Les techniques non-juridictionnelles de protection internationale des droits de l'homme. Les rapports des états africains devant les comités de droits de l'homme des Nations Unies. à‰tude et perspectives.( Télécharger le fichier original )par Désiré AHANHANZO Université de Nantes. Université Paris II Panthéon Assas. - Diplôme inter-universitaire de Troisième Cycle "Les droits fondamentaux" 2004 |
ConclusionIl ne servirait à rien d'étendre sans cesse le champs de la protection accordée aux individus et, subséquemment, en parallèle, d'accroître les obligations imposées aux Etats: de nouvelles normes, de nouvelles conventions, même si elles sont à l'avantage des citoyens, entraîneront de nouvelles obligations. "Nous avons déjà tant de normes qu'il me semble qu'il faudrait être prudent avant d'en écrire davantage. Je peux voir une tendance trop confiante à croire qu'il faut toujours écrire de nouvelles normes. Je crois qu'il existe une tendance à adopter de nouvelles normes au contenu confus et à s'y référer ensuite contre les anciennes normes au contenu beaucoup plus clair", remarquait déjà Hans CAMBELL1(*)49. La Convention sur les Droits de tous les Travailleurs Migrants et des Membres de leur Famille avec le Comité dont elle accouché n'était-elle pas un instrument de trop avec comme corollaire de nouvelles obligations conventionnelles pour les Etats déjà submergés ? La question des travailleurs migrants fait déjà largement partie du mandat de l'Organisation Internationale du Travail et les normes définies par celle-ci la couvrent largement. Les Conventions No 97 sur les Travailleurs Migrants et No 143 (Ttravailleurs Migrants - Dispositions complémentaires) en sont de belles illustrations. De plus, ses dispostions sont déjà plus ou moins prises en compte par les six autres instruments des Nations Unies1(*)50. Il serait, à ce niveau, plus indiqué de concentrer les efforts plutôt sur une acceptation et une mise en oeuvre universelles des normes y compris par tous les Etats africains, quels que soient leur tradition, leurs particularismes culturels et religieux, leur système politique et économique afin que ceux-ci n'échappent pas au processus de contrôle pour contrevenir, conspuer les droits de leurs citoyens et bafouer la dignité de la famille africaine. Nous faisons nôtres, les propos de Boutros Boutros-Ghali sur son appel à une telle exigence: "Mais il faut que nous soyons bien conscients, aussi, que si les clivages idéologiques et les inégalités économiques restent la réalité de notre société internationale, on ne saurait admettre pour autant qu'ils constituent une entrave au caractère universel des droits de l'homme. C'est pourquoi, dans le contexte actuel, l'urgence me semble moins de définir de nouveaux droits que d'amener tous les Etats à adopter les textes existants et à les appliquer effectivement. Ouvrons le dialogue avec ls Etats membres pour identifier les obstacles à la ratification et les surmonter. Soutenons, parallèlement, le rôle bénéfique que peuvent et doivent aussi jouer les organisations régionales dans la sensibilistion des Etats à ce problème"1(*)51. Les Etats africains encore blottis derrière ou emmitouflés du manteau de la Souveraineté absolue et de la Raison d'Etat doivent se dépécher pour rallier le peloton universel: ils doivent ratifier les instruments des droits de l'homme secrétés non seulement sur leur propre continent mais aussi dans le cadre de l'ONU, donner effet à leurs dispositions dans leurs législations internes et rapporter aux organes créés en vertu de ces instruments, dans le cadre d'un dialogue ouvert, franc et constructif, les mesures prises et les progrès réalisés ainsi que les écueils et autres facteurs qui constituent une pierre d'achoppement pour la mise en oeuvre des normes qu'ils ont librement acceptées. Les constatations, les recommandantations des experts desdits organes les aideront dans la correction des lacunes et, par là-même, contribueront à la garantie et à l'effectivité de l'Etat de droits en Afrique ainsi qu'à l'atténuation des crises et conflits qui compromettent le développement et le progrès sur le continent. Au sommet des chefs d'Etats et de Gouvernement de l'Organisation de l'Unité Africaine tenue à Hararé au Zimabwe en juin 1997, le Secrétaire Général des Nations Unies Kofi Annan avait, en ces termes, dit puis réitéré un an plus tard à l'ouverture de la 54è Session de la Commission des Droits de l'Homme à Genève en mars 1998, que les droits de l'homme sont les droits des Africains: "(...) L'Afrique a subi une série de transformations. Il y a d'abord eu la décolonisation et la lutte contre l'apartheid. Puis il y a eu une période marquée et ternie par la guerre civile et des régimes militaires; je crois que le moment est venu pour l'Afrique d'entrer dans une troisième ère, celle d'une vague de paix ancrée dans la démocratie et les droits de l'homme. (...) Certains Africains continuent pourtant à considérer le souci des droits de l'homme comme un luxe de riches pour lequel l'Afrique n'est pas prête, voire comme un complot fomenté par les pays occidentaux industrialisés. Il s'agit là pour moi d'une conception dégradante qui fait injure à l'aspiration à la dignité humaine qui existe dans le coeur de chaque Africain. Est-ce que les mères africaines ne pleurent pas lorsque leurs fils et leurs filles sont tués ou torturés par les agents de l'oppression ? Est-ce que les pères africains ne souffrent pas lorsque leurs enfants sont injustement emprisonnés ? Est-ce que l'Afrique, dans son ensemble, ne souffre pas lorsque l'une de ses voix est étouffée ? Je l'ai dit à Hararé, les droits de l'homme sont les droits des Africains. Ce sont les droits des Asiatiques; ce sont les droits des Européens; ce sont les droits des Américains"1(*)52. Les Etats Africains doivent s'approprier ces droits, ils doivent les faire leurs dans leur ordre interne respectif et participer à ce bel exercice conventionnel, cette dialectique de confrontation de deux logiques pour utiliser la formule chère au Français Régis de GOUTTES: une logique d'investigation par les organes conventionnels et une logique d'explication par les Etats avec comme dénominateur commun: le respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales pour tous les Aficains par le respect des engagements contractés. Mais Comment y parviendront-ils ? Une éducation aux droits de l'homme et à la citoyenneté, à la démocratie, la tolérance et à la paix pour tous les Africains est nécessaire, du plus grand dirgeant au plus petit fonctionnaire africains, en passant par les écoles, les collèges et les universités. En ce sens, les réflections en cours sur la seconde Décennie des Nations Unies sur l'Education aux Droits de l'Homme sont à saluer et les deux expériences du Bureau Régional de l'UNESCO à Dakar (BREDA) respectivement en Décembre 1998 et en Décembre 1999 doivent être encouragées, répétées et étendues à toute l'Afrique1(*)53. En second lieu, une connaissance parfaite des procédures et des mécanismes conventionnels est impérative. Dans ce cadre, les pays africains les plus expérimentés et qui s'acquittent au mieux de leurs obigations conventionnelles de rapports doivent voler à la rescousse de ceux qui balbutient ou qui sont complètement restés en marges, échappant au contrôle. Les initiatives telles que les consultations et rencontres entre agents gouvernementaux et les Experts des organes conventionnels, les séminaires de fomation à l'établissement et à la présentation des rapports doivent bien cibler les pays africains. D'autre part, la meilleure coordination entre les organes créés en vertu des instruments relatifs aux droits de l'homme et l'harmonisation de leurs méthodes de travail et autres initiatives comme les rencontres des Présidents des organes, les réunions intercomités devront se poursuivre et être renforcées. Enfin, et c'est très important, les propositions en cours pour la fusion des organes de contrôle et surtout l'objectif clé de rapport unique global allègeraient considérablement le fardeau d'obligation conventionnelle aux Etats Africains déjà mal en point! A moyen ou long terme, la juridictionnalisation de la Charte Internationale des Droits de l'Homme avec l'intégration de tous les droits spécifiques et catégoriels pour la création d'une Cour Internationale des Droits de l'Homme (CIDH) avec un unique organe de contrôle serait la meilleure voie qui légitimerait un tel objectif et donnerait de sens au contrôle contentieux international. Dans cette oeuvre gigantesque de garantie et de mise en oeuvre des droits de l'homme et des libertés fondamentales, les organes de l'ONU et les Etats africains ne devront pas être seuls ! Il faudra la participation de tous les acteurs concernés par les droits de l'homme: les Gouvernements, les ONG, les organes de l'ONU, les Institutions financières internationales, la communauté économique dans son ensemble et tous ceux qui sont prêts à se battre pour un idéal. Les nations industrialisées doivent comprendre qu'elles ont une responsabilité morale et historique vis-à-vis des nations pauvres, en particulier des pays africains et savoir que leur intérêt est de partager les richesses et de garantir un ordre international stable et pacifique. Les pays scandinaves ne seront pas seuls à tenir la promesse faite par les nations nanties en 1974 qui s'étaient engagés à contribuer à hauteur de 0,7 % de leur produit national brut (PNB) à l'aide publique au développement. Les Etats membres de l'Organisation de Coopération et de Développement Economique (OCDE) doivent faire preuve de plus de générosité à l'égard de l'Afrique, mais surtout, la superpuissance mondiale doit quitter la barre de 0,09 % de son PNB et passer plus haut, voire dépasser le seuil de 0,7% promis ! Ainsi, sur le continent africain, le chèque des droits de l'homme cesserait, un tant soit peu , d'être sans provision, et trop souvent détourné, falsifié, confisqué ou impayé"1(*)54 avec la volonté politique des Etats. * 149 Conclusions au Colloque franco-suédois sur les nouveaux enjeux des droits de l'homme, Stockholm, 20-21 Avril 1989 op cit, note 4, p. 1396 * 150 Voir E/CN.4/2000/17, §8 et autres détails utiles sur les normes concernant les Droits des Travailleurs migrants et des Membres de leurs Famille sur le site: www.december18.net/f-instruments.htm * 151 Boutros Boutros-Ghali.- Droit de l'homme et démocratisation IN "Agir pour les droits de l'homme aux XXIè: textes inédits réunis par Frederico MAYOR en collab. Avec Roger-Pol DROIT.- Paris: UNESCO, 1998.- p. 63. * 152 Voir: "La Déclaration des droits de l'homme doit rester une norme commune d'humanité pour l'ensemble de l'humanité" - Discours prononcé par Kofi Annan le Lundi 16 Mars 1998 à Genève en Suisse lors de l'ouverture de la 54è Session de la Commission des Droits de l'Homme. Voir aussi, pour ce qui est de son intervention au Sommet de l'OUA à Hararé au Zimbabwe en 1997, le Communiqué de Presse SG/SM/6245 (AFR 9) * 153 1). Education aux droits de l'homme en Afrique: principes, méthodes et stratégies.- Dakar, Bureau Régional UNESCO-Dakar, Déc. 1998; 2). L'Education à la paix, aux droits de l'homme et à la démocratie dans les systèmes éducatifs formels et nn formel en Afrique: théories, pratiques, méthodes, stratégies et plan d'action.- Dakar: Bureau Régional UNESCO-Dakar, Déc. 1999 * 154 Voir: Quel avenir pour les droits de l'homme - Frederico MAYOR.- IN "Les Clés du XXIè siècle" / Jérome BINDE.- Paris: UNESCO/ SEUIL, 2000.- p. 343) |
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