Conclusion
En définitive, ce chapitre s'est proposé
d'aborder la question de l'ethnicité à partir de certains
repères. Nous en reconnaissons trois : la colonisation,
l'État-nation et la démocratie, tous servant de support à
un investissement identitaire. Ce chapitre s'est ensuite proposé de
cerner le sens des concepts d'« ethnie » et « ethnicité
» dans le champ précis de l'Afrique noire à partir des
débats entre la tendance primordialiste et la tendance constructiviste.
Ainsi, nous avons, le temps de l'analyse normative, considéré
« ethnie » et « ethnicité » dans une dimension
double. Une dimension anthropologique en référence à la
culture servant de référentiel commun au groupe
69 A. Renaut, Un humanisme de la
diversité, op. cit., p. 341.
70 L. Ayissi, « L'État postcolonial
d'Afrique et le problème du vivre-ensemble », in E.-M.
Mbonda (dir.), La refondation de l'État en Afrique, justice,
efficacité et convivialité, Annales du CERJUSP, n° 001,
Yaoundé, éditions terroirs, 2009, p. 143.
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qui s'identifie à cette même appartenance ; et
une dimension psychologique, faisant en cela référence à
la conscience qu'ont les acteurs d'appartenir à ce groupe. Au vu de ces
deux dimensions, l'ethnie, qui apparaît aux yeux de Weber comme «
un fourre-tout71 », est présentée dans
ce travail comme la conscience d'appartenir à un groupe humain distinct
des autres par des critères réels ou supposés ; et
l'ethnicité, quant à elle, est présentée comme
l'expression de cette conscience d'appartenance à ce groupe.
Aussi avons-nous insisté, tout au long de ce chapitre,
sur la place prépondérante de la colonisation dans la production
de l'ethnicité africaine. Toutefois, loin que cette étude se
limite à la part importante occupée par la colonisation, elle a
mis en avant la question de la « réappropriation » par les
populations locales dont les élites dirigeantes en ont fait une
stratégie d'accès au pouvoir d'État. Fidèles
à cette entreprise coloniale, les dirigeants vont s'évertuer
à poursuivre et à amplifier, dans une certaine mesure, cette
entreprise dont les bases remontent à l'époque coloniale. Le
résultat le plus choquant de cette « rétroaction » est
que, la diversité ethnique des populations réunis au sein du
nouveau creuset national sera évoquée pour éluder le
projet moderne de démocratisation. Et c'est cette conception de la
diversité ethnique comme obstacle à la construction des nations
démocratiques qui nous suggère l'idée d'un alibi,
c'est-à-dire un faux prétexte. Pour comprendre plus en profondeur
le sens de cet alibi, la suite de ce travail sera consacrée à
l'État-nation et à la démocratie, le premier,
c'est-à-dire l'État-nation, constituant un repère, puisque
nous l'identifions comme le seul support dont la crise exige une reformulation
de la démocratie. Par ailleurs, il convient de préciser que notre
traitement de la question sera, infailliblement, informé par un
arrière-plan sensible à la diversité multiculturelle,
multiethnique et multinationale.
71 M. Weber, Economie et
société, t. 2, Paris, Plon, 2003, p. 139.
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