Les techniques non-juridictionnelles de protection internationale des droits de l'homme. Les rapports des états africains devant les comités de droits de l'homme des Nations Unies. à‰tude et perspectives.( Télécharger le fichier original )par Désiré AHANHANZO Université de Nantes. Université Paris II Panthéon Assas. - Diplôme inter-universitaire de Troisième Cycle "Les droits fondamentaux" 2004 |
6. Conséquences de l'Inobservation par les Etats parties de leurs Obligations de RapportsLes conséquences de la non-présentation des rapports ou de retards importants dans leur présentation sont immenses. La non-présentation d'un rapport initial est particulièrement préoccupante puisqu'elle constitue une preuve manifeste que l'Etat concerné n'a pas entrepris d'étude globale initiale de ses lois, politiques et pratiques qui lui permettrait de déterminer les mesures à prendre pour appliquer les dispositions de l'instrument considéré. Comme nous l'avions vu plus haut, le cas de certains pays dépasse le simple stade du retard. La non-présentation des rapports périodiques est aussi très inquiétante car, elle peut donner à penser que du fait de l'existence de problèmes majeurs les gouvernements cherchent à éviter tout dialogue avec l'organe conventionnel concerné, considérant parfois que l'exercice de rapport est polémique et correspond à une procédure judiciaire. Les conséquences de la non-présentation de rapports sont dommageables à tous les acteurs du dialogue induit par la procédure de rapports. Pour ce qui est des comités de contrôle, le dommage est relativement mineur, bien qu'à long terme, sa crédibilité s'en trouve immanquablement diminuée et qu'à court terme, il risque de se faire une image passablement déformée de la situation dans le monde. Le Comité des Droits de l'Homme, concernant la
situation du Mali, faisait justement observer "qu'il accueille avec
satisfaction la présentation du deuxième rapport
périodique du Mali, et l'occasion qui lui est ainsi offerte de
reprendre, après plus de 20 ans d'interruption, le dialogue avec l'Etat
partie. La non-présentation de rapport pendant une si longue
période a cependant constitué, de l'avis du Comité, tant
un manquement du Mali à ses obligations en vertu de l'article 40 du
Pacte, qu'un obstacle à une réflexion approfondie sur les mesures
à prendre pour assurer une application satisfaisante du Pacte
(...)"8(*)4. Quant
aux Etats parties, le dommage est bien plus grave. En effet, les
autorités pourront dans certains cas en déduire que la
ratification d'un instrument relatif aux droits de l'homme, ou
l'adhésion à un tel instrument, est un acte qui leur donne un
prestige très recherché mais qui ne prête pas autrement
à conséquence. Le risque est donc que les normes contenues dans
l'instrument considéré ne seront pas prises au sérieux, ni
en droit interne ni au niveau des politiques, si l'obligation de
présenter des rapports, à maints égards l'une des
responsabilités les moins lourdes à assumer pour toute partie
contractante, reste ignorée. Enfin, les doutes que peuvent avoir les
organisations non gouvernementales, les milieux politiques ou autres groupes
d'intérêt quant à l'efficacité, voire
l'utilité, du système des traités, Nous pouvons aussi affirmer, sans risque de nous tromper, que si les Etats africains s'acquittaient convenablement de leurs obligations, s'ils soumettaient régulièrement dans les délais prescrits et dans le strict respect des directives sur la forme et le contenu des rapports élaborées à leur intention par les divers comités, s'ils faisaient plus preuve de bonne foi et de sincérité dans leur présentation et ne se contentaient pas seulement "du tout va bien chez moi", s'ils donnaient une bonne suite et faisaient une bonne application des observations finales et recommandations subséquentes desdits comités dont nous avons fourni plus haut un bon catalogue, comité par comité, l'Afrique serait un vrai continent de droit et bon nombre des crises et conflits qui mettent à mal le développement du continent et le rendent davantage tributaire des pays du Nord, seraient atténués ou n'existeraient pas ! Mais c'est peut-être le système lui-même qui paierait le tribu le plus lourd. Le régime conventionnel ne peut que perdre une part de sa précieuse crédibilité si un Etat peut ostensiblement prendre toute une série d'engagements pour ensuite narguer le Comité. L'acceptation d'une telle situation peut aussi déboucher sur un système à deux vitesses: certains Etats parties se soumettant régulièrement à la surveillance et au contrôle des organes conventionnels, tandis que d'autres, dont le bilan est bien moins satisfaisant, ne s'y soumettent pas. Cette situation a amené les participants à la quatrième réunion des présidents des organes créés en vertu d'instruments internationaux à faire observer "que le fait de ne pas s'acquitter pendant une longue période de ses obligations en matière de rapport ne devrait pas dispenser l'Etat partie concerné de toute supervision alors que d'autres, qui ont au contraire soumis leurs rapports, font l'objet d'un examen attentif"8(*)5. Le fait est que l'impuissance des organes conventionnels à assumer leurs responsabilités de surveillance ne peut qu'encourager d'autres Etats parties à retarder la présentation des rapports, voire à ignorer complètement l'obligation qui leur est faite à cet égard. Mais, devons-nous jeter le bébé avec l'eau de bain ? Malgré la mauvaise volonté et la mauvaise foi de certains Etats qu'on qualifierait "d'Etats voyous", malgré le tâtonnement et le balbutiement de certains pays, le système d'établissement de rapports, quelles que soient ses lacunes ou ses faiblesses, s'est développé très rapidement en un peu plus d'une vingtaine d'années seulement. Dans l'ensemble, le système a, à maints égards, réussi au-delà de ce qu'on pouvait raisonnablement en attendre à l'origine comme en atteste cette déclaration belge: "Despite the difficulties it had had to contend with, the Belgian Government stressed that the system of submitting reports had the merit of encouraging the states parties to carry out a kind of examination of conscience demanded by the international community"8(*)6 Certaines réformes radicales peuvent paraître s'imposer, mais cela ne veut pas nécessairement dire que les principes fondamentaux du système ne sont plus valables. Si au 15 Mars 1993, le nombre total de rapports en retard était de 1009((*)87), aujourd'hui, et précisément au 31 Janvier 2004, ce nombre est tombé à 845, soit une réduction sensible de 164 rapports, sans occulter que le nombre total des Etats parties à tous les traités de base en 2004 ou aujourd'hui n'est plus le même qu'en 1993 (775). Même si cette réduction ne paraît pas trop significative, elle est tout de même à mettre à l'actif des Comités sans les efforts desquels ce résultat n'aurait jamais été atteint. Ceux-ci sont toujours à la recherche de moyens toujours plus inventifs et d'autres avenues susceptibles de persuader les Etats parties à respecter leurs engagements souscrits aux termes des septs instruments de base relatifs aux droits de l'Homme. Si certains de leurs appels et exhortations ont été bien entendus et ont eu du succès, l'ampleur des problèmes à résoudre d'une part, et d'autre part, l'impérieuse nécessité de la promotion et de la protection des droits de l'homme en vue de préserver la dignité humaine et promouvoir la paix et le développement exigent, outre les efforts déjà entrepris ou en cours, des mesures plus énergiques et des réformes novatrices majeures pour faciliter le contrôle de la mise en oeuvre des traités dans les juridictions nationales et pour que ledit contrôle ne soit plus assimilé à une charge trop lourde à supporter par les Etats africains à économie faible, lourdement endettés et toujours en quête du développement. * 84Op cit, Note 79, §81(2) * 85 A/47/628, par. 71 * 86 General Assembly, official records, forty-third session (A/43/40), p. 113, §486 * (87) Op cit, Note 38, p. 43, §104 (Tableau 1) |
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