Entrées en politique. Essai sur la rationalité des candidatures émergentes à l'élection présidentielle de 2011 au Cameroun.( Télécharger le fichier original )par Isaac Essame Université de Douala - Master2 recherche en science politique 2013 |
PARAGRAPHE II : Mise en question des logiques des acteurs traditionnelsLe champ politique Camerounais s'est un développement des pratiques et des logiques des candidats traditionnels. Il s'agit notamment des logiques anti-émergence et anti alternance. Depuis 1992 en effet, hormis l'UNDP où BELLO BOUBA avait remplacé Samuel EBOA et l'hésitation du MANIDEM a remplacé Anicet EKANE aucune alternance véritable ne s'est opérée à la tête des partis politiques au Cameroun. C'est ce que Roberto Michel qualifie de dérive oligarchique59(*). Ce sont toujours les mêmes qui sont demeurés à la présidence de leur parti. Les candidats émergents ont fait entendre leur voix contre la révision des normes fondamentales et les pratiques anti-émergence. A - Contre la révision des normes fondamentales la constitution est la norme fondamentale d'un Etat.Pour l'autrichien Hans KELSEN, c'est la norme suprême, celle qui au dessus de tous les autres normes60(*). « Charte des pouvoirs publics, la constitution détermine les modes de désignation et les compétences respectives des institutions de l'Etat ainsi que leurs rapports juridiques. Aujourd'hui, les constitutions sont le plus souvent des documents écrits, rédigés expressément et doté d'une autorité supérieure à la loi ordinaire (constitution américaine de 1787). Mais la constitution, au sens fonctionnel du terme, peut très bien résulter d'usages ou de textes de lois ordinaires ayant pour effet de régir effectivement les rapports entre les pouvoirs publics. On parle alors, assez improprement d'ailleurs, de constitution coutumière (modèle britannique) »61(*). L'importance des normes fondamentales est telle que les candidats émergents ont décidé d'en faire une ressource politique. Où l'on voit qu'une mobilisation a été organisée contre la modification de la constitution en 2008 et pour le respect et l'application des dispositions constitutionnelles. 1- Contre la modification de la constitution en 2008. La révision de la constitution opérée en 1996 était le produit d'un consensus de la tripartite (parti au pouvoir, partis d'opposition et société civile). La modification de la constitution de 2008 avait suscité une opposition même au sein du régime. L'attention qui était focalisée sur l'article 6 alinéa 2 a conduit à l'oubli de l'intérêt des autres dispositions modifiées. C'est que la modification de l'article 6 alinéas 2 de la constitution remettant le candidat du RDPC en course à 3 ans de la fin de son mandat. Cette modification de la constitution le 14 avril 2008 que certains membres du régime et les opposants au régime ont trouvé suspecte, a suscité de vives réactions de la part de ceux qui avaient un intérêt à ce que le candidat naturel du RDPC ne se présente plus à l'élection présidentielle. C'est que de nombreux acteurs de la scène politique Camerounaise voyaient ainsi leur chance de briguer la magistrature suprême s'amoindrir face au candidat Paul BIYA. Depuis la première élection présidentielle pluraliste de 1992 en effet, il n'a jamais été battu hormis précisément l'élection présidentielle, de 1992 où il avait été quelque peu inquiété, depuis il n'a remporté la présidentielle qu'avec un large score. Sa candidature brisait le rêve de ceux qui aspiraient à sa succession dès 2011. Paul AYAH ABINE qui était déjà l'un des rares députés à oser se démarquer de la ligne de candidature indiquée par son ancien parti le RDPC, va sortir de l'ordinaire en refusant de voter pour la modification de la constitution dont l'un des objectifs était l'institution de la non limitation du mandat présidentielle : « le président de la république est élu pour un mandat de 7 ans. Il est rééligible »62(*). L'ancienne disposition de l'article 6 de la constitution prévoyait que « le président est élu pour un mandat de 7ans renouvelable une fois »63(*). Le choix de Paul AYAH ABINE de braver la ligne de conduite du RDPC lui a valu le bénéfice d'une certaine publicité qu'il n'aurait certainement pas eu en s'alignant. Il a pris là même été. Cette publicité a aussi à sa manière au devant de la scène profité à Edith KAH WALLA qui, en tant que membre du « front du non » contre la modification de la constitution en 2008, s'est investie dans l'organisation d'un regroupement de la société civile et des partis politiques, dans la marche de protestations, dans la communication dans les médias et dans la mobilisation. Non seulement ces acteurs se sont opposés à la modification de la constitution en 2008, ils ont aussi revendiqué l'application des dispositions constitutionnelles et parlent le respect de la constitution. 2- Pour le respect et l'application de la constitution La constitution est le socle sur lequel repose l'Etat de droit. Il ne suffit donc pas d'avoir une constitution, il faut encore la respecter et l'appliquer. Cela amène à conclure à l'inutilité des constitutions de façade. Même si cette observation ne s'applique pas au cas Camerounais, il reste que l'application de l'article 6664(*) de la constitution relatif à la déclaration des biens constitue une préoccupation ou dans notre les opposants au régime. Cherchant à se démarquer des autres et attirer l'attention, Paul AYAH ABINE a accordé une place de choix à l'application de l'article 66 de la constitution du Cameroun relatif à la déclaration des biens et des avoirs dans son programme politique. C'est ainsi que pour marquer son attachement et toute sa détermination à l'exigence et à la nécessité de l'application de cet article, il a cru bon de déclarer ses biens sur internet. La symbolique attachée à cet acte à marquer les esprits et son électorat. L'application de l'article 66 de la constitution serait pour les opposants un régime un instrument de lutte efficace contre la corruption qui gangrène de notre pays. Cela serait aussi en conformité avec une des exigences de l'Etat de droit qui est le respect et l'application de la constitution. Les candidats émergents n'ont pas seulement été poussés au devant de la scène par leur mobilisation contre la révision des normes fondamentales. Il faut également prendre en compte leur opposition aux pratiques anti-émergence. * 59- ROBERTO MICHEL, Les partis politiques. * 60- Hans KELSEN, La théorie pure du droit. * 61- Guy HERMET, opcit, p.65. * 62- Article 6 alinéa 2 de la loi constitutionnelle du 14 Avril 2008. * 63- Article 6 alinéa 2 de la loi constitutionnelle du 18 janvier 1996. * 64- Loi constitutionnelle du 18 Janvier 1996. |
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