Page j
AVERTISSEMENT
L'Université Catholique d'Afrique Centrale n'entend
donner aucune approbation ni improbation aux opinions émises dans ce
mémoire ; celles-ci doivent être considérées
comme propres à leur auteur.
Page ii
DEDICACE
A Ma grand-mère - NDOBO veuve MESSIA
Pauline Mes parents : MESSELA Jean-Louis ; Et BESSALA épouse
MESSELA Remy Renée J. Marie-Madeleine.
Page iii
REMERCIEMENTS
Nous adressons notre profonde gratitude à l'endroit de
toutes les personnes qui ont contribué de manière actives ou
passives à la réalisation de ce mémoire. Il s'agit ici de
:
· Notre Directeur de mémoire le Docteur Achille
SUNKAM KAMDEM, qui malgré son agenda chargé, a bien voulu diriger
ce travail de recherche, et dont les conseils, critiques et suggestions ont
été précieuses dans la réalisation de ce dernier
;
· La coordonnatrice du Master Contentieux et Arbitrage
des affaires, le Docteur Pulchérie AMOUGUI pour l'apport inestimable
tout au long de notre formation ;
· Maître Albert ELOUNDOU ELOUNDOU qui a bien voulu
nous accueillir dans son cabinet et dont les conseils nous ont permis
d'améliorer notre compréhension du droit et de ses
procédures ;
· Maître André TACHATCHOUA pour ses
encouragements ;
· Tous les enseignants de l'Université
Catholiques d'Afrique Centrale pour tous les enseignements et les connaissances
qu'ils nous ont dispensé tout au long de notre formation ;
· Madame BILE née MESSIA Germaine qui a pris le
soin de relire ce travail avec beaucoup d'attention et ce en dépit de
ces multiples occupations.
· La famille ONGOH Roger qui a toujours
été un roc sur qui s'appuyer durant les périodes de doutes
auxquelles nous avons fait face tout au long de notre cursus universitaire.
A tous nos camarades du Master Contentieux et Arbitrage des
Affaires, en particulier KOUEKE KONGUEN Raïssa pour ses encouragements et
sa participation active à la réalisation de ce travail.
Tous ceux dont les noms n'ont pu être cités, et
qui ont oeuvré à la réalisation de ce travail ; recevez
ici l'expression de notre sincère et profonde gratitude.
Page iv
ACRONYMES ET ABREVIATIONS
ANIF: Agence Nationale d'Investigation
Financière
AMGI : Agence Multilatérale de Garantie
des Investissements
API : Agence de Promotion des Investissements
ARMP: Agence de Régulation des
Marchés Publics
AUA : Acte Uniforme relatif au droit de
l'Arbitrage
AUDSCGIE : Acte Uniforme relatif au Droit des
Société Commerciales et des Groupement d'Intérêts
Economiques
C/ : contre
CAMTEL : Cameroon Telecommunications
CARPA : Conseil d'Appui à la
Réalisation des Contrats de Partenariats
Cass. : Cour de cassation française
CCJA : Cour Commune de Justice et d'Arbitrage
CIRDI: Centre International pour le
Règlement des Différends relatifs aux Investissements
Civ. : Chambre civile
CONAC: Commission Nationale Anti-Corruption
CNPS : Caisse Nationale de Prévoyance
Sociale
DSCE : Document Stratégique sur la
Croissance et l'Emploi
GICAM: Groupe Inter-patronal du Cameroun
IDE : Investissements Directs Etrangers
Ibid : Même référence que
ci-dessus
LGDJ : Librairie Générale de Droit
et de Jurisprudence
OAPI : Organisation Africaine de la
propriété Intellectuelle.
OCDE : Organisation pour la Coopération
et le Développement Economique
OHADA : Organisation pour l'Harmonisation en
Afrique du Droit des Affaires
ONZFI : Office Nationale de la Zone Franche
Industrielle
Op. cit. : opere citato (cité plus
haut)
PME : Petites et Moyennes Entreprises
RCCM : Registre du Commerce et du Crédit
Mobilier
Page v
Page vi
RESUME
L'investissement direct est devenu en raison du déclin
de l'aide publique internationale, le mode de financement essentiel du
développement dans les pays du tiers monde. L'investissement direct
étranger est porteur de nombreux avantages pour le développement
de l'Etat hôte. Notamment le transfert de technologie, la création
d'emplois et la modernisation des infrastructures etc. C'est l'une des raisons
pour lesquelles, les Etats notamment les pays en voie de développement
accordent une place à l'attractivité de ce type d'investissement.
L'adoption d'un cadre juridique et fiscal incitatif est l'un des modes que les
Etats adoptent pour atteindre cette fin.
C'est ainsi que le législateur camerounais a
adopté de nombreux textes et ratifié de nombreux traités
bilatéraux d'investissements pour rendre son environnement plus
attractif. L'adoption de ces textes n'a hélas pas apporté de
grand changement dans l'attractivité du territoire. Est-ce-à dire
que les incitations juridiques et fiscales sont inefficaces ? Le droit
n'étant pas une science comme les autres, il n'existe pas d'unité
de mesure conventionnellement accepté. C'est ainsi que nous avons
opté pour la notion d'effectivité pour servir d'instrument.
Compte-tenu de sa richesse et de sa flexibilité. Cette notion a une
double signification. En effet, elle renvoie à la réalité
et aux effets d'une norme juridique.
C'est pourquoi, cette étude, prend en compte cette
double acception. L'effectivité-état en l'occurrence
réalité voir l'existence du cadre juridique sur les
investissements directs étrangers sera analysé en premier. S'en
suit l'analyse des facteurs qui contribuent à l'ineffectivité du
cadre juridique des investissements directs étrangers au Cameroun.
Page vii
ABSTRACT
Foreign direct investment has become the essential funding
source for developing countries. This is due to a decrease in the international
aid. Besides, this type of investment comes along with many advantages for the
developing state. Some of these advantages include: technology transfer, jobs
creation and infrastructural modernisation as well. That's the reason why these
states give prominence to the attractiveness of these investments. The main way
in which they ensure an increase in their economic attractiveness is through
the adoption of legal and fiscal incentives.
The Cameroonian legislator has passed an important number of
laws and ratified many bilateral investment treaties to ensure an increase in
its economic attractiveness. Despite that, a great change has not been observed
in the economic attractiveness of the latter. Does that mean that the legal and
fiscal incentives are inefficient? The legal science has no measurement unit
universally accepted. That's why we have chosen effectivity to serve that
purpose. Effectiveness has a large scope. It means both reality and effects of
a legal rule.
This study considers this double meaning. Both the reality
aspect of the notion First of all, we will analyse the existing legal framework
of foreign direct investment in Cameroon. Next, we'll analyse the factors
limiting or causing the ineffectiveness of the legal framework of foreign
direct investment in Cameroon.
Page viii
SOMMAIRE
AVERTISSEMENT i
DEDICACE ii
REMERCIEMENTS iii
ACRONYMES ET ABREVIATIONS iv
RESUME vi
ABSTRACT vii
INTRODUCTION GENERALE 1
PREMIERE PARTIE : L'EXPRESSION DE L'EFFECTIVITE DU DROIT
DES
INVESTISSEMENTS DIRECTS ETRANGERS AU CAMEROUN
9 CHAPITRE I : LA MISE EN OEUVRE DES PRINCIPES JURIDIQUE ENCADRANT
LES
INVESTISSEMENTS DIRECTS ETRANGERS AU CAMEROUN
12
Section I : Les principes de consécration nationale 12
Section II: Les principes de consécration communautaire
21
CHAPITRE II : LA MISE EN OEUVRE DES MESURES LEGALES DE
PROMOTION DES
INVESTISSEMENTS DIRECTS ETRANGERS AU CAMEROUN
33
Section I: Les mesures d'ordre matériel 33
Section II: Les mesures d'ordre institutionnelles 45
DEUXIEME PARTIE : LES PESANTEURS A L'EFFECTIVITE DU DROIT
DES
INVESTISSEMENTS DIRECTS ETRANGERS AU CAMEROUN
57
CHAPITRE I : LES PESANTEURS D'ORDRE JURIDIQUE
60
Section I : Les pesanteurs liées à la
sécurité juridique prévue dans les actes uniformes
OHADA.
60
Section II: Les pesanteurs liées à la
difficulté d'exécution des décisions de justice 72
CHAPITRE II : LES PESANTEURS NON-JURIDIQUES
87
Section I : Le risque politique non-maitrisé 87
SECTION II: Les facteurs socio-économiques constituant un
frein à l'effectivité des
investissements directs au Cameroun 98
CONCLUSION GENERALE 107
LEGISLATION 109
BIBLIOGRAPHIE : 111
TABLE DES MATIERES 118
Page 1
INTRODUCTION GENERALE
« L'investissement international est la clé du
développement »1. Cette citation ne
révèle que trop bien la posture des Etats par rapport à ce
phénomène qu'est l'investissement. Les Etats du monde entier se
font une concurrence accrue pour attirer le maximum d'investisseurs
étrangers sur leur territoire. En effet, l'investissement direct
étranger constitue en raison du déclin de l'aide internationale,
l'une des sources principales de financement pour les pays en voies de
développement2. L'investissement direct permet le transfert
de technologie et de savoir-faire de la firme étrangère vers le
pays hôte, il créé des emplois, pour les populations
locales, le développement d'infrastructures matérielles et
procure de nouveaux produits au marché local3.
Au cours des vingt dernières années l'essor
économique spectaculaire de pays comme l'Inde et la Chine grâce au
flux des IDE venus des pays développés a inspiré les
dirigeants africains. C'est pourquoi, de nombreuses conventions
bilatérales d'investissement ont été signées avec
des pays exportateurs de capitaux4. Les pays importateurs de
capitaux notamment les pays en voie de développement tendent à
améliorer leur environnement économique et juridique pour
accroitre le flux d'investissements étranger en destination de leurs
pays. La raison est que les investisseurs étrangers accordent de
l'importance au cadre juridique et fiscal du pays d'accueil. Ainsi, les
dirigeants africains en général et ceux du Cameroun en
particulier ont très vite promulgué des codes et autres lois sur
les investissements5. Insérant dans ces derniers un maximum
d'incitations à l'endroit d'opérateurs économiques
étrangers pour les encourager à venir s'y implanter.
Le cadre législatif camerounais qui régit les
investissements a considérablement évolué. A la suite du
code des investissements de 1964, un nouveau code des investissements a
été adopté en 19846, il s'agit d'un code
orienté vers le développement des PME. Toutefois, il sera
très vite abrogé par le code adopté en 19907.
La même année, le législateur camerounais va promulguer une
loi portant régime des zones franches industrielles8. Ces
lois
1 R. CHARVIN, Investissement international et
droit au développement, Paris, L'Harmattan, 2002, pp 202, p. 17
2 Ibid
3 Ibid p. 117
4 Le Cameroun a conclu des conventions
bilatérales aussi bien avec des pays développés qu'avec
des pays émergents.
5 Loi n°64/LF/64 du 16 avril 1964 portant code de
l'investissement au Cameroun.
6 Loi n°84/002 du 4 juillet 1984 portant code des
investissements au Cameroun
7 Ordonnance n°90/007 du 08 novembre 1990 portant
code des investissements du Cameroun.
8 Ordonnance n°90/001 du 29 janvier 1990
créant le régime de la zone franche industrielle au Cameroun
Page 2
seront abrogées en 2002 par la loi portant charte des
investissements au Cameroun9. Et enfin, en 201310, une
loi de plus sur les investissements a été promulguée par
le législateur camerounais, en l'occurrence la loi portant incitations
à l'investissement privé au Cameroun.
L'importance des investissements dans les politiques de
développement et le difficile décollage de l'économie
camerounaise a rendu intéressante une réflexion sur
l'effectivité du droit des investissements direct étranger au
Cameroun. Pour le faire, une clarification des concepts s'avère
nécessaire.
Etymologiquement, le terme effectivité tire son origine
du latin effectus qui a deux significations11. Lorsqu'il
est orthographié sans accent sur le « u », il renvoie à
ce qui est fait, exécuté ou achevé. Lorsqu'il est
orthographié avec un accent sur le « u » en l'occurrence
effectus, il indique un effet, une réalisation, un
accomplissement. Cette origine duale traduit les deux sens dans lequel ce terme
est employé aujourd'hui12.
C'est dans ce même esprit que la doctrine est
partagée quant à la définition de ce terme. Cette notion
est définit en fonction de l'usage que l'on en fait. Ainsi, Michel
Troper affirme que la définition retenue est fonction d'un
problème spécifique. Avant d'indiquer celle retenue pour ce
travail, il convient de présenter tout d'abord le clivage qui existe
concernant le sens donné à cette notion.
En effet, pour certains auteurs, l'effectivité d'une
norme renvoie à son application. Il en est ainsi d'une auteure pour qui
l'effectivité est : « La relation de conformité entre les
comportements que la norme prescrit et les comportements réels
»13.
Le doyen TOUSCOZ à sa suite définit
l'effectivité comme : « La qualité de ce qui remplit
objectivement sa fonction sociale »14. Il poursuit :
« La nature de ce qui existe en fait, de ce qui existe en fait, de ce
qui existe concrètement ; elle s'oppose à ce qui est
fictif,
9 Loi n°2002-004 du 19 avril 2002 portant charte
des investissements au Cameroun
10 Loi n°2013/004 du 18 avril 2013 fixant les
incitations aux investissements privé en République du
Cameroun
11 Voir dans ce sens F. GAFFIOT, Dictionnaire
Latin Français, Hachette, Paris, 1934, p. 573, cité par J.
BETAILLE, « Les conditions juridiques de l'effectivité de la
norme en droit public interne : illustration en droit de l'urbanisme et en
droit de l'environnement », thèse de droit public,
Université de Limoges, 2012, pp. 12 - 40
12 D'une part, l'on retrouve
l'effectivité-état qui renvoie à ce qui est réel et
de l'autre, l'on retrouve l'effectivité-action qui renvoie à
quelque chose qui produit un effet sur le réel. Le droit international
l'emploie le terme dans sa première acception.
13 D'après M.A COHENDET, «
Légitimité, effectivité et validité
», in Mélanges Pierre Avril, Paris, La république,
Montchrestien, 2001, p.203
14 J. TOUSCOZ, Le principe d'effectivité dans
l'ordre international, Paris, LGDJ, 1962, p. 2
Page 3
imaginaire, ou purement verbal. Une règle ou
situation juridique si elles s'incarnent dans la réalité
».
Cette conception de l'effectivité qui se limite
à la réalité de l'application d'une norme est certes
admise mais elle est incomplète car elle ampute cette notion d'une
partie de sa richesse.
D'après le doyen Carbonnier, l'effectivité comme
l'ineffectivité de la norme est susceptible de degrés.
Pierre LASCOUMES par contre voit l'effectivité comme un
instrument utilisé par le sociologue du droit pour évaluer le
degré de réception entre pratique et droit15.
Le vocabulaire juridique définit ce terme comme «
Le caractère d'une règle de droit qui produit l'effet voulu,
qui est appliquée réellement »16. Cette
définition ressort l'idée de degrés qui est attaché
à la notion de l'effectivité.
L'effectivité désigne d'une part un «
fait » vérifiable voire mesurable, l'application
susceptible de degrés d'une règle de droit et d'autre part, les
effets réels de la règle sur les comportements
sociaux17.
Nous nous intéresserons donc au degré
d'effectivité qui lui correspond à la balance qui existe entre
les effets pervers d'une norme et ceux qui concourent à sa
finalité. L'on se rend donc compte que cette notion peut être
utilisée comme un instrument de mesure de la norme. De par sa richesse
elle traduit tant la réalité que la réception voire les
effets que la norme produit sur la société.
Enfin, un auteur a défini cette notion comme : le
degré d'influence qu'exerce la norme juridique sur les faits au regard
de sa propre finalité18. Telle est la définition
qui sera retenue dans le cadre de ce travail.
Il convient de distinguer cette notion avec d'autres notions
voisines que sont l'efficience et l'efficacité.
15 P. LASCOUMES et E. SERVERIN, «
Théories et pratiques de l'effectivité du droit »,
in Droit et société, n°2, 1986, pp. 101-124 ;
https://doi.org/10.3406/dreso.1986.902,
consulté le 08 décembre 2018
16 G. CORNU (dir.), Vocabulaire juridique,
11ème édition, PUF, 2016, p. 345
17 F. RANGEON, « Réflexions sur
l'effectivité du droit », in CURAPP, Les usages sociaux du
droit, PUF, 1989, p. 128
18 J. BETAILLE, « Les conditions
juridiques de l'effectivité de la norme en droit public interne :
illustration en droit de l'urbanisme et en droit de l'environnement
», thèse de droit public, Op cit., p. 32
Page 4
L'efficacité est définie comme le
caractère de ce qui produit l'effet que l'on
attend19. L'efficacité, abordée dans ce sens peut
être considéré comme le degré d'effectivité
de la norme. D'après Pierre LASCOUMES, l'effectivité est un
degré, et l'efficacité est un résultat obtenu. A la
lecture de ces deux définitions, l'on se rend compte que
l'efficacité correspond au résultat obtenue. Les effets
réels d'une loi sont souvent indépendants des effets
escomptés. Une loi effectivement appliquée peut être
inefficace au regard du législateur20.
L'autre notion voisine est l'efficience. Elle se
caractérise par le résultat obtenu à moindre coût.
D'après François RANGEON, l'efficience n'est pas toujours
chiffrable, mais elle permet de comparer les alternatives qui produisent le
meilleur résultat pour une allocation de ressources
données21. L'auteur affirme ainsi que la mesure de
l'efficience s'avère difficile car l'on ne peut guère chiffrer le
coût réel de l'application d'un texte particulier. L'efficience se
rapporte plus à l'économie qu'au droit.
Le terme investissement est une notion empruntée
à l'économie. Il n'existe pas de définition unanime de
cette expression. Ceci parce que chaque Etat est libre d'en préciser le
contenu selon ses besoins. Dans la plus part des législations nationales
et des traités bilatéraux d'investissement, les Etats se
contentent de délimiter le champ des investissements sans en
préciser la notion22.
Le droit des investissements internationaux est
appréhendé à travers son objet23.La loi
n°2013/004 du 18 avril 2013 fixant les incitations aux investissements
privés en République du Cameroun définit la notion
d'investissement comme un : « actif détenu et/ou acquis par un
investisseur (entreprise, actions, parts de capital, obligations,
créances monétaires, droits de propriété
intellectuelle, droits au titre des contrats, droits conférés par
la loi et les
19Le petit Robert de la langue française,
2013
20 F. RANGEON, Réflexions sur
l'effectivité du droit, Op cit. p. 06
21 Ibid, p. 133
22 Le législateur camerounais n'a pas
dérogé à cette pratique. En effet, l'article 4 de la
charte des investissements
énonce les éléments dispose de la charte des
investissements, il énonce les actifs faisant partis de : « -
Une
entreprise ;
- les actions, parts de capitales ou autres formes de
participation au capital d'une entreprise ;
- les obligations et autres titres de créance
;
- les créances monétaires ;
- les droits de propriété intellectuelle
;
- les droits au titre des contrats à moyen et long
terme notamment les contrats de gestion, de production,
de commercialisation ;
- les droits conférés par la loi et les
règlements notamment les concessions, licences, autorisations ou
permis;
- tout autre bien corporel ou incorporel, meuble ou immeuble,
tous les droits connexes de propriété. »
23 S. ROBERT-CUENDET (dir.), Droit des
investissements internationaux : perspectives croisées, Bruxelles,
Bruylant, 2017, pp. 672
Page 5
règlements, tout autre bien corporel ou incorporel,
meuble ou immeuble, tous droits connexes de propriété)
»24. Cette définition est dite « assets
based » car elle se contente d'énumérer les actifs
pouvant être qualifiés d'investissement. Elle est de ce fait
tournée vers la protection de l'ensemble du patrimoine de
l'investisseur25. Cependant, cette définition est trop
limitative et ne dit pas non plus ce qu'est l'investissement direct
étranger.
D'après l'OCDE26, « un
investissement direct étranger est effectué en vue
d'établir des liens économiques durables avec une entreprise tels
que, les investissements qui donnent la possibilité d'exercer une
influence sur la gestion de ladite entreprise au moyen de la création ou
de l'extension réelle sur la gestion d'une entreprise au moyen : de la
création ou de l'extension d'une entreprise, d'une filiale, ou de la
succursale appartenant exclusivement au bailleur de fonds , · de
l'acquisition intégrale d'une entreprises existante , · d'une
participation à une entreprise nouvelle ou existante ».
Lorsqu'aucun lien économique de caractère durable n'est
établi ou que le lien ne se traduit pas par une aspiration aux
résultats de l'exploitation, le contrat demeure un contrat commercial.
Dans ce cas, il ne peut être considéré comme un contrat
d'investissement27.
La jurisprudence arbitrale, via la sentence
Salini28, a énoncé les critères indispensables
pour qualifier une opération d'investissement direct étranger.
Dans cette espèce, le tribunal arbitral du CIRDI a retenu quatre
critères. Il s'agit de l'apport, la durée d'exécution du
marché, le risque économique du fait de l'aléa et enfin la
contribution au développement de l'Etat d'accueil
d'investissement29.
L'investissement direct étranger peut donc être
défini comme une opération de longue durée qui consiste en
l'apport d'une somme d'argent considérable soit sous forme de prise de
participation d'au moins 10% dans le capital d'une société
existant dans le pays hôte d'investissement, soit sous forme de
création d'une société dans le pays d'accueil.
24 Article 3 de la loi n°2013/004 du 18 avril
2013 fixant les incitations aux investissements privés en
République du Cameroun.
25 Voir dans ce sens C. DOMINIQUE et P. JUILLARD,
Le droit international économique, 5ème
édition, Paris, Dalloz, 2013, pp. 477 et ss.
26 OCDE, « Définition de
référence des investissements directs internationaux »,
4ème édition, 2008, p. 52
27 J.P LAVIEC, « Protection et Promotion
des investissements Etude de Droit international économique »,
PUF, 1985, pp. 241-245
28Salini Costruttori Spa et Italstrade Spa c.
Royaume du Maroc
29 L'apport financier considérable ; la
durée ici renvoie à une période considérable
longue. Pouvant courir sur une quinzaine d'années au moins. Le risque
économique renvoie à l'incertitude quant à un
éventuel retour sur investissement.
Page 6
L'opération se caractérise par le contrôle
des activités de la société par l'investisseur. Et est
soumise à l'aléa économique de non-retour sur
investissement.
L'investissement indirect par contre se caractérise par
un simple placement financier de l'investisseur dans le capital d'une
société étrangère, sans exercer de contrôle
dans cette dernière.
L'Etat y a recours lorsqu'il veut réaliser de grands
projets structurants. Cela se matérialise sous diverses formes. Soit via
un contrat de partenariat public-privé, ou soit sous la forme d'un
contrat de concession ou enfin d'un contrat d'affermage, les deux derniers
étant des contrats de délégation de service public.
Plusieurs types d'opérations peuvent être
qualifiés d'investissements directs étrangers. Il s'agit de
celles réalisées pour la croissance interne au sein d'une
même firme transnationale entre la maison mère et ses
établissements implantés à l'étranger (filiales ou
bureau de représentation) ; ou par l'extension des capacités de
production d'unités déjà existantes, ou via des flux
financiers entre établissements30.
Le droit des investissements directs étrangers est un
ensemble étendu constitué ou influencé par plusieurs
autres disciplines juridiques. Pour pouvoir attirer efficacement les
investisseurs en son sein, un Etat doit disposer d'un cadre juridique
incitatif. Celui-ci comprend une législation fiscale attrayante, une
législation du travail incitative, la législation sur le commerce
national ainsi que le commerce transfrontalier. Outre le cadre juridique, les
investisseurs prennent en compte d'autres déterminants tel que la
corruption, l'indépendance du système judiciaire, le degré
d'ouverture économique du pays, la qualité des infrastructures,
la qualité et le coût de la main d'oeuvre etc.
Après avoir effectué une combinaison de ces
différents concepts de ce sujet, l'effectivité du droit des
investissements directs étranger au Cameroun sera donc : la
capacité pour les normes juridiques encadrant les opérations d'
d'investissements directs étrangers au Cameroun à atteindre les
objectifs de développement pour lesquelles elles ont été
promulguées.
30 Via une augmentation de capital, un prêt
ou une avance de trésorerie par la maison mère. A ce sujet, voir
F. FOUODJI, « Les clauses de stabilisation et d'intangibilité
dans les contrats d'investissement entre états et investisseurs directs
étrangers, » Mémoire de master en contentieux et
arbitrage des affaires, Université Catholique d'Afrique Centrale,
2016
Page 7
Le cadre géographique de cette étude est le
Cameroun, pays d'Afrique centrale ayant une population de 23,4 millions
d'habitants et s'étendant sur une superficie de 475.000 km2.
Riches en matières première de tous genre31 et
jouissant d'une main d'oeuvre moins cher et majoritairement jeune. De plus,
l'Etat a ratifié de nombreux instruments juridiques tels que les
conventions de Washington créant le CIRDI, de Séoul créant
l'AMGI, les accords de Bangui instituant l'OAPI, le traité de Port-Louis
instituant l'OHADA etc.
En 2009, l'Etat du Cameroun a édicté un document
cadre dans lequel il a précisé la stratégie pouvant lui
permettre d'atteindre le statut de pays émergent à l'horizon
2035. L'objectif cible au moment de la rédaction de ce dernier est
d'atteindre un taux de croissance d'au moins 8% chaque année entre 2010
et 2020. L'une des conditions pour atteindre cet objectif est l'accroissement
du niveau d'investissements ainsi qu'une participation plus importante du
secteur privé dans la vie économique32.
La question de l'investissement direct étranger touche
toutes les couches de la société. Un investisseur qui s'implante
dans un pays génère de nombreux emplois pour les populations
environnantes et améliore ainsi leurs conditions de vie. Raison pour
laquelle notre étude suscite un intérêt à divers
égards.
Les investissements directs étrangers produisent de
nombreux effets positifs à l'égard de la population.
L'intérêt sur le plan social serait la création d'emplois
dans plusieurs secteurs d'activité. Par ailleurs ils emportent
également un volet responsabilité sociale. Les investisseurs
créent des structures sociales connexes (hôpitaux, écoles,
etc.) dans leurs zones d'exploitation. Ce qui contribue à
améliorer le quotidien des populations riveraines et par la même
occasion à résorber la pauvreté.
Sur le plan juridique, l'enjeu principal pour l'investisseur
est de garantir la sécurité de ses opérations et de ces
avoirs sur le territoire étranger. C'est pourquoi, il a besoin de voir
sa protection assurée tant sur le plan juridique via des textes clairs,
précis et applicables. Que sur le plan judiciaire à travers
l'application libre et transparente de la justice. C'est l'une des raisons pour
lesquelles le législateur OHADA dans son préambule évoque
la promotion des
31 Le pétrole, le gaz naturel, le bois, et
des minerais. Des ressources agricoles telles que le café, le coton, le
cacao, le maïs et le manioc.
32 V. Ministère de l'économie de la
planification et de l'aménagement du territoire, Cameroun Vision
2035, Février 2009, p. 76
Page 8
investissements par la sécurité juridique et
judiciaire33. De plus, l'attraction des IDE fait partie
intégrante de la politique de développement de l'Etat
camerounais.
D'après la Banque mondiale, pour atteindre ses
objectifs de développement, le Cameroun devra porter le taux
d'investissement de 20% du PIB à 30% en 203534. Or,
d'après le directeur général du trésor
français, l'on constate depuis 2014 une chute des projets
d'investissements au Cameroun. Cela serait dû en partie à une
chute des prix des matières premières.
Des lois incitatives ont été promulgué,
mettant en place un arsenal juridique conséquent afin d'attirer les
investisseurs directs étrangers au Cameroun. Toutefois,
l'économie peine à décollé et le taux de croissance
est relativement statique. Ce qui nous amène à formuler la
problématique suivante : Peut-on affirmer que le droit des
investissements directs étrangers s'applique au Cameroun de
manière à ce que les objectifs recherchés soient atteints
? Ce qui nous conduit à rechercher le degré d'effectivité
du droit des investissements directs étranges au Cameroun dans les
objectifs de développement projetés par le pays.
L'hypothèse qui ressort de ce travail est que le droit
des camerounais comporte des mesures de promotion des IDE dont la mise en
oeuvre traduit un certain degré d'effectivité. Cependant des
facteurs empêchent de produire les effets recherchés en
l'occurrence atteindre les objectifs de développement contenus dans le
document stratégique pour la croissance et l'emploi.
Pour mener à bien cette étude,
l'exégèse a constitué la méthode utilisée.
Pour ce faire, il sera question d'examiner les textes de lois, ouvrages,
jurisprudences, articles de presse et de doctrine, thèses et
mémoires. Dans le but de vérifier l'hypothèse
formulée, ce travail s'articule autour des deux parties suivantes :
l'expression de l'effectivité du droit des investissements directs
étrangers au Cameroun (PREMIERE PARTIE), les pesanteurs à
l'effectivité du droit des investissements directs étrangers au
Cameroun (DEUXIEME PARTIE).
33 Voir le cinquième paragraphe du
préambule du traité de Port-Louis du 17 Octobre 1993 instituant
l'OHADA 34
http://www.banquemondiale.org/fr/country/cameroon/overview#3,
consulté le 04 décembre 2018 à 09 heures 43
PREMIERE PARTIE : L'EXPRESSION DE L'EFFECTIVITE
DU DROIT DES INVESTISSEMENTS DIRECTS ETRANGERS AU CAMEROUN
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Les Etats se dotent d'un cadre juridique ou d'une
législation spécifique destiné à fournir un milieu
des affaires stable et attractif aux opérateurs économiques
étrangers qui souhaitent développer une activité sur leur
territoire. Il y a là un enjeu considérable pour l'Etat. Un cadre
trop complexe risque de nuire à l'image du pays et repousser les
potentiels investisseurs étrangers. Par contre un cadre trop souple et
ouvert peut s'avérer dangereux pour l'Etat d'accueil. Ses travailleurs
seraient exposés à de mauvaises conditions de travail, l'Etat
n'atteindrait pas les objectifs de développement visés tels le
transfert de technologie et l'amélioration des conditions de vie des
citoyens. Les pays sont donc confrontés à une compétition.
Il est question de savoir qui a le cadre juridique le plus incitatif.
Critère déterminant pour l'implantation des investissements
directs étrangers. A ce propos, depuis 2005, la banque mondiale facilite
le travail aux investisseurs en classant dans son rapport annuel « Doing
Business », les Etats où il est plus facile de faire des affaires.
Ce rapport compare les législations de cent quatre-vingt-trois (183)
pays. Il regroupe dix principaux indicateurs35. L'on se rend donc
compte qu'il est essentiel pour un Etat qui se veut compétitif d'adapter
au mieux sa législation à la pratique des affaires, de
manière à améliorer le climat des affaires36 et
rendre son pays le plus attractif possible. La règlementation a pour but
de préserver les intérêts de l'Etat tout en évitant
qu'un contrôle étranger ne s'étende à des secteurs
stratégiques. Selon un auteur, la sécurité juridique est
un des éléments d'attractivité économique. Les
besoins de stabilité et de prévisibilité des entreprises
se sont intensifiés à l'heure des échanges
accompagnés d'une concurrence accrue37. Selon un rapport du
conseil d'Etat français, la sécurité juridique s'articule
autour de quatre vertus que sont : l'accessibilité,
l'intelligibilité, la stabilité et la prévisibilité
du droit38. La prévisibilité est le facteur le plus
difficile à mesurer car il repose en partie sur l'interprétation
par le juge ou de l'arbitre de la règle de droit au moment où il
est saisi. Le même attrait pour la sécurité juridique et
judiciaire était recherché par les fondateurs de l'OHADA. Dans le
paragraphe
35 A savoir : la création d'entreprise,
l'obtention de permis de construire, raccordement à
l'électricité, le transfert de propriété,
l'obtention de prêts, la protection des investisseurs minoritaires, le
paiement des impôts et taxes, le commerce transfrontalier,
l'exécution des contrats, et le règlement de
l'insolvabilité.
36 Le climat des affaires se définit comme
la perception de l'environnement politique, économique, institutionnel
et comportemental, présent et futur, qui affecte la rentabilité
et les risques associés aux investissements. Il couvre un vaste spectre
de sujets liés à la règlementation et son application, aux
infrastructures, à la corruption, au marché des facteurs et des
produits, à la productivité des facteurs, à l'accès
au crédit, à la qualité de la gouvernance publique, etc. -
Définition tirée de : MINEPAT, Perception des entreprises sur le
climat des affaires au Cameroun, Rapport National BCS 2011, P. 5
37 J.F DUBOIS, Avant-propos du Rapport pour la
fondation pour le droit continental, sous la direction de B. DEFFAINS et de C.
KESSEDJIAN, 2015, pp 262.
38 Rapport du Conseil d'Etat français de 2006
sur la sécurité juridique,
http://www.ladocumentationfrançaise.fr/var/storage/rapports-publics/064000245/0000.pdf,
consulté le 31 octobre à 11 : 10
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trois du préambule du traité OHADA, les
fondateurs affirme : « Conscient qu'il est essentiel que ce droit soit
appliqué avec diligence, dans les conditions propres à garantir
la sécurité juridique des activités économiques,
afin de favoriser l'essor de celles-ci et d'encourager l'investissement
». C'est dire à quel point une législation incitative
est de nature à promouvoir l'afflux des investissements directs
étrangers. Le législateur l'ayant compris, a
aménagé son cadre législatif et règlementaire tant
au niveau national qu'au niveau supranational39.
L'investissement direct étranger est toute
opération d'investissement réalisé par une personne de
nationalité étrangère, mais aussi par un camerounais de la
diaspora. Afin d'exercer l'activité commerciale au Cameroun, se
soumettent aux principes de droit encadrant la promotion des investissements
directs étrangers (CHAPITRE 1). Une fois leur investissement
établi, ils pourront prétendre au bénéfice des
incitations et autres avantages prévus par la règlementation
camerounaise en matière d'investissement (CHAPITRE 2).
39 Au niveau national avec l'adoption de la loi
n°2002/004 portant charte des investissements, la loi du 18 avril 2013
fixant le régime des incitations privé en République du
Cameroun et enfin la loi n°
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CHAPITRE I : LA MISE EN OEUVRE DES PRINCIPES
JURIDIQUE ENCADRANT LES INVESTISSEMENTS DIRECTS ETRANGERS AU
CAMEROUN
Les Etats dans leur quête d'émergence se
détachent peu à peu de leur souveraineté et par là
des entraves frontalières qui les enferment dans des marchés trop
étroits. L'intégration communautaire occupe également une
place de choix dans ce processus. La dimension technique des mesures de
promotion des IDE ne doit pas occulter la philosophie globale qui les sous-tend
et se dégage des principes juridiques qui les gouvernent.
Sur le plan national, à travers la pratique et le
respect des principes tendant à faciliter l'exercice de
l'activité commerciale (section I), en sus des principes nationaux,
seront énoncés les principes de marchés communautaires qui
pour une meilleure compréhension du marché régional
apparaissent comme des normes supranationales qui une fois les accords
ratifiés ont une valeur supérieure aux lois nationales (section
2)40.
Section I : Les principes de consécration
nationale
Toute personne physique ou morale désireuse doit
pouvoir conquérir le marché de son choix. La liberté
d'entreprendre est une notion fondamentale en droit. L'Etat camerounais y est
attaché depuis le préambule de la constitution de 1996. Le
législateur camerounais a encadré le principe de la
liberté de commerce et d'industrie dans ses textes41.
L'auteur LAMBORGHINI (B), affirme « un investissement moderne et efficient
a des retombées positives sur la productivité du pays d'accueil
et élève le niveau de vie »42. Une
économie libérale est de nature à attirer un grand nombre
d'IDE. Celle-ci se caractérise par la liberté de commerce et
d'industrie (PARAGRAPHE 1) et son corollaire la liberté de concurrence
(PARAGRAPHE 2).
Paragraphe 1: le principe de la liberté du
commerce et de l'industrie
L'investisseur a la possibilité d'installer librement
son activité commerciale sur le territoire camerounais. Ce principe
limite le droit des autorités publiques à règlementer
40 Tel que prévu à l'article 215 de la
constitution camerounaise
41 Il en est ainsi de la loi de 1990 sur
l'activité commerciale au Cameroun, révisé par la loi du
15 décembre 2015 régissant l'activité commerciale au
Cameroun.
42 B. LAMBORGHINI, interview recueillit dans
L'observateur, cité par R. CHARVIN, « L'investissement et le
droit au développement », Paris, L'Harmattan, 2002, p. 88
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l'exercice d'une activité économique. L'exercice
de l'activité commerciale est libre (A). Cependant pour des besoins
d'intérêt général, ce principe connait des
tempéraments (B).
A) La consécration du principe
Le principe de la liberté de marché se
matérialise par la liberté d'établissement pour les
investisseurs étrangers. Les auteurs parlent de liberté
d'investissement pour désigner la liberté d'établissement
d'un investisseur étranger et la liberté de circulation du
capital. Ainsi la liberté d'investissement est la possibilité
pour un investisseur de s'installer dans le territoire de son choix pour
implanter son investissement43. L'Etat du Cameroun, désireux
d'accroître le volume d'IDE sur son territoire à mis ses
investisseurs nationaux et étrangers sur le même pied
d'égalité. La liberté de commerce et d'industrie est
consacrée par l'article 5 alinéa 1 de la loi de 2015 qui dispose
: « L'exercice de l'activité commerciale sur l'étendue
du territoire national par toute personne physique ou morale est libre, sous
réserve du respect des lois et règlements en vigueur. »
Il ressort de cet article une double acception. Tout d'abord l'exercice libre
des activités commerciales au Cameroun (1) ensuite la liberté
d'investissement (2).
1) Le libre exercice de l'activité commerciale
au Cameroun
Les Etats désireux de se développer adoptent des
politiques incitatives pour l'accès à leur territoire. Il est
prévu à l'article 2 quatrièmes tirets de la loi
n°2002-004 du 19 avril 2002 portant charte des investissements que :
« Dans sa volonté de bâtir une économie
compétitive et prospère par le développement des
investissements, de l'épargne, et en exécution des objectifs de
son action économique et sociale, la République du Cameroun se
fixe les orientations ci-après : (...) de l'engagement à
préserver la liberté d'entreprise et la liberté
d'investissement ». Cet article intervient en sous-titre sur les
principes directeurs de la charte des investissements. Marquant ainsi le
profond désir pour le législateur camerounais de consacrer la
liberté de commerce et par la même occasion la liberté
d'entreprise sur l'étendue du territoire. Les investisseurs
étrangers et camerounais sont ainsi mis sur un même pied
d'égalité44 concernant l'activité
commerciale.
43 A. GILLES-YEUM, « La liberté
d'investissement », in, droit des investissements internationaux :
perspectives croisées, sous la direction de S. ROBERT-CUENDET, Bruylant,
Bruxelles, 2017, p. 38-60
44 Article 8 dispose à cet effet : «
Toute personne physique ou morale étrangère qui exerce
régulièrement une activité commerciale au Cameroun jouit
des mêmes droits que ceux qui sont accordés aux étrangers
et spécialement, aux camerounais de la même profession dans le
pays dont elle a la nationalité »
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2) La liberté d'investissement
Le législateur camerounais consacre cette
liberté à l'article 10 de la charte des investissements : «
L'Etat garantit à toute personne physique ou morale
régulièrement établie ou désireuse de
s'établir au Cameroun en respectant les règles spécifiques
liées à l'activité économique : la liberté
d'entreprendre toute activité de production, de prestation de services
ou de commerce, quelle que soit sa nationalité. ». Ici, l'Etat
camerounais se porte garant de la liberté d'entreprise sur
l'étendue de son territoire. Cette faculté de réaliser
librement un investissement dans le domaine économique de son choix mais
aussi d'en disposer découle du standard de traitement national du droit
international général. A travers ce traitement, les investisseurs
étrangers bénéficient des mêmes avantages que ceux
accordés aux investisseurs nationaux. L'Etat hôte de
l'investissement s'engage à fournir des conditions non moins favorables
à l'investisseur étranger que celles qu'il offre à ses
nationaux.
B) Limites à la liberté de commerce et
d'industrie
Il existe des dérogations à la liberté de
commerce et d'industrie. Il s'agit des cas où l'investisseur doit
requérir une autorisation de l'administration pour pouvoir exercer son
activité. Ces tempéraments sont liés soit à la
personne de l'investisseur (1) ou au secteur d'activité (2).
1) Tempéraments liés à
l'investisseur
Toute personne ayant une nationalité autre que
camerounaise doit requérir un agrément de l'autorité
administrative compétente pour pouvoir exercer au Cameroun, tel qu'il
ressort de l'alinéa 2 de l'article 5 de la loi de 2015 régissant
l'activité commerciale au Cameroun. Le terme `agrément' renvoie
à : l'«approbation ou autorisation à laquelle est soumis
un projet et qui suppose, de la part de celui à qui on doit la demander,
un pouvoir d'appréciation en général
discrétionnaire »45. Ceci s'explique car
l'étranger n'a pas la même attache à l'Etat d'accueil qu'un
investisseur local. Il serait donc plus facile pour lui d'échapper
à l'imposition. L'Etat d'accueil perdrait beaucoup du fait d'une
pareille négligence.
Toutefois l'article 6 de la même loi donne la
possibilité à l'étranger d'exploiter son activité
commerciale sans recourir à l'agrément. C'est le cas lorsque :
45 G. CORNU, Vocabulaire juridique,
Association Henri Capitant, 11ème édition, PUF, Paris,
2016
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? L'investisseur personne physique n'est ressortissant d'un
pays avec lequel le Cameroun a conclu une convention assimilant les nationaux
de chacun des pays aux nationaux de l'autre.
? L'investisseur personne morale dont au moins 51% est
détenu par des personnes physiques de nationalité camerounaise ou
dont le siège social est situé au Cameroun.
? Toute société commerciale installée
dans une zone économique.
L'exercice de l'activité commerciale est
également proscrit aux personnes exerçant certaines
activités professionnelles, c'est le régime des
incompatibilités, il est établi à l'article
9 de la l'acte uniforme OHADA sur le droit commercial
général. Cet article édicte la liste des professions qui
sont incompatibles avec l'exercice de l'activité commerciale. Il s'agit
des : fonctionnaires et personnels des collectivités publiques et des
entreprises à participation publique, des officiers ministériels
et auxiliaires de justice, expert-comptable agréés et comptables
agréés, toute autre profession dont l'exercice fait l'objet d'une
règlementation interdisant son cumul avec l'exercice d'une
activité commerciale.
Enfin la dernière restriction personnelle à la
liberté commerciale est l'interdiction. Elle constitue une limite au
principe de la liberté de commerce et d'industrie. L'interdiction est le
plus haut degré de restriction à l'exercice de l'activité
commerciale. Elle est même une atteinte radicale à la
liberté publique46. En droit camerounais, elle est
mentionnée à l'article
10 de l'acte uniforme OHADA portant droit commercial
général. Cet article dispose : « Nul ne peut exercer une
activité commerciale, directement ou par personne interposée s'il
a fait l'objet :
- D'une interdiction générale,
définitive ou temporaire, prononcée par une juridiction de l'un
des Etats parties, que cette interdiction ait été
prononcée comme peine principale ou comme peine complémentaire
(...) ». L'interdiction touche les personnes qui ne présentent
pas les garanties de moralité nécessaire. Elles peuvent
être prononcées soit par une juridiction judiciaire, ou par une
juridiction professionnelle.
2) Tempéraments liés à la nature
de l'activité commerciale
Le législateur Camerounais a encadré des
activités commerciales plus que d'autres à l'instar du secteur
extractif, encadrés par les codes sectoriels, du secteur bancaire
encadrés par
46 Le principe de la liberté d'entreprise,
www.cours-de-droit.net,
consulté le 16 octobre 2018
Page 16
la COBAC. Pour exercer dans l'un des secteurs suscités,
l'investisseur doit requérir et obtenir une autorisation de
l'administration compétente.
Dans les codes sectoriels, il s'agit des articles 05 et
suivants du code minier47, l'article 26 du code gazier48
enfin de l'article 4 du code pétrolier49.
Le régime de la déclaration quant à lui
est plus simple. La déclaration consiste en une simple
révélation ou affirmation d'un fait.50 C'est
l'obligation pour les commerçants de s'immatriculer au registre du
commerce et du crédit mobilier. Outre l'autorisation préalable,
l'investisseur étranger peut également faire face à une
restriction de mouvement de ses avoirs.
Paragraphe 2: le principe de la libre concurrence
Au Cameroun, le législateur a opté pour le
libre-échange et une économie de marché. A cet effet
l'article 2 de la charte des investissements dispose : « Dans sa
volonté de bâtir une économie compétitive et
prospère par le développement des investissements et de
l'épargne, et en exécution des objectifs de son action
économique et sociale, la République du Cameroun se fixe les
orientations ci-après : la réaffirmation du choix de
l'économie de marché comme mode d'organisation économie
privilégié ». Ainsi le législateur camerounais a
choisi le libéralisme comme modèle économique. Les prix
sont librement fixés par le marché de l'offre et de la
demande.
La concurrence économique est essentielle pour un pays
qui souhaite développer son marché économique. La
concurrence est définie « comme une compétition
économique, offre par plusieurs entreprises distinctes et rivales, de
produits ou de services qui tendent à satisfaire des besoins
équivalents avec, pour les entreprises une chance réciproque de
gagner ou de perdre les faveurs de la clientèle »51.
Autrefois l'Etat intervenait directement dans l'économie.
Désormais, il ne joue qu'un rôle de régulateur et le droit
est un moyen de discipliner l'économie. Le droit de la concurrence a une
double finalité. Il s'agit tout d'abord
47 Loi n°2016/017 du 14 décembre 2016
portant code minier
48 Loi n°909 du 2 avril 2012 portant code
gazier
49 Loi n°99-013 du 22 décembre 1999
portant code pétrolier du Cameroun
50 G. CORNU, Op cit.
51 Idem p. 225
Page 17
de préserver la libre concurrence (A) et de
protéger les entreprises contre les pratiques anticoncurrentielles
(B)52.
A) La consécration du principe de la libre
concurrence en droit camerounais.
La concurrence est adossée au système
d'économie de marché. Le législateur camerounais l'a
prévue à l'article 2 de la charte sur les investissements de
200253. L'économie de marché appelle la libre
concurrence54. Dans sa mise en oeuvre, la libre concurrence stimule
les entreprises et favorise la croissance. La libre concurrence est
définie comme une « compétition sur le marché
dont la structure et le fonctionnement répondent aux conditions du jeu
de la loi de l'offre et de la demande, d'une part entre offrants, d'autres part
entre utilisateurs ou consommateurs de produits ou de services qui y ont libre
accès et dont les décisions ne sont pas déterminées
par des contraintes ou des avantages juridiques particuliers. ». Une
concurrence totalement libre à de nombreux effets pervers sur les
acteurs du marché, les petites entreprises, les consommateurs entre
autre.
B) Les limites à la libre concurrence : La
lutte contre les pratiques anticoncurrentielles
Les pratiques anti-concurrentielles concurrentielles sont
réprimées par les institutions notamment la commission nationale
de la concurrence (2), au niveau législatif également par les
lois et règlements nationaux et communautaires (1), enfin l'intervention
du juge étatique (3).
1) Les pratiques anticoncurrentielles
réprimées par la législation.
Le législateur a identifié certaines pratiques
de nature à fausser le jeu de la concurrence. A l'origine le droit de la
concurrence se résumait à la sanction de la concurrence
déloyale sur la base de l'article 1382 du code civil. Dans une
économie de marché, les entreprises disposent d'une grande
latitude dans leurs opérations. Pour prévenir toutes formes
d'abus et dans le but de protéger le consommateur et les entreprises
dans le marché, le législateur camerounais a prévu un
ensemble de dispositions visant à sanctionner des
52 D. LEGAIS, « Droit commercial et des
affaires », 23ème édition, Dalloz, Paris, 2017, p. 634,
pp 335-391
53 « Dans sa volonté de bâtir une
économie compétitive et prospère par le
développement des investissements et de l'épargne, et en
exécution des objectifs de son action économique et sociale, la
République du Cameroun se fixe les orientations ci-après
:
? la réaffirmation du choix de
l'économie de marché comme mode d'organisation économie
privilégié »
54 L. NICOLAS-VULLIERME, « Droit de la
concurrence », 2ème édition, Vuibert, Paris,
2011, pp 333, p5 et ss
Page 18
pratiques d'entreprises qualifiées
d'anticoncurrentielles. Il s'agit des ententes entre entreprises, l'abus de
position dominante et les fusions-acquisitions55.
Les ententes sont « des accords et ententes ayant
pour effet d'éliminer ou de restreindre sensiblement la concurrence sur
le marché, soit en entravant l'accès sur le marché, soit
en répartissant de quelque façon que ce soit, des acheteurs ou
sources d'approvisionnement dans un marché »56.
L'entente peut résulter de la conclusion d'accords contractuels, de la
mise en place de structures communes. La concertation faite par ces entreprises
doit avoir un effet négatif sur la concurrence. Enfin l'effet restrictif
de l'entente doit être prouvé. L'alinéa 1 de l'article 5
précité énumère un certain nombre d'ententes
prohibées. Il s'agit de celles qui conduisent à la fixation des
prix, ou qui concourent à limiter les capacités de production et
enfin de fixer conjointement les conditions de soumission à un appel
d'offres sans informer l'auteur de l'appel d'offre. Toute entreprise doit
déterminer ses conditions de façon autonome en fonction de ses
coûts internes, de l'offre et la demande du marché57.
Toutefois dans certains cas, l'entente peut favoriser le jeu de la concurrence.
Des exemptions au principe de l'interdiction de l'entente sont contenues
à l'article 6 de la loi n°98 précité58. Il
convient également de préciser que l'entente suppose une
concertation entre entreprises disposant d'une autonomie de décision. De
ce fait il ne peut avoir entente entre filiales d'un même groupe, ou en
cas de fusion entre deux entreprises.
L'abus de position dominante occupe également une place
de choix parmi les pratiques anticoncurrentielles illicites contenues dans la
loi de 1998. Il s'agit d'une « pratique illicite consistant dans
l'utilisation, par une entreprise, de sa position dominante pour se procurer un
avantage que le jeu normal de la concurrence ne lui aurait pas permis d'obtenir
»59. Elle est réprimée aux articles 10
à 13 de la loi de 1998. La position dominante existe lorsque
l'entreprise est en situation de monopole économique. En l'absence de
monopole, la position dominante s'entend comme le pouvoir de faire obstacle
à une concurrence effective.
Cette infraction se manifeste de différentes
manières, en :
55 Ces pratiques sont contenues dans la loi
n°98/013 du 14 juillet 1998 relative à la concurrence.
56 Article 5 alinéa 1 de la loi de 1998
57 L. NICOLAS-VULLIERME, Droit de la
concurrence. P167 et suivants
58 D'après l'article 6, il s'agit des cas
où l'entente apporte une contribution à l'efficience
économique à travers : - La réduction du prix du bien ou
service, objet de l'entente ou de l'accord ;
- L'amélioration sensible de la qualité dudit bien
ou service ;
- Le gain d'efficience dans la production ou la distribution de
ce bien ou service.
59 G. CORNU, Op.cit., p. 778
·
Page 19
adoptant des mesures ayant pour effet d'empêcher une
entreprise concurrente de s'établir dans le marché, soit
d'évincer un concurrent ;
· exerçant des pressions sur les distributeurs
à l'effet d'empêcher l'écoulement des produits de ses
concurrents ;
· posant des actions ayant pour effet l'augmentation des
coûts de production des concurrents60
Pour l'application de cette pratique, il faudrait que soit
constatée une position dominante sur le marché, devant conduire
à éliminer le concurrent du marché secondaire. Toutefois
comme la précédente, une dérogation est admise à
cette infraction. Il s'agit du cas où la pratique d'une entreprise a
pour effet d'améliorer l'efficience économique par la
réduction des coûts de productions ou de distribution. Ce
même si dans le processus cela a pour conséquence
l'élimination des concurrents ou la réduction des
possibilités d'entrée de nouvelles entreprises dans le
marché61. L'on se rend compte que le législateur
camerounais privilégie fondamentalement l'évolution de
l'économie au détriment des entreprises installées. Le
droit ici remplit sa fonction première qui est d'améliorer
l'existence.
Autre pratique répréhensible est la fusion et
acquisition d'entreprises. Plus précisément lorsqu'elles ont pour
but d'éliminer la concurrence dans un secteur donné. Elle est
réalisée lorsque deux entreprises antérieurement
indépendantes fusionnent, ou lorsqu'une ou plusieurs entreprises
acquièrent directement le contrôle de l'autre par la prise de
participation dans son capital ou par l'achat d'éléments
d'actifs. Trois facteurs sont pris en compte pour apprécier le
caractère anticoncurrentiel d'une fusion ou d'une acquisition.
· « Les entraves à l'entrée de
nouveaux concurrents dans le marché. Via notamment des barrières
tarifaires à l'entrée des importations , ·
· Le degré de concurrence entre les centres
autonomes de décision existant dans le marché , ·
· L'éventualité de disparition du
marché d'une entreprise partie prenante à la fusion, ou à
l'acquisition, ou aux actifs faisant l'objet du transfert. »62
Ces atteintes peuvent être exemptées de sanctions
dans l'hypothèse où la fusion est ou sera de nature à
augmenter les gains d'efficience à l'économie réelle,
l'économie dépassant les effets préjudiciables qu'à
cette concurrence sur le marché.
60 Article 11 alinéa 2 de la loi de 1998
61 Article 12 de la loi de 1998
62 Article 16 de la loi de 1998
précitée.
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2) Les sanctions des pratiques anticoncurrentielles
illicites
L'Etat a institué un organe de lutte contre les
pratiques anticoncurrentielles. Il s'agit de la commission nationale de lutte
contre la concurrence (CNC). Cette dernière est compétente pour
constater lesdites infractions. Les sanctions sont contenues au titre 4 de la
loi de 1998.
Les constatations d'infractions se font par
procès-verbal. Ils procèdent à des enquêtes et
investigations consécutives d'une plainte à eux adressée
par une personne physique ou morale.
Les sanctions sont de plusieurs ordres. Il peut s'agir
d'amendes, d'injonctions de mettre fin aux pratiques, d'astreintes et enfin du
paiement de dommages et intérêts. Les amendes
s'élèvent à 50% ou à 20% du chiffre d'affaire
réalisé par l'entreprise en question sur le marché
camerounais. Amende qui peut doubler en cas de récidive de la part de
l'entreprise coupable des faits litigieux. En cas de non-respect d'une des
sanctions ci-dessus énoncées, la CNC peut prononcer la fermeture
temporaire de la chaîne de production des produits mis en cause.
Le juge étatique intervient également dans la
préservation du libre jeu de la
concurrence.
3) Le rôle du juge dans la prévention des
pratiques anticoncurrentielles
Outre l'administration et le législateur, le juge
étatique intervient également pour préserver le libre jeu
de la concurrence au Cameroun. Il le fait sur le fondement de l'article 1382 du
code civil. Les comportements déloyaux résultent de
l'appréciation du juge. Leur fondement est essentiellement
jurisprudentiel. Quoique le législateur camerounais les a
énuméré dans l'ordonnance n°72/18 du 30 juin 1972
portant régime général des prix.
La déloyauté se caractérise par des
comportements qui mettent en péril la concurrence mais qui n'entrainent
pas nécessairement un déplacement de client entre
opérateurs économiques. L'on retrouve : le dénigrement, la
confusion, la désorganisation interne du concurrent, la
désorganisation du marché et enfin le parasitisme63.
Il convient de préciser que cette liste n'est pas exhaustive. Le juge
peut qualifier de déloyaux des faits qui sont de nature à fausser
le jeu de la concurrence. Les pratiques déloyales sont
sanctionnées par la
63 D. LEGAIS, Op.cit., p. 337-345
Page 21
responsabilité délictuelle. De ce fait, le
demandeur doit apporter la preuve d'une faute, du préjudice qu'il a subi
et établir le lien de causalité entre les deux.
La faute peut résulter d'une imprudence ou d'une
négligence. La faute résulte de la « violation des devoirs
dans l'exercice de la liberté de la concurrence qui traduiraient pour
certains des impératifs d'utilité sociale, n'étant pas
exclu qu'il puisse y avoir éventuellement contradiction entre ces divers
intérêts »64. Ainsi la faute est tout acte
contraire aux usages du commerce traduisant un excès dans l'utilisation
de la liberté de commerce et de l'industrie. Il ne suffit pas pour un
investisseur de constater qu'il y a une perte de clientèle pour que le
juge condamne le concurrent qui est à l'origine de ce déplacement
de clientèle. Ainsi le demandeur doit prouver la faute commise par son
concurrent. Concernant le préjudice, il doit être certain. Le
dommage subit par le demandeur doit être direct. Enfin, le lien de
causalité doit exister entre le fait fautif du concurrent et le dommage
subit par le demandeur. Il convient de noter toutefois que l'action en
concurrence déloyale ne peut être cumulée avec l'action en
contrefaçon sauf si les deux actions se fondent sur différents
éléments65.
Les principes des investissements consacrés au plan
national établis à travers la présentation des principes
de la liberté de commerce et d'industrie et du principe de la libre
concurrence, intéressons-nous aux principes consacrés au plan
communautaire.
Section II: Les principes de consécration
communautaire
En raison de la taille modeste des marchés des pays
d'Afrique Centrale, l'intégration régionale est essentielle pour
attirer des investisseurs étrangers. Le degré de
libéralisation du commerce extérieur est l'un des critères
pris en compte par les investisseurs pour s'implanter dans un
pays66. Dans cette optique, les Etats de la sous-région
Afrique Centrale ont ratifié le traité CEMAC67 de
manière à impulser une nouvelle dynamique juridique en
matière de droit
64 Encyclopédie Dalloz commercial
concurrence déloyale, n°90, cité par ARCELIN-LECUYER (L),
Le droit de la concurrence les pratiques anticoncurrentielles en droit
interne et européen, PUR, 2e édition, 2013, pp
332, p.11
65 L. ARCELIN-LECUYER, Le droit de la
concurrence les pratiques anticoncurrentielles en droit interne et
européen, PUR, 2e édition, 2013, p 332, p.11
66 D'après R. CHARVIN, la
libéralisation du commerce extérieur comprend ; les tarifs
douaniers, les barrières douanières déguisées, les
quotas à l'importation, la disponibilité en devise pour les
importations mais aussi pour les entreprises. Tiré de CHARVIN (R),
L'investissement international et droit au développement, Op.
cit. p. 35
67 La CEMAC est l'organisation communautaire des
pays d'Afrique Centrale. Elle a succédé à l'UDEAC
(Union
Douanière et Economique de l'Afrique Centrale). Cette
organisation régionale a vu le jour le 16 Mars 1994 à la suite de
la signature à Ndjamena du traité l'instituant. Parmi ses
missions, l'on décèle la création d'un marché
commun basé sur la libre circulation des personnes, des biens des
capitaux et des services.
Page 22
de l'intégration via la création d'un
marché commun68 (PARAGRAPHE 1). Il existe d'autres
instruments juridiques qui favorisent l'incitation à l'investissement
notamment l'OHADA (PARAGRAPHE 2).
Paragraphe 1: la création d'un marché
commun
Il convient de rappeler qu'un marché est le lieu de
confrontation entre les offres et les demandes, qui donnent lieu à
l'établissement d'un prix public pour les produits, des titres ou des
services69.
L'intégration régionale est porteuse de nombreux
avantages en termes d'économie d'échelle, d'accroissement des
échanges dans la sous-région, l'attrait de capitaux
étrangers, gains de bien-être des populations et réduction
de la pauvreté entre autre70. La consécration d'un
marché commun se fait à travers l'existence d'une liberté
de circulation des facteurs de production au sein de ce marché (A), et
en l'adoption d'un tarif extérieur applicable à tous les acteurs
investisseurs (B).
A) La liberté de circulation des facteurs de
production
La libre circulation dans un marché suppose l'existence
ou la consécration de quatre libertés : la liberté ou le
droit d'établissement, la libre circulation des capitaux, la libre
circulation des personnes, des marchandises et des services71.
Cependant l'investisseur est principalement concerné par la
liberté d'établissement.
L'établissement est considéré en droit
international comme l'installation d'un étranger dans un pays avec
l'intention de s'implanter pour y exercer une activité autre que
salariale. Elle est prévue à l'article 27b72 de la
convention régissant l'Union Economique de l'Afrique
68 E.P MEMPHIL NDI, « Attractivité
économique des investissements directs étrangers en zone CEMAC :
harmonisation des instruments juridiques aux règles internationales
», thèses de Droit, Université de Nice Sophia
Antipolis, 2015, p. 427
69 M. PEYRARD, J. PEYRARD, Dictionnaire de
finance, 2ème édition, Vuibert, 2001, p. 158
70La CEMAC met en oeuvre la libre circulation
des personnes, article consulté sur le site
www.afriqueinfo.com,
consulté le 24 Octobre 2018 à 11:38. Dans le même sens,
l'intégration régionale peut être considérée
comme le regroupement de plusieurs économies d'une région dans le
but de réaliser des projets économiques ayant une portée
commune. Elle offre un cadre propice au développement des
économies d'échelle, considéré dans la nouvelle
théorie du commerce international comme l'une des principales sources
d'avantage comparatif ; E. MOUSSONE, « Potentiel de marché
d'investissement des pays de la CEMAC », www.cairn.info,
consulté le 25 octobre 2018 à 10:20.
71 C. NOURISSAT, B. DE CLAVIERE-BONNAMOUR,
Droit de la concurrence Libertés de circulation Droit de l'Union -
Droit interne, 4ème édition, Dalloz, Paris, 2013,
P. 597, pp 81 et ss
72 Qui dispose : « le droit
d'établissement comporte l'accès pour les investisseurs de la
sous-région, aux activités non-salariés et à leur
exercice ainsi que l'acquisition, la constitution et la gestion d'entreprises,
dans les conditions définies par la législation du pays
d'établissement »
Page 23
Centrale (UEAC). Elle donne la possibilité à un
investisseur étranger de s'installer librement dans un pays de la
sous-région pour exercer une activité commerciale. En-sus,
l'investisseur étranger devrait jouir des mêmes droits que les
investisseurs nationaux dans le pays d'établissement. Cette
liberté est assortie au standard du traitement national du droit
international, traitement qui suppose l'éradication des discriminations
dans les rapports avec les opérateurs économiques locaux et les
étrangers. Le champ matériel de cette liberté se distingue
de la liberté de circulation des travailleurs, car cette liberté
ne concerne que les activités qui s'exercent en dehors d'un quelconque
lien de subordination avec un employeur.
B) L'adoption d'un tarif extérieur
commun
Cette expression traduit d'une union douanière au sein
des Etats membres de la CEMAC. Le même tarif est appliqué aux
marchandises originaires des pays tiers. Les pays membres de l'union
douanière adoptent une même nomenclature tarifaire, statistique et
les mêmes droits de douane ceci suivant une classification
prédéfinie. La fiscalité des produits dépend de
leur classification.
? Catégorie 0 (biens sociaux relevant d'une liste
limitative) ;
? Catégorie 1 (biens de première
nécessité, matières premières de base, biens
d'équipement, intrants spécifiques) ;
? Catégorie 2 (produits
intermédiaires73)
? Catégorie 3 (biens de consommation finale)
En zone CEMAC, ce tarif est de 0, 2% pour la première
catégorie, 10% pour la
deuxième et 20% pour la troisième74.
La politique commune en matière de tarification externe
vise : la promotion et la protection de la production communautaire ;
l'ouverture de l'union vers l'extérieur entre autre.
73 Produit ayant suivie un début de
transformation mais qui nécessitent un autre traitement avant tout
usage
74 Commission économique pour l'Afrique,
bureau sous régional pour l'Afrique Centrale, prospectus
intégration régionale, 25ème session du
comité inter-état, Libreville, 2007, p. 7 ; cité par A.
SOMMO PENDE, « L'intégration sous régionale en CEMAC
à l'épreuve de la liberté de circulation des biens et des
personnes », Mémoire de Master en Gouvernance et Politique
Publiques, Université Catholique d'Afrique Centrale, 2010,
Page 24
Paragraphe 2: l'uniformisation du droit des
affaires par la consécration du droit OHADA
L'harmonisation traduit une : « Opération
consistant à unifier des ensembles législatifs différents
par l'élaboration d'un droit nouveau empruntant aux uns et aux autres
»75. Après interprétation de la
dénomination de l'organisation, on pourrait croire que les initiateurs
de l'OHADA ont retenue l'harmonisation comme mode d'intégration
juridique. Dans les faits on se rend pourtant compte qu'il s'agit d'une
unification du droit des affaires76, pour la simple raison que les
actes uniformes OHADA se substituent aux législations nationales des
Etats parties et sont d'application directe sur le territoire de chacun d'entre
eux.
Dans le but d'accroitre leur attractivité
économique et la sécurité juridique au sein de leurs
Etats, les pays d'Afrique subsaharienne ont décidé d'unifier
l'ensemble des dispositions régissant leur droit des affaires. Ainsi,
est né le 17 Octobre 1993 à Port Louis le traité
instituant l'OHADA. L'harmonisation décidée par les Etats vise
à instaurer un climat de confiance propice aux investissements.
D'après un auteur77, "la
sécurité juridique est une composante essentielle du climat
favorable à l'investissement". Afin de démontrer la
plus-value que constitue l'adhésion du Cameroun à cette
organisation, nous aborderons tour à tour la sécurité
juridique des investissements (A) puis la sécurité judiciaire
assurée par la CCJA (B).
A) La sécurité juridique des
investissements directs étrangers assurée par les issues de
l'OHADA
L'objectif premier de l'OHADA est de secréter un droit
adapté au droit des affaires78. Un auteur affirme que :
« Le phénomène juridique est l'objectif majeur. On ne
part plus de l'espace économique intégré pour induire
quelques principes juridiques communs, on cherche l'intégration
juridique pour faciliter les échanges et les investissements et garantir
la sécurité juridique des activités des entreprises
»79. L'OHADA promeut les investissements au Cameroun
à travers la sécurisation de la vie des sociétés
commerciales (1) mais joue aussi un rôle prépondérant dans
le contentieux (2).
75 G. CORNU, Op.cit,p. 507
76 A. AKAM AKAM, L'OHADA et
l'intégration juridique en Afrique, in Les mutations juridiques
dans le système OHADA, sous la direction d'A. AKAM AKAM, L'Harmattan,
2009, p. 25
77 P. JUILLARD in Lomé III et l'investissement
international.
78 P.G POUGOUE, Y. KALIEU ELONGO, «
Introduction critique à l'OHADA », PUA, 2008, p. 229
79 P.G POUGOUE, « OHADA, instrument
d'intégration juridique », Revue Africaine des sciences
juridiques, Vol. 2, n°2, 2001, p.11 et suivants.
Page 25
1) Les actes uniformes OHADA : Normes attractives pour
les investissements au Cameroun
Dans son dessein qui est la création d'un climat
propice à l'investissement en Afrique afin de promouvoir un
développement économique durable. Les promoteurs de l'OHADA ont
opté pour la réussite de l'entreprise. Les dispositions contenues
dans les actes uniformes OHADA favorisent la sécurité juridique
et de ce fait l'attractivité des investissements à bien des
égards. C'est le cas en phase de création, de vie et de la fin de
l'entreprise.
a) L'amélioration de la naissance et de la vie
des sociétés commerciales
L'acte uniforme OHADA fixe un cadre défini pour les
sociétés commerciales. On retrouve quatre formes de
sociétés commerciales. En l'occurrence : les SNC, SCS, SARL et
enfin la SA. Le droit des sociétés commerciales recherche des
objectifs de transparence et d'efficacité des mécanismes de
gestion et de contrôle. L'amélioration de l'information des
associés est organisée dans l'acte uniforme sur le droit de la
comptabilité et de l'information financière, il impose des
règles de transparence et de sincérité dans la tenue de
documents comptables des entreprises80. Cet acte uniforme s'inscrit
dans une optique de modernisation de la comptabilité des entreprises
dans la sous-région. Les normes comptables contribuent à la
transparence et à la fiabilité des comptes des entreprises dans
l'espace OHADA81 .Ce faisant constituent un facteur de
sécurité pour les partenaires des entreprises au Cameroun.
Le renforcement des mécanismes de contrôle de la
société. Tant au niveau interne qu'externe de la
société. Le contrôle n'assure pas une
sécurité absolue, néanmoins permet d'éviter
certains abus et prévient également certains risques de
difficultés des entreprises. Les principaux mécanismes ici sont
l'alerte et l'expertise de gestion ainsi que le contrôle des conventions
règlementées82.
Les investisseurs directs étrangers réalisent
des opérations d'investissements d'envergure nécessitant l'emploi
de sommes importantes tant au moment de leur implantation que lors de
l'exploitation. Pour pérenniser leurs investissements, ces derniers ont
besoin d'instruments financiers adéquats. C'est pourquoi, le
législateur OHADA a consacré deux principales catégories
de valeurs mobilières : des actions et des obligations. Ces nouveaux
80 P.G POUGOUE et Y. KALIEU ELONGO, Op cit,
p. 181 et ss
81POUGOUE (P.G) L'attractivité
économique de l'OHADA, in Encyclopédie OHADA, Dir., Lamy,
2011, p. 383 et ss
82 Il s'agit des conventions susceptibles
d'être conclues entre la société et ses dirigeants ou entre
la société et les associés. Ces conventions doivent
d'abord être approuvés par l'assemble générale des
associé.
Page 26
dispositifs ont pour but de favoriser l'avènement des
marchés financiers dans les sous-régions CEMAC et UEMOA. Les
valeurs mobilières ci-dessus peuvent faire l'objet d'opérations
telles la cession, le nantissement mais aussi de saisie83.
Le législateur a organisé les dispositions
régissant l'appel public à l'épargne. Bien que cette
possibilité ne soit dévolue qu'aux seules sociétés
anonymes avec conseil d'administration dont le capital minimum est de cent
million de Franc (FCFA 100.000.000).
L'investissement suppose le crédit et ce dernier a en
plus d'être assis en plus de confiance sur les garanties solides. Le
législateur OHADA a rendu plus attractif le régime des garanties.
Notamment les garanties personnelles avec l'ajout de la garantie autonome comme
nouvelle sûreté personnelle84. L'introduction de cette
garantie dans le droit OHADA était une innovation car jusque-là
cette sûreté était régie par le droit
international85. Cette garantie facilite les échanges en
matière de commerce international. Outre celle-là, on
dénote également une augmentation du champ des
sûretés réelles notamment des biens susceptibles
d'être nantis. L'investisseur dispose désormais de la
possibilité de nantir les créances, les droits d'associés,
le compte bancaire, les valeurs mobilières, le compte de titres
financiers, le fonds de commerce et les propriétés
intellectuelles86.
2) L'attractivité des règles de
procédure des actes uniformes OHADA
Nous examinerons les procédures de recouvrement des
créances (a) puis le recours aux modes alternatifs de résolution
des litiges (b).
a) Les procédures de recouvrement des
créances
Le législateur OHADA a prévu à travers
son acte uniforme sur les procédures simplifiées de recouvrement
et de voies d'exécution un ensemble de mesures qui permettent d'assurer
la mise en oeuvre des droits du créancier et préserve les
intérêts du débiteur87. Une économie
fondée sur le crédit doit disposer de bons mécanismes de
recouvrement des créances de sorte à pouvoir assurer de
manière efficace, transparente, rapide et peu coûteuse le
remboursement des créances qu'elles soient ou non garanties. On retrouve
ainsi la
83 Contenu aux articles 236 à 244 de
l'AUSCGIE. Ceci concourt à faciliter les opérations sur les
marchés financiers
84 Les dispositions régissant cette
sûreté sont contenues aux articles 39 à 49 de l'AUS
révisé de 2010
85 La garantie autonome fait son apparition dans la
réforme de l'AUS adopté en 2010.
86 P.G POUGOUE, (dir.), Encyclopédie
OHADA, PUA ; Elles sont prévues aux articles 125 à 178 de
l'AUS révisé du 15 décembre 2010
87 S. KUATE TAMEGHE, La protection du
débiteur dans les procédures individuelles
d'exécution, l'Harmattan, 2004
Page 27
procédure d'injonction de payer à l'endroit des
créances inférieures ou égales à dix millions de
francs CFA qui se fait par simple requête adressée à la
juridiction présidentielle du tribunal de première instance du
lieu d'exécution du contrat. En ce qui concerne
l'assiette des saisies, elle ne se limite plus aux seuls biens meubles
corporels et aux immeubles mais s'étend désormais aux droits
d'associés aux valeurs mobilières, aux récoltes ou encore
aux rémunérations. L'investisseur créancier dispose d'une
large gamme ouverte à lui afin de recouvrer ses créances en
souffrance auprès de débiteurs indélicats.
b) En phase contentieuse un recours accrue au MARC (Mode
alternatif de résolution des litiges)
Deux principaux modes sont prévus par le
législateur OHADA. Il s'agit de la médiation88 et de
l'arbitrage89. La médiation étant un « mode
de résolution des conflits consistant pour la personne choisie par les
antagonistes (en raison le plus souvent de son autorité personnelle),
à proposer à ceux-ci un projet de solution, sans se borner
à s'efforcer de les rapprocher, à la différence de la
conciliation, mais sans être investi du pouvoir de leur imposer comme
décision juridictionnelle, à la différence de l'arbitrage
et de la juridiction étatique »
L'arbitrage occupe une place de choix dans le monde des
affaires en raison de tous les avantages qu'on lui connait. En l'occurrence la
célérité, le choix du droit applicable, le choix des
arbitres, et tous les autres avantages qu'on lui reconnait. L'arbitrage
s'impose ainsi comme le mode préféré de règlement
des litiges d'investissement. C'est pourquoi il a été promu par
les initiateurs du traité constitutif de l'OHADA. L'auteur
SECK90 affirme à cet effet : « Le
développement de l'arbitrage sera fonction de la capacité des
pays à regrouper leurs infrastructures au niveau régional pour
attirer les investissements privés (...) A ce titre, l'éclosion
de grands marchés régionaux constitue un facteur d'adaptation
à la mondialisation de l'économie et à l'universalisation
de l'arbitrage ». De plus la sentence arbitrale rendue sous l'hospice
de l'arbitrage institutionnel de la CCJA comporte en elle-même
l'autorité de la chose jugée. Permettant son exécution
spontanée par les parties. La procédure d'exéquatur est
simplifiée et encadrée. L'exéquatur délivré
par la CCJA est communautaire. Aucun autre système d'arbitrage n'offre
un exéquatur dont les effets dépassent le cadre territorial de
l'Etat
88 Adopté en Novembre 2017.
89 Prévu dans les actes uniformes sur le droit
de l'arbitrage et le règlement CCJA
90 T.A SECK, L'effectivité de la
pratique arbitrale de la Cour Commune de Justice et d'Arbitrage (CCJA) et les
réformes nécessaires à la mise en place d'un cadre
juridique et judiciaire favorable aux investissements privés
internationaux, cité par R. MASSAMBA in Encyclopédie OHADA,
p. 396
Page 28
qui l'a délivré. Enfin les voies de recours sont
particulières91 pour ne pas freiner l'exécution de la
sentence.
B) La CCJA : garante de la sécurité
judiciaire des investissements dans l'espace OHADA
Le principal danger qui plane et fragilise les tentatives
d'intégration juridique par la législation est l'absence d'une
juridiction92. Celle-ci devant réguler, orienter et unifier
l'application des dispositions juridiques. C'est dans cette optique que la CCJA
est née. Cette juridiction a deux principales fonctions. D'une part elle
a une fonction juridictionnelle (2) en ce qu'elle est saisie par la voie du
recours en cassation pour les décisions insusceptibles d'appel rendu par
les tribunaux nationaux des Etats parties. De plus elle a une fonction
consultative (1) dans toutes les matières qui relèvent de
l'application des actes uniformes et des règlements93.
1) Fonction consultative de la CCJA
La CCJA peut être consultée par d'autres organes
prévus par l'acte uniforme OHADA, par un Etat parti ou par une
juridiction pour émettre un avis sur l'interprétation d'une
disposition contenue dans l'acte uniforme. Le secrétariat permanent de
l'OHADA à cet effet joue un rôle de concepteur et de transmetteur
obligatoire d'une demande d'avis sur les projets d'actes uniformes. La CCJA
reçoit en l'occurrence des demandes d'avis émanant du conseil des
ministres, des Etats parties ainsi que des juridictions nationales de ces
Etats.
Lorsque la demande émane d'un Etat parti, elle est
faite sous forme de requête écrite et transmise par le greffe de
la juridiction de cet Etat à d'autres Etats pour leur faire savoir
quelle est ouverte à leurs observations94.pour exemple celle
émanant de la présidence de la République du Mali relatif
à l'article 39 de l'AUVE et la contradiction avec un projet de loi
nationale. Une demande d'avis émanant de la République du
Sénégal en date du 6 décembre 1999 sur la portée de
l'absence du poste de vice-président dans les organes dirigeants des
banques et établissements financiers (contenu à l'article 449 de
l'AUSCGIE), sur la demande
91 Il s'agit des recours en : annulation,
révision, tierce opposition, interprétation, prévus aux
articles ...
92 KOUASSI KOUADIO, « Les atouts et les
faiblesses de la réglementation uniforme de l'OHADA »,
Actualité juridique, Edition économique n°4, 2012,
Ohadata D-13-36,
www.ohada.com
93 Article 14 alinéa 2 du traité
OHADA
94 Tel que contenu dans l'avis consultatif n°
002/99/ Ep rendu le 13 Octobre 1999 à la demande de la République
du Mali, le Bénin avait également formulé des observations
qui furent enregistrés au greffe de la cour en date du 14 septembre
1999. In encyclopédie de l'OHADA sous la direction de Paul-Gérard
POUGOUE
Page 29
de la République de Côte d'Ivoire en date du 11
octobre 2000 sur la portée obligatoire des actes uniformes sur le droit
interne.
En outre, elle a également reçu des avis
consultatifs émanant des juridictions des Etats parties. Ces demandes
sont formées sur la base d'une décision notifiée à
la cour à la diligence de ladite juridiction. Cette décision
formule de manière précise la question soulevée par le
juge du fond. Cela s'est fait sur des questions diverses notamment sur le
régime des nullités institué par l'AUVE95,
demande initiée par le président du tribunal de première
instance de Libreville. Cependant l'on ne saurait réellement dire quelle
est la portée des avis émis par la CCJA. Sont-ils obligatoires ou
facultatifs ?, Les sanctions en cas d'inobservations des dispositions de ces
avis etc. Un auteur96 affirme qu' « il y transparaît un
relent de « directive » qui prend un relief particulier dans un
contexte où déjà la logique hiérarchique prime dans
les relations entre la CCJA et le juge du fond avec la cassation sans
renvoi». C'est cette interprétation que nous retiendrons dans le
cadre de notre étude. Les avis de la CCJA ne devraient pas être
remis en question. Ceci ni par les Etats partis encore moins par le conseil des
ministres de sorte à conserver une seule et fidèle
compréhension des dispositions des actes uniformes quelques soient
l'Etat ou l'institution dans laquelle le justiciable se trouve.
Préservant ainsi la sécurité juridique et judiciaire
initialement recherchées par les fondateurs de l'OHADA.
Intéressons-nous à la fonction contentieuse de
cette juridiction 2) La fonction contentieuse de la
CCJA
Dans le but d'éviter les divergences de solutions
retenues par les juridictions nationales des Etats parties, le
législateur OHADA a dans l'alinéa 5 de l'article 14 du
traité OHADA fait de la CCJA un troisième degré de
juridiction. Le but recherché par les promoteurs de l'OHADA est de
garantir une identité de jurisprudence97. La CCJA tranche les
litiges nés quant à l'application et l'interprétation des
actes uniformes. Cette juridiction est une juridiction de cassation, une
juridiction de conflits et une juridiction internationale98. La
principale attribution qui nous intéresse est celle relative à la
cassation99. Le recours en
95 Confère avis n° 01/99/JN, 7 juillet
1999 : Ohadata J-02-01, obs. J. Issa-Sayegh ; cité dans le code vert
96 B. BOUMAKANI, « Le juge interne et le
droit OHADA », Penant 2002, n°839, p.133 in code vert OHADA
édition 2016
97 A. AKAM AKAM (sous la dir.), « Les
mutations juridiques dans le système OHADA », L'Harmattan,
Paris, 2013, P.29
98 Encyclopédie OHADA Op cit. P.592
99 Elle se prononce sur les décisions non
susceptibles d'appel.
Page 30
cassation est fondé sur certains moyens tels que
contenus à l'article 28 bis du règlement CCJA100. La
CCJA est territorialement compétente pour connaître des litiges
commis dans l'ensemble des Etats partis au traité OHADA. Ces
compétences matérielles quant à elles sont contenues aux
alinéas 3 et 4 de l'article 14 du traité OHADA. De plus la CCJA
dispose d'un pouvoir d'évocation101 qui lui permet de statuer
sur le fond du litige. Elle s'est illustrée dans de multiples affaires.
En l'occurrence dans une affaire102 où après avoir
cassé une ordonnance de référé, elle a
ordonné la mainlevée de la saisie attribution.
Cependant il y a certaines matières du contentieux des
actes uniformes dont cette juridiction ne peut connaître. Il s'agit des
matières relevant du droit pénal OHADA. Le législateur
dans les matières pénales a prévu un partage de
compétences entre les juridictions nationales et les actes uniformes. A
cet effet le législateur OHADA se contente de prévoir les
infractions dans ces actes uniformes, et il revient à chaque Etats
partis de prononcer les répressions et les sanctions pour chacune des
infractions prévues par les actes uniformes.
A ce jour seul 03 Etats ont promulgué des lois sur la
répression des infractions contenues dans les actes uniformes. Le
législateur camerounais l'a fait avec la loi n° 2003-008 du 10
juillet 2003 portant répression des infractions contenues dans certains
actes uniformes OHADA.
Les arrêts rendus par la CCJA ont autorité de la
chose jugée et force exécutoire dans tous les Etats parties.
Toutefois les décisions rendues par cette juridiction peuvent faire
l'objet d'une voie de recours extraordinaire103 en l'occurrence la
tierce opposition et le recours en révision104. La tierce
opposition est exclusivement ouverte à une personne tierce au
procès qu'elle soit physique ou morale. Deux conditions cumulatives
doivent être réunies par l'auteur de ce recours. Tout d'abord
l'initiateur de ce recours ne doit pas avoir été appelé en
instance ni même représenté, et enfin il doit subir un
préjudice du fait de cette décision105. La condition
essentielle de l'ouverture d'un recours en révision est la
découverte d'un fait de
100 Qui dispose : « Le recours en cassation est
fondé sur : la violation de la loi ; l'incompétence et
l'excès de pouvoir ; la violation des formes prescrites par la loi
à peine de nullité ; le défaut, l'insuffisance ou la
contrariété des motifs ; l'omission ou le refus de
répondre à des chefs de demandes ; la dénaturation des
faits de la cause ou des pièces de la procédure ; le manque de
base légale ; la perte de fondement juridique ; le fait de statuer sur
une chose non demandée ou d'attribuer une chose au-delà de ce qui
a été demandé »
101 Cf. art 14 alinéa 5 du traité OHADA
102 CCJA, arrêt n°012/2002, 18 Avril 2002 : Ohadata
-02-65
103 Définition de la voie de recours :
104 Articles 47 et 49 du règlement CCJA qui
définissent les conditions de recevabilité de ces voies de
recours.
105 CCJA, arrêt n°037/2005 cité dans
l'ouvrage de Me Jérémie WAMBO intitulé la saisine de
la cour commune de justice et d'arbitrage de l'OHADA en matière
contentieuse :Guide pratique à la lumière de la jurisprudence et
du règlement de procédure du 18 avril 1996 tel que modifié
et complété le 30 Janvier 2014, 2ème
édition
Page 31
nature à exercer une influence décisive qui
avant le prononcé de l'arrêt était inconnu de la cour et de
la partie qui le demande. Ce recours doit être formé dans un
délai de trois (03) mois à compter du jour où le demandeur
a eu connaissance du fait sur lequel la demande en révision est
basée106. Bien que le texte ne le dise pas, l'arrêt
portant sur la recevabilité du recours est une décision
avant-dire droit qui fixera par la même occasion les contours de la
prochaine audience sur le fond107.
De par ses attributions, la CCJA garantit la bonne
interprétation des actes uniformes. De la même manière elle
consacre une identité jurisprudentielle au sein des Etats parties
à l'OHADA. Ce faisant assure une sécurité juridique et
judiciaire dans la sous-région OHADA et remplit ainsi l'un des buts
fixé par le paragraphe 3 du traité OHADA qui est la garantie de
la sécurité juridique et judiciaire.
106 Art 49-4 du règlement OHADA.
107 D'après Me WAMBO Op.cit. p26.
Page 32
CONCLUSION DU CHAPITRE I
Dans ce chapitre, il était question pour nous de vous
présenter les principes juridiques et économiques auxquels le
législateur camerounais a adhéré afin d'accroitre son
attractivité économique. Il en ressort que le législateur
a opté pour le libéralisme économique sur le plan
national. Cette attractivité est renforcée par l'adoption de
règles juridiques modernes, prévisibles et harmonisées au
plan régional d'où l'OHADA qui comble les attentes des
investisseurs. Elle lui fournit un corps de règles claires et modernes
qui régissent le droit des affaires. Le tout chapeauté par une
juridiction supra étatique qui juge en dernier ressort dans toutes les
matières régies par le droit OHADA.
Qu'en est-il des règles de mesures d'incitations
propres aux investissements directs étrangers au Cameroun ?
Page 33
CHAPITRE II : LA MISE EN OEUVRE DES MESURES
LEGALES DE PROMOTION DES INVESTISSEMENTS DIRECTS ETRANGERS AU
CAMEROUN
Il n'est pas rare que les Etats mettent en place des mesures
incitatives pour attirer les investisseurs étrangers sur leur
territoire. Celles-ci sont généralement de trois ordres: les
incitations fiscales, les incitations financières et les autres types de
mesures108. Le législateur camerounais ne déroge pas
à cette mesure. En effet, il a toujours participé activement
à l'attraction des investisseurs étrangers à travers
l'adoption de dispositions toujours plus incitatives. Le premier code des
investissements camerounais a été adopté un peu
après l'indépendance du pays, avec la loi de 1964 portant code
des investissements. Depuis lors une pléthore de textes contenant des
mesures incitatives s'est succédé. Cependant dans les
développements suivants, nous nous pencherons sur les plus
récents à savoir : la loi n°2202004 du 19 avril 2002 portant
charte des investissements ainsi que la loi n°2013/004 du 18 avril 2013
portant incitations aux investissements. Il convient de présenter les
mesures matérielles qui concourent à la promotion des
investissements (SECTION 1) avant de nous intéresser aux institutions
chargées d'accompagner les investisseurs (SECTION 2).
Section I: Les mesures d'ordre matériel
Deux types d'incitations seront examinés dans les
lignes suivantes. Il s'agit d'une part des incitations fiscales et
douanières (paragraphe 1), d'autre part, les incitations
financières (paragraphe 2).
Paragraphe 1: les incitations fiscales et
douanières contenues dans la loi de 2013
La loi n°2013/004 du 18 Avril 2013 sur les incitations
à l'investissement privé en république est la loi de droit
commun fixant le régime incitatif au Cameroun. Dans ce paragraphe, nous
traiterons principalement des incitations fiscales et douanières. Le
régime de droit commun (A) ensuite le régime particulier des
incitations (B).
108 S. ROBERT-CUENDET, Spécificité et
privilèges dans le droit international de la protection des
investisseurs étrangers, in, Droit international des
investissements perspectives croisées, (sous la dir. de) Bruxelles,
Bruylant, 2017, pp 672
Page 34
A) Les incitations communes
Sont contenues toutes les incitations de droit commun
dévolues à tout investisseur qui remplit les conditions
prévues au titre deux de la loi de 2013 précitée. Les
incitations varient selon que l'on se trouve en face d'une entreprise
nouvellement créée (1) ou d'une entreprise existante (2).
1) Les incitations accordées aux entreprises
nouvelles
Les avantages portent sur la fiscalité interne. Ils
varient selon que l'on se trouve dans la phase d'installation ou
d'exploitation. Le législateur camerounais a prévu une
durée de cinq (05) années d'avantages particulièrement
dévolus aux entreprises en phase d'installation au Cameroun et une
dizaine d'années pour celles qui exploitent leur activité depuis
plus de cinq années sur le territoire Camerounais.
a) Les avantages accordés aux entreprises pendant
la phase d'installation : Ils sont de deux ordres à la fois
douaniers et fiscaux
i) Les avantages douaniers
Les entreprises nouvelles sont exonérées des
taxes et droits de douane sur les équipements et matériels
liés au programme d'investissement. De plus elles
bénéficient également d'un enlèvement direct de ces
mêmes équipements lors des opérations de
dédouanement109. Tout cela évite une perte de temps et
des frais liés au dédouanement des nouveaux investissements et
par conséquent rentabilise leurs opérations.
ii) Les avantages fiscaux
Les avantages portent sur la fiscalité interne.
L'investisseur est exonéré des droits d'enregistrement pour tous
les actes et transactions indispensables à la réalisation du
programme d'investissement en cours ou projeté110. Il s'agit
en outre d'exonérations portant sur les contrats de concession,
augmentation de capital, sur les droits de baux d'immeubles à usage
professionnel lié au programme d'investissement ainsi que sur les droits
de mutation sur l'acquisition d'immeubles et bâtiments indispensables
à l'opération d'investissement et enfin sur les droits
d'enregistrement des contrats de fournitures.
109 Article 6 de la loi précité
110 Elles sont contenues à l'article 4 de
l'arrêté n°366 du 19 novembre 2013 précisant les
modalités de mise en oeuvre des avantages fiscaux et douaniers de la loi
n°2013.
Page 35
Voilà énoncé de manière exhaustive
les droits fiscaux et douaniers auxquels peuvent prétendre des
opérateurs économiques étrangers désireux
s'installer au Cameroun. Les entreprises en phase d'exploitation peuvent
également bénéficier d'avantages fiscaux.
b) Les avantages accordés aux entreprises en phase
d'exploitation
Avant d'énoncer ces avantages (ii), il sera tout
d'abord question pour nous d'énoncer les conditions pour pouvoir en
bénéficier(i).
i) Critères d'éligibilité
La phase d'installation est définie à l'article
3 de la loi de 2013. Il s'agit d'une : « période
n'excédant pas cinq (05) ans, consacrée à la construction
et à l'aménagement des infrastructures et des équipements
nécessaires à la mise en place d'une unité de production
». Pour bénéficier des incitations, des critères
sont à remplir. Il s'agit de conditions quant au montant du capital
investi et à la valorisation du développement de
l'économie camerounaise.
? Montant du capital investi
Peuvent prétendre au bénéfice des
incitations contenues dans la loi n°2013 les investisseurs qui
réalisent durant la période des cinq années d'exploitation
un investissement d'un montant d'au moins un (01) milliard de francs CFA en ce
qui concerne la première catégorie, Entre un (01) et cinq (05)
milliards de francs CFA en ce qui concerne la catégorie B ; et enfin un
investissement supérieur à cinq (05) milliards en ce qui concerne
la catégorie
C111.
? Développement de l'économie camerounaise
Le législateur a par ailleurs joint à ce montant
d'autres conditions. On les retrouves dans le dispositif de l'article 4 de
l'arrêté précité. Elles sont communes à
toutes les trois catégories d'investissement. Il s'agit de la
création d'emploi par tranche de vingt (20) millions d'investissements
dans des secteurs définis dans ladite loi112. Augmenter la
balance commerciale à travers de fortes exportations représentant
au moins 20% du chiffre d'affaires hors-taxes au cours des cinq premiers
exercices de production ; utiliser les ressources naturelles nationales
à hauteur d'au moins 25% de la valeur des intrants ; et enfin
générer une augmentation de la valeur ajoutée d'au moins
25% dans les secteurs d'activités cités ci-
111 Article 4 de l'arrêté n°336
précité
112 Il s'agit du tourisme, l'industrie, l'artisanat, la
culture, le sport, le domaine sanitaire, éducatif,
énergétique, agricole, l'élevage et la pisciculture,
l'habitat social et enfin le transport urbain.
Page 36
dessus. L'investisseur devra en plus du capital investit
satisfaire au moins une des conditions ci-dessus citées pour pouvoir
bénéficier des incitations de la loi de 2013.
Après une lecture de la lettre de la loi nous nous
rendons compte que le législateur veut promouvoir le
développement du Cameroun à travers les investissements. Il le
fait dans divers secteur notamment en réduisant le taux de
chômage, en augmentant les exportations et de fait augmentant la balance
commerciale113, Enfin en favorisant l'exploitation des ressources
naturelles locales.
ii) Avantages proprement accordés aux entreprises en phase
d'exploitation
D'après la loi de 2013 précitée, la phase
d'exploitation est de dix114 ans. Elle est définie par la loi
: « Période de réalisation effective des
activités de production»115. Pour les entreprises
nouvelles, elle débute à la fin de la phase d'installation ou
dès la commercialisation des produits. Les entreprises
déjà installées peuvent également en
bénéficier ceci dès qu'elles mettent en oeuvre de nouveaux
investissements. Contrairement à la phase d'installation, l'investisseur
ici ne bénéficie non plus d'exonération mais plutôt
des réductions fiscales et douanières. Contenus à
l'article 7 de la loi précitée, ces avantages s'appliquent aux
droits d'enregistrement relatifs aux opérations financières
menées116 par l'entreprise.
? Réduction de 50% de l'impôt sur les
sociétés ou de l'impôt sur les bénéfices
industriels et commerciaux pour une durée de cinq (05) ans pour les deux
premières catégories et de 75% pour la troisième. Cette
réduction se poursuit lors de la sixième année
d'exploitation pour les entreprises appartenant aux deux dernières
catégories. Elles bénéficient d'une réduction de
25% et 50% respectivement lors de celle-ci ;
? Une exonération des droits d'enregistrement relatifs
aux prêts, emprunts, avances en compte courant et cautionnement pendant
cinq (05) ans ;
? Réduction de 50% de l'impôt sur le revenu des
capitaux mobiliers à l'occasion de la distribution des revenus de la
sixième à la dixième année ;
? Réduction de 50% des droits relatifs aux actes de
transfert de propriété ou de jouissance immobilière et de
baux pendant cinq (05) ans ;
113Ratio qui mesure la différence entre
la valeur des exportations et des importations et tient compte également
du solde du négoce international in Dictionnaire de finance de J.
et M. PEYRARD Op.cit .
114 Art 5 de la loi de 2013 portant incitations aux
investissements.
115 Art 3 de la loi de 2013 portant incitations aux
investissements.
116 C'est également le cas des prêts, avances en
compte courant, cautionnement, augmentation, réduction ou liquidation du
capital social etc.
Page 37
? Réduction de 25% de l'impôt sur le revenu de la
sixième année à la dixième année
Au plan douanier, des avantages sont également
accordés. Il s'agit de réductions sur les importations
d'équipement de matériaux de construction, l'exportation
d'équipements de construction et équipements des usines de
transformation.
Au terme de la phase d'exploitation qui au total dure quinze
années, phase d'installation comprise, l'investisseur est reversé
au régime du droit commun. Cependant d'autres moyens sont mis en oeuvre
pour lui permettre de bénéficier d'avantages de toutes sortes.
2) Les avantages accordés aux entreprises
existantes.
Il convient de rappeler que les entreprises existantes sont
celles qui ont bénéficié du régime d'incitations
prévue dans la loi de 2013 durant la phase de quinze ans (phase
d'installation et exploitation). Les entreprises existantes recouvrent
également celles qui réalisent un programme d'investissement
visant à étendre ses capacités de production et par la
même occasion augmente la production de biens et de services du
camerounais à hauteur de
20%117.
a) Sur le plan fiscal
Les avantages dont l'entreprise pourrait se prévaloir
ne saurait aller au-delà de la limite de cinq (05) ans. De plus ils
devraient être la conséquence du développement
d'activités portant sur l'un des secteurs prioritaires. L'investisseur
peut aussi bénéficier d'une exemption de paiement de
l'impôt sur les sociétés ou de l'impôt sur les
bénéfices industriels et commerciaux (Ceci sur la base de 25% du
montant des investissements sans excéder la moitié du
bénéfice déclaré pendant l'année fiscale en
question). L'alinéa 2 de la l'article précité
prévoit en outre un report des déficits sur quatre exercices clos
suivant l'année de la survenance desdits déficits.
b) Sur le plan douanier
L'importation des équipements liés à
l'extension de l'entreprise dont le taux du droit de douane sont réduit
de 5%. A l'exception d'une éventuelle redevance non fiscale ayant le
caractère d'une rémunération de services.
117 Art 17 de la loi de 2013 portant incitations aux
investissements.
Page 38
De tout ceci il en ressort que l'Etat camerounais à
travers cette loi donne la possibilité à tout investisseur
étranger ou local de bien se déployer sur le marché
camerounais. Cependant certains investisseurs du fait de leur secteur
d'activité bénéficient davantage d'incitations.
B) Les incitations spécifiques
Ces incitations s'adressent aux investisseurs qui exploitent des
secteurs d'activités jugés prioritaires par l'Etat Camerounais.
Un régime d'incitations particulières visent certains secteurs
d'activités (1) et promeuvent l'un des secteurs que l'Etat estime de
prioritaire (2).
1) Réalisation d'activités
spécifiques
Certaines conditions sont à remplir pour pouvoir
bénéficier de ces incitations spécifiques (a).
L'investisseur qui s'y conforme pourra bénéficier d'un
crédit d'impôt (b).
a) Les conditions d'éligibilité
Pour bénéficier des incitations
spécifiques, l'Etat camerounais a dans la loi de 2013 prévu un
certains nombres de conditions. Celles-ci sont énumérées
de manière non exhaustive dans l'article 14. Il s'agit des
investissements permettant d'atteindre l'un des objectifs de l'Etat camerounais
parmi lesquels :
? La promotion et le développement de l'agriculture. A
travers cette disposition, le législateur tend à
développer l'industrie agricole camerounaise. Conscient des nombreuses
richesses dont son sol regorge, il encourage ce secteur à sortir de
l'exploitation purement artisanale pour se tourner vers une agriculture
industrielle à l'échelle nationale et internationale. Passer de
la simple exploitation primaire à l'exploitation secondaire (la
transformation) et à la distribution (l'exploitation tertiaire). Selon
un rapport de la banque africaine de développement, « en 2013,
la croissance du sous-secteur agricole serait de 4,2 %, soutenue par la
production vivrière et celle de l'agriculture industrielle et
d'exportation »118.
Dans le processus, la loi encourage également le
développement de la pêche et l'élevage .Le gouvernement
à travers cette loi cherche à moderniser cette pratique passant
de l'artisanat à l'industrie.
118 Rapport du Groupe de la Banque Africaine de
Développement : Environnement et investissement privé au
Cameroun, exercice 2013, p31
Page 39
? La promotion et la protection de
l'environnement119. L'Etat Camerounais désireux de
préserver sa faune et sa flore et de promouvoir le développement
durable. Est signataire des accords sur la lutte contre la pollution et la
destruction de la couche d'ozone, encourage les investisseurs qui s'engagent
dans le même combat en l'occurrence la protection de l'environnement.
? La promotion des conditions de vie des camerounais. A
travers le développement de l'habitat et le logement social, la
promotion de l'emploi et la formation professionnelle, la promotion et
l'encouragement de la décentralisation et le développement des
régions. L'investissement est un outil de développement. De fait
sa recrudescence devrait desservir les intérêts de tous les
camerounais sans préjudice de la zone d'habitation (urbain ou rural) ou
de l'âge. Le législateur par son développement
économique veut s'enrichir sur le plan social et infrastructurel. Le
législateur tant également à réduire le taux de
chômage des jeunes diplômés et le sous-emploi au sein de la
population camerounaise
? La promotion de l'industrie. Il est prévu à
l'article 14 précité que les entreprises qui promeuvent
l'agro-industrie, l'industrie lourde des matériaux de constructions de
la sidérurgie, la construction métallique des activités
maritimes et de navigation. Ce faisant le législateur camerounais tant
à développer son secteur secondaire. Notons que pour un pays qui
se veut émergent, il est important pour ce dernier de disposer d'usines
de transformation dans divers secteurs d'activités. Qui dit production
locale dit également exportation, les entreprises qui facilitent ces
dernières bénéficient des avantages prévues par la
présente loi.
? Le développement du secteur de l'eau et de
l'énergie est également de mise. Dans le secteur de l'eau, des
centres de traitement d'eau ont été mis sur pied à
Akomyada et dans la Mefou. De plus le gouvernement a rompu le contrat
d'affermage octroyé à la société camerounaise des
Eaux pour la confier à la société CAMWATER. Ceci dans le
but d'améliorer le transport et la distribution de l'eau potable dans
tous les foyers d'habitation. Dans la localité de Batchenga
(Département de la Lékié) une usine de traitement d'eau
potable a été mise sur pied120. Celle-ci aura pour
mission de desservir la ville de Yaoundé et ses environs en eau
potable.
119 Le développement durable fait partie des objectifs
du millénaire contenues dans le document stratégique pour la
croissance et l'emploi (DSCE) 2010.
120 Usine financée à 85% par un emprunt
réalisé auprès de la banque EXIMBANK de Chine
Page 40
? Sur le plan de l'énergie une campagne de propagande
des nouvelles énergies notamment solaires et autres énergies
alternatives porte peu à peu ses fruits. Outre les incitations par des
Start-up Camerounaises aux sources alternatives121, l'Etat
Camerounais a mis sur pied un projet de centrales photovoltaïques à
l'horizon 2020122 Voilà énoncées quelques
conditions qui donnent droits aux avantages spécifiques au
titre de la loi de 2013. En outre l'on retrouve le
développement de l'offre de l'énergie et de
l'eau ; le développement du tourisme et des loisirs de
l'économie sociale et de l'artisanat ; la
protection et le transfert de technologies innovantes et de la
recherche-développement
b) Avantages accordés
Les avantages sont de deux ordres : il y a ceux prévus
à l'article 15 de la loi précitée et celui prévu
dans l'arrêté n°336 du 19 novembre 2013 précisant les
modalités de mise en oeuvre des avantages fiscaux et douaniers de la loi
n°3013/004 du 18 avril 2013. A l'article 15, le législateur
camerounais accorde des exonérations sur la TVA sur les crédits
relatifs au programme d'investissement, l'exonération de la taxe
foncière sur les immeubles bâtis ou non, faisant partie de
l'unité de transformation et de tous prolongements immobiliers par
destination. L'on retrouve également le bénéfice d'un
enregistrement au droit fixe, de l'admission temporaire spéciale des
équipements et matériels industriels susceptibles de
réexportation. On remarque par ailleurs que les exonérations dans
le cadre du présent article, ne touchent pas certains impôts tels
que l'impôt sur le revenu des personnes physiques (IRPP).
Les entreprises exportatrices bénéficient
également de certains avantages tels qu'une exonération du droit
de sortie sur les produits manufacturés localement et enfin le
régime de perfectionnement actif prévu par le code
douanier123.
2) Développement de secteurs prioritaires et
administrations fiscales
Sa volonté de développer et de diversifier son
économie s'est également manifestée par la promotion
d'autres secteurs d'activités comme proposés dans la charte des
investissements de 2002. Dans les prochains développements nous
étalerons le cadre institutionnel de la charte de 2002 et la loi de
2013, puis nous évoquerons les autres secteurs contenus dans les codes
sectoriels.
121www.cameroonbusinesstoday.cm
122 Confère loi de finance de 2014
123 Art 16 de la loi des finances 2014.
Page 41
a) Les Codes sectoriels
Le Cameroun jouit d'un sous-sol particulièrement riche
en minéraux et autres ressources naturelles tels que la bauxite, le
cuivre, le fer, l'or, le diamant etc., le pétrole et le gaz comme
énergies fossiles. Afin de développer ce secteur, le
législateur Camerounais a mis sur pied des codes sectoriels. Notamment
le secteur gazier (ii) et le secteur minier (i).
i) Le code minier
L'exploitation minière au Cameroun est régie
par la loi n°2016/017 du 14 décembre 2016 portant code minier. Les
activités de tous les niveaux d'exploitant y sont mentionnées et
régies, du plus petit en l'occurrence l'artisan au plus grand qui est
l'exploitant industriel. Les incitations dont ces acteurs
bénéficient sont de différents ordres. Les investisseurs
en phase de recherche bénéficient d'exonérations de la TVA
sur achat de matériaux d'équipement liés à
l'exploitation de leur activité, ainsi qu'une exonération de la
contribution de patentes pour les avantages fiscaux.
Les investisseurs en phase d'exploitation par contre
bénéficient d'une exonération du paiement des droits
d'enregistrement et de timbre, jusqu'à la première production
commerciale. Sur le plan douanier, ces derniers bénéficient d'une
exonération sur les droits et taxes de douane sur l'importation des
intrants, une exonération jusqu'à la date de la première
production commerciale sur l'importation des matériaux
nécessaires à la construction des bâtiments et enfin une
exonération sur les droits et taxes de douane sur les lubrifiants
spécifiques.
ii) Le code gazier
Des avantages en matière du régime de change et
de la fiscalité sont accordés aux acteurs de ce secteur. Ces
avantages varient selon que l'on se trouve dans la phase d'installation ou dans
la phase d'exploitation.
Il convient de rappeler que la phase
d'installation124 est également de cinq (05) ans. Elle
commence à compter de la date de notification, de publication des actes
d'attribution des contrats. Les entreprises bénéficient
d'exonérations de toutes sortes à savoir :
? Exonération des droits d'enregistrement, des baux
d'immeubles à usage professionnel, des droits de mutations et
d'acquisitions des immeubles ; des droits
124 Art 56 alinéa 2 de la loi n°2012-06 du 19 avril
2012 portant code gazier
Page 42
d'enregistrement des contrats de fournitures
d'équipement et de construction des immeubles et autres installations ;
des droits d'enregistrement des contrats de concession ;
? Un taux de droit de douanes réduit à hauteur
de 5% ainsi qu'une exonération à la TVA De plus l'investisseur
bénéficie entre autre d'avantages douaniers125
conséquents. A l'importation, il bénéficie d'un taux
global réduit de 5% des droits de douane sur les équipements
nécessaires à l'exploitation de son activité, l'admission
temporaire normal sur les équipements directement nécessaires aux
opérations gazières lorsque ces derniers sont destinés
à être réexportés après usage et enfin la
dispense d'inspection avant embarquement.
A l'exportation, l'investisseur bénéficie d'une
exonération des droits de sortie sur les hydrocarbures issus de la
transformation du gaz naturel. Il convient de rappeler qu'à l'expiration
de ce délai, les sociétés ci-dessus sont régies par
le droit commun en matière douanière et fiscale.
Enfin l'investisseur dans ce secteur bénéficie
également d'autres126 avantages en l'occurrence :
« - Le droit d'ouvrir en République du
Cameroun et à l'étranger des comptes en monnaie locale et en
devise
- Le droit de transférer et de conserver librement
à l'étranger les recettes, les dividendes (...)
- Le droit de payer directement à l'étranger
les fournisseurs non-résidents de biens et services nécessaires
à la conduite des opérations gazières. »
Paragraphe 2: les incitations financières
Outre les incitations fiscales et douanières, la loi de
2013 prévoit des avantages financiers au profit de l'investisseur
étranger. L'investisseur étranger bénéficie de la
libre disposition de son capital (A). Cette liberté est toutefois
assortie d'exceptions (B).
A) La garantie du libre transfert de
capitaux
La garantie de libre transfert est un élément
essentiel de l'attractivité d'un pays. Il s'agit du « droit
pour les résidents d'un pays de transférer tous montants de
devises vers un
125 Contenus à l'article 56 alinéa 2 de la loi
n°2012-06 du 19 avril 2012 portant code gazier
126 Article 55 alinéa 2 du code gazier camerounais
Page 43
autre pays aux fins de financer des opérations de
capitaux, c'est à dire des opérations autres que des transactions
courantes »127.La liberté de transfert de capitaux
implique un volet positif, c'est-à-dire la possibilité d'investir
et un volet négatif, la possibilité de
désinvestir128 Elle se caractérise par la garantie de
libre transfert accordé par l'Etat d'une part (1) et par la garantie de
convertibilité de la monnaie (2).
1) Le contenu de la garantie
En droit international, il existe trois principaux types de
transferts de fonds :
? Les transferts vers l'extérieur dégagés
par l'investissement, sont protégés, les transferts de fonds
dégagés de l'exploitation de l'investissement sur le territoire
de l'Etat hôte. Il peut s'agir des bénéfices de
l'activité mais aussi du produit de la vente des actifs de
l'investissement129.
? Les transferts de fonds vers l'extérieur liés
à l'exécution d'obligations de l'Etat.
Cette typologie prend en compte les fonds liés à
l'exécution d'engagements conventionnels de la part de l'Etat
hôte. Il s'agit des sommes perçues par l'investisseur au titre de
compensation en cas d'expropriation, de la réparation en cas de pertes
ou encore des sommes consécutives de la condamnation de l'Etat
hôte au paiement d'une indemnité à l'investisseur.
? Les transferts vers l'intérieur. Il s'agit de tous
les fonds qu'un opérateur économique voudrait investir sur le
territoire de l'Etat hôte. Les fonds en question peuvent avoir pour objet
un nouvel investissement ou tout simplement être destinés à
une opération d'investissement existante.
L'Etat hôte doit donc s'abstenir de toutes mesures qui
retarderaient ou compliqueraient le paiement de l'une ou l'autre
catégorie de transfert ci-dessus cité130.
En droit camerounais, ces garanties sont contenues à
l'article 10 de la charte des investissements, ainsi que l'article 12 de la loi
de 2013.
127P. JUILLARD, Freedom of establishment,
freedom of capital movements and freedom of investment , ICSID Rev. -
FILJ, 2000, vol. 15, n°2, p. 36 cité par A. GILLES-YEUM «La
liberté d'investissement», Op. cit. p. 55 et ss.
128 Il s'agit pour l'investisseur de faire entrer dans le pays
hôte toutes les sommes qu'il veut investir sur le territoire de l'Etat en
question. Mais aussi de pouvoir rapatrier ses actifs dans l'hypothèse
d'une liquidation judiciaire ou une crise économique dans l'Etat
hôte.
129 Il s'agit des dividendes, recettes, produits de toute
nature des capitaux investis. Tel que prévu à l'article 12
alinéa 2 de la loi de 2013.
130 A. DE NANTEUIL, « Droit international de
l'investissement », Editions Pedone, 2017, p. 369 et
suivants
Page 44
La liberté de transferts permet à l'investisseur
d'un côté, la poursuite de la gestion courante de son
opération en ce qui concerne le paiement des employés, et de
l'autre la possibilité de faire sortir ses fonds du pays hôte pour
profiter des gains de l'investissement ou en cas d'échec d'en limiter
les pertes.
2) La convertibilité de la
monnaie
La garantie de libre transfert comprend également la
convertibilité de la monnaie dans laquelle les opérations
financières sont réalisées. Dans le processus de transfert
aucune des parties ne doit être perdante. C'est pourquoi le FMI a
imposé aux Etats d'assurer la libre convertibilité de leurs
monnaies et de veiller à ce que les transactions se fassent dans l'une
des devises utilisées pour les transactions
transfrontalières131. Ainsi l'investisseur pourra rapatrier
les bénéfices réalisés dans sa monnaie nationale et
bénéficier pleinement des fruits de son opération.
Il existe toutefois des dérogations à la
liberté de transfert de capitaux. B) Les dérogations
à la liberté de transfert de capitaux
L'engagement de l'Etat hôte à garantir le libre
transfert des fonds de l'investisseur n'est pas toujours absolu. Certaines
considérations restreignent le rapatriement des fonds. Elles peuvent
être d'ordre privé (1) ou public (2)
1) Dérogations en raison des
intérêts de personnes privées
L'Etat hôte peut prohiber le rapatriement de fonds de
l'investisseur lorsque ceux-ci sont destinés à honorer des dettes
vis-à-vis de créanciers nationaux, ou à assumer les
conséquences d'une mise en faillite132.
2) Dérogations liées au
bénéfice de l'Etat
L'opération d'investissement direct étranger est
de nature à promouvoir le développement au sein de l'Etat
d'accueil de l'investissement. C'est pourquoi l'Etat en question adoptera
toujours un comportement qui soit de nature à restreindre la fuite des
capitaux de son territoire. Toutefois il y a des considérations
particulières qui sont de nature à restreindre la libre
disposition par l'investisseur de ces capitaux. Il en est ainsi de :
131 Il s'agit du dollar, de l'euro, du livre sterling et du
yen
132 DE NANTEUIL (A), Op.cit, P. 372
Page 45
? La fiscalité. Elle constitue l'une des sources
majeures de revenus pour un Etat. A cet effet, ce dernier a tendance à
lutter contre des phénomènes d'évasion fiscale qui lui
causerait un important manque à gagner. L'investisseur qui ne s'est pas
encore acquitté de ses obligations fiscales ne saurait être
autorisé à rapatrier des fonds car ceux-ci serviront à
l'acquittement de ses obligations fiscales.
? Il en est de même pour des sommes destinées au
paiement de condamnations pénales dont l'investisseur serait
sujet133.
? Hormis les hypothèses de mauvaise foi de
l'investisseur direct étranger, il est possible pour l'Etat hôte
de restreindre temporairement les transferts de fonds. Ceci dans
l'hypothèse d'un déséquilibre passager de la balance des
paiements134 ou encore dans un contexte particulier de crise
économique qui serait de nature à limiter les transferts
monétaires hors de son territoire.
Section II: Les mesures d'ordre institutionnelles
En sus des incitations législatives, les Etats se
dotent d'institutions pour accompagner les investisseurs étrangers dans
leurs opérations. Ces institutions répondent à la
volonté affirmée de clarifier et de présenter de
façons cohérentes l'ensemble des normes applicables à une
opération ou une autre135. Les institutions ont une vocation
double. Elles accueillent les demandes des investisseurs étrangers, et
elles les orientent dans leurs projets selon le secteur d'activité.
L'Etat camerounais a mis sur pied un certain nombre de
structures chargées de faciliter les opérations
d'investissements. L'on retrouve deux catégories ici : les institutions
qui interviennent en amont de l'installation de l'investissement (PARAGRAPHE 1)
et celles qui interviennent en aval (PARAGRAPHE 2).
Paragraphe 1: les institutions d'accompagnement
en phase d'installation / implantation de l'investisseur
Il s'agit de toutes les institutions qui encadrent
l'investisseur étranger durant l'installation de son activité sur
le territoire camerounais. Il va des institutions de droit commun (A) et des
institutions spécifiques à certains secteurs d'activités
(B).
133 Idem
134 Il s'agit d'un « document qui comptabilise toutes les
opérations commerciales effectuées entre les résidents et
les non-résidents au cours d'une année, selon leur nature
financière ou non financière » définition
tirée de PEYRARD (M), PEYRARD (J), Dictionnaire de Finance
2e Edition. Vuibert, 2001 p. 24
135 A. DE NANTEUIL, Op.cit. p. 150
Page 46
A) Les institutions de droit commun
Nous présenterons tour à tour l'institution qui
accorde les incitations aux investisseurs directs étrangers (1),
également l'institution qui facilite la création d'entreprise au
Cameroun (2).
1) L'Agence de Promotion des investissements
(API)
L'API est instituée par la Charte des Investissements
de 2002. Puis mis sur pied par le décret n°2005/310 du
1er septembre 2005 portant organisation et fonctionnement de l'API.
Cependant ce n'est qu'en 2010 que cette agence a réellement
commencé à fonctionner. Elle a pour mission la mise en place
d'une base de données des projets et d'en assurer la diffusion.
a) Fonctionnement de l'API
Depuis 2017, l'API jouit d'une autonomie financière.
En effet à l'article 35 de la loi du 12 juillet 2017 modifiant et
complétant certaines dispositions de la loi de 2013, l'agence
bénéficie de 15% des ressources collectées au titre de
contribution au Crédit foncier du Cameroun et 15% des ressources
collectées au bénéfice du Fond spécial des
télécommunications. Le principal but visé par ce nouveau
texte juridique est la réduction des lenteurs administratives, ainsi que
la réduction des lourdeurs dans les procédures d'octroi de
l'agrément au regard des nombreux intervenants.
Au plan administratif, l'agence est désormais sous la
tutelle technique du secrétariat général de la
présidence de la République du Cameroun.
b) Missions de l'API
Les missions de l'agence sont maintenues à savoir :
? La réception des dossiers de demande
d'agrément
? L'instruction des dossiers
? L'obtention des visas d'entrée des investisseurs pour la
période de validité de l'acte
d'agrément ainsi que pour le personnel étranger
? L'assistance des entreprises agréées dans les
démarches nécessaires à l'exécution des
programmes d'investissements
? De veiller au respect des engagements souscrits dans l'acte
d'agrément
Page 47
L'agence soumet un rapport de l'activité
d'investissement chaque année au président de la
République.
Elle délivre l'acte assurant le passage de la phase
d'installation à la phase d'exploitation. Le dossier de traitement de la
demande d'agrément est de 5 jours au sein du Guichet unique pour tenir
compte du respect de la conformité du dossier. Mais également des
requêtes d'examen de prorogation de la phase d'installation. Celle-ci est
de 15 jours.
L'agence accueille, oriente et installe les investisseurs
étrangers dès leur arrivée sur le territoire camerounais.
Pour ce faire, elle dispose d'un guichet d'accueil des étrangers dans
chaque aéroport du Cameroun.
A ce jour, l'agence a généré plus de
trois mille milliards (FCFA 3.000.000.000.000) de FCFA en cinq (05) ans. Depuis
la mise en oeuvre de la loi du 18 avril 2013 portant incitations à
l'investissement privé en République du Cameroun, 130 conventions
d'investissements ont été signées entre le gouvernement et
le secteur privé à travers l'encadrement et l'accompagnement de
l'API136.
c) Difficultés rencontrées
Toutefois l'agence peine à réaliser efficacement
sa mission première. Ceci est due en partie au manque de textes
d'application prévus par la charte de 2002 ce qui freine les agissements
de l'API. De plus l'on observe des lenteurs administratives pour la
délivrance des autorisations aux investisseurs. En effet c'est au
président de la République de valider ou non la demande
d'agrément faite par l'investisseur. L'investisseur se retrouve souvent
à attendre des mois avant de pouvoir bénéficier des
avantages prévus par la loi de 2013. Ce qui dépasse largement le
délai de 15 jours prévu dans les textes137.
2) Le Centre de Formation et de Création des
entreprises
Qui fonctionne comme un guichet unique de création de
sociétés. Il regroupe des représentants de chacune des
directions intervenants dans les formalités de création d'une
société commerciale au Cameroun. En son sein, on retrouve :
l'administration fiscale, la CNPS138, le RCCM139entre
autre.
136 Forum camerounais de l'investissement
137 Données recueillies à l'occasion d'un entretien
avec un cadre de l'API, M.OBEN (J).
138 Caisse Nationale de Prévoyance Sociale
139 Registre du Commerce et du Crédit Mobilier
Page 48
Le délai des formalités légales de la
création d'une entreprise au Cameroun a réduit et est
passé à seize jours pour les hommes et dix-sept pour les
femmes.
Présentons les institutions régissant des
régimes spécifiques d'investissements.
B) Les institutions encadrant un régime
spécial d'investissement
Deux principaux régimes seront abordés ici : le
régime des zones franches industrielles (1) puis celui des contrats de
partenariat public-privé (2).
1) L'ONZFI (Office National des Zones Franches
Industrielles)
La mise en place des ZFI répond à la
sollicitation des bailleurs de fonds étrangers du Cameroun. Elle fait
partie des solutions préconisées pour aider le pays à
surmonter la crise économique de la décennie
1986-1996140. La zone franche devant ainsi permettre la
création d'emplois, stimuler l'économie nationale par une relance
des activités industrielles tournées vers l'extérieur
ainsi que le transfert de technologies, le développement des
opérations de sous-traitance en faveur des entreprises locales,
l'intensification de la valorisation des matières premières, la
diversification du tissu etc.
Cet organisme est le guichet unique des zones
franches141. De ce fait il exerce des missions principales (a) et
également une fonction contentieuse (b).
a) Missions de l'ONZFI
Avant dénoncer les missions de cette institution, il
convient de rappeler sa constitution administrative. L'ONZFI est dirigé
par un conseil d'administration qui est composé de neuf membres parmi
lesquelles six personnalités du secteur privé et trois du secteur
publique. Son budget est alimenté par les opérateurs et les
entreprises des zones franches.
Les missions sont contenues à l'article 5 de
l'ordonnance de 1990 fixant le statut des zones franches industrielles. Parmi
lesquelles :
? Réceptionner et examiner des dossiers de demande du
statut de zone franche industrielle ;
140 J. MOUANGUE KOBILA, Le Cameroun face à
l'évolution du droit international des investissements,thèse
en droit public, Université de Yaoundé II, 2004 p. 371
141 Il est à rappeler que la zone franche est une :
« Partie du territoire d'un Etat qui quoique relevant de sa
souveraineté, est placée en dehors de son territoire douanier,
par décision unilatérale de cet Etat ou par l'effet d'une
convention internationale» ; Définition tirée de J.
SALMON, Dictionnaire de droit international public, Op cit., p.
1152
Page 49
? délivrer le récépissé ;
? Délivrer le permis de promoteur ou d'opérateur
après examen du dossier ;
? Mettre en place des procédures de règlement
amiable des différends entre promoteurs et entreprise ;
? Constater les infractions à l'ordonnance et fixer les
amendes pour réprimer ces dernières ;
Il convient de rappeler que cette liste n'est pas exhaustive.
Nous avons présenté les principales, car elles cadrent avec notre
analyse. Outre ses fonctions administratives, l'ONZFI a également des
prérogatives contentieuses.
b) Fonction contentieuse de l'ONZFI
Les attributions contentieuses de l'ONZFI sont contenues
à l'article 27 de l'ordonnance n°90/001 du 29 janvier 1990
créant le régime de la zone franche au Cameroun. Il est
prévu qu'en cas de violations répétées de
l'ordonnance portant régime des ZFI, l'ONZFI peut prononcer l'annulation
du certificat de conformité de l'entreprise incriminé,
retiré le permis du promoteur ou de l'opérateur
récalcitrant et annuler les permis de séjour et de travail d'un
travailleur étranger de zone franche industrielle qui ne satisfait pas
aux exigences liées à la détention de ces
pièces.
2) Le Conseil d'Appui à la Réalisation
des Contrats de Partenariats (CARPA)
Nous nous attarderons succinctement sur les missions (a) de la
CARPA et ses réalisations (b).
a) Missions
Organisme créé en 2006 par le décret
n°2008/035 portant organisation et fonctionnement du Conseil d'Appui
à la Réalisation des Contrats de Partenariats. Cet organisme est
chargé de l'évaluation des projets éligibles aux contrats
de partenariat142. Sa création avait été
annoncée dans la loi de 2006 fixant le régime
général des contrats de partenariats.
b) Réalisations
Depuis son implémentation en 2008, le CARPA a
donné son accord pour la réalisation de nombreux projets de
partenariat public-privé. Il s'agit de la deuxième phase de
142 Article 1er du décret n°2008/0352 du
23 janvier 2008
Page 50
construction de l'autoroute Douala-Yaoundé ; la
construction d'un poste de péage moderne et la construction de la gare
routière de Bamenda143.
Le 7 janvier 2013, le gouvernement a rendu public une liste de
vingt-et-un projets susceptibles d'intéresser les investisseurs locaux
et étrangers dans le domaine infrastructurel de la construction de
terminaux spécialisés pour le port en eau profonde de Kribi, de
la construction d'une ligne de chemin de fer de 70 km entre Douala et Limbe, la
construction de deux tramways dans les villes de Douala et Yaoundé.
Dans le domaine immobilier, on retrouve des projets tels que
la construction de logement universitaires dans les universités de
Yaoundé II-Soa, Dschang, Bamenda et Maroua.
Dans le secteur de l'énergie, l'on retrouve des projets
tels que la construction d'une centrale hydroélectrique à Njock
d'une puissance de 117MW. Et enfin la construction de magasin de stockage sur
l'étendue du territoire camerounais144.
L'on se rend donc compte que le CARPA, dans l'exercice de ses
prérogatives participe activement au renouvellement des infrastructures
publiques145 et l'amélioration de la qualité des
services aux citoyens par la mise en oeuvre des partenariats
public-privé.
Paragraphe 2: les institutions interviennent en phase
d'exploitation de l'investissement
Certaines institutions interviennent essentiellement
après l'installation de l'investissement. C'est-à-dire quand la
structure exerce déjà ses activités sur le territoire
camerounais. Nous traiterons les institutions qui ont un rôle de premier
rang dans la vie des investissements (A), puis les autres de moindre envergure
mais dont l'action reste déterminante dans la vie des investissements
(B).
A) Les principales organisations intervenant dans la
vie de l'investissement
Ce sont les institutions qui jouent un rôle
prépondérant dans l'amélioration du climat des affaires au
Cameroun. On évoquera le GICAM (1) et le Cameroon Business Forum (2).
143www.conferenceinvestiraucameroun.com
144
https://www.prc.cm/frinvestir/partenariats-public-privé/169-12-contrats-de-partenariat-public-privé-en-cours-d-execution-au-cameroun
145www.ppp-cameroun.cm/fr/présentation-générale-du-carpa
consulté le 9 août 2018 à 11h25
1) Page 51
Le Groupement Inter-patronale du Cameroun
(GICAM)
Le Groupement Inter-patronal du Cameroun est l'organisation
représentative du secteur privé par excellence au Cameroun. Cette
organisation fédère un certain nombre146 d'entreprises
du secteur privé et intervient au nom de ces dernières
auprès des pouvoirs publiques. Le GICAM dans l'exercice de ses
prérogatives facilite la vie des entreprises privées (a). Il
intervient également dans le contentieux à travers son centre
d'arbitrage (b).
a) Rôle et missions du GICAM
Le GICAM assure une fonction économique à
travers la réalisation d'études, l'analyse des performances
économiques de ses adhérents et de l'économie camerounaise
en générale. De plus il assume également une fonction
juridique et fiscale, cet organisme participe grandement à
l'amélioration du cadre juridique et fiscale des entreprises
privées au Cameroun147.
Le GICAM joue également le rôle de porte-parole
des entreprises. A cet effet, il est membre du conseil d'administration de
nombreux établissements publics : l'ARMP, la CNPS, le CARPA, l'API entre
autres.
b) Fonction contentieuse
Le GICAM dispose en son sein d'un centre
d'arbitrage148. Celui-ci est matériellement compétent
pour connaître de tous les litiges qui portent sur une opération
commerciale. Et sur le plan territorial, ce centre est compétent pour
connaître des litiges commis sur le territoire
camerounais149.
2) Le Cameroon Business Forum (CBF)
Le CBF n'est pas une institution classique de promotion de
l'investissement. En effet il s'agit d'une plateforme de dialogue
public-privé créée pour améliorer le climat des
affaires au Cameroun. Cette volonté part du constat selon lequel
l'environnement des affaires est peu attractif au Cameroun. Ceci est dû
à des facteurs tels que : la corruption qui accroît les
coûts d'exploitation des entreprises ; l'absence ou le mauvais
fonctionnement des infrastructures (allongements des délais et
augmentation des coûts de production et de transport) ; les
146 On en dénombre mille à ce jour
147 A cet effet, le GICAM a, à travers son cercle de
réflexion publié l'ouvrage intitulé : « Les 100
propositions pour l'émergence »
148 Centre créé en 1999
149www.legicam.cm,
consulté le 29 octobre à 11 : 00
Page 52
difficultés d'accès aux financements ; la
complexité de l'administration fiscale ; l'insécurité
juridique150.
Dans ce contexte que le Cameroun, avec le concourt de la
Société Financière Internationale met en place un
instrument de renforcement de dialogue entre les acteurs des secteurs public et
privé. Créé par le gouvernement en 2006, il est rendu
opérationnel en 2009. Son rôle principal est d'appuyer le
gouvernement dans ses efforts en faveur de la croissance économique. Ce
faisant, il participe à l'amélioration du cadre
règlementaire à travers une mise en oeuvre efficace des
réformes151. Il oeuvre également à favoriser le
développement des investissements locaux comme étrangers au
Cameroun.
a) Les missions du CBF
Ses missions sont articulées autour du renforcement du
dialogue entre pouvoirs publics et le milieu des affaires, de
l'amélioration du climat des affaires et de l'appui au
développement du secteur privé, grâce à
l'opérationnalisation des propositions de réformes qui
participent à l'assainissement de la vie des affaires.
b) Réalisations du CBF
Depuis la création du CBF, cent quarante (140)
réformes sur deux cent (200) ont été
exécutées ce depuis 2010 soit un taux d'exécution de 70%,
Parmi lesquelles la télé-déclaration des impôts, la
création d'un centre de formalité de création
d'entreprises entre autres. Outre ceux-là, d'autres recommandations ont
été faites par le CBF notamment la création de tribunaux
de commerce ainsi que d'autres du même type. Certaines de ces
réformes n'ont toujours pas été implémentées
à ce jour. A ce propos, le secrétaire permanent152 du
CBF indique qu' « un manque de financement est à l'origine de leur
inexécution »153.
150Confère l'enquête
réalisée sur le Cameroun par la banque mondiale intitulée
: « Investment Climate Assessment », rapport publié en 2006. A
cette époque le Cameroun vient d'atteindre son point
d'achèvement. Toutefois il ressort que la réalisation par ce pays
d'une croissance durable et inclusive passe par un apport conséquent en
investissements privés et qu'il faudrait pour cela améliorer le
climat d'investissements du pays. Cité par C. PENDA EKOKA dans
l'avant-propos de l'ouvrage de J. DIFFO TCHUINKAM intitulé : «
Doing Business in Africa, Analyse des performances du Cameroun sur les Dix
dernières années (2008-2017), Afrédit, 2018, p. 23
151www.cbf-cameroun.cm,
consulté le 29 octobre 2018 à 11 : 42
152 En la personne de Moïse EKEDI, Secrétaire
permanent du Cameroon Business Forum.
153 Propos recueillit à l'occasion de la
deuxième édition du Cameroon Investment Forum qui s'est tenue du
09 au 10 novembre 2017 à Douala.
Page 53
A) Les autres institutions qui interviennent durant
l'exploitation des investissements
De plus petites dimensions, ces institutions étatiques
assurent néanmoins un rôle important dans l'amélioration de
la pratique des affaires pour les investisseurs implantés sur le
territoire camerounais. Il s'agit du Guichet unique de commerce
extérieur (1) et du comité paritaire de contrôle de
l'effectivité des investissements (2).
1) Le Guichet unique du commerce extérieur
(GUCE)
Créé en 2000, le Guichet unique est un
groupement d'intérêt économique154
rattaché à l'API. Il a pour rôle de faciliter et de
réduire les formalités pour les opérations de commerce
extérieur. Pour se faire, il réunit en son sein tous les
intervenants publics et privés des formalités du commerce
extérieur au Cameroun. Depuis 2008 le guichet unique a
dématérialisé155 ses procédures, il a
mis en ligne tous les documents et formulaires à remplir par les
usagers. Cela permet de réduire les coûts et délais de
passage des marchandises au port de Douala, par ailleurs facilite la
tâche aux investisseurs qui désirent effectuer des
opérations de commerce extérieur.
2) Le comité de contrôle de
l'effectivité des investissements
Le comité de paritaire de suivi de la stabilité
de l'investissement privé veille et garantit la stabilité de
l'incitation octroyée aux investisseurs par la loi de 2013 sur
l'investissement privé. Institué par la loi du 18 avril 2013
fixant les incitations à l'investissement, ce comité est une
instance de contrôle et d'instruction des recours. Ses missions sont
prévues à l'article 2 du décret n°2013/298 du 09
septembre 2013 portant organisation et fonctionnement du comité de
contrôle de l'effectivité des investissements. On retrouve ainsi
:
? Le contrôle de la conformité des
équipements avec le programme d'investissement annoncé ;
? La vérification des pièces justificatives
nécessaires aux importations et aux achats locaux effectués dans
les conditions prescrites dans l'acte d'agrément ;
? Le contrôle des déclarations de revenus de
l'entreprise en vue de l'obtention des incitations fiscales retenues dans
l'acte d'agrément ;
? Le contrôle des emplois créés ;
154 Ce terme est définit à l'article 869 de l'acte
uniforme sur le droit des sociétés commerciales et du groupement
d'intérêt économique qui dispose : « Le groupement
d'intérêt économique est celui qui a pour but de mettre en
oeuvre pour une durée déterminée, tous les moyens propres
à faciliter ou à développer l'activité
économique de ses membres, à améliorer ou à
accroître les résultats de cette activité »
155www.guichetunique.org/web/eguceportal/présentation
consulté le 10 août 2018 à 12h30
Page 54
? L'examen des recours intentés par les investisseurs
bénéficiaires de la loi n°2013/004 du 18 avril 2013.
Le législateur camerounais à travers la
création de ce comité oeuvre à assurer un certain suivi
aux investisseurs bénéficiaires des incitations prévues
dans la lettre de la loi précitée. Dans ces prérogatives
le comité assume une double fonction. L'investissement direct
étranger devant promouvoir le développement et
l'amélioration des conditions de vie des populations, il est essentiel
qu'après avoir bénéficié des incitations
prévus dans la loi, ces derniers remplissent leurs obligations c'est
à dire la création d'emplois, le paiement de la redevance
annuelle entre autre. Ce comité dessert également les
intérêts de l'investisseur. En effet, il est compétent pour
connaître des recours intentés par les investisseurs
bénéficiaires des incitations de la loi n°2013/004. Enfin,
le comité est habilité à prononcer des sanctions
administratives, financières et fiscales à l'encontre de tout
investisseur qui ne respecterait pas ses obligations par lui souscrits.
Page 55
CONCLUSION DU CHAPITRE II
Tel que présenté ci-dessus, l'investisseur
étranger retrouve un certain nombre d'incitations dans le dispositif
juridique camerounais. Notamment avec la loi de 2013 ainsi que la charte des
investissements de 2002. Il bénéficie ainsi d'exonérations
fiscales et douanières de toutes sortes permises par les
autorités administratives compétentes qui lui permettent de
s'installer paisiblement au Cameroun et y exploiter ses activités. Les
mesures dont l'application peut être observées au Cameroun,
traduisent un degré intéressant d'effectivité du droit des
investissements directs étrangers.
Page 56
CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE
Conscient de l'importance que revêt un cadre juridique
incitatif pour l'investisseur étranger, le législateur
camerounais n'a ménagé aucun effort en vue de fournir des
garanties de sécurité juridiques et judiciaires à
l'investisseur direct étranger. Le président Chirac à
l'occasion de la XXIIème Conférence des Chefs d'Etat
d'Afrique et de la France rappelait que :« l'aide public au
développement, si importante soit-elle, ne saurait suffire, à
elle seule, à résoudre les problèmes du
développement de l'Afrique. Ce sont les investisseurs privées qui
créent la richesse, les emplois durables et la croissance. Pour attirer
en Afrique énergies, talents et capitaux au profit du
développement, il faut un environnement juridique et économique
sûr et stable »156.
Au vue de toutes les initiatives au plan national et
communautaire faites par les autorités administratives, nous constatons
néanmoins qu'il n'y a pas un grand retour, c'est dire grand nombre
d'investisseurs qui se ruent au Cameroun. Nous pensons que cela est lié
aux facteurs limitant l'effectivité du droit des IDE au Cameroun.
156 Cité par ONANA ETOUNDI (F), « La
sécurisation judiciaire de l'investissement en Afrique : A propos du
rôle joué par la Cour Commune de Justice et d'Arbitrage de l'OHADA
», Actualité juridiques n°53/2007, Ohadata D-08-20
DEUXIEME PARTIE : LES PESANTEURS A L'EFFECTIVITE DU DROIT
DES INVESTISSEMENTS DIRECTS ETRANGERS AU
CAMEROUN
Page 57
Page 58
D'après l'auteur GUYON, « Le droit n'est pas
une condition suffisante du développement, il en est une condition
nécessaire »157. Le droit est une condition
essentielle au développement encore faudrait-t-il que les Etats
appliquent de manière juste et équitable les dispositions qu'ils
ont eux-mêmes adoptées. D'autres facteurs tels la conjoncture
économique, l'absence d'infrastructures de qualité, le niveau
élevé de la corruption, le manque d'indépendance du
système judiciaire, la pression fiscale élevée, la dette
publique sont déterminants et pris en compte par l'investisseur direct
étranger lorsqu'il souhaite s'établir dans un pays. Sur le plan
règlementaire, malgré de nombreuses réformes
adoptées par le Cameroun depuis 2009 sous l'impulsion du Cameroon
Business Forum158, le pays peine à décoller au
classement « doing Business » par conséquent
l'émergence projetée à l'horizon 2035159 semble
désormais relever de l'utopie. Le PIB par habitant du Cameroun est de
1262,6 $, celui du Ghana est de 1607.7 $. Ceux de l'ile Maurice et du Rwanda
sont de 9671,9 $ US et 1677,7 $ US. Les pays ci-dessus cités occupent
les premières places des pays africains dans le classement « doing
Business ». Le Cameroun n'arrivant qu'à la 163ème
position dans le monde, et la 40èmeen Afrique.
D'après la CNUDCI160, le continent africain
n'a pas bénéficié de l'augmentation des flux
d'investissements vers les pays en développement malgré les
efforts entrepris pour attirer les investisseurs161. Cela
démontre que les investisseurs sont attachés à d'autres
considérations que les mesures juridiques et fiscales incitatives.
D'après un auteur, L'incitation fiscale ne vient qu'au sixième
rang parmi les déterminants des investissements. La taille du
marché, les infrastructures, la qualification et la productivité
de la main d'oeuvre, et enfin la main d'oeuvre passent avant162. En
effet des pays comme les Etats-Unis, la Chine et le Brésil n'accordent
pas de sacrifices fiscaux mais attirent tout de même des flux d'IDE plus
important sur leurs territoires.
Dans cette partie, nous examinerons tous ces facteurs qui
influent ou limitent le degré d'effectivité du droit des IDE au
Cameroun. Il convient tout d'abord de relever les pesanteurs
157 GUYON (Y), Petites Affiches consacrés à
l'OHADA, Paris, 2004 158Elles sont au nombre de 140
selon le Cameroon Business Forum
159 Tel que prévu dans le Document stratégique pour
la croissance et l'emploi
160 Commission des Nations Unies pour le Droit commercial
International
161 Notre traduction de: « The African continent did
not benefit from the increased investment flows to developing countries as a
whole, in spite of the fact that the countries of the region undertook many
efforts to attract investment, . (...) » (Cf. UNCTD, 1995:iii)
162 BEN HAMIDA (W), Droit fiscal et droit international
des investissements, in ROBERT-CUENDET (S) (dir.), Droit internationaux
des investissements - perspectives croisées, Op cit. p. 124
Page 59
juridiques qui limitent l'effectivité des IDE au
Cameroun (CHAPITRE I), ensuite les pesanteurs non-juridiques (CHAPITRE II).
Page 60
CHAPITRE I : LES PESANTEURS D'ORDRE JURIDIQUE
Les pays en voie de développement sont parmi les plus
réformateurs au monde. Cela en raison du caractère attractif que
revêt la législation facilitant la vie des affaires. Il devient
dès lors paradoxal que malgré cela, le pays n'atteigne pas le
niveau de développement qui était envisagé au moment de la
rédaction de ces lois. Car selon un auteur, « le droit doit
faciliter l'activité économique au lieu de la contrarié
». C'est dire que des règles mal rédigé ou ne
traduisant pas la réalité sociale dans un pays peuvent être
de nature à compliqué l'exercice de l'activité
économique dans l'espace OHADA en général et au Cameroun
en particulier
Il sera question pour nous d'examiner les limites de la
législation des investissements à promouvoir le
développement économique et atteindre les objectifs de
développement prévus dans le document «vision2035».
Nous évoquerons succinctement les limites textuelles (SECTION I) et les
limites pratiques (SECTION II).
Section I : Les pesanteurs liées
à la sécurité juridique prévue dans les actes
uniformes OHADA
Le traité OHADA dans son préambule énonce
la sécurité juridique des activités économiques
comme l'un des objectifs poursuivis par l'organisation. La
sécurité juridique est indissociable de la sécurité
judiciaire et le législateur OHADA l'a compris. C'est pourquoi en plus
des normes devant encadrer la vie des affaires, il a également
prévu un organe juridictionnel pour garantir l'application de ces actes
uniformes. La sécurité juridique se caractérise par la
prévisibilité des normes et leur accessibilité. Bien que
l'OHADA ait largement amélioré la pratique des affaires dans les
Etats membres, il n'en demeure pas moins qu'elle recèle des
insuffisances. Tant dans le dispositif de ces actes uniformes (paragraphe 1)
que dans l'application des décisions de justices rendues par la CCJA
(paragraphe 2).
Paragraphe 1: les lacunes techniques des actes
uniformes OHADA
L'OHADA conçue pour attirer les investissements et
promouvoir le développement économique peine à atteindre
ces objectifs. Le Cameroun qui pourtant est l'un des premiers pays à
avoir ratifié le traité OHADA peine à décoller.
Ceci même dans les matières régies par les actes uniformes.
Le critère de base pour établir la comparaison est le rapport
« doing
Page 61
Business ». Ainsi nous allons mettre en avant les lacunes
techniques des actes uniformes (A), puis nous allons proposer des solutions
pour améliorer le classement du Cameroun.
A) L'exposé des lacunes techniques contenues
dans les actes uniformes OHADA
Seront pris en compte ici les indicateurs du rapport «
doing Business » de la banque mondiale. Notamment, les textes qui ont
trait à l'implantation de l'investisseur dans le pays hôte (1),
ensuite les textes qui concernent l'exploitation de son activité (2)
enfin les textes qui ont trait à la fin de l'entreprise (3).
1) L'implantation de l'entreprise
Pour l'indicateur création d'entreprises, le Cameroun a
considérablement évolué de la période 2008 à
2017. Deux actes uniformes sont concernés par cet indicateur. Il s'agit
de l'AUDCG163 et l'AUDSCGIE164. Ces deux actes ont
été reformés respectivement en 2010 et en 2014. Mais
l'OHADA peine à réaliser la finalité pratique que
constitue la migration des acteurs du secteur informel vers une économie
formelle165. Les délais de procédure pour la
création d'une entreprise en droit Camerounais sont toujours longs et
coûteux. Il faut compter en moyenne 16 jours pour qu'un homme puisse
créer une entreprise contre 17 pour une femme.
De plus il est essentiel de rappeler que le tissu
économique camerounais est à 90% d'acteurs du l secteur
informel166. Le législateur OHADA gagnerait à adopter
des mesures qui tendent à inclure davantage les acteurs de ce secteur.
Notamment faciliter la migration de ces acteurs vers une économie
formelle. Pour qu'un pays se développe, les réformes devraient
faciliter l'activité de toutes les entreprises, qu'elles soient petites
ou grandes, locales ou
163 Acte Uniforme portant Droit Commercial
Général
164 Acte Uniforme portant Droit des Sociétés et
Groupement d'intérêts Communs
165 S. KWEMO, « L'OHADA et le secteur informel :
l'exemple du Cameroun », Bruxelles, Larcier, 2012, p. 432
166 Il n'y a pas de définition universelle
acceptée de cette notion. Cependant, le BIT retient sept (07)
critères pour la désigner. Il s'agit de :
- La facilité d'accès ;
- Les marchés concurrentiels non règlementés
;
- L'utilisation des ressources locales ;
- La propriété familiale des entreprises ;
- La petite échelle des activités ;
- Les technologies adaptées, à faible
intensité de travail (main d'oeuvre)
- Les formations acquises en dehors du système
scolaire. - Bureau International du travail, Conférence de 1971
Page 62
étrangères, rurales ou urbaines167.
Ainsi, le législateur OHADA gagnerait à prévoir des
solutions qui faciliteraient la migration de ces entreprises vers une
économie formelle.
2) L'exploitation de l'entreprise
Il convient d'étudier les conditions de l'obtention de
prêts (a), de l'exécution des contrats (b) et la protection des
investisseurs minoritaires (c).
a) L'obtention de prêts
En Afrique Centrale, et au Cameroun en particulier, les
difficultés d'accès à la propriété
foncière posent deux principaux problèmes. D'une part, il est
difficile de trouver un terrain une implantation ou encore une extension de ses
activités, d'autre part, cela rend difficile la fourniture de garanties
aux banques pour l'obtention de prêt. Or la garantie la plus
usitée dans les banques est l'hypothèque. Ce qui rend donc
difficile l'accès aux crédits pour les entreprises qui n'ont pas
de propriété foncière.
b) L'exécution des contrats
Les facteurs pris en compte pour cet indice sont le temps, le
coût de résolution d'un litige commercial par un tribunal
d'instance, ainsi que la qualité des procédures judiciaires.
L'indisponibilité de l'information relative aux biens
du débiteur qui sont censés servir d'assiette au droit à
l'exécution est une donnée à prendre en
considération. Il comprend de nombreux biens corporels qui, par
définition, ont un caractère occulte et peuvent plus facilement
être cachés, par conséquent être soustraits aux
poursuites du créancier168. L'on pourrait soumettre le tiers
à une obligation de déclaration assortie de sanctions au cas
où il ne s'y conformerait pas. Dans certains pays
Européens169, le débiteur déclare ses biens
sous forme de témoignage devant le juge de l'exécution. Une telle
disposition dans le droit OHADA serait de nature à faciliter le
recouvrement des créances. On soumettrait dans le cas d'espèce la
déclaration au juge du contentieux de l'exécution.
167A. DE SABA, « Un nouveau droit des
affaires pour attirer les investisseurs en Afrique. Est-ce suffisant ? »,
Finance et Bien Commun 2007/3, p. 96-104,
https://www.cairn.info/revue-finance-et-bien-commun-2007-3-page-96.htm
consulté le 09 novembre 2018 à 14h
168 S. PIEDELEVRE, « Accès à
l'information et accès à l'exécution, Les
obstacles à l'exécution forcée : permanence et
évolution », S/D Anne Leborgne et E. Putman, EJT, 2009, p.
105, cité par J. FOMETEU, Théorie générale des
voies d'exécution OHADA, P.G POUGOUE, (sous la dir),
Encyclopédie OHADA, Op cit. p. 2069
169 Allemagne, Danemark, Espagne, Suède
Page 63
Toutefois une partie de la doctrine émet des
réserves à ce sujet. En effet, le professeur Piedelièvre
suggère d'éviter l'établissement d'un fichier
général de l'actif du patrimoine du débiteur. Un fichier
général serait limité compte tenu des fluctuations
quotidiennes que subit le patrimoine.
L'obligation faite au créancier de constater la
défaillance du débiteur constitue une limite. Il est prévu
à l'article 28 alinéa 1er de l'AUVE dispose : «
à défaut d'exécution volontaire, tout créancier
peut (...) contraindre son débiteur défaillant à
exécuter ses obligations à son égard ». De ce
fait ce n'est que l'inaction du débiteur qui pourrait enclencher contre
lui une procédure de saisie. Cette logique de l'inexécution est
également retrouvée aux articles 179 et suivants de
l'AUVE170. D'après ces articles, la procédure de
conciliation est obligatoire avant de pouvoir procéder à une
quelconque saisie des rémunérations du débiteur.
Concernant la nature de la créance, l'exécution
forcée n'est parfaite que lorsque les poursuites sont exercées
pour le recouvrement d'une somme d'argent. En présence de
créances d'une toute autre nature, l'exercice de l'exécution
forcée pourra s'avérer difficile voire impossible.
L'article 49 crée également la confusion dans
l'esprit des justiciables. La loi ne précise pas si le juge du
contentieux de l'exécution est le juge des référés
ordinaires dont les décisions ne préjudicient pas au principal.
Ou s'il s'agit d'un juge autonome qui a le pouvoir de statuer au fond. Par
ailleurs le législateur camerounais en adoptant la loi de 2007 portant
juge du contentieux de l'exécution a contribué davantage à
semer le trouble dans l'esprit du justiciable171. Ainsi pour mettre
un terme à la controverse, il serait essentiel voir judicieux que le
législateur OHADA crée une juridiction de l'exécution
chargée du contentieux des saisies, de manière à ce que
chaque Etat fasse partie de l'institut dans son ordonnancement judiciaire. De
plus le fait que la décision rendue par le juge de l'exécution
soit susceptible d'appel conduit souvent le débiteur de mauvaise foi
à solliciter et obtenir des renvois excessifs.
c) La protection des investisseurs
minoritaires
Ce domaine est caractérisé par l'information, la
responsabilité des administrateurs, la facilité des poursuites
par les actionnaires, la règlementation des conflits
d'intérêts, les droits
170 Acte Uniforme portant Voies d'Exécution
171 Il s'agit de la loi n° 2007/001 du 19 avril 2007
instituant le juge du contentieux du contentieux de l'exécution
Page 64
des actionnaires, la détention et le contrôle, la
transparence des entreprises et la gouvernance des actionnaires. Tous ces
éléments constituent le prisme du domaine de la protection des
investisseurs minoritaires telle qu'évaluée par la banque
mondiale dans son rapport. La référence aux standards
internationaux est la boussole en ce qui concerne l'attractivité et la
compétitivité dans l'espace OHADA.
Le Cameroun dans ce registre a connu une forte progression
dans son classement de 2014172. La réforme de l'acte uniforme
intervenue cette même année a considérablement
amélioré le cadre juridique de la gouvernance des entreprises
dans l'espace OHADA. Le régime de responsabilité des dirigeants
sociaux aussi bien en période normale173 que lorsque
l'entreprise connait des difficultés174 est bien
défini dans l'AUDSCGIE. Bien que cette réforme ait
amélioré la situation des investisseurs minoritaires et par
là même le classement du Cameroun, il n'en demeure pas moins que
le Cameroun est moins attractif que d'autres pays pourtant à peu
près au même stade de développement.
3) La fin de l'entreprise
Le législateur OHADA a réformé
l'AUPCAP175 en 2015. Désormais, il est possible pour les
très petites entreprises de bénéficier des
procédures de restructuration d'entreprises contenues dans l'acte
uniforme. De plus l'autre évolution notoire concerne l'instauration de
deux procédures de négociation dans l'AUM176 et
l'article 5.1 de l'AUPCAP. Cette réforme a permis de promouvoir les
règlements extrajudiciaires et la conciliation par ailleurs. Les
procédures de médiation et de conciliation ont été
instaurées dans le champ des solutions à l'insolvabilité
des entreprises. Elles ont pour but de trouver une solution amiable avec les
principaux créanciers et cocontractants dans l'optique de mettre fin aux
difficultés du débiteur. Malgré ces avancées
non-négligeables dans le domaine des procédures collectives, le
Cameroun demeure mal classé. En effet le Cameroun occupe la
125ème position dans ce domaine177. Les
délais en moyenne pour régler l'insolvabilité au Cameroun
sont de 2.8 années et le coût de la procédure est de 33.5%
du patrimoine. Cependant, dans les faits, les procédures sont souvent
plus longues178. Or il est essentiel pour un investisseur de
savoir
172 Le Cameroun occupe désormais le
138ème rang dans le Classement Doing Business.
173 Art 161-172 de l'AUDSCGIE en ce qui concerne la
responsabilité civile. Les articles 886-905 du même acte en ce qui
concerne la responsabilité pénale des dirigeants sociaux.
174 Art. 194 et suivants ; articles 226 et suivants concernant la
banqueroute de l'AUDPCAP.
175 Acte Uniforme sur les Procédures Collectives et
Apurement du Passif
176 Acte Uniforme sur le droit de la Médiation
177 Rapport DB 2018
178 DIFFO (J), Op cit, p. 83
Page 65
combien de temps et surtout le coût des
procédures lorsque son entreprise est en cessation des paiements. Ceci
dans le but soit d'initié à temps les procédures de
sauvetage, soit de liquider ses actifs et ainsi sauvegarder une partie de ses
capitaux.
B) Proposition de solutions aux lacunes techniques du
droit OHADA
Comme solutions pour augmenter l'attractivité
économique du Cameroun et son classement « doing Business »,
il serait judicieux que le législateur adopte un certain nombre de
réformes. Il s'agit tour à tour de réduire le montant
minimum exigé pour le capital d'une SARL (1). Une réforme des
textes s'accompagne nécessairement d'un renforcement dans la formation
des acteurs du système judiciaire (2).
1) Amélioration des indicateurs du « doing
Business »
Le législateur pourrait réduire le montant du
capital minimum des SARL à vingt-cinq mille franc (FCFA 25.000) comme
c'est le cas en Côte d'Ivoire. Il pourrait également renforcer les
compétences du CFCE en termes de présence effective et efficace
dans les points focaux des administrations. Ceci de manière à
faire d'eux de vrais guichets uniques de créations d'entreprises
capables de délivrer toutes les prestations liées à
l'implantation d'un investisseur179.
S'agissant de l'amélioration de l'indice
d'exécution des contrats, le législateur devrait adopter des
mesures qui tendent à réduire les coûts et les
délais de procédure. Se faisant, il contribuerait grandement
à augmenter le taux de recouvrement des créances.
Pour la protection des investisseurs minoritaires, le
législateur camerounais pourrait adopter quelques-unes des
réformes adoptées par le Rwanda, notamment :
? L'adoption d'une loi sur les sociétés exigeant
une plus grande transparence de la part des entreprises, augmentant la
responsabilité des administrateurs et améliorant l'accès
à l'information ;
? L'adoption d'une loi permettant aux plaignants de poursuivre
les prévenus et les témoins avec l'approbation préalable
des questions du tribunal ;
? L'introduction des dispositions permettant aux
détenteurs de 10% du capital social, lors d'une assemblée
extraordinaire de demander aux détenteurs de classes spéciales de
voter sur les décisions affectant leurs actions, obligeant les membres
du conseil à
179 Ibid p. 122
Page 66
divulguer des informations sur leurs fonctions
d'administrateurs et leur emploi principal, exigeant que les rapports d'audit
des sociétés cotées soient publiés dans un journal
;
? La facilitation de la poursuite des administrateurs ;
? La clarification des structures de propriété et
de contrôle ;
? L'exigence d'une plus grande transparence des
entreprises180.
Avec l'adoption de ses réformes, le pays
améliorera considérablement son classement dans cet
indicateur.
2) Spécialisation des magistrats et
vulgarisation du droit OHADA
En plus de la création des tribunaux de commerce, il
serait essentiel de former non seulement les magistrats, mais également
tous les acteurs du système judiciaire du Camerounais au droit OHADA.
Particulièrement toutes les matières qui se rapprochent du droit
des investissements. Cela aurait pour conséquence de rendre de
meilleures décisions de justice plus respectueuses des droits des
justiciables, dans un délai bref.
Paragraphe 2: L'insécurité judiciaire
dans l'espace OHADA
A côté de la sécurité juridique, la
sécurité judiciaire était l'un des objectifs
affichés par les fondateurs de l'OHADA. Il est essentiel d'avoir des
juridictions capables d'implémenter les dispositions des actes
uniformes. Cette nécessité qui a conduit à la
création de la CCJA. Nous ne reviendrons pas sur ses fonctions et ses
prérogatives. L'article 20 du traité OHADA dispose : «
reçoivent sur le territoire de chacun des Etats parties, une
exécution forcée, dans les mêmes conditions que les
décisions des juridictions nationales ». Ce texte ne concerne
cependant que les arrêts rendus par la CCJA. Au niveau des juridictions
internes des Etats-parties, on retrouve une absence ou une faible
coopération horizontale. Il est difficile pour un justiciable de faire
exécuter la décision de justice qu'il aurait obtenu dans un autre
Etat qui est par ailleurs membre de l'espace OHADA.
La libre circulation des décisions est la
possibilité pour chaque titre de circuler ou de produire des effets dans
les Etats requis sans procédures intermédiaires, ou en l'absence
de reconnaissance ou d'exécution181. Hormis à
l'article 20 du traité OHADA précité, le
législateur OHADA n'a pas organisé la circulation des
décisions de justice rendues par les
180 Ibid p.92
181 C.V. NGONO, Réflexion sur l'espace judiciaire
OHADA, Revue de l'ERSUMA : Droit des affaires - Pratique Professionnelle,
n°6 - Janvier 2016,
www.ohada.org, consulté
le 05 novembre 2018 à 14 : 30
Page 67
juridictions nationales des Etats parties à l'OHADA. De
fait l'on peut affirmer que l'espace judiciaire OHADA est perceptible mais loin
d'être réalisé. Le premier frein à la circulation
des décisions de justice est l'absence de coopération entre les
systèmes judiciaires des Etats parties (A). A cela il faut ajouter
l'absence de circulation des titres exécutoires (B).
A) L'absence de la libre circulation des
décisions de justices au sein des Etats-membres
Aucune disposition n'est consacrée en ce qui concerne
la circulation des décisions rendues par les juridictions de fonds des
pays membres de l'OHADA. Elles sont donc soumises au droit commun de l'Etat de
la circulation des décisions de justice182. Or il serait
nécessaire d'harmoniser les procédures judiciaires au sein des
Etats-membres de l'OHADA. Toutefois, cela soulève de nombreuses
difficultés techniques. Etant entendu que les questions processuelles
relèvent de la souveraineté des Etats, il est dès lors
difficile d'amener un Etat à renoncer à son pouvoir aussi
facilement. Après avoir abordé cette première
difficulté, un autre problème se pose qui est celui de savoir ce
qu'il faut harmoniser ? Est-ce l'organisation judiciaire interne des Etats
parties ? Ou les règles de compétence des juridictions et les
procédures civiles et commerciales des Etats-parties ? Cela conduirait
à examiner et à harmoniser l'ensemble des codes de
procédures civiles et commerciales des Etats-parties. Ce qui
s'avère être un travail fastidieux et difficilement
réalisable.
En dépit des difficultés matérielles qui
concourent à la difficile harmonisation d'une carte judiciaire du droit
OHADA, celle-ci est tout de même nécessaire. La disparité
des formes et procédures judiciaires dans l'espace judiciaire OHADA est
l'une des faiblesses de ce droit uniforme. Et cela constitue une
insécurité judiciaire pour le justiciable qui a obtenu une
décision favorable dans un Etat mais voudrait l'exécuter dans un
autre. En l'état actuel, chaque Etat partie a sa propre procédure
en matière d'exéquatur et de reconnaissance des décisions
de justice. L'une des conditions pour qu'une décision de justice soit
exéquaturée est la non-contrariété à l'ordre
public interne de l'Etat où l'exécution est poursuivie. Pour
qu'un jugement soit contraire à l'ordre public d'un Etat, il faudrait
que la loi appliquée au fond par la juridiction soit contraire à
l'ordre public de l'Etat requis. Rationnellement, cette situation est
impensable en ce qui concerne le contentieux des affaires dans l'espace OHADA.
Les actes uniformes régissent l'essentiel du droit des affaires des
Etats membres. De ce fait la
182 FOMETEU (J), L'OHADA : l'idéologie et le
système, p. 315, POUGOUE (P.G) (Mélanges en l'honneur de), De
l'esprit du Droit Africain, Wolters Kluwer, 2014
Page 68
législation appliquée au fond est la même
quel que soit le pays dans lequel on se trouve183. Un auteur affirme
à cet effet que : « la domestication de la formule
exécutoire est injustifiée dans un espace où le pouvoir de
juger est communautarisé et les voies d'exécution
uniformisées »184. Cette pratique est
préjudiciable au bénéficiaire d'une décision de
justice qui aurait vocation à être exécuté dans
plusieurs pays. Il serait dès lors soumis au préalable de
l'apposition de la formule exécutoire dans tous ces pays. Une
procédure de plus qui est de nature à décourager le
justiciable en raison des coûts et de la durée de la
procédure. Le fait que l'OHADA ait laissé le soin aux
législateurs nationaux de règlementer les procédures de
reconnaissance et d'exécution crée une diversité de
régime de circulation. Les régimes n'étant pas identiques.
C'est ainsi qu'une ordonnance d'injonction de payer rendue au Cameroun et
soumise au juge gabonais pour exéquatur, ce dernier appliquera la
convention de Tananarive donc les conditions sont plus rigides que celles
appliquées au Cameroun185.
B) L'absence de coopération entre les
juridictions nationales des Etats-parties au traité
OHADA
La coopération dont il est question ici est la
coopération horizontale. C'est-à-dire celle entre les
juridictions de même degré. Elle est différente de la
coopération verticale qui concerne les relations entretenues par les
juridictions nationales et la CCJA. Il existe de nombreuses divergences dans
l'organisation judiciaire des Etats-parties. Certains Etats ont
créé des juridictions commerciales. C'est le cas du Tchad, de la
République Centrafricaine, du Mali, de la République
Démocratique du Congo et enfin de la République Islamique des
Comores. D'autres ont créé des chambres commerciales au sein de
leurs tribunaux de première instance. C'est le cas du
Sénégal et du Niger. En ce qui concerne le Cameroun, il n'existe
ni tribunal de commerce ni de chambre commerciale. L'investisseur
étranger se retrouverait ainsi devant une disparité
d'organisations judiciaires. Ce qui serait de nature à créer une
situation d'insécurité judiciaire auprès de ce dernier.
De plus il n'existe pas de convention judiciaire ou un
quelconque autre instrument pouvant favoriser la coopération judiciaire
entre les juges nationaux. La seule qui est appliquée est la convention
signée à Tananarive en 1961 entre les pays de
l'ex-OCAM186. Les
183 MEYER (P), « La sécurité juridique
et judiciaire dans l'espace OHADA », Penant n°855, p. 151,
Ohadata D06-50, 2006
184 J.M TCHAKOUA, « L'exécution des sentences
arbitrales dans l'espace OHADA : regard sur une construction inachevée
à partir du cadre camerounais », RASJ, vol VI, n°1, 2009,
p. 12
185 NGONO (C.V), Op cit.
186 Organisation pour la coopération Africaine et
Malgache
Page 69
juges nationaux n'échangent aucune information entre
eux, en outre aucune rencontre de travail entre les acteurs de la justice n'est
organisée187.
C) Propositions pour l'instauration d'une libre
circulation des décisions de justice
La réalisation de la libre circulation des
décisions de justice est envisageable. Il convient d'instaurer un climat
de coopération entre les juridictions nationales (1), et
également d'organiser les conditions d'une libre circulation des
décisions de justices et des titres exécutoires (2).
1) L'instauration d'une coopération des
juridictions nationales des Etats parties
Dans le cadre juridique européen, il existe de
nombreuses conventions de coopération judiciaire civile. Il en est ainsi
de la convention de Bruxelles adoptée en 1968 fixant les règles
en matière de compétence, de reconnaissance et d'exécution
des jugements en matière civile et commerciale, la convention relative
aux procédures d'insolvabilité, à la compétence, la
reconnaissance, l'exécution des jugements en matière matrimoniale
et enfin la convention sur la notification des actes.
Il serait donc important d'instaurer des rencontres entre les
acteurs judiciaires des Etats membres et adopter un instrument qui faciliterait
la circulation des décisions de justice et autres actes
authentiques188.
De plus le législateur camerounais pourrait
créer des tribunaux de commerce spécialisés pour
connaître des questions du droit commercial et particulièrement du
droit OHADA. Plusieurs autres pays africains.
En l'Etat actuel, la justice camerounaise est l'une des moins
rapides en termes de procédures judiciaires. D'après le
classement « doing business » de 2017, il fallait attendre environ
huit cent jours et débourser 46,6% du montant de la créance en
frais de procédure pour pouvoir la recouvrer. L'indicateur « doing
business » classe le Cameroun 162 sur 190 pays en matière
d'exécution des contrats et enregistre un score de 41,76 sur 100.
Pourtant en
187 Il s'agit ici des juges, des greffiers, des avocats et des
huissiers
188 D'après M. CABRILLAC, l'ordre judiciaire est «
l'ensemble des juridictions, placées sous le contrôle de la
Cour de cassation et compétents pour connaître des litiges entre
personnes privées, ainsi que du contentieux répressif
».
Page 70
Côte d'Ivoire les délais sont de cinq cent
vingt-cinq jours et les coûts de procédure ne représentent
que 41,7% du montant de la créance189.
Cette réforme sera de nature à promouvoir la
célérité des procédures et par la même
occasion, la réduction des coûts. Hormis le raccourcissement des
délais de procédures, l'autre avantage notable est la
spécialisation du personnel judiciaire190. Des juges
spécialisés des questions de droit des affaires OHADA pourront
rendre de meilleures décisions de justices191.
Le législateur communautaire gagnerait également
à adopter un instrument communautaire pour favoriser la
coopération des tribunaux nationaux. Dans le cadre européen, de
nombreux instruments concourent à cette coopération parmi
lesquels la convention de Bruxelles de 1968 fixant les règles en
matière de compétence, de reconnaissance et d'exécution
des jugements en matière civile et commerciale192, la
convention relative aux procédures d'insolvabilité, de
compétence ,de reconnaissance et d'exécution des jugements en
matière civile et commerciale. Et enfin la coopération judiciaire
dans l'obtention des preuves civiles193. Lorsque le juge d'un Etat
de l'union européen est saisi d'un litige qui nécessite la
collecte d'un élément de preuve sur le territoire d'un autre Etat
membre, le juge saisi peut s'adresser directement au juge du lieu de situation
de l'élément recherché afin d'exercer son instruction.
A la différence des règles de fonds qui ont
été uniformisées, l'instrument de communautaire de
coopération judiciaire quant à lui pourrait consister en une
harmonisation de différentes règles de procédures. Son
régime pourrait porter sur l'accès au juge, la durée du
procès raisonnable, le régime d'administration judiciaire de la
preuve, les modes d'introduction d'instance et la preuve. Le document aurait la
forme d'une charte de procédure OHADA. Les législateurs nationaux
conserveraient donc la possibilité de transposer le contenue dans leurs
droits processuels internes. Les conseils des investisseurs auront une
meilleure visibilité en ce qui concerne le champ procédural.
Chose qui contribuerait à
189 J. DIFFO TCHUNKAM, « Doing Business in Africa
analyse des performances du Cameroun sur les dix dernières années
(2008-2017) », Op cit., p. 126
190 Magistrats et greffiers.
191 C.V NGONO, Op cit. A ce sujet, l'auteure souligne
que l'absence de spécialisation des juges en matière du
contentieux commercial peut être un handicap dans la bonne
interprétation et application des dispositions du droit OHADA ; M.
Renaud BEAUCHARD affirme à cet effet que de nombreux fonctionnaires,
comptables, officiers publics et magistrats demeure théorique dans leur
pratique des mesures de l'OHADA au quotidien.
192 Devenu depuis le traité d'Amsterdam, le
règlement UE n°1215/2012 du parlement européen et du conseil
du 12 décembre 2012
193 Règlement (CE) n°1206/2001 du conseil du 28
mai 2001 relatif à la coopération entre les juridictions des
Etats membres dans le domaine de l'obtention des preuves en matière
civile ou commerciale
Page 71
promouvoir sécurité judiciaire et par la
même occasion rassurer les potentiels investisseurs étrangers.
Il serait également nécessaire d'organiser la
circulation des titres exécutoires dans les Etats membres de l'OHADA.
2) L'instauration d'une libre circulation des titres
exécutoires
Le titre exécutoire est un : « titre revêtu
de la formule exécutoire. Titre qui permet de recourir au recouvrement
forcé de la dette, c'est-à-dire aux poursuites, si le
débiteur ne s'en acquitte pas spontanément »194.
Il est prévu à l'article 33 l'acte uniforme portant
procédures simplifiées de recouvrement et de voix
d'exécution une liste de titres exécutoires195. La
libre circulation ici sera donc la possibilité pour chaque titre
exécutoire de produire des effets dans les Etats requis sans
procédures intermédiaires196. Etant donné que
les Etats-membres de l'OHADA sont dans un espace juridique
commun197, les décisions rendues dans un Etat partie doivent
automatiquement produire des effets dans les autres Etats.
L'instauration de cette libre circulation peut se faire selon
le procédé de l'Union européenne. Premièrement, en
matière d'injonction de payer, de délivrer ou de restituer,
l'ordonnance rendue par le juge devrait être directement
exécutoire sur l'ensemble des Etats-parties à l'OHADA. Le
législateur OHADA devrait de ce fait supprimer l'exéquatur
préalable et admettre la possibilité d'exécution
immédiate une fois que le titre serait passé en force de chose
jugée. Il convient de rappeler que l'exéquatur n'a pas pour
vocation de réviser le jugement au fond mais plutôt d'examiner si
la décision a été rendue dans le respect des droits de la
défense, si elle est conforme à l'ordre public communautaire.
194 G. CORNU, Vocabulaire juridique, Op.cit., p. 1025
195 L'article 33 dispose : « Constitue des titres
exécutoire :
1) les décisions juridictionnelles revêtues de la
formule exécutoire et celles qui sont exécutoires sur minute;
2) les actes et décisions juridictionnelles
étrangers ainsi que les sentences arbitrales déclarés
exécutoires par une décision juridictionnelle, non susceptibles
de recours suspensif d'exécution, de l'État dans lequel ce titre
est invoqué;
3) les procès-verbaux de conciliation signés
par le juge et les parties;
4) les actes notariés revêtus de la formule
exécutoire;
5) les décisions auxquelles la loi nationale de chaque
État partie attache les effets d'une décision judiciaire
196 Procédure de reconnaissance ou d'exéquatur
197 A notion d'espace renvoie à : une « aire
géographique interétatique au sein de laquelle se
développe sous certains rapports une collaboration des autorités
inspirée par une politique commune ». Définition
tirée du vocabulaire juridique Cornu (G) Op cit., p. 414. Les pays
membres de l'OHADA ont abandonné leurs frontières juridiques en
matière de droit des affaires.
Page 72
Deuxièmement, Si la décision est issue de
débats contradictoires et que le droit OHADA a été
appliquée, la décision peut être revêtue
automatiquement de l'autorité de la chose jugée et par la suite
de la force exécutoire après être passée en force de
chose jugée.
Depuis l'arrêt Munzer198, l'exequatur n'a
plus pour vocation de vérifier que le juge d'origine a bien
apprécié les faits et bien appliqué le droit au litige.
Son office se limite à l'examen des conditions de la
régularité internationale qu'une décision de justice doit
épouser. Sachant qu'une décision rendue sur la base du droit
OHADA ne pourrait pas être contraire à l'ordre public d'un autre
Etats-membre en raison du fait que ce sont les mêmes dispositions qui y
sont appliquées. Ainsi, Le détenteur du titre exécutoire
pourra en lieu et place de la procédure d'exéquatur, produire
à l'huissier ou à l'agent chargé de l'exécution une
copie de l'originale de l'assignation à comparaître, la
notification de la décision, un certificat de non-appel et enfin un
document attestant que la décision est exécutoire dans son pays
d'origine. Tous ces documents devront être annexés au
procès-verbal de saisie. Nous avons la conviction que la suppression de
l'exéquatur sera de nature à augmenter la
célérité dans l'exécution des décisions de
justice rendues en application du droit OHADA et à exécuter dans
un des Etats-membres de l'espace OHADA.
Section II: Les pesanteurs liées à la
difficulté d'exécution des décisions de justice
L'un des souhaits des fondateurs de l'OHADA est de permettre
au justiciable détenteur d'un titre exécutoire199 de
bénéficier de ses droits. En effet ce dernier devrait lui
faciliter le recouvrement de sa créance. C'est dans ce dessein que le
législateur OHADA a prévu aux articles 28 alinéa
1er et l'article 29 alinéa 1er la
possibilité au créancier de pratiquer une mesure conservatoire
sur les biens meubles ou immeubles de son débiteur d'une part, d'autre
part de se faire assister par l'autorité étatique du pays dans
lequel l'exécution de son titre est poursuivi. Il convient de rappeler
que dans les développements suivants, nous ne nous
198 Arrêt Munzer c/ Dame Munzer, 1er Ch. Civ
Cass 7 janvier 1964. Pour accorder l'exéquatur, le juge français
doit s'assurer que cinq conditions sont remplies à savoir : la
compétence du tribunal étranger qui a prononcé la
décision, la régularité de la procédure suivie
devant la juridiction, l'application de la loi compétente d'après
les règles françaises de conflit, la conformité à
l'ordre public international et l'absence de toute fraude à la loi. - B.
ANCEL et Y. LEQUETTE, « Les grands arrêts de la jurisprudence
française de droit international privé », 5ème
édition, Paris, Dalloz, 2013, p. 357-373
199 La liste des titres exécutoire est contenue à
l'article 33 de l'AUVE : « Constituent des titres exécutoires:
1) les décisions juridictionnelles revêtues de la
formule exécutoire et celles qui sont exécutoires sur minute;
2) les actes et décisions juridictionnelles
étrangers ainsi que les sentences arbitrales déclarés
exécutoires par une décision juridictionnelle, non susceptibles
de recours suspensif d'exécution, de l'État dans lequel ce titre
est invoqué;
3) les procès-verbaux de conciliation signés
par le juge et les parties;
4) les actes notariés revêtus de la formule
exécutoire;
5) les décisions auxquelles la loi nationale de chaque
État partie attache les effets d'une décision judiciaire.
»
Page 73
attarderons que sur les décisions rendues par les juges
judiciaires en l'occurrence les arrêts et les jugements, et aussi les
sentences arbitrales. Il existe des tempéraments à
l'exécution paisible par le créancier détenteur d'une
décision de justice. Il en est ainsi de l'immunité
d'exécution des personnes morales de droit publique (PARAGRAPHE 1) ; et
des difficultés pratiques d'exécution des sentences arbitrales
(PARAGRAPHE 2).
Paragraphe 1: L'immunité d'exécution des
personnes morales de droit public
L'immunité d'exécution est le privilège
personnel reconnu à un débiteur, notamment l'Etat et ses
démembrements, qui le soustraient à toute mesure
d'exécution forcée. Cette dernière est l'exception
à la faculté de contrainte que le créancier a sur son
débiteur défaillant.
Prévue à l'alinéa 1er de
l'article 30 de l'AUVE qui dispose : « L'exécution
forcée et les mesures conservatoires ne sont pas applicables aux
personnes qui bénéficient d'une immunité
d'exécution ». L'immunité d'exécution est un
sérieux obstacle au recouvrement des créances dans l'espace OHADA
car elle permet à une catégorie de personnes d'échapper
aux mesures d'exécution forcée (A), toutefois ce principe est
assorti d'exceptions (B).
A) Le principe de l'immunité d'exécution
des personnes morales de droit public
L'immunité d'exécution est à distinguer
de l'immunité de juridiction. Tandis que la première intervient
en aval de la décision de justice, la seconde intervient en amont et
empêche la personne qui en bénéfice d'être
jugé. (A compléter). L'immunité d'exécution porte
sur la personne destinataire de la mesure d'exécution forcé. Le
législateur OHADA ne l'ayant pas expressément identifié,
il conviendrait de nous étendre sur les bénéficiaires de
cette mesure (1). Les biens peuvent également faire l'objet d'une
indisponibilité (2).
1) Bénéficiaires de l'immunité
d'exécution
Comme précisé plus haut, le législateur
OHADA ne s'est pas prononcé de façon explicite quant à
l'identification précise des bénéficiaires légaux
de l'immunité d'exécution. Toutefois, après une
interprétation des alinéas 2 et 3 de l'article 30
précité, on remarque l'emploi incident des termes «
personnes morales de droit public et entreprises publiques
»200. Les personnes morales de droit public ou
établissement public sont des personnes morales qui remplissent des
missions d'intérêt général. Elles ont un objet non
industriel et non
200 A. IBUNO, « L'immunité d'exécution
des personnes morales de droit public à l'épreuve de la pratique
en droit OHADA », Revue de l'ERSUMA n°03-septembre 2013,
p.80-95,
http://revue.ersuma.org,
consulté le 12 novembre 2018 à 13 :24
Page 74
commercial. Le législateur camerounais définit
cette notion en ces termes : « personne morale de droit public
dotée de la personnalité juridique et de l'autonomie
financière, chargée de la gestion d'un service public ou de la
réalisation d'une mission spéciale d'intérêt
général pour le compte de l'Etat ou d'une Collectivité
Territoriale Décentralisée »201. Ces
personnes publiques sont soumises à un régime dérogatoire
au droit commun. Du point de vue de leur organisation et de leur
fonctionnement. Les litiges dont elles font l'objet relèvent de la
compétence du juge administratif. Les besoins de continuité de
services publics, la comptabilité publique, la souveraineté,
l'indépendance de l'Etat par ailleurs sont autant de raisons qui
militent en faveur de cette mesure. Cependant, l'investisseur peut à
l'occasion de ses activités être amené à exercer une
prestation pour le compte d'une personne morale de droit publique. Bien que
muni d'un titre exécutoire, ce dernier ne pourra contraindre la personne
publique à s'exécuter faute d'exécution volontaire de
cette dernière. D'après nous, cet état de fait constitue
une solide entorse à la sécurité juridique et par voie de
conséquence à l'attractivité économique du
territoire camerounais.
Outre les établissements publics, les entreprises
publiques sont également soumises au bénéfice de cette
prérogative. En droit camerounais, une entreprise publique est une :
« unité économique dotée d'une autonomie
juridique et financière, exerçant une activité
industrielle et commerciale, dont le capital social est détenu
entièrement ou majoritairement par une personne morale de droit public
»202. La CCJA a dans le même ordre d'idée
reconnue le bénéfice d'exécution aux entreprises publiques
dans un arrêt du 7 juillet 2005203. Un rappel des faits de
l'arrêt Azablévi YOVO s'impose. Dans cette espèce, le
demandeur au pourvoi, muni d'une décision de la chambre sociale de la
cour d'appel de Lomé rendu le 10 juillet 2003, a pratiqué une
saisie-attribution des créances sur les comptes de la
société TOGO TELECOM pour un montant total de FCFA 118.970.213
(Cent dix-huit mille neuf cent soixante-dix mille deux cent treize Franc). La
société défenderesse a assigné les demandeurs par
devant le président du tribunal de première instance de
Lomé pour obtenir mainlevée de ladite saisie. La juridiction
présidentielle a donné une suite favorable à cette demande
par ordonnance n°425/03 du 13 août 2003. Le demandeur AZIABLEVI va
interjeter appel de cette décision par devant la cour d'appel de
Lomé. Celle-ci va dans un arrêt n° 186/03 du 26 septembre
2003 confirmer la décision rendue dans l'ordonnance
précitée. Sieur AZIABLEVI va par conséquent former un
pourvoi de ladite décision par devant la CCJA.
201 Article 4 de la loi n°2017/010 du 12 juillet 2017
portant statut général des établissements publics
202 Cf. Art 3 de la loi n°2017/011 du 12 juillet 2017
portant statut général des entreprises publiques
203 CCJA, arrêt n°043/2005, 07 juillet 2005,
Azablévi Yovo c/ Société Togo Télécom
Page 75
Le demandeur au pourvoi soutenait que le fait "que les
entreprises publiques soient citées dans l'alinéa 2 de l'article
30 de l'acte uniforme sur le V.E ne signifie pas pour autant qu'elles
bénéficient automatiquement de l'immunité
d'exécution. Que le Togo ayant voulu rendre ses entreprises publiques
compétitives les a soustraites au droit public pour les soumettre au
droit privé. Et qu'en admettant que la société TOGO
Télécom, entreprise publique bénéficie de
l'immunité d'exécution, l'arrêt attaqué a
violé l'article 30. Et au soutien de cet argument il
énonçait l'article 2 de la loi togolaise n°90126 du 04
décembre 1990 portant réforme du cadre institutionnel et
juridique des entreprises publiques qui dispose : "les règles du
droit privé, notamment celles du droit civil, du droit du travail et du
droit commercial, y compris les règles relatives aux contrats et
à la faillite sont applicables aux entreprises publiques dans la mesure
où il n'y est pas dérogé par la présente loi. Les
entreprises publiques sont soumises aux règles du plan comptable
national. La règlementation générale sur la
comptabilité publique ne leur est pas applicable". Le juge a
affirmé que « (...) en considérant que la
décision déférée porte sur une matière
relevant des domaines indiqués dans ledit Acte [acte uniforme sur les
voies d'exécution] qui ne peut recevoir application (...) la
société Togo Télécom, en sa qualité
d'entreprise publique bénéficie de l'immunité
d'exécution conformément à l'article 30 alinéa
1er et 2, dudit Acte uniforme, la cour d'appel de Lomé a fait
une saine application de la loi et confirmé à bon droit
l'ordonnance querellée »204. Dans cet arrêt,
le juge de la CCJA marque son attachement à la lettre de l'article 30 de
l'acte uniforme OHADA. Toutefois il convient de rappeler que la CCJA n'a pas
qu'une mission de garant de l'application des actes uniformes. Elle a
également une mission d'interprétation au titre de l'article 14
alinéa 1er du traité du 17 octobre 1993205.
D'après un auteur, la première fonction de la cour est plus
déterminante car elle peut conditionner la seconde. Une
interprétation stricte des textes est dangereuse car contraire à
l'esprit général du droit OHADA206. Le juge
s'éloigne de ce fait de l'objectif premier de l'OHADA qui est
l'instauration d'un régime de sécurité juridique et
judiciaire pour promouvoir le développement et attirer les
investissements. En mettant une société publique de droit
privé à l'abri de l'exécution forcée, la CCJA ne
concourt pas à l'atteinte de cet objectif.
204 CCJA, arrêt n°043/2005, 07 juillet 2005,
Azablévi Yovo c/ Société Togo Télécom
205 Qui dispose : « La Cour commune de justice et
d'arbitrage assure dans les Etats parties l'interprétation et
l'application commune du présent traité, des actes pris pour son
application et des actes uniformes »
206 P.E KENFACK, observations sur l'arrêt
n°043/2005, 07 juillet 2005, Azablévi Yovo c/ Société
Togo Télécom, in P.G POUGOUE et S. KUATE (sous la dir de), «
Les grands arrêts de la Cour Commune de Justice et d'arbitrage de
l'OHADA », l'Harmattan, 2010, p. 611-619
Page 76
La doctrine est pour le renvoi au droit interne pour la
détermination des bénéficiaires de l'immunité
d'exécution.
2) L'insaisissabilité des biens
L'inaliénabilité des biens du domaine public est
un obstacle à l'arbitrage. On remarque donc que, muni d'une sentence
mettant en cause un débiteur, le créancier pourrait être
tout de même limité. Les protections qui profitent à tous
les débiteurs, personnes morales et surtout physiques, concernent une
catégorie de biens qui ne peuvent pas faire l'objet de saisie en vue du
recouvrement forcé. La réforme des procédures
d'exécution ayant abandonné cette question aux droits nationaux
des Etats parties, ce pan du droit demeure régi par le Code de
procédure civile et commerciale adopté dans la plupart des Etats,
par voie législative ou réglementaire207.
B) Les dérogations à l'immunité
d'exécution
Nous avons relevé deux principales dérogations
au principe de l'immunité d'exécution des personnes morales de
droit public. La première dérogation est d'origine communautaire
(1). La seconde relève du droit international (2).
1) La compensation : Une technique empruntée au
droit civil
L'alinéa 3 de l'article 30 de l'AUVE dispose : «
Toutefois, les dettes certaines, liquides et exigibles des personnes
morales de droit public ou des entreprises publiques, quelles qu'en soient la
forme et la mission, donnent lieu à compensation avec les dettes
également certaines, liquides et exigibles dont quiconque sera tenu
envers elles, sous réserve de réciprocité. » La
compensation est un mode d'extinction des obligations. Elle tire sa source du
droit civil208. Elle est « l'extinction simultanée
de deux obligations de même nature existant entre deux personnes
réciproquement créancières et débitrices l'une de
l'autre »209. Elle permet d'éteindre deux
obligations réciproques. Pour se faire, l'obligation doit remplir quatre
conditions : la réciprocité, la fongibilité, la
liquidité et l'exigibilité. Pour l'a constaté, la partie
qui s'en prévaut doit l'invoquer devant le juge. La compensation est une
mode d'extinction des obligations consacré en matière civile.
Toutefois dans l'hypothèse où l'une
207 R. DAVAKAN, L'exécution des décisions de la
CCJA dans les droits internes,
https://www.international-arbitration-attorney.com/wp-content/uploads/arbitrationlawexecution-decisions-ccja-dans-droits-14626.pdf,
consulté le 14 novembre 2018 à 10 :14
208 Elle est prévue à l'article 1289 du code civil
camerounais.
209 F. TERRE, P. SIMLER et Y. LEQUETTE, Droit civil - Les
obligations, 10ème édition, Précis Dalloz,
2009, pp. 1371-1389
Page 77
des parties en l'occurrence le débiteur est une
personne morale de droit public, cette solution ne pourra pas prospérer.
L'Etat et ses démembrements sont exclusivement soumis au droit
administratif et à sa procédure, raison pour laquelle,
l'investisseur direct étranger créancier de l'Etat ne pourra pas
voir sa créance éteinte via ce mode.
C'est pourquoi, la renonciation à son immunité
par l'Etat nous semble efficace comme solution.
2) La renonciation à l'immunité
d'exécution : solution du droit international
A partir de la seconde moitié du XXème
siècle, l'immunité d'exécution a vu son domaine
réduit avec l'application de la distinction entre biens affectés
à une activité jure imperii et ceux affectés
à une activité jure gestionis. Pour les premiers l'Etat
continue de bénéficier de l'immunité d'exécution.
Par contre pour les seconds, elle lui est refusée210. L'Etat
hôte peut de manière expresse renoncer au bénéfice
de l'immunité d'exécution. C'est la solution qui est le plus
souvent retenue en matière arbitrale. Dans le même ordre
d'idée, l'Etat qui accepte de compromettre et ainsi d'être attrait
devant une juridiction arbitrale vaut présomption de renonciation
à l'immunité d'exécution211. Toutefois l'Etat
devra préciser lesquelles de ses biens seront sujet à une mesure
d'exécution forcée. Seuls les biens destinés à
servir des besoins purement privés ou commerciaux de l'Etat seront
saisissables212. Les biens affectés aux activités de
souveraineté ou de service public demeurent insaisissables. C'est dans
cette optique que la jurisprudence française213 dans les
arrêts Englander et Clerget, a distingué les biens ou fonds
affectés à une activité commerciale de ceux
affectés à une activité de service publique. De plus, dans
l'affaire Eurodif214, la première chambre civile de la cour
de cassation française a affirmé qu'il fallait établir un
lien entre le bien de l'Etat et l'activité économique sur
laquelle repose la demande en justice. La Cour est revenue sur l'exigence d'une
renonciation expresse dans l'arrêt Commismpex c/ République du
Congo215. D'après
210 P. LEBOULANGER, « L'immunité
d'exécution des personnes morales de droit public, Revue camerounaise de
l'arbitrage », numéro spécial, février 2010, p.
127
211 A. IBUNO, L'immunité d'exécution des
personnes morales de droit public à l'épreuve de la pratique en
droit OHADA, p. 91
212 Selon admise par la jurisprudence dans l'arrêt
Creighton c/ l'Etat du Qatar rendu le 6 juillet 2000 par la 1er Chambre civile
de la Cour de cassation française. Cette dernière avait
jugé que lorsque l'Etat renonce à son immunité
d'exécution, la condition du lien entre l'activité litigieuse et
le bien saisi n'est plus exigée ; le créancier peut saisir tout
bien de l'Etat sur le territoire du for, à condition que ce bien ne soit
pas affecté à une activité ou à une mission de
service public et qu'il appartienne à l'entité débitrice.
Voir LEBOULANGER (P), Immunité d'exécution des personnes morales
de droit public, revue camerounaise de l'arbitrage n° spécial
février 2010, p. 127-135, cité par IBUNO, Op cit. p. 92
213 Cassation. Civile. 1er, 11 février 1969,
Affaire Englander C/ Banque d'état Tchécoslovaque.
214 Cassation. Civile. 1er, 14 mars 1984, Affaire
Eurodif C/ République Islamique d'Iran
215 Cassation. Civile. 1er, 13 mai 2015, Affaire
Commisimpex C/ République du Congo
Page 78
elle, la coutume internationale en matière
d'immunité d'exécution n'exige pas de renonciation
spéciale en plus de celle expresse faite par l'Etat. Dans cette
hypothèse, la renonciation faite par l'Etat du bénéfice de
cette immunité affecterait l'ensemble des biens de l'Etat. Rendant
dès lors saisissables des biens tels que les avoirs bancaires des
missions diplomatiques et autres biens affectés au service public par
l'Etat216. Cette solution nous semble quelque peu extrême.
Elle donne trop de latitude au créancier de la personne publique.
Sachant que le service public a une mission d'intérêt
général, le privé des biens affectés à
l'accomplissement de cette prérogative serait nocif. Non seulement
à l'égard de l'administration elle-même mais aussi à
l'égard des citoyens de l'Etat. Ceci va à l'encontre du but
recherché dans l'attractivité des investissements qui est le
développement de l'économie et l'amélioration des
conditions de vie des populations.
Dans la convention des Nations Unies du 17 janvier 2005 sur
les immunités juridictionnelles des Etats et de leurs biens, il est
admis que la conclusion par l'Etat d'une clause compromissoire vaut
renonciation à son immunité de juridiction, mais la renonciation
à son immunité d'exécution par la souscription d'une
clause compromissoire doit faire l'objet d'une déclaration expresse de
l'Etat217.
Ainsi les parties qui prennent part à une convention
d'arbitrage peuvent tout de même saisir le juge de l'urgence pour le voir
prononcer une exécution provisoire. L'article 13 alinéa 3 de
l'acte uniforme sur le droit de l'arbitrage prévoit à cet effet
que : « l'existence d'une convention d'arbitrage ne fait pas obstacle
à ce qu'à la demande d'une partie, une juridiction, en cas
d'urgence reconnue et motivée ou lorsque la mesure devra
s'exécuter dans un Etat non partie à l'OHADA, ordonne des mesures
provisoires ou conservatoires, dès lors que ces mesures n'impliquent pas
un examen du litige au fond, pour lequel seul le tribunal arbitral est
compétent ».
De plus, l'Etat doit s'inspirer du législateur
français et adopter les procédures de « mandatement d'office
» ou « mandatement obligatoire »218
216 B. CASTELLANE, Exécution des sentences
arbitrales contre les personnes de droit public le point de vue d'une
praticienne non africaine, in L'arbitrage en matière
commerciale et des investissements en Afrique, G. KENFACK DOUAJNI (sous la
dir.) 2017, p. 201 et suivant
217 Cf. art 18 et 19 de la convention des nations unies sur
les immunités juridictionnelles des Etats et de leurs biens
218 Le mandatement d'office ou obligatoire, mis en place par
le législateur français en 1980, est une procédure
d'inscription d'une dette au budget de la personne morale débitrice.
Elle ne peut être mise en exergue qu'en présence d'une
décision de justice passée en force de chose jugée. Le
mandatement est dit d'office lorsqu'il s'agit des dettes d'une
collectivité territoriale et obligatoire pour les dettes qui incombent
à l'Etat
Page 79
L'immunité d'exécution est un risque juridique
qui peut considérablement freiner l'évolution des relations
d'affaires entre les personnes publiques et les tiers. L'investisseur est
appelé à contracter avec les personnes publiques au sein de
l'Etat hôte. De ce fait, la renonciation à l'Etat de son
immunité d'exécution constituera une mesure incitative à
l'égard de l'investisseur. Et par conséquent sera de nature
à encourager l'investissement direct étranger et surtout à
le sécuriser.
D'après le juge Antoine OLIVIERA, « les Etats
africains signent aisément les clauses compromissoires mais contestent
souvent leur validité lorsqu'ils sont attraits devant la CCJA. Les Etats
africains sont plus prompts à exécuter les sentences
étrangères émanant de la CCI que celles rendues sous
l'égide de la CCJA ». Il recommande à cet effet l'abandon
par les Etats de leur souveraineté et appliquent correctement les actes
uniformes. L'implication effective des Etats parties est la clé du
succès continu de l'OHADA219.
Paragraphe 2: Les obstacles à l'exécution
des sentences arbitrales
Etre muni d'une sentence arbitrale en sa faveur ne suffit pas
pour rentrer en possession de sa créance. La partie qui a emporté
doit encore exécuter cette dernière. Compte tenu du fait qu'elle
l'a obtenue après un procès long et coûteux220.
« L'inexécution d'une décision de justice
génère pour la partie qui l'a emporté, un sentiment
d'injustice d'autant plus exacerbée qu'elle n'aura parfois obtenue cette
décision qu'à la suite d'un procès long et onéreux
». Un procès non encore exécuté est
inachevé si la partie vainqueur ne peut obtenir l'exécution de la
décision rendue.
La convention de Washington instituant le CIRDI prescrit une
obligation de reconnaissance qui porte sur l'intégralité de la
sentence, ainsi qu'une obligation d'exécution des obligations
pécuniaires imposées par la sentence221. Cependant, le
législateur camerounais au mépris de cette dernière,
soumet tout de même l'exécution de la sentence à un
exequatur préalable.
219 Propos d'Antoine OLIVIERA, Président de la CCJA
à l'occasion du colloque de l'Association des Hautes Juridictions de
cassation des pays ayant en partage l'usage du français (l'AHJUCAF) sur
l'exécution des décisions de justice dans l'espace francophone du
23 mars 2012 à la Cour de cassation à Paris
220 C. HUGON, L'exécution des décisions de
justice, in Libertés et droits fondamentaux, 7ème
édition, Dalloz 2001, N°785, p. 612
221 A ce titre, l'article 54 alinéa 1er de
la convention CIRDI dispose : « Chaque État contractant
reconnaît toute sentence rendue dans le cadre de la présente
Convention comme obligatoire et assure l'exécution sur son territoire
des obligations pécuniaires que la sentence impose comme s'il s'agissait
d'un jugement définitif d'un tribunal fonctionnant sur le territoire
dudit État. »
Page 80
Les investisseurs directs étrangers ont recours aux
modes alternatifs de résolution des litiges pour échapper
à la partialité des juridictions de l'Etat hôte et
bénéficier de la célérité et de la
confidentialité. L'exécution d'une sentence arbitrale revêt
donc quelques lacunes/imperfections qu'il convient de souligner. Que ce soit au
niveau de la procédure d'exéquatur (A). Bien qu'ayant obtenu une
suite favorable à sa procédure, l'investisseur n'est pas à
l'abri d'un éventuel arbitraire du juge de l'exécution (B).
A) Les limites textuelles de la procédure
d'exequatur
Comme nous l'avons souligné plus haut, le titulaire
d'une sentence arbitrale doit, préalablement la soumettre à
l'exequatur et enfin y faire apposer la formule exécutoire pour pouvoir
l'exécuter.
Le législateur Camerounais soumet toutes les sentences
étrangères à cette procédure. Dans ses dispositions
textuelles, des manquements sont relevés. Tant en ce qui concerne les
sentences rendues sous l'égide de l'arbitrage OHADA (1) que celles
rendues sous l'égide du CIRDI (2).
1) Les limites de l'exéquatur des sentences
rendues sous l'égide de l'arbitrage OHADA
Le législateur OHADA décline deux conditions
pour l'exéquatur : une positive et une négative. La condition
positive est l'existence de la sentence arbitrale (établie par la
production de l'original) accompagnée de la convention d'arbitrage ou
des copies de ces documents réunissant les conditions requises pour leur
authenticité. Tel que contenu à l'article 31 de l'AUA. La
condition négative de l'exequatur est la contrariété de la
sentence à l'ordre public. Le législateur impose au juge interne
de se contenter de la non-violation des conceptions les plus fondamentales de
la justice dans les Etats-membres de l'OHADA. Le juge peut refuser d'accorder
l'exéquatur à une sentence suivant 4 conditions.
Les procédures de reconnaissance et d'exequatur sont
régies par les lois de 2003/009 du 10 juillet 2003 désignant les
juridictions compétentes visées à l'AUA, ainsi que celle
de 2007 instituant le juge du contentieux de l'exécution.
Le juge compétent pour connaître des
procédures d'exequatur est le président du tribunal de
première instance du lieu où l'exécution de la sentence
est poursuivie. Ce dernier devra rechercher deux conditions : Une positive
traduite par la production de l'original de la sentence accompagnée de
la convention d'arbitrage ou les copies de tous les documents
Page 81
réunissant les conditions requises pour leur
authenticité222. La négative se traduit par la
possibilité de refus d'exequatur et ceci en cas de
contrariété à l'ordre public international. Toutefois le
législateur communautaire ne dit pas ce qu'est l'ordre public
international. De ce fait, sa détermination est soumise à
l'impérium du juge qui pourrait l'interpréter de manière
totalement arbitraire. Pour des raisons de célérités dans
l'exécution de la sentence, le législateur a assorti la
procédure d'exéquatur d'un délai de quinze (15) jours
à l'expiration duquel, le silence du juge vaut acceptation. La
procédure d'exéquatur est en principe simple. Le juge se contente
de vérifier l'authenticité des documents produits par la partie
requérante (l'original de la sentence, la convention d'arbitrage ainsi
que tous les autres documents requis pour leur authenticité).
2) Les limites de la procédure d'exequatur des
sentences rendues sous l'égide du CIRDI
En ce qui concerne les sentences rendues sous l'égide
du CIRDI, elles emportent exécution immédiate. Ce
conformément à l'article 54 de la convention de Washington.
Toutefois, en droit camerounais, le législateur a
soumis l'exéquatur des sentences rendues par le CIRDI à la
compétence de la cour suprême. Tel que prévue dans la loi
n°75/18 du 8 décembre 1975. L'article 1er de cette loi
dispose : « La Cour suprême est habilitée à
reconnaître par arrêt les sentences rendues par les organes
arbitraux de la Convention de Washington en date du 18 mars 1965 pour le
règlement des différends entre Etats et ressortissants d'autres
Etats ». Le législateur poursuit en disant : « Cette
reconnaissance emporte obligation, pour le greffier en chef de la Cour
suprême, d'apposer sur une sentence arbitrale reconnue la formule
exécutoire ». Cependant, la loi ne précise pas suivant
quelle procédure la Cour suprême accomplira cette tâche.
Elle ne dit pas non plus dans quelle formation la Cour suprême doit
statuer223. L'investisseur justiciable ne sait donc pas à
quels saints se vouer quant à la saisine de la juridiction, quant
à la durée de la procédure qui au demeurant n'est qu'une
procédure de constat et n'est en principe soumis à aucun
réexamen du fond.
222 Article 31 de l'AUA
223 J.M TCHAKOUA, L'exécution des sentences
arbitrales dans l'espace OHADA : Regard sur une construction inachevée
à partir du cadre camerounais, Op cit. p. 11
Page 82
B) Les difficultés pratiques d'exécution
des sentences arbitrales étrangères.
Malgré la réforme de l'acte uniforme relatif
à l'arbitrage OHADA, l'insécurité judiciaire persiste en
ce qui concerne l'application de ces dispositions dans l'environnement
judiciaire camerounais (1). L'investisseur justiciable peut également
connaître des difficultés dans l'exécution effective de la
sentence en question (2).
1) Inadéquation entre les dispositions
textuelles et l'environnement judiciaire camerounais
Le fait que le législateur OHADA ait prévu un
délai pour la procédure d'exequatur témoigne de sa
volonté de simplifier cette dernière. Bien que cette disposition
du législateur communautaire soit à saluer car figure en
étroite ligne avec les objectifs de l'OHADA, elle est cependant
difficile à réaliser dans l'environnement judiciaire camerounais.
En effet le délai accordé par le législateur OHADA est
très court. Dans de nombreux pays, il faut compter au moins un mois pour
obtenir une ordonnance d'exequatur224. Le justiciable risque de se
heurter aux lenteurs procédurales de l'administration. Quand
bien-même le silence vaudrait acceptation, encore faudrait-il apposer la
formule exécutoire sur la sentence pour pouvoir l'exécuter. Le
greffier en chef de la juridiction de céans pourra-t-il apposer la
formule exécutoire sur la sentence sans une présentation
préalable de l'ordonnance d'exéquatur rendue par le
Président de sa juridiction ? De plus le greffier en chef, officiant
dans la même juridiction que le président d'un tribunal de
première instance ne jouit pas d'une indépendance suffisante pour
aller à l'encontre des décisions ou de la volonté de sa
hiérarchie.
La possibilité d'intenter un recours en annulation
contre une sentence arbitrale étrangère peut ouvrir la voie
à des manoeuvres dilatoires. D'autant plus que les recours en annulation
ont la réputation d'être des procédures lentes. De plus il
offrira à l'adversaire la possibilité de solliciter un sursis
à statuer et d'organiser son insolvabilité le temps que dure le
procès.
De plus, l'acte uniforme OHADA impose un délai de trois
mois (03) à la juridiction saisie d'un recours en annulation. Faute pour
elle de s'exécuter, la juridiction nationale est dessaisie et le recours
est porté devant la CCJA. Cette dernière (la CCJA) dispose d'un
délai
224 A. BRABANT et M. DESPLATS, « Réforme de
l'arbitrage au sein de l'OHADA - une célérité gage
d'efficacité ? »,
https://business.lesechos.fr/directions-juridiques/partenaire/partenaire-1317-reforme-de-l-arbitrage-au-sein-de-l-ohada-une-celerite-gage-d-efficacite-316707.php,
2017, consulté le 14 novembre 2018 à 12 : 09
Page 83
de six (06) mois à compter de sa saisine pour rendre sa
décision. Or la CCJA vide les contentieux dont elle est saisie dans une
durée moyenne de deux (02) ans. En France, la cour d'appel statue sur
les recours en annulation dans un délai moyen d'un an, l'on se rend donc
compte que bien que louable, cette réforme pourra difficilement
s'appliquer compte tenu du contexte judiciaire au Cameroun. Le justiciable
à cet égard risque se trouver dans la même condition
d'incertitude et d'insécurité judiciaire que par le passé.
D'autant plus qu'aucune sanction n'est prévue en cas de non-respect des
délais énoncés par le législateur OHADA.
La souveraineté des Etats ne doit pas constituer une
atteinte aux objectifs que les Etats membres de l'OHADA se sont
fixés.
En matière d'exécution des sentences rendues
sous l'égide du CIRDI, la recherche de la formule exécutoire
s'est parfois muée en instance d'exéquatur. Le juge de
l'exécution se reconnaissant ainsi le pouvoir de contrôler la
régularité de la sentence qui est produite. Cela a
été le cas dans 2 célèbres arrêts. Notamment
: l'exécution des sentences SOABI (Société Ouest Africaine
des Bétons Industriels) dans laquelle la Cour d'appel de Paris a
procédé au contrôle d'exéquatur d'une sentence
CIRDI. Egalement la sentence Benvenutti et Bonfant contre Etat du Congo ou le
président du TGI a contrôlé la régularité de
la sentence a lui produite225.
Dans l'environnement juridique camerounais, la loi
compétente pour et l'exécution des sentences rendues sous
l'égide du CIRDI est la loi n°75/18 du 8 décembre 1975. La
reconnaissance de la sentence est faite par la Cour suprême, la formule
exécutoire est apposée par le greffier en chef de cette
juridiction. Deux failles résultent de cette disposition de la loi
précitée. Tout d'abord, le législateur camerounais n'a pas
précisé sous quelle formation la Cour suprême doit statuer.
Elle ne précise pas non plus quelle sera la procédure
usitée par le justiciable à cette fin. Serait-ce une ordonnance
sur requête, ou une procédure contradictoire ? De plus la cour
pourrait se réunir en formation collégiale en présence
d'une sentence condamnant l'Etat camerounais. Dans quel cas, la Cour pourrait
statuer en assemblée plénière et procéder à
un contrôle de régularité au lieu du contrôle
d'authenticité prévu en matière d'exéquatur.
225 J.M TCHAKOUA, « L'exécution des sentences
arbitrales dans l'espace OHADA : Regard sur une construction inachevée
à partir du cadre camerounais », Op cit.
Page 84
? Cela constitue un péril dans l'hypothèse
où en voulant à tout prix préserver l'intérêt
de l'Etat et dans le but de se faire bien voir par le prince, certaines
autorités pourraient par mauvaise foi faire tarder le rendu de la
décision d'exequatur226.
Les obstacles pourraient être constitués par
l'implication active du juge de l'exequatur. Au lieu de se contenter d'examiner
la légalité sur le plan formel de l'acte et sa conformité
à l'ordre public international et interne, le juge pourrait
procéder à un réexamen de l'affaire. Cela constituerait un
obstacle à la célérité de la procédure
arbitrale. De plus, outre les frais déboursés en phase de
procédure par l'investisseur, ce dernier devra encore perdre du temps et
de l'argent pour les procédures de reconnaissance et d'exequatur.
Les délais de grâce constituent un autre
tempérament à l'exécution d'une décision de
justice. En droit OHADA, elle est prévue à l'article 39
alinéa 2 de l'AUVE. Elle s'étend sur une durée d'un an.
2) Les suites de la procédure d'exequatur :
l'exécution en elle-même
En interprétant l'article 30 de l'AUVE, la
jurisprudence camerounaise a considéré qu'à défaut
d'exécution volontaire par l'Etat, les mesures d'exécution sont
interdites contre les bénéficiaires de l'immunité
d'exécution. Ce indépendamment de la nature de l'activité
l'entité étatique exerce ou encore l'affectation des biens de
cette dernière227. Un auteur a cependant souligné la
possibilité pour le juge d'interpréter ce même article 30
dans le sens des objectifs visés par le traité OHADA.
En ce qui concerne les biens immatériels, ils sont
également soumis à une mesure d'immunité
d'exécution. Il en est ainsi des comptes bancaires des ambassades ou
consulats, ainsi que les biens des banques centrales. L'article 21 de la
convention des Nations Unies de 2005 considère que ces derniers ne sont
pas affectés à une activité jure gestionis par
conséquent, ils sont insaisissables228.
La renonciation de l'Etat ne fait pas disparaître le
lien entre le bien à saisir et l'entité débitrice. Le
créancier doit tout de même démontrer le lien qui existe
entre l'entité débitrice et lesdits biens afin de pouvoir exercer
une mesure d'exécution. Chose qui s'avère être
226 Ibid
227 Ordonnance sur requête, n°0339 rendu en date du
13 novembre 1998 par le TGI de Douala, affaire SNIF c/ ONPC, cité par
LEBOULANGER (P), Op. cit.
228 Il en est de même pour les biens à
caractère militaire, les biens faisant partis du patrimoine culturel,
historique ou scientifique de l'Etat
Page 85
particulièrement difficile car, l'Etat peut au moyen
d'une simple attestation prouve le caractère jure imperii des
biens sur lesquels l'exécution est poursuivie229.
En droit français, les émanations de l'Etat
constituent une exception au principe de l'immunité d'exécution
de l'Etat. La théorie de l'émanation de l'Etat permet de
pratiquer des mesures conservatoires sur les biens des démembrements
organiques ou territoriaux de l'Etat pour recouvrer une créance contre
lui. La charge de la preuve de l'existence de l'émanation de l'Etat
incombe au créancier. Toutefois, le fait que la loi de l'Etat
étranger confère à la personne morale de droit public une
personnalité juridique indépendante ou une autonomie
financière ne suffit pas à combattre l'existence d'une
émanation d'Etat. D'après un auteur230, la saisie
d'actifs appartenant à l'Etat ou à ses démembrements
demeure une opération particulièrement délicate et
coûteuse pour les litigants.
Certains juges camerounais cependant tendent à se
conformer au droit et du coup à garantir la sécurité
judiciaire des investisseurs. Il en est ainsi du juge de la High Court of
Fako Division qui a rendu un ordonnance d'exequatur en date du 15 mai
2002231. Ce dernier n'a pas hésité à rendre une
ordonnance d'exequatur qui condamnait la SONARA alors entreprise publique. Dans
sa motivation, il met un accent sur le respect des conventions
bilatérales d'investissement. Et soutient que le faisant, l'Etat
préserve sa dignité et sa souveraineté. Il rappelle par
ailleurs le rôle primordial des juges dans l'accomplissement de cette
tâche.
229 LEBOULANGER (P), Op. cit.
230 LEBOULANGER (P), Op. cit.
231 « The world today is fast moving into an age of
globalization. The mode of civilization has changed. The world economy is
seeking for more and more protection. Nations are getting closer through
conventions and agreements. Investors want to protect investments. To this end,
nations are signatories to conventions and agreements. It will be nonsensical
and counterproductive for any nation to sign a bilateral or multilateral
convention and thereafter turn to say that it cannot be bound by it. That will
be an affront to its dignity and sovereignty. For once a nation signs a
convention, it must ensure that it adheres to it and where that convention must
be enforced by the court, the courts must do so to protect the honour and
dignity and prestige of that country. The time has come when the courts must
give meaning to the conventions and treaties that we go into. This country is a
civilized country with a decent reputation. To refuse to adhere to conventions,
agreements and treaties it has signed as a member will be depriving itself of
the pride and envy that the world has of it as a peaceful and law abiding
nation». Motivation du juge dans l'ordonnance African Petroleum
Consultants (APC) c/ Société nationale de Raffinage du Cameroun
(SONARA)
Page 86
CONCLUSION DU CHAPITRE I
Dans ce chapitre, il était question d'examiner les
pesanteurs juridiques de l'effectivité du droit des IDE. A cet effet,
nous avons présenté tour à tour les lacunes de certains
actes uniformes OHADA qui constituent une entrave à la
sécurité juridique et judiciaire visée par le
législateur communautaire.
Pour y remédier, le concours de 03 acteurs est
essentiel. Tout d'abord, le législateur communautaire devrait
réformer ses textes de manière à ce qu'ils
reflètent mieux la réalité socio-économique des
Etats membres. Et aussi légiférer sur la circulation des
décisions de justice et des titres exécutoires dans les pays
membres de l'OHADA. Les Etats membres devant harmoniser leur droit processuel
à cet effet.
Le juge pour sa part dans l'exercice de ses
prérogatives devrait dépasser la simple application fidèle
des dispositions des actes uniformes. Ce faisant, il sera question pour lui
d'interpréter les actes uniformes dans le sens des finalités
poursuivis par les fondateurs de l'OHADA. De manière à garantir
aux justiciables une justice prévisible et équitable. Comme le
disait un illustre auteur : « Rien ne sert de réformer les
textes si ceux qui sont chargés de les appliquer restent prisonniers des
réflexes intellectuels d'hier »232. Le juge est un
acteur incontournable dans la garantie de la sécurité judiciaire.
Cependant dans l'espace OHADA ce dernier ne parvient pas encore à
rassurer les investisseurs. Il ne serait pas excessif de dire que la
sécurité judiciaire est le « parent pauvre » du droit
OHADA.
Le Cameroun dans sa position d'Etat hôte
d'investissement pourrait renoncer de manière express à
l'immunité d'exécution qui entoure ses biens jure gestionis
pour faciliter le recouvrement des créances par son cocontractant
qu'est l'investisseur direct étranger.
Le cadre juridique incitatif bien qu'étant une
condition nécessaire pour l'attractivité économique d'un
Etat, il n'est cependant pas le seul déterminant. En effet, le droit ne
peut constituer un outil d'attractivité concret que si les investisseurs
retrouvent dans les pays des conditions matérielles et
infrastructurelles suffisantes pour leur implantation233.
232 P. CONTE, « Le législateur, le juge, la faute
et l'implication (la fable édifiante de l'autonomie de la loi du 5
juillet 1985) » : JCP 1990, I, 3471, n°13 cité par J. KAMGA,
Réflexions « concrètes » sur les aspects
judiciaires de l'attractivité économique du système
juridique de l'OHADA, Ohadata D-12-85,
www.ohada.com/doctrine
/ohadata/D-12-85.html
233 J. KAMGA, « L'apport du droit de l'OHADA à
l'attractivité des investissements étrangers dans les Etats
parties », Revue des juristes de sciences po, n°5, 2012,
Page 87
CHAPITRE II : LES PESANTEURS NON-JURIDIQUES
Par pesanteurs non-juridiques on entend tous les facteurs
externes à la législation qui sont de nature à limiter le
flux des IDE au Cameroun. Les investisseurs désireux de s'installer
prennent en compte le risque pays pour motiver leur choix quant à un
éventuel établissement dans le pays hôte. Ainsi, le risque
pays analyse l'Etat, les administrations publiques et les entités
non-gouvernementales. Il ne suffit pas d'avoir une bonne règlementation
pour attirer les investisseurs étrangers. Encore faudrait-il la
présence d'institutions capables d'assurer la sauvegarde de leurs avoirs
dans le pays en question.
Le risque commercial est inhérent à toute
activité économique. Le risque politique lui peut influer sur le
premier. Les changements imprévus de politiques publiques peuvent avoir
de lourdes conséquences sur la viabilité d'un projet. L'Etat
hôte de l'investissement doit prémunir l'investisseur contre
d'éventuels risques politiques.
Dans les lignes suivantes, nous questionnerons le rôle
de tous ces facteurs non-juridiques qui ont un impact négatif sur le
flux des IDE au Cameroun et par là l'atteinte des objectifs de
développement. Nous examinerons tour à tour l'impact du risque
politique sur l'attractivité du territoire camerounais (section I). Par
la suite, nous examinerons tous les risques sociaux
Dans le rapport « Vision 2035 », il était
question d'une croissance de 10% entre 2010 et 2020. Or, dans cet intervalle de
temps le pays n'a atteint un taux de 5% qu'à 2 reprises.
Section I : Le risque politique non-maitrisé
Les entreprises sont contraintes de prendre en compte le
risque inhérent à l'environnement des affaires dans un pays avant
de s'y implanter. Cette notion est apparue pour la première fois en
1970, et est réapparue à la suite de la crise économique
de 2008. L'agence de notation Standard and Poor's définit ce concept
comme : « Tous les risques de nature réglementaire, politique
économique, financier, social et environnemental afférents
à un pays ». Il s'agit de l'analyse de l'Etat,
l'administration publique et des entités non-gouvernementales.
D'après un auteur, la corruption est avec l'insécurité
politique la raison principale pour les investisseurs de s'abstenir d'un
engagement en Afrique234
234 T. VOGL, « La lutte contre la corruption :
condition essentielle pour la réussite de l'OHADA », Penant,
2008,
www.ohada.com, consulté
le 12 novembre 2018 à 12 heures
Page 88
Ainsi nous aborderons l'incidence des troubles civils sur
l'attractivité du Cameroun (paragraphe 1), puis nous traiterons des
limites que constituent la corruption pour l'économie camerounaise
(paragraphe 2).
Paragraphe 1: l'incidence des troubles civils sur
l'attractivité des investisseurs directs étrangers
D'après un auteur, lorsque les conditions de
sécurité deviennent volatiles, les IDE qui par nature sont des
opérations sur le long-terme et comprennent des investissements
colossaux peuvent être les cibles d'attaques ou de tout autre
comportement arbitraire du fait de cette anarchie235. C'est pourquoi
les investisseurs, qui préfèrent préserver leur
patrimoine, évitent de s'installer dans les zones de conflits et/ou
à risque. Le pays d'accueil devant les prémunir contre les
risques non-commerciaux qui pourraient survenir. Les investisseurs sont des
observateurs de la scène politique. Car un pays ou un gouvernement
stable rime avec des investissements pérennes sur le long terme et un
retour sur investissement236.
Le Cameroun est en proie à des troubles politiques sur
certaines parties de son territoire. Il en est ainsi dans la région de
l'Extrême-Nord avec les attaques successives de la secte islamiste «
Boko Haram » depuis 2013. Dans les régions du Nord-Ouest et
Sud-Ouest, régions qui connaissent des affrontements entre
l'armée camerounaise et les sécessionnistes, et enfin dans la
région de l'Est. Les crises dans les régions de
l'Extrême-Nord et de l'Est semblent être en cours de stabilisation,
les deux autres régions sont dans un climat d'insécurité
croissante.
Cette crise à de lourdes conséquences tant sur
le plan humanitaire que sur le plan économique237. Dans ce
travail nous nous attarderons cependant sur les conséquences
économiques de cette crise. Il convient de rappeler que la région
du Sud-Ouest représente à elle seule 45% des recettes en devise
du Cameroun238. Cela traduit l'importance qu'a cette région
pour l'économie camerounaise.
235 I. SHIHATA, Factors influencing the flow of foreign
investment and the relevance of a multilateral investment guarantee
scheme, 1987, p. 24 document, consulté le 22 novembre 2018 à
11 heures 25
236 E.P MEMPHIL NDI, « Attractivité
économique des investissements directs étrangers en zone CEMAC :
harmonisation des instruments juridiques aux règles internationales
», thèse de droit, Op cit., p. 250
237 Sur le plan humanitaire notamment, on enregistre de
nombreuses pertes en vies humaines, des réfugiées, une grande
partie de la population déplacée etc
238 Données recueillis dans le journal Le Quotidien de
l'Economie n° 01631 du mercredi 24 octobre 2018
Page 89
Présentations de la situation sécuritaire dans
la zone anglophone (A) et conséquences sur l'économie et
l'activité des entreprises (B) et éventuellement des propositions
de solutions (C)
A) Présentation de la situation
sécuritaire dans la zone anglophone du Cameroun
Depuis le début de cette crise, les structures
économiques sont particulièrement prises pour cibles. De
nombreuses opérations initiées par les sécessionnistes ont
des conséquences désastreuses pour l'économie dans cette
partie du pays. Il s'agit entre autre :
? Tout d'abord, les opérations Ghost town qui
se caractérisent par la fermeture des commerces et de distributions ;
? Les attaques ciblées sur les structures
économiques. Les principales cibles ici sont les chantiers
d'infrastructures publiques
? Les intimidations, rackets, enlèvements et
assassinats des employés et responsables d'entreprises ;
? Les décisions arbitraires des autorités
administratives. Sous-couvert du respect des ghost towns, les
autorités administratives de ces régions procèdent souvent
à la mise sous scellés des agences et autres établissement
de commerce. Ceci sans préavis, ni tout autre forme d'avertissement.
Chose qui est fortement préjudiciable à leurs
activités.
B) Les conséquences économiques
importantes
La crise anglophone a eu des conséquences plus que
désastreuses sur l'économie dans ces régions et les
performances économiques du Cameroun de manière
générale. D'après un rapport du GICAM239,
certains secteurs de l'économie camerounaise sont
particulièrement affectés par cette crise. Il en est ainsi de la
filière agricole ; agro-industrielle ; télécommunications
; commerce et distribution.
? La filière cacao-café enregistre une perte de
FCFA 56.000.000.000 (cinquante-six milliards de Franc CFA) ce qui
représente 20% de recettes d'exportation. Le Sud-Ouest représente
45% de la production cacaoyère nationale tandis que le Nord-Ouest est le
principal producteur de café arabica au Cameroun avec une production
s'élevant à 70% de la production nationale. L'entretien des
plantations est fortement réduit. De
239 Rapport intitulé : Insécurité dans
les régions du Sud-Ouest et du Nord-Ouest. Conséquences
économiques et impact sur l'activité des entreprises, 2018
Page 90
même que la collecte, le négoce et le transport
des produits qui est interrompu de ce fait.
? L'activité agro-industrielle est également
fortement affectée par cette crise. Les principales
sociétés dans ces régions que sont la CDC-Delmonté
et PAMOL enregistrent plus d'un milliard de biens détruits et un manque
à gagner de douze (12) milliards FCFA. D'après ce même
rapport du GICAM, la CDC aura besoin d'au moins quinze milliards de FCFA de
financement pour relancer ses activités lorsque la crise aura pris fin.
Outre ces deux mastodontes, de nombreuses autres sociétés
agro-industrielles présentes dans ces zones se retrouvent
affectées, Il en est ainsi des sociétés de distribution de
produits phytosanitaires.
? Le secteur des télécommunications a subi des
pertes d'un montant de trois cent millions FCFA au titre de préjudice
principal, et plus d'un milliard de manque à gagner par mois depuis le
début de la crise.
La crise anglophone est survenue dans un contexte particulier
de convalescence
économique. Le déficit budgétaire du
Cameroun est passé de 2% du PIB en 2015 à 6.5% en 2016. Et a eu
pour conséquence une accumulation de la dette et des
arriérés de paiement de l'Etat auprès de leurs
créanciers. Pour y faire face, l'Etat camerounais a augmenté la
pression fiscale sur les entreprises, a multiplié les
prélèvements et a intensifié les contrôles.
De ce fait, la baisse des IDE apparait comme une
conséquence de l'incapacité du droit des IDE à atteindre
ses objectifs dans un tel contexte.
Ces deux régions bien que regorgeant de ressources
naturelles. Ne pourront plus du fait de cette crise attirer les investisseurs
directs étrangers dans les régions. Sachant que les investisseurs
qui y étaient installés ne sont plus en mesure de
pérenniser leurs activités.
L'on se rend donc compte à quel point les affrontements
affectent négativement les activités économiques dans
cette partie du pays. Tout opérateur économique a à coeur
de se prémunir contre les risques de perte ou de
détérioration de ses biens. Toutefois, dans les rapports
Etat-Investisseur, le premier est censé prémunir le second contre
tous risques politiques. Tant que la crise dans cette zone persiste, les
conséquences pour l'économie et les investissements directs
étrangers ne peuvent être que négatives. C'est pourquoi, il
est essentiel pour le gouvernement de prendre des mesures afin de
remédier à cela.
Page 91
C) Esquisse de proposition de quelques
solutions
Il est essentiel de stabiliser le contexte sécuritaire
dans cette partie du pays de manière à stopper la
dégradation de la situation. À cet effet, les entreprises, par le
biais du GICAM en appellent à un renforcement des mesures de
sécurité notamment via la protection des infrastructures
stratégiques, la sécurisation des zones
industrielles240, le renforcement de la présence de
l'armée pour assurer les escortes militaires et protéger les
établissements financiers dans la zone. En ce qui concerne celles des
sociétés qui sont toujours actives dans les régions, elles
devraient bénéficier d'avantages fiscaux et financiers parmi
lesquelles : réparation financière des préjudices subis du
fait des troubles civils, accès prioritaire lors des opérations
de remboursement de crédits de TVA, des moratoires pour honorer leurs
obligations vis-à-vis de l'Etat.
Enfin d'autres propositions sont préconisées par
le GICAM que l'Etat devra adopter au terme de la crise. Il s'agira :
? De soutenir financièrement les investisseurs dans la
reconstruction de leurs infrastructures détruites lors de la crise. Et
de reconstruire les infrastructures publiques dans les deux régions ;
? De subventionner les importantes sociétés
agroindustrielles de la région en l'occurrence la CDC et PAMOL ;
? D'octroyer des incitations spécifiques pour les
investisseurs désireux de s'installer dans ces régions ;
Paragraphe 2 : La corruption endémique au sein
de l'administration camerounaise
Historiquement, la corruption émerge au Cameroun au
lendemain des indépendances africaines. Le Cameroun durant cette
période a bénéficié des crédits complaisants
et excessifs favorisés par l'existence de diverses rentes en produits
agricoles et matières premières241. Dans les
années 1980/1990, la crise économique a frappé le
Cameroun. Ce qui a eu pour conséquences la mise en place d'un
environnement administratif dysfonctionnel et marqué par le favoritisme,
le népotisme et la patrimonialisation des biens
publics242.
240 Celle de la zone industrielle d'Ombe au Cameroun plus
précisément.
241 DJOKO (C), Comprendre la corruption au Cameroun, 2010,
https://www.legrandsoir.info,
consulté le 14 novembre 2018 à 11 heures 15
242 Ibid
Page 92
Cette notion a bien des définitions suivant la
discipline dans laquelle on se trouve. Que ce soit en matière
pénale, en science politique ou encore en économie. La corruption
est réprimée aux articles 134, 161 et 312 du code pénal
camerounais. Ce même code la dispose à cet effet : «
(...) tout fonctionnaire ou agent public qui pour lui-même ou pour un
tiers sollicite agrée ou reçoit des offres, promesses, dons ou
présents pour faire, s'abstenir de faire ou ajourner un acte de sa
fonction. »
Toutefois nous retiendrons la définition suivante de la
corruption : « Une fourniture directe ou indirecte de toute somme
d'argent, bien, avantage ou protection à une personne investie d'un
pouvoir de décision publique ou privée en vue d'obtenir de la
part de cette dernière qu'elle adopte un certain type de décision
de comportement ou d'abstention »243. D'après nous,
cette définition est plus globale et embrasse mieux le concept pour
notre étude.
Il convient donc d'évoquer la corruption dans les
administrations publiques qui interagissent directement avec les investisseurs
directs étrangers. Il s'agit de l'autorité des marchés
publics, l'autorité qui attribue les autorisations d'investissements/les
incitations aux investissements et enfin les autorités judiciaires car
intervenant pour régler d'éventuels contentieux244.
Comme nous l'avons vu plus haut, en cas de survenance d'un litige, il est
impossible pour l'investisseur de passer outre l'imperium du juge.
C'est l'une des raisons pour lesquelles, l'Etat camerounais a
créé de nombreuses institutions et promulguer de nombreuses lois
pour lutter contre la corruption (B). Il convient tout de même de
présenter les formes de corruption que l'on retrouve au Cameroun (A).
A) La prééminence de la corruption dans
l'environnement économique camerounais
Avant de s'appesantir sur les causes de la corruption (2), il
serait intéressant d'évoquer la typologie (1).
1) Les types de corruption au Cameroun
La corruption se manifeste de diverses manières.
D'après Giorgio BLUNDO et Olivier de SARDAN il y a cinq variantes au
Cameroun245 :
243 SALMON (J), Dictionnaire de droit international
public, Bruylant, Auf, Bruxelles 2001,P. 275-276
244 Les autorités judiciaires ici comprennent à la
fois le juge judiciaire et le juge administratif
245 Auteurs cités par DJOKO (C), Comprendre la
corruption au Cameroun, 2010,
https://www.legrandsoir.info,
consulté le 14 novembre 2018 à 11 heures 15
Page 93
? La commission : L'usager paie une somme d'argent en
échange d'un bénéfice, une exemption ou à une
remise illicite. Le fonctionnaire bénéficie d'une partie des
gains illicites qu'il a fait obtenir à l'usager par son intervention. La
commission est donc liée à la transaction en question. Ex la
« règle des 10% » que tout bénéficiaire d'un
contrat public est censé verser aux fonctionnaires grâce à
qui il a obtenu le contrat. Ce type de corruption est répandu dans les
contrats de marchés publics.
? La gratification : Elle correspond à la somme
d'argent versée au fonctionnaire en contrepartie d'un travail ou d'un
service qu'il a rendu à un usager.
? Le piston : Il s'agit ici d'un échange
généralisé de faveurs.
? Le tribut ou péage : Ici il s'agit d'un paiement
intervenant sans qu'un service préalable n'ai été fourni.
Ex : la somme d'argent que les chauffeurs de taxi ou de « clandos »
payent aux policiers en raison de la surcharge dont leur véhicule fait
l'objet.
? La perruque. Elle consiste à utiliser à des
fins personnelles, le matériel appartenant à l'administration
publique.
La corruption au Cameroun se manifeste par :
- Le manque de transparence d'une activité ou transaction
;
- L'abus de fonction ;
- L'acquisition illicite d'une chose à laquelle on n'a pas
droit ;
- La recherche illégitime d'un avantage personnel ;
- Le chantage/népotisme.
De plus, la corruption n'implique pas nécessairement un
échange. Il peut juste s'agir
d'un enrichissement illicite246. C'est le cas du
détournement de fonds publics.
Dans le même sens, il convient de faire une distinction
entre la corruption-transitive et la corruption-extorsion. Tandis que la
première implique un simple échange entre deux parties en
l'occurrence le corrupteur et le corrompu, la seconde elle repose sur une
différence dans le
246 Dans ce cas d'espèce, elle vise un
intérêt égoïste. Cette forme est également
très présente dans l'environnement administratif au Cameroun et
est celle qui cause le plus de dégât en termes de manque à
gagner fiscal.
Page 94
rapport de force entre les partis247. Il est
difficile de quantifier la corruption d'un pays à un
autre248.
La corruption devient néfaste lorsqu'elle est
présente dans tous les secteurs d'activité d'une administration
de sorte qu'il devient impossible de passer outre. Une fréquence
élevée de corruption est qualifiée de
systémique249. En effet en présence d'une corruption
systémique, il devient impossible pour l'investisseur direct
étranger d'obtenir un marché sans avoir à verser un pot de
vin à l'autorité administrative. Lorsque la corruption est
systémique, elle est banalisée. La corruption
épidémique est celle qui est très répandue sans
toutefois être pratiquée fréquemment. L'on peut s'en passer
mais y recourir facilite les transactions économiques.
Il ressort des chiffres d'une enquête menée sur
1052 entreprises par le GICAM en 2008, que 76% des chefs d'entreprises
affirment que la corruption a eu un impact négatif sur leurs
activités en 2007, contre 73% en 2006. 49% des chefs d'entreprises
avouent avoir versé des pots-de-vin aux agents du fisc. 36% avouent
avoir versé entre 1 et 5% de leurs chiffres d'affaire pour obtenir des
services. 63% des hommes d'affaires avouent ne plus avoir confiance au
système judiciaire camerounais, et enfin 48% des responsables critiquent
le cadre juridique qui n'est pas favorable aux activités
économiques. L'on se rend donc compte de la prééminence de
ce fléau dans l'environnement économique camerounais.
La fonction publique est garante de l'intégrité
d'un pays. Une administration gangrénée par ce fléau ne
peut être que de nature à refreiner l'investisseur dans sa
volonté de s'implanter dans un pays ou même de le faire dans la
durée.
2) Les causes de la corruption
Au rang des causes, on retrouve la paupérisation des
magistrats. Les magistrats au Cameroun sont mal payés250 de
ce fait, la décision rendue par eux est à la merci du
justiciable
247 Distinction faite par ATALAS, cité par MEDARD
(J.F), « L'évaluation de la corruption approches et
problèmes », in BARE (JF), L'évaluation des
politiques de développement approches pluridisciplinaires, Paris
L'Harmattan, 2001, P. 53 et suivants.C'est le cas où l'agent de l'Etat
soumet l'obtention d'un service au paiement préalable d'une somme
d'argent ou d'une faveur. Il use ainsi de sa position pour contraindre l'usager
ou l'investisseur à lui verser une somme d'argent.
248 Cependant, il y est des ONG comme Transparency
International qui chaque année établissent des classements des
pays les plus corrompus. Classement dans lequel le Cameroun est toujours mal
représenté
249 MEDARD (JF), Op cit
250 Ils perçoivent un salaire qui, en plus d'être
inférieur à leur rang social ne leur permet pas de subvenir
à toutes leurs charges sociales. Comme un auteur l'affirmait, il ne
serait pas concevable pour un juge de prendre le même autobus qu'un
justiciable qu'il vient de condamner.
Page 95
le plus offrant. Outre cela, la séparation des pouvoirs
au Cameroun n'est que textuelle. Dans les faits comme dans le statut de la
magistrature, le juge est soumis au pouvoir judiciaire notamment au
Président de la République qui nomme, affecte et sanctionne les
magistrats. Constitutionnellement, le président de la République
du Cameroun est garant de l'indépendance du pouvoir
judiciaire251. L'on se rend donc compte qu'il serait difficile
voiremême impossible pour un juge de rendre une décision aux torts
de l'administration voire du Président de la
République252.
La crise économique qui a frappé le Cameroun
dans les années 80-90 en est pour beaucoup. Elle a eue pour
conséquence la baisse des salaires des agents de la fonction publique.
Les agents de la fonction publique ont vu réduire leurs salaires de
près de 70% de leur valeur initiale.
B) Les mesures de lutte contre la
corruption
Le Cameroun est arrivé à deux reprises en
tête du classement des pays les plus corrompus au monde. Classement
établi par l'ONG Transparency International253. C'est
pourquoi, le gouvernement camerounais s'est trouvé dans l'obligation de
se doter d'une politique efficace tant sur le plan préventif que
répressif. A cet effet, l'Etat camerounais a créé des
structures de lutte contre la corruption (1). Les juridictions jouent
également un rôle dans la lutte contre la corruption (2).
Toutefois, ces institutions se heurtent à certaines difficultés
(3).
1) Les institutions de lutte contre la
corruption
L'Etat camerounais a créé un certain nombre
d'institutions à cet effet. Il s'agit de la Commission Nationale de
lutte contre la Corruption (CONAC)254, l'Agence Nationale
d'Investigation Financière (ANIF)255, l'Agence de
Régulation des Marchés publics
(ARMP)256,
251 Cf. art 37 alinéa 3 de la constitution camerounaise de
1996
252 FALL (A.B), Le juge, le justiciable et les pouvoirs
publics : pour une appréciation concrète de la place du juge dans
les systèmes politiques en Afrique, Afrilex n°3 de juin 2003,
http://afrilex.u-bordeaux4.fr/le-juge-le-justiciable-et-les.html,
253 Il s'agit des classements de 1998 et 1999
254 Décret n°2006/088 du 11 mars 2006 portant
création, organisation et fonctionnement de la commission nationale
anti-corruption
255 Créée par le décret n°2005/187 du
31 mai 2005. Elle est au service du renseignement financier.
256 Décret n°2001/048 du 23 février 2001
portant création de l'Agence de Régulation des Marchés
Publics. Modifié et complété par le décret
n°2012/074 du 8 mars 2012
Page 96
? La CONAC est un organisme public indépendant. Il est
placé sous l'autorité de la présidence de la
république et est chargé de lutter contre la corruption. Il a
trois principales missions qui sont : le suivi et l'évaluation de
l'application effective du plan gouvernemental de lutte contre la corruption ;
le fait de centraliser et d'exploiter les dénonciations dont elle est
saisie des pratiques, des faits ou actes de corruption ou infractions
assimilées ; De mener toute étude ou investigation et de proposer
toutes mesures de nature à prévenir la corruption ; de
procéder au contrôle physique de l'exécution des projets,
ainsi qu'à l'évaluation des conditions de passation des
marchés publics ; Enfin, elle identifie les causes de la corruption et
propose des mesures pour y faire face257.
? L'ANIF a pour principale mission de lutter contre le
blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. Dans l'accomplissement
de ses missions, elle transmet tous les renseignements financiers aux
autorités judiciaires. Ceci afin de leur permettre d'établir
l'origine des sommes litigieuses258.
? En ce qui concerne l'ARMP, ses missions sont contenues
à l'article 3 du décret de n°2001/048 du 23 février
2001 portant création de l'Agence de Régulation des
Marchés Publics. Elle est en outre chargée de réguler le
système de passation des marchés publics et des conventions de
délégation des services publics.
Ces institutions, dans l'accomplissement de leurs tâches
quotidiennes ne parviennent
pas à mettre un terme ou même à freiner ce
phénomène. Ceci est en partie dû au fait qu'elles ne
prononcent pas de sanctions à l'encontre des acteurs de la corruption.
La corruption et le détournement de deniers publics n'a donc pas
réduit de leur fait. C'est pourquoi, le législateur camerounais a
en 2011 créé une juridiction d'exception compétente
matériellement pour connaître des infractions de
détournements de deniers publics et des délits connexes.
L'une des causes de la corruption est la réduction des
salaires des fonctionnaires survenue en 1993, ainsi que la suppression de
nombreux avantages sont autant de facteurs qui ont contribué à la
paupérisation des fonctionnaires et par ricochet à l'expansion de
la corruption.
La corruption, déjà bien
implémentée dans l'administration camerounaise, est devenue
difficile de s'en défaire. Il résulte même de l'aveu du
président Camerounais : « C'est la
257 DJEUKAM MBOUNDJEU (G), Les structures de lutte contre la
corruption,
https://www.camerlex.com/les-
structures-de-lutte-contre-la-corruption-8775/,
consulté le 21 novembre 2018 à 14 heures 02
258 Ibidem
Page 97
corruption qui, pour une large part, compromet la
réussite de nos efforts. C'est elle qui pervertit la morale publique.
»259
2) Les limites : la persistance de la corruption dans
l'environnement économique au Cameroun
Malgré les multiples organismes de lutte contre ce
fléau, on a du mal tout de même à percevoir un
véritable recul de cette pratique. Le paiement des pots-de-vin pour
obtenir des faveurs de l'administration notamment lors de l'adjudication des
marchés publiques persiste. L'une des causes est le fait que les
programmes de lutte contre la corruption sont des manoeuvres pour neutraliser
l'opposition ou les ennemis politiques. Ou encore pour satisfaire les donneurs
d'aide/bailleurs de fonds internationaux260. De plus, les
opérations de lutte contre la corruption s'apparentent davantage
à des chasses aux opposants politiques du régime. Les
sympathisants du régime sont maintenus en fonction en dépits des
manoeuvres de corruption à répétition dont ils sont
coupables. Cet état de fait décourage les IDE.
En ce qui concerne le pouvoir judiciaire, un auteur affirme :
« Aucun remède à la corruption ne peut être
sérieusement envisagé alors que la pénurie des juges
professionnels au demeurant mal payés est criarde, toujours au nom de
l'ajustement structurel »261.
Il est essentiel pour les gouvernants d'adopter une autre
approche pour freiner ce fléau qui nuit à l'essor des IDE et
à l'attractivité économique du Cameroun, cause des pertes
en recettes fiscales à l'Etat, détruit le jeu de libre
concurrence entre les acteurs économique (les investisseurs notamment).
Pour y remédier, il serait nécessaire, de combattre le mal
à la racine. Il s'agit d'identifier les causes réelles de la
corruption au Cameroun. Le gouvernement pourrait par exemple faire
bénéficier les juges de plus d'indépendance en les
soustrayant à la tutelle ou au contrôle permanent du pouvoir
judiciaire. Augmenter le salaire et les avantages sociaux des juges afin de
réduire les penchants pour les pots-de-vin et tout autre forme
d'avantages que pourrait lui accorder un justiciable.
Toutes ces mesures demeurent infructueuses. Ceci dû au
fait que de nombreux dirigeants sont corrompus et empêchent chaque
initiative de prospérer. Les programmes entamés servent parfois
comme prétexte pour se débarrasser d'adversaires politiques.
259 Communication spéciale de M. Paul Biya,
Président de la République du Cameroun à l'occasion du
Conseil Ministériel du 12 septembre 2007.
260 J.F MEDARD, op cit. p. 60
261 Préface du Pr GLELE AHANHANZO Maurice dans R.
CHARVIN, L'investissement international et le droit au
développement, Paris, L'Harmattan, 2002, p.16
Page 98
SECTION II: Les facteurs
socio-économiques constituant un frein à l'effectivité des
investissements directs au Cameroun
La part des IDE du Cameroun a considérablement
diminué ces dernières années. Au 9 janvier 2018, le
directeur général du trésor français a
affirmé que depuis 2014, on dénote une régression dans le
stock des IDE au Cameroun. Ce dernier n'est que de 23% contre 289,5% en
République du Congo, 100,5% en Guinée équatoriale et enfin
56% au Tchad.
Nous aborderons le problème que revêt
l'insuffisance d'infrastructure (PARAGRAPHE 1), suivi de la limite que
constituent les faibles indicateurs économiques du Cameroun (PARAGRAPHE
2).
Paragraphe 1 : L'insuffisance d'infrastructures
La disponibilité des infrastructures promeut le
développement et l'attrait des IDE. Ceci en raison du fait que les
infrastructures réduisent les coûts de l'opération
d'investissement262. Outre l'attrait des IDE, des infrastructures de
qualités permettent d'accroitre la compétitivité des
entreprises locales. L'Etat camerounais conscient de cela a, dans sa
stratégie de développement accordé une place de choix dans
la construction et l'amélioration des infrastructures. Ceci afin
d'atteindre l'émergence en 2035263. Ces infrastructures
devant faciliter le développement industriel. Un auteur affirme que la
pression fiscale et le développement des infrastructures sont
reliés. En effet, un Etat pourrait compenser un manque ou des
infrastructures sous-développées par un faible taux de pression
fiscale264. Pourtant la pression fiscale en plus d'être
élevée, l'investisseur est soumis à de nombreux
impôts et taxes.
Nous pensons que l'une des raisons qui limite l'attrait des
IDE au Cameroun est le faible développement de ces infrastructures
pourtant tellement usitées par les investisseurs directs
étranger.
Ainsi dans les paragraphes suivant nous vous parlerons du
caractère dissuasif de la fiscalité au Cameroun (B), mais d'abord
nous évoquerons le manque/l'insuffisance d'infrastructure de
qualités (A) comme facteur dissuasif.
262 J. OGUNJIMI and B. AMUNE, Impact of infrastructure on
Foreign Direct Investment in Nigeria : An autoregressive distributed lag
approach, MPRA, 2017,
https://mpra.ub.uni-muenchen.de/75996/,
consulté le 23 novembre 2018 à 10 heures
263 Cet objectif figure en 4ème position
dans le document Cameroun Vision 2035. Comme suit : « Une économie
prospère et dotée d'infrastructures performantes ». Extrait
tiré du document de travail édicté par le Ministère
de l'économie, de la planification et de l'aménagement du
territoire, « Cameroun Vision 2035 », 2009, pp. 76, p. 6
264 Ibid p. 25
Page 99
A) L'absence ou l'insuffisance d'infrastructures de
qualité
Les infrastructures les plus usitées par les investisseurs
sont cependant les infrastructures de communication et de
télécommunication, les infrastructures de transport et enfin les
infrastructures d'accès à l'énergie265.
Il est essentiel que les infrastructures soient fiables et de
bonne qualité. Nous présenterons donc chacune de ces
infrastructures telles qu'on les retrouve au Cameroun.
1) L'insuffisance de l'accès à
l'énergie
Dans le document « Cameroun Vision 2035 », le
gouvernement camerounais ambitionne faire du Cameroun un pays
industrialisé à l'horizon 2035. Or, 9 ans après la mise
sur pied de ce document, les investissements industriels n'affluent pas. L'une
des raisons qui soutient cela est le manque d'énergie électrique.
L'accès à l'énergie électrique joue un rôle
majeur dans l'attractivité économique d'un pays. L'une des
raisons pour lesquelles elle fait partie des indicateurs retenus par la banque
mondiale dans son rapport « doing business ». D'après ce
classement, le Cameroun occupe le 121ème rang sur 190 pays. Il ressort
du rapport Global Competitiveness 2018 que le Cameroun est classé
122ème sur 140 pays en ce qui concerne l'accès
à l'électricité266.
En dépit de nombreux chantiers267 de
barrages hydroélectriques du Cameroun. Ses barrages bien
qu'opérationnels n'apportent pas le rendement requis en terme de
puissance électrique.
2) L'insuffisance des infrastructures de
transport
Par infrastructures de transport, nous entendons toutes celles
qui permettent la circulation des personnes et des marchandises. D'après
un auteur, les infrastructures sont directement liées aux IDE en Afrique
subsaharienne. Les IDE dans cette région sont axés sur les
ressources naturelles et nécessitent des infrastructures
adaptées268. On constate donc que les infrastructures de
transport sont essentielles pour les échanges communautaires et
extracommunautaires.
265 C. BELLAK et M. LEIBRECHT, Improving infrastructure or
lowering taxes to attract foreign direct investment?, Columbia FDI
Perspectives, N° 6, June 3, 2009.
266 Le Quotidien de l'économie n° 01631 du mercredi
24 octobre 2018.
267 Barrages de Mem'vele, Lom Pangar etc.
268 E. ASIEDU,On the determinants of Foreign direct
investments to Developing countries: Is Africa different?, World
development, 30(1), February 2002, p.107-119.
Page 100
Aussi bien sur l'étendue du territoire que
par-delà les frontières. Les infrastructures de transport
comprennent les routes, des ports, des aéroports, des chemins de fer. Il
est donc essentiel pour un investisseur qui, une fois qu'il a produit ses
marchandises puissent les distribuer/acheminer aisément vers le
marché qui leur est destiné. Le Cameroun, dans son document
Vision 2035, projette de faire passer à 30% son réseau routier
sur l'étendue du territoire. Or cela tarde à se faire. De plus,
le Cameroun ne compte que 03 aéroports internationaux qui ne sont pas
dans le meilleur des états en termes de fiabilité. Les
problèmes relevés par les administrateurs en Afrique Centrale
sont dues au mauvais état des infrastructures routières, la
qualité des services de transport. D'après le rapport Global
Competitiveness 2018, le Cameroun est classé
120ème en matière de qualité des routes,
121ème en terme d'aéroport, 109ème
en termes de connexion routière269.
L'accès aux chefs-lieux reste encore difficile dans
beaucoup de régions dont celle de l'Est. Or elle est la région
qui constitue le principal foyer de l'exploitation minière au Cameroun.
Outre le mauvais état des routes, son entretient n'est également
pas assuré. Ainsi, au Cameroun, 42% de routes bitumées, 16% de
routes en terre et 68% des routes rurales sont en très mauvais
état270.
De plus, du fait du mauvais état des routes, les
coûts de transport sont très élevés. D'importants
tronçons des neuf corridors routiers qui relient le Cameroun aux postes
frontaliers d'avec le Nigéria pour la plupart des routes de terres et de
gravier. Ces routes sont difficilement praticables en saison sèche et
davantage en saison pluvieuse271.
Cela s'ajoute au mauvais entretien des routes, et à
l'abondance des contrôles routier qui sont autant de facteurs qui
freinent les échanges et augmentent considérablement les
coûts de transport routier.
3) L'insuffisance des infrastructures de
télécommunication
Les infrastructures de télécommunication sont
importantes tant pour la croissance économique que pour les
marchés des produits de base ainsi que pour les produits des services
financiers internationaux. Cela a pour conséquence de développer
la fluidité de
269 Rang sur 140 pays.
270 I. NGOUHOUO, « Les investissements directs
étrangers en Afrique Centrale : Attractivité et effets
économiques », thèse de doctorat en sciences
économiques, Université du Sud Toulon-Var, 2008, p. 100
271 Rapport de la banque mondiale, Cameroun Mémorandum
Economique : Marchés, administration publique et croissance, 2016,
http://documents.banquemondiale.org/curated/fr/384011491285812386/pdf/110907-WP-Cameroun-Memorandum-Economique-PUBLIC-FRENCH.pdf,
consulté le 26 novembre 2018 à 11 : 40
Page 101
l'investissement étranger, la valeur positive des
exportations etc. C'est l'une des raisons qui a poussé les pays à
investir dans ce secteur272. Les infrastructures de
télécommunication contribuent à améliorer la
croissance économique en abaissant les coûts de
transaction273. Il ressort donc que les infrastructures de
télécommunication sont indispensables pour la croissance
économique et par ricochet l'attrait des investisseurs directs
étrangers. Cependant, d'après un rapport de la banque
mondiale274, « l'accès au téléphone
mobile et à la large bande est faible au Cameroun par rapport à
d'autres pays dépendants des ressources naturelles ayant un PIB par
habitant similaire. Les tarifs mensuels de location et d'appel pour la
téléphonie fixe sont plus élevés qu'en
Indonésie, Malaisie, en Côte d'Ivoire et au Nigéria
»275. Le monopole que la société CAMTEL
détient tant sur la fibre optique que sur les infrastructures terrestres
ne favorise pas la concurrence dans ce secteur.
A) Les insuffisances des administrations fiscales et
Douanières
Les mesures/incitations fiscales et douanières vont
souvent de pair. L'on peut le remarquer à la lecture des titres dans les
chartes des investissements Camerounaises (de 2004) et de la CEMAC (de 1999)
des investissements. Un certain nombre d'écueils peuvent être
observés dans l'environnement fiscal et douanier au Cameroun. Le premier
a être évoqué est l'administration fiscal (1), le second
est l'administration douanière (2).
1) L'administration fiscale un frein à l'essor
des IDE
De nombreuses incitations fiscales sont prévues dans la
législation camerounaise sur les investissements. L'Etat du Cameroun
ayant compris à quel point la fiscalité pouvait constituer un
réel facteur d'attractivité. Cependant, les textes bien
qu'étant bien rédigés, ne traduisent pas la volonté
ou la pratique. En effet, l'octroi de certains avantages fiscaux est arbitraire
et opaque. Il ne se fait qu'à la discrétion de l'administration
fiscale. Sur un échantillon de 539 entreprises, seul 7,3% ont
bénéficié d'incitations fiscales en 2012276.
272 K. ZAHRA, P. AZIM et A. MAHMOOD, «
Telecommunication infrastructure development and economic growth : A panel
data approach », The Pakistan development review, n° 47, winter
2008, p. 711-726,
www.researchgate.net,
consulté le 22 novembre 2018 à 08 heures 20.
273 Par exemple en abaissant les coûts d'accès aux
services financiers.
274
https://www.digitalbusiness.africa/cameroun-banque-mondiale-fustige-monopole-de-camtel-de-bollore/
275 Rapport de la banque mondiale, Cameroun Mémorandum
Economique : Marchés, administration publique et croissance, 2016, Op
cit.
276 Rapport Cameroun memorandum économique Op cit. p.
Page 102
Le paiement des impôts constitue un frein notable
à l'essor des IDE au Cameroun. D'après le rapport « doing
business »277, le Cameroun occupe le 183ème
rang sur 190 pays en matière. Soit l'un des pires au monde. Non
seulement le nombre de taxe à payer est considérable (44), le
temps pour s'acquitter de cette tâche est relativement
élevé (624 heures par an). Le taux d'impôt sur les profits
est également élevé comparé à d'autres pays
d'Afrique subsaharienne278 au même niveau de
développement.
2) Les lacunes de l'administration
douanière
Outre l'administration fiscale, l'administration
douanière pose également problème dans les transactions
commerciales. D'après le rapport « doing business », le
Cameroun est classé 186ème sur 190 pays en
matière de commerce frontalier. Soit l'un des pires du classement. L'une
des raisons qui sous-tend cela est l'abondance des postes de contrôle
routier. Le dédouanement portuaire est également un obstacle
majeur pour le climat des affaires. Il faut compter une vingtaine de jours en
moyenne pour le dédouanement de produits importés au port de
Douala. Le fret met plus de temps pour quitter le port de Douala qu'il ne met
pour traverser l'océan279. Dans d'autre pays au même
niveau de développement que le Cameroun, le délai est beaucoup
plus court. Il s'agit de 11 jours pour le port de Mombasa, 12 pour celui de Dar
es Salam, et 4 jours pour celui de Durban. Rajouter à cela le coût
des opérations qui est sensiblement élevé. D'après
le rapport « doing business » de 2018, il faut compter en moyenne
1289 dollars US par conteneur à l'exportation, et 2256 dollars US
à l'importation. Ajouter à cela les pots de vins à verser
aux fonctionnaires des douanes pour voir ses produits acheminés dans un
délai plus court280. L'on se rend donc compte que le
coût des procédures est relativement élevé en
matière de commerce transfrontalier au Cameroun. En guise de
comparaison, en Côte d'Ivoire, il faut débourser en moyenne 523
dollar US pour l'exportation d'un conteneur et 723 dollar US pour
l'importation. Au Ghana il faut compter en moyenne 645 dollar US à
l'exportation et 1027 dollar US à l'importation.
L'on se rend donc compte que la pratique du commerce
transfrontalier au Cameroun est particulièrement élevée et
nuit à l'attractivité de potentiels investisseurs opérants
dans ce secteur.
277 Rapport Doing business 2018
278 Au Cameroun, le taux d'impôt sur les profits est de
38.9%, au 8,8 en Côte d'Ivoire, 18.5 au Ghana, 30.1 au Kenya, 10.4 en Ile
Maurice 25.7 au Rwanda et enfin 16.2 au Sénégal. - DIFFO (J),
Op cit. p. 98
279 Selon le rapport « Cameroun Memorandum Economique
», le délai moyen pour la traverser de l'océan par un navire
est de 19 jours.
280 La douane camerounaise qui au demeurant est
l'administration la plus corrompu au Cameroun. Constat dégagé du
rapport 2017 produit par la Commission Nationale Anti-Corruption (CONAC).
Page 103
Paragraphe 2 : les limites liées aux indicateurs
économiques.
Dans ce paragraphe, nous aborderons d'autres pesanteurs qui
tiennent à l'accès à la propriété
foncière (A), et au problème que pose l'implication active de
l'Etat dans l'économie camerounaise (B).
A) L'accès à la propriété
foncière
La sécurisation foncière est essentielle pour
tout investisseur direct étranger désireux de s'implanter dans un
pays hôte. L'accès à la propriété
foncière est difficile au Cameroun (1). Nous proposons toutefois des
solutions pour surmonter cet état de chose (2).
1) Difficulté d'accès à la
propriété foncière
D'après le classement Global Competitiveness,
l'administration camerounaise est classé 113ème sur
140 pays281. Pour ce qui est du rapport « doing business
», le Cameroun occupe le 176ème rang sur 190 pays
évalués dans le domaine du transfert de
propriété282. Le foncier est un facteur essentiel en
ce qui concerne l'implantation d'un investisseur. Qu'il soit local ou
étranger. Au Cameroun, son accès demeure toujours contraignant en
dépit des réformes entreprises par les pouvoirs publics. Pour
acquérir une parcelle de terrain au Cameroun, il faut compter en moyenne
86 jours et débourser environ 19% de la valeur du bien.
Les services au sein de l'administration foncière ne
sont pas informatisés. Ce qui fait que l'accès aux informations
reste difficile et anarchique. Outre l'acquisition, la sécurisation des
biens fonciers est également un sérieux challenge pour l'Etat
Camerounais.
2) Quelques Recommandations
Compte tenu de l'importance que l'accès au foncier
revêt, il serait bon pour le gouvernement de réformer ce secteur.
Notamment sa législation d'abord, son administration ensuite. En ce qui
concerne le temps moyen requis pour l'acquisition foncière, l'Etat
pourrait le réduire à 30 jours maximum. Il pourrait
réduire le taux d'enregistrement du contrat de vente de 15% à 5%
de la valeur du bien foncier. Réduire le taux de transfert
définitif de la propriété
281 Le Quotidien de l'économie n°01628 du vendredi 19
septembre 2018
282 Ce domaine du rapport « doing business » prend
en compte le nombre de procédures, le temps et les coûts
nécessaires pour acheter ou transférer un titre de
propriété, et la qualité de l'administration
foncière. J. DIFFO TCHUNKAM, Op cit. p. 75
Page 104
de 2% à 1% de la valeur du bien. Et enfin
améliorer la transparence de l'administration
foncière283.
B) L'implication active de l'Etat camerounais : un
frein à la compétitivité de l'économie
Les monopoles qu'exercent certaines sociétés
sont de nature à restreindre la concurrence dans certaines
activités. Il en est ainsi des services de transport ferroviaires qui
jouissent d'un monopole et de ce fait empêchent la concurrence. De plus,
le Cameroun restreint encore les prises de participation
étrangères au capital social dans certains secteurs de
l'économie. En l'occurrence l'exploitation minière, le transport
et la distribution d'énergie. Cela nuit fortement à
l'entrée de nouveaux investisseurs.
Les entreprises publiques rendent compte à plusieurs
institutions avec peu de clarté quant aux objectifs de performances et
aux réalisations284. Les rapports produits par le
ministère des finances ne sont pas accessibles au grand public. La
commission mise sur pied par ledit ministère pour assurer cette fonction
ne possède pas d'indicateurs standards pour contrôler la
performance des entreprises.
Les modalités de fixations des prix ne sont pas claires
et les contrôles sont redondants. Les investisseurs ne connaissent pas
les modes de calcul. D'après le rapport de la banque mondiale, le
Cameroun applique l'un des taux tarifaires les plus élevés au
monde. De même que ces barrières commerciales non tarifaires qui
sont parmi les plus élevés au monde.
La rigidité du taux de change est préjudiciable
aux acteurs du secteur manufacturier qui ont besoins d'importer. Les prix au
Cameroun font partie des plus élevés dans le monde. Or, un Etat
favorable à la concurrence multiplie les perspectives de croissance et
améliore la compétitivité au sein d'un pays.
283Ibid p. 123
284 Rapport Cameroun Memorandum Economique.
Page 105
CONCLUSION DU CHAPITRE II
L'investisseur direct étranger accorde
énormément d'importance aux facteurs non-juridiques en
l'occurrence le cadre politique et socioéconomique du pays hôte de
l'investissement. Au-delà d'un arsenal juridique incitatif pour les
investissements directs étrangers, le gouvernement camerounais devrait
également améliorer les autres déterminants des
investissements directs étrangers. En l'occurrence la bonne gouvernance,
se prémunir contre les troubles civils de toutes sorte, réduire
la corruption dans le secteur public en s'attaquant à ses causes d'abord
avant de réprimer les auteurs. Sur le plan socio-économique, il
est essentiel d'améliorer les infrastructures déjà
existantes. Elles sont également l'un des critères pertinents de
l'attractivité d'un pays. Assainir la pratique au sein des
administrations fiscales et douanières est également
nécessaire. Pour réduire les coûts et la durée des
opérations du commerce transfrontalier par la même occasion,
faciliter les échanges pour les acteurs du commerce extérieur.
Page 106
CONCLUSION DE LA DEUXIEME PARTIE
Parvenu au terme de cette deuxième partie, force est de
constater que l'effectivité du droit des d'investissements directs
étrangers au Cameroun est limitée. En raison d'un manque de
sécurité juridique et judiciaire à certains égards.
L'investisseur cocontractant de la personne publique peut se voir opposer
l'immunité d'exécution des personnes morales de droit public. Le
législateur OHADA n'a fourni à ce jour aucune dérogation
suffisamment contraignante pour y remédier. L'investisseur direct
étranger ne dispose d'aucun moyen pour contraindre l'Etat qui invoque
cette disposition. Outre les pesanteurs d'ordre juridiques, il y ait des
facteurs non-juridiques qui restreignent fortement l'attractivité du
territoire camerounais. Les études empiriques ont démontré
que les investisseurs accordent plus d'importance au cadre institutionnel de
l'Etat d'accueil, ainsi que le niveau de développement des
infrastructures et enfin le degré de corruption. Ceci parce que ces
facteurs influent directement sur le montant du capital investi et rendent
incertain le retour sur investissement.
Page 107
CONCLUSION GENERALE
Parvenu au terme de notre étude qui traitait de
l'effectivité du droit des investissements directs étrangers au
Cameroun, nous notons que le droit des IDE est concret dans sa dimension
réelle et applicable. Cependant son degré d'application nous
laisse perplexe. C'est pourquoi nous nous sommes interrogés sur sa
possibilité d'atteindre les objectifs de développements telles
qu'élaboré et conçu par le législateur. Raison pour
laquelle nous avons recherché quel est le degré
d'effectivité du droit des investissements directs étrangers au
Cameroun.
La notion d'effectivité ayant une double acception, en
l'occurrence réalité et effet, nous avons présenté
en première partie le cadre juridique des IDE au Cameroun. Il ressort de
cette analyse que les IDE sont régis tant par des principes voire
dispositions générales régissant les activités
économiques au Cameroun que par des dispositions spécifiques.
L'investisseur direct étranger désireux de s'implanter au
Cameroun jouit d'un choix étendu d'incitations sur le plan juridique et
fiscal prévues par le législateur camerounais. Le
législateur camerounais a également créé des
institutions chargées de faciliter l'implantation des investisseurs
directs étrangers. De plus, ces institutions assure le suivie de leurs
opérations durant les années d'exploitations de leur
opération.
Cependant, au fil des recherches que nous avons menées,
l'on se rend compte que l'effectivité du droit des IDE est fortement
altérée par certains facteurs. Il s'agit premièrement de
la sécurité juridique et judiciaire qui, n'est pas toujours
garantie. En effet il y ait des lacunes dans les dispositions de l'OHADA qui
sont de nature entravé les activités des investisseurs.
La sécurité judiciaire revêt de nombreuses
lacunes telles que l'absence de libre circulation des arrêts et jugements
dans les pays membres de l'espace OHADA, de plus le législateur OHADA
n'a pas unifié les procédures d'exécutions de ces
dernières.
Sur le plan pratique, l'investisseur direct étranger se
heurte à un certain nombre d'obstacles des obstacles en ce qui concerne
l'exécution des décisions de justice. Il s'agit de
l'immunité d'exécution des personnes morales de droit public et
des obstacles liés à l'exécution des sentences arbitrales.
Toutes ces considérations sont de natures à empêcher le
recouvrement de créances par l'investisseur même muni d'une
décision de justice. L'exerce paisible de ses activité
économiques.
L'effectivité du droit des IDE est également
influencer par des considérations non-juridiques. Tel le risque
politique et le risque socioéconomique. Les troubles civils auxquels le
Cameroun fait face dans certaines parties de son territoire constituent une
entrave pour la pratique des
Page 108
affaires. Il en est de même de la corruption qui
gangrène les institutions publiques, du manque d'infrastructure et enfin
du difficile accès au foncier. Toutes ces considérations sont de
nature à augmenter les coûts d'investissements par
conséquent, limitent fortement l'investisseur direct étranger
dans sa décision de s'implanter au Cameroun.
En guise de solutions, le législateur et les pouvoirs
publics camerounais doivent travailler main dans la main. Afin de proposer des
réformes qui conviennent à l'environnement camerounais. Et non
plus d'importer aveuglement ce qui passe sous d'autres cieux. L'Etat devrait
atténuer l'immunité d'exécution sur certains de ses biens.
Notamment sur les biens affectés à une activité
commerciale. Il peut à cet effet s'inspirer de la pratique
française dans la matière. Enfin, afin d'atteindre un plus haut
degré d'effectivité des normes juridiques encadrant les IDE, il
serait essentiel d'adopter des réformes devant permettre le
développement d'infrastructures. Doté les institutions de lutte
contre la corruption de prérogatives leur permettant de sanctionner les
actes une fois qu'elles les auraient constaté. Et enfin améliorer
les infrastructures de communication, télécommunication et enfin
l'accès à l'énergie. Toutes ces mesures ajoutées au
cadre juridique incitatif rendront les objectifs de développement plus
réalistes et réalisable selon les prévisions de l'Etat.
Page 109
LEGISLATION
A- Conventions internationales
Convention de New York du 1958 pour la reconnaissance et
l'exécution des sentences arbitrales étrangères
Convention de Washington du 18 mars 1965 instituant le CIRDI
Convention de Séoul du 11 octobre 1985 instituant
l'Agence Multilatérale de Garantie des Investissements
B- Textes communautaires
Acte uniforme OHADA relatif au droit commercial
général révisé de 2008
Acte uniforme OHADA relatif au droit de l'arbitrage
révisé de 2017 Acte uniforme OHADA relatif au droit des
suretés révisé de 2010
Acte uniforme OHADA relatif au droit des sociétés
commerciales et du groupement d'intérêt économique
révisé de 2014
Acte uniforme OHADA relatif au droit des procédures
collectives d'apurement du passif
Acte uniforme OHADA au droit des procédures
simplifiées de recouvrement et de voies d'exécutions
Traité OHADA révisé du 17 Octobre 2008
C- Textes nationaux
Loi n°64/LF/64 du 16 avril 1964 portant code de
l'investissement au Cameroun. Loi n°84/002 du 4 juillet 1984 portant code
des investissements au Cameroun Loi n°96-06 du 18 janvier 1996 portant
révision de la constitution du 02 juin 1972. Loi n°99-013 du 22
décembre 1999 portant code pétrolier du Cameroun
Loi n°2002-004 du 19 avril 2002 portant charte des
investissements au Cameroun
Loi no 2003/009 du 10 juillet 2003 désignant
les juridictions compétentes visées à l'Acte Uniforme
relatif au droit de l'Arbitrage et fixant leur modalité de saisine
Page 110
Loi n°2007/001 du 19 avril 2007 instituant le juge du
contentieux du contentieux de l'exécution au Cameroun
Loi n°2012/909 du 2 avril 2012 portant code gazier
Loi n°2013/004 du 18 avril 2013 fixant les incitations
aux investissements privé en République du Cameroun
Loi n°2016/017 du 14 décembre 2016 portant code
minier
Loi n°2017/010 du 12 juillet 2017 portant statut
général des établissements publics Loi n°2017/009 du
12 juillet 2017 portant statut général des entreprises
publiques
Ordonnance n°90/001 du 29 janvier 1990 créant le
régime de la zone franche industrielle au Cameroun
Ordonnance n°90/007 du 08 novembre 1990 portant code des
investissements du Cameroun.
Décret n°2008/035 portant organisation et
fonctionnement du Conseil d'Appui à la Réalisation des Contrats
de Partenariats
Décret n°2001/048 du 23 février 2001
portant création de l'Agence de Régulation des Marchés
Publics. Modifié et complété par le décret
n°2012/074 du 8 mars 2012
Décret n°2006/088 du 11 mars 2006 portant
création, organisation et fonctionnement de la commission nationale
anti-corruption
Décret n°2005/187 du 31 mai 2005 portant
organisation et fonctionnement de l'Agence Nationale d'Investigation
Financière.
Arrêté n°366 du 19 novembre 2013
précisant les modalités de mise en oeuvre des avantages fiscaux
et douaniers de la loi n°2013/004 fixant les incitations aux
investissements privé en République du Cameroun.
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CCJA, arrêt n°043/2005, 07 juillet 2005,
Azablévi Yovo c/ Société Togo Télécom
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Page 118
TABLE DES MATIERES
AVERTISSEMENT i
DEDICACE ii
REMERCIEMENTS iii
ACRONYMES ET ABREVIATIONS iv
RESUME vi
ABSTRACT vii
SOMMAIRE viii
INTRODUCTION GENERALE 1
PREMIERE PARTIE : L'EXPRESSION DE L'EFFECTIVITE DU DROIT
DES INVESTISSEMENTS
DIRECTS ETRANGERS AU CAMEROUN 9
CHAPITRE I : LA MISE EN OEUVRE DES PRINCIPES JURIDIQUE
ENCADRANT LES
INVESTISSEMENTS DIRECTS ETRANGERS AU CAMEROUN
12
Section I : Les principes de consécration
nationale 12
Paragraphe 1: le principe de la liberté du commerce et de
l'industrie 12
A) La consécration du principe 13
1) Le libre exercice de l'activité commerciale au
Cameroun 13
2) La liberté d'investissement 14
B) Limites à la liberté de commerce et d'industrie
14
1) Tempéraments liés à l'investisseur
14
2) Tempéraments liés à la nature de
l'activité commerciale 15
Paragraphe 2: le principe de la libre concurrence 16
A) La consécration du principe de la libre concurrence en
droit camerounais 17
B) Les limites à la libre concurrence : La lutte contre
les pratiques anticoncurrentielles 17
1) Les pratiques anticoncurrentielles réprimées
par la législation. 17
2) Les sanctions des pratiques anticoncurrentielles illicites
20
3) Le rôle du juge dans la prévention des pratiques
anticoncurrentielles 20
Section II: Les principes de consécration
communautaire 21
Paragraphe 1: la création d'un marché commun 22
A) La liberté de circulation des facteurs de production
22
B) L'adoption d'un tarif extérieur commun 23
Paragraphe 2: l'uniformisation du droit des affaires par la
consécration du droit OHADA 24
A) La sécurité juridique des investissements
directs étrangers assurée par les issues de l'OHADA 24
1) Les actes uniformes OHADA : Normes attractives pour les
investissements au Cameroun 25
2) L'attractivité des règles de procédure
des actes uniformes OHADA 26
B) La CCJA : garante de la sécurité judiciaire des
investissements dans l'espace OHADA 28
1)
Page 119
Fonction consultative de la CCJA 28
2) La fonction contentieuse de la CCJA 29
CONCLUSION DU CHAPITRE I 32
CHAPITRE II : LA MISE EN OEUVRE DES MESURES LEGALES DE
PROMOTION DES
INVESTISSEMENTS DIRECTS ETRANGERS AU CAMEROUN
33
Section I: Les mesures d'ordre matériel
33
Paragraphe 1: les incitations fiscales et douanières
contenues dans la loi de 2013 33
A) Les incitations communes 34
1) Les incitations accordées aux entreprises nouvelles
34
2) Les avantages accordés aux entreprises existantes.
37
B) Les incitations spécifiques 38
1) Réalisation d'activités spécifiques
38
2) Développement de secteurs prioritaires et
administrations fiscales 40
Paragraphe 2: les incitations financières 42
A) La garantie du libre transfert de capitaux 42
1) Le contenu de la garantie 43
2) La convertibilité de la monnaie 44
B) Les dérogations à la liberté de transfert
de capitaux 44
1) Dérogations en raison des intérêts de
personnes privées 44
2) Dérogations liées au bénéfice de
l'Etat 44
Section II: Les mesures d'ordre institutionnelles
45
Paragraphe 1: les institutions d'accompagnement en phase
d'installation / implantation de l'investisseur
45
A) Les institutions de droit commun 46
1) L'Agence de Promotion des investissements (API) 46
2) Le Centre de Formation et de Création des entreprises
47
B) Les institutions encadrant un régime spécial
d'investissement 48
1) L'ONZFI (Office National des Zones Franches Industrielles)
48
2) Le Conseil d'Appui à la Réalisation des
Contrats de Partenariats (CARPA) 49
Paragraphe 2: les institutions interviennent en phase
d'exploitation de l'investissement 50
A) Les principales organisations intervenant dans la vie de
l'investissement 50
1) Le Groupement Inter-patronale du Cameroun (GICAM) 51
2) Le Cameroon Business Forum (CBF) 51
A) Les autres institutions qui interviennent durant
l'exploitation des investissements 53
1) Le Guichet unique du commerce extérieur (GUCE) 53
2) Le comité de contrôle de l'effectivité
des investissements 53
CONCLUSION DU CHAPITRE II 55
CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE 56
Page 120
DEUXIEME PARTIE : LES PESANTEURS A L'EFFECTIVITE DU DROIT
DES INVESTISSEMENTS
DIRECTS ETRANGERS AU CAMEROUN 57
CHAPITRE I : LES PESANTEURS D'ORDRE JURIDIQUE
60
Section I : Les pesanteurs liées à la
sécurité juridique prévue dans les actes uniformes OHADA
60
Paragraphe 1: les lacunes techniques des actes uniformes OHADA
60
A) L'exposé des lacunes techniques contenues dans les
actes uniformes OHADA 61
1) L'implantation de l'entreprise 61
2) L'exploitation de l'entreprise 62
3) La fin de l'entreprise 64
1) Amélioration des indicateurs du « doing Business
» 65
2) Spécialisation des magistrats et vulgarisation du
droit OHADA 66
Paragraphe 2: L'insécurité judiciaire dans l'espace
OHADA 66
A) L'absence de la libre circulation des décisions de
justices au sein des Etats-membres 67
B) L'absence de coopération entre les juridictions
nationales des Etats-parties au traité OHADA 68
C) Propositions pour l'instauration d'une libre circulation des
décisions de justice 69
1) L'instauration d'une coopération des juridictions
nationales des Etats parties 69
2) L'instauration d'une libre circulation des titres
exécutoires 71
Section II: Les pesanteurs liées à la
difficulté d'exécution des décisions de justice
72
Paragraphe 1: L'immunité d'exécution des personnes
morales de droit public 73
A) Le principe de l'immunité d'exécution des
personnes morales de droit public 73
1) Bénéficiaires de l'immunité
d'exécution 73
2) L'insaisissabilité des biens 76
B) Les dérogations à l'immunité
d'exécution 76
1) La compensation : Une technique empruntée au droit
civil 76
2) La renonciation à l'immunité d'exécution
: solution du droit international 77
Paragraphe 2: Les obstacles à l'exécution des
sentences arbitrales 79
A) Les limites textuelles de la procédure d'exequatur
80
1) Les limites de l'exéquatur des sentences rendues sous
l'égide de l'arbitrage OHADA 80
2) Les limites de la procédure d'exequatur des sentences
rendues sous l'égide du CIRDI 81
B) Les difficultés pratiques d'exécution des
sentences arbitrales étrangères. 82
2) Les suites de la procédure d'exequatur :
l'exécution en elle-même 84
CONCLUSION DU CHAPITRE I 86
CHAPITRE II : LES PESANTEURS NON-JURIDIQUES
87
Section I : Le risque politique non-maitrisé
87
Paragraphe 1: l'incidence des troubles civils sur
l'attractivité des investisseurs directs étrangers 88
A) Présentation de la situation sécuritaire dans
la zone anglophone du Cameroun 89
B) Les conséquences économiques importantes 89
C) Esquisse de proposition de quelques solutions 91
Paragraphe 2 : La corruption endémique au sein de
l'administration camerounaise 91
Page 121
A) La prééminence de la corruption dans
l'environnement économique camerounais 92
1) Les types de corruption au Cameroun 92
2) Les causes de la corruption 94
B) Les mesures de lutte contre la corruption 95
1) Les institutions de lutte contre la corruption 95
2) Les limites : la persistance de la corruption dans
l'environnement économique au Cameroun 97
SECTION II: Les facteurs socio-économiques
constituant un frein à l'effectivité des investissements
directs au Cameroun 98
Paragraphe 1 : L'insuffisance d'infrastructures 98
A) L'absence ou l'insuffisance d'infrastructures de
qualité 99
1) L'insuffisance de l'accès à l'énergie
99
2) L'insuffisance des infrastructures de transport 99
3) L'insuffisance des infrastructures de
télécommunication 100
A) Les insuffisances des administrations fiscales et
Douanières 101
1) L'administration fiscale un frein à l'essor des IDE
101
2) Les lacunes de l'administration douanière 102
Paragraphe 2 : les limites liées aux indicateurs
économiques. 103
A) L'accès à la propriété
foncière 103
1) Difficulté d'accès à la
propriété foncière 103
2) Quelques Recommandations 103
B) L'implication active de l'Etat camerounais : un frein à
la compétitivité de l'économie 104
CONCLUSION DU CHAPITRE II 105
CONCLUSION DE LA DEUXIEME PARTIE 106
CONCLUSION GENERALE 107
LEGISLATION 109
BIBLIOGRAPHIE : 111
TABLE DES MATIERES 118
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