II. LE VIEILLISSEMENT DANS SON CONTEXTE ENVIRONNEMENTAL
Nous aborderons le vieillissement comme une construction
sociale mais aussi comme une perception subjective.
1. Le vieillissement : une construction
sociale
Reconsidérer l'utilité sociale des «
salariés âgés » définis comme une variable
sociale et ce, sans égard aux différences des individus
classés dans cette catégorie, permet de constater en quoi le
vieillissement est aussi le fruit d'une construction sociale.
Outre l'âge chronologique utilisé comme
catégorie statistique par les chercheurs, la notion de vieillissement
connote, en parallèle, l'idée d'une involution des composantes
physiologiques et cognitives d'un individu (ses capacités
fonctionnelles), donc un changement qualitatif de sa santé. Pourtant,
loin de se limiter à la dimension biologique, l'âge d'un individu
met en cause de multiples dimensions de sa vie comme le souligne Drulhe :
« l'âge comporte toujours cette ambiguïté qui
consiste à renvoyer à la fois à lui-même (le
vieillissement et ses conséquences), à un moment du parcours
biographique (l'effet de cycle de vie) et à la situation de l'individu
dans son époque historique (l'effet de génération).
L'une des difficultés consiste à distinguer les
effets de l'âge proprement dit de ce qui relève des effets de
génération et des effets de période (ou d'une
époque).
Selon Derriennic, Touranchet & Volkoff (1996), cette
difficulté s'expliquerait par la variabilité des
temporalités individuelles et collectives qui marquent les relations
âge-travail-santé. Ainsi, sur le plan individuel, on constate la
variabilité des transformations d'ordre biologique chez un individu avec
l'âge dont les effets sur le travail se font sentir par une diminution de
certaines habiletés d'ordre physique et cognitif en regard de certaines
tâches. Aussi, en raison de son appartenance à une
génération, « l'histoire d'un individu est en partie celle
de sa génération ». C'est pourquoi, si les mouvements
démographiques et les changements (en termes de flexibilité, de
rationalisation) des systèmes de production de biens et de services
touchent l'ensemble des générations de travailleurs, les
conséquences de ces phénomènes varient différemment
selon les générations qui les subissent.
Il n'est donc pas évident de différencier les
effets de l'âge des effets de génération non seulement
à partir de données démographiques, mais également
en situation de travail.
Définir le vieillissement demeure donc un exercice
périlleux. Il faut dire que l'âge est un marqueur composite en ce
sens qu'il recouvre des changements relevant de processus de nature
différente, autant biologique que sociale. C'est pourquoi de plus en
plus d'auteurs s'emploient à distinguer entre le vieillissement
«naturel», sous l'action de facteurs internes, biologiques, et
vieillissement «induit», c'est-à-dire influencé par les
facteurs externes de l'environnement dans lequel on vit, et surtout dans lequel
on travaille» (Teiger, 1989).
L'âge n'est qu'un marqueur temporel, qui, bien qu'utile,
est arbitraire et composite. Arbitraire, car en découpant le temps de la
même manière pour tout le monde, il ignore la diversité des
vitesses de développement d'un individu à l'autre, et, pour le
même individu, à différents moments de sa vie. Il ne prend
pas en compte le détour singulier de l'histoire individuelle qui conduit
des individus distincts à se trouver au même âge dans des
situations fort différentes du point de vue de leur santé, et de
leurs capacités.
Comme nous venons de le voir, la vieillesse est un construit
social, ce qui induit une façon subjective de l'appréhender.
C'est ce que nous allons regarder maintenant.
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