Entrées en politique. Essai sur la rationalité des candidatures émergentes à l'élection présidentielle de 2011 au Cameroun.( Télécharger le fichier original )par Isaac Essame Université de Douala - Master2 recherche en science politique 2013 |
II. Clarifications conceptuellesLe concept désigne la manière de concevoir quelque chose. C'est en cela qu'il se distingue du lexique. Il s'agit alors pour nous de définir les différents termes de notre sujet afin de leur donner une meilleure lisibilité et une bonne compréhension. Ainsi, selon Jacqueline Russ l'adjectif rationnel vient du latin « rationalis » et signifie doué de raison12(*). Du point de vue Epistémologique, il peut être saisi comme ce qui procède par des opérations de la raison indépendantes de l'expérience. Cette acception est complétée par la perception d'Hegel : « le rationnel (...) est synonyme avec l'idée » (principes de la philosophie du droit, préface, p. 42) et celle de Jung : « rationnel veut dire raisonnable conforme à la raison (types psychologiques) P. 461. Le dictionnaire Larousse Maxipoche de 2009 y voit ce « qui est fondé sur la raison, le raisonnement ». La rationalité porte alors sur le « caractère de ce qui est rationnel »13(*). Dès lors, on peut comprendre la théorie du choix rationnel que Guy Hermet et les autres exposent dans leur ouvrage. Selon eux, il s'agit d'une « démarche méthodologique désignée en anglais par l'expression de « rational choice », et empruntée par la science politique aux économistes néoclassiques au cours des années 1950. Elle postule que les acteurs qui interviennent dans le champ politique effectuent les choix qui leur apparaissent les plus efficaces pour atteindre leurs fins »14(*). Selon Joseph Njasani, la rationalité comme concept ne peut être définie sans un certain nombre de présuppositions. Elle se manifeste «as a positive state of possessing the capacity to engage in active thought or to observe the principles of logical procedures or simply the capacity to exercise reason rigorously, ordinately and abundantly in a deliberately and consciously enacted situation»15(*). Jurgen Habermas y voit « la raison centrée sur le sujet»16(*) et la rationalité communicative. Pour Max Weber, la rationalité s'entend comme le fait que les actions humaines soient aiguillées par des raisons d'agir comme l'explique Janvier Onana.17(*)Ces raisons peuvent d'ailleurs être diverses. L'action humaine peut alors être rationnelle en finalité, en valeur ou en affection. Quant à Alain Schumpeter, la rationalité doit être saisie comme l'action intéressée d'un entrepreneur et notamment d'un entrepreneur politique. Chez Crozier, Friedberg et Herbert Simon, la rationalité est entendue comme l'action significativement orientée de l'acteur en milieu organisé. L'individu ne peut avoir qu'une connaissance approximative des choix possibles car la collecte et le traitement des données sont limités par les capacités. Il s'agit de la rationalité limitée. Nous pouvons donc dire que la rationalité renvoie aux motifs ou motivations qui donnent un sens à l'action humaine. Bien plus, selon Raymond Bourdon « La conception de la rationalité courante dans les sciences sociales contemporaines est de caractère instrumental, y compris dans les formes ouvertes que lui ont données les théoriciens importants comme H.Simon ou G.Becker. Elle postule que les individus choisissent rationnellement les moyens qu'ils utilisent pour atteindre leurs objectifs ; leurs croyances et leurs objectifs leur étant imposés par des forces conjecturales18(*) ». Il s'agit du rôle actif du sujet dans la construction d'une réalité sociale.
Mokhtar Lakehal définit le concept candidature comme un « acte de présentation d'un individu à une élection politique en acceptant les conditions imposées par la loi »19(*). Du latin candidus le concept candidat désigne une personne qui aspire à un titre, qui se présente à une élection.20(*) Moubarack LO, reprenant le dictionnaire Le Robert, indique que « émerger » se dit d'un phénomène « qui s'impose à l'attention par sa valeur ». Il poursuit en rappelant que Wal W. Rostow « considère cinq étapes par lesquelles passent tous les pays : la société traditionnelle, l'émergence des préconditions du décollage, la marche vers la maturité et l'ère de la consommation de masse 21(*)». Ce n'est pas dans ce sens que nous saisissons l'émergence. Chez Durkheim, l'émergence apparaît comme la conséquence de l'interdépendance des éléments d'un ensemble considéré. Elle se définit précisément par la nouveauté.22(*) Les candidats émergents désignent alors ceux qui se présentent pour la première fois à une grande échéance électorale nationale et qui en sortent comme figures sur lesquelles on peut dorénavant compter. Concrètement, il s'agit des candidats dont le passé politique est relativement inconnu. En reconstituant les itinéraires politiques, ce sont ceux qu'on n'attendait pas et, qui sans respecter l'itinéraire de la base au sommet, se sont présentés soudainement à la dernière élection présidentielle. L'élection apparaît comme un « choix que l'on exprime par intermédiaire d'un vote.23(*) C'est pour Guy Hermet et les autres un « mode de désignation des titulaires des rôles politiques octroyant aux membres de la collectivité concernée le droit de choisir leurs représentants »24(*). L'élection semble ainsi s'imposer en même temps comme principe et comme technique du gouvernement. Comme principe du gouvernement, elle constitue alors le fondement même de la démocratie représentative dès lors qu'elle postule que le pouvoir politique n'est légitime que s'il est exercé par le peuple par l'intermédiaire de ses représentants dûment désignés. Comme technique de gouvernement, l'élection devient sujet de débat et de contestation. Bien plus, la manière de désigner les gouvernants influe de manière déterminante sur le résultat des élections et constitue à ce titre un enjeu décisif pour la classe politique. L'élection présidentielle apparaît alors comme un mode de désignation du Président de la République à travers le libre choix des citoyens. La présidentielle camerounaise de 2011 renvoie alors à l'élection du Président de la République du Cameroun qui s'est déroulée le 09 octobre 2011 et qui a connu la participation de plusieurs candidats traditionnels et émergents.25(*) * 12 - Jacqueline Russ, Dictionnaire de philosophie, Bordas, p.241. * 13 - Larousse, Dictionnaire Maxipoche 2009, p.1161. * 14 - Guy Hermet, Bertrand Badié, Pierre Birnbaum et Philippe Braud, Dictionnaire de la science politique et des institutions politiques, Paris, Armand colin, 1998, p.44. * 15 - Joseph Njasani, philosophical reflections on rationality, la rationalité, une ou plurielle ? Sous la direction de Paulin Joachim Hountondji, CODESRIA, 2007, p.45. * 16 - Jurgen Habermas, le discours philosophique de la modernité,cité par Richard Rorty, Haute universaliste , profondeur romantique, ruse pragmatique, p.12. * 17 - Janvier Onana, Initiation à la science politique, L'Harmattan, 2009, p. 85-86. * 18 - Raymond Bourdon, Rationalité ordinaire : colonne vertébrale des sciences sociales, l'année sociologique, 2010,60, n°1, p.19. * 19 - Mokhtar Lakehal, Dictionnaire de science politique, L'harmattan, 2010, p.56. * 20 - Larousse,opcit, p. 1992. * 21 -Moubarack LO, L'émergence économique des nations : définition et mesure, p.3. * 22 -Philippe Besnard, Mohamed Cherkaoui, dictionnaire de la pensée sociologique, paris, PUF, Coll « Quadrige/Dicos poche, 2005, p.4. * 23 - Larousse, opcit, p.463. * 24 - Guy Hermet, Bertrand Badié, Pierre Birnbaum et Philippe Braud, opcit, p.91. * 25 - Une cinquantaine de candidatures et 23 participants retenus pour la présidentielle du 09 Octobre 2011 au Cameroun. |
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