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Effets de la mise en œuvre de la zone de libre-échange continentale africaine sur le commerce du Burkina Faso


par Christian KABORE
Lund University - Master 2019
  

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V. Méthodologie et Données

Ce chapitre présente une analyse empirique visant à corroborer ou à infirmer les idées émises dans les chapitres précédents. L'analyse s'appuie sur un modèle de gravité dont le détail est ci-après. Les données utilisées à cet effet sont décrites à la section 2.

5.1. Modèle

Le modèle utilisé dans ce travail émane de celui développé par Tinbergen (1962) et H. Linnemann (1966), et inspiré de l'équation de gravité qui fait dépendre les flux de commerce bilatéraux (X) du produit des revenus (Y) de deux partenaires i et j divisé par la distance (D) les séparant. L'équation de gravité se présente comme suit :

??????=A

??2 ???? ??1????

??????? ?3

Où A, fi1, fi2, et fi3 sont des paramètres à estimer.

Sous une forme log-linéaire, qui permet d'interpréter les coefficients comme des élasticités de flux de commerce par rapport aux variables explicatives, nous obtenons :

Ln(??????)=ln(A) + ln(??????1) + ln(??????2)- ????(????????3)

Ln(??????)=a + ??1 ln(????) + ??2 ln(????) - ??3????(??????) , avec ln(A)=a

La spécification de notre modèle, inspiré d'une version "augmentée" du modèle de gravité utilisée par Ekanayake et al (2010), se présente comme suit:

Ln(FCijt)=á0+á1Ln(TMijt)+á2Ln(PIBit)+á3Ln(PIBjt)á4(TRSPijt)+á5Ln(POPit)

+ á6Ln(POPjt)+á7INTRAZLECAf+á8CEDEAO+á9(FCOMij)+ìitt+gijt (1)

Dans cette première spécification du modèle (1), le pays i est l'exportateur (Burkina Faso), le pays j est l'importateur (partenaire commercial) et t représente la dimension temporelle. FCijt représente l'exportation du Burkina Faso vers ses partenaires j en un temps t. TMit représente le tarif moyen appliqué par le partenaire aux exportations en provenance du Burkina Faso. En principe, un tarif élevé limite les importations de produits burkinabè par le pays qui impose une telle mesure. PIBit et PIBjt représentent respectivement le PIB du Burkina Faso et le PIB du partenaire. Conformément à la théorie (Krugman, 1995), le commerce bilatéral est proportionnel au PIB des partenaires. Ainsi, plus les PIB sont élevés, plus les exportations s'accroissent. TRSPijt Représente les coûts de transport des marchandises de Ouagadougou à la capitale du pays partenaire. Plus les coûts sont

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élevés moins les relations commerciales sont importantes. POPit et POPjt représentent respectivement le taux de croissance des populations du Burkina Faso et des pays partenaires. Cette variable mesure l'effet de la taille du marché c'est-à-dire de la demande d'importations. Ainsi, une population importante chez le partenaire pourrait favoriser une demande importante de produits d'origine burkinabè. Par contre, un accroissement de la population burkinabè, si elle ne s'accompagne pas d'une adaptation des structures de production, peut réduire la part de production disponible pour les exportations.

INTRAZLECAf est une variable muette qui prend la valeur 1 si le partenaire est membre de la ZLECAf et 0 sinon. Cette variable permet de capter l'effet de l'appartenance à la ZLECAf sur les exportations du Burkina Faso. Un effet positif indique que l'appartenance des deux pays à la ZLECAf accroît les échanges bilatéraux entre eux. Un effet négatif indique que l'appartenance des deux partenaires à la ZLECAf réduit les échanges bilatéraux. CEDEAO est une variable muette qui prend la valeur 1 si le partenaire est membre de la CEDEAO et 0 sinon. Elle permet de capter l'effet de l'appartenance à la CEDEAO sur les exportations du Burkina Faso. FCOMij est une variable muette qui prend la valeur 1 si le Burkina Faso partage une frontière commune avec le partenaire et 0 sinon. Cette variable capture l'effet de l'existence d'une frontière commune sur les exportations du Burkina Faso.

ìij et ät, åijt représentent respectivement les effets fixes spécifiques à une paire, les effets fixes temporels et le terme d'erreur. Les effets fixes permettent de capter l'effet des résistances multilatérales (Yotov et al, 2016). Les effets fixes d'une paire (Burkina Faso-pays i) sont captés par des variables muettes qui prennent la valeur 1 pour un partenaire i et 0 pour tout partenaire j différent de i.

Ces variables permettent de prendre en compte les éléments inobservables spécifiques à la relation commerciale avec le partenaire i qui ne sont pas prises en compte dans les variables explicatives (exemple la culture du pays, les relations diplomatiques, ...). Un effet positif indique alors qu'il existe des spécificités de ce pays qui contribuent à l'accroissement des exportations du Burkina Faso vers ce pays. Les effets fixes temporels, quant à eux, sont captés par des variables muettes qui prennent la valeur 1 pour une année t et 0 pour toute année différente de t.

Le rôle de ces variables c'est de prendre en compte les éléments inobservables spécifiques à l'année t et qui ne sont pas prises en compte dans les variables explicatives (la mise en place d'une politique spécifique durant l'année, la baisse d'un prix au cours de l'année, ...). Un effet positif indique alors qu'il y a eu au cours de l'année des éléments catalyseurs des exportations burkinabè.

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Le modèle ainsi construit a été critiqué sur un certain nombre de points (UNCTAD, 2016 ; Baldwin & Taglioni, 2006). En effet, les critiques mettent en évidence un certain nombre d'erreurs à ne pas commettre lors d'une analyse avec un modèle de gravité et que celui-ci n'a pu éviter. Il s'agit notamment de la déflation inappropriée des flux commerciaux (erreur de bronze), la considération d'un seul flux commercial (erreur d'argent) et la non prise en compte des résistances multilatérales (erreur d'or).

Les auteurs font des propositions pour corriger ces erreurs. Ainsi, pour corriger l'erreur de bronze il faut prendre les valeurs en termes réels (WTO & UNCTAD, 2012). Pour corriger l'erreur d'argent il est préférable d'utiliser un modèle de panel de sorte que chaque pays soit considéré comme étant importateur puis exportateur. Enfin, selon Olivero & Yotov (2012) ainsi que Feenstra (2016), pour prendre en compte les résistances multilatérales, il faudrait introduire dans le modèle les effets fixes temporels pour l'exportateur (uit) et pour l'importateur (ujt).

Etant donné que notre recherche ne s'intéresse qu'aux exportations du Burkina Faso, nous retenons le modèle en séries temporelles. Dans ce cas, il est recommandé d'utiliser les données sur le commerce intra-national, d'insérer les effets fixes individuels par année (importer-time fixed effects), d'introduire les variables traditionnelles d'un modèle de gravité (distance, contiguïté, langue commune, ...) plutôt que les effets fixes de pair, et d'estimer le modèle avec l'estimateur du pseudo maximum de vraisemblance de Poisson (Yotov et al, 2016). La spécification finale est donc la suivante :

Ln(EXPORTijt)=á0+á1Ln(TMijt)+á2Ln(PIBit)+á3Ln(PIBjt)+á4(TRSPijt)+

á5LANGUE +á6INTRAZLECAf+á7CEDEAO+á8(FCOMij)+ìittijt (2)

Dans une seconde spécification, les coûts commerciaux sont introduits à la place de certaines variables traditionnelles contenues dans la variable COÛTS, notamment le tarif moyen (TM), les coûts de transport (TRSP), et les coûts liés aux différences de langue (LANGUE).

Ln(EXPORTijt)=á0+??1Ln(COÛTS))+??2Ln(PIBit)+á3Ln(PIBjt) +á4INTRAZLECAf+á5CEDEAO á6(FCOMij)+ìit+ät+åijt (3)

La période d'analyse se situe entre 2000 et 2016. Les exportations sont mesurées aux prix f.o.b. L'analyse porte sur le Burkina Faso (pays i) et ses partenaires commerciaux (annexe1). Seul le commerce des marchandises est examiné. Tous les flux commerciaux ainsi que les données des variables économiques sont évalués en dollar courant des États-Unis d'Amérique ($US). Divers scénarios sont testés pour déterminer convenablement les effets potentiels de la ZLECAf.

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Les résultats obtenus de l'estimation de ce modèle sont présentés et discutés dans le chapitre suivant.

5.2. Données

Les données utilisées ici proviennent de diverses sources. Les données sur le PIB pour l'ensemble des pays, ainsi que le tarif moyen appliqué par les partenaires à leurs importations en provenance du Burkina Faso, approximé par le taux moyen appliqué par ces pays, sont extraites de la base de données de la Banque Mondiale (WDI, 2018). La langue parlée (LANGUE) ainsi que l'indicateur de frontière commune (FCOM), sont extraits de la base de données de la CEPII. Les tarifs appliqués par les partenaires à leurs importations en provenance du Burkina Faso sont approximés par le taux moyen appliqué par ces pays. La variable (CEDEAO) est construite à partir de la liste des pays membres de cette union douanière. La variable (INTRAZLECAf) est construite à partir de la liste des pays signataires de l'accord de la ZLECAf. En conformité avec notre analyse de départ, les variables distance, langue et tarif moyen ont été remplacées dans une deuxième estimation par la variable coûts commerciaux (COÛTSijt) issue de la base de données ESCAP-WB Trade Cost Database. Les coûts commerciaux sont calculés à l'aide du « cadre de gravité inverse » développé par Novy (2009). Cette variable englobe tous les coûts directs et indirects auxquels sont confrontés deux pays, notamment les coûts de transport et de logistique, les tarifs, ainsi que les coûts liés aux différences de langues, de devises, d'obstacles géographiques et de procédures d'importation et d'exportation. Elle est exprimée sous forme d'équivalent ad valorem.

Les données sont log-linéarisées à l'exception des variables muettes (FCOM, CEDEAO et INTRAZLECAf). Le tableau 3 ci-dessous indique les signes théoriquement attendus pour chaque variable incluse dans le modèle.

Tableau 3 : définitions des variables et sources de données

Variables

dénomination

Sources

Signes attendus

TMijt

Taux moyen appliqué

WDI

-

PIBit

PIB du Burkina Faso

WDI

+

PIBjt

PIB du pays partenaire

WDI

+

LANGUE

Communauté de langue entre les partenaires

CEPII

+

INTRAZLECAf

Appartenance à la ZLECAf

 

indéterminé

CEDEAO

Appartenance à la CEDEAO

 

indéterminé

FCOM

Frontière commune

CEPII

+

DISTij

Distance entre les capitales

CEPII

-

COÛTSijt

Coûts commerciaux

ESCAP-WB

-

Source : Construit par l'auteur

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"Piètre disciple, qui ne surpasse pas son maitre !"   Léonard de Vinci