
de l'Assemblée et du Conseil. Son influence réelle dépend
cependant fortement de la personnalité même du secrétaire
général et de la marge de manoeuvre que lui laissent les membres
permanents.
Ces différents organes furent mis en place en vue,
notamment, de corriger les lacunes et insuffisances du Pacte de la
Société des Nations, incapables de prévenir la Seconde
Guerre mondiale.
Tout compte fait, le Pacte de la Société des
Nations s'étant révélé défectueux dans son
élan de maintenir la paix et son efficacité s'étant vue
considérablement amoindrie à cause, notamment, d'un
côté, de sa non ratification par les Etats unis qui furent
pourtant parrains de sa rédaction et, de l'autre, de sa vocation
réduite au maintien de « la paix entre
alliés », la nécessité de repenser un autre
modèle d'organisation interétatique était plus que jamais
de mise pour redonner un nouveau souffle à la vie internationale et,
surtout, ouvrir des horizons plus prometteurs en termes de garantie de la paix
et la sécurité internationales. Pour ce faire, les puissances
victorieuses de la Seconde Guerre mondiale convinrent d'adopter un texte, la
Charte des Nations Unies, en vue d'étendre la démocratie et la
coopération pacifique aux relations internationales. Ainsi
située, la Charte des Nations Unies -que de nombreux auteurs qualifient
de « Constitution des Nations Unies »- fut conçue
sur la base de la « Charte de l'Atlantique », texte
élaboré en août 1941 par le président
américain Franklin Delano ROOSEVELT et le Premier ministre britannique
Wintson Leonard Spencer CHURCHILL, complété en 1943, puis en 1944
par les représentants de grandes puissances, pour être finalement
adoptée, le 26 juin 194559(*). Soucieux d'étendre la démocratie aux
relations internationales, le texte de la Charte énumère un
ensemble de règles de conduite destinées à assurer la
sécurité internationale et le maintien de la paix. A cet effet,
la Charte regorge des mécanismes plus manifestes, plus solides et
novateurs en matière du renforcement de la paix et la
sécurité internationales60(*), lesquels en constituent la force et la
suprématie comparativement à ceux mis en place par le Pacte de la
Société des Nations.
Paragraphe 2. Quelques éléments
sélectifs de différence structurelle entre la SDN et l'ONU
à la lumière du Pacte et de la Charte les ayant respectivement
instituées
Il s'avère que la Charte de l'ONU se voyait reposer sur
la vocation de colmater les brèches structurales de la
Société des Nations afin de réguler l'ordre international
sur des bases nouvelles dont la paix serait la cheville ouvrière. Plus
qu'un slogan, cette vocation peut se mesurer dans l'analyse de certaines des
dispositions de la Charte comparativement à certaines autres du Pacte de
la Société des Nations en vue d'aboutir à
la mise a nu de la spécificité de celle-là en
réponse aux « faiblesses » de celui-ci.
Ce faisant, la texture substantielle des intitulés de
la majeure partie des Chapitres de la Charte dévoile la fresque topique
de ce penchant pacifiste ou préventif, mieux régulateur des
conflits armés internationaux. Cette orthodoxie apparaît
déjà irrécusablement au Chapitre I qui pose les jalons des
buts et principes de l'organisation focalisés de fond en comble sur
l'impératif catégorique du maintien de la paix et la
sécurité internationales dictant la nécessité de
mettre sur pied des garde-fous aux abus de force et aux situations61(*), de caractère
international, susceptibles de menacer ou de rompre l'équilibre de la
paix mondiale62(*). Elle
est ensuite difficile à occulter dans l'écriture des dispositions
du Chapitre III qui tricotent une structuration organique dont la
complémentarité des composantes et la finesse d'attributions se
trouvent axées sur la préservation de la paix, la
prévention des guerres et la consolidation des échanges
économiques entre les Etats membres63(*).
Le Chapitre VI fait de ce dogme de la garantie de la paix et
la sécurité internationales la clé de voûte de sa
matière d'autant qu'il impose, à l'article 33, aux Etats qui
seraient parties à un conflit d'envergure transfrontalière
l'obligation de rechercher la solution, avant tout, par voie de
négociation, d'enquête, de médiation, de conciliation,
d'arbitrage, de règlement judiciaire, de recours aux organismes ou
accords régionaux, ou par d'autres moyens pacifiques de leur choix et
ce, soit sur leur propre initiative, soit sur invitation du Conseil de
Sécurité.64(*) Le Chapitre VII, quant à lui, affirme
avec acuité tel absolu ce postulat de la paix et la
sécurité internationales en instituant un arsenal juridique de
sécurité collective à faire prévaloir en face
d'une menace contre la paix, d'une rupture de la paix ou d'un acte
d'agression64(*). Cet
arsenal juridique comprend deux axes dont le second est conditionné par
l'échec ou l'insuccès du premier. Tout part du constat fait par
le Conseil de Sécurité de l'existence d'une menace ou rupture de
la paix ou encore d'un acte d'agression occasionné par un Etat - ce que
Philippe MOREAU DESFARGES qualifie d'acte de délinquance
condescendante des régimes
belliqueux65(*)
-, lequel constat peut, selon la nature et la gravité de la situation en
présence, conduire le Conseil de Sécurité à prendre
des mesures n'impliquant pas l'emploi de la force armée, en invitant les
Membres des Nations Unies à appliquer ces mesures pour donner effet
à ses décisions. Celles-ci peuvent comprendre l'interruption
complète ou partielle des relations économiques et des
communications ferroviaires, maritimes, aériennes, postales,
télégraphiques, radioélectriques et des autres moyens de
communication, ainsi que la rupture des relations diplomatiques, sous l'empire
de l'article 41 de la Charte. Et si, par la suite, le Conseil de
Sécurité estime que toutes ces mesures seraient
inadéquates ou qu'elles se sont révélées telles,
il peut entreprendre, au moyen de forces aériennes, navales ou
terrestres, toute action qu'il juge nécessaire au maintien ou au
rétablissement de la paix et la sécurité
internationales. Cette action peut comprendre des
démonstrations, des mesures de blocus et d'autres opérations
exécutées par des forces aériennes, navales ou terrestres
de Membres des Nations Unies. C'est ce qu'il ressort de l'article 42 de la
Charte.
Le chapitre VIII, quant à lui, en promouvant la
conclusion des accords régionaux entre Etats et le développement
des organismes régionaux destinés à régler les
affaires qui, touchant au maintien de la paix et de la sécurité
internationales, se prêtent à une action de caractère
régional, pourvu que ces accords ou ces organismes et leur
activité soient compatibles avec les buts et les principes des Nations
Unies66(*), n'aura pu
s'émanciper de l'ouvrage de la paix internationale qui ne se veut rien
de moins que le ciment structurel, opérationnel et fonctionnel de
l'Organisation des Nations Unies.
Qu'il s'agisse enfin du chapitre IX - qui présente la
coopération économique et sociale internationale tel le gage de
la stabilité et du bien-être nécessaires aux relations
pacifiques et amicales fondées sur le respect du principe de
l'égalité des droits et des peuples en vue du
développement économique et social des Etats67(*)- ; du chapitre X qui
institue le Conseil économique et social comme organe doté des
compétences très étendues pour oeuvrer à
l'amélioration de l'unité économique des Etats ainsi qu'au
respect effectif des droits de l'homme et des libertés fondamentales
pour tous ; ou du chapitre XIV qui instaure la Cour Internationale de
Justice au titre d'organe judiciaire principal des Nations-Unies et, partant,
juge des litiges entre Etats, l'on s'aperçoit on ne peut plus nettement
de cet attachement indéfectible à la quête, à la
sauvegarde de la paix internationale et à la préservation de la
sécurité internationale comme fil conducteur de la Charte des
Nations Unies68(*).
Au rebond de ce pèlerinage exégétique de
l'esprit directeur de la Charte des Nations Unies, l'ombre de tout doute
étant dissipé, il s'avère établi que l'objectif du
maintien de la paix et la sécurité internationales, dans
l'ossature opérationnelle des Nations Unies, se trouve scellé
dans certains mécanismes d'action et de décision aux frontispices
desquels figure le droit de veto accordé aux seuls cinq membres
permanents du Conseil de Sécurité, privilège - d'autant
plus problématique que la légitimité de son usage reste
sujet à débat- qui heurte le principe sacré
d'égalité souveraine des Etats69(*) et qui va retenir l'intérêt des analyses
du troisième chapitre du présent mémoire. Il s'en suit que
l'un des cinq membres permanents peut poser son veto pour faire échec
à tout projet de recommandation ou de résolution du Conseil de
Sécurité de nature à internationaliser ou à
importer un conflit armé national, sur les territoires d'autres Etats,
avec moins d'effets résolutifs dudit conflit que ceux de sa contagion et
de sa propension70(*).
C'est là une des marques de l'originalité de la Charte de l'ONU
comparativement au Pacte de la SDN sur la gestion de la paix et la
sécurité internationales.
Loin de prétendre lister avec exhaustivité tous
les points de différence à ce sujet, nous reprendrons ici ceux se
rapportant à l'épaisseur normative entre le Pacte et la Charte,
la taille organique des deux organisations créées par eux, la
nature des titres conférés aux membres de leurs organes
exécutifs ou conseil, le degré d'aération ou de saturation
des pouvoirs entre les acteurs de différents organes.
· Le premier axe de différence retenu entre la
Charte des Nations Unies et le Pacte de la Société des Nations
tient au volume du contenu de ces deux textes : la Charte de l'ONU compte
111 articles alors que le Pacte de la SDN ne s'articlait qu'autour de 26
articles ; laconisme qui ne pouvait, et nous n'en doutons point, prendre
en charge tous les arsenaux de nature à préserver une paix
durable ni porter avec acuité des moyens efficaces de dissuasion
à l'égard des velléités bellicistes de certaines
tendances nationalistes tantôt jalouses de la domination
planétaire de la Rome antique qu'elles désiraient
rééditer pour leur compte à l'époque contemporaine,
tantôt vexées par le fardeau des sanctions que les vainqueurs de
la Première Guerre mondiale infligèrent aux peuples vaincus sous
le prisme du Traité de Versailles. C'est cette marge de manoeuvre ou
largesse, du Pacte, qui servit notamment de parcelle à la montée
du nazisme hitlérien et du fascisme mussolinien qui, coalisés,
enclenchèrent la Seconde Guerre mondiale en septembre 193971(*) ;
· Le deuxième degré de différence
est à situer à la configuration et au nombre d'organes à
leur disposition. En effet, la Société des Nations n'était
dotée que de trois organes sur pied de l'article 2 du Pacte l'ayant
institué. Ces trois organes étaient l'Assemblée, le
Conseil et le Secrétariat permanent. En revanche, l'Organisation
des Nations Unies, elle, est composée de six organes :
l'Assemblée générale, le
Conseil de sécurité, le
Conseil économique et social, le
Conseil de tutelle, la Cour internationale de Justice et le
Secrétariat, aux termes de l'article 7 de la Charte ;
différences conceptuelle et numérique qui ne demeurent pas sans
incidence sur les nuances vocationnelles de leurs missions ni sur
l'étendue de leurs compétences d'attribution ni même sur
leur champ d'action.
· L'article 4 du Pacte de la SDN disposait que le
Conseil est composé de 9 membres désignés par
l'Assemblée, sans leur conférer des statuts distinctifs72(*). Ce qui semble mieux consacrer
le lustre d'égalité internationale et souveraine des Etats,
cristallisée notamment par la consécration expressis
verbis à chaque Etat membre d'une voix et un
représentant ainsi que par la soumission de l'adoption des
décisions73(*)
à l'unanimité des membres. Pourtant, une lecture surplombant
cette approche simpliste, que seule une interprétation rudimentaire peut
préconiser, nous conduit à lever le voile d'une discrimination
statutaire tacite dans les termes mêmes de l'article 4 du Pacte de la
SDN.
En effet, en disposant : « Le Conseil se compose de
Représentants des Principales Puissances alliées et
associées, ainsi que de Représentants de quatre autres Membres de
la Société », l'article susmentionné n'avait pas
pu occulter, du moins à l'endroit des esprits avisés, la vive
intention des Etats pactisant d'accorder un régime de
préférence mieux de privilège aux vainqueurs de la
Première Guerre mondiale, dont l'Acte final fut le Traité de
Versailles en 1919, qui bénéficiaient ici même d'une
qualification particulière74(*). L'article 4 du Pacte prévoyait en outre la
possibilité d'une extension du nombre de membres du Conseil. Avec
l'approbation de la majorité de l'Assemblée, le Conseil
pouvait ainsi désigner d'autres Membres de la Société dont
la représentation serait désormais permanente au Conseil,
ouverture qui postule en faveur de son caractère souple et
démocratique et qui inspire également, mutatis
mutandis, notre thèse d'une mise à jour du cercle des
membres permanents au Conseil de Sécurité des Nations Unies
orientée dans ce sens même d'ouverture.
La Charte des Nations Unies, par contre, prévoit, sous
l'égide de son article 2375(*), que le Conseil de sécurité est
composé de quinze membres de l'Organisation avec distinction de
statut : cinq des quinze se voyant dotés du statut de
membres permanents76(*) et les dix autres de celui de membres
non permanents. Ces derniers sont élus par
l'Assemblée générale, chaque année par
moitié, pour un mandat de deux ans, en considération de leur
contribution, en tant que Membres de l'Organisation, au maintien de la paix et
de la sécurité internationales et aux autres fins de
l'Organisation, et aussi d'une répartition géographique
équitable. L'intérêt de cette distinction réside
dans l'appropriation du droit veto par les seuls membres permanents qui peuvent
ainsi s'en servir pour bloquer le passage de certaines
décisions77(*). La
Charte organise cette différence de qualité entre les membres du
Conseil de Sécurité sans fournir les motivations qui la fondent,
laissant cette entreprise à l'oeuvre intellectuelle de la doctrine. Et
celle-ci situe l'argument cardinal de la reconnaissance des cinq membres
permanents dans la part prépondérante qu'ils tinrent dans la
capitulation de l'Allemagne nazie le 08 mai 1945 et, partant, dans la fin de la
Seconde guerre mondiale78(*).
Par ailleurs, l'article 4 du Pacte resta muet sur la
durée du mandat des quatre membres remplaçables du Conseil. Il se
bornait à disposer : « Ces quatre Membres de la
Société sont désignés librement par
l'Assemblée et aux époques qu'il lui plait de
choisir. Jusqu'à la première désignation par
l'Assemblée, les Représentants de la Belgique, du Brésil,
de l'Espagne et de la Grèce sont Membres du Conseil ». En
d'autres termes, l'opportunité et le moment de leur désignation
demeurait tributaire des aléas du moment et des membres de
l'Assemblée ; ce qui resta une condition rupestre
quasi-irréaliste étant donné la divergence des
intérêts souvent en concurrence de ceux-ci et constituait un
contre-gage d'alternance ou de rotation des membres au Conseil de
Sécurité.
En revanche, la Charte de l'ONU n'a pas cautionné ce
quiproquo juridique tant elle fixe expressis verbis, à
l'alinéa 2 de l'article 23, la durée du mandat des membres non
permanents au Conseil de Sécurité à deux ans. Et, comme
pour consumer toute étoffe de confusion possible, elle dispose en
sus : « Lors de la première élection des membres
non permanents après que le nombre des membres du Conseil de
Sécurité aura été porté de onze à
quinze, deux des quatre membres supplémentaires seront élus pour
une période d'un an. Les membres sortants ne sont pas
immédiatement rééligibles »79(*). Dans le même ordre, la
Charte spécifie aussi les critères d'élection au Conseil
de sécurité des membres non permanents par l'Assemblée
générale. Ces critères se rapportent spécialement
à la prise en compte, par l'Assemblée générale,
« en premier lieu, de la contribution des Membres de l'Organisation
au maintien de la paix et de la sécurité internationales et aux
autres fins de l'Organisation, et aussi d'une répartition
géographique équitable ».80(*)
· La SDN consacrait un cumul des pouvoirs
concentrés entre les mains d'un seul. En effet, l'article 6 du Pacte
affirmait : « Le Secrétaire général de la
Société est de droit Secrétaire général de
l'Assemblée et du Conseil ». Ce dernier ne pouvait être
désigné qu'avec la bénédiction de Principales
Puissances Alliées - au chevet desquelles figuraient les Etats-Unis
d'Amérique avec les Etats influents du bloc occidental - dont il
n'était voué à être, dans les faits, que l'homme de
paille. Cette situation trahit une confusion organique à peine
voilée au sein de la SDN et révèle l'état des
crises de son émancipation des intérêts particuliers des
Etats membres qui rendait difficile la distinction entre l'intérêt
de l'organisation et celui des Etats considérés
isolément.
Ce hiatus ne demeurait pas sans emporter des conflits
d'intérêts entre ces deux camps (occidental et communiste). Ainsi,
le tablier « impérial » que l'esprit et la lettre
mêmes du Pacte de la Société des Nations Unies
confectionnèrent pour les Etats unis d'Amérique, dont le
Président se voyait attribué d'importantes prérogatives
sur la conduite d'une organisation internationale entre Etats
« égaux » comme le pouvoir de convoquer les
premières réunions de l'Assemblée et du Conseil81(*), pouvait bien alimenter cet
imbroglio. C'est pourquoi le refus du Congrès américain de
ratifier ce Pacte aura largement handicapé la marche radieuse de la SDN
et contribué à sa mort subite. La Charte a tenté d'y
apporter des réponses en consacrant, notamment, le principe de la
spécialité et de la subsidiarité au sein du fonctionnement
des organes de l'ONU.
· L'esprit et le texte du Pacte de la SDN, inspiré
des quatorze points définis en 1918 par le Président des
États-Unis Thomas Woodrow WILSON82(*), visait plus à organiser la paix entre les
Alliés qu'à poser la fondation d'une véritable
organisation internationale de coopération et de coordination
gouvernementale au sens classique du droit international public83(*). C'est cette tendance
obstruée qui a sans doute conduit Mario BETTATI84(*) à dénoncer
« l'enclos exigu » du
cadre, de l'objet et des acteurs étatiques de la SDN auquel la Charte
des Nations Unies remédie par sa casaque plus intégrationniste et
son ouverture à tous les Etats sur la base des critères objectifs
d'adhésion préétablis.
Véritable patrimoine de spécificité et
d'originalité des dispositifs d'action du Conseil de
Sécurité des Nations Unies, le droit de veto n'en demeure pas
moins un mécanisme chargé d'assurer l'ordre, la paix et la
sécurité sur l'échiquier international, but ultime du
Conseil de Sécurité. A ce titre, il entend se colleter avec les
velléités d'abus ou d'instrumentalisation du droit et en
découdre avec les germes de l'arbitraire sur la scène
internationale.
SECTION 2. LE DROIT DE VETO ET LA FONCTION DE
GARDE-FOU CONTRE L'ARBITRAIRE DES ETATS
Monopolisé par les cinq membres permanents du Conseil
de Sécurité, le droit de veto permet à ces derniers de
bloquer toute résolution ou décision, quelle que soit l'opinion
majoritaire. Les cinq membres permanents exercent ce droit quand ils votent
négativement, mais une abstention ou une absence n'est pas
considérée comme un veto85(*).
En effet, à la lumière des statistiques à
notre disposition, sur les trente deux vetos posés, entre 1994 et 2014,
un seul aura pu, nettement et objectivement, décanter la situation
visée dans le sens d'une pacification avérée. Il s'agit du
veto que la Fédération de Russie posa, le 21 avril 2004 par le
truchement de son représentant au Conseil de Sécurité des
Nations Unies, contre le projet de résolution se rapportant à la
fin de l'intervention des forces onusiennes organisées dans le cadre de
l'opération « UNFICYP » à Chypre. L'usage
dudit veto dans cette crise aura permis le maintien des opérations de la
mission des casques bleus dans cet Etat insulaire d'Europe du Sud et la
stabilisation de ses institutions tant il est vrai que le rôle de ces
derniers dans la préservation de la sécurité du territoire
chypriote contre le danger sécessionniste qui l'épiait avait
été prépondérant.
Au demeurant, autant l'ancienne Société des
Nations que l'Organisation des Nations Unies auront émergé dans
le sillage du courant dit idéaliste qui dominait les Relations
internationales naissantes au sortir de la Première Guerre mondiale.
Après avoir mesuré et souffert des conséquences affreuses
de la Guerre tant sur le plan socio-économique que sur celui
humanitaire, la communauté des Etats s'attachait désormais
à l'idéal de la paix mondiale qui fonde l'ordre et la
stabilité des rapports internationaux sur la coopération, le
respect des valeurs morales et des règles du droit (conventions et
traités internationaux) et la considération de la
souveraineté des Etats86(*). La finalité majeure recherchée par ce
courant idéaliste, et même par l'établissement de la
discipline scientifique des Relations internationales, est la paix
internationale. Il s'agit pour ainsi dire d'atteindre, d'instaurer et de
maintenir la paix dans le monde entier, à travers des relations de
coopération enracinées dans une coexistence pacifique entre
Etats. Mais de quelle paix est-il vraiment question ? Quel sens
faudra-t-il lui accorder ? (paragraphe 1) Quelles en sont la
teneur et l'incidence au regard des translations politiques verticales et
horizontales qui dictent les relations internationales et dont l'impact sur le
cours du droit international reste non négligeable? (paragraphe
2).
Paragraphe 1. La paix et la sécurité
internationales en droit international entre mondialisation et particularisme,
intégration et exclusion
Au soir de la Première Guerre mondiale87(*), une série de
traités internationaux furent adoptés qui faisaient de
l'idéal de paix mondiale la clé de voûte du système
juridique international. Ainsi, le traité de Versailles du 28 juin
191988(*), le
traité de Saint-Germain-en-Laye du 10 septembre 1919, le traité
de Neuilly du 27 novembre 1919, le traité de Trianon du 4 juin 1920 et
le traité de Sèvres du 10 août 1920 eurent-ils pour
conséquences majeures la formation de nouveaux Etats en Europe et au
Moyen-Orient, les remaniements frontaliers, le changement de
souveraineté dans divers territoires et la création de la
Société des Nations89(*). Celle-ci trouva ses souches dans les 14 points de
Woodrow WILSON, son initiateur, qui a proposé un ordre international
fondé sur les principes de l'idéalisme90(*) au lendemain de la
Première Guerre mondiale. L'idéalisme91(*) est une théorie
explicative des relations internationales qui identifie la finalité de
la politique étrangère au seul respect des valeurs morales et des
droits de l'Homme dans le but de la paix. Il considère que pour
éliminer la menace de guerre, il faut passer par une diplomatie ouverte,
un libre-échange extensif et un désarmement général
et que les conflits doivent être résolus par des procédures
de règlement pacifique comme la négociation pour mettre
l'humanité à l'abri des guerres atroces et préserver la
paix internationale. Mais qu'est-ce vraiment la paix internationale ?
Deux idéologies vont nous aider à mieux
comprendre l'acception de cette notion en droit international : l'approche
dite globale et celle dite segmentale.
Pour la première approche, la paix internationale doit
se mesurer et se manifester par l'absence de conflits armés ou
confrontations militarisées sur le territoire de chacun des pays du
monde. Autrement dit, c'est la sommation de paix nationales des Etats
considérés isolément qui forme la paix internationale. A
ce titre, la présence de la paix internationale présuppose le
silence des armes dans tous les Etats, acteurs par excellence des relations
internationales et sujets premiers du droit international. Dans cette logique
de pensée, David MITRANY signifie qu'on ne pourrait parler de paix
internationale aussi longtemps qu'un Etat, fût-il le seul, fait face
à une guerre ou à un tumulte armé de quelque nature que ce
soit. A cet égard, la chaîne de conflits armés qui ligote
certains Etats aujourd'hui - la guerre en Syrie, les assauts terroristes
islamistes de Boko Haram92(*) au Nigéria, la guerre contre le groupe
Etat islamique93(*) en Irak, le conflit entre Israéliens et
Palestiniens- constituerait à juste titre une véritable
négation de toute considération de la paix internationale. Or, la
communauté internationale mieux l'Organisation des Nations Unies
considère que ces différentes situations ne constituent pas des
facteurs menaçant la stabilité, la paix et la
sécurité internationales mais qu'elles doivent être
envisagées telles des crises internes qui doivent être
réglées à l'interne. La non adoption par le Conseil de
Sécurité d'une quelconque résolution chargée d'y
mettre fin en est l'argument révélateur. Cette position de l'ONU
se justifie en ce sens que s'il faille considérer la paix internationale
comme l'absence totale de brouille dans tous les Etats, le Conseil de
Sécurité se verrait contraint d'engager des interventions
armées des casques bleus tous les jours dans toutes les régions
du monde et il y n'aurait finalement plus de contingent onusien en
réserve. Il s'agit ici d'une mondialisation de la paix qui incorpore
dans son champ tous les Etats en tant que membres d'un même corps :
la communauté internationale.
D'après cette école, la paix internationale est
à la communauté internationale ce que la santé est au
corps des êtres vivants. De cette analogie il ressort que de même
que le corps, la communauté internationale ne pourrait connaître
la paix aussi longtemps que ne serait-ce qu'un seul de ses membres -
c'est-à-dire un Etat - vivrait une situation troublant l'ordre et la
paix dans son territoire. On l'aura certes saisi, c'est donc une paix
d'ouverture et d'intégration qui est promue par cette école.
Cependant, considérant la complexité du jeu de
la géopolitique et de la géostratégie, de la
défense de l'intérêt national et de l'accroissement de la
puissance sur l'échiquier international qui dicte actuellement la
politique étrangère des Etats et même leurs positions face
aux différents conflits régionaux ou internationaux, il devient
de plus en plus utopique de croire à une telle paix ou encore à
l'absence générale, et à long terme, de tension, de
conflit, de guerre. C'est dans cette optique que, se voulant plus
réaliste, a émergé aujourd'hui une autre approche
affiliée à l'école dite segmentale94(*).
La seconde approche, segmentale, défend la vision d'une
paix s'inscrivant dans un élan de particularisation qui semble exclure
de son bénéfice certains Etats. Pour cette doctrine, étant
donné qu'il serait chimérique d'espérer une paix
intégrant totalement tous les Etats du monde, la paix internationale
devrait s'entendre d'une approche plus modérée et pragmatique. Il
s'agit de considérer ladite paix non plus selon le critère de
l'absence de tout conflit armé dans tous les Etats du monde comme le
préconise l'école globale, mais plutôt en fonction de son
effectivité dans la majorité des Etats, mieux d'une
stabilité d'ensemble dans les différentes régions du monde
telles que définies par l'ONU. Il s'agit d'une conception en vogue
adoptée par les principaux acteurs des relations internationales et
puissances de la communauté internationale. C'est aussi au nom de cette
conception que le Conseil de Sécurité des Nations Unies estime
aujourd'hui que la guerre en Syrie, en Libye et en Irak et même les
actions terroristes du groupe Boko Haram au Nigéria,
qui orchestre un nombre gigantesque de morts et d'importants
dégâts collatéraux, ne constituent pas des menaces directes
à la paix et la sécurité internationales suffisantes pour
exiger l'adoption d'une résolution95(*) dans le sens de les régler dans le cadre
onusien.
Cette conception segmentale a pour effet de défendre
une paix internationale d'exclusion qui ferme les yeux à certaines
crises et autres conflits armés qui peuvent déchirer un Etat
donné dans la mesure où ils ne représentent pas un enjeu
majeur pour les grandes puissances96(*) ni un danger à leur sécurité ou
à leurs intérêts économico-politiques. Celles-ci
n'hésitent pas à faire usage de leur veto contre les
décisions du Conseil de Sécurité s'inscrivant dans le sens
d'intervention militaire pour mettre fin aux conflits de ce genre qui
éclatent dans les Etats ou régions du monde. Le recours au veto
par les membres permanents du Conseil de Sécurité des Nations
Unies ne préserverait ici en fait qu'une paix internationale
imparfaite97(*) qui n'a de
sens véritable qu'aux vues des hérauts de son option, en tirant
seuls le bénéfice, l'Etat en conflit demeurant toujours en
guerre. En effet, la mise en branle du droit de veto n'est en règle
générale réalisée que parallèlement à
un conflit armé en plein cours, circonscrit dans un
périmètre donné98(*). Ainsi, la « paix » qui
serait visée par l'exercice du veto aux tréfonds d'un tel
contexte n'aurait qu'une épaisseur réduite et sa
caractérisation « internationale » ne
serait qu'imparfaite aussi longtemps que le veto ne déboucherait point
sur l'éradication générale de la situation belliqueuse,
aussi bien sur le territoire des Etats tiers que sur celui de l'Etat en
conflit. Son mérite, du reste mineur et partiel, ne s'identifierait que
par son effet préventif de la contagion des exactions, violations des
droits humains et autres massacres drainés par ledit conflit qui, sommes
toutes, ne serait pas du tout enrayé99(*). L'usage du veto ici est d'ailleurs motivé
moins par l'élan de mettre fin au conflit que par la peur de sa
propension et son esprit, fondé sur l'unanimité des voix des
membres permanents, reste en contradiction avec le pari
démocratique100(*) qui se trouve affirmé au coeur de la machine
onusienne.
A la confluence des développements ci-haut
articulés, il nous paraît judicieux de signifier une
considération de taille sur la pertinence de ces deux modèles de
conception de la paix internationale dans la dynamique contemporaine du
garde-fou contre l'arbitraire des Etats sur la sphère internationale
rattaché au droit de veto. A cet effet, prenant en compte la
portée universelle de la paix conçue par le courant de l'approche
dite « globale », nous pouvons affirmer avec Mario BETTATI
que cette dernière est celle qui répond le mieux au défi
du combat contre tout régime de droit et d'action qui, relevant d'une
volonté unique, présente un caractère abusif et injuste.
Cependant, la vérification d'une telle paix sur toute l'étendue
de la planète s'apparente, remarque Charles de VISSCHER101(*), au domaine onirique.
Dans la même veine, le droit de veto, de par le prisme
de sa teneur, de son contour et l'impact de son application fidèle au
texte qui le crée, la Charte de l'ONU, se veut également porteur
du même idéal de paix mondiale.
Paragraphe 2. Le droit de veto : portée,
contour et incidences
Au coeur de plusieurs débats sur son
opportunité, son éventuelle extension à d'autres Etats,
l'assouplissement de sa règle de l'unanimité des voix positives,
bref sur la possibilité de son adaptation à la nouvelle
cartographie géopolitique internationale et aux enjeux de l'heure, le
droit de veto est, souligne Olivier de FROUVILLE102(*), un privilège dont la
légitimité était pleinement justifiée au regard du
contexte particulier et des priorités de l'époque de sa
consécration. Aussi, poursuit-il, ce droit paraissait-il telle
l'expression juridique du refus de tous les Etats d'alors de s'embourber de
nouveau dans un conflit militaire aussi destructeur de leurs économies
et meurtrière de leurs populations que le fut la Seconde Guerre
mondiale. Ce droit se veut également, du moins en théorie et dans
la lettre de l'article 27 de la Charte de l'ONU, une barrière contre les
abus du droit, la loi du plus fort et le règne de l'arbitraire. A cet
égard, le droit de veto s'est toujours voulu à la fois un moyen
de stabilité de l'ordre international sur une base de coopération
et de cohabitation pacifiques entre Etats et un garde-fou contre la menace de
l'instrumentalisation du droit international par un Etat pour attaquer
militairement un autre aux fins arbitraires d'accroître sa puissance dans
le rapport des forces international. Il s'enracine dans une règle
d'or : le conditionnement des décisions du Conseil de
Sécurité portant sur des questions autres que des questions de
procédure par l'unanimité des voix des cinq membres permanents
dudit Conseil, ses titulaires naturels et immuables jusqu'ici. La fixation de
cette condition qui spécifie le contenu du droit qui la porte
réussit à emporter le quitus de toutes les grandes puissances
à une époque où la Guerre froide imposait
l'équilibre de la terreur
doublé de la peur réciproque entre le bloc de l'Est et le bloc de
l'Ouest et où les aspirations démocratiques étaient
très éloignées de la table des relations internationales.
La majeure préoccupation de ces dernières demeurait, alors, la
course antagoniste, sur le champ de nouveaux Etats indépendants et de
ceux en quête d'une aide de reconstruction après la ruine
subséquente à la Guerre de 40-45, du prosélytisme du bloc
soviétique (pour l'expansion de l'idéologie communiste) et de la
conquête du bloc occidental (pour capter le plus d'adhérents
à la vision du capitalisme et du libéralisme). L'objectif commun
était de monter une pyramide ou mieux un outil de contrepoids en charge
de permettre à chacune des puissances mondiales d'après-guerre de
bloquer et neutraliser les tendances outrancières des autres103(*). Et c'est dans cette optique
que s'est inscrite l'idée d'accorder un droit de veto aux cinq membres
permanents du Conseil de Sécurité des Nations Unies.
Il apparait clairement que ce droit heurte un peu
hypocritement la substance des principes totémiques du droit
international et des droits des peuples telles l'égalité
souveraine des Etats et la liberté des peuples en ce sens qu'il se
traduit par un privilège exclusif des cinq membres permanents dans un
ordre juridique international forgé sur des bases inégales. Son
schéma se rapproche plus du modèle dictatorial104(*) que des repères
démocratiques105(*) au coeur de toute la dynamique politique et
juridique internationale aujourd'hui.
A ce titre, il suffit qu'un membre permanent, titulaire de ce
droit, en fasse usage généralement lors du vote d'un projet de
résolution pour que toutes les chances d'adoption de celui-ci soient
réduites au néant. Dès lors, l'effet de l'exercice du
droit de veto est, dans une large mesure, sa capacité d'annihiler
certaines décisions du Conseil de Sécurité recherchant
tout compte fait la fin des conflits armés et, donc, la paix et la
sécurité mondiales au nom de la sauvegarde des
intérêts économiques, géostratégiques et
parfois mêmes idéologiques de ses utilisateurs. Ici le droit de
veto devient un bouclier chargé d'avaliser les violations du droit
international par les Etats membres permanents du Conseil de
Sécurité et une arme de protectionnisme en faveur des
alliés de ces derniers quand ils se trouvent compromis par une conduite
irrespectueuse de leurs engagements internationaux et qu'ils encourent, de ce
fait, des sanctions assorties par l'ordonnancement juridique international. Ce
faisant, ce droit assure une double protection à la fois directe et
indirecte.
La protection directe vise à préserver à
tout prix les intérêts socio-politico-économiques de ses
usagers dans le flux de la mondialisation du libre-échangisme
économique qui pousse les Etats à la conquête de nouveaux
débouchés commerciaux où la concurrence et la
compétitivité se veulent la courroie de transmission des
échanges et marchés publics internationaux. Lorsqu'en 2011 la
Russie et la Chine menacèrent d'opposer de concert leur veto à la
proposition américaine d'une intervention des forces internationales en
Libye pour résoudre la guerre civile suicidaire qui ravageait ce pays
dans la foulée du Printemps arabe -ayant aboutit à l'assassinat
de Muammar al-KADHAFI et à l'effritement de 42 ans d'autocratie-, la
préservation des parts des marchés publics raflés aux
Occidentaux à la faveur des conflits incessants opposant ceux-ci au
régime de Tripoli l'avait emporté sur le sort humanitaire des
populations civiles ou le souci d'apporter la paix et la sécurité
sur le territoire libyen et les Etats voisins. De même, en faisant de
nouveau front commun, réveillant un peu la nostalgie de la
solidarité communiste qui les caractérisait durant la Guerre
froide, pour opposer leur veto, trois fois de suite, aux projets de
condamnation de la répression en Syrie des protestations contre le
régime106(*)
bousculé par une rébellion hétérogène depuis
quatre années déjà, la Russie et la Chine, on s'en doute,
ont eu à préconiser les recettes de la théorie
réaliste107(*) des Relations internationales.
En effet, le régime syrien de Bachar al-ASSAD
étant l'un des principaux fournisseurs en pétrole et en gaz de
ces deux puissances mondiales, ouvrir les portes à une action militaire
onusienne qui entrainerait la chute du régime en place serait
néfaste pour les économies russe et chinoise qui verraient
principalement leurs secteurs de production qui dépendent des
hydrocarbures entrer en récession. Ainsi, la Russie et la Chine
seraient-elles contraintes d'importer le pétrole et le gaz d'ailleurs
à un coût défavorable et avec des taux
d'intérêt assez importants. C'est pourquoi, fermant les yeux aux
transgressions massives des droits de l'homme et à la menace de rompre
la sécurité internationale que porte le conflit syrien, elles ont
brandi leur veto à ce projet d'intervention onusienne officiellement au
nom du respect du principe juridique de « non ingérence dans
les affaires internes » d'un Etat et parce qu'elles estiment qu'une
résolution efficace dudit conflit ne saurait faire abstraction d'un
dialogue inter-syrien. Pourtant, l'ombre de la prévalence des
intérêts économiques sino-russes sur toutes les
considérations révérencieuses du droit international a du
mal à se faire discrète dans la ligne de mire d'une analyse
pointue de la crise syrienne.
Par ailleurs, la protection indirecte assurée par
l'utilisation du droit de veto investit cette dernière de la vocation de
rayer du giron du Conseil de Sécurité onusien toute mesure de
sanction ou de condamnation des actes d'un gouvernement
« allié stratégique», aussi
répréhensibles soient-ils. Ce protectionnisme sélectif,
que Philippe GOLUB108(*)
identifie d'épée juridique de
complaisance au service de
l'arbitraire du droit international et que
Michel-Cyr DJIENA WEMBOU qualifie de dispositif à
géométrie variable109(*), vend la perception d'un
régime de traitement de deux poids deux mesures dans une
société internationale où quelques bévues et
violations délibérées du droit sont cautionnées
pour certains membres mais pas pour d'autres. A ce sujet, les Etats-Unis
d'Amérique paraissent les plus doués et les plus habiles. En
effet, ils ont eu, entre 1994 et 2014, à opposer onze fois sur quatorze
leur veto aux projets de résolution ou de condamnation à
l'encontre de l'Etat hébreux pour la défense duquel ils seraient
prêts à vendre chèrement leur peau. De plus, il est de
tradition dans la politique extérieure américaine que les
Etats-Unis ne peuvent nullement laisser passer, au Conseil de
Sécurité, un projet de résolution ou toute autre
décision sur le conflit israélo-palestinien jugés contre
les intérêts d'Israël, et ce, peu importe le rang politique
du locataire de la Maison Blanche, qu'il soit Républicain ou
Démocrate. Et il en a toujours été ainsi. Les
Américains justifient constamment cette attitude par la ferme
volonté d'empêcher la réédition de la Shoah ainsi
que par l'impératif d'ériger une barrière contre la
montée de l'antisémitisme dans le monde arabe qui, en vertu de
son rapprochement croissant avec le front russo-chinois en pleine concurrence
de leadership mondial avec les Etats-Unis, pourrait bien tirer profit d'un
glissement vers l'arbitraire international.
De gré ou de force, l'usage du droit de veto au Conseil
de Sécurité de l'ONU a pour vocation de droit de veiller au
maintien de la paix et la sécurité mondiales. Cet état de
paix et de sécurité général passe inexorablement
par la suppression de l'impunité sur les violations des règles de
droit international par les Etats et de l'arbitraire international. Ce dernier,
souvent enflé par le zèle de propension hégémonique
et de conquête de plus de zones d'influence de grandes puissances, est
à la base du déclenchement de plusieurs conflits armés
à travers le monde, lesquels sont tantôt catalysés,
tantôt financés, tantôt commandités, tantôt
menés par les Etats forts du monde selon qu'ils peuvent servir leurs
intérêts.
Ceci nous pousse à remarquer que cette mission de faire
échec aux tentatives d'actions ou d'interventions armées
arbitraires dont est investi le droit de veto est, dans plusieurs situations,
tenue pour une disposition de papier qui n'a pas toujours une force
contraignante dans la pratique. En effet, lorsque la coalition des forces
américano-britanniques110(*) enclenche l'offensive militaire contre
l'Irak111(*), le
20 mars 2003, après l'expiration d'un ultimatum de 48 heures
lancé par George W. Bush à Saddam Hussein, c'est tout le
droit international qui est piétiné112(*). Non seulement cette
opération baptisée « Liberté de
l'Irak » avait pour véritable but, et nul n'en doute
aujourd'hui, d'obtenir coûte que coûte la chute de Saddam HUSSEIN
accusé depuis longtemps par les Américains de parrainer le
terrorisme islamiste international, au lendemain des attentats du 11 septembre
2011 et des bombardements par Al-Qaida des tours jumelles du
Word Trade Center qui obligeait les Etats-Unis
à une riposte dissuasive à la hauteur de leur grandeur, mais elle
fut également menée sur fond d'un lourd mensonge. Celui-ci avait
consisté d'abord à présenter l'Irak comme la
quatrième puissance militaire mondiale d'alors, ensuite à
prêter à Saddam HUSSEIN l'intention de préparer une attaque
imminente contre les Etats-Unis et enfin à l'accuser de posséder
des armes de destruction massive les plus sophistiquées du
monde113(*).
Cette attitude témoigne bien du spectre de l'arbitraire
qui plane toujours sur la vie internationale, à travers des actions non
fondées et positions partisanes des Etats membres permanents du Conseil
de Sécurité en grande partie, en dépit de sa proscription
par l'esprit du droit de veto. Ce faisant, les Etats titulaires de ce droit se
doivent de transcender leur penchant de défense exclusive des
intérêts égoïstes qui emprisonne parfois leurs
positions sur la scène internationale afin de redonner à la
mission de garde-fou contre l'arbitraire international, mission dont la Charte
de l'ONU dote le droit de veto, ses lettres de noblesse. Pourtant, la
réalité des rapports interétatiques que régente le
droit international a du mal à s'émanciper de la soif qu'a chaque
Etat d'accroître sa puissance et d'affirmer sa suprématie
idéologique sur les autres114(*). La mise en oeuvre de ces tendances passe souvent
par l'instrumentalisation du droit, laquelle préconise une
interprétation taillée sur mesure et relative des règles
juridiques, pourtant obligatoires, et débouche sur le
développement d'un interventionnisme néocapitaliste115(*).
CHAPITRE 2. LE CONSEIL DE SÉCURITÉ, ENTRE
IMPÉRIALISME NÉO-INSTRUMENTALISTE ET EXPANSIONNISME
HÉGÉMONIQUE DES MEMBRES PERMANENTS : LE DROIT DE VETO
 L'AUNE DU BLOCAGE DE L'ISSUE DES CRISES
Le droit international, tel que moulé dans la fabrique
institutionnelle des Nations Unies, organise des relations diplomatiques et
commerciales entre Etats et où chacun se déploie prioritairement,
mais sans trop le crier, à protéger ses citoyens à
l'étranger, à assurer sa sécurité intérieure
et extérieure, et, partant, à défendre son
intérêt national.
Dans nombre de comités spéciaux ou organes de la
structure onusienne, l'élaboration des règles du droit
international a été parfois retardée ou bloquée
pendant de nombreuses années, parce qu'un Etat ou un groupe d'Etats
considérait que la norme juridique en cours d'élaboration pouvait
porter atteinte à ses intérêts nationaux. Et dans si bien
des cas, des délégués ont refusé de participer
à l'oeuvre de codification et de développement du droit
international engagée dans un organe politique de l'ONU, en invoquant,
pour tout argument, des instructions qu'ils auraient reçues de leurs
capitales. Comme on peut le voir, les Etats se déterminent sur
l'échiquier international essentiellement en fonction des facteurs et
des considérations de politique nationale. La défense de
l'intérêt national demeure l'une des préoccupations
majeures des Etats tout au long du processus normatif et du parcours d'adoption
des décisions116(*). Par ailleurs, lorsqu'on prend en compte la
sensibilité infiniment plus vive des représentants des Etats aux
réalités de la solidarité nationale plutôt
qu'à celles de la solidarité internationale, l'on peut bien
partager l'opinion du Professeur Charles De VISSCHER selon laquelle :
« la solidarité internationale est un ordre en puissance dans
l'esprit des hommes, elle ne correspond pas à un ordre effectivement
étatique »117(*). Cette sensibilité très
développée aux réalités de la solidarité
nationale émaillée d'un attachement implacable à
l'intérêt national est de plus en plus au centre de l'utilisation
du veto au Conseil de Sécurité et ne va pas sans retarder la fin
de plusieurs crises d'envergure internationale (première
section). Une stagnation qui stimule à réfléchir sur
la pertinence du droit de veto au Conseil de Sécurité onusien et
sur l'opportunité du maintien en l'état des membres permanents,
dans un monde en mutation (deuxième section).
SECTION 1. LE DROIT DE VETO AUX TRÉFONDS DES
FREINS AU RÈGLEMENT DES CONFLITS
Au Conseil de Sécurité, une majorité de
neuf voix est requise pour l'adoption d'une résolution. Pour les
décisions de procédure, ces neuf voix peuvent émaner de
tous les membres, mais, pour toute autre question de fond, notamment celle
concernant le maintien de la paix, le vote défavorable d'un seul des
membres permanents du Conseil empêche l'adoption de la résolution,
même si celle-ci a recueilli neuf votes favorables. Cette
possibilité de rejeter une résolution, conférée
à chacun des cinq membres permanents du Conseil, leur accorde en fait un
droit de veto, dont l'existence même constitue un point de controverse
permanent depuis la création de l'ONU. L'utilisation du droit de veto
par l'ex-Union soviétique, mais également par la France, la
Grande-Bretagne, les États-Unis ou la Chine nationaliste, provoqua
à plusieurs reprises le blocage de l'institution. En 1950, en pleine
guerre froide, la volonté de surmonter les conséquences de
l'attitude soviétique conduisit à l'adoption de la
résolution 377, qui stipule que l'Assemblée
générale acquiert une compétence pour assurer le maintien
de la paix lorsque l'absence d'unanimité paralyse l'action du Conseil de
Sécurité. Depuis lors s'est installée une pratique
extra legem d'interprétation subjective et relativiste
de la Charte onusienne (paragraphe 1), laquelle pratique se rend,
de facto, complice de l'impunité de certains crimes et
actes en violation des droits humains perpétrés à la
faveur d'un contexte de conflit armé international laissé pour
compte (paragraphe 2).
Paragraphe 1. La Charte de l'ONU à l'épreuve
d'une interprétation extensive aux fins de légitimation de sa
transgression: le droit de veto, une arme de protection d'intérêts
nationaux de ses titulaires
En principe, le Conseil de Sécurité prend des
décisions qui s'imposent à tous118(*), au nom de l'ensemble des Etats membres119(*), pour tout ce qui touche au
maintien de la paix et à la sécurité internationale. Mais
la capacité de décider du Conseil dépend en
réalité de la capacité de ses membres à forger un
consensus. Or le droit de veto octroyé aux cinq membres permanents
constitue une véritable entrave à la capacité de
décision du Conseil, qui se trouve hors d'état d'intervenir
dès lors que son action ne conviendrait pas à un membre
permanent, quelles que soient par ailleurs les menaces ou les atteintes
à la sécurité internationale. Les Etats qui disposent du
droit de veto « peuvent donc rester en marge de la Charte et de ce
fait, si le Conseil n'a aucun moyen de passer outre le veto d'un de ses membres
permanents, à l'inverse ceux-ci peuvent se démarquer de la
position commune du Conseil »120(*). Tel a été le cas lorsque les
Etats-Unis et la Grande-Bretagne ont décidé d'intervenir en
Irak.
Il est donc clair que le droit de veto affirme la
suprématie de quelques intérêts nationaux sur l'ensemble,
dans la mesure où il n'en est pas fait usage pour le bien de la
communauté internationale, mais au regard des intérêts de
ses détenteurs. L'ONU ne peut donc agir quand les intérêts
des grandes puissances sont en jeu, d'où son incapacité à
traiter par exemple de la Corée du Nord, d'Israël ou encore de la
Tchétchénie. Ce que les Etats consentent à donner à
l'ONU est fonction de leur perception de l'utilité de ses actions, et
cela est illustré par les moyens militaires mis à la disposition
de l'organisation par ses Etats membres.
Henry KISSINGER, Secrétaire d'Etat Américain de
1973 à 1977, sous les présidents Richard NIXON et Gerald FORD,
disait : « la politique étrangère des Etats-Unis
d'Amérique est pragmatique. Elle est dictée par
l'intérêt américain »121(*). Ces propos
furent corroborés, plusieurs années après, par John
KERRY, Secrétaire d'Etat lui aussi, dans l'administration OBAMA, qui,
relevant le caractère dynamique et réaliste de la politique
étrangère américaine, préconisait d'associer le
président Bachar Al-ASSAD dans les négociations pour mettre fin
au conflit armé en Syrie122(*). La poursuite de l'intérêt national que
Hans MORGENTHAU identifie à l'accumulation de la force reste,
d'après les thèses du courant réaliste des Relations
internationales, la boussole des décisions, positions, actions et
orientations des Etats dans leurs rapports avec d'autres123(*). Dans ce sens, les
Etats-Unis par exemple, ayant perçu le manque à gagner en
continuant à soutenir en Syrie une guerre qui ne cesse de s'enliser dans
le gouffre d'hécatombe et semble profiter au développement des
factions terroristes, ont décidé aujourd'hui d'assouplir leur
opposition directe et sectaire au régime syrien, en vue de
préserver leur intérêt national - notamment en minimisant
la part d'aide et de financement allouée aux rebelles - . Ce faisant,
les Relations internationales qui sont la mise en action du droit international
résident foncièrement dans la recherche de la puissance et la
défense de l'intérêt national dans le champ frontal
international, rappelle on ne peut plus judicieusement Mario BISTELA124(*). Et pour le courant
réaliste-traditionnaliste125(*), l'intérêt national est la variable
déterminante d'explication et de prise de décisions en politique
étrangère. Cet intérêt national est constitué
de la quête effrénée de la puissance, la
sécurité, la prospérité et la sauvegarde des
valeurs culturelles et morales garantes du prestige et de l'identité
nationale d'un Etat126(*). La puissance se réfère ici à
la volonté de contrôle d'un acteur sur d'autres, au renforcement
de sa capacité d'influence et d'inflexion de leurs actions et
décisions127(*).
La sécurité, quant à elle, est conçue comme
bouclier physique qui garantit l'autonomie d'une volonté, celle
gouvernementale, qui permet la recherche d'une identité propre. Cette
dernière, note Jean BARRIA, sera principalement d'ordre culturel,
religieux ou idéologique au regard de ce que l'environnement local fait
valoir128(*). La
sécurité au titre de donnée de l'intérêt
national vise principalement l'intégrité du territoire national,
la stabilité des institutions politiques et la préservation des
attributs régaliens de l'Etat. La prospérité
recherchée entend, pour sa part, améliorer le niveau de vie
social, accroître le capital économique national et
développer une politique d'échanges commerciaux profitable
à l'Etat considéré. Et la sauvegarde des valeurs morales
et culturelles renvoie à la promotion des idéologies, croyances
et idéaux qui fondent l'essence et la survie mêmes d'un peuple.
La question de l'interprétation de la Charte ne fait
pas consensus dans la doctrine. En effet, certains considèrent que les
principes qu'elle contient doivent être interprétés de
manière évolutive et flexible, qu'une interprétation
extensive est nécessaire au regard de l'évolution du contexte
international, des nouveaux acteurs et défis du monde contemporain,
tandis que d'autres au contraire défendent avec ferveur une
interprétation restrictive.
Au sujet par exemple de l'interprétation extensive de
l'article 51 de la Charte - et donc du principe de la légitime
défense - qui a justifié l'action militaire américaine
contre l'Afghanistan, déjà dans l'esprit des gouvernants
américains, le recours à la légitime défense visait
ici, en plus de frapper et de punir les responsables des attentats de New York
du 11 septembre 2001, à prévenir d'autres actes du même
genre. De même, en ajoutant le terme
« préventive » à la légitime
défense pour qualifier et justifier la guerre contre l'Irak en mars
2003, les Etats-Unis ont fait d'une notion traditionnellement défensive
et exceptionnelle, un concept offensif érigé en règle.
C'est essentiellement autour de la qualification d'agression
armée, autour de la distinction entre acte illicite de soutien, non
constitutif d'une agression armée et un véritable acte
d'agression qui permet la mise en oeuvre de la légitime défense,
qu'il existe des divergences. En effet, pour les partisans d'une
interprétation extensive de la Charte, suivre les dispositions de la
Charte dans une acception restreinte, ne permet pas de couvrir les
éventuelles agressions par des groupes privés autonomes à
l'insu de l'Etat. Dans une telle hypothèse, l'Etat attaqué
doit-il subir sans riposte ? Pierre Michel EISEMANN estime que dans la
mesure où « l'invocation d'un état de
nécessité n'est plus, aujourd'hui, aucunement justificative de
l'emploi de la force armée, seul le recours au concept de
légitime défense appliqué à des actes n'impliquant
pas l'intervention d'un Etat »129(*) pourrait permettre de répondre
négativement à cette question. Refuser à un Etat le droit
de s'opposer par les armes à une attaque de même nature
conduirait, selon lui, à le désarmer et donc à le
soumettre à l'agresseur. Les partisans d'une interprétation
extensive ont argué du caractère novateur et profondément
original des attentats du 11 septembre pour démontrer le
caractère lacunaire et inadapté du droit international
existant130(*). C'est
d'ailleurs sur le fondement de cette lacune qu'ils ont cru pouvoir affirmer la
légalité de la guerre antiterroriste. Toutefois, toute
inadaptée et lacunaire que puisse être la Charte, rien
n'empêche de la modifier par le biais de négociations
multilatérales afin de la rendre plus appropriée aux
réalités d'aujourd'hui, relève très justement
Géraldine LHOMMEAU131(*).
Mais entre-temps, le droit existant doit s'appliquer à
sa juste valeur pour éviter tout détournement. En effet, comme
l'affirment les défenseurs de la Charte, on ne peut combler les lacunes
de celle-ci en élargissant l'exception au détriment de la
règle, sans en dénaturer l'esprit et l'intention des
rédacteurs et sans que cela ne présente un risque
d'instrumentalisation des règles internationales au gré des
intérêts particuliers.
Pour mieux percevoir la pointe de ce vecteur
d'interprétation utilitariste de la Charte, nous nous proposons de
tenter de cerner l'herméneutique que les Etats-Unis s'en sont faits en
rapport aux notions du droit de la légitime défense et du droit
de la responsabilité internationale pour engager leur guerre contre le
terrorisme en attaquant l'Afghanistan et l'Irak.
A propos du droit naturel de
la légitime défense, la Charte des
Nations Unies a réaffirmé l'illégalité de la guerre
en interdisant le recours à la force armée entre Etats132(*) ; Il existe
néanmoins une limite à ce principe : la légitime
défense133(*).
Toutefois, celle-ci reste l'exception à la règle et demeure
soumise à conditions. Ces conditions se ramènent principalement
à l'établissement sans équivoque d'une agression
armée imputée à un Etat et à l'exigence d'une
riposte proportionnée et nécessaire. Pourtant, non seulement
l'action militaire américaine en Afghanistan ne saurait se fonder
parfaitement sur l'argument de légitime défense dans la mesure il
est difficile, aujourd'hui encore, de prouver, juridiquement, un lien
évident entre le gouvernement afghan de l'époque et le groupe
Al Qaida, auteur des bombardements des Twin
Towers134(*),
pour attester que le second avait agi au nom du premier, mais elle s'illustra
également par l'emploi des moyens militaires colossaux,
disproportionnés et une campagne de démonstration des forces
durant plusieurs années. Et quant à la guerre contre l'Irak, elle
pèche sur la fourniture des preuves d'une agression armée
préalable des forces régulières irakiennes ou de leurs
mercenaires contre les Etats-Unis et ne pourrait être fondée sur
l'impératif d'une riposte qui, en droit international public, ne peut
viser qu'une agression qui a déjà eu lieu, et non prévenir
des agressions futures135(*) qui, par essence, sont éventuelles et donc
incertaines. Il s'agit donc dans ces deux cas de figure d'une
interprétation abusive de la notion du droit exceptionnel de la
légitime défense des Etats.
Le droit de la responsabilité
internationale souffre, lui aussi, d'une interprétation
abusive. Si l'argumentation pour justifier la guerre contre l'Afghanistan ne
peut se fonder sur les règles spécifiques définissant
l'agression, elle ne peut pas non plus s'appuyer sur les règles plus
générales relatives à la responsabilité de l'Etat.
Il suffit pour s'en convaincre de se référer à
l'interprétation que les Américains en avaient en imputant les
actes terroristes commis par un groupe d'individus, personnes physiques de
droit privé, à la responsabilité de l'Etat afghan,
personne morale de droit public136(*). Les Etats-Unis et les autres grandes puissances
agissent généralement sur la scène internationale dans le
but de défendre leurs intérêts économiques et
géostratégiques personnels, restant persuadés que ce qui
est important pour eux l'est aussi pour l'ensemble du monde. En intervenant
militairement en Afghanistan, puis en Irak, les Etats-Unis entendaient
forcément vendre l'image qu'ils se sont investie depuis l'instauration
d'un système international unipolaire d'avoir « la mission
sacrée d'assurer le progrès politique, économique et
social des populations ». La promotion de leur sécurité
nationale l'avait nettement emporté sur la volonté de se montrer
respectueux de la légalité internationale.
A. La paix et la sécurité internationales
sacrifiées par la primauté de l'intérêt
sécuritaire national de grandes puissances
Fort de leur puissance, les Etats membres permanents du
Conseil de Sécurité parviennent à s'imposer sur la
scène internationale et à s'émanciper progressivement de
tout formalisme juridique international pour préserver leur propre
sécurité. Il s'agit, là encore, d'une
sécurité d'exclusion, ne bénéficiant seulement
qu'à une puissance ou à une caste réduite au mépris
d'autres Etats. Ce désaveu de l'ordre mondial caractérisé
par un unilatéralisme137(*) grandissant se double progressivement d'un dessein
impérialiste138(*). Les Etats-Unis d'Amérique incarnent une
figure paradigmatique à ce sujet.
En effet, depuis l'administration CLINTON jusqu'à ce
jour, la politique extérieure américaine se traduit par un total
mépris pour les règles et les institutions internationales. Les
contraintes du Droit international public ne semblent alors s'imposer qu'aux
autres Etats et les Etats-Unis, se situant au dessus de toute la
communauté internationale, s'estiment fondés à lui imposer
certaines lois. La stratégie américaine, basée sur
l'élimination de toute menace à la sécurité
nationale non forcément à celle mondiale, affiche clairement,
dans la continuité de la politique de Bill CLINTON, la volonté de
se soustraire du cadre multilatéral contraignant et refuse tout
enfermement dans le cadre de la légalité internationale - qui
n'offrirait pas des garanties confortables de pleine sécurité des
institutions, du territoire et du peuple américains - . Cette politique
considère que « la sécurité du pays ne doit
dépendre d'aucune contrainte extérieure », comme le
rappelait madame Condeleezza RICE, alors secrétaire d'Etat dans
l'administration George W. BUSH 2. Il s'agit donc pour les Etats-Unis de
restreindre la compétence des Nations Unies à des fonctions
subordonnées à leur paix, leur sécurité et leur
prospérité nationales. Et Colin POWELL, secrétaire d'Etat
américain sous l'administration George W. BUSH 1, déclarait que
« les Etats-Unis avaient le droit souverain d'engager une action
militaire chaque fois qu'ils seront convaincus d'un danger guettant leur
sécurité interne », revendiquant ainsi un pouvoir
souverain de recourir à la force, même en solo s'il le faut, pour
garantir leur sécurité nationale, et ce au mépris des
principes fondamentaux du droit international.
Pour s'en convaincre, il nous parait utile d'opérer une
rétrospection historique pour se rendre compte des écarts entre
la stratégie de la politique extérieure américaine et le
droit international, lesquels permettent de constater que depuis les
années 1990, les Etats-Unis ne cessent de démanteler
l'architecture internationale de sécurité et remettent en
question l'ensemble des accords internationaux qui régulaient
jusqu'alors la sécurité du globe139(*).
En effet, le nombre de traités fondamentaux non
ratifié par les Etats-Unis est à la fois impressionnant et
significatif. A titre d'exemple, on peut citer le Pacte international relatif
aux droits économiques, sociaux et culturels de 1966 ; les
Protocoles additionnels aux conventions de Genève de 1949,
respectivement relatifs à la protection des victimes des conflits
armés internationaux et à la protection des victimes des conflits
armés non internationaux ; la Convention des Nations Unies sur le
droit de la mer de 1982 ; la Convention des Nations Unies sur les droits
de l'enfant de 1989 ; le Protocole de Kyoto sur les changements
climatiques en 1997 ; le Statut de la Cour Pénale internationale en
2002, etc. Dans le domaine des armes conventionnelles, les Etats-Unis et la
Chine ont refusé de ratifier la Convention d'Ottawa de 1997 sur les
mines antipersonnel dans le but de protéger leurs forces
stationnées sur la ligne militarisée entre les deux Corées
et de préserver l'exploration des mines mixtes.
Ce tableau et la preuve éloquente de
l'instrumentalisation du droit international, dans une tendance de
« double jeu » qui consiste à y recourir dans la
mesure où il pourrait caresser dans le sens du poil
l'intérêt national de la puissance étatique
considérée et à s'en détourner lorsqu'il parait un
facteur contre-productif au regard de cette finalité. Ainsi, les grandes
puissances mondiales, titulaires du droit de veto au Conseil de
Sécurité onusien, n'hésitent pas à faire usage de
ce droit contre tout projet ou toute proposition de résolution visant
à régler un conflit armé donné, au moyen d'une
intervention des casques bleus140(*), lorsqu'elles redoutent qu'une telle intervention ou
que pareil règlement dudit conflit considéré dans toutes
ses particularités mettrait gravement en péril leurs
intérêts économiques et sécuritaires. Dès
lors, ce droit est, dans le rythme de son exercice, réduit au rôle
très peu élogieux d' « instrument
d'hégémonie expansionniste et de prosélytisme de
saucissons »141(*).
B. Le flux d'utilisation du droit de veto au Conseil de
Sécurité
Depuis la création de l'ONU, la majorité de
vetos au Conseil de Sécurité a été exercée
par l'Union Soviétique. Depuis la chute du Mur de Berlin, les Etats-Unis
ont été ceux qui ont le plus fréquemment utilisé ce
droit de veto. En effet, entre 1946 et 2006, on constate une inversion entre
les Etats-Unis et l'Union Soviétique (puis la Russie) puisque dans les
trois premières décennies les premiers ont utilisé ce
moyen seulement douze fois - dont aucune fois dans les deux premières -,
contre cent treize fois pour les seconds, alors que dans les trois
dernières décennies les premiers en ont fait usage soixante-dix
fois, contre dix fois pour les seconds, dont deux dans la dernière
décennie142(*).
Après la victoire de la révolution communiste en
Chine, en octobre 1949, les Etats-Unis ayant imposé le maintien de
l'ancien gouvernement nationaliste, au Conseil de Sécurité, la
délégation de l'Union Soviétique pratiqua en signe de
protestation la politique de la « chaise vide ».
L'abstention avait alors valeur de veto. Mais les quatre autres grands lors du
déclenchement de la guerre de Corée, en juin 1950, n'en tinrent
pas compte et considérèrent que c'était au nom des Nations
Unies que l'administration TRUMAN intervenait. Quand l'URSS décida
quelques mois plus tard de reprendre son siège pour opposer
catégoriquement son droit de veto, les Américains
contournèrent la difficulté en faisant voter l'assemblée
générale où ils détenaient la majorité. La
France, pour sa part, a souvent pratiqué la politique de « la
chaise vide » entre 1956 et 1964, pour diverses raisons.
Toutefois, la réalité ne colle pas tout à
fait à la lettre de la Charte puisque selon elle, tous les membres
permanents doivent voter de manière affirmative pour qu'une
résolution soit adoptée. Dans la pratique, depuis la guerre de
Corée, seul le vote négatif est considéré comme un
veto. L'abstention ou l'absence d'un membre permanent lors d'un vote au Conseil
de Sécurité a dans les faits valeur d'approbation. Ceci a
l'avantage inattendu de permettre à un membre permanent d'exprimer son
désaccord sur une décision sans pour autant la bloquer par son
abstention.
En quinze ans - entre 1989 et 2004 -, dix-neuf vetos ont
été mis dont :
Les Etats-Unis : treize fois - onze fois pour ou par
rapport à Israël, une fois par rapport à la
Bosnie-Herzégovine, une fois par rapport au Panamá - ;
L'Union Soviétique devenue la Russie : trois fois
- deux fois par rapport à Chypre, une fois par rapport à la
Bosnie-Herzégovine -.
Jusque fin février 2011, le veto a été
utilisé 264 fois avec, par ordre d'importance143(*) :
· 124 fois par l'Union Soviétique/Russie ;
· 82 fois par les Etats-Unis ;
· 32 fois par le Royaume-Uni ;
· 18 fois par la France ;
· 6 fois par la Chine.
Jusque fin février 2014, le veto a été
utilisé 267 fois avec, par ordre chronologique :
· 1945-1955 : 33 fois ;
· 1956-1965 : 60 fois ;
· 1966-1975 : 37 fois ;
· 1976-1985 : 13 fois ;
· 1986-1995 : 8 fois ;
· 1996-2005 : 83 fois ;
. 2006-2012 : 31 fois ;
. 2013-2014 : 2 fois.
A la lisière de ces détails sur le rythme
dynamique de l'usage brut du droit de veto au Conseil de Sécurité
à travers l'histoire, une analyse segmentée tenant compte des
aspects particuliers de chaque Etat usager de ce droit s'avère utile
pour une meilleure approche de la réalité à ce sujet.
1. L'URSS/ la Fédération de
Russie
Dans les premières années des Nations Unies, le
commissaire de l'URSS et futur ministre des Affaires étrangères,
Viatcheslav MOLOTOV, avait tellement bloqué de projets de
résolution qu'il était surnommé « Monsieur
veto ». Dans les faits, l'Union soviétique est responsable de
près de la moitié de vetos dans l'histoire des Nations Unies,
dont 79 dans les dix premières années (soit plus du tiers de la
totalité). Il voulait empêcher l'admission de nouveaux membres car
les Etats-Unis et les autres membres de l'ONU refusaient d'admettre les
Républiques socialistes soviétiques. Depuis la chute de l'Union
soviétique, la Russie a utilisé son veto très
sporadiquement.
2. Les Etats-Unis
Les Etats-Unis utilisaient pour la première fois leur
droit de veto en 1970 à propos de la crise en Rhodésie. Et la
première fois qu'ils utilisèrent seuls leur droit de veto fut en
1992, pour éviter une résolution censurant Israël. Depuis
lors, les Etats-Unis sont devenus le plus important utilisateur du veto,
principalement contre des résolutions critiquant la politique
d'Israël. C'est une cause de friction continuelle entre l'Assemblée
générale et le Conseil de Sécurité.
3. Le Royaume-Uni
En 1956, avec la France, le Royaume-Uni utilisait pour la
première fois son veto contre une résolution sur la crise du
canal de Suez. Ils finirent par se retirer de la zone après que les
Etats-Unis eurent provoqué une session d'urgence de l'Assemblée
générale, comme le prévoit la Résolution 377 de
l'Assemblée générale. Le Royaume-Uni a également
utilisé unilatéralement son veto à 7 reprises à
propos de la Rhodésie.
4. La France
La France utilise son droit de veto de manière
sporadique. Elle l'a utilisé seule pour la dernière fois en 1976
sur la question de l'indépendance des Comores, quand l'île de
Mayotte resta sous souveraineté française grâce à un
référendum local. Elle l'a utilisé pour la dernière
fois collectivement, avec les Etats-Unis et le Royaume-Uni, ses traditionnels
alliés, en 1989 sur la question de l'invasion de Panama par les
Etats-Unis. La menace d'un veto français contre une nouvelle
résolution sur l'Irak en 2003 et une entrée en guerre a
été une source de brouille diplomatique et politique entre la
France et les Etats-Unis.
5. La Chine
Entre 1946 et 1971, le siège chinois au Conseil de
Sécurité est occupé par la République de Chine,
exilée à partir de 1949 sur l'île de Taïwan. Une seule
fois le veto fut utilisé par la Chine, pour s'opposer à
l'admission de la Mongolie aux Nations unies. La République de Chine
considérait que la Mongolie faisait partie intégrante de la
Chine. Du fait de la pression soviétique, la Mongolie finit par entrer
à l'ONU en 1960. Et après l'expulsion de la République de
Chine en 1971, suite à la Résolution 2758 de l'Assemblée
générale des Nations unies, le premier veto de la
République populaire de Chine sera exercé le 25 août 1972
contre l'admission du Bangladesh aux Nations unies. La République
populaire s'est servie cinq fois de son droit de veto.
Il sied de remarquer que l'utilisation de la plupart de ces
vetos aura eu la conséquence commune de bloquer soit la
résolution directe d'un conflit armé dans le moule du droit
international, soit le dépassement d'une crise sociopolitique
tentaculaire, soit encore l'autodétermination des peuples de certains
Etats et l'admission de ces derniers aux institutions internationales, dans une
allure isolationniste. Revêtant un visage nouveau, l'utilisation du veto
participe aujourd'hui, dans une fréquence non moins considérable,
à assurer une « impunité gratuite » au non
respect des règles de droit international par les membres permanents du
Conseil de Sécurité ou par leurs alliés fidèles
ainsi qu'un feu vert complice à la perpétration des violations
ignobles des droits humains dans les zones de conflits armés aux seules
fins de servir les intérêts de grandes puissances144(*).
Paragraphe 2. Le droit de veto, source d'impunité et
de mainmise des membres permanents et d'une lâcheté complice des
violations des droits humains dans les zones en conflit
L'auscultation des conflits syrien et ukrainien, tous deux en
cours, tâchera de démontrer jusqu'à quel point une crise de
paix et de sécurité internationales peut être
instrumentalisée et son issue embourbée dans un cercle
international vicieux où chaque puissance étatique cherche
à tirer la couverture du côté qui servirait le mieux ses
intérêts et son prestige. Cette obstination dans la sauvegarde des
intérêts nationaux et de la puissance étatique sur la
scène internationale sera illustrée par le veto que la Chine et
la Russie ne se cachent d'opposer, en sachant à l'avance qu'elles ne
rendraient des comptes à nul organe, aux tentatives d'adoption des
résolutions destinées à mettre fin, par le biais de l'ONU,
à ces deux conflits armés dont l'envergure met gravement en
péril la stabilité de la paix et la sécurité
internationales. En outre, la possession du droit de veto enfle ses titulaires
d'une perception d'impunité par les organes onusiens en cas de violation
de leurs engagements internationaux et semble leur procurer, à
eux-mêmes ou à leurs alliés selon le cas, une
« immunité de fait » contre les sanctions
internationales qu'ils devraient mériter lorsqu'ils brillent dans
l'irrespect des traités et accords internationaux dûment
ratifiés145(*).
Ainsi, l'exercice du droit de veto ne va-t-il pas sans bloquer le
règlement onusien des guerres en Syrie et en Ukraine dont la
complexité - liée à l'implication dans le conflit de
plusieurs factions ramifiées ainsi que des mouvements intégristes
nationaux et étrangers, de la confrontation des enjeux et du conflit
d'intérêts géostratégiques au Proche et Moyen-Orient
- constitue l'autre paire de manche des entorses à leur
résolution.
A. Le droit de veto et la guerre civile syrienne
Le 15 mars 2011 débutent des manifestations
concomitamment anti-régime et pro-régime en Syrie. Au
départ pacifique, le mouvement se transforme rapidement en conflit
opposant deux camps armés au milieu des populations civiles à la
suite des répressions sanglantes des services de sécurités
syrien.
Face à l'armée régulière et
à ses supplétifs - notamment Moukhabarat et les
miliciens du Hezbollah146(*) - se constitue et se structure progressivement
en 2011 une « armée syrienne libre » (ASL), sur la
base d'un noyau de déserteurs et de citoyens en majorité issus de
la communauté sunnite et, en partie, de combattants étrangers
islamistes financés par l'Arabie saoudite et le Qatar. Tandis que le
gouvernement syrien est soutenu par l'Iran, le Venezuela, l'Algérie, la
Chine et la Russie, la rébellion est soutenue par la Ligue arabe et
certains pays occidentaux147(*), et l'ASL peu à peu soutenue et armée
par la Turquie, l'Arabie saoudite et la Qatar, et dispose de l'aide d'agents de
la CIA opérant à partie de la Turquie.
Aujourd'hui, l'armée syrienne libre (ASL) est
supplantée, sur terrain, par des mouvements islamistes, rendant ainsi
hétéroclites les forces d'opposition au régime. Devant
cette situation d'une opposition sans leader et surtout de plus en plus
caractérisée par la volonté d'imposer un régime
totalitaire, « takfiri », détruisant au
passage les vestiges archéologiques et les lieux saints religieux, les
pays occidentaux réduisent progressivement leur soutien. D'autres
analystes estiment que le régime syrien, se sentant asphyxié, a
délibérément favorisé l'émergence de ces
groupes, notamment en libérant, au début de la révolte,
des djihadistes qui avaient combattu en Irak et en s'abstenant de bombarder les
zones sous leur contrôle, dans le but de conforter l'image de la lutte
contre l'islamisme utilisé par le régime et de provoquer un
conflit avec les autres rebelles modérés148(*).
En se prolongeant dans le temps, le conflit syrien est devenu
à la fois guerre civile, guerre énergétique, guerre par
procuration et aussi guerre sainte. Début juin 2014, selon
l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH), près de
250 000 personnes avaient été tuées depuis le
début du conflit (dont plus de 53 978 civils, parmi lesquels
8 607 enfants). 61 170 membres des forces du régime et
42 701 combattants rebelles ont également perdu la vie, dans un
contexte où la paix est distante des horizons. Et l'ONU estime à
plus de 2,8 millions le nombre de refugiés, et 6,5 millions de personnes
auraient été déplacées à l'intérieur
du pays149(*).
La principale raison qui motive, du moins officiellement, le
veto sino-russe est l'incertitude de la survivance de l'Etat syrien
après le départ de Bachar Al-ASSAD eu égard à
l'extension de l'influence des djihadistes salafistes150(*) qui ne cessent de ravir,
jour après jour, des territoires à l'armée syrienne libre
(ASL)151(*), principale
force de l'opposition démocratique. Cette situation serait au coeur des
craintes « prudentes » de la Chine et la Russie qui, tirant
les leçons du cas libyen où la chute forcée de Muammar al-
KADHAFI a emporté avec elle l'effritement des attributs régaliens
de l'Etat au sens du droit constitutionnel et même du droit international
public. Aussi, l'éviction précipitée de Bachar Al-ASSAD et
de son régime, qui reste un grand rempart contre l'islamisme
fondamentaliste et le salafisme djihadiste dans la sous-région,
risquerait-elle d'accorder une passe en or à Daesh qui guette
les régions arabes en conflit et n'attend qu'une situation favorable
pour s'y cafouiller et y implanter un califat. A ce titre, cet argument semble,
en tout état de cause, probant dans sa conception virginale, en dehors
de toute dénaturalisation politicienne qui se trouve souvent,
implicitement, au coeur des vetos posés contre les résolutions du
Conseil de Sécurité relatives aux conflits de ce genre. Cette
considération pourrait se vérifier mutatis mutandis dans le
glissement complexe de la guerre à l'Est de l'Ukraine.
B. Le droit de veto et le conflit russo-ukrainien
Les relations russo-ukrainiennes sont tendues, notamment
à propos de la Crimée et de Sébastopol qui, abritant la
Flotte de la mer Noire, ont été annexées par la Russie
à la suite d'un référendum de façade et de la
marine russe mais aussi en raison de la mer d'Azov partagée entre les
deux Etats, et se détériorent grandement à la suite de la
Révolution orange152(*) pro-occidentale de 2004 et des crises
gazières de 2006 et de 2008. Moscou a tenté, cependant, entre
2010 et 2014, de renouer avec des relations plus amicales avec l'Ukraine, sur
le plan économique, politique et social.
La crise ukrainienne dans sa configuration actuelle remonte
à la fin de l'année 2013. Alors qu'un accord devait être
signé entre l'UE et l'Ukraine, la Russie essaie de faire pression sur
Kiev pour le faire changer d'avis, notamment en restreignant certains produits,
en revoyant les prix du gaz et en envisageant d'imposer aux citoyens ukrainiens
un passeport étranger. Moscou craint en effet que cette union se fasse
à son désintérêt, alors que Vladimir POUTINE
ambitionne en même temps un rapprochement avec les pays anciennement
soviétiques. Pourtant, de l'avis de l'analyste politique Vladimir
FESSENKO : « en mettant ainsi la pression, la Russie ne fait que
pousser l'Ukraine dans les bras de l'Europe »153(*). En novembre 2013, l'Ukraine
décidait finalement, en raison de pressions russes, de refuser l'accord
avec l'Union européenne et de relancer un dialogue actif avec Moscou. Ce
revirement avait entraîné d'importantes manifestations
pro-européennes à Kiev rassemblant au moins 100 000
personnes, l'occupation de la place Maïdan et de la mairie, avec
comme mot d'ordre la démission du Président Viktor IANOUKOVYTCH.
Le 23 février 2014, IANOUKOVITCH fuit en Russie et l'opposition prend le
pouvoir. Débute alors une crise entre les deux pays et l'occupation par
des troupes pro-russes de la Crimée et des manifestations dans les
villes russophones de l'est de l'Ukraine (telles que Donetsk et Lougansk), la
Russie ne reconnaissant pas la légitimité du nouveau gouvernement
ukrainien, sous la présidence de Petro POROCHENKO, qualifiant son
accession au pouvoir de coup d'Etat. Le 24 mars 2014, l'Ukraine signe le volet
politique du Partenariat oriental avec l'Union européenne, dont le rejet
par Viktor IANOUKOVYTCH avait déclenché les manifestations
d'Euromaïdan. Cet acte est considéré comme l'huile
jetée au feu de la guerre du Donbass entre l'armée ukrainienne et
les séparatistes pro-russes. Ces derniers, engagés à
émanciper les territoires de Donetsk, Lougansk et Slaviansk de la
tutelle de Kiev, bénéficient du ravitaillement en matériel
militaire et de l'aide stratégique et financière de Moscou.
Considérables en Ukraine, depuis l'époque de
l'Union soviétique, les intérêts économiques russes
contrôlent des parts de marché dans le secteur de l'énergie
et dans celui des médias. L'essentiel des installations industrielles et
infrastructures servant à la macro-production économique
mécanisée et concentrée pour la transformation des
matières premières qui alimentent les poumons de
l'économie russe sont situées sur le territoire ukrainien et
n'ont pas pu être délocalisées depuis l'effritement de
l'URSS.
Sur le plan purement politique, la Russie a soutenu de
nombreux hommes politiques ukrainiens lui étant favorables dans le but
de contrer le jeu diplomatique des Etats-Unis et d'éviter que l'Ukraine
ne rejoigne l'OTAN et l'UE. En 2008, la détérioration des
relations russo-ukrainiennes se poursuit à l'occasion de la guerre entre
la Géorgie et la Russie. Le Président Ukrainien d'alors Viktor
IOUCHTCHENKO avait, en effet, déclaré que l'Ukraine est
l'alliée de la Géorgie. Kiev reconnaissait même avoir
livré des armes à Tbilissi. Une enquête a, d'ailleurs,
prouvé que des volontaires ukrainiens avaient été
envoyés auprès des Géorgiens lors du conflit. L'Ukraine
avait également menacé de restreindre militairement les
activités de la base navale russe de Sébastopol et de la fermer
au croiseur lance-missiles Moscova, de retour des rivages abkhazes.
Il découle des développements ci-haut
réalisés que le conflit ukrainien qui oppose, depuis mars 2014,
le régime de Kiev aux séparatistes qui, tout concourt à le
croire, sont la masse de paille qui tend à dissimuler une
véritable agression russe assoiffée d'annexion des territoires de
l'Est de l'Ukraine, illustre cette mainmise des puissances mondiales, complice
des crimes de guerre, dans des confrontations instrumentalisées. A ce
sujet, la Russie poursuit deux objectifs, l'un de nature politique et l'autre
aux consonances économiques154(*). Le premier vise à maintenir l'Ukraine dans
le giron de l'influence géostratégique russe et cherche à
écarter toute possibilité d'intégration de l'Ukraine
à l'Union européenne jugée tel un
« asservissement de la souveraineté » par Moscou.
Pour ce faire, il faut rendre l'Ukraine ingouvernable, déstabiliser ses
institutions politiques et rendre son environnement économique incertain
et terrorisant à l'égard des investisseurs. Le second, quant
à lui, entend faire mains basses sur les ressources naturelles du
sous-sol ukrainien et accentuer la dépendance énergétique
de l'Ukraine vis-à-vis de la Russie. Cette dimension du conflit est
à la série des conflits gaziers qui opposa les deux Etats
limitrophes entre 2006 et 2009.
Un premier conflit gazier, soulignant la dépendance
énergétique de l'Ukraine vis-à-vis de la Russie,
débute en mars 2005 pour culminer le 1er janvier 2006.
Gazprom, une firme publique russe, refusant d'alimenter les gazoducs ukrainiens
à la suite d'un désaccord sur le prix de transit par les gazoducs
ukrainiens. Le groupe étatique russe exige alors que Kiev paie le prix
du marché mondial pour le gaz naturel. Le refus catégorique de
Kiev aboutit à une suspension des fournitures de cette ressource
stratégique. Le conflit se résorba toutefois le 4 janvier 2006
à la suite d'une entente préliminaire entre la Russie et
l'Ukraine aboutissant à une nouvelle formule de prix, le gaz russe au
tarif international étant mélangé avec celui des pays de
l'Asie centrale, sensiblement moins cher. Moscou tente d'opérer par la
suite une reprise avec Kiev de l'entente amicale en termes économique,
politique et social, sur une base pragmatique.
Une autre crise gazière majeure avec l'Ukraine
éclatait le 2 janvier 2009, à la suite d'un différend
entre l'Ukraine et Gazprom sur le prix à payer en 2009 et faute de
paiements d'une partie de livraisons de 2008, Gazprom a réduit, puis
stoppé les livraisons de 2008 du gaz naturel à l'Ukraine. Le
résultat : des pays membres de l'Union européenne
reçoivent moins de gaz naturel en provenance du réseau gazier de
Gazprom, lequel transite en grande partie par l'Ukraine. La Russie accusait
ainsi l'Ukraine de siphonner le gaz destiné à l'Europe pour
compenser les coupures des approvisionnements qu'elle subit et tente
d'augmenter le débit des oléoducs qui transitent par la
Biélorussie et la Turquie. De son côté, la Premier ministre
ukrainienne d'alors Ioulia TYMOCHENKO accusait certains hommes d'affaires de
son pays d'être corrompus par les milieux d'affaires voire politiques
russes, entre autres ceux liés au schéma controversé de
livraison du gaz russe via un intermédiaire opaque.
Toutes ces pesanteurs géostratégiques
alliées aux enjeux énergétiques et à la
rivalité légendaire d'influence, de puissance et
d'hégémonie sur la scène internationale avec l'Occident
sont au coeur du refus de la Russie de voir s'enclencher une démarche de
résolution dudit conflit à l'occidentale155(*) dans le cadre onusien. Le
veto exercé par la Russie, au Conseil de Sécurité des
Nations Unies, contre les projets de résolution de la crise ukrainienne
est révélateur de refus même si, officiellement, Moscou
étaye sa position en se fondant sur le principe de « non
ingérence dans les affaires internes d'un Etat » 156(*), arguant que les
problèmes de l'Ukraine ne pourraient trouver une meilleure solution que
par un dialogue et une action inter-ukrainiens. La conséquence
immédiate en est le blocage du règlement de ladite crise et la
continuité de tout ce qu'elle occasionne comme dégâts,
ralentissement de l'activité économique du pays, massacres des
populations civiles, violations massives des droits humains, pertes
inestimables en vies humaines157(*). Au regard des tragédies auxquelles peut
parfois donner lieu l'usage du veto et en considération des obstacles
qu'il glisse dans les méandres de résolution de certains conflits
menaçant l'équilibre de la paix et de la sécurité
internationales, l'on est en droit de s'interroger sur la pertinence de cette
prérogative conférée par la Charte aux membres permanents
du Conseil de Sécurité ainsi que sur l'opportunité du
statut de ces derniers.
SECTION 2. DE LA PERTINENCE DU DROIT DE VETO ET DE
L'OPPORTUNITÉ DU MAINTIEN EN L'ÉTAT DU STATUT DES MEMBRES
PERMANENTS
Le droit international est né de la volonté des
Etats d'établir entre eux des rapports fondés sur un ensemble de
normes obligatoires158(*) et impersonnelles destinées à
organiser la société internationale en vue de consolider des
relations pacifiques entre nations. Conscient du fait que toutes les guerres
à portée internationale que l'humanité a connues l'auront
moins portée au développement que l'enfoncée davantage
dans l'abîme du désarroi, de l'hécatombe et de la
dégradation économique159(*). C'est dans cette optique que la Charte des Nations
Unies a mis sur pied une panoplie de mécanismes juridiques
chargés de promouvoir des relations pacifiques basées sur la
coopération et le libre-échange entre les Etats et les peuples et
de préserver l'humanité des guerres et autres conflits de nature
à mettre à mal la paix et la sécurité
internationales. Parmi ces mécanismes juridiques figure le droit de veto
accordé aux cinq membres permanents du Conseil de Sécurité
des Nations Unies. Pourtant, dans les faits et les effets produits, l'exercice
de ce droit entraîne souvent des conséquences
diamétralement contraires à la mission lui assignée. En
effet, il s'accompagne généralement d'un faisceau de facteurs qui
tendent à volatiliser les chances de sortie de crise ou à
envenimer davantage le conflit visé ; bref à bloquer le
règlement du conflit dans le carré régulier des Nations
Unies.
Pour s'en convaincre, nous reprenons sur la page qui suit,
à titre illustratif, dans un tableau synoptique, suivant l'ordre annuel
décroissant, la liste des vetos utilisés de 1989160(*) à 2012 -soit
collégialement soit en solo-, la date à laquelle ils l'avaient
été, les Etats membres permanents du Conseil de
Sécurité qui les ont utilisés et la thématique ou
la question à laquelle chacun d'eux se référait.
Toutefois, il sied de signaler qu'après 2012 le veto a été
utilisé jusqu'ici deux fois en 2014 ; 2013 n'ayant pas connu de
veto. Il s'agit d'abord du veto utilisé le 15 mars 2014 par la Russie
à propos du respect de l'intégrité territoriale de
l'Ukraine, puis de celui exercé le 22 mai 2014 par la Chine et la Russie
au sujet de la saisie de la CPI par l'ONU concernant les crimes de guerre en
Syrie.
Projets de résolutions ayant fait l'objet
d'un véto au Conseil de
sécurité161(*)
Date
|
Projet de résolution
|
Procès-verbal
|
Question
|
Membre(s) permanent(s)
ayant voté contre
|
19 juillet 2012
|
S/2012/538
|
6810
|
La situation au Moyen-Orient - Syrie
|
Chine, Fédération de Russie
|
4 février 2012
|
S/2012/77
|
6711
|
La situation au Moyen-Orient - Syrie
|
Chine, Fédération de Russie
|
4 octobre 2011
|
S/2011/612
|
6627
|
La situation au Moyen-Orient
|
Chine, Fédération de Russie
|
18 février 2011
|
S/2011/24
|
6484
|
La situation au Moyen-Orient, y compris la question de
Palestine
|
États-Unis
|
15 juin 2009
|
S/2009/310
|
6143
|
Géorgie
|
Fédération de Russie
|
11 juillet 2008
|
S/2008/447
|
5933
|
Paix et sécurité - Afrique (Zimbabwe)
|
Chine, Fédération de Russie
|
12 janvier 2007
|
S/2007/14
|
5619
|
Myanmar
|
Chine, Fédération de Russie
|
11 novembre 2006
|
S/2006/878
|
5565
|
La situation au Moyen-Orient, y compris la question de
Palestine
|
États-Unis
|
13 juillet 2006
|
S/2006/508
|
5488
|
La situation au Moyen-Orient, y compris la question de
Palestine
|
États-Unis
|
5 octobre 2004
|
S/2004/783
|
5051
|
La situation au Moyen-Orient, y compris la question de
Palestine
|
États-Unis
|
21 avril 2004
|
S/2004/313
|
4947
|
La situation à Chypre
|
Fédération de Russie
|
25 mars 2004
|
S/2004/240
|
4934
|
La situation au Moyen-Orient, y compris la question de
Palestine
|
États-Unis
|
14 octobre 2003
|
S/2003/980
|
4842
|
La situation au Moyen-Orient, y compris la question de
Palestine
|
États-Unis
|
16 septembre 2003
|
S/2003/891
|
4828
|
La situation au Moyen-Orient, y compris la question de
Palestine
|
États-Unis
|
20 décembre 2002
|
S/2002/1385
|
4681
|
La situation au Moyen-Orient, y compris la question de
Palestine
|
États-Unis
|
30 juin 2002
|
S/2002/712
|
4563
|
La situation en Bosnie-Herzégovine
|
États-Unis
|
14-15 décembre 2001
|
S/2001/1199
|
4438
|
La situation au Moyen-Orient, y compris la question de
Palestine
|
États-Unis
|
27-28 mars 2001
|
S/2001/270
|
4305
|
La situation au Moyen-Orient, y compris la question de
Palestine
|
États-Unis
|
25 février 1999
|
S/1999/201
|
3982
|
La situation dans l'ancienne République yougoslave de
Macédoine
|
Chine
|
21 mars 1997
|
S/1997/241
|
3756
|
La situation dans les territoires arabes occupés
|
États-Unis
|
7 mars 1997
|
S/1997/199
|
3747
|
La situation dans les territoires arabes occupés
|
États-Unis
|
10 janvier 1997
|
S/1997/18
|
3730
|
Amérique centrale : efforts de paix
|
Chine
|
17 mai 1995
|
S/1995/394
|
3538
|
La situation dans les territoires arabes occupés
|
États-Unis
|
2 décembre 1994
|
S/1994/1358
|
3475
|
La situation dans la République de
Bosnie-Herzégovine
|
Fédération de Russie
|
11 mai 1993
|
S/25693
|
3211
|
La situation à Chypre
|
Fédération de Russie
|
31 mai 1990
|
S/21326
|
2926
|
La situation dans les territoires arabes occupés
|
États-Unis
|
17 janvier 1990
|
S/21084
|
2905
|
Lettre datée du 3 janvier 1990, adressée au
Président du Conseil de sécurité par le Nicaragua
|
États-Unis
|
23 décembre 1989
|
S/21048
|
2902
|
La situation au Panama
|
États-Unis, France, Royaume-Uni
|
7 novembre 1989
|
S/20945/Rev.1
|
2889
|
La situation dans les territoires arabes occupés
|
États-Unis
|
9 juin 1989
|
S/20677
|
2867
|
La situation dans les territoires arabes occupés
|
États-Unis
|
17 février 1989
|
S/20463
|
2850
|
La situation dans les territoires arabes occupés
|
États-Unis
|
11 janvier 1989
|
S/20378
|
2841
|
Lettres datées du 4 janvier 1989, adressées
au Président du Conseil de sécurité par la Jamahiriya
arabe libyenne et le Bahreïn
|
États-Unis, France, Royaume-Uni
|
Notons que jamais les Etats-Unis, la France ou le Royaume-Uni
n'ont émis un veto commun avec la Chine et la Russie à cause de
la rivalité de leurs intérêts entretenue dans une tension
glaciale mais vivace. Cette situation traduit parfaitement l'état de
conflit ou d'antagonisme latent entre les grands décideurs des questions
se rapportant à la paix et la sécurité internationales. Ce
qui est, d'un côté, un danger permanent pour la stabilité
de l'ordre mondial ; et de l'autre, une chance pour la stabilité
pour autant que parfois, cela crée un certain équilibre.
En outre, on l'aura certainement remarqué, la
quasi-totalité de ces vetos émis aura moins hissé les
crises ciblées au faite de leur résorption que creuser davantage
l'abime du blocage des perspectives de leur règlement au moyen des
mécanismes du droit international ad hoc. La litanie
des vetos américains en rapport au conflit israélo-palestinien,
qui date de plusieurs décennies déjà sans voir une lueur
d'issue, en donne une illustration parfaite.
L'ONU, on ne le dira jamais assez, est née en 1945,
à l'initiative du Président Américain Franklin ROOSEVELT,
pour succéder à la SDN, dans un contexte d'après-guerre.
La Charte qui la créa désigne à son article 23 les cinq
membres permanents du Conseil, qui sont en fait les grands vainqueurs de
1945 : la Chine, les Etats-Unis, la France, la Grande Bretagne et la
Russie. Cette composition du Conseil de Sécurité ne
reflète plus les réalités actuelles de la
communauté mondiale162(*). Pourtant, force est de constater que l'ONU est
restée inchangée dans ses structures et ses modes de
fonctionnement depuis 50 ans, alors que le contexte international est fort
différent et que la donne géopolitique mondiale a
été bouleversée à la fin de guerre froide. Cette
constatation a grandement contribué à remettre en cause la
pertinence du droit de veto, dans son pourtour actuel de plus en plus en
décalage avec la réalité des relations internationales, et
la légitimité du conseil de sécurité 163(*) (paragraphe 1) tant
est vrai que la marque de l'anachronisme du portrait de sa composition influe
sur l'efficacité de ses instruments juridiques d'action (paragraphe
2).
Paragraphe 1. La remise en cause de la
légitimité du Conseil de Sécurité
Toute la flopée de vetos, exercés au Conseil de
Sécurité, ayant considérablement obstrué le
règlement, dans l'encadrement du droit international, de plusieurs
conflits et crises armées à géométrie
internationale alimente le débat sur la légitimité de
l'organe exécutif de l'ONU.
Sous la bannière du Chapitre VII de la Charte, le
Conseil de Sécurité est la seule instance internationale qui
puisse légaliser et légitimer le recours à la force
armée. Mais l'augmentation des interventions multinationales
menées sur autorité ou avec le blanc-seing du Conseil a
accentué l'idée que celui-ci n'était plus un passage
obligé pour les actions armées.
La principale critique concernant le Conseil de
Sécurité tient à sa composition qui repose sur un principe
d'efficacité mais n'assure pas une représentativité de la
communauté internationale. Le principe même du Conseil,
composé de membres permanents détenteurs d'un droit de veto est
directement issu de l'analyse faite par les Américains, les Britanniques
et les Soviétiques, des causes de l'échec de la SDN, et ce, avant
même la fin de la Seconde Guerre mondiale. Mais aujourd'hui, la
communauté internationale doit faire face à de nouveaux
défis, de nouveaux enjeux auxquels le Conseil n'est pas
préparé. En effet, sur fond de mondialisation, de nouveaux
acteurs non étatiques ont fait leur apparition sur la scène
internationale : ONG, multinationales, individus et, dans un autre
registre, les réseaux terroristes. En outre, le Conseil de
Sécurité n'a pas les moyens d'assurer l'exécution de ses
décisions, et l'effectivité des actions de l'ONU dépend en
définitive de la bonne volonté de ses membres164(*). Ce qui pose la
nécessité d'une reforme d'envergure de cet organe exécutif
de l'Organisation des Nations Unies.
L'organe central des Nations Unies est le Conseil de
Sécurité. La réforme doit donc en premier lieu s'attacher
à résoudre les lacunes et problèmes inhérents
à ce dernier. Toutefois, la réforme ne doit pas se contenter d'un
simple remaniement de la composition et des missions du Conseil, elle doit
également s'opérer en profondeur dans tout le système
onusien. La critique porte avant tout sur le nombre de membres du Conseil. Un
organe de 15 membres ne pourrait donner une image exacte de la
société internationale dans ses diverses composantes, il faudrait
donc en remanier la composition. Mais, au-delà de la composition, il
faudrait repenser le droit de veto, déterminant dans les orientations du
Conseil.
Depuis un peu plus d'une décennie, la France
mène une démarche qui entend militer pour la réforme du
droit de veto au Conseil de Sécurité en cas de « crimes
de masse » par l'entremise d'un code de conduite
général au Conseil de sécurité auquel seraient
soumis même les membres permanents. Et le non respect de ce code
entraînerait de plano iure la suspension de ce
droit165(*). En cas de
crimes de masse la France veut permettre d'éviter toute paralysie
à l'ONU afin de pouvoir agir dans le pays concerné. Cette
réforme a-t-elle des chances d'être adoptée ? Le
Président François HOLLANDE a tenté de relancer, le 25
septembre 2014, le débat sur la limitation du droit de veto des membres
permanents du Conseil de l'ONU en cas de « crimes de
masse ». Qu'impliquerait cette réforme ?
Une telle réforme impliquerait que des pays tels la
Chine ou la Russie, généralement hostiles à l'adoption
d'une résolution contraignante par le Conseil de Sécurité,
qui peut conduire à une action sans accord du gouvernement
concerné, renonceraient à ce droit de veto ne pourraient donc pas
empêcher une telle action. Quels types de « crimes »
seraient concernés ?
L'exemple le plus récent est bien entendu celui de la
Syrie dans la mesure où la Chine et la Russie ont opposé
plusieurs fois leur veto à des résolutions concernant ce pays.
Plus généralement, cette proposition s'inscrit
dans le fil du principe de la responsabilité de protéger,
consacré par l'ONU à plusieurs reprises166(*). Ce principe suppose qu'un
pays a le devoir de protéger sa propre population, faute de quoi
d'autres pays pourront le faire à sa place. Toute difficulté
réside cependant dans la définition de ce qu'est un
« crime de masse ». Quelle pourrait être cette
définition ?
Juridiquement, cette expression serait différente du
génocide ou du crime contre l'humanité dans la mesure où
il n'y a pas forcément intention génocidaire et puisqu'il n'y a
pas forcément de crime de masse dans un crime contre l'humanité.
Il s'agirait alors d'une définition politique et on ne peut pas imaginer
qu'un chiffre soit fixé à l'avance. En outre, de nombreuses
difficultés pourraient être rencontrées dans
l'ébauche d'une telle définition. Par exemple, une
opération telle que celle qui s'est déroulée
récemment à Gaza, entre juillet et août 2014,
baptisée « bordure protectrice »167(*), ne manquerait pas
d'être qualifiée à tort par certains membres de l'ONU comme
un crime de masse.
Il convient de considérer les deux termes
« crimes » et « masse ». Il s'agirait
d'actions commises délibérément contre les populations
civiles, ce qui n'est pas le cas des interventions militaires menées par
les pays occidentaux ; même si certains bombardements peuvent
conduire à la mort de populations civiles, ce n'est pas le but
recherché. Concernant le deuxième terme, il s'agit de
définir à partir de quel nombre on peut parler de crime de masse.
Quelques dizaines de personnes ne relèveraient pas forcément d'un
tel type de crime. A partir de plusieurs centaines, on serait assurément
dans ce que la France entend par ce terme, note Sybille De LAROCQUE. Dans
l'histoire récente, on peut citer des exemples allant de la Bosnie
jusqu'au Rwanda.
Une telle réforme du droit de veto pourrait-elle
être dangereuse ? Bruno TERTRAIS169(*) pense qu'une pareille entreprise ne porterait au
danger si les membres permanents renoncent de leur propre chef à ce
droit de veto, et s'ils gardent une certaine flexibilité pour
définir un crime de masse. Au contraire, poursuit-il, ce pourrait
être bénéfique pour les populations concernées.
Toutefois, conclut-il, cette proposition n'a sans doute aucune chance
d'être adoptée. Seuls les Etats-Unis et le Royaume-Uni semblent
prêter oreille aux propositions françaises de réforme, la
Russie et la Chine y demeurent farouchement opposées. Pourtant une
réforme de cette envergure requiert impérativement
l'unanimité des voix des cinq membres permanents au Conseil de
sécurité de l'ONU. Cette remise en cause de la
légitimité du Conseil de Sécurité est aussi
alimentée par son anachronisme qui, à en croire plusieurs
analystes de droit international, contribue aujourd'hui à
l'inefficacité de la machine onusienne toute entière170(*).
Paragraphe 2. De l'anachronisme de la composition du
Conseil de Sécurité à l'inefficacité du droit de
veto
Le Conseil de Sécurité et le droit de veto
paraissent aujourd'hui inefficaces parce qu'anachroniques. En effet, il y a
soixante-dix ans, les Nations unies ont été crées dans le
but de « préserver les générations futures du
fléau de la guerre ». Si l'on observe ce qu'il se passe dans
le monde aujourd'hui, le moins que l'on puisse dire est qu'elles n'ont pas
complètement atteint cet objectif. Du Nigéria à
l'Afghanistan et à l'Ukraine en passant par le Moyen-Orient, des
millions de personnes meurent de ce fléau ou en subissent une menace
imminente, et l'ONU, à travers le Conseil de Sécurité,
semble impuissante à les sauver171(*). Une grande partie du problème est
liée au fait que le Conseil de Sécurité, qui est
censé préserver la paix et la sécurité dans le
monde au nom de tous les Etats membres, n'impose plus le respect, que ce soit
assurément aux insurgés armés menant des opérations
transfrontalières, mais aussi aux propres membres de l'ONU.
Le droit de veto fut institué à l'époque
où la société internationale était
foncièrement bipolaire, en considérant la domination concurrente
du bloc occidental et du bloc soviétique, et/ou pluri-polaire si on
ajoute à la considération précédente des groupes
d'apparition sporadique à l'instar des Non alliés. Pourtant, le
paysage de la société international est devenu unipolaire
à la suite de l'effritement de l'URSS à l'aube de la
décennie 1990. L'unipolarité qui caractérise la
société internationale se traduit sur le plan juridique par les
initiatives prises par l'hyper-puissance américaine en vue e
façonner unilatéralement le contenu du droit international
à l'image de ses prétentions et d'y introduire de nouvelles
normes impératives172(*).
Dans le monde entier, et en particulier dans
l'hémisphère Sud, des personnes s'efforcent de comprendre
pourquoi, jusqu'en 2015, le Conseil est toujours dominé par les cinq
puissances qui ont remporté la Seconde Guerre mondiale. Elles sont de
plus en plus enclines à remettre en cause son autorité et la
légitimité de ses décisions. Les temps ont changé
depuis 1945 et le Conseil doit s'adapter.
Dans son rapport annuel de 2014, l'ONG Amnesty international
qualifie cette année de catastrophique pour les victimes civiles.
Soulignant notamment l'inefficacité de l'ONU, l'ONG appelle les membres
du Conseil de Sécurité « à renoncer à
leur droit de veto qu'ils ont rendu caduc par son usage prolixe et prolifique
tel un expédient hégémonique ».
Aujourd'hui, l'encadrement de l'usage du veto s'est
vidé de son sens originel. Le veto est utilisé intempestivement
et, bien souvent, à des fins plus partisanes et sectaires que visant
l'intérêt de toute la communauté mondiale173(*). Pourtant, le veto n'avait
pas été conçu tel un privilège, ni même un
droit. Il correspond au compromis trouvé pour que les membres permanents
entrent dans le jeu de la sécurité collective. Cette
prérogative implique des devoirs. A l'inverse, son abus mine les
fondements du pacte de 1945 accepté par tous à travers la Charte
des Nations Unies. Et Clément ATTLEE, Premier ministre du Royaume-Uni de
1945 à 1951, le rappelait en revenant sur la rédaction de la
Charte en 1945 : « À San Francisco, nous
considérions tous le droit de veto comme quelque chose dont il ne serait
fait usage en dernier ressort que dans des cas exceptionnels où les
grandes puissances pourraient se trouver en conflit. Nous ne l'avons jamais
conçu comme un expédient dont il serait fait constamment usage
toutes les fois qu'une puissance déterminée ne serait pas
complètement d'accord avec les autres », s'indignait-il.
Expression éloquente des limites et obstacles à
l'efficacité du Conseil de Sécurité, cet usage
récurrent et même récursif finit par vendre l'image d'une
« banalisation » de la force du droit de veto dans le
règlement des différends internationaux et relance le
débat sur la nécessité d'actualiser les mécanismes
de fonctionnement du Conseil de Sécurité onusien. Pour sortir de
bourbier, la France, elle-même victime plusieurs fois du blocage des
vetos russe et chinois contre ses projets de résolution174(*), propose notamment
l'adoption d'un code de conduite pour l'encadrement de l'usage du veto est
ainsi plus que jamais d'actualité. Ce code de conduite consisterait en
un accord des cinq membres permanents (P5) pour s'abstenir de recourir au veto
dans les situations d'atrocités de masse. Il s'appliquerait lorsque sont
commis des crimes de génocide, des crimes contre l'humanité ou
des crimes de guerre sur une grande échelle. Quoique salué par un
très grand nombre d'Etats qui y voient une lueur de garantie contre
l'arbit175(*)raire et
les iniquités du système international, la certitude de
l'unanimité des membres permanents du Conseil pour son adoption est loin
d'être acquise.
Quoiqu'il en soit, les mécanismes d'action et de
décision du Conseil de Sécurité, éreintés,
ont dévoilé leurs limites à résoudre de nouvelles
formes de conflit d'après la Guerre froide. Il s'agit des conflits qui
se caractérisent notamment par leur nature intra-étatique, la
diversité des acteurs qui y participent, le type de violence
mobilisée, qui n'est pas nécessairement la violence classique,
l'inadéquation des modes de résolution employés, etc.
D'où la nécessité de définir des modes
appropriés de résolution des crises contemporaines en
opérant un réajustement rationnel de ceux existant, dont le droit
de veto. Un tel exercice, on le voit, tient à déblayer la voie de
la pose des pistes de solution devant permettre de surmonter l'étiquette
de « blocage du règlement des conflits » qui se
greffe à la substance du droit de veto au Conseil de
Sécurité onusien.
CHAPITRE 3. QUELQUES PERSPECTIVES D'ISSUE DU BLOCAGE
TERNISSANT LE DROIT DE VETO
L'urgence et la nécessité de réformer au
fond le Conseil de Sécurité en vue de le rendre plus apte
à faire face aux réalités nouvelles d'un monde en
mutation, où la paix et la sécurité internationales
doivent faire face à des embuches d'apparition tout aussi
récente, ne sont plus à prouver. Au rebond de cette fresque et
conscientes de cette réalité, plusieurs considérations
doctrinales préconisant des voies de sortie de ce bourbier ont
émergé non sans controverses bouillantes. Et dans le sillage de
ces diverses opinions prend corps notre considération mieux notre
conception pour dégager la machine onusienne de l'étreinte que le
droit de veto fait subir au règlement des conflits armés. Il
s'agit d'une piste de solution à double manche, l'une se rapportant
à un pèlerinage rationnel doublé d'une démarche de
réflexion sur le caractère impérieux du recadrage à
opérer dans le chef du patrimoine des mécanismes juridiques
d'action et de décision du Conseil de Sécurité
(première section) et l'autre, propose d'aller vers un
dépassement de la règle rigide de l'unanimité, aujourd'hui
lacunaire, qui caractérise le procédé juridique du veto
pour l'instauration de la majorité qualifiée des voix des membres
permanents du Conseil de Sécurité (deuxième
section).
SECTION 1. RÉFLEXIONS SUR LA
NÉCESSITÉ DE LA RÉFORME DU CONSEIL DE
SÉCURITÉ DE L'ONU
Souvent qualifiée de « tigre de
papier », l'ONU apparaît désormais comme une instance
internationale dépassée par ses ambitions et par les Etats qui la
composent176(*).
L'organisation est peu à peu tombée en désuétude,
se révélant inefficace dans la sauvegarde de la paix et la
sécurité internationales, cela encore plus depuis la rupture de
l'ordre bipolaire dans les années 1990. Aussi, depuis quelques
décennies, les maux qui rongent l'ONU se sont-ils
proliférés : l'ONU est très dépendante de ses
membres, ses décisions restent tout aussi soumises aux Etats membres et
ses opérations tributaires de moyens accordés par ceux-ci si bien
que le thème de la réforme de l'ONU est à l'ordre du jour
depuis plus de dix ans, sans pour autant arriver à s'imposer, les
divergences sur la question étant trop importantes177(*).
Néanmoins, la question de la réforme de l'ONU se
pose des toutes façons car il serait insupportable de n'avoir le choix
qu'entre le statu quo avec toutes ses insuffisances et
l'unilatéralisme. D'où la nécessité d'une
réforme rapide du Conseil de Conseil de Sécurité et de son
élargissement afin d'accroître sa représentativité,
son efficacité et sa légitimité aux yeux de tous dans le
monde ». Cette réforme se veut d'autant plus nécessaire
que l'obsolescence des Nations Unies exige de redéfinir un
système de sécurité mondiale178(*).
En effet, au cours des dix dernières années,
l'ONU a été de plus en plus discréditée, son
impuissance révélée au grand jour à chaque nouvelle
crise. Les fondements mêmes de l'organisation sont aujourd'hui
désuets et l'ONU est trop dépendante de ses membres pour
être efficace. A titre illustratif, l'article 23 de la Charte
désigne les cinq membres permanents du Conseil de
Sécurité, qui sont en fait les grands vainqueurs de 1945 :
la Chine, les Etats-Unis, la France, le Royaume-Uni179(*) et la Russie. Pourtant,
cette composition du Conseil ne reflète plus les réalités
actuelles de la communauté mondiale. Mais force est de constater que
l'ONU est restée inchangée dans ses structures et ses modes de
fonctionnement depuis 50 ans, alors que le contexte international est fort
différent et que la donne géopolitique mondiale a
été bouleversée à la fin de la guerre froide.
Eu égard à cette multiplicité d'entraves,
la réforme du Conseil de Sécurité onusien doit s'inscrire
dans le sens de la définition d'un nouveau système de
sécurité mondiale. Ce nouveau système devra se charger
d'atténuer à défaut de transcender la suprématie
américaine aux Nations Unies. En effet, l'un des défis majeurs
pour l'ONU depuis la guerre froide consiste à contenir la puissance
américaine sans se l'aliéner. Un tel réaménagement
systémique requiert préalablement une harmonisation des
conceptions du rôle qui revient à l'ONU. Celles-ci se rapportent
à deux principales visions : la conception
hégémonique américaine et celle démocratique
européenne. La première se fonde sur l'idée que les
Etats-Unis ont réussi à mettre l'organisation au service de leur
politique et du relai de leur idéologie mondiale. Et la seconde,
jugée plus démocratique, plus coopérative et plus
respectueuse de la souveraineté de chaque Etat180(*), tendrait, à ce
titre, à une redistribution des richesses entre les peuples. Il serait
ainsi nécessaire, relève Serge SUR181(*), d'opérer un
rapprochement entre ces deux conceptions avant d'envisager une réforme
organique de l'ONU. La réforme ainsi perçue procède, avant
tout, d'un côté de la formulation d'un portrait des
modalités, adéquates et adaptées aux contraintes de
l'heure, chargées d'environner et de conditionner l'utilisation du droit
de veto (paragraphe 1); et de l'autre, de la perspective d'un
étirement des sièges permanents au Conseil de
Sécurité onusien jusque-là sujette à caution
(paragraphe 2).
Paragraphe 1. La nécessaire définition des
conditions d'exclusion du recours au droit de veto et des circonstances de son
usage obligatoire
L'illustration analytique des dessous des cartes de la Guerre
du Golf au début des années 1990 va permettre d'étayer le
caractère impérieux de la détermination de la
catégorie thématique ou des dispositions préalables
à l'exercice du veto au Conseil de Sécurité de l'ONU. Et
l'examen des méandres du drame humain ancré dans le
génocide des Tutsi du Rwanda lèvera le voile sur
l'impératif de fixation des conditions d'exclusion de l'exercice du veto
en présence des tragédies de ce genre qui sont antinomiques avec
la mission du maintien de la paix mondiale et de la promotion de la
sécurité internationale, but ultime du Conseil.
Ainsi, dans l'histoire des résolutions adoptées
au Conseil de Sécurité, il apparait que nombreuses d'entre elles
se sont détournées de leurs esprit et but initiaux. Pour s'en
rendre compte, il n'est pas inutile de faire le tour d'horizon de la
résolution 678 adoptée par le Conseil de Sécurité
le 29 novembre 1990, dans une série de résolutions visant
à libérer le Koweït de l'occupation irakienne, en
application du chapitre VII de la Charte, qui autorise pour la première
fois un groupe d'Etats à recourir à la force contre un Etat
membre pour le contraindre à respecter les décisions du Conseil.
L'examen des conditions d'adoption de la résolution 678 et de ses
implications sociopolitiques permet de comprendre comment et pourquoi les
objectifs définis dans ladite résolution furent
dévoyés. En effet, l'objectif recherché par le Conseil de
Sécurité en adoptant cette résolution et celles qui la
précédait sur le conflit du Golfe était de libérer
le Koweït, et donc de mettre fin à l'agression irakienne. Mais
comme le fait remarquer à juste titre Ignacio
RAMONET, « à peine les hostilités engagées,
cet objectif unique et clair -le seul légitime d'ailleurs- fut pourtant
relégué au second plan et remplacé, au nom de
prétendus impératifs militaires, par deux autres : le
renversement du régime de Saddam HUSSEIN et destruction de
l'Irak182(*) ». Comme l'avait observé le
Président des Etats-Unis le 17 janvier 1991, l'action du Conseil avait
pour but de faciliter la construction d'un nouvel ordre mondial, « un
monde où le droit et non la loi de la jungle, gouvernera la conduite des
Nations »183(*).
La noble mission ainsi définie découlant du
droit élaboré par le Conseil dans les douze résolutions
adoptées sur la question, et que toutes les nations se devaient de faire
appliquer. Mais en fait l'autorisation accordée par l'ONU a servi de
prétexte à certains Etats pour réaliser d'autres buts de
guerre conçus dès le 2 août 1990184(*), à tel point que l'on
peut s'interroger, avec Richard FALK, sur le degré d'autonomie de l'ONU
par rapport aux Etats-Unis, sa crédibilité, sa
fidélité à sa propre Charte et aux fins de justice et de
paix pour lesquelles elle a été créée185(*).
La mobilisation générale observée
à l'ONU, et notamment au Conseil de Sécurité, avant le
lancement de l'opération « Tempête du
désert »186(*), avait théoriquement pour but de garantir le
respect du droit. « La France, avait déclaré le
Président MITTERRAND, ne poursuit pas d'autres objectifs que ceux
définis avec précision par le Conseil de sécurité,
et d'abord, la libération du Koweït. Le Président
Américain George BUSH devait renchérir le 17 janvier en
précisant que « notre but n'est pas la conquête de
l'Irak, c'est la libération du Koweït »187(*).
Trois jours après le déclenchement des
bombardements alliés sur l'Irak, d'autres buts de guerre, sensiblement
différents de ceux de l'ONU, ont été définis par
les responsables des pays membres de la coalition, sans consultation avec
l'Organisation et en violation du mandat reçu : dès le 19
janvier, les autorités américaines déclaraient que
« l'Irak doit être détruit militairement,
indépendamment du fait qu'il se retire du
Koweït »188(*). Dans son discours sur l'état de l'Union, le
Président des Etats-Unis réaffirmait que son pays cherchait
à « détruire la capacité de l'Irak à
soutenir une guerre » et à l'occasion d'une rencontre avec la
presse, le Président de la République française admit
« qu'il faut naturellement détruire le potentiel
militaro-industriel de l'Irak »189(*).
Au lendemain du déclenchement des hostilités,
l'objectif fixé par la Maison Blanche n'était plus le respect du
droit international et des résolutions de l'ONU, mais la destruction des
« infrastructures militaires, des usines d'armements, de sites de
missiles et autant de tanks, d'avions et de pièces d'artillerie que
possible »...afin « de rendre ce pays incapable de projeter
sa force au-delà des frontières dans les prochaines
années »190(*).
On le voit, il y a là un détournement manifeste
des buts de l'action, pourtant autorisée par l'ONU, au profit des
objectifs de politique étrangère d'un seul pays puissant et de
ses alliés. L'usage excessif et démesuré de force brute
effectué dans le Golfe par les Etats-Unis visait en fait sous couvert de
la défense du droit international, à écraser l'Irak et
à asseoir le rôle futur de l'Amérique dans le monde.
C'est ce que confirmaient clairement les propos du
Secrétaire à la défense de ce pays de
l'époque :
« Nous pensons que les Etats-Unis ont des exigences
durables. Nous devons maintenir notre capacité à contrôler
les océans du monde, à remplir nos engagements en Europe et dans
le Pacifique, à être capables de déployer des forces, que
ce soit en Asie du Sud-ouest ou au Panama, pour faire face aux imprévus
afin de défendre les vies et les intérêts
américains »191(*).
De plus, on ne saurait être plus clair sur le sens
à donner à l'impressionnante démonstration des forces qui
eut lieu dans le Golfe ; il s'agit comme le souligne Ignacio RAMONET
« d'un message d'ambition
hégémonique »192(*). C'est d'ailleurs ce qui expliquait, selon l'Amiral
SANGUINETTI, qu'au prétexte de limiter les pertes
américaines, les militaires ont poursuivi, pendant plus d'un mois, et au
risque d'un anéantissement de l'Irak, une campagne de bombardements
dévastateurs, quand la libération du Koweït suggérait
l'application, d'emblée, de la doctrine « Air Land
Battle », une guerre moins coûteuse193(*).
Tout porte à croire, et les analyses ci-dessus ont pu
le démontrer certes, que certaines guerres peuvent être
instrumentalisées par la volonté cachée de neutraliser et
de défaire une puissance jugée hostile et menaçant les
intérêts de l'Etat qui l'attaque. A travers la guerre du Golfe par
exemple, les Etats-Unis, autoproclamés gendarme international, ont
démontré qu'ils demeurent prêts à défaire -
et non à négocier - toute puissance du Tiers-Monde susceptible de
menacer les intérêts américains, de modifier son paysage
stratégique ou de remettre en question l'ordre établi. Ainsi,
devant un tel spectre d'arbitraire qui est un danger pour l'ordre et la
légalité internationale, nous estimons qu'il convient de limiter
le cadre thématique d'exercice du droit de veto afin que de telles
interventions manipulées et taillées sur mesure ne puissent avoir
d'aval international. Cette définition des conditions d'exclusion de
l'usage du veto en face de certaines crises particulières devrait
s'accompagner des sanctions à infliger au titulaire du droit de veto qui
se plierait à cette restriction. Une intervention, dans le cadre du
droit international, qui ne viserait pas le maintien de la paix et la
sécurité internationales - mais rechercherait la défense
de l'intérêt national et de la puissance particulière d'un
Etat ou d'un groupe d'Etats seulement- mérite d'être annihiler par
le veto. Les titulaires de ceux-ci devraient mêmes être
obligés d'en faire usage devant une situation de ce genre au nom du bon
sens et de leurs engagements internationaux....
Par contre, le veto ne devrait être brandi à une
initiative d'intervention visant à voler au secours aux populations
victimes sans défense de la guerre ou à mettre fin à une
crise humanitaire194(*)
régionale ou à mettre fin à un conflit militaire aux
consonances contagieuses ou encore à soutenir l'action de la
majorité du peuple contre un régime prédateur et
meurtrier. Pourtant, dans le cas de certaines tragédies prototypiques
tel le génocide des Tutsi du Rwanda, pire qu'un veto opposé,
le Conseil de Sécurité de l'ONU s'en est rendu complice par
son silence et son inertie incompréhensible195(*).
En effet, d'avril à juillet 1994, le Rwanda a
été le théâtre d'un génocide qui a
emporté la quasi-totalité des membres du groupe ethnique Tutsi
vivant dans ce pays en 1994. On n'a pu vraiment comprendre comment ce
génocide a pu longuement se préparer et se consommer avec la
présence au Rwanda des casques bleus de l'ONU, censés être
des soldats de la paix, sans la moindre intervention, ni pour le
prévenir, ni pour l'arrêter. Pire, lorsque le génocide
commence dans la nuit du 6 au 7 avril 1994, l'ONU qui disposait au Rwanda d'une
force de 2500 hommes dans ce qui était la Mission des Nations-Unies pour
l'Assistance au Rwanda196(*) (MINUAR), n'a pas voulu adapter le mandat de cette
force aux nouvelles circonstances et d'en augmenter le nombre. Au contraire, le
Conseil de Sécurité s'est hâté de mettre à
l'abri ses militaires, abandonnant les victimes à la merci de leurs
bourreaux197(*).
Dans ce climat sociopolitique très bouillant et
controversé, la MINUAR envoya sur rapport pour demander l'autorisation
de procéder des dispositions préventives et des
équipements efficaces pour faire face à la situation. Dans cette
atmosphère troublée, l'attentat du 6 avril 1994198(*), non élucidé,
fut l'occasion de déclencher le massacre des responsables
démocrates Hutu favorables aux accords d'Arusha199(*), et simultanément le
génocide des Tutsi. Dix casques bleus belges de la MINUAR furent
massacrés par la garde présidentielle rwandaise dès le 7
avril 1994. Les « résolutions » prises par le
Conseil de Sécurité de l'ONU du 21 avril 1994 au 22 juin 1994
furent très controversées et donnèrent lieu à ce
que les rescapés du génocide, et de nombreux analystes,
appelèrent « l'abandon (ou la lâcheté) de la
communauté internationale ».
Quoiqu'il en soit, les Nations Unies ressentent toujours, 20
ans après le génocide, la « honte de ne pas avoir
empêché les massacres de 1994 au Rwanda »200(*). S'illustrant par sa
passivité, le Conseil de Sécurité, recroquevillé
sur les intérêts de grandes puissances qui ne jugèrent
guère utile d'intervenir au Rwanda, souffre toujours de l'imputation
d'un silence coupable. Bien pire que l'exercice d'un veto, aucun Etat membre au
Conseil de Sécurité n'eut le courage de porter à la table
de celle-ci un projet de résolution chargé de régler cette
crise et de contribuer, de ce fait, au maintien de la paix internationale tant
vantée. Tant d'obstacles qui enchevêtrent, dans une
fréquence tout aussi considérable, la résorption par le
truchement onusien de nombreuses crises dans le monde et paralyse au même
moment la perspective d'un élargissement des sièges permanents au
Conseil de Sécurité.
Paragraphe 2. L'extension des sièges permanents
à l'épreuve des obstacles à l'option de nouveaux
critères unanimes d'attribution du droit de veto
L'ouverture du Conseil à de nouveaux membres permanents
est une voie de solution qui nourrit de plus en plus les débats
doctrinaux dans le sens de renforcer l'harmonie de la communauté
internationale dans un climat de paix et sécurité communes. Tout
le monde ou presque réclame un élargissement du Conseil de
Sécurité pour inclure de nouveaux membres permanents. Cependant,
depuis des décennies, les Etats sont incapables de se mettre d'accord
sur le choix de ces nouveaux membres ou de décider si, à l'instar
des membres existants, les nouveaux membres doivent avoir le droit d'opposer
leur veto aux accords conclus par les autres membres. Autant dire que cette
proposition n'émerge pas sans entorses. Nous étudierons ici les
entorses d'ordre politique et celles du rang juridique.
Politiquement, les cinq Etats membres permanents du Conseil de
Sécurité et, partant, gendarmes du monde, voient très mal
l'éventuelle réalisation d'un tel étirement qui, les
plaçant dans une concurrence avec d'autres Etats
« vautours »201(*), non seulement leur ôterait leur mainmise sur
le cours des événements mais émousserait aussi la
prépondérance de leur puissance internationale du fait de la
rivalité à venir. En effet, le Professeur Michel-Cyr DJIENE
WEMBOU202(*) note que
les cinq puissances occidentales victorieuses de la Seconde Guerre mondiale
n'ont cessé d'être animées par une perception de
« tacite réticence » et de méfiance
mesurée à l'égard de leurs anciens ennemis de Guerre
autrefois baptisés « puissances de l'Axe » toujours
vus tels habités par le virus de la traitrise, réticence et
méfiance alimentées par la peur justifiée de les voir
tramer à tout moment un guet-apens de guerre nouvelle contre leurs
intérêts. Un tel état d'esprit ne saurait concourir
à une ouverture du Conseil de Sécurité à d'autres
membres permanents. D'ailleurs, le Japon et l'Allemagne, pressentis comme
candidats sérieux à l'intégration du Conseil dans
l'hypothèse de son ouverture à d'autres membres permanents,
figurent en avant-plan de la liste noire où l'on classe des Etats
considérés comme traitres tels que le sont les vautours dans le
monde animal. Aussi, poursuit-il, l'un de plus grands regrets de la France
aujourd'hui est d'avoir scellé en 1984 la réconciliation avec
l'Allemagne qui a su en tirer profit jusqu'à devenir aujourd'hui la
première puissance économique et, donc maitresse, de l'Union
européenne dont toutes les orientations et décisions majeures
nécessitent son quitus.
Fortement diminuée par cette place de seconde zone dans
l'UE, la France n'envisage pas de laisser derechef à l'Allemagne la
possibilité de lui damer le pion au Conseil de Sécurité de
l'ONU où le droit de veto reste l'unique chaire où elle peut lui
exercer la pression. Le droit de veto reste à ce jour la seule arme de
contrepoids dont dispose la France vis-à-vis de l'Allemagne qui lui a
déjà raflé la primauté et le leadership au sein des
institutions de l'Union européenne. Il demeure pour ainsi dire autant
l'unique et ultime levier d'influence qu'a la France pour infléchir les
positions de l'Allemagne jugées outrancières et la contraindre au
dialogue ou à la négociation que le garde-fou le plus efficace
contre les tendances de celle-ci à rééditer son
zèle belliqueux international qui l'amena à déclencher, en
l'espace d'une vingtaine d'année seulement, les deux Guerres
mondiales.
Dans cette optique, l'extension du droit de veto à
d'autres Etats devient une menace à la paix et la sécurité
internationales chèrement acquises et qui se situent au coeur de toute
la mécanique des Nations Unies ; et le statu quo, un gage
incontournable de la paix et la stabilité mondiales.
En revanche, le pilier d'entorses juridiques se
réfère aux difficultés de taille sur la définition
des critères d'attribution des sièges permanents qui pourraient
être créés203(*).
Les cinq membres permanents ne représentant
évidemment plus à eux seuls le monde de 2015, l'impératif
de repenser la composition du Conseil de Sécurité dans le sens de
la création de nouveaux sièges permanents ou de la recherche de
nouveaux membres permanents vaut son pesant d'or. Mais sur quels
critères les choisir et dans quelles limites ? Les Etats les plus
peuplés ? Les plus grands ? Les plus capables? Les plus
démocratiques ? Les plus riches ? Ou bien faudra-t-il tenir
compte d'autres variables telle la fréquence de contribution des Etats
candidats, par leurs actions et décisions, au maintien de la paix et la
sécurité tant régionales que mondiales, leur
étendue géographique ou le capital de leurs ressources ?
Tant de données qui divisent les points de vue, encore
que la détention du droit de veto rime avec l'attribution aux Etats
titulaires de ce droit des responsabilités et obligations de plus en
plus lourdes sur la scène internationale consistant notamment à
imprégner celle-ci de l'empreinte d'une paix constante et d'une
sécurité tout aussi stable, et à tirer de la fosse de
déliquescence les Etats de toutes les régions du monde assaillis
par les catastrophes socio-humanitaires et autres crises insurmontables. En
effet, les Etats membres permanents au Conseil de Sécurité, et,
partant, titulaires du droit de veto, sont les plus grands contributeurs au
budget de l'ONU et de principales institutions internationales
gouvernementales. En outre, lorsqu'une crise humanitaire, tel un tsunami ou une
épidémie de haute envergure, surgit quelque part, toutes les
mains sont tendues à ces dernières, toutes les voix les appellent
à intervenir diligemment et le premier réflexe des
autorités étatiques faisant face à cette tornade
événementielle « irréversible » est de
s'en remettre aux grandes puissances mondiales qui se trouvent être en
même temps membres permanents du Conseil de Sécurité
onusien. Elles n'hésitent pas de les appeler de tous leurs voeux
à leur voler au secours, un peu comme si ces grandes puissances avaient
l'obligation conventionnelle de résoudre toutes les grandes crises
mondiales, en droit international. En cas de crise politique de haute
portée - tel un conflit postélectoral découlant d'une
contestation des résultats pouvant conduire à une guerre civile
ou une rébellion - éclatant ici et là, les
révolutionnaires, les putschistes ou les nouveaux maîtres du jeu
se hâtent d'engager les tractations de nature à solliciter la
reconnaissance de leur régime ou l'approbation de leur
légitimité par les grandes puissances pour assurer la
longévité à leur pouvoir. Il suffit, pour s'en convaincre,
de constater l'empressement avec lequel ceux-ci se tournent vers
celles-là lorsque de telles bourrasques les submergent.
Les Etats qui prétendent aujourd'hui au statut de
membres permanents au Conseil de Sécurité avec droit de veto,
sont-ils capables d'assumer toutes les obligations de conscience, charges et
autres responsabilités incombant au rang de leur aspiration?
Seraient-ils à la hauteur du rôle régulateur des
distorsions et fluctuations qui écument la sphère
internationale ? Sans doute devraient-ils, tout compte fait, y penser
sérieusement.
D'autres auteurs, à l'instar de Linos-Alexandre
SICILIANOS204(*) et
Richard PERLE,205(*)
estiment que l'idée de l'extension de nouveaux membres permanents (non
vainqueurs de la Guerre) au Conseil de Sécurité semble
inconcevable, au stade actuel, et n'irait pas sans porter un choc
catastrophique à la structure de la mécanique de tout le
système international, parce que les Etats victorieux de la Seconde
Guerre mondiale ne laisseraient nullement d'autres Etats venir leur damer le
pion dans ce qu'ils considèrent comme un acquis de gestion et de
régulation du jeu qui rythme les méandres du système
international, acquis symbolisant le prix de leur triomphe sur les puissances
de l'Axe. Et parce que cette hypothèse aboutirait inéluctablement
à l'établissement d'un nouvel ordre mondial qui postule la
soumission de grandes puissances actuelles à un nouveau guide.
Fonctionnant suivant un ordre monarchique fondé sur une
certaine aristocratie - des 5 membres permanents -, le Conseil de
Sécurité se veut l'organe principal de l'ONU chargé de
maintenir l'ordre et la stabilité internationaux aux antipodes de la loi
du plus fort. C'est pourquoi Hubert VEDRINE206(*) considère que sa refonte dans le sens de
l'extension des sièges permanents conduirait inexorablement à la
« Troisième Guerre mondiale » parce que
l'équilibre des forces s'en trouverait décongelé
et la communauté internationale serait désormais fondée
sur la directive des Vainqueurs de la supposée Guerre qui
définirait une nouvelle configuration de puissance, pourvu que ceux-ci
soient d'autres Etats que ceux siégeant aujourd'hui en permanence au
Conseil de Sécurité.
Il semble qu'un certain consensus se soit dégagé
pour que l'Allemagne et le Japon acquièrent la qualité de membres
permanents du Conseil de Sécurité, à une réserve
près, celle des pays en développement qui sont peu enclins
à creuser le déséquilibre au profit des pays
industrialisés207(*). Le poids de l'Allemagne sur la scène
internationale ne fait plus l'ombre d'un doute. Il suffit de constater le
rôle incontournable qu'elle joue dans la résolution des conflits
et dans les négociations sur les grandes questions de
sécurité internationale. En effet, les puissances membres
permanents du Conseil de Sécurité, garants
privilégiés de la préservation de la paix et la
sécurité internationales, se voient aujourd'hui obligées
de l'associer aux discussions visant le règlement des conflits
armés dans le monde et ce, sans pour autant qu'elle soit membre
permanent du Conseil. Les représentants du gouvernement allemand sont
présents, au titre de médiateurs, aussi bien aux discussions de
Lausanne entre les grandes puissances, constituées au sein du
groupe des 5+1208(*), et les membres du régime iranien sur
l'abandon du développement du programme nucléaire iranien en
contrepartie d'un relâchement des sanctions internationales qu'aux
pourparlers des accords de Minsk sur la résolution de la crise
ukrainienne entre le régime de Kiev209(*) et les rebelles séparatistes dits
« pro russes »210(*).
Une autre tendance de la communauté internationale
soutient plutôt l'idée de l'intégration des Etats
émergents faisant partie de la plate-forme dite
« BRICS211(*) » à la composition du Conseil de
Sécurité en faveur de l'élargissement des sièges
permanents eu égard d'une part à la vitalité de leurs PIB
et PNB qui, additionnées, transcendent le capital économique des
Etats-Unis d'Amérique et, d'autre part, à l'ampleur des efforts
démocratiques considérables conjugués par la plupart
d'entre eux en vue de la consolidation de l'Etat de droit et de la bonne
gouvernance. Les BRICS ont également la vertu d'incarner une
représentativité géographique suffisamment probante de
chacune de principales régions du monde. Au demeurant, il serait donc
judicieux, souligne Géraldine LHOMMEAU212(*), de créer également trois nouveaux
sièges de membres permanents attribués à trois grands
ensembles géographiques en voie de développement :
l'Afrique, l'Asie et l'Amérique Latine. Il reste cependant à
identifier les Etats qui pourraient représenter ces ensembles.
Tout compte fait, l'élargissement du Conseil de
Sécurité de l'ONU est un sujet à l'ordre du jour depuis
très longtemps. Il s'agit plus précisément
d'accroître le nombre de membres permanents puisque le nombre de membres
non-permanents a déjà augmenté au cours de
l'histoire213(*). C'est
un débat qui a, à l'instar de celui sur la limitation du droit de
veto des membres permanents du Conseil de Sécurité de l'ONU en
cas de « crimes de masse », très peu de chances
d'aboutir dans la mesure où le reste de la communauté n'arrive
pas à s'entendre sur l'identité des pays qui pourraient rejoindre
le Conseil de Sécurité en tant que membres permanents214(*).
Ainsi, dans le schéma politique international actuel,
les Etats qui auraient la plus forte légitimité de rejoindre ce
Conseil de Sécurité sont ceux qui combinent plusieurs
critères. D'abord « leur importance économique puis
leur disposition à participer activement, à la fois
financièrement et militairement, au système de maintien de la
paix, qui est la raison pour laquelle le Conseil de Sécurité a
été créé »215(*). A partir de là, on
peut imaginer que des pays tels que l'Allemagne, le Japon et l'Inde seraient
particulièrement légitimes pour devenir membres permanents.
Cependant, ce Conseil élargi ne verra sans doute jamais le jour, estime
la quasi-totalité d'experts et auteurs, notamment parce que certains des
membres permanents ne veulent pas voir leurs rivaux accéder au Conseil.
Pour la Chine, par exemple, l'accession de l'Inde ou du Japon n'est pas
concevable. Et les Etats-Unis, la France et le Royaume-Uni voient en un
éventuel accès au Conseil par l'Allemagne un cautionnement
international de la Shoa et une exposition à la menace d'une
« Troisième Guerre mondiale »216(*).
Conscient de ces difficultés à relever la pente
de ces discordes afin de renforcer l'efficacité du Conseil de
Sécurité au regard des objectifs lui assignés par la
Charte des Nations Unies, Kofi ANNAN217(*), qui fut Secrétaire général des
Nations Unies de 1997 à 2006 puis médiateur de l'ONU et de la
Ligue arabe en Syrie de février à août 2012, met en avant
quatre propositions assez pertinentes qui rejoignent à pic les pistes de
solution que nous préconisons pour rendre l'ONU plus forte et plus
efficace.
Il s'agit en premier lieu d'une idée visant à
sortir de cette impasse. Au lieu de nouveaux membres permanents, il convient
d'adopter une nouvelle catégorie de membres ayant un mandat bien plus
long que celui des membres non permanents et qui seraient éligibles
à une réélection immédiate. Autrement dit, ils
seraient « permanents », à condition de conserver la
confiance des autres Etats membres. Ne serait-ce pas plus
démocratique ?
En second lieu se trouve l'appel lancé aux cinq membres
permanents actuels à prendre un engagement solennel consistant
à ne plus laisser leurs désaccords déboucher sur une
absence d'action du Conseil, qui plus est lorsque les populations sont
menacées de crimes atroces, comme c'est le cas actuellement en Syrie.
Les cinq membres permanents devraient s'engager en outre à ne jamais
utiliser leur veto simplement pour défendre leurs intérêts
nationaux, mais uniquement lorsqu'ils craignent sincèrement que l'action
proposée soit plus néfaste que bénéfique pour la
paix dans le monde et les populations concernées. Dans ce cas, ils
devront expliquer pleinement et clairement la solution alternative qu'ils
proposent, comme moyen plus crédible et plus efficace de protéger
les victimes. Que l'idéal du consensus passe au devant des
intérêts partisans.
En troisième lieu, nous proposons, en accord avec Kofi
ANNAN, que le Conseil puisse écouter plus attentivement ceux qui sont
touchés par ses décisions. Plutôt que de décider
derrière des portes closes, sans écouter ceux qui sont
directement affectés par leurs décisions, les membres permanents
et le Conseil entier devraient donner aux groupes représentant les
populations dans les zones de conflit une réelle possibilité
d'apporter des informations et d'influencer leurs décisions.
En dernier lieu figure l'idée suivant laquelle le
Conseil et, en particulier, ses membres permanents devraient s'assurer que
l'ONU désigne le type de chef dont elle a besoin.
Quoi qu'il en soit, la nécessité d'opérer
un réaménagement adéquat au Conseil de
Sécurité, précisément dans l'optique d'assouplir la
rigide condition de l'unanimité des voix des membres permanents pour
l'adoption des décisions majeures, est aujourd'hui une aspiration
universellement indéniable218(*).
SECTION 2. VERS UN DÉPASSEMENT DE
L'UNANIMITÉ POUR L'ÉTABLISSEMENT DE LA MAJORITÉ
QUALIFIÉE DES VOIX DES MEMBRES PERMANENTS
L'observation concrète des faits et du comportement
des Etats au sein des organes politiques de l'ONU, notamment ceux qui sont
impliqués dans l'élaboration du droit international,
révèle qu'au-delà des procédures prescrites, le s
traits dominants du processus normatif demeurent la prépondérance
de la souveraineté, l'hypocrisie des Etats et une acceptation
calculatrice de la notion de communauté internationale avec ses
ambiguïtés.
Tout au long du processus d'élaboration des normes
internationales, les organes politiques de l'ONU doivent faire face à de
nombreuses difficultés qui sont créées par les Etats dans
le but d'orienter la production normative en fonction de leurs
intérêts nationaux. Comme l'a si bien démontré le
Professeur VIRALLY, « L'intérêt politique, tel qu'il
est conçu par celui qui s'en prévaut, dirige de façon
souvent tyrannique, le comportement des Etats, c'est-à-dire les
gouvernements qui agissent pour leur compte »219(*). En effet,
« la politique étrangère des Etats n'a qu'un seul
objectif : la protection et la promotion de l'intérêt
national, ce qui recouvre... une multitude d'intérêts les plus
divers, mais qui méritent tous, finalement, le qualificatif de
politiques, mêmes s'ils sont économiques, culturels ou
autres »220(*). Le droit international est perçu par chaque
Etat selon ce qu'il considère comme étant l'intérêt
national.
Au long du processus normatif et même décisionnel
au sein des organes des Nations Unies en général et au Conseil de
Sécurité en particulier, les Etats à l'oeuvre se soucient
peu de la morale politique ou du bien-fondé de la décision moins
encore de la qualité de la règle élaborée ou de son
degré de normativité. Ce qui importe, ce qu'elle ne puisse pas
porter atteinte à leurs intérêts politiques ou
économiques. Sans doute, les Etats, surtout les plus puissants,
conçoivent-ils le droit international onusien, en tant que
système normatif et facteur de la vie internationale, d'abord sous
l'angle des intérêts politiques et accessoirement, sous celui des
idéologies221(*).
La résultante de cet état des choses est l'éreintement
même du système de production normative et le
dépérissement de la machine décisionnelle de l'ONU en
général et celle du Conseil de Sécurité en
particulier. Le levier principal de ce dysfonctionnement est la mutation du
régime juridique du veto dans le sens de l'assouplir en l'adaptant aux
nouvelles donnes de la Realpolitik afin de réduire sa tendance
à obstruer la résolution des conflits et même, quelque
fois, à verrouiller les voies d'issue des crises internationales sous la
huppe des Nations Unies222(*). Il s'agit précisément de passer de la
rigide condition de l'unanimité des voix des membres permanents du
Conseil de Sécurité à l'exigence beaucoup plus pragmatique
de la majorité qualifiée des voix de ceux-ci (paragraphe
1), majorité qualifiée dont les recettes présentent
d'arguments probants de capitalisation du crédit de maintien de la paix
internationale (paragraphe 2).
Paragraphe 1. Portée, enjeu et particularité
juridiques de la majorité qualifiée
Du latin major, plus grand, la majorité est le plus
grand nombre, la majeure partie. En droit constitutionnel et en science
politique, la majorité désigne le plus grand nombre des suffrages
exprimés qui permet d'arrêter une décision ou l'attribution
de mandats électoraux. C'est un système de vote dans lequel le
nombre de voix nécessaires pour l'emporter est fixé par la loi et
supérieur à la moitié des suffrages exprimés.
On distingue généralement la majorité
qualifiée de la majorité simple et la majorité absolue et
de celle relative. La majorité absolue est composée de la
moitié des voix plus une. La majorité relative correspond au plus
grand nombre de voix obtenues par un candidat comparativement à ses
concurrents ou au plus grand nombre de voix réunies sur une
décision donnée. La majorité relative, c'est la
majorité que détient un(e) candidat(e) ou une proposition qui
recueille plus de voix que les autres même si cette majorité n'est
pas absolue (c'est-à-dire que la majorité relative peut
être inférieure à la moitié plus un)223(*).
La majorité qualifiée, elle, est une
majorité importante qu'une loi ou un traité se charge de
préciser, par exemple une majorité des deux tiers (2/3), ou des
trois cinquièmes (3/5). La majorité qualifiée est un terme
juridique qui désigne une majorité renforcée, plus
importante que la majorité simple des votants concernés.
Notamment utilisée, par exemple, au sein de certaines instances de
l'Union européenne, des assemblées générales
d'associés ou d'actionnaires des sociétés ou des
assemblées de copropriétaires, la majorité
qualifiée est généralement exigée pour des
décisions importantes comme certaines modifications statutaires,
certains travaux, etc. Exemple : la majorité qualifiée des 2/3
des voix des actionnaires présents ou représentés lors
d'une Assemblée Générale Extraordinaire d'une
société anonyme.
La majorité simple comprend la moitié du
pourcentage total des voix plus un, de même que la majorité
absolue. Pour être précis, on utilise le terme majorité
absolue par opposition à la majorité relative, tandis qu'on
utilise le terme majorité simple par opposition à celui de
majorité qualifiée.
En France, le Président de la République est
désigné au suffrage universel direct. Les deux candidats ou
candidates qui obtiennent la majorité relative au premier tour
(c'est-à-dire les deux candidats ou candidates qui ont le plus de voix)
peuvent accéder au second tour. Si un des candidats(es) obtient la
majorité absolue (50 % +1) dès le premier tour il (elle) est
directement élu (e) et il n'y a pas de deuxième tour. Dans le cas
contraire, il y a un deuxième tour entre les deux candidats ayant obtenu
le plus de voix et il y a forcément un(e) candidat(e) qui obtient la
majorité absolue parce que les votes blancs ne sont pas
comptabilisés.
Le terme de majorité qualifiée traduit à
la fois la pondération de chacun des suffrages exprimés et le
nombre de voix nécessaires pour obtenir la majorité et/ou faire
adopter une décision. C'est cette dernière acception qui sera
retenue dans l'approche de notre analyse. Le vote à la majorité
qualifiée y est perçu tel un nombre de suffrages exigés
(souvent 2/3 ou 3/5 des voix) pour que le vote soit acquis. La majorité
qualifiée correspond au nombre de voix qui doit être atteint, au
sein d'une structure ou d'une organisation, pour qu'une décision soit
adoptée224(*).
Dans cette perspective, nous proposons que la majorité
qualifiée des voix des membres permanents au Conseil de
Sécurité soit substituée à l'unanimité au
moyen, bien entendu, d'un amendement de la Charte dans cette perspective. Un
tel ajustement aura la faveur de briser le mur du blocage faisant obstruction
au règlement des conflits sous le label onusien que draine la condition
de l'unanimité des voix des membres permanents, condition au coeur du
veto. Ainsi, pour toutes les questions autres que celles de procédure,
qui exigent l'unanimité des voix des cinq membres permanents pour
être adoptées, il suffirait qu'une majorité des 3/5 soit
dégagée ou que trois membres sur les cinq émettent un vote
positif pour que la décision passe. Ce faisant, le droit de veto
impliquerait non plus l'unanimité des voix des cinq membres permanents
pour l'adoption des décisions visées à l'alinéa 3
de l'article 27 de la Charte de l'ONU mais bien une majorité
qualifiée de leurs voix. Le droit de veto aurait donc pour condition
procédurale de fond la majorité qualifiée de 3/5 des voix
des membres permanents dans l'approbation des décisions
envisagées.
Sous l'empire de l'unanimité, le veto mêle
rigidité et opacité en ce sens que les décisions du
Conseil de Sécurité sur toutes autres questions que celles de
procédure ne peuvent être prises que par un vote affirmatif de
neuf de ses membres dans lequel sont comprises les voix de tous les membres
permanents, étant entendu qu'une partie à un différend
s'abstient de voter. Or, au regard des conflits d'intérêt et de la
rivalité hégémonique qui sous-tendent les rapports
hypocrites entre eux, il est très difficile et très rare de
réunir les votes affirmatifs de tous les cinq membres permanents sur les
grands sujets internationaux. En revanche, sous le régime de la
majorité qualifiée, le droit de veto ne se fonderait plus sur
l'unanimité mais reposerait désormais sur l'exigence d'une
majorité des 3/5 des voix des membres permanents pour qu'une
décision autre que celle de procédure soit adoptée. Ce qui
tendrait à assouplir le régime du veto au Conseil de
Sécurité.
Le côté positif du veto est qu'il prend en compte
toutes les positions, y compris celle qui est farouchement opposée
à la décision ciblée, les autres parties, constituant la
frange majoritaire, étant appelées à tenter activement de
trouver un compromis pour éviter le blocage qui se veut son
côté négatif.
Le vote à la majorité qualifiée regorge
de l'avantage d'avoir des conséquences importantes et positives sur la
nature des négociations entre Etats membres du Conseil de
Sécurité. Grâce au vote à la majorité
qualifiée, les délégations sont plus ouvertes à des
propositions de compromis, sachant qu'il n'est plus possible de bloquer une
prise de décision avec un veto.
Paragraphe 2. La majorité qualifiée et la
résolution des crises par le Conseil de Sécurité :
pour quelle incidence dans l'équilibre de la paix et la
sécurité internationales ?
Le droit international étant l'ensemble de normes
juridiques qui règlent les relations internationales, il constitue un
« ordre normatif » et un « facteur d'organisation
sociale »225(*). D'où la nécessité de veiller
à l'efficacité des normes en vigueur en les adaptant incessamment
à l'évolution de la société internationale. L'appel
à la réforme du droit de veto au Conseil de
Sécurité mérite d'être appréhendé sous
cet angle.
Il n'existe pas, à proprement parler, de droit de veto
dans la Charte des Nations Unies : pour qu'une résolution soit
adoptée par le Conseil de Sécurité, il est prévu
que la majorité qualifiée (9 voix sur 15) comprenne
« le vote de ses cinq membres permanents »
(article 27). Cela signifie que, lorsque l'un des « cinq »
(Etats-Unis, Russie, Chine, Royaume-Uni, France) s'abstient, la
résolution est rejetée. En contradiction avec la Charte, la
pratique admettra plus tard que l'abstention d'un membre permanent
n'empêche pas l'adoption d'une décision, créant ainsi de
facto un droit de veto formel. Ce « droit » ne joue
qu'à l'intérieur du Conseil de Sécurité, donc dans
les matières où ce n'est pas l'Assemblée
générale qui décide. Il s'en suit que lorsque l'un des
cinq membres permanents exerce son droit de veto sur une question
donnée, celle-ci reste pendante. Ainsi, le veto n'est pas un refus de
voter ni un vote blanc mais il est plutôt un vote négatif que l'un
des membres permanents peut émettre à la fois pour manifester sa
désapprobation de la décision majoritaire et empêcher
l'adoption de cette dernière. Cette casquette du veto, reposant sur
l'unanimité des voix des membres permanents, est aujourd'hui responsable
de la dégénérescence de l'équilibre de la paix et
la sécurité internationales à travers l'enlisement de
plusieurs crises et conflits armés internationaux du fait de l'inertie
de la communauté internationale.
Règle dépassée pour certains auteurs et
épineuse pour d'autres, l'unanimité des voix devrait, soulignent
plusieurs doctrinaires de droit international dont nous épousons
l'opinion à ce sujet précis, laisser place à une autre
technique de vote au sein du Conseil de Sécurité.
Considérant la portée réaliste de son
procédé et ses résultats probants dans le décantage
des situations autrefois insurmontables au sein de certains organes de l'Union
européenne depuis qu'il y a été instaurée, nous
estimons que le mode électoral de la majorité qualifiée
est la piste de solution la plus plausible pouvant permettre une meilleure
libération de ce barbelé de blocage.
A l'heure actuelle et depuis des années
déjà, le sujet brûlant de la réforme du droit de
veto n'avance pas malgré les multiples propositions et force est de
constater qu'une quelconque réforme dans le sens de son abolition semble
hors de portée par ce qu'utopique et même onirique. Mais s'il y a
peu de chances pour que les Etats-Unis226(*) principalement, acceptent un jour une réforme
qui amenuiserait leur pouvoir au sein de l'ONU, certains optimistes continuent
à penser que « les partisans de la réforme (...)
doivent rester mobiliser et redoubler d'efforts pour promouvoir (...) les
conditions politiques qui aboutiront à une réforme en profondeur
des Nations Unies dans le sens de l'instauration d'un gouvernement global et
démocratique au sein du système onusien » 227(*). Ils veulent croire que les
Etats-Unis sur le territoire desquels ont vu le jour le président WILSON
- père de la SDN - et le président ROOSEVELT - père des
Nations Unies - sauront donner le jour à un homme « riche de
la volonté de créer une organisation des Nations Unies apte
à répondre aux besoins de l'Humanité, d'encourager un
dialogue Nord-Sud renouvelé et de créer les conditions pour la
démocratisation de la mondialisation avant que la mondialisation ne
dénature la démocratie »228(*).
Ceci étant, la principale conséquence juridique,
mieux l'incidence la plus manifeste et même la plus évidente sera
certainement si non l'éradication du moins la résorption de
l'écueil du blocage qui, à travers le veto, gèle le
dépassement des conflits armés sous l'égide onusien.
Ainsi, l'effet majeur de la rotation vers la majorité qualifiée
des 3/5 visée par la présente analyse sera-t-il sans doute la
consolidation de la paix et la sécurité internationales à
la faveur de l'instauration d'un mode de vote plus consensuel, comparativement
à la condition de l'unanimité des membres permanents qui,
disons-le, est difficile à observer eu égard aux
déchirures et tensions subséquentes aux conflits de
suprématie planétaire et querelles d'expansion d'influence
politique dissimulés sous le tapis des rapports hypocrites.
Toutefois, l'on pourrait à raison s'interroger sur
l'efficacité réelle de la majorité qualifiée des
3/5 à relever ce défi du blocage tant on sait que les membres
permanents sont, dans les faits, rangés en deux blocs, depuis la
période de la Guerre froide et que le bloc occidental comprend lui seul
trois Etats sur les cinq. Ce qui pourrait conduire à voir en
l'éventuelle institutionnalisation de la majorité
qualifiée avec un tel seuil des 3 voix sur 5 une brèche de
laxisme que le droit international offrirait sur un plateau d'or à
l'alliance occidentale des Etats-Unis, la Grande Bretagne et la France pour
toujours faire passer au Conseil de Sécurité leurs
décisions, fussent-elles arbitraires ou injustes, au détriment du
bloc de la Russie et de la Chine au risque de sacrifier l'équilibre
international dont le maintien requiert absolument la présence d'une
action de contrepoids. Cette peur ne présente, à notre
égard, qu'un minime intérêt car bien qu'étant
alliés, Etats-Unis, Grande Bretagne et France n'ont pas toujours
partagé la même position sur toutes les questions de
sécurité internationale présentées sur la table du
Conseil de Sécurité. Plus d'une fois leurs divergences n'ont su
être tues et ont fini par être étalées sous forme
soit de refus par l'un des trois Etats de superposer son veto à celui de
son allié pour renforcer ainsi l'image pernicieuse que ce dernier
désire délivrer à l'opinion internationale sur la question
visée, soit de veto directement brandi -ou de menace de veto- contre un
projet de résolution de l'un de ses deux alliés.
Au sujet du conflit israélo palestinien, par exemple,
les Etats-Unis ont toujours opposé leur veto à tous les projets
de résolutions jugés défavorables à l'Etat
hébreux alors que la France s'est toujours montrée partisane
d'une démarche incluant les revendications politiques de
l'autorité palestinienne en vue de résoudre ce conflit
sexagénaire. La politique internationale de la Grande Bretagne, quant
à elle, n'accorde que très peu d'intérêt à
cette question. Il suffit de se rendre compte que les Etats-Unis ont toujours
émis leur veto en solo, sans réussir à rafler les voix de
leurs alliés, au sujet de la crise israélo-palestinienne pour
percevoir les traces de cette divergence de taille. En outre, le veto
exercé collégialement à deux reprises par la France et la
Grande Bretagne contre les projets de résolution
S/3713/Rev.1
et
S/3710
du 30 octobre 1956 portant sur l'adoption des indications de la Lettre
datée du 29 octobre 1956, adressée au Président du
Conseil de Sécurité par les États-Unis au sujet de la
question de Palestine démontre que dans les relations internationales et
même dans la politique internationale les Etats n'ont pas d'amis mais que
des intérêts à préserver. Si l'on se rappelle
l'opposition du gouvernement français, sous Jacques CHIRAC, à
l'intervention des forces américano-britanniques en Irak en mars 2003,
allant jusqu'à menacer d'opposer son veto à toute initiative
tendant à conférer à une telle intervention le quitus du
Conseil de Sécurité onusien, l'on comprendrait sans l'ombre d'un
doute que l'instauration de la majorité qualifiée au Conseil de
Sécurité n'est pas un gage absolu du triomphe
effréné des décisions et de l'idéologie de
l'Occident, comme bloc en front commun, que le reste du monde aurait à
subir.
Toutefois, ne nous méprenons pas ! La
majorité qualifiée n'est pas une baguette magique pour
détoner d'un trait tous les obstacles à la résolution des
conflits par le canal de l'ONU. Elle est plutôt une technique à
même de contribuer, par sa nature plus proche du consensus que celle de
l'unanimité, à l'amoindrissement du spectre du blocage du
règlement des crises qui semble être devenu le propre de l'usage
du veto au Conseil de Sécurité. En ce sens, elle permettrait
également de transcender les clivages d'intérêts nationaux
des membres permanents du Conseil de Sécurité, lesquels
handicapent considérablement les horizons de sortie des crises ou pire
donnent implicitement quitus à la poursuite des massacres dans les zones
en conflit du fait du statu quo subséquent à l'absence
d'intervention internationale.
CONCLUSION
Le droit de veto, au titre de prérogative
conférée aux cinq membres permanents du Conseil de
Sécurité des Nations Unies, qui leur permet de s'opposer à
toute question autre que de procédure, est autant instrument juridique
d'une paix et une sécurité internationale quelque fois de
façade que facteur d'obstruction des voies de sortie des conflits
armés qui ravagent l'échiquier mondial et saturent le droit
international dans la moule des relations internationales à la fois
complexes et hypocrites.
Prérogative de droit au service de l'ordre et de la
stabilité mondiale, l'exercice du veto contre un projet de
résolution au Conseil de Sécurité visant le
règlement sous l'égide onusien d'un conflit armé
précis s'est avéré être plus d'une fois porteur
d'une paix et d'une sécurité internationales restreintes,
exclusives dans leurs effets les plus concrets en ce sens qu'il
préserve, dans les faits, des ouragans déstabilisateurs de la
paix non l'ensemble de tous les Etats du monde mais une frange d'entre eux
seulement, laissant l'Etat directement en proie à la guerre ou au
conflit dont la décision de résolution par le Conseil de
Sécurité se serait vue ainsi paralysée, et même ceux
de la sous-région qui le comprend, à la merci des
atrocités et autres massacres inhérents à ce genre de
crises. C'est là la quintessence même de ce que nous qualifions de
paix internationale d'exclusion, n'accordant son bénéfice
sécuritaire en termes d'abri aux hostilités qu'à la
puissance utilisatrice du veto et à d'autres Etats
éloignés de la scène des combats, la zone
théâtre du conflit se voyant abandonnée à son sort
macabre.
L'usage abusif du droit de veto est étayé par la
course vers l'affirmation de puissance dans l'espace international à
travers la querelle de leadership mondial entre les titulaires dudit droit au
Conseil de Sécurité des Nations Unies. Ce clivage
d'intérêt épris d'une rivalité
d'hégémonie parée de relations de coopération
économique et diplomatique hypocrites est en fait un héritage de
la Guerre froide consacrant un état des relations conflictuelles entre
les États-Unis et leurs alliés229(*) et l'ensemble des nations sous contrôle de
l'Union soviétique, aujourd'hui la Russie, aux lendemains de la Seconde
Guerre mondiale, sans donner lieu à l'éclatement d'une
confrontation armée directe entre les deux superpuissances230(*). Cela s'est traduit
également par une intense course aux armements tant conventionnels que
nucléaires qui a débouché rapidement sur un
équilibre de la terreur, ainsi que par une multiplication de conflits
locaux, où les deux blocs se sont affrontés par pays
alliés interposés. Des intérêts divergents ont
conduit les deux groupes à une suspicion et à une
hostilité de plus en plus intenses, dans un climat de rivalité
idéologique croissante. Depuis cette période, chacune des
puissances titulaires du veto au Conseil de Sécurité s'est
toujours illustrée en présence de chaque conflit armé
international par une position toute pesée, parfois ambigüe,
favorable ou non à la prise des mesures convenables en vue d'y trouver
une solution urgente selon le degré de sa docilité à
servir au même moment le prosélytisme idéologique de l'Etat
qui fait usage du veto et à l'affaiblissement du potentiel
hégémonique de ses puissances rivales.
D'autre part, la quête effrénée des
intérêts nationaux, souvent antagonistes, des Etats membres
permanents et l'interférence des pesanteurs de leur politique interne
dans la vie internationale contribuent également à
émousser le caractère international de la paix qui est brandie
par l'usage du veto contre une résolution visant la fin d'un conflit
armé donné. Ici, l'Etat utilisateur du veto est plus
préoccupé par les effets qu'une intervention armée dans le
schéma des Nations Unies pourraient avoir sur la préservation de
sa sécurité interne et sur les projections de sa croissance
économique ou encore sur l'équilibre de sa balance commerciale au
regard des flux ou reflux des activités découlant de la
mondialisation de l'économie. S'il s'avère qu'une telle
intervention onusienne transférerait des conséquences
néfastes sur les données économiques et
sécuritaires de l'utilisateur, ce dernier n'hésiterait pas
à lui opposer son veto, au-delà du fait que l'Etat ou même
la région où se déroulent les combats continueraient
à tirer le diable par la queue dans un conflit catastrophique sans
issue. Le veto semble être devenu instrument de propagande
hégémonique et facteur de stimulation de croissance
économique des puissances mondiales qui prennent en otage certains
conflits armés internationaux pour réaliser cette fin.
Assimilé de plus en plus à un facteur de blocage
du règlement des crises et conflits armés internationaux, le veto
au Conseil de Sécurité n'épargne guère des
instrumentalisations qui en font un outil plus au service de la doctrine et des
objectifs politiques des Etats membres permanents qu'à la recherche
d'une paix et une sécuritaire équitablement communes et
profitables à l'ensemble des Etats membres de la
« communauté internationale ». Cet enfermement dans
un carcan isolationniste basé sur l'assouvissement des
intérêts particuliers des Etats, non sur l'intérêt
commun de tous, est aujourd'hui au coeur des barrières à la
résolution de plusieurs problèmes sécuritaires à
travers le monde et conduit même à l'enlisement de certains
conflits231(*). Les
conflits armés et guerres civiles aux effluves
géo-hégémoniques, parfois avec l'intrusion des groupes
djihadistes et terroristes islamistes, en Syrie, en Irak et en Ukraine sont
l'illustration actualisée de cette situation d'enlisement.
Ce profil sombre de la figure et même de l'incidence du
veto sur la configuration des crises et conflits mondiaux au sujet desquels il
s'exerce véhicule plus que jamais l'anachronisme et
l'inefficacité de ce droit que d'aucuns jugent
« discriminatoire » d'une part, et appelle, d'autre part,
à sa réforme judicieuse dans le sens de l'adapter aux
réalités de la politique extérieure, du droit et des
relations internationales en présence, qui ne sont plus exactement les
même que ceux qui ont immédiatement suivi la fin de la Seconde
Guerre mondiale232(*).
A ce sujet, le gouvernement français a fait une fois de
plus, le 25 septembre 2014, une proposition de limitation du droit de veto des
membres permanents en cas de « crimes de masse ». Mais,
l'initiative de Paris, déjà soutenue en 2013, a reçu peu
d'écho chez ses partenaires. « Nous avons des comptes à
rendre à l'opinion publique. Nos populations ne comprennent pas le mode
de fonctionnement du Conseil de Sécurité », a
estimé le ministre Français des affaires étrangère,
Laurent FABIUS. « Le droit de veto n'est pas un privilège,
c'est une responsabilité », a renchéri son homologue
mexicain José Antonio Meade KURIBENA, en marge de l'assemblée
générale de l'ONU à New York consacrée à
cette question.
La proposition française vise à obtenir un
engagement des cinq membres permanents du Conseil de Sécurité
à ne pas recourir au veto lorsque des crimes de masse sont commis
(génocide, crime contre l'humanité et crime de guerre). Il s'agit
d'éviter la paralysie, soulignent les autorités françaises
qui s'appuient sur l'exemple syrien pour pousser leur initiative. En effet,
depuis le début de la guerre en Syrie, qui a fait plus de 20 000
morts en quatre ans, Russie et Chine ont opposé à quatre reprises
leurs vetos aux résolutions prévoyant des sanctions contre le
régime de Bachar Al-ASSAD. Toutefois, le réalisme mesuré
fait prendre conscience qu'une telle initiative ne saura aboutir, à
court terme, eu égard à la muraille des réticences des
partenaires de la France, favorables au maintien du statu quo. Seul un travail
de longue haleine au prix de pression et de conviction pourra faire
émerger une telle lueur dans ce sens.
Certains auteurs, mettant en avant-plan des
considérations pratiques de la fonction publique internationale,
proposent quatre pistes pour sortir du gouffre du blocage du règlement
des conflits armés par le fait de l'opposition du veto233(*).
La première porte sur l'adoption d'une nouvelle
catégorie de membres ayant un mandat bien plus long que celui des
membres non permanents et qui seraient éligibles à une
réélection immédiate. Autrement dit, ils seraient
« permanents », à condition de conserver la
confiance des autres Etats membres.
La deuxième se trouve circonscrite dans un appel
lancé aux cinq membres permanents actuels à prendre un engagement
solennel consistant à ne plus laisser leurs désaccords
déboucher sur une absence d'action du Conseil, qui plus est lorsque les
populations sont menacées de crimes atroces, comme c'est le cas
actuellement en Syrie. Les cinq membres permanents devraient s'engager en outre
à ne jamais utiliser leur veto simplement pour défendre leurs
intérêts nationaux, mais uniquement lorsqu'ils craignent
sincèrement que l'action proposée soit plus néfaste que
bénéfique pour la paix dans le monde et les populations
concernées. Dans ce cas, ils devront expliquer pleinement et clairement
la solution alternative qu'ils proposent, comme moyen plus crédible et
plus efficace de protéger les victimes. Que l'idéal du consensus
passe au devant des intérêts partisans.
La troisième voudrait que le Conseil puisse
écouter plus attentivement ceux qui sont touchés par ses
décisions. Plutôt que de décider derrière des portes
closes, sans écouter ceux qui sont directement affectés par leurs
décisions, les membres permanents et le Conseil entier devraient donner
aux groupes représentant les populations dans les zones de conflit une
réelle possibilité d'apporter des informations pouvant
éclairer les lanternes leurs décisions234(*).
La quatrième enfin se rapporte à l'idée
suivant laquelle le Conseil et, en particulier, ses membres permanents
devraient s'assurer que l'ONU désigne le type de chef dont elle a
besoin.
La particularité analytique de nos axes de
réflexion tassés dans ce travail, outre la notion de la paix
internationale d'exclusion entraînée parfois par l'usage du veto,
réside dans la recette de la majorité qualifiée des 3/5
des voies des membres permanents qui, proposée en subrogation à
l'unanimité jusque là de mise telle la règle d'or pour
l'adoption des décisions autres que celles de procédure au
Conseil de Sécurité, pourra être la porte de sortie de
cette impasse du blocage. Ce basculement à la majorité
qualifiée des 3/5 aura le mérite, autant par la souplesse de son
arsenal juridique privilégiant l'efficacité des résultats
que par sa vocation favorable au consensus, de contribuer à transcender
les rivages des confrontations d'intérêts entre membres
permanents235(*) et, par
ricochet, à baisser le taux du blocage des voies de sortie des conflits
armés voués à s'internationaliser. Une telle contribution,
l'on s'en sera rendu compte, concourra sans conteste à raffermir
incessamment l'équilibre de la paix et la sécurité
internationales, but ultime du Conseil de Sécurité des Nations
Unies.
Quel qu'en soit le visage, cette mise à jour devra
inscrire la règle de vote mieux celle d'adoption des décisions au
Conseil de Sécurité dans la ligne d'un consensus qui concilie
politique avec droit dans une mixture de tempérance mutuelle afin de
réduire la fréquence du blocage du règlement des conflit
générée par le rude critère de l'unanimité
des membres permanents propre au veto.
A travers une approche analytique, exégétique et
hypothético-déductive enracinée dans les techniques
d'observation et documentaire, notre dissertation juridique a
opéré à l'endroit du droit de veto au Conseil de
Sécurité onusien une double critique : à la fois tel
le véhicule d'une paix et une sécurité internationales
imparfaites et telle une barrière à la résolution des
crises sécuritaires internationales. Ce droit y a été
démasqué tour à tour comme une spécificité
aux diapasons nébuleux de la Charte de l'ONU, un garde-fou utile contre
l'arbitraire des Etats et un instrument de prosélytisme
hégémonique de ses titulaires qui immolent souvent la
résolution des situations menaçant de briser l'harmonie de la
paix et la sécurité internationales sur l'autel de leurs
intérêts nationaux. En outre, la réflexion sur la
pertinence du droit de veto et du statu quo de la qualité de membres
permanents, sur la légitimité du Conseil de
Sécurité et les perspectives de sa réforme ainsi que sur
la possibilité de réajuster le régime du droit de veto y a
été méthodiquement menée pour aboutir à la
préconisation de la substitution de la majorité qualifiée
des 3/5 à la règle quelque peu rigide et anachronique de
l'unanimité des voix des membres permanents pour l'adoption des
décisions autre que celles de procédure au Conseil de
Sécurité.
Le maintien de la paix et la sécurité
internationales appelle aujourd'hui des dispositifs tant juridiques
qu'extra-juridiques, à divers horizons, que le droit de veto seul ne
saurait garantir. Aussi, le développement incessant des industries
d'armement lourd dans le cadre d'une économie capitaliste
qu'entretiennent les multinationales ne saurait-il mener à un monde
exempt de guerre, où règne la paix et la sécurité
promues par les instrumenti de iure de l'ONU. Bien
plus, aussi longtemps que la fabrication industrielle d'armes de guerre se
perpétuera et que le génie de la technologie militaire et des
stratégies de combat ne cessera de faire preuve de plus de
créativité destructrice, qui pis est avec l'aval onusien, la paix
et la sécurité à l'échelle mondiale, au sens
global, ne relèveraient que du stade discursif.
BIBLIOGRAPHIE SÉLÉCTIVE
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des infractions contre les personnes jouissant d'une protection internationale
y compris les agents diplomatiques, adoptée par l'Assemblée
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répression des actes de terrorisme qui prennent la forme de
délits contre les personnes ainsi que de l'extorsion connexe à
ces délits lorsque de tels actes ont des répercussions
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TABLE DES MATIÈRES
ÉPIGRAPHE........................................................................................................................................................I
DÉDICACE...........................................................................................................................................................II
REMERCIEMENTS..............................................................................................................................................III
LISTE DE PRINCIPALES
ABRÉVIATIONS..........................................................................................................IV
INTRODUCTION.................................................................................................................................................1
1. État de la
question.............................................................................................................................1
2. Choix et intérêt du
sujet...................................................................................................................5
3.
Hypothèse...........................................................................................................................................6
4. Méthodes et
techniques..................................................................................................................7
5. Plan et division du
travail................................................................................................................10
CHAPITRE 1. LE VETO, UN DROIT INIQUE AU SERVICE DE LA PAIX ET
DE LA SÉCURITÉ
INTERNATIONALES ?.............................................................................................11
SECTION 1. LE DROIT DE VETO, UNE
SPÉCIFITÉ INSTITUTIONNELLE DE
L'ONU...................................12
Paragraphe 1. Les principaux organes de
l'ONU..............................................................................15
Paragraphe 2. Quelques éléments
sélectifs de différence entre l'ONU et la SDN à la
lumière du Pacte et de la Charte les ayant respectivement
instituées......................................................19
SECTION 2. LE DROIT DE VETO ET LA FONCTION DE GARDE-FOU
CONTRE L'ARBITRAIRE DES
ÉTATS....................................................................................................................................25
Paragraphe 1. La paix et la sécurité
internationales en droit international en entre mondialisation et
particularisme, intégration et
exclusion...........................................................26
Paragraphe 2. Le droit de veto : portée, contour
et incidences...................................................30
CHAPITRE 2. LE CONSEIL DE SÉCURITE ENTRE
IMPÉRIALISME NÉO-INSTRUMENTALISTE ET EXPANSIONNISME
HÉGÉMONIQUE : LE DROIT DE VETO A L'AUNE DU BLOCAGE DE
L'ISSUE DES
CRISES...........................................................................................................36
SECTION 1. LE DROIT DE VETO AUX TRÉFONDS DES
FREINS AU RÈGLEMENT DES CONFLITS...........37
Paragraphe 1. La Charte de l'ONU à l'épreuve
d'une interprétation extensive aux fins de légitimation de sa
transgression : le droit de veto, une arme de protection
d'intérêts
nationaux..............................................................................................................................................37
Paragraphe 2. Le droit de veto, source d'impunité et
de mainmise des membres permanents et d'une lâcheté complice des
violations des droits humains dans les zones en conflit...........47
SECTION 2. DE LA PERTINENCE DU DROIT DE VETO ET DE
L'OPPORTUNITÉ DU MAINTIEN EN L'ÉTAT DU STATUT DES MEMBRES
PERMANENTS............................................................53
Paragraphe 1. La remise en cause de la
légitimité du Conseil de
Sécurité.................................57
Paragraphe 2. De l'anachronisme de la composition du Conseil
de Sécurité à l'inefficacité du droit de
veto.........................................................................................................................................60
CHAPITRE 3. QUELQUES PERSPECTIVES D'ISSUE DU BLOCAGE
TERNISSANT LE DROIT DE VETO.....63
SECTION 1. RÉFLEXIONS SUR LA NÉCESSITÉ DE
LA RÉFORME DU CONSEIL DE SÉCURITE DE
L'ONU....................................................................................................................................63
Paragraphe 1. La nécessaire définition des
conditions d'exclusion du recours au droit de veto et des circonstances de son
usage
obligatoire................................................................................65
Paragraphe 2. L'extension des sièges permanents
à l'épreuve des obstacles à l'option de nouveaux
critères unanimes d'attribution du droit de
veto........................................................69
SECTION 2. VERS UN DÉPASSEMENT DE L'UNANIMITÉ
POUR L'ÉTABLISSEMENT DE LA MAJORITÉ QUALIFIÉE DES VOIX DES
MEMBRES
PERMANENTS.........................................................75
Paragraphe 1. Portée, enjeu et particularité
juridiques de la majorité qualifiée.....................76
Paragraphe 2. La majorité qualifiée et la
résolution des crises par le Conseil de Sécurité :
pour quelle incidence dans l'équilibre de la paix et la
sécurité internationales ?..........................78
CONCLUSION.................................................................................................................................................82
BIBLIGRAPHIE
SÉLÉCTIVE.............................................................................................................................87
TABLE DES
MATIÈRES...................................................................................................................................92
* 1 En l'occurrence les Etats
Unis d'Amérique, l'Union des Républiques Socialistes
Soviétiques et le Royaume Uni.
* 2 L'esprit et la lettre
mêmes de ces dispositions de la Charte de l'ONU heurtent le principe de
l'égalité souveraine des Etats membres indispensable pour assurer
la coopération internationale, principe pourtant proclamé par la
Charte.
* 3 Article 23, alinéa
1er de la Charte des Nations Unies. Cet article
énumère les cinq pays membres permanents du Conseil de
Sécurité. Il s'agit de principales Puissances
Alliées : La République de
Chine, la France, l'Union des Républiques socialistes
soviétiques, le Royaume-Uni de Grande-
Bretagne et d'Irlande du Nord et les Etats-Unis
d'Amérique.
* 4 En effet, l'architecture
formelle actuelle des articles 23 et 27, qui nous intéressent ici, est
la résultante des amendements adoptés par l'Assemblée
générale le 17 décembre 1963 et entrés en vigueur
le 31 août 1965. L'amendement à l'article 23 a porté de
onze à quinze le nombre des membres du Conseil de
Sécurité. L'amendement à l'article 27 dispose que les
décisions du Conseil de Sécurité sur des questions de
procédure sont prises par un vote affirmatif de neuf membres
(précédemment sept) et que ses décisions sur toutes autres
questions sont prises par un vote affirmatif de neuf de ses membres
(précédemment sept) dans lequel sont comprises les voix des cinq
membres permanents du Conseil. Pour plus de détails, lire utilement la
Note Liminaire de la Charte des Nations Unies.
* 5 Distinct de l'abstention
qui, elle, n'empêche pas forcément l'adoption du projet de
décision considéré.
* 6 DEBARD T. et GUINCHARD
S., Lexique des Termes Juridiques,
19ème édition, Paris, Dalloz, 2012, p. 886.
* 7 PELLET, A., Les
Nations Unies-Textes fondamentaux, Paris, PUF, 1995, pp. 57-59.
* 8 Le veto peut se
référer également à la prérogative par
laquelle une autorité, généralement dotée du
pouvoir exécutif, peut s'opposer à un texte voté par le
pouvoir législatif. Historiquement, le veto était la formule
employée par les tribuns, représentant le peuple, pour s'opposer
à un décret du Sénat romain. Aujourd'hui, le veto est l'un
des attributs de l'exécutif dans les régimes
présidentiels, tel celui des États-Unis, où le
président peut opposer son veto à une loi votée par le
Congrès, lequel peut toutefois passer outre en votant l'annulation
à la majorité des deux tiers. L'utilisation du veto par le
président reflète souvent un désaccord avec un
Congrès dont la majorité est de couleur politique
différente.
* 9 Lire à ce propos
le Préambule de la Charte des Nations Unies.
* 10 VEDRINE, H.,
« Réflexions sur la réforme de l'ONU », in
Pouvoirs n°109, 2004, pp. 4-6.
* 11 TERTRAIS, B., La
guerre sans fin : l'Amérique dans l'engrenage, Paris,
l'Harmattan, 2004, p. 32.
* 12 TERTRAIS, B.,
« Vers une réforme du droit de veto au Conseil de
Sécurité de l'ONU ? »,
http://www.jolpres.com//droit,
page consultée le 29/09/2014 à 07h 19'.
* 13 EMIE, B. « Le
droit de veto à l'ONU », http//www.voltairenet.org,
page consultée le 24 juin 2014.
* 14 Une paix dont la mesure
est parfois minime et le bénéfice restrictif telle que va tenter
de le démontrer la monture de la présente réflexion qui
considère la paix et la sécurité internationales comme
deux gamètes univitellins d'une même cellule et, partant,
indissociables.
* 15 DUPUY, P.-M., Droit
International Public, Paris, Presse Ancienne, 1993, p. 42.
* 16 Le costume juridique
imputé à la paix qu'est destiné à garantir le droit
de veto réside dans sa consécration normative par la Charte des
Nations Unies du 26 juin 1945 tel qu'amendé à ce jour.
* 17 COT, J.-P. et PELLET,
A., La Charte des Nations Unies (commentaire article par article),
Paris, Economica, 1ère Edition, 1985, p. 214.
* 18 CHEMAIN, R., La
Charte des Nations Unies, Constitution mondiale ?, Paris, Pedone,
2006, pp. 123-125.
* 19 DE FROUVILLE, O.,
« Droit de veto à l'ONU : vers l'abolition d'un
privilège », http://www.lemonde.fr, page
consultée le 15 septembre 2013 à 14h35'.
* 20 Cette position
réformiste de la République française a été
réaffirmée par le Président François Hollande
à la tribune de l'Assemblée générale des Nations
Unies au sommet des Chefs d'Etat et de gouvernement en septembre 2014.
* 21 DELDIQUE, P.E.,
Faut-il supprimer l'ONU ?, Paris, Hachette Littératures,
2003, p. 41.
* 22 LHOMMEAU, G., Le
droit international à l'épreuve de la puissance
américaine, Paris, L'Harmattan, 2005, pp. 154-163.
* 23 Versant qui tend
à préserver une certaine paix internationale mais qui
paraît limitée tant elle ne profite pas équitablement
à tous les Etats.
* 24 En ce sens que les
avantages de la paix et de la sécurité défendues par
l'exercice du veto ne profitent, in concreto, dans une large mesure
qu'à l'Etat qui en fait usage au Conseil de Sécurité ainsi
qu'aux Etats tiers ; l'Etat sur le territoire duquel se déroulent
les hostilités demeurant en conflit. Le veto serait ici un outil qui
protège moins la paix internationale que les intérêts et la
sécurité des Etats titulaires de son droit. C'est une
considération que nous entendons développer et élucider
dans le cadre du présent mémoire.
* 25 En faisant
barrière au recours de la force pour préconiser la voie de
négociation, d'enquête, de médiation, de conciliation,
d'arbitrage, de règlement judiciaire, de recours aux organismes ou
accords régionaux, ou par d'autres moyens pacifiques du choix des
protagonistes au conflit, conformément à l'article 33 de la
Charte de l'ONU.
* 26 KUHN, Thomas, La
structure des révolutions scientifiques, Paris, Connaissances et
savoir, 2008, pp 5-6.
* 27 En abolissant
naturellement le critère de l'unanimité des voix des cinq membres
permanents sur les questions autres que celles de procédure en faveur si
non de l'exigence d'un vote affirmatif de neuf membres sur toutes les
questions, du moins de l'instauration d'une majorité qualifiée
des voies des membres permanents.
* 28 Par opposition à
la qualité de membres non permanents, distinction qui parait quelque peu
discriminatoire.
* 29 Article 1er,
alinéa 1 de la Charte des Nations Unies.
* 30 RAMUNNI, Girolamo,
Les lieux des erreurs scientifiques, Le Cavalier Bleu, 2012, pp.
24-26.
* 31 Idem, p. 33.
* 32 DELATTRE, Pierre,
Interdisciplinaires, Paris, Encyclopedia Universalis, 2006, p. 43.
* 33 GINGAS, Yves, Les
dérives de l'évaluation de la recherche, Paris, Raison
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* 34 ESAMBO KANGASHE,
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* 37 Fondée
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théorème de Thalès au clonage, Paris, Breal, 2006,
pp. 35-37.
* 39 CIBOIS, P., Les
méthodes d'analyse d'enquête, Paris, PUF, 2007, p. 34.
* 40 De nombreux auteurs
tels Pierre Marie MARTIN, TRUYOL SERRA, Henry KISSINGER, etc. estiment en effet
que l'article 27 de la Charte des Nations Unies, en accordant à cinq
Etats le droit de veto au Conseil de Sécurité après que
l'article 23 s'était chargé de conférer aux mêmes
Etats le statut de membres permanents au dit Conseil, aura largement restreint
les droits et libertés des dix autres membres. C'est ce constat qui
postule le veto, renchérissent-ils, tel un droit inique.
* 41 Comparaison au Pacte de
la Société des Nations de 1919.
* 42 PELLET, A., Art du
droit et « science » des relations internationales,
Paris, Economica, 1993, p. 353.
* 43 WEIL, P.,
« Vers une normativité relative du Droit
International », in RGDIP, 1982, p. 5.
* 44 Laquelle situation
d'impunité garantie par un Etat à un autre peut bien, en
étant actualisée, s'appliquer à l'état de
protection internationale que les Etats unis d'Amérique assurent
à Israël pour lequel ils ne se cachent pas de prendre partie dans
le conflit sexagénaire qui l'oppose à la Palestine dont il occupe
illégitimement les territoires.
* 45 EMMANUEL ADOUKI, D.,
Droit international public. Tome 1 : Les sources, Paris,
L'Harmattan, 2002, p. 313.
* 46 Coalition des pays
opposés aux forces alliées pendant la Seconde Guerre mondiale,
composée de l'Allemagne, de l'Italie et de leurs alliés. Cette
coalition naquit de l'accord secret signé le 23 octobre 1936, connu
sous le nom d'axe Rome-Berlin entre l'Allemagne national-socialiste
dirigée par Adolf Hitler et l'Italie fasciste de Benito Mussolini. Une
alliance militaire, le pacte d'Acier, fut signée en 1939. La coalition
fut élargie avec l'adhésion du Japon, en septembre 1940, lors de
la conclusion du pacte tripartite auquel furent incitées à se
joindre les petites puissances de l'Europe sud-orientale : la Bulgarie, la
Croatie, la Hongrie, la Roumanie et la Slovaquie. De plus, le Danemark, la
Finlande, l'Espagne et les gouvernements pro japonais du Mandchoukouo et de
Nankin, en Chine, furent intégrés à la coalition en tant
que membres du pacte Antikomintern, signé par l'Allemagne et le
Japon en 1936. À la fin de l'année 1944, l'Axe se trouva
réduit à l'Allemagne et au Japon (avec des gouvernements
fantoches au Mandchoukouo et à Nankin) et à quatre États
partiellement libérés par l'Armée rouge, les forces
anglo-américaines et les résistances intérieures (Hongrie,
Croatie, Slovaquie et Italie). L'Axe disparut officiellement avec la
ratification par les Alliés de la reddition sans condition de
l'Allemagne le 8 mai 1945.
* 47 ROULAND, N., Aux
confins du droit, Paris, Odile Jacob, 1991, p. 23.
* 48 TRUYOL SERRA, M.,
Histoire du droit international public, Paris, PUF, 1996, pp.
23-29.
* 49 Allusion faite aux deux
Guerres mondiales dont la fréquence de décimation humaine et les
horreurs des persécutions génocidaires cristallisées
notamment par la Shoah ou l'Auschwitz en ont fait les plus sombres et
suicidaires crises de portée internationale que l'humanité ait
connues.
* 50 Respectivement le 4
octobre et le 04 février 2011 ainsi que le 19 juillet 2012.
* 51 Lire utilement à
ce sujet CHARVIN, R., « La guerre anglo-américaine contre
l'Irak et le droit international », in Actualité et droit
international, avril 2003, pp. 16-21.
* 52 http//www.un.org//
les-organes-de-l'onu-478357-html, consulté le 30 novembre 2014
à 16h 07'.
* 53 http//www.un.org//
les-organes-de-l'onu-478357-html, consulté le 30 novembre 2014
à 16h 07'.
* 54 Idem.
* 55 http//www.un.org//
les-organes-de-l'onu-478357-html, consulté le 30 novembre 2014
à 16h 07'.
* 56
http//www.un.org//, les-organes-de-l'onu-478357-html,
consulté le 30 novembre 2014 à 16h 07'.
* 57Idem.
* 58
http//www.un.org//les-organes-de-l'onu-478357-html, consulté le
30 novembre 2014 à 16h 07'.
* 59
La Charte des Nations Unies a été approuvée
le 25 juin 1945, à la fin de la Conférence des Nations Unies
pour l'Organisation internationale, et signée le lendemain. Elle est
entrée en vigueur le 24 octobre 1945, après avoir
été ratifiée par la majorité de ses signataires.
Composée de 111 articles, elle fixe les buts et les principes de
l'ONU, énumérés plus particulièrement dans les
articles 1 et 2. Le Statut de la Cour internationale de Justice
fait partie intégrante de la Charte.
* 60 DELMAS-MARTY, M.,
« Le droit international en débat, ordre juridique et paix
positive », in Le Monde diplomatique, juillet 2003, pp. 4-5.
* 61 GUEHENNO, J-M,
« Maintien de la paix : les nouveaux défis pour l'ONU et
le Conseil de sécurité », in Politique
étrangère, n° du 3 avril 2003, pp. 5-9.
* 62 Lire utilement
l'article 1er de la Charte des Nations Unies.
* 63 BANNALIER, CORTEN,
CHRISTAKIS et DELCOURT, Le droit international face au terrorisme,
Cedin Paris I, Pedone, 2002, pp. 19-23.
* 38 Article 33 de la Charte des
Nations Unies.
* 64 Article 39 de la Charte
des Nations Unies.
* 65 MOREAU DESFARGES, P.,
Un monde d'ingérence, Paris, Presse de sciences politiques,
2ème édition, 1997, pp. 43-55.
* 66 Article 52 de la Charte
des Nations Unies.
* 67 Article 55 et suivants
de la Charte des Nations Unies.
* 68 BEN ACHOUR, R.,
« L'ONU et l'Irak », in Actualité et droit
international, avril 2003.
* 69 MALONE, D.,
« Le Conseil de Sécurité dans les années
90 : essor et récession », in Politique
étrangère, 2/2002, pp. 8-13.
* 70 VAISSE, M., Les
relations internationales depuis 1945, Paris, Armand Collin,
9ème édition, 2004, pp. 31-35.
* 71 BERTRAND, M.,
« L'ONU et la sécurité à l'échelle
planétaire », in Politique
étrangère, février 2000, pp. 21-25.
* 72 Sans les identifier
comme membres permanents et non permanents tel que le fait la Charte de
l'ONU.
* 73 Qu'il s'agisse des
résolutions, des déclarations, des condamnations ou même
des recommandations.
* 74 Le texte du Pacte de la
SDN les désignait sous le vocable de « Principales puissances
alliées et associées ». Il s'agissait des Etats-Unis
d'Amérique, de 1'Empire Britannique, de la France, de 1'Italie et du
Japon.
* 75 L'article 23 de la
Charte a consacré le passage du nombre de membres du Conseil de
sécurité de 11 à 15 à la faveur de l'amendement
dont il fit l'objet par l'Assemblée générale le 17
décembre 1963 et lequel entra en vigueur le 31 août 1965.
* 76 La Chine, les
Etats-Unis, la France, le Royaume Uni et la Russie.
* 77 MARTIN, P.M., Les
échecs du droit international ; Que sais-je ?, Paris, PUF
n°3151, 1996, pp. 19-25.
* 78 SUR, S., « Le
Conseil de Sécurité : blocage, renouveau et
avenir », in Pouvoirs n° 109, 2004, pp.18-25.
* 79 Article 23,
alinéa 2 de la Charte des Nations Unies tel qu'amendé par
l'Assemblée générale le 17 décembre 1963.
* 80 Article 23,
alinéa 1 de la Charte.
* 81 Article 5 in fine du
Pacte de la Société des Nations incorporé au Traité
de Versailles du 28 juin 1919.
* 82 Lui-même
s'étant inspiré des théories philosophiques de
« révolution copernicienne » d'Emmanuel KANT au
XVIIIème siècle.
* 83 Lire à ce sujet
DUPUY, P.M., Droit international public, Paris, Précis Dalloz,
5ème édition, 2000, p. 66.
* 84 BETTATI, M.,
« L'usage de la force par l'ONU », in Pouvoirs
n° 109, 2004, pp. 21-24.
* 85 Néanmoins, il
existe dans la lettre même de la Charte des garde-fous contre l'exercice
arbitraire ou abusif du droit de veto telle l'astreinte faite à un
membre du Conseil de Sécurité, fût-il permanent, à
ne pas prendre part au vote lorsque celui-ci porte sur un différend
auquel il est partie.
* 86 VOIGT, K.,
« Les perspectives du partenariat transatlantique pour l'Allemagne et
les Etats-Unis et l'avenir du droit international », in Note du
cerfa n° 7, IFRI, décembre 2003, p. 9.
* 87 Qui dura du juillet
1914 au 11 novembre 1918, soit 4ans, 3 mois et 2 semaines.
* 88 Elaboré au cours
de la conférence de Paris, le traité de Versailles est un
traité de paix signé le 28 juin 1919, dans la galerie des Glaces
du château de Versailles et promulgué le 10 janvier 1920. Il
annonça la création d'une Société des Nations et
détermina les sanctions prises à l'encontre de l'Allemagne et de
ses alliés. Celle-ci, qui n'était pas représentée
au cours de la conférence, se vit privée de ses colonies et d'une
partie de ses droits militaires, amputée de certains territoires et
astreinte à de lourdes réparations économiques.
* 89 VOIGT, K.,
« Les perspectives du partenariat transatlantique pour l'Allemagne et
les Etats-Unis et l'avenir du droit international », op.cit., p.
5.
* 90 Ses principaux auteurs
et tenants furent Alfred ZIMMERN, David MITRANY, James SHOWTWELL, Gilbert
MURRAY et Graham WALLAS.
* 91 Ce courant est dit
« idéaliste » d'autant que, eu égard à
la real politique internationale, il paraît simplement
utopique de fonder la stabilité internationale sur la présomption
juris tantum du respect du droit et des valeurs morales par
des Etats dont les préceptes juridico-culturelles ne sont pas toujours
convergentes et même un peu naïf de croire qu'il suffit qu'un Etat
signe ou ratifie un traité international pour qu'il s'y soumette en
toutes circonstances de son ordre. Et le déclenchement de la Seconde
Guerre mondiale fut l'illustration de la défaillance de la
Société des Nations dans sa mission de préserver la paix
dans le monde et, partant, de l'anachronisme de la doctrine idéaliste.
Aussi, la théorie réaliste prit-elle le dessus
dorénavant.
* 92 Créé en
2002 par Mohamed YUSUF, Boko Haram est un groupe sunnite pour
la prédication et le djihad. De sa dénomination
abrégée en haoussa, Boko Haram peut être traduit par
« l'éducation occidentale est un
péché », le mot « Boko »
étant une déformation de book,
« livre » en anglais et « Haram »
signifiant « interdit » ou
« illicite ». L'éducation occidentale serait ainsi
contraire aux prescrits du prophète d'Allah. C'est pourquoi les actions
de Boko Haram s'en prennent principalement aux
intérêts, aux ressortissants occidentaux et aux symboles de la
civilisation occidentale au Nigéria, au Cameroun, au Niger et au Tchad.
Classé comme organisation terroriste par le Conseil de
Sécurité des Nations Unies et parfois qualifié de secte,
le groupe est un mouvement salafiste djihadiste du Nord du Nigéria ayant
pour objectif d'appliquer la charia dans l'ensemble du pays et d'y instaurer un
califat. Ayant fait allégeance à l'Etat islamique en 2015, le
groupe, dirigé par Aboubacar SHEKAU, est aujourd'hui confronté
à une coalition des forces camerounaises, nigériennes et
tchadiennes aux côté de l'armée nigériane qui vise
son éradication. Ses exactions ont occasionné plus de 15000 morts
au Nord du Nigéria.
* 93 Désigné
parfois par son acronyme arabe Daech ou
Daesh, l'Etat islamique est une organisation
armée salafiste djihadiste, d'obédience sunnite, fondée le
13 octobre 2006 par le Conseil consultatif des Moudjahidines en Irak sous
l'empire idéologique du salafisme djihadiste, du panislamisme, de
l'antichiisme et de l'antioccidentalisme. Dans l'ordre de ses objectifs
figurent l'établissement d'un califat dans le monde musulman et
l'instauration de la charia. Ses actions portent principalement sur la lutte
armée, la guérilla, son mode opératoire demeure les
attentat-suicides et les prises d'otages et ses sources de financement sont la
vente de ciment, l'exploitation agricole, le pillage de banques, les
rançons et les donations privées. Initialement lié
à Al-Qaïda, il s'en est progressivement franchi, pour s'en
séparer tout à fait en 2013. L'essor de cette organisation a
été favorisé par les déstabilisations
géopolitiques dues à la guerre irakienne puis celle syrienne.
Elle y demeure d'ailleurs la force négative majeure. Et depuis
août 2014, une coalition internationale de 22 pays intervient contre
cette organisation.
* 94 BADIE, B., La
pratique du droit international entre éthique et volonté de
puissance, Paris, Fayard, 2002, pp. 43-49.
* 95 L'adoption d'une telle
résolution demeure bloquée par le veto sino-russe au Conseil de
Sécurité.
* 96 Principalement les cinq
membres permanents du Conseil de sécurité de l'ONU.
* 97 Que nous
considérons telle une paix « d'exclusion ».
* 98 Lequel
périmètre peut être situé dans le territoire d'un
Etat ou se trouver à cheval sur l'espace de deux ou plusieurs Etats,
auquel cas le conflit en présence revêtirait, au sens des Nations
Unies, la qualification de « conflit international ».
* 99 Il serait à ce
stade faux d'affirmer que l'usage du veto aura assuré
la « paix internationale »dans la mesure
où l'Etat constituant le théâtre du conflit n'en sera pas
moins délié, seuls les Etats tiers se verraient exemptés
d'en subir l'extension, la paix internationale présumant la
cessation du conflit, mieux l'absence de la guerre sur l'ensemble des
territoires de tous les Etats.
* 100 Requérant la
majorité simple, absolue ou qualifiée, selon le cas, non
l'unanimité, dans la prise des décisions.
* 101 De VISSCHER, C.,
Théories et réalités, Paris, Vème
édition, Pedone, 1970, pp. 26-30.
* 102 De FROUVILLE, O.,
« Droit de veto : vers l'abolition d'un
privilège », http//www.un.org/french, page
consultée le 24 septembre 2014 à 14h35'.
* 103 MITTERAND, F.,
Réflexions sur la politique extérieure de la France,
Paris, Fayard, 1986, pp. 216-220.
* 104 A vrai dire, l'un des
effets factuels de ce droit est de servir à l'imposition du dictat et de
la prédation des puissances mondiales qui le possèdent sur le
cours de la vie internationale.
* 105 Reposant notamment
sur la règle de la majorité (simple, absolue ou qualifiée
selon le cas) qui est l'antithèse de l'unanimité posée par
le droit de veto pour l'adoption des décisions qu'il vise.
* 106 Ces projets furent
présentés au Conseil de sécurité par les Etats-Unis
soutenus par la France et la Grande Bretagne, respectivement le 04
février, le 04 octobre 2011 et le 19 juillet 2012.
* 107
Développée par Hans MORGENTHAV en 1948, la théorie
réaliste est l'un des courants qui organisent les relations
internationales. Opposé au courant idéaliste qui fonde la paix et
l'ordre internationaux sur la croyance, trop facile pour être toujours
appliquée par les Etats aujourd'hui, au respect des règles de
droit et des valeurs morales, le courant réaliste soutient que la
stabilité internationale repose essentiellement sur l'équilibre
des forces qui vise la défense de l'intérêt national et de
la puissance étatique sur l'échiquier mondial.
* 108 GOLUB, P.,
« Les dynamiques du désordre mondial, tentation
impériale », in Le Monde diplomatique, octobre 2002,
pp. 8-9.
* 109 DJIENA WEMBOU, M.-C.,
Le droit international dans un monde en mutation, Paris, L'Harmattan,
2003, p. 61.
* 110 Il s'agit d'une
opération menée à titre privé par les
Américains et les Britanniques, sans l'aval des autres membres du
Conseil de Sécurité qui annoncèrent à l'avance
d'opposer leur veto à une telle initiative jugée non
fondée et arbitraire.
* 111
Considéré par Georges W. BUSH comme faisant partie, avec l'Iran
et la Corée du Nord, de « L'axe du mal ».
* 112 En effet, cette
intervention aura délibérément fait fi des principes
sacro-saints de non ingérence dans les affaires internes des Etats,
d'égalité souveraine des Etats et de non recours à la
force contre un autre Etat, conformément au Pacte Briand-Kellogg du 27
août 1928, sous réserve des mesures de sécurité
collective circonscrites aux articles 39 à 42 de la Charte. Le pacte
Briand-Kellogg est aussi appelé pacte de Paris, et plus officiellement
pacte de renonciation générale à la guerre. Il renvoie au
traité multilatéral signé à Paris le
27 août 1928 par quinze nations, puis ratifié par
soixante-trois pays. Le pacte était patronné par le ministre des
Affaires étrangères français Aristide Briand et par le
secrétaire d'État américain Frank B. Kellogg.
* 113 NGUYEN ROUALT, F.,
« L'intervention armée en Irak et son occupation au regard du
droit international », in RGDIP, 2003, p. 4.
* 114 NOVOSSELOFF,
A., « L'ONU après la crise irakienne », in
Politique étrangère, mars-avril 2003, pp. 5-8.
* 115 BERTRAND, M.,
« L'ONU et la sécurité à l'échelle
planétaire », op.cit., p. 9.
* 116 CARREAU, D.,
Droit international, Paris, Pedone, , 1988, p.464.
* 117 De VISSCHER, C.,
Théories et réalités en droit international
public, Paris, Pedone, 1985, pp. 56-43.
* 118 Article 24,
alinéa 1 de la Charte des Nations Unies.
* 119 Idem.
* 120 LHOMMEAU, G., Le
droit international à l'épreuve de la puissance
américaine, op.cit., pp. 195-197.
* 121 KISSINGER, H., La
nouvelle puissance américaine, Paris, Fayard, 2003, p. 34.
* 122 John KERRY fit cette
déclaration le 14 mars 2015, suscitant un tollé
général de plusieurs pays occidentaux dont la France et la Grande
Bretagne.
* 123 KISSINGER, H.,
op.cit., p. 43.
* 124 BISTELA, M.,
Théories des relations internationales, Paris, Ed. Science
politique, 1995, pp 43-50.
* 125 Les thèses du
courant réaliste-traditionnaliste relatives à la
compréhension de la prise de décisions en relations
internationales s'opposent à celles du courant scientifique. Celui-ci
focalise l'éventail de ses pistes explicatives des décisions en
politique étrangère sur la rationalité, l'environnement
sociologique, le schème cognitif, la configuration de l'institution
gouvernementale et tant d'autres facteurs intuitu personae du
décideur.
* 126 BARRIA, J.,
Théories des relations internationales, Paris, Editions Science
politique, 2002, pp. 17-21.
* 127 BARRIA, J.,
Théories des relations internationales, op.cit., pp.
17-21.
* 128 Idem.
* 129 EISEMANN, P.M.,
« Attaques du 11 septembre et exercice d'un droit naturel de
légitime défense » in Actualité et droit
international, janvier 2002, pp. 239/248.
* 130 BANNALIER, K.,
CORTEN, O., CHRISTAKIS, T., DELCOURT, B., Le droit international face au
terrorisme, Cedin Paris I, cahiers internationaux n°17, Pedone, 2002,
pp. 45-52.
* 131 LHOMMEAU, G., Le
droit international à l'épreuve de la puissance
américaine, op.cit., p. 73.
* 132 Article 2, paragraphe
4 de la Charte des Nations Unies.
* 133 Article 51 de la
Charte des Nations Unies.
* 134 Le 11 septembre
2001, deux avions civils détournés percutent chacun des deux plus
haut gratte-ciel de l'île de Manhattan (à New York), les
tours jumelles (Twin Towers) du World Trade Center. Affaiblie par la violence
de l'impact et par la propagation du feu, la tour Sud s'effondre
56 minutes après la collision, emportant avec elle ses
occupants ; la tour Nord résiste 1 h 42' avant de
s'effondrer elle aussi. Au total, près de 3 000 personnes
(employés, visiteurs, secouristes et passagers des vols) disparaissent
avec les tours jumelles du World Trade Center.
* 135 L'offensive militaire
contre l'Irak, ayant été motivée par la thèse d'une
guerre préventive, reste incompatible avec tout argument valable d'une
riposte dans le cadre de la légitime défense.
* 136 DUPUY, P.M.,
« 40 ans de codification de droit de la responsabilité
internationale des Etats, un bilan », in RGDIP, 2003-2, pp.
7-8.
* 137
L'unilatéralisme en droit international se caractérise par un
mépris du droit et des institutions internationales et se fonde sur le
primat du droit interne sur le droit international dont le triomphe
représente le multilatéralisme.
* 138 GREENPEACE,
« Le droit international et la guerre contre l'Irak »,
http://greenpeace.org//, le 20 avril 2003 à 08h 10'.
* 139 KISSINGER, H., La
nouvelle puissance américaine, op.cit., pp. 45-48.
* 140 C'est-à-dire
en application des dispositions du Chapitre VII de la Charte.
* 141 LAGHMANI, S.,
« Du droit international au droit impérial ?
Réflexions sur la guerre contre l'Irak », in
Actualité et droit international, avril 2003, p. 6.
* 142
http://www.un.org//utilisation-du-veto-à-l'onu-879052-html,
page consultée le 30 novembre 2014 à 16h 07'.
* 143
http://www.globalpolicy.org//le-droit-de-veto-au-conseil-de-sécurité-de-l'onu-246477,html,
page consultée le 23 octobre 2014 à 19h 45'.
* 144 De VISSCHER, C.,
Théories et réalités en droit international public,
op.cit., pp. 54-56.
* 145 The Washington Post,
« Où mène le mépris des lois
internationales », in Courrier international
n° 705, du 6 au 12 mai 2004, p. 24.
* 146
En arabe, « parti de Dieu », le Hezbollah
est un parti politique chiite libanais et groupe militaire prônant
l'établissement d'une république islamique au Liban. Le Hezbollah
est désigné comme un mouvement terroriste par de nombreux pays
occidentaux. Fidèle à Bachar al-ASSAD, le Hezbollah s'est
engagé dans la guerre en Syrie officiellement pour protéger la
frontière libanaise et les lieux saints chiites menacés de
destruction par el Daech, sunnite. Ainsi, a-t-il
augmenté le nombre de ses combattants en Syrie, passant de 5000 à
8000 de mars à juin 2015.
* 147 Ce cliché
démontre éloquemment la divergence des intérêts et
la rivalité tacite entre le bloc occidental
américano-franco-britannique capitaliste et celui oriental sino-russe
d'idéologie communiste, quoique présumés poursuivant les
mêmes finalités en vertu de la qualité de membres
permanents du Conseil de Sécurité qu'ils ont en commun.
* 148
http://www.m.nouvelobs.com//la-syrie-face-au-djihadisme-433356.html,
page consultée le 2 janvier 2015.
* 149
http://www.lexpress.fr/.../la-syrie-en-guerre-989289.html,
page consultée le 6 juin 2015 à 21h 32'.
* 150 Regroupés au
sein du Front al-Nosra, branche officielle d'Al-Qaïda en
Syrie et de l'Etat islamique en Irak et au Levan (EIIL). Ce dernier
contrôle, depuis le 27 mai 2015 et la prise de la ville de Palmyre,
près de 50% du territoire syrien.
* 151 L'ASL que les
partisans d'une intervention militaire onusienne en Syrie considèrent
comme interlocuteur crédible incarnant la légitimité du
peuple syrien.
* 152 La révolution
orange renvoie à une série de manifestations politiques ayant eu
lieu en Ukraine à la suite de la proclamation le 21 novembre 2004 du
résultat du deuxième tour de l'élection
présidentielle, que de nombreux Ukrainiens perçoivent comme
truqué par le gouvernement de Viktor IANOUKOVYTCH et par le puissant
clan de Donetsk, dont l'oligarque Rinat AKHMETOV, pro-russes. Le
résultat immédiat de la Révolution orange fut l'annulation
par la Cour suprême du scrutin et l'organisation d'un nouveau vote le 26
décembre 2004 qui vit la victoire de Viktor IOUCHTCHENKO, qui
réunit 52% des voix contre 44% pour son rival Viktor IANOUKOVYTCH ;
sa présidence fut cependant entachée de crises politiques
multiples avec les gouvernements successifs. D'un point de vue
géopolitique, la Révolution orange aura marqué un
rapprochement de l'Ukraine avec l'OTAN et avec l'Union européenne, aux
dépens bien entendu de la Russie.
* 153 FESSENKO, V.,
« La Russie tente d'empêcher les noces entre l'Ukraine et
l'UE », http:///www.viepublique.net, page consultée
le 7 avril 2014 à 10h 17'.
* 154 FREMONT, Anne-Laure,
« Conflit ukrainien : ces petites phrases aux relents de guerre
froide », http://www.mondediplomatique.fr, page
consultée le 6 août 2014 à 15h 32'.
* 155 Ce qui ne servirait
pas comme il se doit les intérêts de la Russie en Ukraine et
même dans la région de l'ancienne union soviétique qui
prendrait une allure de rapprochement avec l'Occident.
* 156 Pourtant, ce principe
n'est plus absolu ; il se trouve tempéré aujourd'hui par le
droit et le devoir d'ingérence humanitaire en cas de violation massive
des droits de l'homme. Créé en 1979 par le Philosophe
Jean-François REVEL, le terme « droit
d'ingérence » se veut la reconnaissance qu'ont une ou
plusieurs nations de violer la souveraineté nationale d'un autre Etat,
dans le cadre d'un mandat accordé par l'autorité supranationale.
Dans la pratique, au nom de l'urgence humanitaire, il n'est pas rare que le
mandat soit fourni rétroactivement. Le devoir d'ingérence, pour
sa part, est l'obligation qui est faite à tout Etat de veiller à
faire respecter le droit humanitaire international. Refusant ainsi aux Etats
membres de l'ONU tout « droit à
l'indifférence », cette obligation n'ouvre toutefois aucun
droit à l'action de force unilatérale. Elle doit plutôt
être comprise comme une obligation de vigilance et d'alerte à
l'encontre de telle ou telle exaction qu'un gouvernement serait amené
à connaître.
* 157 Nous faisons
notamment allusion à la tragédie du 17 juillet 2104 qui vit un
avion de ligne malaisien, le Boeing MH17 de la Malaysia Airlines,
s'écraser dans l'Est de l'Ukraine, près de la frontière
russe, dans une région théâtre de violents combats entre
l'armée ukrainienne et les séparatistes prorusses depuis
plusieurs mois. L'hypothèse la plus probante et probable est que
l'appareil de Malaysia Airlines, qui assurait la liaison entre Amsterdam et
Kuala Lumpur sur le vol MH17 et transportait 298 personnes à son bord,
dont 283 passagers et 15 membres de l'équipage, tous morts, a
été abattu par un missile sol-air. On compte parmi les victimes
193 Néerlandais, 43 Malaisiens, 27 Australiens, 12 Indonésiens,
10 Britanniques, 4 Belges, 4 Allemands, 3 Philippins, 1 Canadien et 1
Néozélandais ; multitude de nationalités qui traduit
le caractère international du drame causé par un conflit
armé aux tentacules tout aussi internationaux.
* 158 En tant que
règles de droit, ces normes sont contraignantes en ce sens qu'elles sont
assorties de sanctions en cas de non respect. Toutefois, l'applicabilité
de toute sanction véritablement répressive à l'encontre
d'un Etat reste encore un mur que le droit international doit escalader pour
atteindre la cime de sa réalisation. Le défaut
d'indépendance totale des instances judiciaires ``internationales'',
censées assurer l'application et l'exécution de ces sanctions,
vis-à-vis des Etats puissants et l'impossible mise en oeuvre des
règles de la responsabilité internationale des Etats restent de
principales causes de ce hiatus.
* 159 BARRIA, J.,
Théories des relations internationales,
op.cit., pp. 23--27.
* 160 1989 demeure une
année de mutations profondes de la donne du droit international et des
relations internationales. 1989 marque, en effet, la chute du mur de Berlin et
du rideau de fer qui symbolisaient la Guerre froide, chute qui fut autant le
prélude à l'effondrement du communisme en Europe de l'Est et en
Union soviétique - dont les Républiques proclamèrent,
dès 1991, les unes après les autres leurs indépendances au
point de disloquer l'URSS - que le présage de l'instauration d'un
système international unipolaire qui consacre, aujourd'hui encore, le
règne de l'Occident parrainé par les Etats-Unis
d'Amérique. C'est pour ainsi dire en vertu de sa position historique
à mi-chemin des événements qui auront assurément
bouleversé le paysage international et conduit à sa configuration
actuelle que nous avons choisi l'année 1989 comme point de départ
de l'énumération qui suit.
* 161 Pour voir en
entièreté la liste de tous les vetos utilisés de 1946
à ce jour, voir
http://www.un.org//liste-de-tous-les-vetos-au-conseil-de-sécurité-831614-html,
page consultée le 12 décembre 2014 à 13h 46'.
* 162 L'expression
« communauté internationale » ou mondiale parait,
à en croire le Professeur José BARUANI SALEH, mieux porter
l'idée d'un faisceau commun d'objectifs et d'intérêts
dictant le système des relations interétatiques au sein
d'organisations internationales que celle de « société
internationale » qu'il trouve descriptive d'un cadre où,
dispersés, rivalisent des intérêts concurrents,
antinomiques.
* 163 LHOMMEAU, G., Le
droit international à l'épreuve de la puissance
américaine, op. cit., p. 194.
* 164 LAGHMANI, S.,
« Faut-il rire du droit international ou le
pleurer ? » in Actualité et droit international,
février 2003, pp. 7-9.
* 165 De LAROCQUE, S.,
« Le droit de veto au Conseil de Sécurité : vers
la fin d'un privilège ? »,
http://www.mondediplomatique.fr//, page consultée le
29-09-2014 à 16h 43'.
* 166 LAGHMANI, S.,
« Faut-il rire du droit international ou le
pleurer ? », op.cit., p. 5.
* 167 Il s'agit de
l'offensive militaire israélienne sur la bande de Gaza,
déclenchée le 08 juillet 2014, dans la foulée de
l'opération « bordure protectrice »168,
entrainant plus de 1500 victimes palestiniennes et faisant périr 32
militaires Israéliens, ayant réduit en ruine l'essentiel du
patrimoine infrastructurel gazaouis sans épargner des zones humanitaires
dont une école de l'ONU et trois mosquées qui servaient d'abris
aux populations civiles palestiniennes et poursuivant ses frappes même en
période déclarée de « trêve
humanitaire ».
* 169 TERTRAIS, B.,
« Vers une réforme du droit de veto au Conseil de
Sécurité de l'ONU ? »,
http://www.jolpres.com//droit,
page consultée le 29/09/2014 à 07h 19'.
* 170 DUPUY, R., J., La
communauté internationale entre le mythe et l'histoire, Paris,
Econumica, 1986, p. 16.
* 171 DJIENA WEMBOU, M.-C.,
Le droit international dans un monde en mutation, op.cit., pp.
34-36.
* 172 BENCHIKH, CHARVIN et
DEMICHEL, Introduction critique au droit
international, Lyon, Presses universitaires de Lyon, 1996, p.20.
* 173 EMIE, B.
« Le droit de veto à l'ONU »,
http://www.voltairenet.org, page consultée le 24 juin 2014
à 09h 23'.
* 174 L'exemple le plus
récent est le cas survenu le 22 mai dernier, où la
résolution portée par la France pour autoriser la Cour
pénale internationale à se saisir de la situation en Syrie s'est
heurtée aux vetos de la Russie et de la Chine, en dépit du
soutien public de 65 États, de 100 organisations non gouvernementales et
du vote favorable des 13 autres membres du Conseil de Sécurité
des Nations Unies.
* 175 ALBALA, N.,
« Maudit droit de veto »,
http://wwwmonde-diplomatique.fr, page consultée le 10
février 2015 à 18h 44'.
* 176 DELMAS-MARTY, M.,
« Du désordre mondial à la force du droit
international », in Actualité et droit international,
avril 2003, p. 8.
* 177 LHOMMEAU, G., Le
droit international à l'épreuve de la puissance
américaine, op.cit., p. 191.
* 178 BOUTROS GHALI, B.,
« Peut-on réformer les Nations Unies ? », in
Pouvoirs n° 109, 2004, p 7.
* 179 Composé de la
Grande-Bretagne et de l'Irlande du Nord.
* 180 Considération
qui mérite d'être nuancée dans ses conséquences dans
la mesure où chaque agit surtout en fonction de ses
intérêts propres et qu'il existe de multiples divisions au sein
même de l'UE.
* 181 SUR, S.,
« Le Conseil de Sécurité : blocage, renouveau et
avenir », op.cit., p. 6.
* 182 RAMONET, I.,
« Nouvel ordre », in Le Monde diplomatique,
n°444, mars 1991, p.1.
* 183 VIRALLY, M.,
« Panorama du droit international contemporain », in
RCADI, 1995, p. 32.
* 184 Comme le
démontrent pertinemment Pierre SALINGER et Eric LAURENT dans leur
ouvrage, Guerre du golfe, le dossier secret, Paris, Olivier Orban,
1991, les véritables buts de guerre des Etats-Unis avaient
été décidés au cours d'une réunion tenue
à la Situation Room à la Maison Blanche.
* 185 FALK, R.,
« Les Nations-Unies sous la coupe de Washington », in
Le Monde diplomatique, février 1991, p. 3.
* 186 C'est ainsi que
furent baptisés les bombardements aériens de cibles militaires en
Irak et au Koweït déclenchés par la coalition multinationale
dans les 24 heures suivant l'expiration de l'ultimatum des Nations
unies.
* 187 International
Herald, 17 janvier 1991.
* 188 New York
Times, 20 janvier 1991.
* 189 Voir le Monde
diplomatique, n°443, février 1991, p. 1.
* 190 FRIEDMAN, T.L.,
« When War is Over: Planning and US Rote in Enforcing it » in
International Hreald Tribune, 21 janvier 1991.
* 191 Voir la
déclaration de M. Dick CHENEY, citée par le Monde
diplomatique, 6 février 1991.
* 192 RAMONET, I.,
« Nouvel ordre », op.cit., p. 1.
* 193 Voir l'interview de
l'Amiral SANGUINETTI parue dans le Monde diplomatique, n°444,
mars 1991, p. 7.
* 194 A la faveur du droit
d'ingérence humanitaire.
* 195 IYAKAREMYE,
J.-B., La faillite de l'ONU devant le génocide des Tustsi du
Rwanda : Des causes de l'échec et des leçons à en
tirer, Paris, L'Harmattan, 2001, p. 5-7.
* 196 Elle fut mise en
place au soir de l'année 1993 afin de veiller à l'application des
Accords d'Arusha entre les exilés du Front Patriotique Rwandais et le
gouvernement rwandais afin d'aboutir à terme à un cessez-le-feu,
puis à une série de dispositions politiques et militaires pour
intégrer dans la société rwandaise les exilés de la
diaspora rwandaise et conduire au départ des troupes françaises
à partir d'août 1992. N'ayant pas intégré l'aile
dure de l'opposition aux négociations de paix, ces Accords
n'améliorèrent point la situation sur le terrain.
* 197 IYAKAREMYE,
J.-B., La faillite de l'ONU devant le génocide des Tustsi du
Rwanda : Des causes de l'échec et des leçons à en
tirer, Idem loco.
* 198 Il s'agit de
l'attentat perpétré contre le Président du Rwanda,
Juvénal HABYARIMANA. Cet attentat s'est soldé par la mort de
celui-ci, ainsi que de toutes les personnes qui ont pris place dans l'avion,
dont le Président du Burundi, Cyprien NTARYAMIRA. Cet attentat marque la
première phase d'un coup d'Etat qui déclenche le massacre des
partisans des accords d'Arusha et le génocide des Tutsi.
* 199 De juin 1992 à
1993.
* 200 C'est ce que
déclara Ban Ki-moon, lundi 7 avril 2014 à Kigali, lors du
lancement des cérémonies officielles de commémoration du
génocide.
* 201 DJIENA WEMBOU, M.-C.,
Le droit international dans un monde en mutation,
op.cit., p. 177-189.
* 202 Idem
loco.
* 203 CAUBET, C.,
« Dans les méandres des officines onusiennes »,
http//www.monde-diplomatique.fr//, page consultée le 2
décembre 2014 à 15h 32'.
* 204 SICILIANOS, L-A.,
« L'autorisation par le Conseil de Sécurité de recourir
à la force : une tentative d'évaluation », in
RGDIP, 2002-1, pp. 5-9.
* 205 PERLE, R.,
« La chute de l'ONU », in Le Figaro, le 11 avril
2003.
* 206 VEDRINE, H.,
« Réflexions sur la réforme de l'ONU »,
op.cit., p.3.
* 207 SUR, S.,
« Le Conseil de Sécurité : blocage, renouveau et
avenir », in Pouvoirs n°109, op.
cit., pp.7-8.
* 208 C'est-à-dire
les cinq membres permanents du Conseil de Sécurité de l'ONU plus
l'Allemagne.
* 209 Mené par le
Président Petro POROCHENKO et soutenu par les Américains et les
Etats membres de l'Union européenne dont l'Allemagne est aujourd'hui la
colonne vertébrale.
* 210
Bénéficiant du financement et de l'armement en provenance du
régime de Moscou.
* 211 BRICS étant la
combinaison des initiales du Brésil, de la Russie, de l'Inde, de la
Chine et de l'Afrique du Sud. Ces pays amassent 20% du PIB mondial et
contrôlent 43% des réserves mondiales.
* 212 LHOMMEAU, G., Le
droit international à l'épreuve de la puissance
américaine, op. cit., p. 205.
* 213 L'amendement de la
Charte de l'ONU adopté par l'Assemblée générale le
17 décembre 1963 et entré en vigueur le 31 août 1965 porte
de onze à quinze le nombre des membres du Conseil de
Sécurité. En fait, il s'agit du nombre de membres non-permanents
qui est passé, à la suite de cet amendement, de six à dix.
Celui des membres permanents étant resté à cinq.
* 214 TERTRAIS, B.,
« Vers une réforme du droit de veto au Conseil de
Sécurité de l'ONU ? »,
op.cit., page consultée le 29/09/2014 à
07h19'.
* 215 TERTRAIS, B.,
« Vers une réforme du droit de veto au Conseil de
Sécurité de l'ONU ? »,
op.cit., page consultée le 29/09/2014 à
07h19'.
* 216 EMIE, B.,
« Le droit de veto à l'ONU », op.cit., page
consultée le 24 juin à 09h 23'.
* 217 ANNAN, K.,
« Il faut limiter le droit de veto des cinq membres permanents au
Conseil de Sécurité de l'ONU »,
http://www.voxmonde.com//, page consultée le 09 février
2015 à 18h 26'.
* 218 CHEMILLIER-GEANDREAU,
M., « Pour une organisation de la communauté
mondiale », http://www.monde-diplomatique.fr//, page
consultée le 13 octobre 2014 à 08h 07'.
* 219 VIRALLY, M.,
« Panorama du droit international contemporain »,
op.cit, p. 29.
* 220 Idem.
* 221 De LACHARRIERE, Guy,
La politique juridique extérieure, Pedone, Paris, 1983, pp.
13-16.
* 222 CASSESE, A., Le
droit international dans un monde divisé, Paris, Economica, 1995,
pp. 17-52.
* 223 DJOLI ESENG'EKELI,
J., Droit constitutionnel. Tome 1. Principes structuraux, Kinshasa,
E.U.A., 2010, p.264.
* 224
http://www.aceproject.org//le-vote-à-la-majorité-qualifiée-694268-html,
page consultée le 17 mars 2015 à 15h43'.
* 225 GUEGEN HEIM, P.,
Traité de droit international public, Tome 1,
2ème édition, Genève, 1967, p.1.
* 226 Les Etats-Unis sont
l'un des plus grands massacreurs du droit international : leurs
interventions militaires en Afghanistan et en Irak - en violation du principe
de non recours à la force, mais au nom et à la faveur d'une
interprétation extensive de l'exception pour cause de légitime
défense qui pourtant suppose une attaque armée préalable
à laquelle elle riposte - sont là pour le démontrer.
* 227 LHOMMEAU, G., Le
droit international à l'épreuve de la puissance
américaine, op. cit., p. 216.
* 228 BOUTROS GHALI, B.,
Peut-on réformer les Nations Unies ?, op.cit., pp.
5-13.
* 229 Dont font partie la
France et la Grande Bretagne, tous deux membres permanents du Conseil de
Sécurité.
* 230 VOIGT, K.,
« Les dispositifs juridiques d'action des organes de l'ONU et les
contraintes de l'heure », in Note du cerfa
n°9, IFRI, 2004.
* 231 FAVOREU, L., La
politique saisie par le droit, Paris, Economica, 1988, p. 123.
* 232
http://www.droitinternational.org//le-droit-de-la-sécurité-à-l'onu-436785-html,
page consultée le 30 mars 2015 à 10h54'.
* 233 ANNAN, K., Il
faut limiter le droit de veto des cinq membres permanents au Conseil de
sécurité de l'ONU, op.cit.
* 234 ETIEN, R.,
Initiation au droit public, Paris, Ellipses, 1998, pp.20-26.
* 235 Qui se disputent la
suprématie culturelle, politique, militaire, technologique et même
philosophique et pour avoir gain de cause, ils recourent à l'usage,
parfois abusif, de tous les instruments de droit dont ils disposent, y compris
le droit de veto.
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