Chapitre II : Les interactions habitants et quartiers
prioritaires
Ce chapitre, présente les relations qui existent entre
les habitants des QPV de l'agglomération mancelle et leur quartier,
à partir des données issues de l'enquête
présentées dans le chapitre précèdent. Il ressort
la représentation que les habitants ont de leur milieu de vie ainsi que
les perceptions qu'ils ont du cadre, de la sécurité, de la
propreté. Ce chapitre nous présente aussi les forces du quartier
entre autre la sociabilité et l'attachement ainsi que les usages du
quartier.
I. Les facteurs de l'appréciation du
quartier
L'appréciation du quartier découle de plusieurs
facteurs entre autres : la présence des équipements de
proximité et de nombreux services, la tranquillité, la
sécurité, la propreté, les bonnes relations avec le
voisinage, des logements décents, les aménités du quartier
(bois, parc, les offres de loisirs et animation, l'accessibilité etc).
Tous ces facteurs constituent des éléments importants que
prennent en compte les habitants et sont déterminants pour leur
épanouissement et leur bien - être. Selon Pan Ke Shon (2005),
« l'appréciation du quartier peut aussi découler d'une
aisance matérielle qui favoriserait un état d'esprit propice
à l'environnement dans laquelle la personne est plongée ».
Ainsi les avantages procurés par le quartier, constituent des
éléments d'appréciation et de satisfaction globale. Il en
découle alors des sentiments positifs.
Les quartiers dans lesquels nous avions effectué nos
enquêtes offrent - ils des conditions pour l'épanouissement des
habitants ?
A. Le quartier : un cadre de vie bien
apprécié 1. Des quartiers prioritaires « sûrs et
propres »
En réponse à la question, « Je
trouve que mon quartier est : pas du tout propre, pas très propre,
plutôt propre, très propre », 60 % des
répondants trouvent de façon générale que leur
quartier est « plutôt propre ou très propre ».
L'enquête auprès des collégiens
révèle que 62 % des élèves rencontrés
trouvent leur quartier « plutôt propre ou très propre ».
Celle réalisée auprès des 15 - 25 ans et des 26 ans et
plus, montre respectivement que près de 65 % et 56 % des
répondants apprécient l'état de propreté de leur
lieu d'habitation.
36
Néanmoins, il faut préciser que la question de
la propreté du quartier est différemment appréciée
par les 26 ans et plus. En effet, le pourcentage de perception positive sur la
propreté des interrogés de cette catégorie est
inférieur à celui du général. Cela suppose que les
plus âgés sont beaucoup plus stricts en matière de
propreté de leur quartier et font attention aux détails par
exemple les crottes de chiens sur les trottoirs, les déchets
déposés à côté de poubelles enterrées,
les encombrants qui jonchent les trottoirs etc.
« Je trouve mon quartier plutôt propre, sauf
les aires de jeux et à proximité des poubelles. Les
déchets sont laissés juste à côté
».
Femme, 38 ans, à la recherche d'un emploi,
célibataire, questionnaire 1er trimestre
2019
Graphique 4 : Propreté des quartiers
Je trouve que mon quartier est
70,00%
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60,37%
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60,00%
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50,00%
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40,00%
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31,60%
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30,00%
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20,00%
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10,00%
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8,03%
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0,00%
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Propre/Très propre Pas propre Pas du tout propre
|
Source : Enquêtes de terrain, H. ADEBO,
2019
En ce qui concerne la sécurité, les sentiments
sont peu marqués et les répondants manifestent peu
d'inquiétudes sur les problèmes d'insécurité. En
effet, à la lecture des réponses apportées à la
question « Je me sens en sécurité dans le quartier :
pas du tout d'accord, pas d'accord, d'accord, complètement d'accord
», en général, près 73 % des
37
enquêtés se sentent en sécurité
dans leur quartier (77 % des collégiens, 69 % des 26 ans et plus et 72 %
des 15 -25 ans).
En analysant les résultats issus de cette question sur
le sentiment de sécurité, nous remarquons globalement que le
sentiment vis-à-vis du quartier semble plutôt positif. Aussi que
ce soit sur le plan de la propreté, de la sécurité, les
avis sont favorables. Cela va dans le sens de la stigmatisation dont se sentent
souvent victimes les habitants des quartiers prioritaires, et surtout les
discours qui se construisent sur ces quartiers (vus de l'extérieur comme
des quartiers « dangereux », « sales », présence de
groupes sociaux particuliers etc.) et surtout sur la façon «
aveugle » dont ces quartiers sont dénigrés de
l'extérieur et dans les médias comme le rappelle en effet,
Patrick Kanner, ancien ministre de la Ville, de la Jeunesse et des Sports dans
un courrier adressé le 28 décembre 2015 aux
Vice-présidents du conseil national des villes dans lequel il estimait
que « trop souvent les quartiers prioritaires sont présentés
dans les médias de manière négative et
stéréotypée, ce dont les élus et les habitants se
plaignent régulièrement à juste titre. Les nombreuses
réussites et avancées sont en effet rarement relayées. Il
conviendrait donc de proposer des pistes concrètes permettant de
valoriser les quartiers, leurs potentialités et la population qui y vit.
(....) »
Graphique 6 : Sentiment de sécurité dans
les quartiers
![](Les-interactions-habitants-et-quartiers-politique-de-la-ville-de-lagglomeration-mancelle14.png)
Source : Enquêtes de terrain, H. ADEBO,
2019
38
Ces sentiments positifs se traduisent dans les propos
recueillis de quelques habitants lors des entretiens ou sur les relevés
de questionnaire.
« Je me sens en sécurité dans le
quartier. C'est partout pareil. Le problème d'insécurité
est général. Je suis ma propre sécurité.
J'évite de trainer dehors ».
Femme, 50 ans, mariée et mère de 2 enfants,
Relevé d'entretien du 06 Février 2019 « Je me sens
très en sécurité. C'est vachement calme comparé
à là où j'avais habité en Îles de France
(....). Il y a des quartiers où c'est chaud mais ici c'est calme. Je
dirai même très calme ».
Homme, 31 ans, sans emploi, 2 enfants, Relevé d'entretien
du 29 décembre 2018
Néanmoins, 27 % des personnes interrogées
estiment ne pas se sentir en sécurité dans leur quartier.
Plusieurs d'entre elles ont déjà renoncé à sortir
de chez elles à certaines heures du soir pour des raisons de
sécurité. Ces personnes choisissent les heures auxquelles elles
sortent et renoncent à emprunter certaines rues ou de fréquenter
certains lieux du quartier. Elles adaptent leur déplacement et
évitent les lieux de regroupement des jeunes.
« Je me sens pas du tout en sécurité.
Je ne sors pas le soir car j'ai toujours peur d'être agressée.
Avec mon âge, je ne peux pas me défendre. Je ne me promène
plus le soir parce qu'il y a des jeunes en bas des immeubles, tu ne sais pas
trop ce qu'ils font ».
Femme, 66 ans, mariée et mère de 2 enfants,
Relevé d'entretien du 06 février 2019
D'autres, n'hésitent pas s'enfermer chez eux de peur
d'être agressées ou de se faire
voler.
« Je passe beaucoup plus de temps enfermé chez
moi. Je sors rarement et que pour faire des courses et voir mon médecin.
Le reste du temps, je le passe dans mon canapé car les temps ont
changé. Les jeunes n'ont plus le respect des anciens. L'alcool, les
drogues fortes les excitent et ils ne contrôlent plus rien. La peur
d'être agressé est quotidienne. »
Homme, 74 ans, Retraité, père de 4 enfants,
Relevé d'entretien du 15 Janvier 2019 Ces personnes ont donc peu de
mobilité et restent isolées. Cela entraine un repli sur soi, un
mal-être et des envies d'ailleurs pour ces individus.
39
2. Un niveau de délinquance perçu peu
marqué
Dans son rapport 2018, l'Observatoire national de la Politique
de la ville met en évidence une délinquance spécifique aux
quartiers prioritaires, notamment les infractions liées aux
stupéfiants, et un sentiment d'insécurité croissant.
Sur la question du sentiment de délinquance
perçu (Question : Le niveau de délinquance dans le
quartier est : bas, très bas, élevé, très
élevé), 48,3 % des personnes questionnées,
perçoivent le niveau de délinquance « bas », 9,2 % le
jugent « très bas». Pour 31,60 % des individus
sollicités pour cette enquête, le niveau de délinquance est
« élevé » alors que 11,07 % pensent qu'il est «
très élevé ».
Au total, 57 % des questionnés perçoivent le
niveau « bas ou très bas » contre 42 % des habitants
questionnés qui l'estiment « élevé/très
élevé ».
Graphique 7 : Le niveau de délinquance
perçu
Niveau de délinquance perçu
60,00%
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50,00%
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48,20%
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40,00%
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31,60%
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30,00%
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20,00%
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9,13%
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11,07%
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10,00%
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|
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|
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0,00%
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Bas Très bas
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Elevé Très élévé
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Source : Enquêtes de terrain, H. ADEBO,
2019
Si les habitants de ces quartiers prioritaires sont plus
souvent témoins de trafics et de consommation exagérée
d'alcool, nous avons constaté une certaine banalisation de la question
de sécurité. Les gens se sentent en sécurité dans
leur quartier mais tout ce qui se passe autour d'eux comme les regroupements
des jeunes, les faits de petite délinquance, les
40
descentes de police etc, attirent leur attention mais
puisqu'ils ne sont pas directement impliqués, concernés ou
touchés alors ce n'est plus leur problème.
« C'est vrai qu'il y a des problèmes de deal,
de squat, de regroupements des jeunes, de descente de police. Mais cela n'a
jamais été une menace pour ma famille et moi. Les jeunes si tu ne
les provoques pas, ils ne te provoqueront pas »
Femme, 36 ans, Caissière, mariée et mère de
2 enfants, Relevé d'entretien du 18 Janvier 2019 « Ce n'est pas
un quartier très calme. Il y a beaucoup de trafic de drogues. Les jeunes
zonent tout le temps. Ils ont envahi les caves des immeubles. C'est le
problème. Je ne me sens pas spécialement en
insécurité parce que je n'ai jamais été victime
d'agression ».
Homme, 47 ans, Salarié, marié et père deux
enfants, Relevé d'entretien du 18 janvier 2019
Même si les opinions sont nuancées sur le niveau
de délinquance dans les quartiers, (57 % contre 43 %), les opinions
restent positives quand la sécurité et la propreté sur
l'ensemble des quartiers. Néanmoins, la perception des répondants
sur le quartier des Sablons - Bords - de - l'Huisne sur ces questions est plus
mitigée que sur les autres quartiers.
3. Des logements relativement en « moyen et bon
état »
L'Observatoire national de la Politique de la ville du CGET
s'est penché sur les conditions de logement dans les quartiers
prioritaires dans sa dernière étude, parue le 26 octobre 2018.
Selon les résultats publiés par CGET, trois quarts des
ménages sont locataires du parc social sur ces territoires urbains. En
effet, 74 % des ménages habitent dans le parc social dans des logements
souvent collectifs, et seulement 12 % sont propriétaires de leur
logement. Dans cette étude de la CGET, il ressort dans les deux cas, que
les habitants connaissent un surpeuplement plus fréquent qu'ailleurs :
22,4 % des ménages des quartiers prioritaires habitent un logement
surpeuplé.
Dans l'agglomération mancelle sur l'ensemble des cinq
quartiers prioritaires, les logements sont composés à 84 % de
logements sociaux dont 60 % sont à bas loyer (Contrat de ville, bilan
2017). Dans le souci de connaitre l'état des logements dans lesquels
vivent les habitants des quartiers Politique de la ville de LMM, nous les avons
interrogés à travers la question « Mon logement est
: dégradé, en mauvais état, en moyen état, en bon
état ». Majoritairement, les habitants interrogés
apprécient leur logement. Ils déclarent habiter dans des
logements en « bon état » (60,80 %) ou « en moyen
état » (30,17 %). Au total près 91 %
41
des personnes interrogées, se déclarent «
satisfaits ou très satisfaits » de leurs conditions de
logement. Ce taux est assez élevé et à
contre - courant des clichés.
« C'est un logement social bien entretenu à
l'intérieur ».
Homme, 18-25 ans, Salarié, célibataire,
questionnaire 1er trimestre 2019
« Mon logement est en état moyen, avec des
fissures sur le mur ».
Femme, 26 ans et plus, recherche d'un emploi,
célibataire, questionnaire 1er trimestre 2019.
Graphique 8 : L'état des logements dans les
quartiers
![](Les-interactions-habitants-et-quartiers-politique-de-la-ville-de-lagglomeration-mancelle15.png)
Source : Enquêtes de terrain, H. ADEBO
2019
La part des opinions négatives sur l'état des
logements, est très faible (8,03%. Néanmoins les remarques
majeures faites par ces habitants concernent les cages d'escalier ou des
espaces communs qu'ils qualifient d'insalubres.
« Mon logement est en bon état, sauf la couleur
des bâtiments. Il y a souvent de l'urine, c'est sale et cela sent mauvais
».
Femme, 26 ans et plus, à la recherche d'un emploi,
célibataire, questionnaire 1er trimestre 2019
42
B. Le quartier : un cadre de vie bien doté en
équipements de proximité 1. Une bonne proximité et
utilité des équipements de quartier
Selon Poyraz (2003), les équipements socioculturels de
proximité représentent un intérêt vital pour les
habitants, cela leur évite l'isolement car ils diminuent leur isolement
et ouvrent une fenêtre vers, l'extérieur. Ce sont tous des
équipements de quartier. C'est-à-dire des lieux
d'activités pour tous, d'animation de la vie d'un quartier, des espaces
de vie associative et de services. Afin de recueillir les observations des
répondants, quant à la bonne proximité et utilité
des équipements présents sur leur quartier, nous avons
cherché à savoir s'ils trouvent que les équipements sur le
quartier sont en nombre « Suffisants/Très
suffisants» ou « peu suffisants/ Insuffisants » d'une part
«Utiles/Très utiles » ou « Pas utiles/Pas du tout utiles
» d'autre part.
En réponse à ces interrogations, sur l'ensemble
des individus rencontrés, de façon générale,
près de 70 % estiment que des équipements sont suffisamment
présents sur leur quartier et 85 % trouvent ces équipements
« utiles ou très utiles » à l'exception du quartier de
l'Epine où les habitants interrogées, trouvent les
équipements « insuffisants » et font le constat que l'absence
des équipements de proximité sur ce quartier vient renforcer le
sentiment de relégation et d'isolement de leur quartier.
Les habitants interrogés sont satisfaits des
équipements de leur quartier. En effet,
66 % des collégiens (10 - 14 ans), 60 % des 15 - 25 ans
et 76 % des 26 ans et plus, trouvent que les équipements de leur
quartier sont en nombre « suffisant ou très suffisant ». Quant
à l'utilité des équipements, 80 % des collégiens
(10 - 14 ans), 74 % des 15 - 25 ans et 86 % des 26 ans et plus estiment que ces
derniers sont « utiles ou très utiles ».
![](Les-interactions-habitants-et-quartiers-politique-de-la-ville-de-lagglomeration-mancelle16.png)
43
Graphique 9 : Présence des équipements de
proximité
Source : Enquêtes de terrain, H. ADEBO,
2019
« Le quartier est agréable à vivre. On a
tout à proximité, les services, les commerces et
différents équipements. C'est très bien d'avoir tout
à proximité (...) ». Homme, 47 ans, Salarié,
marié et père deux enfants, Relevé d'entretien du 18
janvier 2019
« Notre quartier n'est pas isolé, nous avons
tous les équipements à côté, des écoles, des
commerces, des parcs, les transports en communs, les médecins et
d'autres équipements d'une grande utilité. Nous sommes bien
heureux nous ».
Homme, 58 ans, sans emploi, Glonnières,
Relevé d'entretien du 29 décembre 2018
Globalement les opinions quant aux équipements
présents sur les quartiers sont favorables et positives. Ainsi, les
habitants de ces quartiers bénéficient d'un service public dans
leur environnement immédiat. Ils peuvent aisément faire leurs
courses dans les commerces à proximité, acheter dans la
boulangerie à côté, ou prendre de l'air en pleine nature
dans le non loin du leur domicile tout en regardant les enfants joués
sur les différentes aires de jeux. Ils ont accès à un
équipement sportif, culturel ou de loisir dans le quartier sans pour
autant parcourir de longues distances. Les habitants estiment avoir tout
à proximité. Ils trouvent leur quartier bien situé et bien
desservi par les transports en commun. Certains ressortent la
tranquillité des lieux, le calme qui y règne.
44
Graphique 10 : Utilité des
équipements
![](Les-interactions-habitants-et-quartiers-politique-de-la-ville-de-lagglomeration-mancelle17.png)
Source : Enquêtes de terrain, H. ADEBO,
2019
Néanmoins le quartier de l'Epine n'est pas logé
à la même enseigne que les autres en matière
d'équipements. En effet, 87,70 % des résidents de ce quartier
interrogés trouvent les équipements sont insuffisants sur leur
quartier et expriment leur désarroi quant à la situation de leur
quartier.
« Il n'a rien ici à part le parc de l'Epine,
le centre commercial est vide, la boulangerie, la pharmacie, la boucherie ont
fermé ».
Femme, 60 ans, retraitée, questionnaire 1er trimestre
2019
« Les équipements sur un quartier sont utiles
mais ici, ils sont inexistants. Il n'y a rien à l'intérieur du
quartier. Pas assez de jeux sur le parc ».
Homme, 33 ans, Salarié, questionnaire 1er trimestre
2019
« Le commerce est trop loin. Il n'y a pas de commerce
de proximité. Rien pour faire les courses ».
Femme, 42 ans, mère au foyer, mariée, questionnaire
1er trimestre 2019
45
2. Le quartier : Lieu bien connu et bien
maîtrisé par les habitants
Les résidents interrogés ont une bonne
connaissance des équipements commerciaux, socioculturels, sportifs, de
loisirs présents sur leurs quartiers. En reprenant Cauvin (1999), la
fréquentation régulière de certains lieux (pour les
achats, les promenades, les relations sociales,) permet en effet aux individus,
d'une part, d'intégrer ces lieux à leur espace familier et,
d'autre part, de réunir un ensemble de repères dans le paysage
sur lesquels se construisent les représentations spatiales. Pour cette
auteure, dans le même temps, la perception du quartier influence l'espace
d'activité des habitants : les actions réalisées par les
individus, sont « inséparables » de la perception dont elles
constituent à la fois une condition essentielle, un des moteurs et le
feed-back qui permet de vérifier que l'élaboration perceptive est
pertinente » comme le dit Levy-Leboyer (1980).
De même, selon K. Lynch (1960) cité par Cauvin
(1999), les images de l'environnement sont le résultat d'une
opération de va-et-vient entre l'observateur et son milieu. Ceci
signifie donc que les représentations cognitives proviennent des
relations, et donc des actions entre les sujets et l'environnement - ici,
l'espace intra-urbain.
Dans le cas de nos travaux, il s'agit des relations entre
habitant et quartier. Pour appréhender le niveau de connaissance des
équipements de proximité et la pratique spatiale des habitants,
nous les avons soumis à un exercice au cours de nos enquêtes. Il
s'est agi de demander à l'enquêté de dessiner les endroits
qu'il fréquente dans son quartier. De nombreuses cartes mentales
recueillies, montrent que les équipements socioculturels de
proximité présentent un intérêt majeur les habitants
interrogés. Cette observation se traduit dans les différentes
cartes mentales réalisées par les habitants où nous
relevons l'importance des city stades, des parcs, des aires de jeux, des
différents services de proximité et autres structures
présents sur les quartiers.
Les cartes représentent un environnement bien connu et
maitrisé. Les auteurs ont précisé le nom de la rue et y
ont bien disposé l'équipement représenté. Les
trajets effectués, sont symbolisés par des flèches. Les
répondants ont fait des dessins simples des équipements. Les
bâtiments dessinés sur les cartes sont situés en
majorité au bon endroit. Les lieux sont clairement identifiés.
Les enquêtés ont pris le soin de notifier le nom des endroits
représentés. Ces indications montrent l'appropriation des lieux
par l'individu. Elles prouvent aussi leur connaissance, leur maitrise de cet
environnement et de ses équipements. Les cartes mentales
46
recueillies, ont permis connaitre les équipements
fréquentés par les adolescents, les jeunes et plus
âgés qu'ils soient collégiens, lycéens,
étudiants, retraités ou à la recherche d'emploi.
Les dessins montrent que les personnes à la recherche
d'un emploi, de formation ou d'insertion professionnelle vont souvent à
la mission locale qui a pour premier rôle d'accueillir, d'informer,
d'orienter et d'accompagner des jeunes le plus souvent sortis du système
scolaire en liens avec les dispositifs de pôle emploi. Les
collégiens vont dans les city stades qui sont des terrains multisports
gratuits et libres d'accès, dans les parcs comportant différents
aires de jeux.
Ces city stades constituent pour ces adolescents de
véritables lieux de rendez-vous et de rencontre. Ils permettent de
répondre aux attentes des jeunes désireux de se retrouver dans un
lieu convivial pour faire du sport. Les jeunes se retrouvent aussi dans les
services jeunesse, qui leur proposent plusieurs activités de loisirs et
d'animations qu'elles soient ludiques, éducatives, sportives ou
culturelles.
Les personnes âgées vont dans les centres sociaux
où le plus souvent, participent à des activités ou servent
de bénévoles. Tous les habitants questionnés, qu'ils
soient jeunes ou âgés vont dans les médiathèques,
les centres commerciaux, les parcs, le service public et autres. En conclusion,
on peut insister que les cartes mentales montrent bien quels sont les
équipements structurants du quartier selon les tranches d'âge et
le statut d'occupation et l'importance de tous les maintenir.
Les figures suivantes montrent quelques cartes mentales
recueillies lors des enquêtes
de terrain.
![](Les-interactions-habitants-et-quartiers-politique-de-la-ville-de-lagglomeration-mancelle18.png)
Figure 1 : Collégienne, 14 ans, Collège Le
Marin, Chaoué - Perrières
Figure 2 : Homme, 23 ans, sans emploi, Chaoué -
Perrières
47
Figure 3 : Retraité, 62 ans,
Glonnières
Figure 4 : Collégienne, 3ème
14 ans, Collège Vauguyon
![](Les-interactions-habitants-et-quartiers-politique-de-la-ville-de-lagglomeration-mancelle19.png)
48
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Figure 6 : Collégien, 14 ans, Collège Costa
Gavras, Les Sablons-Bords-de-l 'Huisne
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Figure 5 : Retraitée, 68 ans, Chaoué -
Perrières
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![](Les-interactions-habitants-et-quartiers-politique-de-la-ville-de-lagglomeration-mancelle20.png)
Figure 7 : Femme, Sans emploi, 23 ans
Bellevue-Carnac
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Figure 8 : Homme 24 ans, Chaoué -
Perrières
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![](Les-interactions-habitants-et-quartiers-politique-de-la-ville-de-lagglomeration-mancelle21.png)
49
Figure 9 : Chauffeur Poids - lourds, 41 ans Bords de
l'Huisne, Les Sablons-Bords- de l'Huisne
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Figure 10 : Collégien, 14 ans, Collège
Vauguyon, Ronceray-Vauguyon-Glonnières
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Les équipements commerciaux, socioculturels, sportifs,
de loisirs présents sur les quartiers sont fréquentés par
les habitants questionnés. Les personnes interrogées,
investissent très souvent ou assez souvent ces équipements
à cause de leur facilité d'accès, de leur présence
en grand nombre et de leur proximité. Néanmoins d'autres,
utilisent ou fréquentent occasionnellement ou rarement ces
équipements, ou ne s»y rendent quasiment jamais.
Il est important de souligner que l'ensemble des habitants ont
d'autres usages et fréquentent aussi des équipements qui sont
hors des limites de leurs quartiers. La plupart affirme faire ses achats dans
les commerces situés soit à l'intérieur du quartier soit
à l'extérieur du quartier. Ils vont souvent dans d'autres
quartiers pour profiter rendre visite à des connaissances ou faire des
activités.
50
Graphique 11 : L'usage des commerces
![](Les-interactions-habitants-et-quartiers-politique-de-la-ville-de-lagglomeration-mancelle22.png)
Source : Enquêtes de terrain, H. ADEBO,
2019
Même si ces territoires sont fortement marqués
par la pauvreté, le chômage etc, les habitants s'adonnent à
plusieurs activités. En effet, le loisir défini comme une
occupation du temps libre, basée sur le choix personnel et sur le
plaisir (Rauch, 1986) cité par Marchiset et Gasparini (2010), n'est pas
seulement réservé aux groupes sociaux favorisés. Pour les
loisirs, les habitants interrogés vont au cinéma, au restaurant,
à la salle de sport. Ils se livrent aussi à d'autres
activités telles que le jardinage, la pêche, les randonnées
etc.
Graphique 12 : Les loisirs
![](Les-interactions-habitants-et-quartiers-politique-de-la-ville-de-lagglomeration-mancelle23.png)
Source : Enquêtes de terrain, H. ADEBO,
2019
51
Néanmoins, d'autres habitants n'ont pas accès
aux loisirs. Ils ne peuvent pas s'offrir une soirée au cinéma,
assister à un concert ou encore aller à cause du prix trop
élevé des places. Cela se justifie par le fait que ces habitants
vivent dans la précarité avec des revenus assez bas qui ne leur
permettent pas de subvenir à tous leurs besoins et même s'offrir
des loisirs.
« Le cinéma, je n'y vais plus. As - tu le prix
des places ? Au temps aller sur internet pour télécharger. C'est
plus facile et moins coûteux. Cela fait plus de 25 ans que je n'y ai plus
jamais mis pieds. J'y suis allé une fois récemment à la
place des jacobins. Le billet de 10 euros, il est parti. Heureusement que
j'étais seul. Imagine si je aller avec toute ma famille. Cela m'aurait
couté une fortune. Face à tout cela, j'y ai mis un terme. Plus de
cinéma »
Homme, 58 ans, père de 6 enfants, relevé
d'entretien du 29 décembre 2018
« Je fais du sport aux Sablons sur l'îles aux
sport. Les salles de sport sont chères. Je ne me vois pas aller donner
30 euros dans une salle de musculature alors qu'aux Sablons, il y a des trucs
gratuits. Je suis sans emploi, les salles de sport sont chères. J'ai des
charges. Je suis au RSA. Je dois payer mon loyer et autres. J'ai ma famille
dont je dois prendre soins. Il n'y a plus rien. Les 30 euros que je vais donner
pour faire du sport, je préfère acheter du lait et des couches
à mon enfant. Aussi, je vais qu'aux spectacles gratuits. Pour l'instant
je n'ai pas de revenus pour m'offrir les loisirs que je veux ».
Homme, 31 ans, père de 2 enfants, relevé
d'entretien du 29 décembre 2018
Pour conclure, les habitants interrogés sont satisfaits
de l'endroit où ils vivent. Cette satisfaction est due à la
propreté, à la sécurité dans le quartier, à
la qualité des logements, à la proximité des
équipements et aux aménités des lieux. Tous ces
éléments constituent des valeurs fondamentales pour les
résidents. Mais pour Lagony et al (1985) cité par
Grillon et al (2012), la satisfaction ne dépend pas uniquement
des variables objectives mais également de la perception qu'ont les
habitants des relations de voisinage. Il faut donc prendre en compte
l'environnement physique et social qui selon Herting et Guest (1985)
cité par Grillon et al (2012) constituent les facteurs les plus
prédictifs d'une satisfaction positive. Pour ces auteurs, en plus des
caractéristiques du logement, la propreté, la
sécurité, les qualités esthétiques, il faut ajouter
les relations sociales.
52
Quel est l'état des relations entre habitants dans le
quartier ? Où sont - elles nouées ? Ces valeurs créent -
elles des liens entre le quartier et ses habitants ?
II. La force des quartiers : représentation,
sociabilité et attachement
A. Le quartier : un lieu de sociabilité
1. La notion de sociabilité
Selon Bigot (2001), la sociabilité est une notion
ambiguë. Elle désigne à la fois l'aptitude à vivre en
société et le principe des relations entre les personnes. Pour
cet auteur l'aptitude à vivre en société est psychologique
et les relations entre personnes est sociologique. En reprenant la citation de
Degehne et Forsé (1994), Bigot (2001) montre que pour le sociologue, la
sociabilité n'est pas une qualité propre d'un être qui
permet de faire la différence entre les moins et les plus sociables mais
plutôt comme : « comme l'ensemble des relations qu'un individu (ou
un groupe) entretient avec d'autres, compte tenu de la forme que prennent ces
relations ». Elle représente les relations menées avec
l'entourage sans qu'elles soient obligées (parents, amis, camarades,
connaissances, voisins, voire collègues et commerçants etc),
selon Pan ké Shon (2005).
La sociabilité est donc l'ensemble des relations entre
des individus. Elle repose sur les rencontres, la réalisation
d'activités de loisirs ou sportives en commun, les discussions, les
sorties. Ces relations sont interpersonnelles, réciproques et choisies.
Elles aussi des relations organisées parce qu'elles sont plus ou moins
contraintes par le fait que les individus partagent un même cadre
d'existence comme par exemple un même lieu de travail. Il existe d'autres
formes de sociabilité dans lesquelles les relations avec autrui se
choisissent en dehors du lieu de travail comme par exemple des amis, les
voisins ou restent intimes dans le cercle familial ou tournée vers
l'extérieur comme dans les associations, les cafés et autres.
2. Le voisinage comme lieu de
sociabilité
Le voisinage renvoie à une double dimension : une
spatiale et une sociale. En effet la dimension spatiale représente
l'espace géographique, c'est - à - dire l'endroit où l'on
vit (l'espace de vie) et la dimension sociale renvoie aux relations avec les
voisins c'est à dire les
53
personnes avec lesquelles l'on partage cet espace et les
rapports avec eux. On peut alors considérer comme son voisin, un
individu qui habite le plus près de chez soi dont le lieu est contigu ou
adjacent au nôtre. Il s'agit d'onc du voisin immédiat. Selon
Rey-Debove et Rey (2013) cités par Armstrong et Boucher (2013), le
voisinage: « constitue un ensemble de voisins, c'est-à-dire des
individus qui se situent à une distance relativement petite d'une
personne ou d'un lieu ». Le voisinage serait donc l'ensemble des
ménages situés dans notre environnement immédiat, ou ceux
avec qui nous partageons un espace géographique commun.
Pour Armstrong et Boucher (2013), le voisinage constitue une
unité géographique dans laquelle un réseau de
sociabilité peut exister. Pour ces auteurs, dans un réseau de
sociabilité basé sur le voisinage, l'existence d'un lien social
est directement liée à la proximité physique des
individus. D'ailleurs, comme le mentionne Fortin et al (1987)
cité par Armstrong et Boucher (2013), dans Histoire de familles et de
réseaux : « la proximité géographique joue un
rôle crucial dans les fréquentations aussi bien dans le choix des
personnes rencontrées que dans la fréquence des rencontres
», et ce, principalement dans les quartiers populaires, où la
parenté et les amis habitent souvent à quelques minutes de marche
seulement.
Armstrong et Boucher (2013), trouvent aussi que les
échanges entre voisins seraient entre autres structurés par le
type d'habitation et la densité de population dans le quartier. En
effet, pour eux, habiter dans des logements regroupant plusieurs ménages
ainsi que vivre dans un quartier dans lequel la densité de population
est importante favorise les rencontres, car on ne peut sortir de chez soi sans
croiser des voisins, des connaissances. Ainsi, le fait d'habiter les grands
ensembles favoriserait plus les rencontres et le tissage des liens.
Au cours de nos enquêtes de terrain, nous avons
cherché à travers le questionnaire et le guide d'entretien
à connaître la perception que les répondants ont de leur
voisinage, de savoir quels sont les échanges entretenus, la
manière dont ils qualifient les relations avec le voisinage, les
endroits où se tiennent ces relations et les activités faites
avec leurs voisins. Les résultats montrent que le quartier se
présente ici comme un endroit où les habitants entretiennent des
liens de sociabilité.
En effet, 55 % des personnes interrogées entretiennent
des relations de voisinage à l'intérieur de leur immeuble,
près de 60 % entretiennent des relations avec d'autres habitants mais
hors de leur immeuble mais dans le quartier et 51 % à l'extérieur
du quartier. Contrairement aux idées reçues, il y a tout de
même la moitié de la population enquêtée dans
certains quartiers qui est ouverte sur l'extérieur du quartier à
l'exception, de
54
Chaoué - Perrières. En effet, dans ce quartier
les relations se tiennent à l'intérieur du quartier (69 %) dans
l'immeuble, à l'intérieur du quartier hors de l'immeuble des
enquêtés (57 %) et à l'extérieur du quartier (47
%).
Graphique 13 : Les lieux de relations de voisinage dans
le quartier
![](Les-interactions-habitants-et-quartiers-politique-de-la-ville-de-lagglomeration-mancelle24.png)
Source : Enquêtes de terrain, H. ADEBO,
2019
La question « En dehors de endroits que je
fréquente dans mon quartier, je vais » a permis vérifier,
les lieux où vont les personnes interrogées en dehors de leur
quartier et ce qu'ils vont y faire. La réponse à cette
interrogation montre que les individus vont au centre - ville, dans les
communes voisines pour le travail, ou chercher du travail, rendre visite
à des proches (ami(es), familles) et pour les études etc.
De même, en réponse à la question «
Je qualifie les relations que j'ai avec d'autres habitants du quartier
de fraternelles, amicales, tendues/conflictuelles, violentes »,
près de 92 % répondants qualifient ces relations «
d'amicales et de fraternelles ».
En effet, ces habitants interrogés entretiennent donc
de bonnes relations avec leur voisin et ensemble, ils font plusieurs
activités en commun. Ils se rendent mutuellement visite. Il y a ceux qui
partagent un café, un thé même un repas ensemble.
« J'ai de très bonnes relations de voisinage.
On s'entend tous bien. J'ai une relation très amicale avec ma voisine
d'en face à qui je rends souvent visite et qui en fait de même. On
discute beaucoup autour d'un thé ou d'un café et on fait des
repas en commun ».
Ménagère, 55 ans, veuve et mère de 3
enfants, Relevé d'entretien du 05 février 2019
55
« Pour moi pas de problème de voisinage. Dans
tout le bâtiment, tous les voisins se connaissent, il n'y a jamais de
problème de voisinage. Il y a la tranquillité, une bonne
ambiance. C'est le plus important pour moi dans le quartier. Quand il fait
beau, on fait sortir les enfants au parc. On fait un goûter à
Chaoué dans la nature. On va l'un chez l'autre de temps en temps pour
partager un repas ».
Mère au foyer, 36 ans, mariée et mère de 3
enfants, Relevé d'entretien du 14 Janvier 2019 Graphique 14 :
Les relations de voisinage dans le quartier
![](Les-interactions-habitants-et-quartiers-politique-de-la-ville-de-lagglomeration-mancelle25.png)
Source : Enquêtes de terrain, H. ADEBO,
2019
Par contre pour d'autres, les relations restent juste des
relations de politesse s'arrêtant aux salutations.
« Les relations avec mes voisins s'arrêtent aux
salutations, à la courtoisie, bonjour, bonsoir, rien de plus. Je ne fais
rien avec eux »
Homme, 32 ans, Agent de sécurité,
célibataire, Relevé d'entretien du 13 décembre 2019
Seulement 8 % des habitants questionnés entretiennent des relations
tendues, conflictuelles et parfois violentes avec les autres habitants.
« Nos relations sont peu tendues en ce moment
à cause nuisances et des tapages nocturnes. Ils mettent de la musique
à fond et cela m'empêche de me concentrer pour
réviser».
Etudiant, 21 ans, Relevé d'entretien du 16 janvier 2019
56
« Je n'aime pas du tout mon voisin au-dessus. J'ai la
malchance d'habiter au rez-de-chaussée. Ce monsieur ne respecte vraiment
pas la tranquillité des autres. Un jour, j'ai failli lui casser la
gueule ».
Homme, 47 ans, chauffeur-livreur, Relevé d'entretien du 12
décembre 2018
Lorsque les relations avec les autres dans le voisinage sont
conflictuelles, violentes ou tendues, on assiste au repli, à l'isolement
des individus et très souvent à des problèmes de
voisinage. De même, ces individus construisent leurs relations ailleurs
et effacent le voisinage de leur vie privée.
Par contre, les bonnes relations, les relations amicales ou
fraternelles avec les autres dans le quartier, sont une forme de
sociabilité. Elles participent à l'appréciation du
quartier et contribuent au bien-être des habitants. Ces rapports riches
et positifs entre habitants créent un sentiment d'attachement au
quartier.
B. Le quartier : un lieu de réel attachement 1. La
notion d'attachement au lieu
Selon Sébastien (2016) le thème
spécifique de l'attachement au lieu est très peu présent
dans la littérature francophone. Par contre, trois notions
(l'appropriation de l'espace, l'appartenance au lieu et l'identité
spatiale) découlant de la notion d'attachement sont abordées.
Ainsi pour Ripoll et Veschambres (2005), cités par Sébastian
(2016), l'attachement au lieu se rapproche de l'appropriation de l'espace et
est défini comme « le sentiment de se sentir à sa place
voire chez soi quelque part ». Ce sentiment se transforme alors en un
sentiment d'appartenance que Sencébé (2004) voit comme « un
processus dynamique en tension entre les pôles de l'attachement et de la
distanciation ».
Ce sentiment d'appartenance permet donc de s'identifier
personnellement à un groupe et à un milieu de vie, tout en
partageant les valeurs de cette communauté. Cela entraîne une
certaine réciprocité du rapport au lieu. Altman et Low, (1992)
cités par Sébastian (2016), définissent l'attachement au
lieu comme « un phénomène complexe qui souligne un lien
affectif positif entre des individus et des lieux familiers (lieux de vie, de
vacances, de mémoire, de famille) ». Pour être un peu plus
clair, Grillon et al (2012), en reprenant Le Conte et al
(2012), définit la notion d'attachement au lieu comme « un
lien affectif qui unit les
57
individus à leur environnement ». Mais, elle
estime que même si cette définition est la plus couramment
utilisée, celle proposée par Hidalgo et Hernandez (2001), est la
plus développée. Ainsi, l'attachement au lieu renvoie à
« un lien affectif positif entre un individu et un lieu, la principale
caractéristique de celui-ci étant la tendance qu'a l'individu
à vouloir maintenir proche de lui cet endroit ». Les habitants des
quartiers prioritaires de l'agglomération sont- ils attachés
à leur lieu de vie ? Quelle est la nature du rapport qu'ils
entretiennent avec leur quartier ?
2. L'attachement réel au quartier malgré
les difficultés
Au cours de nos enquêtes, nous avions cherché
à savoir les liens que les répondants ont avec leur quartier,
s'ils y sont attachés, très attachés, peu attachés
ou pas du tout attachés. De façon générale sur la
question de l'attachement au quartier près de 62 % des interrogés
restent « attachés ou très attachés à leur
quartier ». 25 % des répondants déclarent être «
peu attachés » à leur lieu de résidence. Pour Avenel
(2006) « Le quartier a beau être un lieu de stigmatisation et de
ségrégation, il donne lieu aussi à un très vif
sentiment d'attachement ». Ce sentiment d'attachement et d'appartenance au
quartier est présent dans les tous quartiers et chez toutes les
catégories de publics questionnés.
En effet, chez les collégiens (10 - 14 ans), en
réponse à la question de l'attachement au quartier,
les résultats montrent que 61 % des
enquêtés déclarent « être attachés ou
très attachés » à leur quartier contre 39 % qui
estiment être « peu ou pas attachés » à celui-ci.
Pour des personnes âgées entre 15ans et 25 ans, 58 % des individus
consultés, estiment « être attachés ou très
attachés » à leur milieu contre 42 % qui avouent être
« peu ou pas attachés » à ce dernier. Pour les 26 ans
et plus 35 % des personnes sollicitées sont « peu ou pas
attachés » alors que 66 % confient être «
attachés ou très attachés » à leur lieu de
résidence.
Dans la majorité, le quartier représente
beaucoup pour habitants interrogés. En reprenant les propos de Avenel
(2006), le quartier constitue d'une part pour les adolescents une dimension
essentielle de leur identité et par conséquent un point d'ancrage
et cet attachement dénote bien le mode de socialisation
spécifique des adolescents des cités et d'autre part la charge
affective du territoire de l'enfance et la dimension familière d'un
espace
58
connu depuis toujours expliquent en grande partie cette vision
largement positive que ces adolescents ont de leur cité.
Graphique 15 : Attachement au quartier
![](Les-interactions-habitants-et-quartiers-politique-de-la-ville-de-lagglomeration-mancelle26.png)
Source : Enquêtes de terrain, H. ADEBO,
2019
« Je suis née dans ce quartier, je kiffe trop
mon quartier je l'adore mon quartier, il est
beau ».
Collégienne, 12 ans, 6ème, Collège Vauguyon,
questionnaire fin trimestre 2018
« Cela fait longtemps que j'habite ici, j'y suis
attaché et je connais le quartier comme ma poche »
Collégien 6ème, 11 ans, Collège
Jean de l'Epine, questionnaire 1er trimestre 2019
« Cela fait 11 ans que j'habite et je connais tout le
monde, et tout le monde me connait. Les gens sont sympathiques ».
Collégien 3ème, 14 ans, Collège
Le Marin, questionnaire 1er trimestre 2019
59
« Je suis né ici, j'ai grandi ici, c'est
là où je me sens le mieux. J'adore mon quartier et j'y suis
fortement attaché ».
Collégien 3ème, 14 ans, Collège
Fournier, questionnaire 1er trimestre 2019
Pour ces collégiens, le rapport au quartier, qui les as
vus naitre et grandir, reste affectif, émotionnel et un point essentiel
à leur identité. Un lieu qu'ils connaissent depuis toujours et
qui a une signification importante à leurs yeux. Ils estiment avoir des
liens très forts avec le quartier, certains y sont nés, ils y ont
toujours habité avec toute leur famille. Ils n'ont jamais vécu
ailleurs.
Même stigmatisé, discriminé, objet d'image
négative, le quartier prioritaire est un haut lieu d'attachement et
d'appartenance. L'attachement implique un lien fort au lieu jusqu'à ce
qu'il devienne partie de l'identité de l'individu ou une extension de
soi selon Williams et Van Patten (2006) cité par Sébastien
(2016). Les habitants se reconnaissent alors à travers le quartier et le
considèrent comme faisant partie d'eux, de leur existence et de leur
identité.
« C'est la terre de mes ancêtres parce que ma
famille a toujours vécu ici depuis de nombreuses
générations. Toute ma vie se trouve ici ».
Retraitée, 77 ans, divorcée et mère de 6
enfants, Relevé d'entretien du 18 mars 2019
Pour cette dame, le quartier reste donc un lieu ayant une
signification particulière car y repose dans ce dernier, l'histoire de
sa famille depuis des générations, son existence, son
vécu, sa mémoire, ses expériences passées et
souvenirs rattachés à ce lieu.
Pour certains, le sentiment d'attachement et d'appartenance
est traduit par l'environnement physique du quartier au travers de sa nature,
son aspect physique, la perception de l'environnement.
« Pour moi le quartier représente la verdure. On
est près de la rivière. J'aime bien ce coin-là. C'est le
coin le plus vert et il le bois derrière. Ce quartier est
très agréable à vivre ». Mère au foyer, 52
ans, veuve et mère de 3 enfants, Relevé d'entretien du 10
décembre 2018
60
« Je suis attaché à ce quartier
à cause des entités qui le composent entre autres : les arbres,
le paysage, la rivière, les espaces naturels. J'aurais le coeur
brisé si tout cela venait à disparaitre ».
Homme, 32 ans, Agent de sécurité,
célibataire, Relevé d'entretien du 13 décembre 2019
Pour d'autres, installés dans le quartier pour des
raisons diverses : divorce, perte d'emploi, fuite des conflits dans leur pays,
demande d'asile etc, même si le sentiment d'attachement n'est pas aussi
fort, il existe car le quartier leur a apporté ce qu'ils n'ont pas pu
obtenir ailleurs.
« Le quartier représente beaucoup pour moi
parce que j'étais à la Haute-Savoie. Quand je suis arrivé
à Bellevue-Carnac, j'ai trouvé que le quartier était calme
et même en peu de temps ce que je n'avais pas à la Haute-Savoie,
je l'ai eu. J'ai eu un logement, je suis très à l'aise et je me
sens bien ».
Homme, demandeur d'asile, 30 ans, Célibataire
Bellevue-Carnac, Relevé d'entretien du 12 décembre 2018
« J'e n'ai aucun lien particulier avec ce quartier,
mes parents et moi sommes installés il y a peu de temps. Nous venons
d'ailleurs et là-bas, on était bien, j'avais tous mes amis, tous
mes souvenirs et une grande partie de ma vie. Mais ici, il y a la paix et je
suis en sécurité loin du conflit dans mon pays ».
Homme, 21 ans, questionnaire 1er trimestre 2019
En conclusion, le sentiment d'attachement et d'appartenance au
quartier est bien présent chez les habitants questionnés
malgré les difficultés. La plupart des habitants s'identifient
à leur quartier. Ils appartiennent à leur quartier. Ce dernier
constitue pour eux, un moyen d'identification, les aide à exister et
sert de « résistance » selon Concoran (2002) cité par
Grillon et al (2012) face au sentiment de vivre dans un lieu
précaire ou quartiers marginalisés.
Dans les écrits scientifiques recensés par
Sandrine Jean (2014), on réfère souvent aux dimensions
physiques et sociales de l'attachement au quartier (Hidalgo
et Hernandez 2001; Lewicka 2011; Riger et Lavrakas 1981; Zhu, Breitung et Li
2011). Dans ces écrits, le premier comprend l'attachement à
l'environnement physique du quartier. Il se traduit généralement
par la satisfaction face aux conditions matérielles et physiques,
à la fois objectives et perçues,
61
du logement et du quartier. Cela suppose que les habitants
développent un sentiment d'attachement à partir des
aménités des lieux dans leur perception de l'environnement.
L'attachement aux dimensions sociales fait plutôt référence
aux relations de voisinage et à la sociabilité. Ainsi, la
qualité des relations avec autrui dans le quartier favorise l'apparition
d'un lien affectif entre l'individu et l'environnement dans lequel ces
relations grandissent. Par contre, si la cohésion sociale, le vivre
ensemble, les relations sociales entre résidents se passent mal et sont
perçus comme désagréables et pas d'une bonne
qualité, cela entraine chez ces individus un sentiment faible
attachement au quartier voire même le repli sur soi.
Nous avons, par le biais des croisements, observé des
variantes quant à l'attachement selon le sexe, la tranche d'âge et
la durée d'installation et même le statut de
l'enquêté. Nous avons remarqué que le sentiment
d'attachement et d'appartenance au quartier est variable selon la durée
d'installation sur le quartier, le sexe, l'âge et le statut de
l'enquêté.
a. L'attachement au quartier selon
l'âge
Le croisement de l'attachement au quartier et l'âge des
enquêtés, montre que 59 % des interviewés âgés
entre 10 et 11 ans sont « très attachés » à leur
quartier alors que ceux âgés entre 12 et 13 ans sont « peu
attachés » à leur quartier (60 %).
Nous constatons que l'attachement au quartier des
préadolescents est fort et est très présent. Pour ces
enfants, leur quartier constitue leur lieu de naissance. Ils y ont grandi et se
sont familiarisé avec environnement.
Cela témoigne de la charge effective du territoire de
l'enfance et la dimension familière d'un espace connu depuis toujours.
D'autre part, il convient de noter que ce sentiment d'attachement, diminue
à mesure que les jeunes grandissent. La proportion s'inverse, à
effectifs à peu près égaux, entre les plus jeunes (12 - 13
ans) et les préadolescents (10-11ans).
62
Graphique 16 : Attachement au quartier par tranche
d'âge
![](Les-interactions-habitants-et-quartiers-politique-de-la-ville-de-lagglomeration-mancelle27.png)
Source : Enquêtes de terrain, H. ADEBO,
2019
Nous avons, à travers la deuxième enquête
(autres jeunes 15 - 25 ans) cherché à vérifier avec des
entretiens et le questionnaire. En effet, en analysant les résultats de
la figure du croisement de l'attachement et de la tranche d'âge des 15 -
25 ans, nous remarquons que 60 % des jeunes ayant entre 15 et 18 ans et
près 83 % de ceux ayant entre 19 et 25 ans interrogés sont «
peu ou pas attachés » à leur quartier.
La tendance observée chez les adolescents pour la
première enquête (Collèges) se confirme chez les plus
âgés (15 - 25 ans). Cela signifie qu'en grandissant, les jeunes se
sentent de moins en moins bien et deviennent « moins attachés
» à leur quartier et ont envie de partir, sans doute pour plusieurs
raisons : lassitude ? Envie de bouger ? De changer d'air ? Prise de conscience
qu'il n'y a pas ou peu de travail ?
63
Graphique 17 : Attachement au quartier par tranche
d'âge
![](Les-interactions-habitants-et-quartiers-politique-de-la-ville-de-lagglomeration-mancelle28.png)
Source : Enquêtes de terrain, H. ADEBO,
2019
En effet, pour certains jeunes interrogés, il n'y a
absolument rien pour eux sur le quartier. Ils ont envie d'aller voir ailleurs.
Aussi, c'est le propre des adolescents d'aller voir ailleurs. Avant tout, ils
sont jeunes.
« J'aime le quartier mais j'ai envie de quitter pour
découvrir de nouvelles choses. J'attends de décrocher mon bac
pour quitter ce quartier ».
Lycéen, 17ans, questionnaire 1er trimestre 2019
« Il n'y a pas d'emploi pour nous ici. On nous
propose que des missions temporaires. La précarité nous guette et
nous serons obligés de faire comme certains. Moi je rêve
d'ailleurs et d'une vie meilleure ».
Homme, 28 ans, sans emploi, questionnaire 1er trimestre 2019
Par ailleurs, le croisement de l'attachement au quartier et le
statut de l'enquête montre que 66 % des retraités
interrogés sont « très attachés ». Ces personnes
âgées restent très attachées à leur quartier.
Elles sont pour la plupart dans le quartier depuis de nombreuses années.
Elles ont développé des liens étroits avec leur quartier
comme l'affirment plusieurs auteurs qui stipulent que les résidents
hautement attachés sont souvent plus âgés (Lawton,
64
1990) et passent plus de temps dans le quartier (Fuhrer,
Kaiser & Hartig, 1993). Les personnes en recherche d'emploi (67 %) quant
à elles, sont « pas attachées » à leur quartier
comme le montre le croisement attachement au quartier et statut de
l'enquêté. Ce résultat peut se justifier par le fait que
les problématiques liées à l'emploi sont présentes
dans tous les quartiers prioritaires et les jeunes n'ont un accès facile
à l'emploi à cause de plusieurs barrières notamment les
faiblesses liées à la formation initiale, les difficultés
liées au phénomène de réseaux, l'existence de
discriminations liées aux origines et à l'adresse. Face à
toutes ces difficultés les jeunes se trouvent dans une situation
difficile. Cela appelle à une interrogation : comment inciter les jeunes
à rester, à s'investir dans le quartier ? C'est dans tous les cas
une question sans doute importante pour les politiques publiques.
Néanmoins sur l'agglomération mancelle, de
nombreuses actions sont menées pour accompagner l'accès à
l'emploi des jeunes, lever les freins d'accès à l'emploi,
accompagner l'insertion professionnelle et optimiser la mise en réseau
des acteurs face à cette envie de départ, au peu d'attachement
à leur lieu d'habitation jeunes.
b. L'attachement selon la durée
d'installation
Les données issues du croisement entre l'attachement et
la durée d'installation dans le quartier montrent que 53 % des
collégiens âgés entre 10 et 14 ans qui résident sur
le quartier depuis au moins 5 ans sont « très attachés au
quartier » alors que 60 % des habitants âgés de 15 ans et
plus qui y vivent depuis 10 ans et plus, y sont « très
attachés ». Ces résultats confirment les affirmations de
plusieurs auteurs et témoignent du rapport entre attachement à un
lieu et la durée d'installation.
En effet, la question de la temporalité est un facteur
directement impliqué dans la problématique de l'attachement,
puisque le lieu est associé au temps passé, présent et
futur et participe ainsi au développement d'un lien affectif. Un autre
facteur important qui rentre en jeu dans le développement de
l'attachement à un niveau résidentiel est celui de la
durée de résidence. Il a été démontré
que plus la durée de résidence dans un lieu est
élevée, plus l'attachement à ce lieu le sera (Brown,
Perkins, Brown, 2003, Hernandez, Hidalgo Salazar-Laplace, Hess, 2007)
cités par Grillon et al (2012). Aussi la durée de
résidence contribue à la création de liens sociaux. De ce
fait, plus les gens habitent plus longtemps un lieu, plus la chance de nouer
des relations est grande. Ainsi l'attachement à ce lieu grandit et
devient fort au fil des années. Cela fait naître un sentiment
d'appartenance au milieu de vie donc l'une des
65
échelles est l'ancrage ou l'enracinement dans le
quartier. L'enracinement dépend aussi des liens tissés dans le
voisinage. Ce qui fait dire à Fortin et al (1987) cité
par Armstrong et Boucher (2013), que les variables pertinentes pour
l'évaluation de l'enracinement des individus dans leur lieu de
résidence sont principalement la distance du lieu d'origine, la
proximité de la parenté et le nombre d'années
passées dans le lieu de résidence.
c. L'attachement au quartier selon le sexe
Le croisement de l'attachement au quartier et le genre, montre
que sur 272 les femmes interrogées, près de 65 % et près
de 60 % des 288 hommes questionnés ont des liens forts avec leur lieu de
résidence. Le résultat le plus frappant pour ce croisement, est
celui des adolescents.
Graphique 18 : L'attachement au quartier selon le sexe
des habitants
Attachement au quartier selon le sexe
|
59,03%
|
|
64,70%
|
|
|
|
|
40,97%
|
|
|
|
|
|
|
|
|
35,30%
|
|
|
Hommes Femmes
Attaché/Très attaché Peu/Pas
attaché
70,00% 60,00% 50,00% 40,00% 30,00% 20,00% 10,00% 0,00%
Source : Enquêtes de terrain, H. ADEBO,
2019
En observant les résultats issus de ce croisement, le
résultat est d'autant plus net chez les collégiens ou on voit
cette différence. Nous constatons que l'attachement au quartier
dépend pour partie du genre. L'attachement au quartier du sexe
féminin est plus fort que celui
66
du sexe masculin. En effet, le croisement montre que 73 % des
garçons interrogés ne sont « pas du tout attachés
» à leur quartier alors que 64 % des filles font cas de leur
attachement à leur quartier contrairement aux garçons. Ce rapport
particulier des filles au quartier, montre qu'il existe bien une
différence sexuée sur l'attachement au quartier. Cela pourrait
s'expliquer par le fait que l'attachement au quartier des filles se repose sur
les bases affectives. Elles sont le plus souvent au côté de leur
mère. Elles ne se regroupent pas dans les parties communes de l'immeuble
comme le font souvent les hommes. Elles ne trainent pas dans la rue. Les voir
dehors, occuper les cages des escaliers, les halls d'immeuble serait source de
mauvaises interprétations. Cette différence sexuée de
l'attachement au quartier pose aussi la question du partage et de l'occupation
de l'espace public par les femmes. L'espace public est un lieu d'appartenance,
singulier ou collectif. Toutefois, ce sentiment d'appartenance possède
une dimension genrée.
Graphique 19 : L'attachement des collégiens au
quartier selon le sexe
![](Les-interactions-habitants-et-quartiers-politique-de-la-ville-de-lagglomeration-mancelle29.png)
Source : Enquêtes de terrain, H. ADEBO,
2019
En effet, les normes de genre pèsent sur la
manière dont on s'approprie l'espace public et impactent la
mobilité (L'atelier 2018). L'espace public n'est pas occupé de la
même manière que l'on soit hommes ou femmes. Le plus souvent, les
femmes ne se sentent en sécurité dans l'espace public mais pas
victimes de stigmatisation. Elles sont attachées à leur quartier
parce qu'elles trouvent en ce lieu le réconfort. Alors que les femmes
occupent l'espace public par besoin et restent en mouvement, les hommes
l'occupent par plaisir et sont davantage
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statiques. L'éducation des parents joue aussi un
important rôle. Depuis leur jeune âge, les jeunes filles sont
invitées à limiter leur déplacement extérieur de
peur du danger qui les guette. Elles voient en leur quartier un refuge.
C. Le quartier : un lieu de bien - être
En réponse à la question « Je me
sens : bien, très bien, pas très bien, pas du tout bien dans le
quartier », près de 80 % habitants interrogés
déclarent se sentir « bien ou très bien » dans leur
lieu de résidence. Ils trouvent leur quartier agréable à
vivre. Il y règne une ambiance très bonne et très
conviviale. Ils sont satisfaits de leur condition de logement. Ils ont
développé des liens sociaux. Ils se sentent en
sécurité et ont tous les équipements à
proximité.
L'ensemble des opinions positives crée chez les
résidents une sensation de bien-être et de sécurité,
voire un sentiment d'attachement et d'appartenance au quartier.
Graphique 20 : Le sentiment de bien- être dans
les quartiers
![](Les-interactions-habitants-et-quartiers-politique-de-la-ville-de-lagglomeration-mancelle30.png)
Source : Enquêtes de terrain, H. ADEBO,
2019
Ainsi, ces différentes interactions sont
agréables et contribuent au bien-être des individus qui trouvent
que leur quartier est agréable à vivre et les réponses des
habitants issus de ces quartiers stigmatisés tordent le cou à
l'image négative qui accompagne souvent leur lieu de vie. En effet,
même si les habitants des quartiers prioritaires font face à des
difficultés, ils se sentent bien dans leur quartier.
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« Notre quartier est mal coté de
l'extérieur. Il est vu comme un lieu où règnent la
misère, la pauvreté, l'insécurité, la
délinquance de toutes les formes. Un lieu qui regroupe les cas sociaux.
Le quartier a tout simplement une image négative à
l'extérieur alors que nous à l'intérieur on se sent
très bien, on vit bien même si ces clichés venant de
l'extérieur nous touchent ».
Homme, 58 ans, père de 6 enfants, relevé
d'entretien du 29 décembre 2018
En dépit de toutes ses opinions favorables, de ses
sentiments d'attachement et d'appartenance, de ces bonnes relations entre
voisins de ces nombreuses satisfactions et malgré l'état de bien
- être généralisé, les habitants souhaitent
l'amélioration de plusieurs points.
III. Les points à améliorer
Graphique 21 : Points à améliorer par ordre
de priorité....
Pour les 15 - 25 ans
|
Pour les 10 - 14 ans
|
|
|
Pour les 26 ans et plus
|
![](Les-interactions-habitants-et-quartiers-politique-de-la-ville-de-lagglomeration-mancelle33.png)
Source : Enquêtes de terrain, H. ADEBO,
2019
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Malgré les sentiments de satisfaction
générale, en réponse à la question «
Choisis les principaux points à améliorer par ordre de
priorité dans le quartier dans le quartier la liste suivante : la
sécurité, la propreté, les logements, les transports, les
aires de jeux, les centres de loisirs, des jardins, des parcs, autres
(préciser) », les habitants rencontrés ont
souhaité l'amélioration de nombreux points.
Pour les collégiens et les 15 ans - 25 ans, ce sont les
équipements du quotidien qui sont demandés : les aires de jeux et
les parcs. Certes, sécurité et propreté sont bien
placés, mais pas en tête. Pour ces préadolescents,
adolescents et plus âgés, en quête d'identité et
d'affirmation, la pratique des activités en accès libre est d'une
importance capitale. L'aménagement des espaces ou lieux dans leur
quartier pour se regrouper, s'amuser, se distraire serait donc une
priorité à leurs yeux. Par ailleurs, pour les 26 ans et plus,
l'amélioration de la sécurité et de la propreté a
été la plus citée. Malgré les opinions positives
sur ces questions et l'absence de menaces ou de danger réel, les
habitants souhaitent quand même l'amélioration du cadre vie et la
sécurité des biens et des personnes.
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