UNIVERSITE DE LYON
UNIVERSITE LYON 2
INSTITUT D'ETUDES POLITIQUES DE LYON
DYNAMIQUE PROFESSIONNELLE ET TRANSFORMATIONS DE L'ACTION
PUBLIQUE
REFORMER L'ORGANISATION DES SOINS DANS LES PRISONS
FRANCAISES : LES TENTATIVES DE SPECIALISATION DE LA « MEDECINE
PENITENTIAIRE » (1970-1994)
Thèse présentée pour l'obtention du
doctorat de Science Politique
Eric FARGES
Henri BERGERON Chargé de recherches CNRS, CSO Rapporteur
externe
Jean-Charles FROMENT Professeur, UPMF Grenoble Examinateur
Renaud PAYRE Professeur, I.E.P de Lyon Examinateur
Patrice PINELL Directeur de recherches à l'INSERM
Rapporteur externe
Gilles POLLET Professeur, I.E.P de Lyon Directeur de
thèse
JUIN 2013
« Il y a peu de recherches en France sur les
prisons. Il y en a très peu. Et celles qui existent ont à mon
avis un défaut, c'est d'être trop... Ce ne sont pas des recherches
un peu neutres, qui essayent de comprendre le fonctionnement... Ce sont des
recherches très engagées, qui partent de postures a
priori. A partir de là, la prison est un outil de confirmation d'un
certain nombre d'hypothèses.
Et puis voilà quoi ! Au lieu de
considérer la prison comme une institution sociale existante comme
d'autres... Alors qu'on peut se dire : "Pourquoi ça fonctionne
comme ça ?", au lieu de se demander si c'est blanc ou noir, bien ou
mal... »1(*).
REMERCIEMENTS
Je remercie tous ceux, qui de tant de manières, ont
contribué à la réalisation de ce travail :
L'Ecole doctorale 383 de « Sciences
sociales » pour m'avoir attribué une allocation de recherche
sans laquelle ce travail n'aurait jamais été possible.
Mon directeur de thèse, Gilles Pollet, qui a suivi mes
premières recherches depuis mon DEA en 2002 jusqu'à ce jour.
Henri Bergeron qui m'a toujours consacré plus de temps
que je ne lui demandais.
Renaud Payre pour ses nombreux conseils avisés.
Et tous les enseignants de qualité qui ont
émaillé mon parcours en science politique : Christophe
Bouillaud, Jean-Louis Marie, Cécile Robert et Rachel Vaneuville.
Mais aussi bien sûr toutes les personnes qui m'ont
accordé un ou plusieurs entretiens sans lesquelles rien n'aurait
été possible. Je leur suis très reconnaissant.
Les institutions qui m'ont ouvert leurs portes : la
Direction de l'Administration Pénitentiaire, et en particulier ses
documentalistes, la Direction Générale de la Santé,
l'Inspection Générale des Affaires Sociales, Fabrice d'Almeida et
Marie-France Pathé de l'Institut d'Histoire du Temps Présent,
l'Institut National de l'Audiovisuel, Le quotidien du médecin
et enfin le service des archives de Libération.
Marie-Anne pour ses encouragements et sa maman pour sa
relecture.
Mélika pour son soutien durant ma période
rouennaise.
Enfin, je remercie par avance tous ceux qui liront ce travail
et m'apporteront leurs remarques ou qui se le réapproprieront afin de
l'enrichir et de le faire vivre afin qu'il puisse être ainsi utile aux
chercheurs, aux professionnels et aux citoyens s'intéressant à
ces questions.
A Linda, pour sa présence.
A ma grand-mère, pour ses encouragements.
A ma mère, pour son amour.
TABLE DES MATIERES
TABLE DES ACRONYMES
16
INTRODUCTION
19
LA DISPARITION DE LA « MEDECINE
PENITENTIAIRE » : UNE VICTOIRE DE LA SANTE PUBLIQUE ?
19
Les leçons de l'échec
italien dans l'analyse de la réforme française : que sont
devenus les « médecins pénitentiaires »?
24
Une distinction lexicale
révélatrice : la « médecine
pénitentiaire » en tant que groupe professionnel
spécifique
26
PRESENTATION DES HYPOTHESES : LA LOI DU 18
JANVIER 1994 COMME « REFORME PENITENTIAIRE »
28
Première hypothèse : la loi du 18
janvier 1994 comme issue de la lutte entre « segments
professionnels » médicaux antagonistes et acte de
décès de la « médecine
pénitentiaire »
29
Seconde hypothèse : la loi du 18
janvier 1994 comme réforme majeure dans la politique de
« décloisonnement » de l'institution
carcérale menée par des magistrats-militants
31
PERSPECTIVES THEORIQUES : UNE ANALYSE
SOCIOHISTORIQUE D'UNE DYNAMYQUE DE SPECIALISATION MEDICALE
33
Un pas de côté à l'égard
de la sociologie carcérale dominée par la question du sens
des réformes et la permanence de l'« institution
totale » goffmanienne
34
La conception foucaldienne de la réforme
pénitentiaire comme instrument de gouvernement : apports et
limites
38
L'opposition entre segments de médecins
pénitentiaires dans la défense de leur autonomie
professionnelle
42
La spécialisation de la médecine
pénitentiaire, au croisement d'une dynamique médicale et des
politiques carcérales
46
Une spécialisation médicale sous
contrainte : le rôle de l'espace public et du scandale dans la
définition de la médecine pénitentiaire en tant
qu'activité stigmatisante
49
Une démarche de sociologie historique de
l'action publique
51
DELIMITATION SPATIO-TEMPORELLE DU SUJET
53
LES SOURCES DE L'ENQUETE
56
L'étude des politiques carcérales
comme point de départ
57
Les limites des entretiens avec le personnel
sanitaire
58
Une littérature médicale
éparse mais précieuse
61
Les promesses déçues des archives de
l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS)
63
Un recours décisif aux archives des
directions ministérielles
64
Un recours ponctuel aux archives privées
65
L'utilité d'un croisement de l'entretien et
de l'archive en matière d'analyse de la décision
66
LES CONFIGURATIONS DE REFORME DE L'ORGANISATION DES
SOINS EN PRISON
67
PREMIERE PARTIE
73
LA « MEDECINE
PENITENTIAIRE » : LES TENTATIVES DE SPECIALISATION D'UNE
ACTIVITE STIGMATISANTE
73
INTRODUCTION DE LA PREMIERE PARTIE
75
CHAPITRE 1. LES «ANNEES 68» :
CONTESTATION ET POLITISATION DU SYSTEME PENITENTIAIRE ET DE SA MEDECINE
(1970-1973)
83
Section 1- La prison comme nouvel objet de luttes
politiques : le « scandale des prisons »
87
1. De la revendication du régime politique
à la dénonciation du régime des prisons : la
politisation de l'institution carcérale
88
2. Prisons et journalisme : les conditions de
détention désormais au centre des regards
91
Section 2 - La médecine pénitentiaire
en accusation
98
1. La dénonciation par les militants
de la cause carcérale de la prise en charge médicale des
détenus
98
2. Des «
épidémies » de suicides ? Entre accusés et
témoins, les médecins de prison en première ligne de
l'actualité
103
Section 3 - Les médecins face à
l'Administration pénitentiaire : loyauté, apathie,
protestation et défection
111
1. De la remise en cause de la psychiatrie asilaire
à la dénonciation de la psychiatre pénitentiaire :
l'émergence d'un regard critique sur la tutelle administrative
117
2. La contestation des internes de la tutelle
pénitentiaire, effet de la politisation des étudiants de
médecine après Mai 68
123
CHAPITRE 2. UN NOUVEL IDEAL CARCERAL ET
L'EMERGENCE DE L'IDEE DE « DECLOISONNEMENT »
145
Section 1 - Vers une nouvelle considération
de la détention : la progressive reconnaissance du détenu
comme sujet de droit
149
1. La « petite phrase de
Giscard » et l'idée de « droits » des
détenus
150
2. De la revendication du droit à la
mobilisation des professionnels de la prison : l'émergence d'un
nouveau militantisme carcéral
159
3. La reconnaissance d'un «droit à la
santé» et le rattachement des détenus à la
Sécurité sociale
168
Section 2 - Le
« décloisonnement » des services de santé
pénitentiaires : la perte d'un monopole carcéral ?
179
1. Le
« décloisonnement », entre revendication
professionnelle et politique publique : la polysémie d'un
concept
180
2. La défense d'une médecine
pénitentiaire spécifique et l'échec du projet de
« décloisonnement total » de l'organisation des
soins
187
3. La contestation de la psychiatrie
pénitentiaire et son intégration au dispositif de santé
mentale : la réforme de 1977
194
CHAPITRE 3. TENTATIVES ET LIMITES DE
SPECIALISATION D'UNE ACTIVITE MEDICALE CONTROVERSEE
213
Section 1 - La spécialisation de la
médecine pénitentiaire comme réhabilitation d'un secteur
d'action publique peu attractif
216
1. Le travail interne de délimitation d'une
nouvelle spécialité médicale : la mise en
évidence d'une « pathologie carcérale »
219
2. L'inscription de la médecine
pénitentiaire au sein du secteur médical français :
l'adoption d'une éthique et d'une appellation spécifiques
232
Section 2 - Une entreprise de spécialisation
entravée : la non-institutionnalisation de la médecine
pénitentiaire
246
1. Les exigences contradictoires du
métier de médecin pénitentiaire entre Thémis et
Asclépios : une identité professionnelle contrariée
247
2. Une spécialisation sous
contraintes : la politisation de la critique de la médecine
pénitentiaire et de son Inspecteur
267
CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE
283
SECONDE PARTIE
293
LA REMISE EN CAUSE D'UNE MEDECINE
SPECIFIQUE : UNE RECONFIGURATION COGNITIVE
293
INTRODUCTION DE LA SECONDE PARTIE
295
CHAPITRE 4. LES «FENETRES
D'OPPORTUNITE» DE REFORME DE LA MEDECINE PENITENTIAIRE
301
Section 1 - L'alternance de mai 1981 : les
conditions d'une transformation de l'action pénitentiaire
303
1. La gauche face aux prisons : le
poids des contraintes carcérales et le renouvellement des hommes
304
2. L'influence d'une
« communauté épistémique
réformatrice » sur la politique carcérale : la
Coordination syndicale pénale (COSYPE)
315
Section 2. Les «scandales» comme
«fenêtres d'opportunité» de réforme de la
médecine pénitentiaire
328
1. L'éviction de Solange Troisier et la
suppression de l'Inspection médicale interne : la politisation
d'une réforme structurelle
329
2. Du «lanceur d'alerte» à
l'«affaire»: les logiques de «scandalisation»
341
CHAPITRE 5. LES SPECIFICITES CARCERALES A
L'EPREUVE DU « DECLOISONNEMENT »
351
Section 1- L'organisation sanitaire en prison sous
le contrôle des services de la Santé
358
1. L'Inspection générale des affaires
sociales, entre légitimation et réforme de la médecine
pénitentiaire
359
2. Surveiller et conseiller :
l'organisation des soins en prison sous le regard des médecins
inspecteurs de santé publique
369
Section 2 - La délégation de la
santé au secteur privé : la fin d'un monopole
pénitentiaire
385
1. Le « Programme 13.000 » et
la délégation de gestion à des groupements
privés : une forme de décloisonnement ?
387
2. La « boîte noire » de
la médecine pénitentiaire à l'épreuve de la
rationalisation de l'organisation des soins
393
CHAPITRE 6. LE SIDA, «REFORMATEUR» DE
LA POLITIQUE DE SANTE EN PRISON ?
414
Section 1 - Mobilisation administrative et
naissance d'une politique publique de prise en charge du sida en prison
416
1. Le travail de mise en visibilité de
l'épidémie : les «lanceurs d'alertes» face
à la «politique discrète» de l'Administration
pénitentiaire
417
2. L'intervention des CISIH en milieu
carcéral : une ouverture de la prison vers l'Hôpital ou de la
Santé envers les prisons ?
431
Section 2 - Une nouvelle conception des soins en
prison ? L'affirmation d'une médecine non-pénitentiaire
444
1. De la démission à la mobilisation
collective : l'émergence d'une association des professionnels de
santé exerçant en milieu carcéral
447
2. L'arrivée de médecins-chefs
réformateurs : une même médecine entre le dedans et le
dehors ?
457
CONCLUSION DE LA DEUXIEME PARTIE
471
PROLOGUE A LA CONCLUSION : LA REFORME DE 1994
COMME SUCCES D'UNE MOBILISATION DE MAGISTRATS-MILITANTS ET DE PRATICIENS
REFORMATEURS
477
Trouver une alternative au
« 13.000 » : des premières conventions à
une réforme globale de la prise en charge sanitaire des
détenus
478
La mise sur agenda, un
phénomène immergé dans le secteur administratif
482
Le nécessaire recours à la
volonté politique via les cabinets ministériels
484
Le rapport Chodorge du Haut comité de
la santé publique : les conditions de production d'une expertise
légitimante
486
L'adoption de la réforme : du
décret du 27 mars 1993 et la loi du 18 janvier 1994
488
La catégorisation de la prise en charge des
détenus en tant que problème de santé publique et le
rôle du scandale des collectes de sang contaminé en prison
489
La réforme de la médecine
pénitentiaire comme convergence des variables politiques,
professionnelles, cognitives et institutionnelles
494
CONCLUSION
499
La mise en oeuvre de la loi du 18 janvier
1994 : une délimitation trop stricte des missions de soin et de
garde ?
500
Le projet d'une « médecine
pénitentiaire » au croisement d'une double dynamique
médicale et carcérale
509
L'institution pénitentiaire et ses
réformes au prisme de ses acteurs
511
Un contrôle indépendant des conditions
de détention comme étape supplémentaire dans le
décloisonnement l'institution carcérale
514
SOURCES ECRITES
519
1. ARCHIVES DES MINISTERES JUSTICE ET SANTE
519
Ø Archives internes non
versées de l'Administration pénitentiaire consultées
après autorisation des services (sous-direction PMJ de la
DAP) :
519
Ø Archives non versées de la
Direction générale de la santé (DGS) et consultées
au ministère de la Santé après autorisation des services
:
520
Ø Archives en cours de versement
consultées au ministère de la Santé après
dérogation :
521
Ø Archives du Centre des archives
contemporaines (CAC) de Fontainebleau consultées sur
dérogation :
522
2. INSTITUT NATIONAL DE L'AUDIOVISUEL (INA)
530
3. ARCHIVES ETIENNE BLOCH DEPOSEES A L'INSTITUT
D'HISTOIRE DU TEMPS PRESENT (IHTP)
530
4. ARCHIVES DU SYNDICAT NATIONAL DES EDUCATEURS
PENITENTIAIRES (SNEPAP)
531
5. PRESSE D'INFORMATION GENERALISTE ET MEDICALE
PAR ORRDRE CHRONOLOGIQUE
531
6. SOURCES IMPRIMEES (CLASSEMENT PAR SUJET)
539
Politique pénitentiaire, actualité
des prisons :
539
A. Textes officiels et rapports
539
Santé et médecine en
prison :
543
A. Textes officiels et rapports
543
Psychiatries hospitalière et
pénitentiaire :
549
Autres (médecine légale, sida,
etc.)
551
SOURCES ORALES
553
1. ENTRETIENS AVEC DES SOIGNANTS
553
A. Médecins somatiques
(généralistes et spécialistes)
555
B. Psychiatres et psychologues
557
C. Infirmier(e)s
557
D. Pharmacie
558
2. ENTRETIENS AVEC DES DECIDEURS
559
A. Administration pénitentiaire
559
B. Ministère de la Santé
560
C. Haut comité à la santé
publique (HCSP)
560
D. Cabinets ministériels
560
3. PROTAGONISTES DES PRISONS A GESTION
MIXTE
562
BIBLIOGRAPHIE
563
1. SOCIOLOGIE, THEORIE POLITIQUE ET POLITIQUES
PUBLIQUES
563
2. HISTOIRE ET SOCIOLOGIE DE LA PRISON
565
3. SOCIOLOGIE DE LA SANTE ET DES PROFESSIONS
MEDICALES
568
4. SOCIOLOGIE DE LA JUSTICE
569
5. AUTRES
569
ANNEXES
571
ANNEXE 1 : PRESENTATION DE
L'ADMINISTRATION PENITENTIAIRE
572
1. Services de l'administration centrale
572
2. Services déconcentrés
pénitentiaires
573
ANNEXE 2 : CHRONOLOGIE DE 1945 à
1994
574
ANNEXE 3 : EVOLUTION DU NOMBRE DE MEDECINS
EN MILIEU PENITENTIAIRE
585
ANNEXE 4 : THESES DE MEDECINE SOMATIQUE
CONSACREES AU MILIEU CARCERAL DEPUIS LA LIBERATION
586
ANNEXE 5 : LA CREATION DU POSTE DE
MEDECIN-INSPECTEUR DES PRISONS DANS LE CONTEXTE DE LA GUERRE D'ALGERIE
589
ANNEXE 6 : LA DEFENSE PAR GEORGES FULLY DE
L'AUTONOMIE DES MEDECINS PENITENTIAIRES EN MATIERE DE GREVES DE LA FAIM
593
ANNEXE 7 : LA CRÉATION DES CMPR EN
1967 : UN DÉBUT DE RECONNAISSANCE DE LA PSYCHIATRIE
PÉNITENTIAIRE
595
ANNEXE 8 : LE DISCRÉDIT COMME
RÉPERTOIRE D'ACTION D'UN DIRECTEUR À L'ENCONTRE D'UN
PRATICIEN RÉCALCITRANT
598
ANNEXE 9 : « LE FROID
PÉNITENTIAIRE » : LE NÉCESSAIRE TÉMOIGNAGE
D'UNE PSYCHOLOGUE CONFRONTÉE A L'INERTIE PÉNITENTIAIRE
600
ANNEXE 10 : LES MOUVEMENTS DE REMISE EN
CAUSE DE LA PSYCHIATRIE INSTITUTIONNELLE DEPUIS LA LIBERATION
603
ANNEXE 11 : LES EFFETS DE MAI 68 SUR LES
ÉTUDIANTS DE MÉDECINE FRANÇAIS
606
ANNEXE 12 : LA RÉFORME AMOR DE 1945
ET LE MODÈLE DU « TOUT-CARCÉRAL »
609
ANNEXE 13 : LE MOUVEMENT DE CONTESTATION
DU DROIT DES « ANNÉES 68 » FACE AUX PRISONS ET LA
JUDICIARISATION DE LA DETENTION
611
ANNEXE 14: L'« AFFAIRE
MIRVAL » OU LA CONTESTATION D'UN INTERNE MILITANT
614
ANNEXE 15 : L'INFLUENCE INDIRECTE DE MAI
68 SUR DEUX INTERNES PENITENTIAIRES
616
ANNEXE 16 : LES CRAINTES DE LA
PENITENTIAIRE FACE A UN REGARD MEDICAL EXTERIEUR : LES PREMIERES
INFIRMIERES CROIX-ROUGE EN DETENTION
619
ANNEXE 17 : LES HOSPITALISATIONS CIVILES :
CAUSE ET OBSTACLE AU « DÉCLOISONNEMENT TOTAL »
DE LA MÉDECINE PÉNITENTIAIRE
622
ANNEXE 18 : LE REGARD
DÉSENCHANTÉ D'UN INTERNE EN PSYCHIATRIE SUR L'UTILITÉ DE
SA PRÉSENCE EN MILIEU CARCÉRAL
624
ANNEXE 19 : L'OBSTACLE RÉCURRENT DE
LA RÉMUNÉRATION DANS LE PROJET DE LA CRÉATION D'UN CORPS
DES SOIGNANTS PÉNITENTIAIRES
626
ANNEXE 20 : ASCLÉPIOS AU SERVICE DE
THÉMIS OU LA POSITION CONTROVERSÉE DE SOLANGE TROISIER EN
MATIÈRE DE GRÈVES DE LA FAIM
629
ANNEXE 21 : ENTRE OPPORTUNISME ET
ADHÉSION IDÉOLOGIQUE, LA JUSTIFICATION DE LA MÉDECINE
PÉNITENTIAIRE PAR UN INTERNE
633
ANNEXE 22 : DE LA CURIOSITÉ
À LA RÉVOLTE, PARCOURS D'UN INTERNE LYONNAIS
635
ANNEXE 23 : LA STRATÉGIE
DÉNONCIATRICE DE LIBÉRATION : LE CAS « MICHEL
HENGE »
638
ANNEXE 24 : ENTRE CRITIQUE RADICALE ET
RÉFORME PRAGMATIQUE, LE SYNDICAT DE LA MAGISTRATURE FACE À LA
QUESTION PÉNITENTIAIRE
640
ANNEXE 25 : LA POLITIQUE
SÉCURITAIRE D'ALAIN PEYREFITTE ET LA MULTIPLICATION DES PRESSIONS ENVERS
LES PROFESSIONNELS PÉNITENTIAIRES
644
ANNEXE 26 : LE « SCANDALE DES GRÂCES
MÉDICALES »: LE RÉCIT DES FAITS
647
ANNEXE 27: L'ANESTHÉSISTE ET LE
CHIRURGIEN : LA PRISE EN COMPTE PAR L'IGAS DES CONTRAINTES
PÉNITENTIAIRES
650
ANNEXE 28 : ENTRE SURMENAGE ET LASSITUDE,
PORTRAITS DE TROIS INFIRMIÈRES PÉNITENTIAIRES EXERÇANT
DANS LES ANNÉES QUATRE-VINGT
654
ANNEXE 29 : LES EFFETS LIMITÉS DES
CONTRÔLES DE L'IGAS : L'EXEMPLE DE LA M.A DE
PONTOISE
658
ANNEXE 30 : LES EFFETS PERVERS D'UNE
MODERNISATION ET D'UNE NOUVELLE RÉGULATION DE LA MÉDECINE
PÉNITENTIAIRE : LE DIFFICILE RECRUTEMENT DES CHIRURGIENS-DENTISTES
661
ANNEXE 31 : LA CRÉATION DES
SERVICES MÉDICO-PSYCHOLOGIQUES RÉGIONAUX (SMPR) EN 1986, ACTE DE
DÉCÈS DE LA
« PSYCHIATRIE PÉNITENTIAIRE »
663
ANNEXE 32 : LA CRISE DE LA MÉDECINE
LÉGALE : UNE DIFFICILE INTÉGRATION HOSPITALO-UNIVERSITAIRE
ET SA NÉCESSAIRE RECONVERSION
667
ANNEXE 33 : LES SOIGNANTS ET LE SIDA EN
PRISON : ENTRE GESTION DES PEURS ET PRISE EN CHARGE IMPOSSIBLE
670
ANNEXE 34 : LE TRAITEMENT
MÉDIATIQUE DU SIDA : DE LA PSYCHOSE À LA
DÉDRAMATISATION
674
ANNEXE 35 : LE SCANDALE DES COLLECTES DE
SANG EN MILIEU CARCERAL COMME REVELATEUR DES FAIBLESSES DE L'ORGANISATION DES
SOINS EN PRISON
676
ANNEXE 36 : ENTRETIEN AVEC DANIEL
GONIN
679
ANNEXE 37 : ENTRETIEN AVEC PIERRE
ESPINOZA
699
ANNEXE 38 : ENTRETIEN AVEC
JEAN FAVARD
713
ANNEXE 39 : ENTRETIEN AVEC YVAN ZAKINE
721
ANNEXE 40 : ENTRETIEN AVEC MYRIAM
EZRATTY
729
INDEX
737
TABLE DES ENCADRES
745
TABLE DES ACRONYMES
ADDD : Association de défense des
droits des détenus
APM : Association professionnelle des magistrats
APSP : Association des personnels soignant des
prisonniers
CAP : Commission d'application des peines
C.A.P : Comité d'action des prisonniers
CHU : Centre hospitalier universitaire
CHS : Centre hospitalier spécialisé
CISIH : Centre d'information et de soin de
l'immunodéficience humaine
CISMP : Conseil international des services
médicaux dans les prisons
CMPR : Centre médico-psychologique
régional
CD : Centre de détention
CPP : Code de procédure pénale
COSYPE : Coordination syndicale pénale
CRF : Croix-Rouge française
DAP : Direction/Directeur de l'administration
pénitentiaire
DH : Direction des hôpitaux
DDASS : Direction départementale des affaires
sanitaires et sociales
DRASS : Direction régionale des affaires
sanitaires et sociales
DGS : Direction générale de la
santé
DRSP : Direction/Directeur régional des services
pénitentiaires
DSS : Direction de la Sécurité sociale
ENAP : Ecole nationale d'administration
pénitentiaire
ES : Education surveillée
GIP : Groupe d'information sur les prisons
GMP : Groupe multiprofessionnel des prisons
GMQP : Groupe multiprofessionnel pour les questions
pénitentiaires
IGAS : Inspection générale des affaires
sociales
IGSJ : Inspection générale des services
judiciaires
JAP : Juge d'application des peines
LF : Le Figaro
LM : Le Monde
M.A : Maison d'arrêt
MAJ : Mouvement d'action judiciaire
MC : Maisons centrale
MISP : Médecin-inspecteur de santé
publique
PHB : Prison hôpital des Baumettes
QDM : Le Quotidien du médecin
QHS : Quartier de haute sécurité
QSR : Quartier à sécurité
renforcée
RPDP : Revue pénitentiaire et de droit
pénal
RSCDP : Revue de sciences criminelles et de droit
pénal comparé
SAF : Syndicat des avocats de France
SM : Syndicat de la magistrature
SMPR : Service médico-psychologique
régional
SNEPAP : Syndicat national des éducateurs et des
personnels de l'administration pénitentiaire
SPH : Syndicat des psychiatres des hôpitaux
UCSA : Unité de consultation et de soins
ambulatoires
INTRODUCTION
LA DISPARITION DE LA « MEDECINE
PENITENTIAIRE » : UNE VICTOIRE DE LA SANTE PUBLIQUE ?
Robert Badinter : « La santé des
détenus est un problème constant qui a fait des progrès
considérables. Nous sommes arrivés avec des difficultés
inouïes à mettre fin à ce que l'on a appelé "la
médecine pénitentiaire", qui était une médecine de
sous-hommes »2(*).
C'est par ces mots que Robert Badinter décrivit devant
la Commission d'enquête sur les prisons françaises la
réforme de l'ancienne organisation des soins en prison à laquelle
est consacrée cette thèse. L'article 2 de la loi n°94-43 du
18 janvier 1994, relative à la santé publique et à la
protection sociale, transfert en effet la prise en charge sanitaire des
détenus, qui relevait auparavant de l'Administration
pénitentiaire, au ministère de la Santé3(*). Concrètement, et selon
les termes de la circulaire du 8 décembre 1994, chaque prison
réalise un protocole avec un établissement public hospitalier qui
s'engage à créer au sein de celle-ci une Unité de
consultation et de soins ambulatoires (UCSA). La nouveauté est avant
tout financière et statutaire. L'ensemble du personnel
médical et paramédical intervenant en prison, auparavant
vacataire ou contractuel du ministère de la Justice, est
désormais doté du statut hospitalier. L'objectif proclamé
par les pouvoirs publics est ainsi avant tout de séparer de façon
distincte les missions de soin et de surveillance qui étaient
exercés par l'Administration pénitentiaire4(*).
La loi du 18 janvier 1994 fut présentée comme un
« tournant » tant en raison de ses principes que du fait
des profondes transformations qu'a permis sa mise en oeuvre. La première
modification notable fut, comme l'observe un rapport d'évaluation
réalisé conjointement par l'Inspection générale des
affaires sociales (IGAS) et l'Inspection générale des services
judiciaires (IGSJ), un « véritable changement
d'échelle » dans l'organisation des soins rendu possible par
la forte augmentation des crédits alloués au dispositif sanitaire
en prison5(*).
Tandis qu'en 1993, l'Administration pénitentiaire dépensait 79
millions de francs pour rémunérer les personnels médicaux
et paramédicaux, la Direction de l'hospitalisation et de l'organisation
des soins (DHOS) met en place en 1994 une enveloppe de 393 millions pour
financer l'intégralité de la prise en charge somatique et
psychiatrique. Depuis, des augmentations régulières ont permis
à ce budget santé d'atteindre 87,5 millions d'euros en 1997 et
134,5 millions d'euros en 20026(*).
Cette nouvelle dotation budgétaire s'est traduite par
de nombreuses créations de postes, comme il a été permis
de le constater au cours de la recherche de DEA consacrée à la
mise en oeuvre de cette réforme dans les prisons de Lyon7(*). « Le service de
médecine pénitentiaire va devenir en 2004 le plus gros service
des hospices civils de Lyon avec plus de quatre-vingts agents », se
félicitait alors le responsable du service de prise en charge des
détenus de l'hôpital Lyon Sud8(*). Les anciennes infirmeries pénitentiaires
exiguës et parfois insalubres ont été rénovées
et agrandies. Là aussi, l'UCSA de Lyon permet de prendre acte de ce
changement d'échelle, si l'on en croit un Praticien hospitalier
arrivé à la Maison d'arrêt (M.A) de Saint-Joseph au moment
de la réforme : « Je pense vraiment qu'au niveau des
moyens ça a été un énorme progrès [...] On a
des locaux qui ont été refaits. Les locaux ont changé. On
a tout le matériel de l'hôpital, on dispose de la pharmacie des
hôpitaux »9(*). Un recours accru aux hospitalisations
extérieures ou la mise en place de procédures qualité
hospitalières auraient enfin permis, selon l'IGAS et l'IGSJ, de
réaliser « d'indéniables progrès »
dans la prise en charge somatique.
La nouvelle organisation des soins présente, certes,
des lacunes relevées au cours du DEA. La difficile acceptation par
l'institution hospitalière de cette mission à qui elle a
été imposée fut à l'origine de fortes
disparités géographiques10(*). « Il ne faut pas vous baser sur
l'exemple lyonnais [...] Il y a des chefs de services qui sont responsables de
l'unité fonctionnelle à laquelle est rattachée l'UCSA qui
ne connaissent pas l'UCSA et qui n'ont jamais mis les pieds dans la prison
», s'exclamait la responsable de l'action sanitaire de la région
pénitentiaire lyonnaise11(*). Depuis 2003, les conditions de prise en charge
sanitaire des détenus semblent s'être même
dégradées. Le dispositif de soins psychiatriques serait par
exemple incapable de répondre à l'importante demande de soin en
santé mentale12(*).
Mais surtout, depuis quelques années, plusieurs
institutions ont pointé du doigt certaines carences du système
mis en place en 1994. Dans un rapport très critique sur l'état
des prisons françaises, le Sénat considérait que
demeuraient entiers les problèmes de la permanence des soins, faute de
médecins la nuit, du rôle d'interface joué par le personnel
de surveillance ou encore des difficultés à effectuer des
transferts entre la prison et l'hôpital13(*). En décembre 2003,
l'Académie de médecine notait que « les personnels
médicaux et paramédicaux sont particulièrement
insuffisants pour répondre aux besoins et pour certains d'entre eux
insuffisamment formés à leur fonction très
particulière »14(*). Calculés en fonction de la population
détenue théorique, les personnels mis à la disposition des
UCSA seraient en effet depuis quelques années largement
sous-évalués au regard des besoins liés à la forte
surpopulation carcérale15(*).
Même les observateurs les plus critiques s'accordent
néanmoins à reconnaître l'absence de commune mesure entre
le dispositif actuel et celui alors en place avant la réforme.
« Grâce au rattachement de chaque centre de détention
à un hôpital public, la loi de 1994 a permis d'enterrer une
médecine pénitentiaire anachronique [...] La "vraie"
médecine peut alors faire son entrée en
détention », note un article de presse pourtant très
critique sur la prise en charge sanitaire des détenus16(*). « La
réforme de 1994 [...] a considérablement amélioré
la prise en charge médicale des détenus », note
l'Observatoire international des prisons (OIP), toutefois réputé
pour sa virulence, dans son rapport annuel pour l'année
200517(*).
Qualifiée de « révolution
sanitaire »18(*), la réforme de l'organisation des soins
en prison fut présentée par ses partisans comme la réponse
nécessaire et logique à la situation dramatique à laquelle
était confronté, au début des années
quatre-vingt-dix, le ministère de la Justice. Guy Nicolas, alors
vice-président du Haut comité de la santé publique (HCSP)
qui exerça un rôle important dans la réforme, en rappelle
le contexte : « La santé de la population
carcérale est un vrai sujet de santé publique et, en 1992, le
système avait atteint les limites de ses possibilités,
l'administration pénitentiaire ne pouvant plus faire face, tant sur le
plan organisationnel et financier, au développement des pathologies
nouvelles »19(*). C'est parce que la santé des
détenus est un « enjeu de santé
publique »20(*) que la réforme de 1994 peut être
considérée selon Olivier Obrecht, devenu médecin-chef de
Fleury-Mérogis après la réforme, comme une
« évidence conceptuelle »21(*). Les seuls
impératifs sanitaires viendraient expliquer la réforme. C'est
d'une façon similaire que le responsable du service de prise en charge
des détenus de l'hôpital Lyon Sud nous présentait la loi du
18 janvier 1994 :
« On se trouvait confronté à des
besoins sanitaires considérables liés au fait, d'une part,
à ce que ces personnes, pour la plupart d'entre elles, étaient
depuis leur naissance dans une grande négligence des soins, souvent dans
des conduites de risque, et, d'autre part, que l'institution elle-même
est pathogène. Donc nous avons dit qu'il s'agissait plutôt d'une
mission de santé publique et qu'elle était peu compatible avec la
dépendance à l'administration pénitentiaire
»22(*).
On avait défendu dans le DEA cette présentation
de la réforme en tant que victoire de la santé publique. La
réorganisation du dispositif soignant constituerait la nécessaire
réponse à la situation d'urgence qu'ont traversée les
prisons françaises à partir de la moitié des années
quatre-vingt, en raison d'une fragilisation de la population carcérale,
soudainement amplifiée par l'épidémie de sida.
« Une réelle inquiétude devant la montée des
besoins sanitaires en prison, en raison de l'augmentation du nombre de
personnes incarcérées infectées par le VIH et/ ou
toxicomanes, a amené le ministère de la Justice à mettre
en place une politique de "décloisonnement" permettant aux services de
la Santé d'assurer des compétences grandissantes en milieu
pénitentiaire », souligne un membre du HCSP23(*).
Toute historicité n'est certes pas absente dans la
présentation que livrent les principaux acteurs de la loi du 18 janvier
1994. Cette histoire n'échappe cependant pas à un biais
téléologique24(*). La mise en récit d'une chronologie
invariante25(*)
et d'un ensemble de références bibliographiques
considérées comme incontournables26(*) viendrait rappeler que la
« la réforme des soins en milieu pénitentiaire, dont
l'aboutissement est constitué par la loi du 18 janvier 1994, est le
fruit d'une longue maturation, parallèle à la prise de conscience
progressive de la société face aux conditions
carcérales »27(*). Cette manière de présenter la
réforme à partir des seules exigences sanitaires contribue
à mythifier cette réforme en la revêtant d'un certain
« nécessitarisme ». Ele aboutit également
à gommer le rôle des acteurs et les éventuelles luttes et
mobilisations ayant rendu possible la loi de 1994.
Que l'ancienne organisation des soins ait connu une profonde
crise à la fin des années quatre-vingt et ne fut pas en mesure de
répondre aux besoins sanitaires croissants de la population
carcérale ne suffit cependant pas à rendre compte de son
transfert auprès du ministère de la Santé. D'autres
options étaient alors possibles, telle qu'une augmentation du budget
consacré par l'Administration pénitentiaire à la prise en
charge médicale ou un support accru du ministère de la
Santé sans qu'un transfert de tutelle ait lieu, comme ce fut le cas dans
d'autres pays. Mais surtout cette situation d'urgence sanitaire ne suffit pas
à rendre compte de la bonne mise en oeuvre de cette réforme.
C'était l'une des principales conclusions issue de l'approche
comparative adoptée en DEA28(*). L'échec de la réforme italienne,
principalement lié à l'opposition d'un corps de
« medici penitenziari », permet d'interroger les
conditions de réussite de la loi du 18 janvier 1994. L'exemple italien
amène ainsi à s'interroger sur le rôle qu'ont exercé
les « médecins pénitentiaires » dans la
réforme française.
Les leçons de l'échec
italien dans l'analyse de la réforme française : que sont
devenus les « médecins pénitentiaires »?
Le transfert, au moins partiel, de la prise en charge
médicale des détenus du ministère de Santé au
ministère de la Justice n'est pas un fait spécifique à la
France puisqu'on peut observer une évolution similaire dans plusieurs
pays de l'Union européenne. L'Italie a adopté une réforme
dite de Riordino della medicina penitenziaria (Réorganisation
de la médecine pénitentiaire) par la loi n°419 de 1998 qui
prévoit que soit transférée, à compter du
1er janvier 2000, au Servizio sanitario nazionale la
mission de soin remplie jusqu'alors par l'Amministrazione
penitenziaria29(*).
En Angleterre et au Pays de Galles, le Prison medical service,
relevant du ministère de la Justice, a connu une réorganisation
en 1990, devenant le Health care service for prisoners30(*). Des rapports ont
cependant préconisé au cours des années quatre-vingt-dix
une participation du service public de santé et un transfert progressif
a lieu depuis 200331(*). Les Primary care trusts, responsables
de l'organisation des soins au niveau local dans toute l'Angleterre, sont
chargés de cette mission en prison, même si subsistent quelques
Medical officers dépendant de l'Administration
pénitentiaire. En Suisse, les Instituts de médecine
légale, qui dépendent du ministère de la Santé,
sont chargés de l'organisation des soins qui peuvent être
prodigués par des médecins privés contractuels ou des
médecins fonctionnaires effectuant une partie de leur tâche en
milieu carcéral32(*).
Cette relative convergence entre plusieurs pays
confrontés, de manière plus ou moins accentuée, à
une aggravation des problèmes de santé en prison nous avait
convaincu, dans un premier temps, de l'explication tendant à justifier
la réforme par les seules raisons sanitaires. Pourtant confrontés
à des difficultés semblables, certains pays ont maintenu une
tutelle pénitentiaire, choisissant de mieux doter financièrement
le ministère de la Justice. La réorganisation de la prise en
charge des détenus a, par exemple, fait l'objet d'un débat en
Belgique qui s'est conclu par un refus de transférer cette mission vers
le système sanitaire national33(*). En Espagne et au Portugal la prise en charge
sanitaire des détenus relève toujours de la seule
responsabilité du ministère de la Justice34(*).
En outre, l'analyse comparée des réformes
française et italienne a permis d'établir, au-delà des
similitudes, un lien entre le contexte dans lequel ont été
adopté ces dispositions et les conditions de leur mise en oeuvre. Tandis
que la loi du 18 janvier 1994 n'a pas rencontré de difficultés
majeures et fut même saluée pour la rapidité avec laquelle
elle fut appliquée étant donné l'ampleur du
changement35(*),
la réforme italienne semble avoir abouti, en revanche, à un
échec. Elle se situait en effet, au moment de notre DEA, dans
un état d'immobilisme presque total. Un seul des décrets
d'application avait alors été publié. Le budget qui devait
selon l'article 5 de la L.419/98 être confié au minitero della
Sanità n'avait pas été transféré et
demeurait sous le contrôle de l'Amministrazione penitenziaria.
Plusieurs différences expliquaient cet échec. La
remise en cause de l'organisation des soins en prison n'a pas, en Italie,
été l'objet d'une médiatisation aussi forte qu'en France,
où éclata peu de temps avant la réforme le scandale des
collectes de sang contaminé en milieu carcéral. Le système
de santé italien à qui fut confié cette mission ne dispose
pas, en outre, d'une légitimité aussi forte que le système
hospitalier français. Enfin, troisième facteur explicatif, la
réorganisation des soins ne réalisait pas un consensus parmi les
« medici penitenziari» italiens. Leur syndicat
était même très défavorable à cette
réforme susceptible de désorganiser la cogestion que ces derniers
avaient pu établir avec l'Amministrazione penitenziaria.
La mobilisation des « médecins
pénitentiaires » italiens contre leur transfert auprès
du ministère de la Santé contrastait avec le cas français.
Tous les praticiens rencontrés au cours du DEA présentaient une
adhésion totale aux principes énoncés au moment de la
réforme : les détenus devaient pouvoir
bénéficier d'une prise en charge identique à celle dont
bénéficie tout citoyen et le rattachement au ministère de
la Santé apparaissait pour eux dès lors
« naturel ». Tous ces médecins, sauf un devenu
grâce à la réforme chef de service hospitalier,
étaient cependant intervenus en milieu carcéral après 1994
et aucun n'avait connu l'ancien système. Tous étaient d'ailleurs
critiques à son égard. Une analyse de la presse
généraliste et spécialisée permettait d'observer le
même unanimisme. Plusieurs médecins, travaillant depuis plus ou
moins longtemps en milieu carcéral, avaient en effet plaidé en
faveur de cette réforme au début des années
quatre-vingt-dix36(*). Mais surtout, aucune voix discordante n'avait
émergé au sein de l'espace public pour s'opposer à cette
loi. Cette absence d'opposition était-elle réelle ou le fruit
d'un manque de visibilité ?
L'échec de la réforme italienne nous amena ainsi
à nous interroger sur l'existence en France d'un groupe professionnel de
« médecins pénitentiaires » dont il ne fut
jamais question après la réforme. Qu'étaient devenus ces
médecins exerçant avant 1994 ? Pourquoi ne les a-t-on pas
entendus au sein de l'espace public durant la réforme ?
N'étaient-ils pas en mesure de s'opposer à ce transfert
auprès du ministère de la Santé, tels leurs
confrères italiens, ou au contraire étaient-ils favorables
à la loi du 18 janvier 1994 ? Ces questions prenaient tout leur
sens au vu de la critique unanime de l'appellation de
« médecine pénitentiaire » faite par les
partisans de la réforme.
Une distinction lexicale
révélatrice : la « médecine
pénitentiaire » en tant que groupe professionnel
spécifique
On a été frappé au cours du DEA par la
distinction maintes fois répétées entre la
« médecine pénitentiaire », censée
caractériser l'ancien dispositif de prise en charge des détenus,
et la « médecine en milieu pénitentiaire »
que consacre la loi du 18 janvier 1994. Tous les acteurs, aussi bien
politiques, qu'administratifs ou médicaux, font depuis la réforme
un usage très dépréciatif de l'expression de
« médecine pénitentiaire ». Les rapports
administratifs publiés depuis 1994 évitent
délibérément toute référence à ce
terme relégué à un passé stigmatisant.
« Cette indépendance des logiques sanitaire, judiciaire et
pénitentiaire que la loi de 1994 a appelé de ses voeux
répondait à un ensemble de critiques formulées à
l'encontre de la médecine pénitentiaire », remarque le
rapport de l'IGAS-IGSJ qui évoque les « compromissions »,
les « soupçons » ou encore « la
méfiance » visant la « médecine
pénitentiaire », aujourd'hui
« supprimée »37(*). Les entretiens réalisés durant la
thèse avec des médecins et infirmières ayant
travaillé avant 1994 ont confirmé l'hypothèse d'un usage
du langage comme révélateur d'un positionnement à
l'égard du passé.
Interrogés quant à la signification de cette
expression, tous les médecins ayant milité en faveur d'une
réforme et ayant été transférés au
ministère de la Santé sont enclins à se déclarer
choqués par une appellation évoquant une tutelle administrative
contre laquelle ils se sont mobilisés, tel ce médecin ayant
été en conflit avec l'Administration et désormais
satisfaite de travailler pour le ministère de la Santé :
« Moi, je préfère "médecine en milieu
pénitentiaire". C'est clair ! Parce que j'estime qu'on fait de la
médecine comme ailleurs. Et puis je ne me sens pas faire partie de
l'Administration pénitentiaire ! »38(*). La réaction de
certains interviewés traduit l'ampleur de leur rejet d'une expression
qui semble leur faire violence. Ainsi, au cours d'un entretien, un praticien
ayant une longue expérience en prison et ayant participé à
la réforme m'interrompt alors que je fais état d'une recherche
sur l'« histoire de la médecine
pénitentiaire » : « Ça n'existe pas la
médecine pénitentiaire ! Parce que ça n'est pas une
médecine spéciale... C'est une médecine pour
détenus. Mais les lieux de rassemblement où il y a des gens qui
sont dans le malheur, il y en a d'autres ! »39(*). Le changement
sémantique marquerait ainsi une rupture avec le passé. Ce
praticien arrivé peu de temps avant la réforme, se
déclarant moins « à cheval » sur le
choix des mots, témoigne à l'inverse d'une moindre volonté
de rupture :
« Y a des gens qui parlent encore aujourd'hui de
"médecine pénitentiaire" mais c'est sans mauvaises intentions.
Mais c'est vrai que pour vraiment rompre avec le passé, c'était
de dire : "Voilà ! On est passé à autre
chose !" [...] Ça me dérange moins maintenant car cette
volonté de rupture, je l'ai moins aujourd'hui que quand la
réforme s'est mise en place et qu'on voulait vraiment se positionner
là-dessus... »40(*).
A l'inverse, les interviewés défavorables
à un transfert de compétence auprès du secteur hospitalier
tendent à défendre cette appellation. Pour eux, outre un marqueur
à l'égard du passé, l'expression de
« médecine pénitentiaire » témoigne de
la spécificité de l'exercice médical tel qu'il s'exerce en
milieu carcéral. Une infirmière disposant d'une longue
ancienneté dans l'Administration, nostalgique de la tutelle
pénitentiaire, et travaillant aujourd'hui auprès du personnel de
surveillance, déclare ainsi « que c'est une médecine
spécifique. Vraiment ! On parle de médecine
hospitalière, il y a la médecine pénitentiaire. Avec des
maladies différentes »41(*). La défense de cette
spécificité est souvent le fait de professionnels ayant
été fortement remis en cause lors de la réforme qui a
parfois mis fin à leur carrière, à l'image de cet
interviewé ayant dû abandonner son poste de médecin-chef
intérimaire d'un grand établissement, faute de disposer des
titres hospitaliers requis :
« Je pensais que la médecine
pénitentiaire était quelque chose de très particulier qui
devait garder son autonomie, sa... sa personnalité... Son
originalité quoi ! Mettre ça à la médecine
hospitalière, y a quelque chose qui me gêne ! La
médecine pénitentiaire c'est quelque chose de particulier... qui
s'adresse à des gens particuliers ! »42(*).
Loin d'être anodin, l'usage ou le rejet de l'expression
de « médecine pénitentiaire » renverrait
à deux choses. Il traduirait en premier lieu une certaine conception des
rapports entre la médecine et la Justice. Ceux qui refusent de se
définir comme « médecin
pénitentiaire » sont ainsi plus prompts à critiquer les
atteintes à l'autonomie médicale imposées au nom des
contraintes pénitentiaires, par exemple en matière de secret
médical. Le positionnement des praticiens révèle, en
second lieu, la volonté de distinguer un type de pratique médical
qui, du fait de ses conditions d'exercice, serait irréductible à
n'importe quelle autre médecine43(*). Ces deux dimensions apparaissent liées.
La « médecine
pénitentiaire » traduirait ainsi la définition d'une
identité professionnelle spécifique impliquant une articulation
particulière des devoirs médicaux et judiciaires. Si certains
interviewés se déclarèrent opposés à la
réforme, c'est par ce que selon eux la médecine
pénitentiaire est une médecine spécifique ne pouvant
être exercée par des praticiens hospitaliers qui n'ont pas
été formés à cela. En affirmant le
« principe d'équivalence »44(*) et en confiant cette
tâche au service public hospitalier, la loi du 18 janvier 1994 aurait
fait abstraction qu'il s'agit de soigner des personnes détenues et que
cela suppose, selon certains praticiens, un exercice médical
spécifique. L'opposition entre une médecine plus soucieuse des
impératifs pénitentiaires et une autre se revendiquant
exclusivement de la déontologie médicale faisant abstraction de
la détention permet d'envisager la loi du 18 janvier 1994 en des termes
nouveaux.
PRESENTATION DES HYPOTHESES :
LA LOI DU 18 JANVIER 1994 COMME « REFORME
PENITENTIAIRE »
Deux hypothèses,
inextricablement liées, ont orienté le travail de
recherche : en tant que suppression d'un groupe professionnel (les
médecins pénitentiaires), la loi du 18 janvier 1994 peut tout
d'abord être analysée comme l'issue d'une lutte entre segments
professionnels médicaux antagonistes. Elle n'est cependant pas qu'une
réforme médicale. Elle est d'autre part présentée
comme une transformation majeure de l'institution carcérale et fut
à ce titre portée par des magistrats militants hostiles
également à une « médecine
pénitentiaire ». C'est de la rencontre de ces deux groupes de
réformateurs qu'est née la loi du 18 janvier 1994. Loin de se
réduire à des enjeux strictement sanitaires ou
budgétaires, la réforme de l'organisation des soins en prison
apparaît ainsi comme une « réforme
pénitentiaire » porteuse d'une nouvelle conception de
l'institution carcérale et de sa médecine45(*).
Première hypothèse : la loi du 18 janvier 1994
comme issue de la lutte entre « segments
professionnels » médicaux antagonistes et acte de
décès de la « médecine
pénitentiaire »
La nouvelle organisation des soins fut présentée
comme la réforme d'une prise en charge médicale en
« crise », incapable de répondre aux nouveaux
besoins issus notamment de l'apparition du sida. En présentant le
nouveau dispositif comme une réforme guidée par le seul
impératif de « santé publique », les
détracteurs de la « médecine
pénitentiaire » ont contribué à reléguer
au second plan des luttes professionnelles dont sont révélatrices
les différences lexicales. La distinction entre une
« médecine pénitentiaire » et une
« médecine en milieu pénitentiaire »
recouvre, comme on en fait l'hypothèse, l'existence de
« segments professionnels » divergents46(*).
La réforme de l'organisation des soins ne constituerait
ainsi pas seulement la réponse à un problème de
santé publique, bien réel par ailleurs, mais une reconfiguration
des rapports de force entre, d'une part, des médecins partisans d'une
médecine spécifiquement pénitentiaire et, d'autre part,
des praticiens désireux de défendre leur autonomie
médicale.
L'un des enjeux de la thèse sera de rendre compte des
logiques par le biais desquelles ont pu émerger ces différents
segments et comment les rapports de force ont évolué entre ces
derniers. Il s'agira d'expliquer, notamment, pourquoi les professionnels les
plus hostiles à la réforme ont perdu progressivement la position
dominante qu'ils occupaient dans le système de régulation
professionnelle de l'activité médicale en prison au point
d'être invisibles lors de la loi du 18 janvier 199447(*). Il s'agit ainsi de
comprendre comment une politique publique s'articule à une dynamique
professionnelle, en l'occurrence de spécialisation médicale.
Le travail de terrain fit émerger un monde qui avait
disparu avec la réforme de 1994, celui de la médecine
pénitentiaire en tant que spécialité médicale.
Apparue au cours des années soixante, la « médecine
pénitentiaire » s'est, en effet, progressivement
institutionnalisée dans le secteur médical sous la forme de
congrès, de publications puis d'un enseignement universitaire. C'est
ainsi qu'en 1977 fut érigé la première, et unique, chaire
de médecine pénitentiaire, d'abord rattachée à la
médecine légale puis autonome en 1980. Loi du 18 janvier 1994 qui
met fin à cette appellation marque la disparition de cette discipline
médicale en voie de reconnaissance. La réforme de 1994 est ainsi
une étape importante dans la reconfiguration du rapport de force qui
oppose les partisans de cette spécialité aux praticiens qui
estiment que cette discipline implique une soumission de la médecine
à la Justice et ainsi une atteinte à leur autonomie de
soignant.
Si cette réforme engage au premier titre le corps
médical, il ne faut cependant pas sous-estimer le rôle essentiel
que les fonctionnaires du ministère de la Justice, et notamment de
l'Administration pénitentiaire, ont exercé dans l'instauration
d'un nouveau dispositif soignant dont les enjeux dépassent le domaine
médical. Comment comprendre autrement, d'ailleurs, la virulence
exprimée par certains magistrats rencontrés à
l'égard de l'appellation de « médecine
pénitentiaire » ? Lors d'une prise de contact
téléphonique, un magistrat ayant participé à
l'élaboration de la loi déclare accepter de me rencontrer
à condition de ne plus jamais évoquer devant lui la
« médecine pénitentiaire »48(*). « La
médecine pénitentiaire c'est quelque chose d'obscène [...]
C'est comme si on disait la médecine... Je sais pas... la
médecine scolaire ! [Hésitation] Ça existe ? Ah
oui ça existe... », s'exclame au cours d'un entretien un autre
magistrat ayant contribué à la réforme49(*).
Ce « lapsus » au sujet de la
médecine scolaire rappelle qu'une telle prise de position n'est pas
fondée sur des considérations médicales. Le rejet de la
« médecine pénitentiaire » traduit chez ces
magistrats une prise de distance à l'égard d'une certaine
histoire de la Justice. C'est ce que confirment les propos du Conseiller
technique aux prisons de Robert Badinter qui lui aussi avait oeuvré
alors en faveur d'un service de santé pour détenus autonome de
l'Administration pénitentiaire : « Quand on prononce ces mots,
d'une certaine manière, on revient à l'autarcie
d'avant »50(*). La loi du 18 janvier 1994 ne peut ainsi
être réduite à un conflit entre médecins. Elle est
porteuse d'une certaine conception de la prison et doit, à ce titre,
être présentée comme une réforme
carcérale.
Seconde hypothèse : la
loi du 18 janvier 1994 comme réforme majeure dans la politique de
« décloisonnement » de l'institution
carcérale menée par des magistrats-militants
On décrit souvent la loi du 18 janvier 1994 comme la
réforme statutaire de la médecine
pénitentiaire51(*). Si cela est exact, cette présentation
tend en revanche à minorer la seconde disposition de cette
réforme qui assure à toute personne incarcérée le
bénéfice de la protection sociale dont elle était
jusque-là exclue52(*). Le transfert des détenus auprès du
dispositif de droit commun fut justifié à partir du
« principe d'équivalence » selon lequel les
détenus bénéficieraient, mis à part leur perte de
liberté, de droits équivalents à n'importe quel autre
citoyen. Ce principe, promu aujourd'hui au plan international53(*), est
présenté comme étant à l'origine de loi italienne
de réorganisation des soins en prison. L'article 1er du
décret n°230 du 22 juin 1999 affirme ainsi le respect du principe
d'équivalence entre la médecine « du dedans »
et la médecine « du dehors » à travers un
« droit égal » à la santé.
Ce principe d'équivalence dépasse largement la
seule question sanitaire. Ainsi, la réorganisation des soins en prison
ne peut être comprise que si elle est restituée dans le cadre plus
global des transformations qui ont affectées la prison. La
réforme de 1994 est d'ailleurs fréquemment citée comme
l'un des meilleurs exemples du processus de
« normalisation » ou de
« décloisonnement » des prisons qui consisterait,
comme le souligne Jean-Charles Froment, à ouvrir les
établissements carcéraux à de nouveaux intervenants
(instituteurs, associations, partenaires privés, etc.) mais surtout
à promouvoir, sur un plan plus formel, l'idée de
« droits » des détenus54(*). L'intervention de
Praticiens hospitaliers mais surtout l'affiliation des détenus
auprès de la Sécurité sociale, unanimement salués
comme la reconnaissance d'un droit aux soins, voire à la santé,
permettent ainsi d'analyser la loi du 18 janvier 1994 en tant que
« réforme pénitentiaire », cette
dénomination renvoyant à la tentative maintes fois
répétée de modifier en profondeur les logiques de
fonctionnement de l'institution carcérale55(*). Certains médecins
partisans du nouveau dispositif, tel qu'Olivier Obrecht, voient ainsi dans la
réforme de 1994, la « Réforme » susceptible de
transformer en profondeur les logiques de l'institution
pénitentiaire56(*).
Considérer que la loi du 18 janvier 1994 est une
réforme pénitentiaire implique de la réinscrire dans
l'historicité des politiques carcérales. La
« nomalisation » ou le
« décloisonnement » progressif des prisons, souvent
illustré là aussi par un processus assez linéaire de
reconnaissance de droits aux détenus57(*), amène à s'interroger sur la
dimension cognitive de la politique carcérale. Quelles sont les
croyances qui orientent la politique pénitentiaire ? Pourquoi
plusieurs magistrats voient-ils dans la loi du 18 janvier 1994 l'aboutissement
d'une politique de « décloisonnement » et quelle
signification attribuent-t'ils à ce terme ?58(*)
On est ainsi amené à s'interroger sur le
rôle des membres du ministère de la Justice dans l'adoption de
cette réforme. Si on comprend aisément pourquoi certains
médecins se mobilisèrent en faveur de leur rattachement au
ministère de la Santé, il apparaît en revanche moins
évident de comprendre pourquoi certains magistrats acquiescent à
cette critique de la médecine pénitentiaire placée sous la
tutelle du ministère de la Justice. D'où la formulation d'une
seconde hypothèse.
Si la revendication des médecins favorables à un
transfert de l'organisation des soins a abouti, c'est parce qu'elle
s'inscrivait dans le cadre de la transformation de l'institution
carcérale en faveur de laquelle militaient certains magistrats hauts
placés. Arrivés au pouvoir au cours des
années quatre-vingt, ces magistrats-militants, tous issus du Syndicat de
la magistrature, ont vu dans la réforme de l'organisation des soins une
réforme essentielle de l'institution carcérale. Les enjeux
spécifiques au secteur de la médecine, entre les partisans et les
détracteurs d'une médecine pénitentiaire, n'ont ainsi pu
être intelligibles pour les décideurs du ministère de la
Justice que parce qu'ils faisaient sens au regard de leur propre questionnement
quant à la politique carcérale.
La loi du 18 janvier 1994 est ainsi née de la rencontre
entre les partisans d'une médecine autonome de l'Administration
pénitentiaire et les magistrats-militants du Syndicat de la magistrature
oeuvrant pour une nouvelle conception de l'institution carcérale.
Souvent réduite à la seule logique sanitaire, la
réforme de 1994 soulève par conséquent des questions
relatives au secteur médical ou encore aux politiques carcérales
dont on ne peut rendre compte qu'au terme d'un travail de déconstruction
historique dont il s'agit de souligner l'approche théorique.
PERSPECTIVES THEORIQUES : UNE
ANALYSE SOCIOHISTORIQUE D'UNE DYNAMYQUE DE SPECIALISATION MEDICALE
La loi du 18 janvier 1994 ne peut être comprise, comme
on l'a vu, que si elle est réinscrite dans un temps plus long. La
réforme de la médecine pénitentiaire à laquelle est
consacrée cette thèse ne désigne ainsi pas tant le moment
où la loi fut adoptée que la séquence historique
ponctuée de réussites et d'échecs et dont cette
dernière marque l'aboutissement. Cette approche socio-historique permet
d'apporter un nouveau regard sur la catégorie sociologique de la
« réforme ». Elle implique cependant un pas de
côté à l'égard de la sociologie carcérale,
davantage centrée sur les effets des réformes que sur leurs
conditions de possibilité. Elle suppose également de ne pas
rester prisonnier de l'approche foucaldienne des réformes
pénitentiaires qui tend à reléguer au second plan les
logiques professionnelles au profit de la logique institutionnelle.
Comprendre la réforme de l'organisation des soins en
prison suppose en revanche de s'intéresser à la
« médecine pénitentiaire » en tant que groupe
professionnel. En effet, la loi du 18 janvier 1994 fut, comme on l'a
souligné, la réforme d'une profession qui a désormais
changé d'appellation. Elle marque ainsi l'échec d'une dynamique
de spécialisation médicale. On ne peut comprendre cette
mobilisation de praticiens afin d'ériger la médecine
pénitentiaire en tant que nouvelle spécialité
médicale sans recourir à la sociologie des professions. Pourtant,
cette mobilisation est insuffisante. Cette tentative de spécialisation
ne peut être comprise uniquement à partir des seuls
médecins. C'est pourquoi elle doit être articulée à
une analyse des politiques carcérales, certains magistrats ayant
exercé un rôle important dans la reconnaissance mais surtout dans
la contestation de cette nouvelle discipline médicale. L'étude de
cette dynamique professionnelle suppose également de recourir à
la notion d'espace public et aux différents scandales qui y sont
survenus. La stigmatisation de la médecine pénitentiaire
opérée par les militants de la cause carcérale et par
certains journalistes depuis le début des années soixante-dix a
rendu impossible toute identification durable à cette nouvelle
discipline médicale. La loi du 18 janvier 1994 n'a fait que prendre acte
de ce discrédit en légitimant le service de santé en
prison par le recours au système public hospitalier. En opérant
ce détour par le passé, ce travail de thèse propose ainsi
de dresser la sociogenèse de la réforme de l'organisation des
soins en prison et s'inscrit ainsi pleinement dans le courant de sociohistoire
de l'analyse des politiques publiques59(*).
Un pas de côté
à l'égard de la sociologie carcérale dominée
par la question du sens des réformes et la permanence de
l'« institution totale » goffmanienne
Les évolutions que le régime
pénitentiaire français a connues depuis les trente
dernières années ont été à l'origine de
recherches sociologiques axées sur la question du changement. La
portée des réformes entreprises est ainsi fréquemment
évaluée à l'aune de la notion d'institution totale
(total institution) forgée par Erving Goffman qui marquerait
l'archétype de la prison archaïque, close sur
elle-même60(*). Soulignons le poids que Asiles a eu
dans les approches sociologiques de la prison, notamment en France, qui restent
dominées par la question du changement.
Face aux nombreuses transformations de la prison, la plupart
de ces travaux adoptent la problématique suivante : la prison
est-elle encore une institution totale, voire totalitaire ?61(*) En réponse
à cette question, beaucoup d'auteurs reconnaissent l'inadéquation
croissante du concept goffmanien avec l'évolution des pratiques
carcérales. C'est ainsi qu'un criminologue québécois, Guy
Lemire, a pu conclure à une
« détotalisation » de la prison, c'est-à-dire
un effritement de la pertinence du concept tel qu'il avait été
élaboré par Goffman pour rendre compte de la
réalité carcérale62(*). Dans leur étude sur les surveillants de
prison, Antoinette Chauvenet, Georges Benguigui et Françoise Orlic
observent également un processus similaire : « La prison
ne ressemble plus beaucoup à cet univers totalitaire que
décrivaient les pionniers de la sociologie, comme D. Clemmer,
E. Goffman, G.Skyes, etc., totalement replié sur lui-même
»63(*). La
loi du 18 janvier 1994 s'inscrirait dans ce processus de
« détotalisation » ou de
« décloisonnement » de la prison dont
l'arrivée de praticiens hospitaliers serait l'expression la plus
manifeste.
Pourtant, en réponse à ces hymnes au changement,
certains auteurs observent que malgré les profondes transformations
qu'ont connues les prisons françaises, celles-ci n'en demeurent pas
moins des institutions exerçant une emprise spécifique sur ceux
qui y sont détenus, laissant au concept goffmanien toute sa pertinence.
C'est le sens de l'interpellation de Corinne Rostaing lorsqu'elle
écrit : « Toutefois, il ne faudrait pas confondre les
formes d'ouverture de la prison avec la fin de l'institution totale [...] Elle
a profondément évolué ces dernières années,
s'ouvrant davantage au monde extérieur, accordant des droits aux
détenus, mais elle continue pour une large part d'être une
institution totale »64(*). Une réponse similaire est
apportée par Philippe Combessie qui interroge cette
« ouverture des prisons » et qui conclut, malgré les
évolutions décrites, à la validité de la notion
d'institution totale à partir d'une distinction entre transformation des
pratiques et transformation de l'institution en elle-même : « Ces
nouveaux intervenants apportent-il un changement de la prison ? Sans doute pas.
Des changements dans la prison, oui, peut-être, les changements de la
prison, non »65(*).
L'auteur remarque, enfin, que les logiques professionnelles, dont la
démarche médicale, demeurent largement
surdéterminées par les contraintes institutionnelles, rendant
ainsi caduque toute prétention à transformer l'institution
carcérale : « Ainsi, toutes les interactions, celles qui
se passent au sein de la prison et celles qui se passent dans son
environnement, sont orientées, marquées par le stigmate
carcéral [...] Vraiment, pour parler des prisons, le concept
d'institution totale n'est pas dépassé »66(*). Le constat que dressent de
nombreux auteurs d'une permanence de l'institution totale revient à
souligner l'immobilisme qui caractériserait la prison.
Cette préoccupation des sociologues de la prison pour
la question du changement s'explique, selon nous, par les effets de l'ouvrage
d'Erving Goffman qui a façonné durablement la
problématique de la sociologie carcérale. Celle-ci a
relégué au second plan l'origine des réformes au profit de
leurs effets. Cette trop grande importance accordée selon nous à
cette notion ne s'explique pas seulement par la pertinence et de la
nouveauté des thèses d'Asiles mais également
par le contexte de sa traduction et de son importation en France par
Robert Castel. Rappelons les conditions dans lesquelles s'est
opérée cette importation de l'oeuvre de Goffman et les effets que
celle-ci a eus sur la sociologie carcérale française.
Au milieu des années soixante, Robert Castel a le
projet de développer une approche sociologique des maladies mentales.
C'est au cours de ses recherches qu'il découvre alors Goffman presque
totalement inconnu en France à cette époque, comme il
l'écrira lui-même : « Je l'avais découvert
par hasard. Mon projet était de commencer à travailler sur la
psychiatrie, et, comme on fait dans ces cas-là, je m'étais mis
à parcourir la littérature américaine, très
abondante sur le sujet, mais que j'avais trouvée très
décevante dans son inspiration psycho-sociologique qui épousait
les finalités professionnelles des psychiatres. Goffman tranchait, parce
qu'il opérait la "rupture épistémologique", comme on
disait alors, en permettant de mettre en parenthèses les
finalités institutionnelles, officielles, et l'hégémonie
du discours thérapeutique »67(*). Enthousiasmé,
Castel propose alors Asiles à Pierre Bourdieu qui dirige la
collection « Le sens commun » aux Editions de minuit et qui
accepte de publier l'ouvrage dont Castel rédige la préface.
L'intérêt que porte Robert Castel à
Goffman, s'explique alors moins par attrait pour sa sociologie
interactionniste, dont il se démarquera à plusieurs reprises, que
pour l'analyse des structures de domination sociale qui constituait une voie
d'inspiration dans ses propres travaux sur l'institution psychiatrique. Par ce
biais, il semble que Castel ait contribué à donner à
Asiles une signification que l'oeuvre n'avait pas initialement. Certes
l'ouvrage de Goffman n'est pas dénué de perspectives critiques
comme en témoigne la description des atteintes à la
dignité que subissent les reclus ou encore les nombreuses
références aux camps de concentration comme
« idéal type » de l'institution totalitaire. Les
motivations scientifiques semblent dans Asylums néanmoins
largement prédominer sur les considérations politiques. En
atteste la place marginale qu'occupe le concept d'institution totale dans
l'ouvrage et surtout dans la carrière de Goffman puisque, comme l'a mis
en évidence Robert Weil, celui-ci disparaîtra totalement des
autres ouvrages du sociologue nord-américain68(*). Selon Isaac Joseph,
l'institution totalitaire serait pour Asylums ce que la
métaphore dramaturgique était au sein de La
présentation de soi, c'est-à-dire un simple
« échafaudage conceptuel»69(*).
Robert Castel semble accorder une importance beaucoup plus
grande à ce concept, insistant ainsi davantage sur la portée
politique de l'oeuvre. On en tient pour preuve la très belle
introduction que Castel rédigea à l'occasion de la publication
d'Asiles qui souligne avant tout la place centrale du concept
introduit par Goffman : « Cette ethnologie pointilliste,
écrit Castel au sujet de la démarche de Goffman, suppose la
référence totalisante à l'institution, dans la mesure
où seule la connaissance des contraintes institutionnelles est
susceptible de rendre intelligible cette poussière de comportements.
L'institution représente, de ce fait, l'unité réelle
d'analyse »70(*). Ainsi tandis que la total institution
ne constitue pour Goffman qu'un point de départ de la réflexion
qui s'efface très vite derrière les multiples adaptations dont
font preuve les individus, le « pointillisme de
l'observation » ne serait pour Castel qu'une méthode
permettant d'aboutir à la notion d'institution totalitaire. Il semble
que la lecture que propose Castel diffère considérablement des
intentions de Goffman. Ainsi tandis que l'institution totale est
révélatrice pour l'auteur américain des traits
sociologiques propres à la nature de toute interaction, elle
révélerait selon Castel « en dernière
analyse une société de l'ordre »71(*).
Cette « société de l'ordre »
se rapporte moins, selon nous, à l'ordre de l'interaction auquel Goffman
se référera par la suite qu'aux écrits de Michel Foucault.
Il semblerait en effet que Castel ait apporté une lecture très
foucaldienne d'Asylums. La mise en avant de la
« rationalité de l'institution » qui aboutit
à l'affirmation que « toute institution est totalitaire par
vocation profonde »72(*) fait en effet écho aux analyses
développées dans l'Histoire de la Folie73(*). Robert Castel a par ailleurs
largement eu recours aux deux auteurs dans ses différents ouvrages, les
utilisant souvent dans un sens similaire, contribuant de fait à
les rapprocher dans un même courant de critique, comme il l'appelle
lui-même, du « contrôle social » :
« Il est vrai que Goffman a été ma principale
référence méthodologique, plus que Foucault sans doute,
bien que tous les deux, il me semble, aillent dans le même sens d'une
lecture critique de ce type d'institutions »74(*).
Le dernier indice de cette lecture politique de l'oeuvre de
Goffman est enfin la traduction du terme de « total
institution » par « institution
totalitaire ». La trajectoire même de ce terme est manifeste de
la signification qui lui a été attribuée par Robert
Castel, comme le souligne Philippe Combessie : « Cet adjectif
renvoie à deux registres d'interprétation, l'un concerne la
structure et la logique de fonctionnement de l'établissement, l'autre
évoque l'univers politique. Cette amphibologie est d'abord reconnue et
revendiquée par Robert Castel, qui intitule même le chapitre d'un
ouvrage "le sauvetage de l'institution totalitaire" [...] Mais petit à
petit, cette ambiguïté est les connotations qu'elle suscite
gênent plusieurs sociologues qui sont amenés à utiliser les
travaux de Goffman, comme le note Louis Pinto, et la traduction "institution
totale" se développe. Ce terme a été définitivement
consacré quand Robert Castel lui-même l'a
employé »75(*). Aujourd'hui le terme
« totalitaire » a quasiment disparu de la sociologie
carcérale et il est même gommé des citations faites
d'Asiles dans lesquelles il est remplacé par
l'« institution totale », comme si la signification
politique attribué par Robert Castel à ce terme ne voulait plus
être assumé.
Si Asiles a contribué à nourrir une
nouvelle représentation de la prison et des réformes, ce que
poursuivra Surveiller et punir, c'est ainsi en partie du fait des
conditions de sa traduction et de son importation en France76(*). C'est de cette approche
dont les études sociologiques contemporaines de la prison sont le
reflet. On a souhaité ici s'en détacher. En effet, l'un des biais
de cette approche de l'institution carcérale est, selon nous, de gommer
l'historicité des transformations étudiées (nouveaux
intervenants, nouveaux droits, etc.) qui apparaît toujours secondaire.
Dans ces travaux, les réformes sont rarement replacées dans leur
contexte d'émergence sur un temps plus long que celui de
l'actualité. Même lorsque leur historicité est
évoquée, l'évolution des conditions de détention
est décrite sur le mode d'un
« processus »77(*), qui malgré des phases
d'accélération ou de ralentissement, serait linéaire et
continu : « Depuis l'après-guerre et selon un
processus qui s'est accéléré depuis le milieu des
années soixante-dix, la prison s'est transformée et ressemble peu
au monde totalitaire décrit par E. Goffman, même si demeurent
inchangées ses fonctions originelles »78(*).
L'histoire mobilisée par la sociologie carcérale
s'apparente davantage à une macro-histoire, où les
réformes entreprises depuis la Libération sont juxtaposées
et dont les acteurs sont largement absents, plutôt qu'à une
reconstruction des mobilisations ayant permis d'aboutir à ces
réformes. Cette lecture de l'histoire, secondaire au regard de l'analyse
des effets des réformes, peut être interprétée comme
un signe de l'influence exercée sur la sociologie carcérale par
la conception de la réforme pénitentiaire
développée par Michel Foucault dans Surveiller et
punir.
La conception foucaldienne de la
réforme pénitentiaire comme instrument de gouvernement :
apports et limites
Rappelons que dans son étude des configurations
modernes de la pénalité, Michel Foucault observe que le constat
d'échec de la prison et les griefs qui lui sont habituellement
adressés sont consubstantiels à l'institution : «
Depuis un siècle et demi la prison a toujours été
donnée comme son propre remède »79(*). C'est pourquoi la
prison, sa critique et sa réforme ne peuvent être conçues
comme trois éléments distincts mais doivent, à l'inverse,
être intégrées dans le « système
carcéral » dont la solidité dépend autant des
dispositifs existants que des visées réformatrices qui s'y
surajoutent. La thèse radicale soutenue par Michel Foucault s'apparente
à une condamnation a priori de toute réforme
pénitentiaire qui assurerait la survie de l'institution :
« La "réforme" de la prison est à
peu près contemporaine de la prison elle-même. Elle en est comme
le programme. La prison s'est trouvée dès le début
engagée dans une série de mécanismes d'accompagnement, qui
doivent en apparence la corriger mais qui semblent faire partie de son
fonctionnement même, tant ils ont été liés à
son existence tout au long de son histoire [...] Il ne faut pas voir la prison
comme une institution inerte que des mouvements de réforme auraient
secouée par intervalles. La "théorie de la prison" a
été son mode d'emploi constant plutôt que sa critique
incidente - une de ses conditions de
fonctionnement »80(*).
Cette conceptualisation de la réforme en tant que
« réforme impossible » ou en tant qu'instrument de
gouvernement a connu un retentissement fort, bien qu'inégal, sur les
travaux développés en histoire ou en sociologie81(*). Le fait que la lecture
qui est faite des réformes pénitentiaires dans de nombreux
travaux de sciences sociales soit proche des analyses de Surveiller et
punir sans pour autant les rapporter à Michel Foucault peut
être interprété comme la marque d'une
« foucaldiennisation » des approches de la prison. Plus
récemment, un sociologue a cependant proposé d'historiciser les
conditions d'apparition de ces réformes et de ces nouveaux droits en
référence directe aux thèses de Surveiller et
punir82(*). Dans le
même ouvrage, des politistes tentent d'apporter un prolongement de la
conception foucaldienne de la réforme pénitentiaire au regard
à la fois des concepts de la science politique et de l'actualité
carcérale. Ils observent à ce titre une
« rhétorique permanente de la réforme »
participant au processus de légitimation et de reproduction de
l'institution carcérale : « Pour que soit garantie la
persistance de la solution carcérale, il est nécessaire que
l'institution donne des gages, qu'elle procède à des ajustements
concrets, qu'elle puisse attester de certaines améliorations soutenues
par des éléments de preuve »83(*).
L'influence de la pensée de Michel Foucault sur les
travaux de recherche en sciences sociales abordant les politiques
carcérales a fortement conditionné la lecture qui est faite
encore aujourd'hui des réformes pénitentiaires. La loi du 18
janvier 1994 en témoigne. Loin de constituer une «
révolution pénitentiaire », l'affirmation d'un droit des
détenus à jouir de soins équivalents à ceux dont
bénéficie n'importe quel autre citoyen ne serait qu'un
élément parmi d'autres dans la tentative visant « à
normaliser un univers sécuritaire, une institution totale
»84(*).
L'amélioration de la prise en charge sanitaire des détenus ne
serait alors qu'un « supplément d'âme » participant
à l'« évacuation de la raison d'être de la prison au
profit de sa correction politique quant à ses manières
d'être »85(*). La loi du 18 janvier 1994 s'inscrirait donc
pleinement dans « la rhétorique de la réforme » :
« En dépit des apparences la décennie 1990
débouche sur de multiples réformes dont la plus
emblématique est le rattachement, en 1994, de la médecine
pénitentiaire au système de santé
général »86(*). Suivant une approche foucaldienne plus
intériorisée que revendiquée, quelques sociologues ont
tenté de saisir la portée de la loi de réorganisation des
soins, aboutissant ainsi à poser la question suivante : la
réforme de la médecine pénitentiaire ne traduit-elle pas
la reproduction d'une inégalité structurale entre le dedans et le
dehors qui participe in fine à la légitimation de
l'institution?87(*).
On a déjà souligné ailleurs au sujet des
programmes d'éducation pour la santé, la portée
heuristique de cette approche foucaldienne de la réforme
pénitentiaire comme instrument de gouvernement88(*). Reconsidérer la
détention en termes moins délétères, où
l'incarcération offre de réelles opportunités de soin aux
détenus, peut aboutir à terme à la mise en avant d'une
nouvelle représentation de la peine dont la fonction serait tout autant
pénale que thérapeutique. La prison aurait dès lors un
rôle d'accueil des populations les plus précaires (toxicomanes,
prostituées, immigrés, marginaux, etc.), exclues du
système de prise en charge de droit commun, pour lesquelles la
détention irait jusqu'à représenter un filet de
sécurité. Certains médecins ont d'ailleurs
souligné, après la réforme de 1994, le risque d'une
banalisation de la prison : « La prison n'est cependant pas et ne
sera jamais un lieu de soins hospitaliers [...] Sans croire que cette
dérive est récente, on est forcé de constater que
l'amélioration manifeste du niveau des soins offerts (au sens curatif
strict du terme) renforce cette tendance paradoxale »89(*).
Cette superposition accrue entre les logiques médicale
et répressive renverrait de façon plus
générale à la tentative, sans cesse
réitérée, de légitimer l'institution
carcérale. On est ainsi en présence d'un « mythe
fondateur de la prison pour peine » qui, selon Claude Faugeron et
Jean-Michel Le Boulaire, « permet de transformer le mal
(l'enfermement de sûreté, toujours soupçonnée
d'arbitraire) en bien (la « bonne peine de
prison ») »90(*). Jean-Charles Froment constate de façon
similaire la recherche, depuis la fin des années quatre-vingt, par
l'Administration pénitentiaire de nouveaux mythes visant à
restaurer la légitimité d'un service public fortement
contesté91(*). La problématique de la
réinsertion céderait ainsi progressivement le pas à une
rhétorique de sauvegarde des droits de l'homme et de la dignité
humaine, susceptible de jouer un rôle dans la revalorisation d'une
administration en manque de légitimité. La réforme de la
médecine pénitentiaire ne semble pas étrangère
à cette revalorisation de l'institution carcérale. On assisterait
ainsi peut-être à l'émergence d'une « peine
médicinale »92(*).
Si la conception foucaldienne de la réforme
pénitentiaire peut enrichir le regard sociologique, en permettant
notamment de rompre avec le discours événementiel défendu
par les professionnels de la prison, elle apparaît néanmoins
problématique pour celui qui souhaite rendre compte des origines d'une
réforme. La lecture foucaldienne tend en effet à reléguer
au second plan, dans l'ordre de l'explication, les logiques professionnelles au
profit de la logique institutionnelle. Tout en incitant à entreprendre
des « travaux de sociologie historique » permettant de
savoir « qui donc étaient ces hommes [...] Quelle était
leur origine sociale ou comme on dit classiquement "quels intérêts
ils représentaient"? », Michel Foucault remarque que ces
questionnements demeurent néanmoins secondaires au regard de la
stratégie d'ensemble qui donne sens à des
phénomènes apparemment divergents : « Imagine-t-on une
stratégie [...] qui ne soit pas née de plusieurs idées
formulées ou proposées à partir de points de vue ou
d'objectifs différents ? [...] Peut-on imaginer une
stratégie (militaire, diplomatique, commerciale) qui ne doive sa valeur
et ses chances de succès à l'intégration d'un
certain nombre d'intérêts?»93(*). Cette conception de la
réforme pénitentiaire présente ainsi le risque d'aboutir
à une sociologie où les acteurs apparaîtraient secondaires
et où la réforme n'aurait pour origine que le «
système carcéral » lui-même qui fonctionnerait
à l'image d'une « stratégie sans stratèges
»94(*).
Ce biais sociologique potentiel de la lecture que propose
Michel Foucault de la réforme pénitentiaire se trouve
conforté dans l'utilisation qui en est faite par les sciences sociales.
Faute de restituer la pluralité des logiques d'acteurs qui
président à l'origine des réformes, des sociologues
présentent la loi du 18 janvier 1994 comme le résultat d'un
processus désincarné. C'est ainsi que Claude Veil constate que
« pour l'ensemble des personnes rencontrées et des textes
consultés, il ne fait guère de doute qu'une réforme du
système de soins était nécessaire, et que les grands choix
qui l'ont orienté étaient opportuns »95(*). D'une
façon similaire Corinne Rostaing évoque la réforme de
l'organisation des soins comme la fin d'une
« exception »96(*). A l'inverse, des politistes expliquent les
réformes pénitentiaires, dont la loi du 18 janvier 1994, à
partir du seul volontarisme politique de quelques décideurs, aboutissant
là aussi à gommer les mobilisations qui ont porté cette
réforme sur un temps plus long. Philippe Artières, Pierre
Lascoumes et Grégory Salle soulignent ainsi que la « réforme
carcérale française après la Libération ou la
réforme de la médecine pénitentiaire en 1994 par Simone
Veil témoignent de ces rares moments d'engagement [politique]
»97(*).
L'idée de « santé publique ou de
« décloisonnement » ne suffisent pas à rendre
compte de l'adoption de ces réformes. De même, s'il est certain
que cette réforme n'aurait pu aboutir sans l'implication de Bernard
Kouchner dans un premier temps, et de Simone Veil par la suite, leur seul
volontarisme ne suffit pas à rendre compte du succès de la loi du
18 janvier 1994. La réforme italienne de la médecine
pénitentiaire souligne l'insuffisance de ce type d'explication : bien
que née d'un engagement politique très important de la ministre
de la Santé, Rosy Bindi, cette réforme est demeurée lettre
morte en raison de l'opposition des médecins pénitentiaires
appuyés par l'Amministrazione penitenziaria. Les logiques
politiques ne se résument pas, en outre, à l'attitude des seuls
ministres. Problématiser la réforme de 1994 consiste dès
lors à lui rendre son historicité afin de souligner les luttes
dans lesquelles elle s'inscrit. Cela implique de rendre compte des
évolutions de la médecine pénitentiaire au prisme des
théories de la spécialisation médicale.
L'opposition entre segments de médecins
pénitentiaires dans la défense de leur autonomie
professionnelle
La sociologie anglo-saxonne a depuis longtemps analysé
le phénomène de professionnalisation, entendu comme la dynamique
au terme de laquelle émerge une profession, cette dernière se
caractérisant par la constitution d'une identité et d'un savoir
spécifiques, l'institutionnalisation d'un cursus universitaire et par la
formulation d'une éthique propre. Tandis que le courant fonctionnaliste
s'attache ainsi à décrire les critères et les
étapes permettant à une activité de s'ériger en
profession, l'approche interactionniste a amendé cette première
version en déplaçant le regard sociologique de l'organisation
sociale à la construction de la profession. Cette dernière n'est
dès lors plus saisie comme une donnée mais comme le
résultat d'un travail de construction, aussi bien au niveau de
l'identité individuelle que collective. Ce qui était auparavant
décrit comme les attributs « naturels » d'un groupe
professionnel apparaît désormais comme le produit d'une
mobilisation.
La médecine fut l'un des groupes professionnels les
plus étudiés. Le sociologue fonctionnaliste Talcott Parsons mit
en évidence la fonction de régulation de la déviance (la
maladie) exercée par les médecins présentés comme
un tout homogène98(*). Les interactionnistes ont remis en cause cette
vision uniforme et ont mis l'accent sur les logiques de construction sociale
ayant permis l'émergence de la profession médicale. Deux notions
développées par la sociologie interactionniste sont apparues
essentielles pour notre analyse : celle d'autonomie professionnelle et
celle de « segment professionnel ».
L'autonomie tout d'abord est une composante essentielle de la
définition des professions par les interactionnistes. Situé au
croisement de l'interactionnisme et des néo-wébériens,
Eliot Freidson a souligné ainsi en quoi les médecins conservent,
malgré un mouvement de remise en cause qualifié de
« déprofessionnalisation », l'autonomie dans la
détermination du contenu de leur travail : « J'insisterai
particulièrement sur le point suivant qui me semble d'une importance
primordiale dans l'analyse des relations de l'Etat avec les professions :
tant qu'une profession est indépendante des métiers avec
lesquelles elle est en contact dans la division du travail, quand il s'agit
d'évaluer et de contrôler l'aspect technique de son propre
travail, sa qualité de profession n'est pas significativement
affectée »99(*). Dans un autre ouvrage, Freidson réfute
l'idée qu'une « prolétarisation », entendue
comme la part croissante de médecins salariés, serait à
l'origine d'une « déprofessionnalisation » de la
médecine100(*). Selon lui, bien que salariés, ces
derniers conservent leur autonomie, tant que ceux-ci sont en mesure d'imposer
à leurs employeurs les conditions de leur exercice professionnel.
L'analyse de Freidson nous a amené à nous
interroger sur le degré d'autonomie dont bénéficiaient les
praticiens exerçant en milieu carcéral en tant que
salariés de l'Administration pénitentiaire. Bien que vacataires
et non pas salariés temps-plein101(*), les médecins pénitentiaires
étaient soumis de fait à une subordination hiérarchique au
ministère de la Justice. La reconnaissance de la médecine
pénitentiaire en tant que spécialité médicale nous
est apparu comme un moyen pour eux d'accroître leur autonomie.
D'ailleurs, l'organisation de congrès dès 1963 leur permit de
faire valoir leurs revendications et la mise en place d'un enseignement
dès 1965 puis la création d'une chaire de médecine
pénitentiaire en 1977 leur permirent de définir et de transmettre
leurs propres « standards de pratique » au sens d'Anselm
Strauss102(*).
On s'est cependant aperçu que la spécialisation ne pouvait pas
être analysée comme une demande uniforme d'autonomie, cette
revendication apparaissant très variable selon les praticiens. Tandis
que certains faisaient prévaloir leur identité de soignant,
d'autres insistaient en revanche sur leur statut pénitentiaire. La
spécialisation médicale semblait répondre à des
logiques distinctes que permettait d'analyser la notion de « segment
professionnel » également empruntée à la
sociologie interactionniste.
A l'encontre des fonctionnalistes, Rue Bucher et Anselm
Strauss ont souligné le caractère pluriel d'une profession,
chaque « segment » se rapportant à des techniques de
travail ainsi qu'à des croyances qui les sous-tendent :
« L'hypothèse de l'homogénéité relative
à l'intérieur d'une profession n'est pas absolument utile : les
identités, ainsi que les valeurs et les intérêts, sont
multiples, et ne se réduisent pas à une simple
différenciation ou variation. Ils tendent à être
structurés et partagés ; des coalitions se développent et
prospèrent en s'opposant à d'autres. Nous utiliserons le terme
"segment" pour désigner ces groupements qui émergent à
l'intérieur d'une profession [...] Nous développerons une
conception des professions comme agrégation de segments poursuivant des
objectifs divers, plus ou moins subtilement maintenus sous une appellation
commune à une période particulière de l'histoire
»103(*).
Les spécialités médicales sont elles-mêmes
divisées, selon Bucher et Strauss, en segments, chacun porteur d'une
représentation distincte de l'activité en question.
On a effectivement observé au cours de la thèse
plusieurs segments porteurs de représentations spécifiques de la
médecine pénitentiaire. Un premier segment apparu dans les
années soixante, et incarné par le Médecin-inspecteur
Georges Fully, tenta de faire prévaloir l'identité
médicale sur celle de membre de l'Administration pénitentiaire.
En donnant aux praticiens les attributs d'une spécialité
médicale (congrès, enseignement), le premier
Médecin-inspecteur souhaitait conférer davantage de
reconnaissance aux praticiens exerçant en milieu carcéral afin
que leurs décisions soient mieux prises en compte par le
ministère de la Justice. Faire reconnaître la médecine
pénitentiaire en tant que nouvelle spécialité
médicale était ainsi pour Georges Fully un moyen permettant aux
médecins d'être plus autonomes à l'égard de la
tutelle pénitentiaire qui s'exerçait sur eux.
A l'inverse, un second segment apparu dans les années
soixante-dix, incarné par le second Médecin-inspecteur Solange
Troisier, privilégia dans la définition du rôle de
médecin pénitentiaire l'appartenance à l'Administration et
l'obéissance au Code de procédure pénale, plutôt
qu'au monde médical et à sa déontologie. Pour des raisons
aussi bien idéologiques que politiques, Solange Troisier tenta de
subordonner l'action des médecins aux exigences
pénitentiaires104(*). Le « mariage de Thémis et
Asclépios », qu'incarnait à ses yeux la médecine
pénitentiaire, témoigne d'une conception de la médecine au
service de l'Administration, le médecin n'étant ainsi qu'un
« auxiliaire de Justice ». Ce faisant, les médecins
pénitentiaires échappent à la tutelle du ministère
de la Santé et aux contrôles que cela implique105(*).
Si la spécialisation recouvre bien dans les deux cas un
désir d'autonomisation des praticiens pénitentiaires, ces deux
segments n'en sont pas moins porteurs de deux définitions distinctes de
l'autonomie. Pour le premier, il s'agit d'échapper à une tutelle
trop précise de l'Administration pénitentiaire qui indiquerait au
praticien la conduite à suivre. Pour le second, il s'agit de conserver
une appartenance au ministère de la Justice qui permet de
développer un mode de fonctionnement autonome du secteur
médical106(*). L'idée que la médecine
pénitentiaire était quelque chose de spécifique permettait
au Médecin-inspecteur, seul praticien placé à un poste de
direction au sein de la DAP, d'exercer un rôle considérable dans
l'organisation des soins. Bien qu'officiellement chargée d'une simple
mission d'inspection, Solange Troisier a longtemps été
décrite comme la « patronne » régnant en
maître sur la médecine pénitentiaire en tant que secteur
d'action publique et en tant que discipline. La stratégie de
spécialisation initiée par Georges Fully visait ainsi à
assurer l'indépendance des praticiens à l'égard de
l'Administration pénitentiaire tandis que celle poursuivie par Solange
Troisier visait à autonomiser un secteur médical sur lequel elle
pouvait exercer son contrôle.
Ces deux segments de la médecine pénitentiaire
sont porteurs d'une représentation spécifique du rôle du
praticien et de l'articulation que cela implique entre les services
médicaux et l'Administration pénitentiaire107(*). Ces différences
entre segments d'une même profession permettent de souligner que la
spécialisation médicale n'est pas un phénomène
univoque. Parce qu'elle n'est pas un phénomène purement
médical, la spécialisation peut répondre à des
stratégies fondamentalement divergentes. C'est pourquoi, pour être
comprise, la dynamique de spécialisation doit être
restituée dans le cadre des politiques pénitentiaires.
La spécialisation de la
médecine pénitentiaire, au croisement d'une dynamique
médicale et des politiques carcérales
La médecine pénitentiaire a fait l'objet entre
les années soixante et les années quatre-vingt d'un travail de
légitimation en tant que spécialité médicale.
Tandis qu'il s'agissait pour Georges Fully d'assurer l'autonomie des soignants
à l'égard de la tutelle pénitentiaire, cette
spécialisation visait pour Solange Troisier à réaffirmer
le caractère spécifiquement pénitentiaire de cette
médecine et éviter ainsi son rattachement au ministère de
la Santé. Bien que divergentes dans leur objectif, ces dynamiques
débouchèrent en 1980 sur la reconnaissance par le Conseil de
l'Ordre des médecins de cette « discipline
complémentaire d'exercice »108(*). La médecine
pénitentiaire fut ainsi considérée comme une
« surspécialité » à l'image de la
médecine légale, de la nutrition ou de la médecine
hyperbare109(*). Elle n'accéda jamais ainsi au rang de
« spécialité » que conférait
auparavant le Certificat d'études spécialisés (CES) ou
aujourd'hui le Diplôme d'études spécialisées
(DES)110(*).
Quelle que soit son statut (spécialité ou
surspécialité), la médecine pénitentiaire fut
l'oeuvre d'un travail d'affirmation au sein du secteur médical afin d'en
faire une discipline en tant que telle111(*). C'est cette volonté de
« disciplinariser » le champ médical qui
caractérise la spécialisation selon Patrice Pinell :
« La spécialisation est un processus de division du champ
médical en sous-espaces de pratiques susceptibles au départ de
revêtir des formes variées et aboutissant ou non à la
constitution d'une spécialité instituée et reconnue comme
légitime par les institutions dominant le
champ »112(*).
La sociologie a mis l'accent depuis quelques années sur
les logiques de spécialisation médicale. Aux théories
dominant les études historiographiques faisant découler la
spécialisation « d'un progrès scientifique commandant
l'expansion a priori sans limites des connaissances et des
techniques »113(*) se sont substituées des analyses en
termes de stratégies déployées par des groupements
professionnels cherchant à être reconnus en tant que
spécialité médicale. Des monographies ont
été consacrées notamment à la médecine de la
douleur114(*),
à la médecine du sport115(*), à
l'anesthésie-réanimation116(*), à la pédiatrie117(*), à la chirurgie
esthétique118(*) ou à la médecine
d'urgence119(*). Ces études soulignent souvent le
« travail de légitimation » mis en oeuvre par ces
médecins engagés dans une nouvelle pratique : « Ce
groupe doit alors convaincre le milieu médical qu'il y possède
une place spécifique »120(*). Ces études ont été utiles
pour analyser le travail de légitimation interne et externe
effectué par les médecins pénitentiaires afin d'être
reconnus par leurs pairs.
Une dynamique de spécialisation médicale ne peut
cependant pas s'expliquer uniquement, affirme Patrice Pinell, à partir
de la mobilisation d'un seul groupe professionnel et suppose de sortir de la
médecine clinique. C'est ainsi qu'il est impossible de rendre compte de
la construction du champ de la médecine moderne en France sans souligner
les rapports de collaboration et de concurrence établis avec
d'autres champs. En cela, l'analyse d'une spécialisation médicale
suppose « de sortir des problématiques n'abordant la
médecine qu'à partir des seuls médecins pour
intégrer dans l'analyse non seulement les auxiliaires médicaux,
sans qui le pouvoir médical ne serait pas ce qu'il est, mais tous ceux
qui - scientifiques, ingénieurs, religieux, agents de l'État,
administratifs, notables - sont investis dans le champ et entretiennent avec
les médecins des relations de collaboration et de
concurrence »121(*).
Ce mode d'analyse apparaît particulièrement
pertinent en matière de médecine pénitentiaire. En effet,
on ne peut comprendre la volonté d'affirmer cette
spécialité médicale sans faire référence
à la relation qu'entretiennent ces praticiens avec l'Administration qui
les rémunère. En atteste la volonté de certains
médecins de s'autonomiser de la Pénitentiaire, ou au contraire de
s'identifier à elle. Ce travail de thèse entend ainsi associer
une dynamique professionnelle à une analyse des politiques
pénitentiaires, tant ces deux sujets apparaissent indissociables, et ce
pour trois raisons.
Tout d'abord, la spécialisation de la médecine
pénitentiaire, et comme on le verra l'échec de cette tentative,
ne sont pas le fait des seuls médecins. A cet égard, les
décisions des magistrats en poste à la DAP ont probablement
autant compté que les efforts entrepris par les médecins
eux-mêmes. Il apparaît nécessaire, en second lieu,
d'articuler ces deux niveaux d'analyse du fait de l'assimilation qui est faite
au sein de l'espace public entre l'institution carcérale et sa
médecine. La médecine pénitentiaire va ainsi devenir
à partir des années soixante-dix l'un des symboles de la remise
en cause de la prison. La stigmatisation de la figure professionnelle du
praticien pénitentiaire qui en résulta a largement
participé à l'échec de la stratégie de
spécialisation de cette activité. Enfin, troisième raison
d'articuler spécialisation médicale et politique
carcérale, la reconnaissance de la médecine pénitentiaire
est apparue pour Solange Troisier comme un moyen destiné à
réhabiliter l'action du ministère de la Justice en la
matière. Objet de nombreuses accusations, la prise en charge sanitaire
des détenus fut présentée par le Médecin-inspecteur
comme un secteur de pointe du fait de la spécialisation à
laquelle accède alors la médecine
pénitentiaire122(*).
Ainsi l'un des points de cette articulation entre les
politiques carcérales et la spécialisation de la médecine
pénitentiaire a été la forte contestation dont toutes deux
firent l'objet depuis les années soixante-dix. C'est pourquoi, l'espace
public et les scandales médiatiques sont apparus comme l'un des
éléments décisifs de l'histoire de la médecine
pénitentiaire et de sa spécialisation.
Une spécialisation médicale sous
contrainte : le rôle de l'espace public et du scandale dans la
définition de la médecine pénitentiaire en tant
qu'activité stigmatisante
Bien qu'elle ait commencé à s'affirmer en tant
que discipline dès les années soixante, la médecine
pénitentiaire a connu une importante inflexion au début des
années soixante-dix. Dans le cadre de la politisation de la prison et
des conditions de détention qui ont alors lieu, les praticiens
pénitentiaires sont alors pris à partie par les militants de la
cause carcérale en tant que complices de l'Administration. On leur
reproche par exemple la sur-prescription de psychotropes ou l'usage de la
« contention »123(*) afin d'assurer le maintien de l'ordre en
détention alors que les révoltes sont nombreuses. On a
souhaité dans ce travail de thèse rapporter les
différentes accusations formulées à l'encontre de ces
professionnels dans le but non pas de scandaliser le lecteur mais de souligner
le rôle de ces critiques. Deux raisons amènent à penser que
l'espace médiatique, et les scandales qui y apparaissent, ont
été une composante essentielle de la dynamique de
spécialisation des praticiens exerçant en milieu
carcéral.
La spécialisation de la médecine
pénitentiaire, initiée au début des années
soixante, était jusque-là quelque chose qui n'avait pas
donné lieu à des divergences manifestes entre praticiens.
Jusque-là latentes, ces différences sont devenues visibles au
début des années soixante-dix lorsque l'activité de ces
médecins fut contestée124(*). Est alors apparu un segment professionnel
essentiellement constitué d'internes qui ont adopté des attitudes
revendicatrices (grève, démission, prise de parole), contrastant
avec l' « apathie » qui a caractérisé
l'essentiel des généralistes125(*). Par la suite, à
l'inverse, le Médecin-inspecteur Solange Troisier a pris à
plusieurs reprises la défense de l'Administration pénitentiaire
lors de la survenue de scandales, provoquant parfois en réaction
l'indignation de certains praticiens. Les scandales et les accusations faites
à l'encontre de la médecine pénitentiaire ont ainsi
été des moments importants de mise en visibilité des
divergences entre segments professionnels.
En second lieu, le recours à l'espace public dans le
schéma explicatif a permis de comprendre comment s'est formée
l'image d'une profession « stigmatisante ».
Progressivement, le qualificatif « pénitentiaire »
est apparu comme amoindrissant le statut de soignant. La médecine
pénitentiaire est apparu, au fil des scandales, toujours un peu
plus comme une médecine « au rabais »,
disqualifiante pour celui qui l'exercent. Il était dès lors
difficile d'affirmer au sein du secteur médical une
spécialité dénuée de toute reconnaissance, voire
dévalorisante126(*). C'est pourquoi il a semblé important de
restituer les accusations et les scandales dont fit l'objet la médecine
pénitentiaire afin de mieux comprendre les contraintes que ces derniers
ont exercé dans la tentative de spécialisation. On évitera
pour cela l'écueil, parfois rencontré dans l'analyse des
scandales, de la naturalisation du scandale ou à l'inverse du
« réductionnisme stratégiste ».
Les études consacrées aux scandales peuvent
schématiquement être réparties entre celles, de nature
fonctionnaliste, qui se donnent pour objet les scandales « en
soi » et celles, constructivistes, qui proposent d'analyser les
scandales « pour soi »127(*). Les premières tentent de mettre à
jour les conditions ayant présidé à l'émergence
d'un scandale ainsi que les fonctions remplies par celui-ci. Le scandale
suppose ainsi l'existence de valeurs communes que la transgression met à
l'épreuve. Le scandale est dès lors, selon cette approche, un
moment au cours duquel l'attachement aux normes est
réévalué collectivement.
Longtemps dominant ce courant d'analyse fut critiqué
pour son « naturalisme » puisqu'il existerait des
situations scandaleuses en elle-même128(*). A l'inverse la démarche constructiviste
propose de replacer au centre de l'analyse le travail de qualification
entrepris par les acteurs et d'analyser ainsi un scandale comme l'aboutissement
de « stratégies de scandalisation ». Ce
modèle s'est affirmé depuis les années quatre-vingt en
lien avec le développement des mass media apportant aux
différents acteurs de nouvelles possibilités d'imposer leurs
vues. Est scandaleux dès lors, comme le proposent Patrick Champagne et
Dominique Marchetti, « ce que le champ journalistique, dans son
ensemble, considère comme tel et parvient surtout à imposer
à tous »129(*).
Cette seconde approche peut néanmoins aboutir à
l'idée, qualifiée de « réductionnisme
stratégiste », selon laquelle aucun « en
soi » scandaleux n'existerait130(*). C'est pourquoi elle demande à être
nuancée, le chercheur devant s'efforcer de tenir compte aussi bien des
normes des systèmes d'actions concernés que des calculs
stratégiques auxquels se livrent les acteurs. Si « tout n'est
pas construit dans un scandale », on pense néanmoins, comme le
propose Alain Garrigou qu'il est possible de « dissocier scandale et
violation de normes », et ce sans adopter un point de vue
relativiste131(*).
Ainsi, on envisagera les scandales liés à la médecine
pénitentiaire tantôt sous l'angle de leur logique de construction
sociale, tantôt sous l'angle des effets qu'ils produisent sur les
soignants pénitentiaires.
Retracer l'histoire des scandales, des luttes et des
mobilisations autour de la médecine pénitentiaire, et de sa
spécialisation, suppose de rompre avec la vision qui en est faite
aujourd'hui lorsque l'on évoque l'organisation des soins en prison. Il
ne suffit pas, pour comprendre la réforme de 1994,
d'adopter un regard rétrospectif sur l'évolution de la
prise en charge sanitaire des détenus, qui aurait évolué
au seul rythme de l'impératif de santé publique ou de celui du
décloisonnement. Cette démarche conduit à naturaliser et
à réifier une histoire de la réforme d'où est
absente toute mobilisation d'acteurs, et ainsi toutes réalités
sociales et politiques. En recourant au registre du nécessitarisme, elle
tend à gommer les affrontements ayant ponctué cette histoire,
jusqu'à aboutir à une quasi-amnésie132(*). Problématiser
la loi du 18 janvier 1994 revient dès lors à
« s'interroger sur la continuité d'un processus
historique »133(*) afin de mettre en évidence, comme nous y
invite Dan Kaminski, au sujet de la promotion des droits en prison, que
celle-ci « ne s'inscrit pas dans une production aléatoire ou
divine dans un sens historique »134(*). Ce travail s'inscrit
ainsi pleinement dans une démarche de sociologie historique de l'action
publique.
Une démarche de sociologie
historique de l'action publique
Si ce travail de thèse s'inscrit dans l'analyse des
politiques publiques, il emprunte ainsi à la démarche
d'« historicisation de l'action publique » qui, comme le
souligne Pascale Laborier, « s'est développée ces dix
dernières années à partir d'interrogations portant sur
l'institutionnalisation des champs d'interventions publiques et du projet de
rendre compte de leur construction théorique
visible »135(*). Rassemblant des travaux de plus en plus
nombreux sous le qualificatif de « socio-histoire » ou de
sociologie historique du politique, ce « détour par le
passé » contribue, défendent Yves Déloye et
Bernard Voutat, « à porter un regard renouvelé,
génétique sur ses objets familiers, en rendant compte de
ce qu'ils doivent au passé dont ils
procèdent »136(*). Dresser la sociogenèse d'un dispositif,
entendue comme la reconstruction historique de ses conditions de
possibilité et de ses acteurs, ne consiste dès lors pas à
relever les éléments de continuité mais à souligner
les moments de rupture, mettant ainsi à jour, remarque Renaud Payre, les
possibles non advenus : « Le chercheur est amené à
s'intéresser à des moments historiques présentant des
alternatives, des conflits entre différents possibles ; il
étudie les conditions historiques et sociales qui ont vu des objets
advenir empêchant la consolidation d'autres »137(*). Faire la
sociogenèse d'une réforme suppose ainsi de rendre compte non
seulement du dispositif élu mais également des échecs qui
lui coexistent.
Si la portée heuristique de cette approche
socio-historique a depuis longtemps été reconnue dans
l'étude des objets s'inscrivant dans l'Histoire138(*), elle apparaît en
revanche plus récente, dans la compréhension de l'action publique
contemporaine. Depuis les travaux se sont multipliés et ses objets ont
été divers : rôle des savoirs académiques,
formation des cadres, instruments d'action publique tels la statistique,
etc.139(*).
Quelques-uns de ces travaux ont porté sur des réformes de
l'action publique, même s'ils demeurent rares. La loi du 5 avril 1910 sur
les retraites ouvrières et paysannes a ainsi été pu
être expliquée à partir d'une « nébuleuse
réformatrice et républicaine » comportant de nombreuses
instances non publiques140(*).
Bien que ne s'inscrivant pas explicitement dans cette
démarche, le travail de thèse d'Henri Bergeron articule, comme on
souhaite le faire, l'analyse d'une politique publique et les dynamiques
professionnelles de façon historique. Pour conjurer toute lecture
« naturaliste » de la constitution du secteur de la
toxicomanie pendant les années soixante-dix, il démontre que le
monopole thérapeutique dont disposent progressivement les consultations
psychologiques résulte de l'éviction de deux autres
méthodes alternatives (la méthadone et les communautés
thérapeutiques)141(*). C'est ce rôle heuristique de mise en
évidence des possibles non advenus rendu possible par le détour
par l'histoire que souligne Pierre Bourdieu lorsqu'il écrit :
« Il n'est sans doute pas d'instrument plus
puissant que la reconstruction de la genèse : en faisant ressurgir
les conflits et les confrontations des premiers commencements et, du même
coup, les possibles écartés, elle réactualise la
possibilité qu'il en ait été (et qu'il en soit) autrement
et, à travers cette utopie pratique remet en question le possible qui,
entre tous les autres, s'est trouvé
réalisé »142(*).
La réforme, en tant que décision, doit ainsi
être appréhendée comme un moment privilégié
de redéfinition, et surtout de réduction, des possibles. C'est
dans ce sens que Christian Topalov remarque, au sujet de la réforme
sociale à la fin du XIXème siècle, que la
réforme « ouvre des territoires nouveaux ou rénovés
à l'action publique des individus et des institutions, elle clôt
en même temps ou repousse aux marges d'autres perspectives
jusque-là bien vivantes »143(*). L'un des enjeux de
cette recherche est par conséquent de souligner, à travers
l'évocation des mobilisations et des luttes ayant parcourues l'histoire
de l'organisation des soins en prison, que la « réforme de la
médecine pénitentiaire » telle qu'elle est advenue en
1994 n'est qu'un des possibles. On propose ainsi de rompre avec le
« nécessitarisme » unanime qui est apparu au moment
de la réforme, perçue sur le mode de l'évidence, afin d'en
restituer les conditions de possibilité.
DELIMITATION SPATIO-TEMPORELLE DU
SUJET
Ce travail a pour objet la sociohistoire de l'organisation des
soins en prison, de ses réformes et de ses professionnels,
jusqu'à la loi n°94-43 du 18 janvier 1994 qui transfert la
médecine somatique au ministère de la Santé. Le dispositif
de prise en charge de la santé mentale pénitentiaire avait en
effet déjà été rattaché au système
hospitalier public en 1986. Bien qu'elle ne constitue pas notre objet
d'étude en tant que telle, la médecine psychiatrique est
néanmoins une dimension importante de la thèse, et ce tout
d'abord parce que ces deux activités n'ont pendant longtemps pas
été distinguées. La médecine pénitentiaire
fut même historiquement davantage l'oeuvre de psychiatres que de
généralistes. Intervenant en prison dès le
XIXème siècle en tant qu'experts ou que criminologues,
les psychiatres ont exercé pendant longtemps une forte influence sur
l'organisation des soins en prison. La mise en perspective de ces deux prises
en charge médicales permettra également de mieux comprendre les
conditions de réforme de la médecine somatique.
Tout en privilégiant l'étude des médecins
généralistes, on évoquera, d'autre part, la question des
personnels infirmiers pour deux raisons. Tandis que les praticiens
n'effectuaient que quelques heures de vacation hebdomadaires, les
infirmières assuraient l'essentiel de la prise en charge sanitaire des
détenus. Ces dernières formaient, en second lieu, un
« corps » pénitentiaire accédant au statut de
fonctionnaire par voie de concours144(*). A l'inverse les médecins, en
dépit des tentatives, ont toujours eu un statut de vacataires. Les
médecins pénitentiaires exercèrent d'autre part un
rôle privilégié dans la réforme par le recours
à l'espace public ainsi que la mise en forme de la médecine
pénitentiaire en tant que discipline, par le biais notamment de
colloques et de publications scientifiques.
Afin de restituer l'évolution du dispositif de prise en
charge de la santé des détenus, il aurait été
possible de réaliser l'étude d'un ou de deux
établissements pénitentiaires dont on aurait dressé la
monographie. On a certes tenté, notamment par le biais des entretiens,
de privilégier l'investigation de quelques établissements dont
les praticiens ont joué un rôle important dans la structuration du
secteur de la médecine pénitentiaire. C'est notamment le cas de
Fresnes et des Baumettes, où étaient situés les deux seuls
« hôpitaux pénitentiaires », ou encore de Lyon
où exerçait une équipe de praticiens
particulièrement active. On a également tenté de dresser
la situation de deux autres établissements de moindre dimension,
à savoir les Maisons d'arrêt (M.A) de Bois d'Arcy et de Pontoise
en Ile-de-France. Ce travail local s'est cependant rapidement heurté
à d'importants obstacles. Il n'existe tout d'abord presque aucune
archive concernant le dispositif d'organisation des soins dans les
établissements, les entretiens demeurant l'outil d'investigation
incontournable pour comprendre les situations locales. Il est cependant apparu
très difficile de retrouver de façon presque exhaustive les
médecins et infirmières ayant travaillé dans une
même prison. Le renouvellement rapide du personnel explique l'absence de
mémoire collective relative aux différents professionnels de
santé ayant exercé dans l'établissement. Outre ces
considérations pratiques, l'approche « localiste » a
semblé peu pertinente au regard du sujet. L'extrême
hétérogénéité entre les différents
établissements rendait en effet difficile toute montée en
généralité. Mais surtout, cette approche rendait
difficilement observables les interactions ayant permis l'émergence d'un
segment de médecine pénitentiaire. Il est par conséquent
progressivement apparu préférable de privilégier l'analyse
du dispositif national de prise en charge des détenus, et notamment les
relations entre les praticiens et leur autorité de tutelle.
La délimitation d'une période d'étude fut
plus délicate. Rappelons que la Libération est
considérée comme le moment à partir duquel ont
été recrutés les premiers soignants en milieu
carcéral145(*). En dépit de l'intérêt
alors accordé à la question sanitaire en prison, l'accès
aux soins se heurte à la faiblesse des moyens que l'Administration
consacre au nouveau dispositif. C'est néanmoins à cette
époque qu'émergent les premières formes de
spécialisation de l'activité médicale en prison. Outre la
création en 1947 d'un corps d'infirmières pénitentiaires,
la DAP, soucieuse de ne pas grever son budget par des admissions dans les
hôpitaux civils et de prévenir les risques d'évasion,
annonce en 1951 « la construction dans la région parisienne
d'un hôpital pénitentiaire » et la création d'
« infirmeries régionales sur l'ensemble du
territoire » (LM, 15/12/1951).
En dépit des articles optimistes publiés par
quelques médecins exerçant en prison146(*), les praticiens
souffrent au cours des années cinquante d'une faible reconnaissance
institutionnelle. En atteste cette lettre du généraliste de la
M.A de Pau envoyée au médecin-chef de l'Hôpital des prisons
de Fresnes : « Je vous serais très reconnaissant de bien
vouloir vous pencher sur les conditions d'exercice de la Profession pour les
médecins des Maisons d'arrêt en province. Pour deux visites par
semaine des détenus entrants et malades, visites urgentes possibles et
surveillance du personnel l'Administration alloue 10.000 francs par
mois !»147(*). La référence faite par ce
praticien à une profession de « médecin des Maisons
d'arrêt » témoigne de l'amorce d'une
spécialisation du corps médical exerçant en prison.
La création du poste de Médecin-inspecteur en
1960 avait, dans un premier temps, été retenue comme point de
départ de cette thèse148(*). Le manque de sources (presque aucun
interviewé et très peu d'archives) nous a cependant contraint
à en resserrer le cadre149(*). Une autre raison vient justifier ce
choix : jusqu'au début des années soixante-dix,
l'activité des médecins en milieu pénitentiaire demeure
discrète. Ils sont alors invisibles au sein de l'espace public :
aucun article de presse, aucun ouvrage et très peu d'articles
scientifiques leur sont consacrés. La spécialisation entreprise
par Georges Fully demeure durant les années soixante largement interne.
Ainsi, faire débuter cette thèse au début
des années soixante-dix présentait trois avantages. Il s'agit
d'une période d'une importante médiatisation de l'institution
pénitentiaire dont subsistent de nombreuses traces, notamment concernant
la prise en charge médicale des détenus. Fortement remis en cause
par les militants de la cause carcérale, les praticiens exerçant
en prison ont alors pour la première fois pris la parole au sein de
l'espace public (en témoignant dans les médias ou en publiant des
livres) et au sein du secteur médical (par des articles ou dans leur
thèse). Enfin, troisième raison venant justifier l'étude
de cette période, les témoins de cette époque sont plus
facilement localisables.
On a choisi par conséquent de faire débuter
cette recherche à la forte contestation du milieu carcéral
survenue à partir de 1970 qui a pour la première fois mis en
cause les carences de l'organisation des soins amenant certains soignants
pénitentiaires à réclamer davantage d'autonomie
professionnelle. D'autres, à l'inverse, témoignèrent leur
attachement à l'Administration pénitentiaire, laissant
apparaître ainsi les points de divergence entre segments professionnels.
Le choix du point d'achèvement de la période d'étude
apparut plus simple. La loi du 18 janvier 1994, en transférant les
personnels sanitaires exerçant en prison au ministère de la
Santé, clôt un chapitre de l'histoire et ainsi cette recherche.
Retracer l'évolution de l'organisation des soins en prisons, de ses
réformes et de ses professionnels, entre 1970 et 1994 requiert de
recourir à de nombreuses sources tant orales qu'écrites.
LES SOURCES DE L'ENQUETE
De la démarche de recherche choisie découle un
certain nombre de conséquences quant à la méthode
d'enquête. Articuler, comme on le propose, l'étude d'une
profession et d'une politique publique suppose en effet de multiplier les
points d'entrée sur le sujet. On souhaite ici expliquer comment a
progressivement pris forme le travail de terrain en évitant, autant que
possible, de rationaliser a posteriori une démarche où
le hasard occupe une place fondamentale. Pourtant les sources ne se sont pas
imposées d'elles-mêmes puisqu'elles procèdent d'un travail
de sélection. On souhaite restituer ici l'enquête de façon
la plus fidèle possible afin de souligner à quel point le travail
final est indissociable des contraintes, et des opportunités, qui sont
apparues progressivement au cours de la thèse.
Notons avant tout la principale difficulté
rencontrée, et ce dès le départ de la thèse :
aucune recherche n'existait sur la médecine pénitentiaire. Aucun
chercheur, ni même aucun acteur n'a publié sur ce qu'était
l'organisation des soins en prison avant 1994150(*). Ce silence contrastait
avec les nombreuses contributions accordées à la nouvelle prise
en charge sanitaire des détenus après la réforme. Si les
sources de première main existaient, elles étaient cependant
très dispersées et les collecter a demandé un important
travail de recherche. Après une analyse des politiques
carcérales, essentiellement à l'aide de la presse faute de
nombreuses empiriques sur le sujet, on a dans un premier temps choisi de
recourir à l'entretien comme source privilégiée
auprès des soignants. Celle-ci s'étant
révélée lacunaire, on fit le choix de recourir à la
littérature médicale. Les thèses de médecine
s'avérèrent à cet égard importantes. Dans l'analyse
de la logique administrative on eu recourt aux rapports de l'Inspection
générale des affaires sociales ainsi qu'aux archives des
ministères de la Justice et de la Santé. Enfin, quelques
entretiens furent conduit avec des décideurs. Cette diversité des
sources se reflète dans l'écriture de la thèse.
L'étude des politiques
carcérales comme point de départ
La lecture des travaux de sciences sociales consacrés
aux prisons permit dans un premier temps de constater à quel point
l'histoire des politiques carcérales demeurait peu traitée,
à l'exception de la période de contestation des prisons survenue
au début des années soixante-dix151(*). Les années
quatre-vingt ou le début des années quatre-vingt-dix n'ont
donné lieu à presque aucun travail de terrain
empirique152(*). Les travaux consacrés à cette
période ont davantage privilégié une analyse des
politiques carcérales sous la forme de leur
rhétorique153(*). La première étape de la
thèse a ainsi été une étude approfondie des
politiques carcérales sur la période choisie. Outre quelques
ouvrages écrits par des acteurs de l'époque154(*), on a pour cela eu
recours aux revues spécialisées de droit pénal et
pénitentiaire qui ont permis de mettre à jour quelques articles
relatifs à la santé des détenus mais surtout des prises de
position, souvent de magistrats, à l'égard de l'évolution
des prisons françaises et notamment d'un point de vue
juridique155(*). On a, en même temps,
procédé à une analyse approfondie de la presse
généraliste156(*), complétée par la suite par une
analyse des quotidiens médicaux157(*).
Ce travail a permis d'identifier le début des
années soixante-dix comme une période charnière du fait de
la forte médiatisation à laquelle l'organisation des soins en
prison fut alors confrontée. La presse a permis d'identifier les
principaux acteurs, à la fois institutionnels, tel que Solange Troisier,
Médecin-inspecteur de l'Administration pénitentiaire, ou plus
militants, comme certains médecins ayant dénoncé leurs
conditions de travail. On a, d'autre part, repéré les
« scandales » qui ont ponctué l'histoire de la
médecine pénitentiaire. De cette analyse est née une
hypothèse qu'on a déjà explicitée : la
spécialisation de la médecine en prison s'est trouvée
considérablement modifiée du fait de la contestation qui en a
été faite au sein de l'espace public. Parce qu'ils furent pris
à partie au début des années soixante-dix en tant que les
complices d'un régime carcéral jugé injuste, certains
praticiens, essentiellement des psychiatres et des internes, ont
protesté contre leurs conditions de travail et réclamé une
plus grande autonomie statutaire. En réaction à ces segments de
médecins protestataires, le Médecin-inspecteur Solange Troisier
tenta d'affirmer davantage la médecine pénitentiaire comme
étant une pratique médicale spécifique au service de la
Justice. L'hypothèse du rôle charnière de la période
de contestation des prisons (1971-1974) a été confirmée
par l'analyse des archives radiotélévisées de l'Institut
national de l'audiovisuel (INA). Fort de cette connaissance de l'histoire de la
prison, on pensait utiliser comme principale source d'enquête la
technique de l'entretien auprès des soignants de cette époque
mais on doit néanmoins en soulever certaines limites.
Les limites des entretiens avec le
personnel sanitaire
A partir des articles publiés dans presse et les revues
spécialisées, on a dressé une liste de médecins et
d'infirmières, classés en fonction de leur établissement
d'exercice. Ce travail a permis d'aboutir à un fichier comportant plus
de deux cents noms. Toutefois, la plupart de ces personnes ne purent être
localisées. Décédées, malades, vivant dans des
endroits lointains ou placées sur liste rouge, beaucoup étaient
injoignables. Pire : presque aucun des médecins contestataires
repérés par le biais de la presse n'a pu être
retrouvé158(*). Si elle ne nous permit pas d'avoir
accès à de nombreux praticiens, cette liste facilita
néanmoins le repérage des principaux médecins, et
notamment de ceux qui exercèrent longtemps. Elle accrût, d'autre
part, notre crédibilité au cours des entretiens en questionnant
un interviewé sur tel ou tel ancien collègue. L'évocation
d'un nom permettait de remémorer à ces personnes de nombreux
souvenirs au sujet d'une période souvent éloignée, sur
laquelle elles avaient souvent « tiré un trait ».
En dépit de nombreuses informations recueillies,
notamment quant aux motivations et au parcours professionnel, la vingtaine
d'entretiens effectuée auprès de médecins et
d'infirmières au bout d'un an et demi de thèse s'avérait
assez insatisfaisante. Au-delà de l'imprécision, la technique de
l'entretien favorisait l'expression de souvenirs souvent chargés
d'émotion et permettait davantage de questionner le rapport que
l'interviewé avait développé à l'égard du
milieu carcéral et des détenus plutôt que les conditions de
travail proprement dites. En témoigne la déception ressentie lors
d'un entretien réalisé avec une infirmière ayant
travaillé à l'Hôpital de Fresnes de 1954 à
1990159(*).
Disposant d'une excellente mémoire, malgré son âge, cette
dernière répondait de manière allusive aux questions avant
d'enchaîner sur le souvenir qu'elle avait de tel ou tel détenu,
souvent de grands criminels, qu'elle avait été amenée
à soigner. L'émotion favorisait l'évocation du contexte
carcéral (odeurs, bruits, stress) et de ses particularités
plutôt que les conditions de leur activité professionnelle en tant
que telle.
Second problème, les interviewés étaient
souvent peu bavards sur les relations qu'ils avaient eues avec l'Administration
pénitentiaire. Si peu de personnes ont refusé le principe de
l'entretien160(*), beaucoup ont exprimé leur surprise
à ce qu'un « sociologue » puisse s'intéresser
à la façon dont se déroulaient auparavant les soins en
prison. Parmi les professionnels en retraite, plusieurs ont
présenté beaucoup de méfiance à notre égard.
Certains répondaient d'emblée qu'ils n'avaient « rien
à dire à ce sujet » puisque les détenus
étaient soignés « exactement de la même
façon qu'à l'extérieur ». Un médecin
ayant travaillé à Fresnes adopta ainsi une forme de
résistance systématique, en répondant à chaque
question posée que cela se déroulait « comme à
l'hôpital », refusant d'évoquer ainsi son quotidien. Ces
réactions ont un lien avec la suspicion longtemps exercée
à l'encontre de la médecine pénitentiaire et des
nombreuses accusations formulées contre elle161(*). Bien que peu nombreux,
les interviewés continuant à travailler pour le ministère
de la Justice démontraient également une certaine
méfiance, traduisant la crainte que l'entretien puisse porter
préjudice à leur carrière. Le discours très
médiatisé de Véronique Vasseur quelques années
auparavant avait bien sûr constitué un précédent
fâcheux, laissant craindre une confusion entre recherche et
journalisme162(*). En atteste, par exemple, l'échange avec
cette infirmière anciennement affectée aux Baumettes et
exerçant aujourd'hui à l'Ecole de police de Marseille :
« - Moi, en plus je suis toujours fonctionnaire
au ministère de l'Intérieur et donc je voudrais pas
que...
-Oui, je comprends mais de toute façon je ne suis
pas journaliste et je ne recherche pas du sensationnel.
-Oui de toute façon, le sensationnel, ça a
déjà été fait par Mme Vasseur !
- Et vous connaissiez leur motif
d'incarcération ?
- Alors, soit ils le disaient, soit il y avait... Oui,
oui... Je le savais. J'allais pas chercher.
- Et c'est quelque chose qui ne vous dérangeait
pas ?
- Ecoutez ! Moi, j'y suis restée dix ans et
j'ai toujours fait mon travail ! Je faisais ce que je devais faire. Y en a
avec qui je parlais un peu plus longtemps. Y en a avec qui je ne parlais pas.
Mais j'ai toujours fait ce que je devais faire »163(*).
Quelques rares soignants ont accepté de
« jouer le jeu » en parlant de la manière la plus
libre possible de leur activité. Outre la volonté de ne pas faire
scandale, la difficulté à évoquer cette expérience
de leur vie, révolue pour la quasi-totalité des
interviewés164(*), s'explique également par une sorte de
mauvais souvenirs personnels. Plusieurs interviewés ayant accepté
de parler librement ont exprimé durant l'entretien des remords ou des
souvenirs douloureux liés à cette expérience
professionnelle. C'est ainsi que ce praticien en poste dans une petite Maison
d'arrêt (M.A) d'Ile-de-France dans les années quatre-vingt
évoque le décès d'un détenu dont il s'estime en
partie responsable :
« C'était un soir, en fin de
journée [souffle] Un type est amené par un surveillant. Je pense
avoir été entre-guillemets conseillé par le personnel
infirmier qui me dit : "Oh mais lui, on l'a déjà vu !
Il est toujours en train de se plaindre!". Bon. Je ne fais pas mon boulot. Je
néglige complètement d'examiner le type en question... Je lui
prescris deux, trois trucs comme ça parce que j'avais envie de partir
[silence] C'était pas très glorieux [silence] Et puis je m'en
vais. Le détenu rejoint sa cellule avec les médicaments et moi,
je m'en vais. Et le lendemain, quand je reviens, on me dit qu'il est mort. Bon
[silence] Je trouve ça un peu bizarre et à la suite de
ça... Ça, ça illustre quand même un fonctionnement
un peu problématique. Je pense que j'aurais dû être mis en
examen. Ça vous l'enregistrez mais... Bon, j'ai été
convoqué par un officier de police parce que j'étais un des
derniers à l'avoir vu. Je lui tiens d'ailleurs à peu près
le même discours parce que je ne vois pas bien ce que je pouvais lui dire
d'autre. Je l'ai vu effectivement... Voilà. On a cinquante façons
d'agir face à une situation comme celle-là. Et la réponse
effective de la police et de la Justice ça a été...
C'était un algérien ce type... Euh... "On a négocié
le rapatriement du corps avec la famille. Il n'y aura pas de suites". Bon. Bon,
voilà. Donc après j'ai arrêté de travailler en
prison. C'était vers la fin. Voilà, c'est comme ça... Je
ne me frappe pas la tête contre les murs, mais bon... [silence] Je pense
que la prison permettait un certain nombre de choses. On peut espérer
qu'en professionnalisant un certain nombre de fonctionnements, on peut
éviter certaines choses »165(*).
De manière moins spectaculaire, un autre
interviewé qui n'était plus en mesure de répondre à
plusieurs questions concernant sa pratique médicale, remarque la place
étrange de cette expérience carcérale dans sa vie :
« J'ai toujours pensé que la prison
était hautement pathogène. Un des milieux les plus
pathogènes qui soient. J'ai toujours cette difficulté à
porter un nouveau regard sur la prison. Et d'ailleurs c'est vrai que quand vous
m'avez appelé, vous m'avez replongé dans ce truc-là.
Même quand je lis des journaux, etc, j'ai de la peine à revenir
dessus. Alors, je sais pas... Peut-on faire une interprétation sauvage
et dire que ça reste une zone de culpabilité inconsciente ou je
ne sais quoi... Mais bon ! Voilà. C'est difficile... [...] Quand je
suis parti au bout de cinq ans... J'avais un besoin de tirer le rideau
là-dessus et puis de m'en dégager pendant plusieurs
années. J'avais besoin de couper, vraiment de
couper » 166(*).
Au final, cinquante-deux entretiens ont été
réalisés avec des personnels de santé ayant exercé
en prison (trente généralistes, quatorze infirmières, six
psychiatres et deux paramédical divers). Ces entretiens semi-directifs
et d'une durée moyenne de deux heures ont permis de recueillir de
nombreuses informations, notamment quant aux motivations et au parcours
professionnels de ces soignants, mais aussi des indices quant à la
manière dont ces professionnels avaient vécu les
impératifs pénitentiaires. Parfois, deux ou trois entretiens ont
été effectués avec des praticiens ayant exercé
très longtemps en milieu pénitentiaire, tel le Dr Gonin des
M.A de Lyon, ou d'autres ayant occupé une position
privilégiée au sein de l'organisation, tel le Dr Espinoza
médecin-coordinateur de l'Hôpital de Fresnes167(*). Toutes les limites
évoquées précédemment nous ont cependant fait
ressentir le besoin d'avoir accès à une autre source
d'information.
Une littérature
médicale éparse mais précieuse
La défense de la médecine pénitentiaire
apparaissait inextricablement liée à la croyance que cette
dernière constituait une spécialité médicale,
croyance à laquelle se sont par la suite opposés les partisans
d'un transfert au ministère de la Santé. On a par
conséquent souhaité retracer cette logique de
spécialisation par le biais des revues médicales susceptibles de
traiter des prisons. Dans un premier temps ont été
privilégiées les publications ayant une dimension de santé
publique (Actualité et dossier en santé publique, La
santé de l'homme, La revue française des affaires
sociales) ou celles traitant des questions de sida ou toxicomanie
(Remaides, Le journal du sida), et ce depuis la fin des années
quatre-vingt. La déception fut grande : ces revues ont
publié la quasi-totalité de leurs articles concernant la prison
uniquement après la réforme de 1994. Cette absence permettait
néanmoins de fortement relativiser l'intérêt que le monde
de la santé publique aurait éprouvé à
l'égard de la question carcérale au début des
années quatre-vingt-dix. Si les spécialistes de la santé
publique s'intéressent aux prisons, c'est surtout depuis que la prise en
charge sanitaire des détenus relève du ministère de la
Santé, et non l'inverse.
Il apparaissait en revanche fastidieux de dépouiller
systématiquement les revues de médecine générale
(La revue du praticien, La gazette médicale de France,
Le concours médical) au vu du faible nombre d'occurrences
concernant notre sujet. On a procédé à l'étude des
revues médicales, notamment celles plus scientifiques, de façon
incrémentale, c'est-à-dire essentiellement à partir de
renvois bibliographiques. Ce travail a permis d'identifier une cinquantaine
d'articles, très inégaux, traitant du milieu carcéral et
publiés dans une pluralité de revues. La forte
surreprésentation, parmi ces dernières, des revues de
santé mentale (L'information psychiatrique, Psychiatrie
aujourd'hui, Soins Psychiatrie) attestaient une reconnaissance
plus avancée des psychiatres hospitaliers intervenant en prison.
Exerçant quasi-exclusivement de façon libérale, les
généralistes travaillant en détention avaient rarement
l'opportunité de publier dans des revues scientifiques.
Deux autres sources permirent de pallier ce faible nombre
d'articles traitant de la médecine somatique. Les actes des
congrès de médecine pénitentiaire constituèrent,
tout d'abord, un moyen privilégié afin d'étudier la
structuration de ce groupe professionnel. Des quatre colloques organisés
de 1963 à 1972 par le premier Médecin-inspecteur, Georges Fully,
seuls deux ont cependant donné lieu à publication d'une brochure.
Second problème, mêmes si les trois congrès
organisés de 1975 à 1982 par le second Médecin-inspecteur,
Solange Troisier, avaient été publiés, les actes
apparaissaient de plus en plus pauvres. Le peu de place accordé aux
ateliers, lieu de confrontations entre magistrats et praticiens,
témoignait d'un contrôle accru exercé sur ces rencontres,
souvent limitées à la succession de propos élogieux. Sauf
exception, ces publications ne permirent pas d'observer les logiques sociales
qui étaient à l'oeuvre. Là aussi, l'entretien ne
suffît pas à compenser ces lacunes, aucun interviewé
n'ayant un souvenir précis de ces rencontres trop
éloignées. En outre, aucune archive ne fut trouvée sur
l'organisation de ces rencontres.
De manière plus tardive, on recourut, troisième
type de source écrite concernant la discipline médicale
pénitentiaire, aux thèses de médecine traitant du milieu
carcéral168(*). Pour la plupart effectuées par des
internes ayant travaillé en prison, elles permirent d'apporter de
très nombreuses données quant à la structuration de ce
groupe professionnel. Elles permirent également de retracer les logiques
par lesquelles les médecins pénitentiaires défendaient la
spécificité de cette discipline en voie de reconnaissance. Une
dernière source apparut potentiellement riche mais presque introuvable.
Il s'agit des enseignements de médecine pénitentiaire
professés dans le cadre de l'attestation d'études
instaurée en 1965 à la Faculté de Paris puis, dans un
second temps, dans le cadre de la chaire de médecine
pénitentiaire inaugurée en 1977 au CHU Lariboisière
Saint-Louis (Paris VII). En dépit de nos efforts, un seul tome de ces
enseignements fut retrouvé à la bibliothèque de
l'Académie de médecine et un tome nous fut remis par un
interviewé ayant suivi cet enseignement169(*). La difficulté
à regrouper des documents médicaux traitant de la médecine
pénitentiaire, qui attestait de l'échec à inscrire cette
activité au sein de l'espace universitaire, incita à
s'intéresser à la documentation administrative traitant de la
santé en prison.
Les promesses déçues
des archives de l'Inspection générale des affaires sociales
(IGAS)
En dehors de quelques rapports ayant
précédé la loi du 18 janvier 1994170(*), les archives de
l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) apparaissaient
comme une source administrative fondamentale. C'est en effet à cet
organisme que fut confiée la mission de contrôle sanitaire en
prison lorsque le poste de Médecin-inspecteur de l'Administration
pénitentiaire fut supprimé en 1983. Il s'avéra cependant
que les inspecteurs ayant eu cette charge étaient partis en retraite au
cours des années quatre-vingt-dix mais que, surtout, tous ceux en poste
à l'IGAS ignoraient ce qu'étaient devenus les rapports des
Médecins inspecteurs de la santé publique (MISP)
départementaux systématiquement envoyés à l'IGAS,
ou encore les comptes-rendus du Comité interministériel de
coordination de la santé en milieu carcéral, pourtant
placé sous la double tutelle de l'IGAS et de la Direction de
l'Administration pénitentiaire (DAP)171(*).
Seules les plaintes déposées par les
détenus auprès des MISP avaient été
conservées. Face aux réticences de l'inspecteur actuellement
chargé à l'IGAS de la mission pénitentiaire, on a
cependant convenu de ne pas accéder à ces documents, et ce pour
deux raisons. La première est celle du secret médical. Les
courriers envoyés par les détenus sont nominatifs et comportent
des indications sur leur situation particulière. Ces courriers sont
apparus, en second lieu, difficilement exploitables. Beaucoup de plaintes
traduisent avant tout une protestation ou une insatisfaction des détenus
par rapport à leur santé, bien sûr, mais également
vis-à-vis de leur statut pénal. Il est, d'autre part, impossible
de déterminer dans quelle mesure ces insatisfactions renvoient à
un défaut de prise en charge ou à une perception
faussée172(*).
C'est pour ces raisons qu'on a privilégié les
rapports établis par l'IGAS consacrés soit au sujet d'un
établissement précis, et ce à la suite le plus souvent de
nombreuses plaintes, soit à une question d'organisation
générale des soins en milieu carcéral, comme par exemple
la gestion des médicaments. Entre 1983 et 1994 entre vingt et trente
rapports ont été réalisés, dix sept ont
été analysés173(*). Bien qu'ils soient très inégaux,
ces rapports ont permis de recueillir de nombreuses informations sur les
dysfonctionnements de la médecine pénitentiaire au milieu des
années quatre-vingt. Ces documents ont ensuite permis d'identifier
certains médecins et infirmières, retrouvés par ce biais.
On a surtout tenté à partir de ces rapports de comprendre la
relation spécifique qui s'est établie entre l'Administration
pénitentiaire et l'IGAS, et ainsi plus largement entre les
ministères de la Justice et de la Santé. On regrette à cet
égard que les archives versées au Centre des archives
contemporaines (CAC) par l'IGAS ne contiennent le plus souvent que le rapport
final en tant que tel. Les documents intermédiaires (courriers, versions
antérieures) auraient constitué un élément
précieux de la recherche. Au final, l'apport des archives de l'IGAS est
apparu assez faible au regard des attentes initiales. Organisme d'inspection,
l'IGAS est une administration de mission peu étoffée et
conservant peu d'archives, à l'encontre des services ministériels
de gestion dont les archives furent décisives.
Un recours décisif aux
archives des directions ministérielles
Les archives des services centraux des ministères de la
Santé et de la Justice sont apparues comme des sources essentielles de
la recherche, notamment afin de reconstituer les relations entre acteurs.
Restait à trouver le bon carton. On s'est dans un premier temps
intéressé aux dossiers dits « de principe »
versés aux Archives nationales par la DAP qui concernent l'organisation
générale des services médicaux. S'ils ont permis de
prendre connaissance des différentes circulaires, ces dossiers se sont
cependant rapidement avérés insatisfaisants car ils
étaient peu remplis, à quelques exceptions près
(grèves de la faim par exemple). Ils s'arrêtaient, en outre,
souvent au début des années soixante-dix et ne concernaient pas
directement la période étudiée.
Les services du ministère de la Santé, et
notamment la Direction générale de la santé (DGS) et la
Direction des hôpitaux (DH), avaient pour leur part versé
très peu d'archives concernant notre sujet, la plupart des documents
trouvés abordant seulement la mise en oeuvre de la loi du 18 janvier
1994. Plusieurs raisons expliquent la faiblesse des archives
trouvées : l'organisation des soins en prison a tout d'abord
été de la compétence exclusive de l'Administration
pénitentiaire. Jusqu'en 1983, date de transfert de l'inspection
médicale, aucun bureau du ministère de la Santé n'avait de
compétence sur ce dossier. Il fut possible, en revanche, par la suite
d'accéder de façon fortuite aux archives de la Direction
générale de la santé concernant le milieu carcéral
encore situés dans leurs locaux avenue de Ségur. Datant des
années quatre-vingt, ces documents n'avaient jamais, signe
révélateur, été versés aux Archives
nationales. Ils étaient entreposés dans une armoire dont personne
ne connaissait le contenu et il était question, lorsque nous y avons eu
accès, de les détruire. D'autres documents non versés,
mais plus récents, ont de même été trouvés au
siège de l'Administration pénitentiaire grâce à un
cadre de la DAP contacté à ce sujet.
Les documents les plus riches ont été
découverts alors que le travail de terrain était
déjà engagé depuis longtemps. Il s'agit des dossiers de
carrière des médecins ayant quitté l'Administration
pénitentiaire au cours des années soixante-dix et au cours des
années quatre-vingt. En permettant de recenser de façon
exhaustive tous les départs, et notamment toutes les démissions,
mais surtout en fournissant des informations extrêmement précises
sur les relations entre l'Administration et son personnel, ces dossiers ont
constitué une source fondamentale. Enfin, bien que moins centrales,
certaines archives du ministère de la Santé et de la Justice nous
ont permis de compléter notre documentation sur des points plus
précis. C'est par exemple le cas du militantisme carcéral
à travers les archives de la DAP portant sur le Groupe d'information sur
les prisons (GIP) mais surtout sur le Groupe multiprofessionnel pour les
questions pénitentiaires lyonnais (GMQP). Les tentatives de rattachement
des détenus au système de protection sociale dès les
années soixante-dix a, d'autre part, pu être analysé
à travers les archives de la Direction de la sécurité
sociale (DSS).
Bien qu'inégales, les archives officielles furent
cruciales dans la rédaction de la thèse. Elles ont
été complétées par le recours ponctuel à des
archives privées.
Un recours ponctuel aux archives
privées
Au cours de la thèse est apparu central, grâce
aux entretiens, le rôle de la Coordination syndicale pénale
(COSYPE), mobilisation de professionnels pénitentiaires apparue au
début des années quatre-vingt. Celle-ci a pu été
analysée à partir de ses archives internes entreposées au
Syndicat des éducateurs pénitentiaires à Paris. La
consultation des archives d'Etienne Bloch, Juge de l'application des peines, a
d'autre part permis de mieux comprendre la contestation de la prison parmi les
magistrats et le rôle joué par le Syndicat de la
magistrature174(*). Certains interviewés nous ont
également remis, grâce à la confiance établie,
certains documents tels que des publications, des courriers ou des documents
non publiées dont l'usage est cependant resté très
marginal. Seul Jean Favard, ancien Conseiller technique de Robert Badinter,
dispose d'importantes archives personnelles dont l'usage aurait pu enrichir ce
travail. Il faudra cependant attendre qu'il les transmette aux Archives
nationales pour les consulter. Le milieu décisionnel a bien sûr
été le plus difficile d'accès.
L'utilité d'un croisement
de l'entretien et de l'archive en matière d'analyse de la
décision
L'usage croisé de l'archive et de l'entretien est
apparu largement complémentaire dans l'analyse de la phase
décisionnelle. Si les archives des cabinets ministériels ont
permis de restituer de façon assez fidèle les différentes
étapes de la loi du 18 janvier 1994, elles demeuraient cependant
discrètes concernant les années soixante-dix ou quatre-vingt.
Leurs lacunes témoignaient certes d'un moindre intérêt
à cette époque des autorités politiques pour le sujet de
la santé en milieu carcéral. Faute de sources, on pouvait
cependant mal percevoir comment les décideurs envisageaient cette
question175(*).
L'entretien apparût comme un outil précieux, notamment concernant
les années quatre-vingt. Certains magistrats ayant exercé
d'importantes fonctions au ministère de la Justice ont permis de
retracer les évoluitions qu'a traversé la DAP ainsi que les
rapports de force entre acteurs176(*). Sur les vingt entretiens
réalisés auprès de décideurs, neuf ont
été consacrés à l'Administration
pénitentiaire, deux à la Direction des hôpitaux, un
à la DGS, cinq au Haut comité à la santé publique
(HCSP) et trois aux cabinets ministériels177(*).
Il ressort de cette présentation du travail de terrain
l'hétérogénéité des sources. Si elle permet
en partie de limiter les biais liés à une trop grande importance
parfois accordée à un seul type de matériau, cette
diversité reflète également la dimension
« éclatée » de notre objet d'étude.
Principalement placée sous la houlette du Médecin-inspecteur, la
médecine pénitentiaire fut à partir de 1983 un secteur mal
structuré, partagé entre l'Administration pénitentiaire,
l'IGAS et la DGS. La multiplicité des matériaux recueillis
reflète, enfin, la nature même de notre problématique,
à savoir l'articulation entre une politique publique et une dynamique
professionnelle. La sociogenèse de la réforme de 1994 ne peut
ainsi être appréhendée uniquement par le biais de la seule
dimension administrative ou politique. Elle doit également accorder une
large place au rôle des médias ainsi qu'à la dimension
médicale et universitaire de la médecine pénitentiaire.
Notons enfin que les contraintes liées aux sources qui
viennent d'être mentionnées ont contribué à orienter
l'approche développée dans la thèse. Faute de nombreux
éléments concernant la phase décisionnelle, la
période des années soixante-dix, retracée dans la
première partie, a davantage été analysée sous
l'angle de la médecine pénitentiaire en tant qu'organisation
sociale, via notamment les rapports de force entre
détenus-praticiens-Administration, et en tant que discipline. Pour cela,
les principales sources ont été la presse, les entretiens avec
les soignants et les dossiers de carrière des praticiens. Reposant
davantage sur des archives d'administration centrale et des entretiens avec des
décideurs, la seconde partie consacrée aux années
quatre-vingt décrit plus finement les moments de réforme.
L'articulation de sources variées a cependant permis durant ces deux
périodes d'identifier les éléments caractéristiques
de ces deux configurations réformatrices bien distinctes.
LES CONFIGURATIONS DE
REFORME DE L'ORGANISATION DES SOINS EN PRISON
Partant du postulat que la loi du 18 janvier 1994 ne constitue
qu'un moment, final, d'une séquence historique réformatrice, on
propose de restituer les différentes étapes de cette histoire.
C'est pourquoi le plan de la thèse a été bâti autour
des différentes « configurations
réformatrices » identifiées178(*). Ces dernières
supposent de prendre en compte la dimension plurielle de l'action publique,
trop souvent réduite à sa dimension stratégique,
institutionnelle ou cognitive179(*). On privilégie pour cela les quatre
facteurs distingués par Philippe Bézès (cognitif,
professionnel, institutionnel et politique) qui sont autant de conditions de
possibilité de la réforme. Distinguer les différentes
configurations réformatrices apparaît comme un moyen commode de
souligner dans quelle mesure l'organisation professionnelle de la
médecine pénitentiaire, le traitement politique de la question
carcérale, le dispositif institutionnel de l'organisation des soins et
les cadres cognitifs des politiques carcérales ont profondément
évolué et de pouvoir distinguer à quel moment une variable
semble l'emporter sur les autres. Deux configurations de réforme,
correspondant à deux séquences historiques, ont ainsi
été délimitées auxquelles correspondent les deux
parties de la thèse.
La première retrace les interactions entre les
différents segments de médecins pénitentiaires au cours
des années soixante-dix et les efforts entrepris par certains d'entre
eux afin de spécialiser et de « disciplinariser »
cette activité. Dans le cadre du mouvement de contestation de la prison
apparu au cours des « années 68 »180(*), une attention accrue
est accordée à la prise en charge médicale des
détenus. Confrontés à une forte remise en cause de la part
des militants de la cause carcérale, certains internes prennent
publiquement la parole pour la première fois, s'affranchissant ainsi de
leur devoir de réserve, afin de revendiquer une plus grande autonomie
à l'égard de l'Administration pénitentiaire. Le
Médecin-inspecteur Georges Fully s'appuie sur ce segment protestataire
afin de faire valoir le respect des exigences médicales pour lequel il
oeuvrait en interne depuis longtemps (Chapitre 1).
Ce mouvement de protestation n'est pas spécifique aux
médecins mais concerne de nombreux professionnels de la prison. Ceux-ci
s'organisent en associations où ils défendent l'idée de
droit des détenus ainsi que celle de
« décloisonnement ». Cette idée, mettant fin
à la rupture entre la prison et la société, fait
débat chez les magistrats et est même reprise par le nouveau
président de la République, Valéry Giscard d'Estaing.
C'est dans le cadre de cette politique, plus souvent appelée alors
d'humanisation des prisons, qu'est pour la première fois imaginée
le rattachement des détenus à la Sécurité sociale
ainsi que la réforme de la médecine carcérale.
Envisagée pendant un temps, l'intégration de cette
dernière au sein du dispositif national de santé est cependant
écartée sous l'influence de Solange Troisier, désireuse de
faire reconnaître la médecine pénitentiaire en tant que
nouvelle spécialité médicale (Chapitre 2).
Dans l'objectif de réhabiliter un secteur d'action
publique discrédité, le Médecin-inspecteur qui prend la
relève de Georges Fully après son décès en 1973
entreprend, avec le soutien du ministère de la Justice, de poursuivre le
travail de spécialisation déjà initié par son
prédécesseur. La définition et l'enseignement d'un corpus
théorique (la « pathologie carcérale »),
l'imposition d'une appellation stable ou encore l'organisation de colloques
contribuent à légitimer la « médecine
pénitentiaire » au sein du secteur médical. C'est ainsi
qu'une chaire universitaire de médecine pénitentiaire est pour la
première fois créée en 1977 à Paris. La
reconnaissance de cette nouvelle discipline médicale n'a cependant pas
pour but, comme pour le premier Médecin-inspecteur, d'autonomiser les
soignants à l'égard de leur hiérarchie
pénitentiaire. Il s'agit, à l'inverse, de lier inextricablement
les rôles médicaux et pénitentiaires afin de faire des
praticiens des « auxiliaires de Justice » dont l'action est
davantage guidée par le Code de procédure pénale que par
le Code de déontologie. Solange Troisier joue de sa position clef au
sein de l'Administration pénitentiaire pour façonner un corps de
praticiens acquis à ses idées. Son entreprise échoue
cependant en grande partie. L'ambiguïté du rôle
attribué aux soignants et la forte critique médiatique à
laquelle est soumis leur travail rendent difficile la reconnaissance de la
figure professionnelle du « médecin
pénitentiaire » qui apparaît de plus en plus
stigmatisante pour ceux qui l'exercent (Chapitre 3).
La première configuration réformatrice, qui
court de 1970 à 1981, est par conséquent nettement dominée
par les variables professionnelle et institutionnelle. L'affirmation d'une
spécialité médicale spécifique et le rôle
clef joué par le Médecin-inspecteur Solange Troisier,
« marginal-sécante » située au croisement des
secteurs médical et politique, font échouer les
différentes tentatives de réforme de l'organisation des soins en
prison qui ont lieu. Même si elle n'accède pas au rang de
discipline reconnue, la médecine pénitentiaire demeure durant les
années soixante-dix un secteur autonome du monde médical,
principalement régi par des règles pénitentiaires.
Les facteurs politique et cognitif apparaissent en revanche
secondaires dans cette première configuration. En dépit des
effets d'annonces, aucun acteur politique ne s'engage durablement en faveur
d'une réforme de l'institution carcérale et de sa
médecine. D'un point de vue cognitif, la notion de
décloisonnement reste davantage le fait de professionnels contestataires
et de militants de la cause carcérale que des décideurs
administratifs. Ces derniers restent attachés à une
représentation plus traditionnelle de l'incarcération entendue
comme une coupure avec le social. Aucun acteur politique ne défend
également de façon durable l'idée d'une ouverture de la
prison vers la Cité et Alain Peyrefitte, nommé garde des Sceaux
en 1977, s'inscrit même en opposition à cette dernière.
La première partie de la thèse s'attèle
ainsi à analyser les stratégies de
« disciplinarisarisation » de la médecine
pénitentiaire déployées par le Médecin-inspecteur.
Solange Troisier souhaite ainsi écarter toute réforme de
l'organisation des soins et réhabiliter celle-ci face aux critiques qui
lui sont adressées depuis le début des années
soixante-dix. La spécialisation de la « médecine
pénitentiaire » apparaît ainsi pour elle comme une
réponse à ce mouvement de protestation émanant des
militants de la cause carcérale mais aussi d'un segment d'internes.
La seconde partie de la thèse s'attache à
souligner les logiques ayant permis au cours des années quatre-vingt la
remise en cause de cette médecine spécifique par le biais d'une
reconfiguration cognitive de la politique carcérale. En favorisant
l'accès à la décision à des magistrats-militants,
issus du Syndicat de la magistrature, porteurs d'une nouvelle
représentation de la prison mais aussi à une
« communauté épistémique
réformatrice » intitulée COSYPE, l'alternance de 1981
marque un tournant pour la politique pénitentiaire, notamment en
matière d'organisation des soins. Ces professionnels-militants,
travaillant en lien avec la prison pour la plupart depuis les années
soixante-dix, souhaitent avant tout mettre en oeuvre l'idée de
décloisonnement formulée pendant le septennat
précédent mais dont la mise en oeuvre avait été
décevante. La mise à mal du « cloisonnement »
qui caractérisait jusqu'alors l'organisation des soins devient l'un des
enjeux de cette nouvelle politique menée sous l'égide de Robert
Badinter et de son Conseiller technique, Jean Favard. L'implication du
Médecin-inspecteur dans un scandale judiciaire et la dénonciation
publique de la médecine pénitentiaire par un Professeur
hospitalier reconnu en 1982-1983 constituèrent autant de
« fenêtres d'opportunité » légitimant
un nouveau dispositif. Ils permirent le transfert de l'inspection
médicale dans les prisons à l'Inspection générale
des affaires sociales (IGAS) et aux Médecins-inspecteurs de santé
publique (Chapitre 4).
Placée sous le contrôle du ministère de la
Santé, la prise en charge médicale des détenus se
rapproche progressivement des standards du système national de
santé. Certaines spécificités subsistent néanmoins,
traduisant la persistance d'une autonomie de l'Administration
pénitentiaire à l'égard du reste du système
administratif français. La délégation de la santé
à des groupements privés opérée à la fin des
années quatre-vingt dans le cadre des prisons à
« gestion mixte » marque l'achèvement du monopole,
déjà ébranlé, exercé par l'Administration
sur l'organisation des soins. Pensé à l'origine par Albin
Chalandon, en matière de santé, comme un moyen d'échapper
au transfert de la médecine pénitentiaire au ministère de
la Santé, le « Programme 13.000 » places est mis en
oeuvre en 1988 par les magistrats-militants arrivés en 1981 qui y sont
idéologiquement opposés. Ces derniers en détournent alors
la signification première afin d'en faire une étape
supplémentaire dans le décloisonnement de l'organisation des
soins. Pour la première fois s'exerce dans quelques
établissements une médecine non-pénitentiaire (Chapitre
5).
Au même moment, le développement du sida est un
argument de poids en faveur d'une réforme de la prise en charge
médicale des détenus. Il est mis à profit par les
mêmes magistrats-militants favorables à un rapprochement avec le
ministère de la Santé qui réussissent alors à faire
adopter une première intervention des praticiens hospitaliers en milieu
carcéral en matière de prise en charge du sida.
L'épidémie contribue d'autre part à aggraver les
conditions de travail des soignants exerçant en milieu
pénitentiaire. Un segment de praticiens réfractaires à
l'idée d'une médecine spécifique se forme et demande soit
à titre individuel soit à titre collectif, via une association,
leur rattachement au ministère de la Santé (Chapitre 6).
A l'inverse des années soixante-dix, cette seconde
configuration réformatrice laisse peu de place aux variables
professionnelle et institutionnelle. La médecine pénitentiaire en
tant que discipline est fortement remise en cause et ne suffit plus,
contrairement à avant, à justifier que l'organisation des soins
en prison demeure régie par des règles spécifiques. Le
rôle auparavant central du Médecin-inspecteur s'amoindrit dans un
premier temps puis disparaît avec la suppression du poste en 1983.
Même si l'Administration pénitentiaire demeure centrale,
l'organisation des soins est désormais le fait d'une pluralité
d'organisations dépendant désormais de plusieurs
ministères. Les prisons « 13.000 » à gestion
mixte imposent même au ministère de la Justice de composer avec
des acteurs privés totalement étrangers aux règles
pénitentiaires.
Les facteurs politiques et cognitifs jouent en revanche
pleinement durant cette seconde configuration. L'engagement de Robert Badinter
en faveur d'une transformation de la prison et de sa médecine joue un
rôle important dans la suppression du poste de Médecin-inspecteur
et dans le transfert de cette compétence au ministère de la
Santé. Mais surtout les décideurs administratifs, quelques
magistrats arrivés à des postes de chef de Bureau, de Directeur
ou de Conseiller technique, sont explicitement porteurs d'une nouvelle
représentation de l'incarcération que recouvre l'idée
de décloisonnement. Ainsi, bien qu'elle puise ses origines dans le
mouvement de remise en cause de l'institution pénitentiaire qui a lieu
dans les années soixante-dix, la reconfiguration cognitive des
politiques carcérales qui s'opère sous le nom de
« décloisonnement » produit l'essentiel de ses
effets à partir des années quatre-vingt du fait de l'alternance.
En matière d'organisation des soins aux détenus, la loi du 18
janvier 1994 en est le terme final.
Tandis que la première partie de la thèse est
consacrée à l'analyse des stratégies de
spécialisation de la médecine pénitentiaire la seconde
s'attache à souligner comment cette discipline fut remise en cause
à partir de l'idée de
« décloisonnement ». La loi du 18 janvier 1994 doit
ainsi être comprise comme l'étape finale d'un processus de
réforme dont les principaux moments ont eu lieu dans les années
soixante-dix et quatre-vingt.
PREMIERE PARTIE
LA « MEDECINE
PENITENTIAIRE » : LES TENTATIVES DE SPECIALISATION D'UNE
ACTIVITE STIGMATISANTE
INTRODUCTION DE LA PREMIERE PARTIE
« Après près de 24 années
de médecin de la prison d'Angers, je suis complément
écoeuré du comportement de l'Administration concernant la
détention à Angers d'un nombre important de nord-africains
détenus depuis longtemps et envoyés malades. Notre prison ne
saurait garder certains grands malades et si les délais pour
hospitalisations à Fresnes étaient plus courts, nous ne serions
pas dans l'obligation d'hospitaliser à Angers [...] Isolé,
ignoré, déçu, voilà l'état d'esprit d'un
médecin de prison après près de 24 années
d'exercice à la prison d'Angers »181(*).
Bien qu'elle ne puisse être considérée
comme représentative de l'ensemble du corps médical, la lettre
adressée par ce médecin à la DAP à la fin des
années soixante traduit le sentiment d'abandon alors ressenti par
plusieurs praticiens exerçant en milieu carcéral. En effet, bien
que prévus par le Code de procédure pénale de 1958, les
médecins travaillant en prison ne sont pas jusqu'au début des
années soixante-dix reconnus comme des intervenants
pénitentiaires à part entière, à l'encontre des
aumôniers, des visiteurs de prison ou des assistants sociaux.
Dépourvus de tout statut, ils sont considérés par
l'Administration comme des intervenants extérieurs mus par une
idéologie philanthropique182(*). Témoigne notamment de ce peu de
reconnaissance leur très faible rémunération183(*), comme le rappelle ce
praticien payé « 21 francs par visite pour voir de 20 à
30 prisonniers souvent exigeants, atteints de troubles nerveux ou psychiques et
parfois dangereux » : « Le tarif des femmes de
ménage est de 7 francs de l'heure environ en province et à
Paris de 9 à 12 francs. Un dépanneur de télévision
ne se déplace pas à moins de 58 à 60 francs [...] Cela
ressemble à de l'exploitation »184(*). Plus largement, c'est
la disproportion entre la charge de travail et la faible reconnaissance que
regrette ce généraliste exerçant depuis 1957 en
prison :
« Assimilé, par mon traitement, à
un praticien exerçant la médecine préventive scolaire, le
médecin pénitentiaire assume, et cela est particulièrement
vrai à Clairvaux, des responsabilités diagnostiques et
thérapeutiques dépassant de loin celles que l'on assume en
clientèle libre, même rurale [...] Le médecin
pénitentiaire, à Clairvaux, assume ses fonctions sans l'aide
d'aucun infirmier ; cette situation n'est ni récente, ni
passagère mais bien habituelle [...] Les rares demandes du
médecin concernant l'hygiène du travail et l'hygiène tout
court se heurtent à Clairvaux à des impératifs
matériels ne mettant pas en cause la bonne volonté de la
direction locale. Il n'a jamais été promis au médecin de
l'établissement de connaître dans les constructions nouvelles
réalisées ou projetés, l'implantation de l'infirmerie,
encore moins d'en discuter l'aspect fonctionnel »185(*).
La figure du médecin ne semble ainsi pas à la
fin des années soixante reconnue et associée à la
représentation de l'institution carcérale, et ce même aux
yeux des professionnels de la prison186(*). Les « médecins
pénitentiaires », dont l'appellation est à cette
époque peu usitée, ne disposent alors que d'une faible existence
sociale. En atteste le peu d'espace qui leur est consacré dans la
presse187(*).
En 1966, Le Monde consacre une importante enquête aux prisons
françaises. Intitulée « Ces inconnues dans la
Cité : nos prisons », elle propose de voir
« comment se traduit au bout de vingt-deux ans dans les faits, dans
la vie quotidienne de la prison, cette révolution
pénitentiaire » qu'était la réforme Amor
(LM, 8/04/1966). Parmi les sept articles publiés aucun
n'évoque la question de la prise en charge médicale des
détenus. La seule fois où il est question dans la presse des
médecins de prison, en 1970, c'est pour souligner la faible
reconnaissance dont ils disposent et le journaliste a alors comme source les
propos d'un magistrat de l'Administration pénitentiaire. Il y est
là aussi question du manque de moyens attribués aux
praticiens :
« Le rôle du médecin
pénitentiaire dépasse ainsi le caractère strictement
médical. Le chef du personnel de l'administration pénitentiaire,
M. André Dessertine, dans le cours qu'il fait à la chaire de
médecine légale de la Faculté de médecine de Paris,
déclare : "Il est certain que dans cette optique là, le
médecin n'est pas seulement celui qu'on appelle pour soigner un malade
et pas seulement celui qu'on appelle lorsqu'il y a une menace
d'épidémie. Le médecin va devoir jouer un rôle dans
l'étude nécessaire de chaque individu". Mais pourquoi
l'Administration pénitentiaire semble-t elle retirer d'une main ce
qu'elle apporte de l'autre ? Pourquoi si l'on demande à ces
médecins de remplir une tâche spécifique, ne leur
donne-t'on pas une formation spécifique appropriée ?
Pourquoi pas de corps de médecine pénitentiaire ? Pourquoi,
enfin, des traitements ridiculement bas ?... J'ai sous les yeux la feuille
de paie d'un psychiatre de maison centrale pour le mois de janvier 1969. Durant
ce mois, comme toujours, ce médecin s'est rendu deux fois par semaine
à la maison centrale où il est resté, à chaque
fois, de 13 à 18 heures. Pour un peu plus de quarante heure de
consultation, combien touche-t-il ? Je lis : "Traitement net
mensuel : 360 francs. Retenues de Sécurité sociale 15 francs
30, reste 244 francs 70. Net à percevoir : 244 francs 70". Pareils
chiffes se passent de commentaires »188(*).
Si les médecins intervenant en prison sont absents de
l'espace public au début des années soixante-dix, c'est aussi,
comme le souligne l'exemple précédent, parce qu'ils ne
s'expriment pas publiquement. Aucun praticien ne témoigne alors de ses
conditions de travail en dehors des revues spécialisées ou des
congrès de médecine, qui font l'objet d'une couverture
médiatique quasi-nulle189(*). Le renforcement de la sécurité
dans les prisons françaises à la fin des années soixante
semble pourtant avoir rendu plus complexe l'organisation des soins. C'est ainsi
qu'un praticien déclare au préfet des Landes, qui en rapporte les
propos, être « fort mécontent de la façon dont
marche le service médical dans cet établissement : nous
avons des difficultés pour les hospitalisations, les soins dentaires
sont rares et irréguliers et sommaires, les consultations de
spécialistes difficiles et très rares. L'Administration fait
écraser les comprimés de certains médicaments que je
prescrits : il en résulte des breuvages infects qui sont indignes
d'un pays civilisé »190(*). Pourtant peu de soignants adoptent à
cette époque une attitude revendicatrice à l'égard de la
tutelle pénitentiaire. C'est néanmoins le cas du Dr Fleury,
chirurgien aux prisons des Baumettes de Marseille, qui introduit en octobre
1969, un journaliste dans l'établissement le faisant passer pour son
assistant. Roger Bouyssic, alors inspecteur des services pénitentiaires,
en rend compte à sa hiérarchie et justifie le licenciement
du praticien en cause :
« Tous deux ont parcouru l'établissement
en s'entretenant avec divers détenus. L'interne de service, le Docteur
Enrico, intrigué par l'attitude et surtout la curiosité du
prétendu Dr Casalta qui portait une sacoche de cuir contenant
vraisemblablement un magnétophone, a mis fin à sa visite au
moment où ses interlocuteurs lui demandaient à voir les
drogués [...] La personne introduite dans l'établissement par le
Dr Fleury est un journaliste de radio Monté Carlo très connu pour
ses chroniques judiciaires [...] Il apparaît que depuis quelques temps le
Dr Fleury ne jouit plus de toutes ses facultés mentales. J'estime qu'il
convient de mettre fin à sa collaboration avec l'Administration
pénitentiaire »191(*).
La faible reconnaissance aussi bien sociale qu'administrative
dont souffrent ces médecins contraste avec la tentative de
spécialisation amorcée par le Médecin-inspecteur depuis le
début des années soixante192(*). Ancien résistant
déporté à Dachau, Georges Fully fait du respect de
l'éthique médicale l'une de ses priorités, notamment
à l'occasion des grèves de la faim de détenus
algériens lors de sa nomination193(*). La spécialisation de l'activité
médicale en prison est ainsi pour lui un moyen d'accorder davantage de
reconnaissance aux praticiens. Il tente pour cela avant tout de faire prendre
conscience aux praticiens qu'ils exercent, chacun isolément, un
même métier. Il organise pour cela au siège de la
Confédération des syndicats médicaux la première
rencontre entre patriciens en avril 1963. Ces « Journées de
médecine pénitentiaire » offrent l'opportunité
aux médecins travaillant en détention de confronter leur point de
vue au sein de groupes de travail mêlant magistrats et
soignants194(*). Ils leurs permettent d'évoquer, parfois
de façon revendicative, leurs conditions de travail, selon le Dr Daniel
Gonin qui venait de rejoindre l'équipe de médecine
pénitentiaire lyonnaise :
« Alors en 63, ça a été un
début. Mais on a vu qu'il y a des gens qui existaient et qui
étaient archi-contents de trouver qu'il y en avait d'autres qui
existaient, auxquels ils n'avaient jamais pensé, et surtout quand on a
exposé nos situations... Alors, c'était pas scientifique.
C'était du genre, je m'en rappellerai toujours : "Moi, j'ai pas une
pièce où je peux examiner quelqu'un parce que je suis
obligé d'ouvrir la porte pour que la table d'examen puisse être
mise". Il avait les pieds dans le couloir [Rires] C'était des trucs
comme ça. Et puis beaucoup disaient : "Comment les examiner alors
qu'on a un surveillant à côté de soi". Etc, etc [...]
C'était beaucoup de récriminations. C'était beaucoup de
"On ne peut pas...". Beaucoup voulaient par exemple une pièce dans
chaque Maison d'arrêt pour examiner leurs malades. Ils auraient voulu un
coup de peinture, ils auraient voulu avoir par exemple une vraie table d'examen
et pas quelques bouts de fer soudés comme le faisaient souvent la
prison. Ils auraient voulu avoir par exemple un appareil radio. Y avaient
beaucoup de conflits. L'Administration pénitentiaire était
à l'époque une administration qui répondait
systématiquement "non !", "Ben non !" [...] Pas de mouvements.
Ça apportait toujours des contestations et notamment dans les
congrès. Alors y avait quelques engagements : "Oui c'est vrai...".
Y avaient aussi des promesses »195(*).
Cette première rencontre est l'occasion d'apporter une
représentation unifiée de praticiens isolés. A cette fin,
Georges Fully réalise préalablement une enquête par
questionnaire dont il commente les résultats lors du
congrès196(*). En regroupant statistiquement sous une
même catégorie des praticiens jusque-là dispersés,
et en leur donnant la parole, le Médecin-inspecteur tente de faire
exister un groupe professionnel dont il évoque l'histoire :
« Je voudrais rendre hommage publiquement
à tous mes confrères qui dans les moments difficiles qu'a connus
l'Administration pénitentiaire, au cours de l'affaire algérienne,
ont fait preuve du plus grand dévouement et d'une conscience
professionnelle rare. Ils ont tous été mis à rude
épreuve lors des grèves de la faim, notamment, et ils ont
dû souvent engager gravement leur responsabilité. Aucun n'a jamais
failli à sa tâche. En dehors de ces circonstances habituelles, le
rôle du médecin pénitentiaire reste difficile.
Le médecin pénitentiaire doit travailler encore trop
souvent dans des conditions très précaires, très
insuffisantes, dans des locaux incompatibles avec une médecine
décente, pourvue d'une assistance médicale insuffisante. Il
est souvent harcelé par les difficultés administratives
auxquelles il s'habitue mal. L'autorité judiciaire aussi bien
que l'Administration pénitentiaire exigent beaucoup de
lui ».197(*)
L'utilisation du singulier ainsi que la mise en
évidence de contraintes communes participent à la construction
d'une identité collective. C'est également dans ce sens qu'une
motion est déposée au terme de la rencontre par les
médecins réunis afin « que soit enfin constitué
un statut du médecin pénitentiaire qui assurera son avenir
»198(*).
Après cinq années d'interruption, les deuxièmes
« Journées nationales de médecine
pénitentiaire », qui se déroulent en novembre 1968
à Fleury-Mérogis, rassemblent cinquante-cinq praticiens qui
demandent à l'occasion à ce que ces rencontres aient lieu tous
les deux ans199(*). Mettant en avant le lien entre médecine
pénitentiaire et criminologie, le Médecin-inspecteur tente de
convaincre les autorités du rôle essentiel que les praticiens sont
en mesure d'exercer dans la réhabilitation du
condamné200(*). Ainsi lors du congrès de 1970 qui a
lieu à Marseille, Georges Fully demande une pleine reconnaissance des
médecins en tant que membres de l'Administration
pénitentiaire :
« La loyauté de cette collaboration est
prouvée par le dévouement dont ils font toujours preuve et par
l'intérêt qu'ils portent à leurs fonctions. Ils entendent
en contrepartie être considérés comme
intégrés à part entière au fonctionnement de cette
administration... ils ne désirent plus seulement être
considérés comme des techniciens d'une partie des
problèmes et tenus éloignés d'une manière plus ou
moins réelle des autres problèmes »201(*).
Bien qu'irrégulières, ces rencontres entre
médecins visent à faire émerger chez des professionnels
exerçant de façon dispersée une conscience d'appartenir
à un même corps. Le Dr Gonin ayant assisté à ces
différents congrès confirme que le but était de
« se faire exister » en tant que groupe
professionnel :
« C'est-à-dire que jusqu'à
présent il n'y avait pas la notion de "corps". Les gens étaient
recrutés individuellement, souvent c'était... Vous aviez quand
vous faites des vacations comme ça... C'étaient que des vacations
pratiquement. Il n'y avait pas de médecins titulaires. C'étaient
des médecins isolés. Ce qui fait que la médecine
pénitentiaire a commencé à exister du jour où tous
ceux qui exerçaient en milieu pénitentiaire, officiellement, ont
eu la possibilité de se retrouver dans ces congrès. Ça a
permis de confronter nos expériences [...] Parce que la
médecine pénitentiaire, c'était une médecine qui
n'était pas connue. Elle n'était pas connue des médecins
en particulier. [...] Ce qu'il y a de particulier, c'est qu'il y avait un peu
dans toutes les grandes villes un médecin sur ce mode là, avec
des statuts différents. Certains avaient des indemnités, certains
avaient de l'importance. Il y avait des contrats entre prisons et hôpital
par exemple. Il y avait une diversité des situations médicales
très importante et, surtout, aucune connaissance des uns des autres.
Personne... Moi, ce qui m'avait frappé, en 63, j'avais pas encore
exercé en tant que médecin pénitentiaire, mais ce qui
m'avait frappé c'est que personne ne s'était bien
intéressé au travail de l'autre. Y a toujours eu un travail
individualisé. Y avaient toujours des réticences à passer
ses dossiers médicaux à d'autres. On était très
individualiste »202(*).
Le fait que ce praticien, qui anime alors des groupes de
parole dans les prisons de Lyon, soit de formation psychiatrique rappelle le
rôle d'avant-garde occupé par les psychiatres dans la
reconnaissance de l'activité médicale en
détention203(*). Ces derniers ont tout d'abord vu leur
rôle reconnu dans le cadre de la réforme Amor dite du
« tour carcéral » visant à orienter les
détenus entre les établissements, dont les régimes
pénitentiaires sont différenciés, selon leur profil
psychologique. Le Centre national d'observation de Fresnes créé
en 1950 caractérise au mieux cette reconnaissance des savoirs
psychiatriques et criminologiques au service de l'Administration des
prisons204(*)
Bénéficiant d'une relative reconnaissance au
regard des généralistes, les psychiatres sont à l'origine
de publications scientifiques présentant le rôle de leur
discipline dans la détention205(*). Lors des journées de médecine
pénitentiaire de 1968, un groupe de travail consacré aux suicides
demande une meilleure prise en compte de leur rôle: « La
prévention réside non dans la mise en oeuvre de nouvelles
méthodes coercitives, qui n'aboutissent qu'à accentuer
l'infantilisation du détenu, mais en un remodelage de l'ambiance, avec
la collaboration de tous, en particulier du psychiatre et du psychologue, dont
l'efficacité ne saurait s'exprimer à travers un jeton
hebdomadaire de présence »206(*). Les
généralistes réclament également une plus grande
reconnaissance de leur intervention en milieu carcéral. Constatant que
si « l'organisation administrative des centres de détention
est fort méconnue, son service médical l'est plus
encore », un interne souligne dans sa thèse de
médecine, consacrée à l'étude des nouveaux entrants
de la M.A de La Santé207(*), le rôle potentiel du praticien, et ce
notamment dans l'orientation du condamné :
« Chaque détenu a sûrement besoin
d'une certaine forme de prison. Il semble que l'étude des divers
résultats obtenus, lors des examens systématiques, nous permette
de tirer un grand nombre de renseignements à verser dans ce dossier. Par
l'examen médical de tout individu entrant, nous connaissons beaucoup
mieux les aspects pathologiques de son comportement, ce qui nous permet
certainement, d'avoir un meilleur jugement à l'égard de ces
délinquants. L'édification de la prison idéale
nécessite naturellement une meilleure connaissance de l'individu
détenu. Le médecin aura, nous n'en doutons pas, une place de
plus en plus importante dans la prison de demain [...]
C'est donc par une médecine carcérale éclairée
que le médecin des prisons peut donner à la vie humaine toute sa
valeur »208(*).
La fonction criminologique de la médecine
pénitentiaire, qui semble également reconnue à
l'étranger209(*), est ainsi dans un premier temps au fondement
de la démarche de spécialisation de l'activité
médicale en milieu carcéral. L'intervention du médecin n'a
alors pas tant pour but de soigner le détenu, que de le connaître
et de l'orienter afin de faciliter son « traitement »
pénitentiaire, c'est-à-dire sa réinsertion. Si les
praticiens se voient progressivement dotés d'une mission de connaissance
de la population carcérale, ils demeurent néanmoins à
l'écart de l'espace public.
Une transformation a lieu au début des années
soixante-dix. Une nouvelle dynamique s'engage sous le coup de la critique dont
est alors l'objet l'Administration pénitentiaire au lendemain des
« années 68 »210(*). La publicisation de certains
événements auxquels est partie prenante le personnel
médical intervenant en prison place celui-ci en première ligne de
l'actualité. Présentés comme les complices d'une
institution répressive, quelques psychiatres et jeunes internes se
désolidarisent pour la première fois de leur autorité de
tutelle afin de réclamer une plus grande considération de la
pratique médicale en milieu carcéral. Ce segment contestataire
met en évidence les lignes de fracture qui opposent ceux qui exercent
pourtant une même activité (Chapitre 1).
Un mouvement de protestation semblable s'observe dans toutes
les professions liées à la prison, à l'exception des
surveillants, qui s'organisent en associations. Ils y élaborent une
réflexion commune autour de l'idée de
« décloisonnement ». La politique d'humanisation de
Valéry Giscard d'Estaing s'en inspire mais ses résultats sont
inégaux. A l'exception du rattachement des détenus à la
Sécurité sociale211(*), la médecine pénitentiaire est
peu affectée par cette politique. Bien qu'envisagée pendant un
temps, l'intégration de la médecine pénitentiaire au sein
du dispositif national de santé est écartée sous
l'influence de Solange Troisier. Au décloisonnement décrit comme
une menace risquant d'engloutir la spécificité de la
médecine pénitentiaire, cette dernière oppose une
valorisation de la profession médicale en prison (Chapitre 2).
Pour cela, Solange Troisier, entreprend de
« disciplinariser » la médecine pénitentiaire
par le biais de congrès, de publications et d'un enseignement. Cette
spécialisation diffuse une représentation du praticien
travaillant en prison en tant que fonctionnaire au service du ministère
de la Justice, auquel il doit être loyal, et ce à l'encontre de la
revendication d'autonomie porté par un segment d'internes
contestataires. La revalorisation et la reconnaissance de cette activité
en tant que spécialité médicale sont pour l'Administration
pénitentiaire un moyen de pallier la crise des vocations dont souffre ce
secteur pendant les années soixante-dix (Chapitre 3).
La spécialisation de la médecine
pénitentiaire qui s'opère durant les années soixante-dix
apparaît ainsi inséparable de la réhabilitation d'une
activité stigmatisante et d'un secteur d'action publique
discrédité.
CHAPITRE 1. LES «ANNEES
68» : CONTESTATION ET POLITISATION DU SYSTEME PENITENTIAIRE ET DE SA
MEDECINE (1970-1973)
« Je consacrais une grande part de mon temps
à des tournées d'inspection dans les établissements
pénitentiaires [...] A visiter ainsi les prisons, j'avais parfois le
sentiment de plonger dans le Moyen-âge. Les conditions matérielles
de la détention étaient indescriptibles et scandaleuses. Je me
rappelle par exemple qu'à la maison de correction de Versailles, les
détenus étaient rassemblés dans une pièce
baptisée chauffoir, ainsi nommée car elle était la seule
à disposer d'un système de chauffage. Ils y passaient tout le
jour avant d'être remis en cellule pour la nuit. Le milieu de ce
chauffoir servait de W-C. Une voiturette tirée par un cheval passait de
temps en temps pour évacuer les déchets et excréments.
C'était effrayant.
Pour résoudre de tels problèmes, la bonne
volonté ne suffisait pas. Nous butions sur un cruel manque de moyens.
Afin de sensibiliser l'opinion, avec l'espoir qu'à son tour elle
mobiliserait les élus, le directeur de l'administration
pénitentiaire a eu l'idée de demander à un grand
chroniqueur judiciaire de l'époque d'effectuer un reportage sur
l'état des prisons [...] Son reportage a conclu au caractère
honteux des conditions de détention au pays de droits de l'homme.
Malheureusement, nous n'avions pas prévu que le mouvement d'opinion
ainsi créé aboutirait au résultat inverse de celui que
nous souhaitions. Nombreux furent les auditeurs qui protestèrent,
trouvant que les détenus bénéficiaient de conditions de
vie déjà trop confortables [...] Je compris alors, que dans la
longue arche nécessaire pour placer le système carcéral
français à un niveau convenable et respectable, les bonnes
volontés se heurtaient à un obstacle plus difficile encore
à vaincre que les contraintes budgétaires : l'état de
l'opinion. J'en ai été effarée »212(*).
Le système pénitentiaire français n'a
jamais été autant éloigné du reste de la
société qu'au début des années soixante-dix. En
effet, malgré quelques réformes visant à adoucir la vie en
détention213(*), le monde carcéral demeure très
largement à l'écart des mutations socio-économiques qui
transforment durablement la société française
(modification de la consommation, essor du niveau scolaire,
redéploiement des politiques sociales, etc.)214(*). En 1969, l'inscription
de la DAP pour la première fois au Plan révèle la
pauvreté de cette administration : soixante M.A doivent être
désaffectées, soixante-et-un établissements disposent
uniquement de dortoirs, soixante-six ne sont pas chauffés215(*). Les conditions de
détention sont souvent exécrables, comme en attestent les propos
de ce magistrat alors en poste à la DAP : « Y avait des
cages à poule encore... C'étaient des dortoirs... C'est des
machins grillagés. C'était quand même des conditions de
détention... C'était la vieille taule. On se rendait compte quand
même qu'il y avait des conditions de détention effroyables.
C'étaient souvent des taudis »216(*). Les besoins en
personnel sont également criants : il manque en 1969 trois cent
vingt-cinq éducateurs, cent quatorze infirmières, cent assistants
sociaux et quatre-vingt sept chefs de travaux. Pourtant à cette
époque marquée par une forte contestation sociale, la principale
préoccupation demeure la sécurité. En atteste cette
anecdote sur la manière dont le ministre de la Justice, Jean Foyer,
décide de réaffecter en un centre de formation un bâtiment
initialement destiné aux détenus mineurs :
« Le bâtiment de l'Ecole [du personnel
pénitentiaire] était une excroissance de Fleury qui devait
être le bâtiment des Jeunes détenus. Et au moment de la fin
des travaux, le garde des Sceaux était venu, il avait visité le
complexe carcéral, avec le mur, bien sécurisant et puis il voit
ce bâtiment où il n'y avait qu'un grillage, symbolique. Et il
dit : "C'est quoi ça ? C'est pour le personnel ?". On lui
répond : "Non, c'est pour les jeunes détenus". "Mais vous
n'y pensez pas!". C'était à l'époque de l'angoisse de
l'évasion. "Vous allez mettre des détenus ici ? Pas
question !". Donc le local est resté désaffecté dans
un premier temps puis on y a mis l'école dans ce qui devait être
le centre de jeunes détenus de
Fleury-Mérogis »217(*).
Spécialistes et chercheurs s'accordent pourtant
à reconnaître, qu'en dépit des mauvaises conditions de
détention, les prisons sont demeurées en dehors du mouvement de
protestation de 1968, la violence des manifestations de rue contrastant avec
l'unique tentative de rébellion, survenue le 3 juin à Fresnes,
qui ne nécessite même pas l'intervention des forces de
l'ordre218(*).
Témoignent de ce décalage entre le dedans et le dehors les propos
de cette assistante sociale qui téléphone alors à son
inspectrice au ministère pour lui raconter la situation difficile dans
laquelle elle était : « Elle me dit :"Oh,
c'est Mai 68 à Paris, c'est extraordinaire, les étudiants sont
dans les rues, tout va changer, on va vers une innovation extraordinaire". Je
disais : "Oui, mais moi je suis en danger". Elle vivait son Mai 68
à Paris, et moi mon Mai 68 à Clairvaux »219(*). Au-delà de
cette absence de révolte, on peut s'étonner que les groupes
gauchistes soient alors demeurés muets sur l'institution
carcérale et ses pratiques : « De ce mouvement, de ces
mouvements, de critique institutionnelle tous azimuts, d'invitation à la
subversion et à la remise en cause sociale
généralisée [...] les prisons sont pour l'essentiel
exclues »220(*).
Cette mise à l'écart de la prison de Mai 68
s'explique par une première raison d'ordre
« socio-cognitif » exposée par Grégory Salle.
De par leurs trajectoires biographiques, les acteurs de Mai seraient
restés dans l'ignorance de la réalité
carcérale221(*). Une seconde raison plus idéologique,
avancée par Philippe Artières, tiendrait à
l'hostilité à laquelle était en butte la population
détenue parmi les marxistes222(*). Enfin, troisième hypothèse, la
méfiance des contestataires à l'égard des prisonniers
s'expliquerait par le rôle que ces derniers ont parfois joué dans
les événements de Mai durant lesquels d'anciens détenus
faisaient fonction d'indicateurs ou de briseurs de grève au service de
la police223(*).
Si les prisons semblent peu affectées par les
événements de Mai, c'est également, comme on en fait
l'hypothèse, parce qu'elles demeurent alors largement en dehors des
préoccupations sociales. Bien qu'elles soient sans commune mesure avec
les révoltes de 1971-1972 et encore moins avec celles survenues en 1974,
plusieurs protestations ont éclaté en effet en 1968 dans les
établissements pénitentiaires comme le révèle un
document interne à l'Administration pénitentiaire recensant tous
les « mouvements » de détenus entre 1968 et
1973224(*). Ces
révoltes sont trop souvent occultées de l'histoire des prisons.
Le 4 mars 1968, cent soixante douze prisonniers du CP de Saint Martin de
Ré se mobilisent en faveur du « retrait des ceintures la nuit
pour éviter les suicides ». Le 1er avril, mille
cent détenus effectuent une grève de la faim à la M.A de
La Santé afin d'obtenir une « amélioration de la
nourriture et des conditions de détention ». D'autres
révoltes surviennent à Saint Martin de Ré, à Brest
et à Nîmes. Aucune de ces protestations n'a été,
à notre connaissance, rapporté par la presse225(*). Le 3 juin, la
« tentative collective de casser les portes » de deux
milles détenus à Fresnes n'est alors nulle part
mentionnée. Les violences commises à l'encontre de prisonniers ne
furent pas non plus l'objet de polémiques, faute d'être
médiatisées, comme ce fut le cas par la suite226(*).
Outre le degré de fermeture de l'institution
carcérale, le peu d'écho accordé aux
événements qui ont lieu à l'ombre des prisons est
probablement lié à la faible politisation de la question
carcérale. Mai 68 joue à cet égard un rôle
fondamental. Bien que les prisons ne furent pas au coeur de la contestation
sociale, à l'encontre des universités, des hôpitaux ou des
usines, Mai 68 n'en a pas moins exercé une influence considérable
sur la vie pénitentiaire des années soixante-dix227(*). Les
« années 68 » auraient ainsi, remarque
Grégory Salle, « créé les conditions d'un
changement dans les rapports de force, d'une mobilisation autour et à
l'intérieur des prisons, et plus largement d'une politisation de la
question carcérale, au sens où celle-ci sort du champ social pour
prendre sa place dans le champ politique »228(*).
C'est cette dynamique de politisation de la question
carcérale qui eut lieu au début des années soixante-dix,
ainsi que ses effets sur la considération de la santé en
détention, qu'on propose de restituer ici. Pour cela, on rappellera
d'abord comment la prison, de grande absente du débat
démocratique, est apparue progressivement comme un enjeu de la vie
politique française (Section 1). Cette politisation de l'institution
pénitentiaire contribua à mettre au premier plan la question
sanitaire en milieu carcéral. Les carences du dispositif de santé
furent alors dénoncées par les opposants au
« régime pénitentiaire » comme autant
d'exemples d'un pouvoir répressif (Section 2). C'est, d'une part, en
réaction aux accusations portées à leur encontre, et,
d'autre part, du fait de cette forte médiatisation que certains
praticiens ont pour la première fois pris la parole dans l'espace public
plaidant notamment pour une plus grande reconnaissance déontologique et
statutaire de la médecine en milieu carcéral (Section 3).
Section 1- La prison comme nouvel
objet de luttes politiques : le « scandale des
prisons »
Michel Foucault : « Il fallait montrer
à l'Administration pénitentiaire et aux journalistes que l'on
savait ce qui s'était passé la veille au soir dans une prison.
C'était un instrument de mise en question de la prison et d'agitation
dans la prison mais aussi un moyen d'inquiéter l'administration
pénitentiaire et les journalistes : la prison ce n'est pas un lieu
immobile où rien ne se passe [...] Il fallait faire entrer la
prison dans l'actualité, non sous forme de problème moral, ou de
problème de gestion général, mais comme un lieu où
il se passe de l'histoire, du quotidien, de la vie, des
événements du même ordre qu'une grève dans un
atelier, un mouvement de revendication dans un quartier, une protestation dans
une cité HLM... »229(*).
Expression de la force publique, l'institution
pénitentiaire apparaît spontanément comme étant de
nature politique. On peut cependant distinguer deux représentations
sociales distinctes de la prison. La première revient à percevoir
l'institution carcérale comme le réceptacle d'une
criminalité considérée de manière positiviste comme
« naturelle ». La prison peut, d'autre part, être
perçue comme un indice de la manière dont la déviance est
sanctionnée dans une société donnée. Cette seconde
conception souligne le rôle joué par les dispositifs de
gouvernement (police, tribunaux, prisons) dans la gestion des déviances
ou « illégalismes »230(*) que tend à
l'inverse à minorer la première définition. La
politisation, définie comme une forme de travail politique
destiné à dépasser « les limites assignées par
la sectorisation à certains types d'activités
»231(*),
de la question carcérale contribue non seulement à faire de la
population détenue le produit d'une entreprise de construction des
catégories pénales mais également à transformer la
représentation du rôle de la détention.
Reléguées au second plan au cours des
années soixante sous le poids d'une majeure prise en compte des
préoccupations sécuritaires, les conditions de vie des
détenus apparaissent progressivement comme un élément clef
des phénomènes de réinsertion et de récidive.
« Au moment du GIP, on s'est rendu compte qu'il fallait
considérer la prison, ainsi que la police, comme une pièce
essentielle de la pénalité », observait Michel Foucault
au sujet de cette expérience militante232(*). Ce
phénomène de politisation recourt principalement au registre de
la « scandalisation », pouvant être définie
comme une entreprise de qualification de « faits » (les conditions de
détention) incriminés au nom de normes supérieures (les
« droits de l'homme »)233(*). Cette
« scandalisation » fut en premier lieu le fait de
détenus gauchistes incarcérés relayés par des
associations comme le Groupe d'information sur les prisons (1). La presse
française, davantage défiante à l'égard du pouvoir
en place, a dans un second temps contribué à dénoncer le
« scandale des prisons », dont les révoltes de
détenus furent interprétées comme autant de preuves
(2).
1. De la revendication du
régime politique à la dénonciation du régime des
prisons : la politisation de l'institution carcérale
« Pendant des jours, les prisonniers politiques
avaient fait la grève de la faim ; pendant des jours, la presse et
l'Etat avaient gardé le silence. Puis tout avait été
cédé : le scandale
éclatait »234(*).
L'une des conséquences de Mai 68 fut la transformation
de la population pénale, largement issue des mouvements de
révolte étudiants et ouvriers : « Le niveau
intellectuel est supérieur à ce qu'il était
précédemment. On relève un sensible rajeunissement, qui
s'accompagne d'une intolérance plus marquée à la
prison : les actes de violence se multiplient. L'idée s'instaure
progressivement, dans les Maisons centrales, que les améliorations de
régime s'obtiennent par la force »235(*). Un matin d'octobre
1969, une grève de la faim est déclenchée par les
détenus de Clairvaux qui réclament l'assouplissement des
conditions de détention236(*). Le 1er septembre 1970, vingt neuf
militants de la Gauche Prolétarienne, principal groupuscule du
maoïsme français, parmi lesquels Alain Geismar, figure de proue de
Mai 68, incarcérés au motif d'appartenance à une ligue
dissoute ou en vertu de la loi dite « anticasseurs »,
déclenchent une grève de la faim. Leur objectif est d'obtenir
l'octroi du « régime politique » leur permettant de
rester en lien avec leur organisation. « Un régime contre le
Régime », plaisante Francis Blanche au micro d'Europe 1.
Le garde des Sceaux, René Pleven, tente de
discréditer leur revendication en les accusant de constituer une
élite voulant « attirer l'attention de l'opinion
publique » (LM, 3/09/1970). Dès l'origine, pourtant,
les grévistes s'efforcent de donner un sens collectif à leur
combat par la condamnation générale des conditions de
détention. En attestent les Déclarations des
emprisonnés politiques, texte largement retransmis dans la presse :
« Nous réclamons la reconnaissance effective de notre
qualité de détenus politiques. Nous ne revendiquons pas pour
autant des privilèges par rapport aux détenus de "droit commun",
à nos yeux, ils sont les victimes d'un système social qui,
après les avoir produits, se refuse à les rééduquer
et se contente de les avilir et de les rejeter. Bien plus, nous voulons que
notre combat, dénonçant le scandaleux régime actuel des
prisons, serve à tous les prisonniers »237(*). Les grévistes
condamnent à plusieurs reprises le « scandale des
prisons », expression qui se diffuse au sein de la presse,
constitué d'une accumulation de problèmes et « en
particulier celui de la saleté, du manque de nourriture, de l'absence de
soins en cas de maladie, de l'entassement et de la surveillance »
(La Croix, 5/09/1970). En octobre, les militants
incarcérés font parvenir au Comité chargé de leur
défense des rapports fournissant de nombreuses informations relatives
aux conditions de détention238(*). Cette grève de la faim n'arrive
toutefois pas à attirer durablement l'attention, notamment des milieux
gauchistes extérieurs à la prison239(*), et elle
s'achève au terme de vingt-cinq jours par la décision de
René Pleven d'assouplir le régime de détention des
détenus inculpés devant la Cour de sûreté de l'Etat,
sans pour autant accorder le statut politique à ceux qui avaient
été condamnés par des tribunaux correctionnels, pourtant
majoritaires (LM, 24/09/1970).
Une vingtaine de gauchistes proches de la Gauche
Prolétarienne ou de Vive la Révolution initient une nouvelle
grève de la faim le 14 janvier 1971 en vue d'obtenir « le
droit au régime politique » (LM, 22/01/1971). Ce
mouvement de protestation, contrairement au premier, mobilise de nombreux
gauchistes non-détenus qui témoignent de leur solidarité
en multipliant grèves de la faim et manifestations240(*). La protestation
s'étend à toutes les prisons parisiennes puis au reste de la
France alors que des acteurs associatifs (le Secours populaire français,
la Ligue des droits de l'Homme) ou syndicaux (la CFDT) se mobilisent. Cent
soixante médecins lancent un avertissement au gouvernement. Mais
surtout, et ce contrairement à la première mobilisation, les
grévistes bénéficient du soutien des milieux intellectuels
et étudiants241(*). Au-delà d'un positionnement politique
similaire, ce mouvement de soutien s'explique, comme le suggère la
tribune d'un philosophe dans Le Monde, par la nature des
revendications défendues par les grévistes :
« Ce qui leur importe, c'est d'abord que le
gouvernement reconnaisse qu'il y a des prisonniers politiques, qu'ils sont des
hommes dont l'action a un sens politique. Mais c'est aussi que soit
changé le régime des prisons : pas pour eux, mais pour tous
les prisonniers, à commencer par les "droits communs". Ils
dénoncent un scandale : le régime pénitentiaire
français, fondé sur l'humiliation et l'expiation. Ils sont les
seuls à le dénoncer »242(*).
Cette mise en cause de la situation des prisons n'était
certes pas absente de la première grève mais elle acquiert en
1971 davantage de visibilité pour au moins deux raisons. Les militants
extérieurs semblent tout d'abord, selon le CERFI, plus prompts que les
maoïstes incarcérés à condamner l'écart entre
les deux régimes de détention : « Les
[grévistes] gauchistes ne veulent absolument pas être
assimilés aux droits communs [...] D'ailleurs, la polémique est
vive chez les gauchistes. Certains trouvent inadmissibles cette cassure avec
les droits communs et proclament : "Nous sommes tous des droits
communs" »243(*). La difficulté à concilier une
démarche spécifiquement politique et pouvant
bénéficier à l'ensemble des détenus trouve un
« dénouement », toujours d'après le CERFI,
à travers l'action d'une organisation réussissant à
articuler des motifs idéologiques d'une part, et concrets d'autre
part : le Groupe d'information sur les prisons (GIP), créé
en février 1971 à l'instigation de Daniel Defert et de Michel
Foucault244(*).
Tandis que la plupart des associations de défense des
détenus étaient jusqu'alors organisées sur la base des
mouvements maoïstes, le GIP s'appuie sur des militantismes d'origines
diverses regroupant notamment une mouvance chrétienne, des
étudiants et des lycéens ou encore des professionnels de la
prison, lui permettant ainsi d'élargir son audience245(*). Mais surtout,
contrairement aux organisations révolutionnaires, le GIP s'inscrit dans
une ligne d'action réformiste ayant pour objet de dénoncer et de
modifier le fonctionnement concret des prisons. « Nous nous proposons de
faire savoir ce qu'est la prison : qui y va ; comment et pourquoi on
y va ; ce qu'y s'y passe, ce qu'est la vie des prisonniers, et celle,
également, du personnel de surveillance ; ce que sont les
bâtiments, la nourriture, l'hygiène ; comment fonctionne le
règlement intérieur, le contrôle médical, les
ateliers », annonce le texte de présentation du
GIP246(*).
C'est probablement ce changement de perspective qui permet
à la mobilisation de s'élargir et de devenir plus durable dans le
temps. Ainsi, alors même que les grévistes décident
l'arrêt de leur action collective, suite à l'annonce par
René Pleven de l'adoucissement de leurs conditions de détention,
les non-détenus ayant entamé une grève de la faim de
soutien décident de poursuivre leur action (LM, 11/02/1971). La
presse se fait l'écho de cette mobilisation dont la principale
motivation est la condamnation du « régime
indéfendable » des prisons en tant qu'institution qui
échoue à resocialiser les individus qu'elle prétend
« corriger »247(*). Longtemps reléguées au second
plan, les conditions de détention sont désormais
présentées comme le symbole de cet échec.
2. Prisons et journalisme :
les conditions de détention désormais au centre des regards
« Il est bien regrettable que l'opinion
publique ne prenne conscience de beaucoup de problèmes importants qu'en
période de troubles ou à la suite d'événements
sensationnels. Il a fallu l'horreur de la tuerie de Clairvaux et le
caractère spectaculaire de la révolte de Toul pour que le pays
tout entier se préoccupe enfin de la situation dans les prisons
française. Car le problème est permanent. Ce n'est pas une crise,
c'est une maladie ; ce n'est pas un accès de fièvre
passager, c'est un pourrissement progressif ; c'est plus qu'une
révolte, c'est une révolution »248(*).
Pendant toute l'année 1971, les prisons demeurent
présentes au sein de l'actualité médiatique249(*). Outre une augmentation
des tensions, la multiplication de ces récits d'incident résulte
en partie d'un intérêt croissant de la presse française
pour les prisons. Une comparaison des articles publiés par Le
Monde durant la période située avant 1971 atteste du
changement de regard désormais porté par les journaux sur
l'institution carcérale250(*). Tandis qu'il ne fut pendant longtemps question
de la prison qu'à l'occasion de suicides et de grèves de la faim
sous la forme de brèves, articles de fond et analyses se multiplient
à partir de 1971, rappelant l'intérêt suscité par la
question carcérale après la Libération. « Il
faut mettre fin au mystère que l'Administration entretient sur ce qui se
passe dans les prisons », écrit Jean-Marc Théolleyre,
responsable de la rubrique justice au Monde (30/03/1972). Si la
mobilisation des détenus gauchistes est à l'origine d'une
« fenêtre médiatique »251(*) sur les conditions de
vie des détenus, le regard critique porté par les journalistes
sur les prisons françaises s'explique également par
l'émergence d'un nouveau rapport entre les médias et les pouvoirs
publics.
Tandis que la relation de la presse non extrémiste aux
institutions étatiques a longtemps été marquée par
la prudence, les journalistes se contentant de relayer les déclarations
officielles, une rupture a lieu au début des années soixante-dix
du fait de l'« affaire Jaubert »252(*). Le fait qu'un
journaliste non militant soit l'objet de violences provoque la colère de
la presse française, comme le raconte Jean Guisnel :
« Chez ses confrères, c'est
l'ébullition. Le 4 juin, près de six cents d'entre eux se
retrouvent pour un sit in devant l'immeuble du Figaro. Puis marchent vers le
ministère de l'Intérieur. On hurle des slogans à
l'encontre du ministre Raymond Marcellin. On brandit J'accuse [numéro
« spécial flics »]. On réclame la
liberté pour la presse, on entend même le slogan : "Flics,
fascistes, a-ssa-ssins", assez inattendu dans les gosiers de professionnels
qu'on a connus plus tranquilles. On fustige le premier ministre Jacques
Chaban-Delmas. C'est le Mai 68 de la presse »253(*).
L'« affaire Jaubert » est à
l'origine d'une grande défiance des journalistes à l'égard
des discours officiels et des institutions de maintien de l'ordre. C'est dans
ces conditions que naît l'Agence de Presse Libération (APL) le 18
juin 1971 sous la direction de Maurice Clavel qui donnera naissance au journal
Libération. Les conditions sont dès lors réunies
pour qu'une association de défense des détenus comme le GIP
rencontre un écho favorable au sein de la presse française, et ce
d'autant plus en raison de la sympathie de nombreux journalistes à son
égard254(*). Les articles et enquêtes critiques sur
les prisons se multiplient dans les journaux255(*), faisant dire à
un journaliste que « le procès des prisons en France n'est
plus à faire » (Témoignage chrétien,
18/10/1971). Longtemps demeurée dans l'ombre, l'institution
pénitentiaire est désormais placée au centre de
l'attention médiatique :
« Il n'est pas normal que la prison reste un
"microcosme", un petit monde secret soustrait au contrôle des citoyens.
C'est là un vestige de l'ancien régime, totalement anachronique
et d'ailleurs contradictoire avec la diffusion des moyens de communication dans
le monde moderne. La vie quotidienne des prisons doit pouvoir être connue
et contrôlée, autrement que par un auto-contrôle de
l'administration elle-même » (LF, 17/01/1972).
Le traitement médiatique de l'« affaire
Buffet » est manifeste du nouveau regard porté par les
journalistes sur les prisons. En septembre 1971, une infirmière et un
surveillant sont égorgés par deux détenus, Claude Buffet
et Roger Bontemps, dans leur tentative d'évasion de la Centrale de
Clairvaux (LM, 23/09/1971). Si cet événement ravive les
partisans de la peine de mort, Claude Buffet ayant échappé
à la peine capitale256(*), il contribue également à la mise
en cause des conditions de détention. Certaines personnalités
politiques n'hésitent bien sûr pas à critiquer la trop
forte libéralisation des prisons, tel Robert Galley,
député UDR (gaulliste) et ministre des PTT : « Cette
évolution vers l'amélioration des conditions de vie [...] se
justifie-t'elle toujours ? Ne faut-il pas considérer, au contraire,
que passé un certain seuil, mansuétude et
générosité ne sont plus que faiblesses. Faiblesses et
facilitées exploitées lorsque l'occasion s'en présente,
dans les conditions horribles que nous venons de connaître »
(LM, 26-27/09/1971).
Cette critique de l'assouplissement des conditions de
détention est cependant rarement le fait de journalistes257(*), la grande
majorité des prises de position aboutissant à l'inverse au
constat d'un échec de l'institution pénitentiaire à
amender ces deux détenus, condamnés à de longues peines :
« Il reste aussi que ce drame n'est pas totalement étranger au
problème des conditions de détention pénitentiaires [...]
C'est vrai que les deux prisonniers "rebelles" ne semblaient rien avoir
d'"enfants de choeur", au moment de leur incarcération, mais qu'a-t-on
fait pour eux depuis durant ces premières années de
réclusion à perpétuité ? [...] Ne leur
laisse-t-on pas comme seul moyen d'en "sortir" que la même violence qui
les a condamnés ? »258(*). D'une manière proche, Philippe Boucher
se demande « si, à l'origine de leur geste, les deux
détenus n'entendaient pas attirer l'attention sur leur condition de
vie », avant d'affirmer que « préparer [la]
réinsertion, c'est d'abord donner aux condamnés un spectacle qui
ne les incite pas à donner une place primordiale dans leur esprit
à la force, à la violence, à la "combine" »
(LM, 23/09/1971). A partir du « drame de
Clairvaux », la presse développe un regard plus critique sur
les conditions de détention, rendant ainsi compte de la pauvreté
de l'Administration pénitentiaire (La Croix, 26/09/1971) ou
encore des violences parfois commises à l'encontre de
détenus259(*).
A l'automne 1971, tous les journalistes font état des
risques de mutineries semblables à la violente révolte d'Attica
qui vient d'avoir lieu260(*). « Il est déjà trop
tard aux Etats-Unis » remarque un journaliste, avant d'ajouter :
« Le chemin est court de Clairvaux à Attica et M. Pleven
semble aller vite en besogne », faisant référence aux
décisions du ministre de la Justice afin de rétablir l'ordre dans
les prisons françaises (Combat, 1/12/1971). Le 10 octobre 1971,
René Pleven signe en effet une circulaire pour exiger le renforcement de
la surveillance individuelle. Mais surtout, le 12 novembre, le garde des Sceaux
annonce la suppression des colis de Noël pour tous les détenus, au
prétexte d'éviter ainsi l'introduction d'armes en
détention (LM, 19/11/1971). Un mouvement de protestation
s'élève alors non seulement de la part des
détenus261(*) mais aussi des personnels intervenant en milieu
carcéral : « Tous ceux qui s'occupent des détenus
en tant que médecins ou éducateurs ont qualifié de
maladroite et nuisible une telle brimade » (La Croix,
9/12/1971). C'est dans ce climat de tension qu'une série de mutineries
s'enclenche dans plusieurs établissements.
C'est à la Centrale de Toul qu'a lieu la principale
révolte. L'importance du nombre de détenus concernés
(près de 500), la violence et la durée de la révolte, qui
s'étend sur une semaine, expliquent en partie l'important écho
dont elle bénéficie dans la presse. Dans un numéro
spécial de La Cause du peuple consacré aux
« insurgés de Toul », Maurice Clavel s'en prend
violemment, dans une lettre ouverte adressée au Premier ministre,
à René Pleven : « Toul était donc
près d'Auschwitz et vous ne le saviez pas ! Vous ne pouviez le
savoir, car vous auriez aussitôt destitué ce misérable
ministre que j'appelle des tribunaux et des prisons, faute de pouvoir lui
accoler ce mot de justice que la philosophie, la religion et l'instinct nous
font vénérer » (La Cause du peuple,
18/12/1971). Le Comité Vérité Toul, créé par
Robert Linhart262(*), entreprend de faire la lumière sur les
événements en recueillant les témoignages de
détenus et de surveillants. « La voix des insurgés se
fera entendre dans toute la France », peut on lire sur les tracts et
affiches diffusés par le Comité. Philippe Boucher condamne dans
les colonnes du Monde, qui apporte une couverture très
détaillée des événements, l'attitude de
l'Administration pénitentiaire et plus largement l'absence de politique
en faveur des détenus263(*). Les médias font pour la première
fois mention de l'usage de la contention, pratique consistant à attacher
les détenus trop agités, et ce parfois pendant plusieurs
jours264(*)
:
« On reste parfois plusieurs jours pieds et
poings liés par des sangles de toile, les bras en croix, sur le lit de
contention. C'est ainsi qu'on calme les "agités" à Toul [...] A
La Santé, le lit est remplacé par une table de pierre, les
sangles de toile par des sangles de cuir. A Fleury-Mérogis, la ceinture
de contention maintient les bras le long du corps et les chevilles sont
enchaînées. Dans l'une ou dans l'autre prison de France, des
hommes passeront ainsi peut-être la nuit de Noël... ».
(L'Express, 20-26/12/1971).
L'impact médiatique des révoltes contraint le
ministère de la Justice à créer une commission
d'enquête présidée par Robert Schmelck. Le rapport, rendu
public le 8 janvier 1972, est salué par les journalistes pour sa
tonalité critique à l'égard de l'Administration
pénitentiaire265(*). Claude Vincent, de France Soir, y
voit un « rapport accablant » : « Il a fallu du
courage pour l'écrire et plus encore pour le publier »
(11/01/1972). Combat, journal critique à l'égard de
l'Administration pénitentiaire, s'en réjouit
également : « Le ton poli et les pudeurs de style ne
peuvent dissimuler les accablantes accusations que contient le
rapport » (12/01/1972). « Mené dans un esprit
d'objectivité totale », le rapport livre selon
Témoignage chrétien des « conclusions
accablantes pour l'administration » (13/01/1972). Au sein de la DAP,
le travail de la commission est accueilli favorablement aussi bien par les
syndicats de surveillants que les organisations de personnels
socio-éducatifs266(*). Seul le GIP rejette ce rapport, reprochant
à la commission de ne lever le voile qu'à moitié sur
certains traitements infligés aux prisonniers et de présenter
comme un accident ce qui relève d'une « situation propre
à la majorité des établissements pénitentiaires
français »267(*). Toujours dans l'espoir d'apaiser les esprits,
René Pleven annonce une rallonge budgétaire de vingt millions de
francs afin d'améliorer les conditions de détention (LM,
13/01/1972) ainsi qu'une réforme visant à améliorer
la condition pénitentiaire, selon les mots de Georges Pompidou,
« dans cette voie étroite entre une indifférence
inhumaine et une sensiblerie dangereuse » (LM, 20/01/1972).
Les efforts du ministre de la Justice en vue d'assurer le
retour au calme sont suivis de plusieurs mutineries que relaie le GIP.
« Force est de constater, souligne Denis Perier-Daville, que la
publication du rapport Schmelck et l'annonce par le gouvernement de
réformes imminentes n'ont pas apaisé l'agitation dans les
prisons » (LF, 17/01/1972). A mesure que les mutineries
s'affaiblissent, la lutte pour les prisons « quitte
l'intérieur des établissements pour gagner les prétoires
et la scène politique »268(*). Les acteurs du monde pénal se
réunissent le 19 janvier 1972 sur l'initiative du Mouvement d'action
judiciaire (MAJ), présidé par Jean-Jacques de Felice, avocat
à la cour de Paris et membre du GIP, autour du thème du
« scandale des prisons » (LM, 21/01/1972). En
mars, une pétition est signée par plus de trois cents
personnalités en faveur de la « révision du
régime pénitentiaire » (LM, 3/03/1972). Il est
reproché à René Pleven de se préoccuper davantage
de la procédure pénale que des conditions de détention
proprement dites : « A Toul, origine du projet de loi, [les]
réclamations visaient non pas les grands principes mais la vie
quotidienne des prisons, seule vraie pierre de touche de la condition
pénitentiaire : régime des visites, de la correspondance,
qualité des soins médicaux » (LM, 23/06/1972). Ce
que condamnent les détenus, les associations et les médias,
derrière l'appellation des « prisons de
Pleven »269(*), c'est avant tout l'archaïsme de la vie
quotidienne en détention restée à l'écart de la
modernisation de la société française. Les procès
des mutins de Toul ou des « assassins de Clairvaux » sont
d'ailleurs des occasions supplémentaires de mettre en cause un
« régime pénitentiaire
inadapté »270(*). La prison est devenue dès lors un objet
médiatique.
__________________________________________________
L'institution carcérale, jusqu'alors à
l'écart de ce que Michel Foucault a appelé le
« grondement de la bataille » des « années
68 »271(*), fait irruption au début des
années soixante-dix dans le champ des luttes politiques. On a
rappelé quels ont été le contexte et les principaux
acteurs de cette remise en cause. Il est difficile, comme le souligne
Grégory Salle, de déterminer avec précision qui, entre les
détenus et les militants gauchistes, fut à l'origine des
mutineries272(*). Le phénomène de politisation de
la question carcérale eût néanmoins été peu
probable sans l'intervention d'individus extérieurs. A travers leurs
revendications, les détenus n'ont en effet jamais établi de lien
entre leur condition et le pouvoir politique. En soulignant la
continuité entre les détenus et les autres citoyens
(« Nul de nous n'est sûr d'échapper à la
prison » proclame le texte fondateur du GIP)273(*), en recourant au
registre de la « scandalisation »274(*), en
dénonçant sous l'expression « régime
pénitentiaire » l'ensemble des injustices présentes en
détention, en décrivant la population détenue comme le
fruit d'une politique de sélection des déviances, les militants
de la cause carcérale contribuèrent non seulement à mettre
fin à l'opposition entre détenus de « droit
commun » et détenus politiques, mais également à
faire de chaque détenu une cause politique.
La politisation de la question carcérale est par
conséquent l'oeuvre d'un discours performatif dont Felstiner, Richard et
Sarat ont décrit les principales étapes en matière de
sociologie du droit. Pour qu'un litige émerge, des individus doivent en
premier lieu être conscients d'une injustice sont ils souffriraient
(naming) ; ils doivent d'autre part désigner un
responsable dont ils attendent réparation (blaming) et, enfin,
formuler auprès de lui des revendications (claiming)275(*). La prise de conscience
par des détenus gauchistes des conditions de détention s'est
traduite par la dénonciation des autorités pénitentiaires
et la revendication d'une meilleure prise en charge des détenus.
Les conditions de détention ne sont ainsi
désormais plus seulement perçues comme une conséquence
naturelle de la pauvreté de l'Administration pénitentiaire mais
comme la manifestation d'un pouvoir répressif :
« Contre l'idée que l'on puisse
aisément discerner, d'une part, ce qui relèverait
réellement de l'exercice du pouvoir, et, d'autre part, les
manifestations apparemment anodines du quotidien carcéral, l'urgent est
de désigner tous les moyens, y compris les plus discrets, par lesquels
transite le pouvoir. Exhiber, donc, ses médiations et des points
d'appui ; le saisir dans sa matérialité et dans son
effectivité ; déployer les séries de foyer et de
canaux discursif et matériels qu'il emprunte et qui le supportent, le
prolongent, lui donnent consistance »276(*).
A partir des « années 68 », la
critique de la prison s'intègre dans un rejet plus global des
institutions étatiques. « En fait, la prison fait partie
intégrante d'un système répressif dont la Justice et la
police sont les autres éléments », écrit alors
Michel Foucault277(*). La dénonciation des carences de la
prise en charge sanitaire des détenus et du personnel médical
exerçant en détention apparaît dès lors comme un
moyen de mettre en cause l'ensemble de l'appareil d'Etat et du pouvoir
politique.
Section 2 - La médecine
pénitentiaire en accusation
La situation sanitaire des prisons françaises n'est pas
au coeur des préoccupations de la presse au cours des années
soixante. La dimension sécuritaire, et notamment les risques
d'évasion, ou la question de la réinsertion des détenus
occupent alors l'essentiel des débats. En 1969, la condamnation, et ce
pour la première fois, d'un médecin d'établissement
carcéral, et à travers lui de l'Administration
pénitentiaire, pour défaut de soin dans la mort d'un
détenu ne fait alors l'objet que de quelques lignes278(*). Or le mouvement de
contestation de l'institution carcérale qui s'amorce au début des
années soixante-dix met l'accent, pour la première fois depuis la
Libération, sur la dureté des conditions de détention. Que
ce soit le froid, la faim, les sévices ou encore la maladie, les
revendications des détenus « révèlent au grand
public la matérialité de la
détention »279(*) ou plus exactement sa corporalité, comme
Michel Foucault le souligne en introduction de Surveiller et punir :
« Que les punitions en général et que la prison
relèvent d'une technologie politique du corps, c'est peut être
moins l'histoire qui me l'a enseigné que le présent
»280(*).
Conçues à la fois comme un exemple et un outil
de la répression des détenus, les carences de l'organisation
sanitaire en prison furent au coeur de la stratégie de
dénonciation de l'institution carcérale (1). Les suicides de
détenus, alors en forte hausse, ont été
présentés par les militants de la cause carcérale comme
les symboles de ce pouvoir sur la vie exercé par l'Administration et
dont les médecins seraient les complices (2). En soulignant la tutelle
pénitentiaire sur ces praticiens, cette dénonciation des
militants de la cause carcérale souligna les limites de la
démarche de spécialisation entreprise par Georges Fully.
Lui-même critiqué pour son inefficacité, le
Médecin-inspecteur tentera de mettre à profit cette contestation
comme une ressource supplémentaire dans la démarche
d'autonomisation qu'il avait initiée.
1. La dénonciation par les
militants de la cause carcérale de la prise en charge médicale
des détenus
« Et voilà le scandale : la prison
est, au pire, criminogène, et, au mieux,
dégradante »281(*).
Mettre en avant les nombreuses accusations dont les
médecins exerçant en prison ont été l'objet au
début des années soixante-dix n'a bien sûr pas ici pour but
de « scandaliser » le lecteur mais d'analyser les
conditions dans lesquelles les praticiens pénitentiaires ont fait pour
la première fois irruption au sein de l'espace public. Il est d'ailleurs
bienvenu de rappeler que ces critiques ne sont pas toujours fondées.
L'exemple de la mise en cause du médecin de la M.A de Dijon durant
l'été 1972 rappelle combien il était facile, à une
époque où presque aucune information ne filtrait des prisons, de
diffuser des accusations fallacieuses sous la forme de rumeurs282(*). Il ne s'agit donc pas
tant ici de s'interroger sur la mauvaise prise en charge médicale,
supposée ou réelle, des détenus que de souligner comment
celle-ci est progressivement apparue comme une question politique et quel fut
son rôle dans la structuration de la médecine pénitentiaire
en tant que spécialité médicale.
Bien qu'au cours de leurs grèves de la faim, les
détenus gauchistes accordent peu d'importance à la question des
soins médicaux en détention, ils n'en contribuent pas moins
à la prise en compte de la dimension sanitaire en prison de façon
indirecte. Souvent issus du milieu étudiant, et ainsi dotés d'un
capital culturel et social élevé, ces détenus
bénéficient de relais médiatiques dans la défense
de leur propre prise en charge médicale. Témoignage
chrétien publie ainsi le courrier d'un étudiant en droit
décrivant avec ironie le fonctionnement du « centre
"hospitalier" ( ?) pénitentiaire » où il est
incarcéré, faisant état du décès d'un
détenu cardiaque auquel on n'aurait pas distribué ses
médicaments ainsi que des mauvais traitements dont il aurait
été lui-même l'objet : « Je fus totalement
entravé pendant 72 heures et contraint de faire mes déjections
sous moi... Chaque fois que je demandais au surveillant "infirmier" de
m'enlever mes entraves, il me répondait avec un sourire narquois qu'il
ne pouvait pas car j'étais en plein
délire... »283(*). Certains prisonniers bénéficient
parfois de l'appui d'une personnalité extérieure suffisamment
influente pour rendre public leur situation personnelle. Jean-Pierre Vernant,
Professeur à l'Ecole pratique des hautes études, défend
ainsi dans une tribune du Monde le cas d'un jeune détenu
maoïste asthmatique, Pierre Vidal-Naquet, incarcéré dans des
conditions « inadmissibles » et souffrant d'une
« surveillance médicale quasi-nulle »284(*).
Mais plus que les actions entreprises à titre
individuel, c'est la protestation collective des détenus qui met au
premier plan les carences de la médecine pénitentiaire. On trouve
ainsi parmi les cahiers de doléances remis lors des révoltes,
reproduits dans la presse, plusieurs revendications concernant la
qualité des soins. Les détenus de Toul exigent par exemple la
« régularisation des situations dentaires » tandis
que ceux de Loos demandent « de réels soins
médicaux »285(*). Le cahier des revendications de cet
établissement trouvé dans les archives du juge Etienne Bloch
précise : « Docteur : il faut attendre les
bons-vouloirs de l'infirmière pour être soigné, les
maladies non apparentes ne sont pas prises au sérieux. Ex : les
nerfs, les mals (sic) de ventre. Infirmière : male polie et refuse
parfois les soins aux garçons et le remède est le fameux
Aspirine »286(*). Bien que légèrement
postérieure, une des revendications figurant dans le cahier de
doléances des mutins de Lyon, intitulée
« Liberté de la médecine et
évacuations », rappelle que ce sont parfois moins les
médecins qui sont mis en cause que l'Administration
pénitentiaire :
« Certains détenus malades dont
l'état nécessiterait une hospitalisation ne sont pas
évacués. Dans un passé relativement récent encore,
un détenu n'a été évacué que 12 heures
après une tentative de suicide au cours de laquelle il avait perdu une
grande quantité de sang. Aucun médecin n'a été
appelé à son chevet. A ce sujet les exemples à citer sont
nombreux. Trop même pour que l'on ne se décide pas à se
pencher sur ce problème grave. L'établissement ne dispose d'aucun
équipement chirurgical, d'aucun praticien à demeure. Il arrive
même qu'il n'y ait aucune consultation médicale pendant 8 jours
comme ce fut le cas la semaine dernière. Manque de personnels, manque de
moyens, manque de crédits, manque de structures, manque de tout... [...]
La prison est une fabrique de malades et un malade se soigne, quelle que se
soit sa condition, avec des moyens appropriés [...] Si
l'établissement ne se prête pas à de telles installations
[médicales], il faut revoir dans ce cas la réglementation des
évacuations, particulièrement quant elles sont urgentes, et
avant tout laisser les médecins libres de décider. La
médecine est leur domaine pas celui de l'administration
pénitentiaire qui entrave sans cesse leur
action. »287(*)
Même si elles semblent minoritaires au regard des
revendications relatives aux cellules, aux parloirs ou aux conditions de
travail, les conditions sanitaires sont une préoccupation des
détenus que relaient des associations comme le GIP, dont on peut
rappeler brièvement la démarche. A l'encontre du tribunal
populaire instauré par Jean Paul Sartre, Michel Foucault défend
une position originale que résume Grégory Salle :
« Le GIP entend contribuer à permettre aux détenus de
se constituer en force collective, sans devenir son porte-parole [...] Le GIP
se veut un relais, un passeur, une courroie de transmission offrant un espace
des possibles pour la parole proscrite des
prisonniers »288(*). Cette démarche, qu'incarne la formule
« La parole aux détenus », se concrétise
à travers la dimension informative de l'association. L'information
devient un instrument dans une stratégie de dénonciation de
l'arbitraire des institutions gouvernementales. Il s'agissait, déclare
Jean-Marie Domenach, de s'inspirer de la technique utilisée par
« Vérité et liberté » pendant la
guerre d'Algérie afin de « faire connaître ce que la
presse ne disait pas » (La Croix, 24/02/1972). Fidèle
à son credo, le GIP réalise en 1971 une série
d'« enquêtes-intolérance » par le biais de
questionnaires remis aux anciens détenus et à leur famille et
dont les résultats sont publiés par la presse ainsi que dans une
série de brochures289(*). C'est dans ce cadre qu'il est pour la
première fois question de façon critique de la médecine
pénitentiaire à travers une série de questions portant sur
la visite médicale, les piqûres de tranquillisants ou encore les
tests psychologiques290(*). Le peu de temps accordé aux
consultations et l'uniformisation de la prescription médicale sont
décrits comme autant de preuves de l'absence de considération
dont souffriraient les détenus. Quelques extraits des tracts et
brochures du GIP, qui sont presque tous des propos de détenus, en
témoignent :
« Le médecin traite les détenus
comme des bêtes, soigne toutes les maladies à l'aspirine, laisse
mourir un détenu d'un cancer à la gorge en lui donnant des
pastilles Valda, demande à une jeune femme sur le point d'accoucher
d'attendre qu'il soit prêt : résultat, le bébé
meurt ; la jeune femme est très mal en
point »291(*).
« Ses soins, elle [l'infirmière] s'en moquait
pas mal. Elle prenait son travail comme si elle soignait des bêtes, et
encore. Moi, j'ai vu des bêtes soignées beaucoup mieux que
ça. On s'occupe beaucoup mieux d'une bête qui a un furoncle que
d'un gars qui se coupe les veines » 292(*).
« On nous fait sortir par deux ou par trois
à la fois, on vous fait mettre à poil dans un couloir et vous
attendez votre tour, mais rassurez vous, le docteur ne passe jamais plus d'une
minute par détenu quel que soit ce que vous ayez. C'est toujours le
même traitement, Aspirine, Valium et Seresta »293(*)
« Il y a quelques années, un type vient
de Château-Thierry294(*). Il y était allé parce que
mentalement ça n'allait pas fort. Il en revient comme un
mort-vivant : drogué jusqu'aux moelles de tranquillisants. On
voyait bien. On voyait bien qu'il ne contrôlait pas ses gestes. Il
marchait comme un automate. Le lendemain de son arrivée, on le met sur
une machine assez difficile. J'ai averti le contremaître. Bien sûr
il ne m'a pas écouté. Ça n'a pas attendu une
matinée. Toute sa main y est passée. Je le sais, c'est moi qui
ait balayé les morceaux » (Enquête GIP citée dans
Le Monde, 08/06/1971).
A chaque reprise est dénoncé le manque de
considération avec lequel les soignants traiteraient les détenus.
Jusque-là inconnus du grand public, les infirmiers et les
médecins pénitentiaires sont présentés sur le mode
de la stigmatisation et de la dénonciation. Au-delà d'un manque
de considération, le GIP met également en cause la connivence de
certains praticiens, décrits comme les complices de l'Administration
pénitentiaire notamment lorsqu'ils adoptent un rôle de
surveillance des détenus : « Il y avait même un
médecin qui avait la fâcheuse habitude de mettre des rapports
à tous les détenus qui allaient le voir pour un mauvais motif
[...] Si, lorsque le médecin ne vous trouve pas de maladie, il vous met
un rapport, ce n'est pas son rôle »295(*). Certains
médecins sont même accusés d'être davantage
préoccupés par les « visites médicales non
motivées » que par la santé des
détenus296(*) : « La recherche de la maladie
se confond souvent avec le dépistage du simulateur [...] Le rôle
du médecin serait peut-être aussi de l'écouter un peu [le
détenu]. Mais il préfère rédiger un rapport et le
signer tout en sachant ce qui attend le détenu...»297(*). L'usage abusif des
psychotropes destinés à calmer les prisonniers
« agités » est présenté comme un
exemple de collusion entre le service médical et la direction de
l'établissement : « Quand on ne supporte plus, on vous
fait une piqûre qui vous donne un bon coup. L'administration
pénitentiaire compte beaucoup sur le valium intraveineux pour
résoudre ses problèmes »298(*).
Mais c'est surtout la « ceinture de
contention »299(*) qui apparaît dans le registre des
contestataires comme un symbole de la logique répressive du
« régime pénitentiaire » : « En ne
remontant pas à la cause de l'agitation, l'Administration ne fait pas
que se justifier : elle dévoile son fonctionnement. Car tout le
système ne fonctionne que par la contention [...] La camisole de force
n'est que l'étape ultime de la vie en prison et, partant, sa seule
vérité. Elle est l'aboutissement implacable mais logique de
l'univers carcéral »300(*). La participation du personnel sanitaire
à cette pratique humiliante serait un exemple supplémentaire
selon les militants de la cause carcérale du rôle
pénitentiaire qu'endosseraient certains médecins :
« Souvent, il y a un tôlard qui perd un
peu les pédales ou qui s'énerve, qui devient répondeur, ou
simplement qui se rebelle. Les matons le traînent en cellule de
contention. Soit disant ça n'est pas une punition, c'est
médical : on est allongé sur une paillasse spéciale
posée à terre, attaché avec des sangles par le milieu du
corps, et la nuit, on vous prend les mains et les pieds dans des boucles
fixées aux sangles, et souvent le jour aussi. L'infirmière vient
te donner du sirop, du valium, et si tu ne veux pas le prendre, elle te fait
une piqûre »301(*).
« On les attache [certains détenus
récalcitrants] huit ou dix jours sur un lit avec une ceinture de
contention. On ne les détache même pas pour faire leurs besoins,
et on les laisse dans leurs excréments. On leur donne à manger
à la petite cuillère. On leur détache parfois une main,
parfois même pas du tout. C'est le directeur qui donne l'ordre de les
attacher [...] Quand le gars était attaché, on n'appelait
même pas le médecin. Et l'infirmière, quand on l'appelait,
ne venait même pas. Elle s'en moquait pas mal. Elle rigolait
»302(*).
En accordant pour la première fois la parole aux
détenus, le Groupe d'information sur les prisons a permis que les
conditions de prise en charge sanitaire en milieu carcéral soient
placées au coeur du débat public. Bien sûr cette
dénonciation n'est pas seulement l'oeuvre du GIP. D'anciens
détenus, tel Alain Geismar qui qualifie dans une interview certains
médecins de « fascistes »303(*), quelques organes de
presse militants (La cause du peuple, l'Agence de Presse
Libération) et, plus rarement, des professionnels de la Justice
contribuent également à la critique de l'organisation
médicale en prison. Dans une brochure décrivant les conditions de
détention, l'Union des jeunes avocats de Lyon dénonce par exemple
les soins médicaux : « L'accès à la
consultation est difficile [...] La distribution des médicaments est
faite de façon anarchique, et donne lieu à des
négociations entre distributeurs et détenus, dont certains
arrivent à recevoir des somnifères ou des sédatifs,
à des doses réellement
inquiétantes »304(*).
La dénonciation du GIP se distingue nettement de cette
dernière parce qu'elle critique, au-delà des faiblesses de la
prise en charge médicale des détenus, le rôle des
praticiens, dont le silence et la collaboration sont présentés
comme les indices d'un pouvoir répressif qui ne s'incarnerait
désormais plus seulement à travers la figure du surveillant ou du
directeur pénitentiaires : « Il est patent [...] qu'il
[le service médical] est lui aussi un rouage du système
répressif de l'univers carcéral. La manière de soigner, le
contact avec le détenu malade fait souvent, qu'il le veuille ou non, du
docteur un "maton", un "surveillant avec stéthoscope", un "homme de
paille" »305(*). L'augmentation du nombre de suicides qui fait
suite aux révoltes de détenus en 1972 marque l'occasion pour les
opposants au « régime pénitentiaire » de
mettre en cause l'ambiguïté du rôle des médecins. Si
les praticiens sont les meilleurs témoins de ce phénomène,
ils sont également accusés, du fait de leur silence, d'être
les complices de l'Administration dans ces morts.
2. Des «
épidémies » de suicides ? Entre accusés et
témoins, les médecins de prison en première ligne de
l'actualité
Georges Fully : « S'il y avait un Nuremberg
des prisons je plaiderai coupable. Mais y a-t-il un procès des
médecins à faire ?»306(*).
A l'autonome 1972 la presse rend largement compte d'une
recrudescence des suicides en détention : douze durant
l'été, trois dans la semaine du 25 septembre au 3 octobre.
L'Association de défense des droits des détenus (ADDD) annonce
qu'elle se porte partie civile au côté des familles pour tous ces
suicides. Une polémique émerge alors entre le GIP et
l'Administration pénitentiaire, qui s'affrontent de manière
interposée au sein des journaux, au sujet du nombre de suicides. Le
ministère de la Justice est accusé d'en sous-estimer
volontairement le chiffre307(*). La presse prend une nouvelle fois le parti des
militants de la cause carcérale. France Soir
écrit : « Bien entendu, il ne s'agit là que des
suicides effectifs (à l'exclusion des tentatives manquées
infiniment plus nombreuses) et officiellement reconnus par l'Administration
pénitentiaire. Celle-ci s'efforce, en général, de
minimiser ces incidents et déclare volontiers qu'il n'y pas davantage de
suicides dans les prisons qu'à l'extérieur. Il apparaît
très clairement que cette affirmation, difficilement acceptable pour les
années précédentes, ne le sera pas du tout pour
l'année 1972 » (27/10/1972).
Outre cette querelle de chiffres, l'enjeu des débats
est de déterminer la cause de cet accroissement du nombre de
suicides308(*).
Plusieurs journaux interprètent ce phénomène comme le
fruit d'une « vague de déceptions » relative
à la réforme des prisons et « un climat psychologique
favorable aux gestes de désespoir » (France Soir,
27/10/1972). Les opposants au « régime
pénitentiaire » attribuent en revanche une signification
explicitement politique à ces suicides en les comparant, comme ici
Me de Felice, président du MAJ309(*) et membre du GIP, aux
récentes émeutes : « Le suicide des prisonniers, comme
la révolte de l'an dernier nous interpelle ; le suicide est une
parole, une accusation, un appel »310(*). Le GIP
interprète ces morts comme des « actes de
résistance » face à la manière dont les
détenus sont traités : « Beaucoup des suicides
actuels s'inscrivent dans la vie de la prison même et expriment la lutte
contre le système pénitentiaire [...] C'est un autre aspect de
l'intolérance collective des détenus et de l'appel à
l'opinion »311(*). En publiant les lettres envoyées
à leur famille par les détenus s'étant suicidés, le
GIP entend souligner la responsabilité de l'Administration
pénitentiaire dans ces morts : « Ces suicides ne se sont
pas seulement passés en prison, le régime et l'administration
pénitentiaires, le système pénal y ont une part directe.
Ce sont des suicides DE prison »312(*).
Au cours de cette polémique, les praticiens
pénitentiaires sont pris à partie par les journalistes en tant
que témoins de cette réalité méconnue :
« Le nombre de suicides augmente chaque année dans les prisons
françaises. Les médecins savent pourquoi et le disent. Qui les
écoute ? », titre Le Nouvel Observateur
(30/10/1972). Les praticiens pénitentiaires hauts placés adoptent
alors une position proche du ministère de la Justice en relativisant
l'importance du nombre de décès. Le Dr Hivert,
médecin-chef du Centre médico-psychologique de La Santé et
du Centre National d'Observation de Fresnes, n'observe pas « une
augmentation très importante par rapport aux dernières
années » avant de conclure que si les suicides semblent plus
nombreux, c'est surtout parce qu'« on en parle davantage »
(LF, 2/11/1972). Le Médecin-inspecteur, Georges Fully,
relativise également l'ampleur du phénomène en
considérant que « ces suicides ne sont pas
significatifs » (Le Nouvel Observateur, 30/10/1972). Lors du
congrès de médecine pénitentiaire de décembre 1972,
où la question est vivement débattue, il remarque que si l'on
compare le nombre de suicides moyens sur la période 1955-1965 (18,3 par
an) avec la population générale, le taux de suicide dans la
population carcérale serait même inférieur à celui
de la population générale313(*).
Ces mêmes médecins hauts-placés
contestent, d'autre part, toute signification politique à ces suicides
en les considérant comme « une agression
détournée et une auto-agressivité » à
l'image des ingestions de « corps
étrangers »314(*), phénomène fréquent en
détention. Le Dr Fully refuse ainsi de voir dans ces morts une
réponse aux annonces faites par le ministre de la Justice :
« Peut-on lier cela à la réforme ? Un
détenu vient de se pendre en apprenant sa libération
conditionnelle. Non, c'est l'intolérance à la prison qui augmente
[...] C'est une relative période de calme après Clairvaux, Toul.
Alors il n'y avait pas de suicides. Le ministre me disait : "Je ne peux
quand même pas leur organiser des séances sur les
toits !" ». L'augmentation du nombre de suicides est
décrite par le Dr Hivert, qui regrette qu'on ait « tendance
à faire de l'administration un bouc-émissaire », comme
l'effet d'« une sorte de "contagion mentale", un
phénomène que l'on observe de tout temps et que l'on s'explique
mal » (LF, 2/11/1972).
Cette explication psychosociologique, reprise par certains
journalistes315(*), en termes de « vague
d'imitation », proche des analyses de Gabriel Tarde, est
réfutée par Gilles Deleuze, membre de l'ADDD, qui voit dans
chaque suicide « un acte désespéré de
résistance » de la part des détenus « qui
prennent une sorte de conscience politique de leur situation et qui n'ont que
leur corps pour lutter »316(*). Les médecins pénitentiaires
haut-placés apparaissent ainsi au sein de l'espace public comme porteurs
d'une représentation non politisée de ces morts que contestent
détenus et militants. Dans un reportage télévisé,
aux propos du Dr Hivert, qui interprète le suicide comme un
« problème de communication », le journaliste oppose
le discours d'un ancien détenu qui voit dans ces suicides
« une forme de révolte »317(*).
Car au-delà d'un rôle de témoin
privilégié, les praticiens travaillant en milieu carcéral
sont présentés dans la presse comme les complices de
l'Administration pénitentiaire : « Le médecin
constate et se tait », remarque Le Nouvel Observateur
(30/10/1972). Les déclarations des praticiens les plus hauts
placés s'accompagnent le plus souvent de remarques
désapprobatrices de la part des journalistes. En contrepoint des
déclarations des Dr Fully et Hivert sont cités les propos
d'autres praticiens allant à l'encontre du ministère de la
Justice. Un médecin témoignant de façon anonyme apporte
ainsi un regard critique sur les récents suicides : « Les
tentatives de suicide - beaucoup plus nombreuses qu'on ne l'avoue
officiellement - ont des motivations extrêmement diverses. Bien
entendu, toutes ne signifient pas que le prisonnier veuille vraiment
mourir : il peut seulement chercher à attirer l'attention sur son
cas, voir le médecin, avoir une communication avec une personne qui ne
fasse pas partie de l'administration, se faire hospitaliser » (Le
Point, 12/11/1972).
Le témoignage de Charles Dayant, ancien
« interne »318(*) à la M.A de La Santé venant de
publier un ouvrage sur son expérience en prison, est reproduit à
l'occasion dans de nombreux journaux. Déjà en décembre
1971, ce médecin avait attiré l'attention sur le nombre de
tentatives de suicides dans la presse, s'attirant la colère de
René Pleven auquel il avait répondu en retour319(*). De nouveau en 1972,
« le docteur Dayant évoque des exemples précis avec
toute l'indignation qu'une telle situation peut inspirer à un
médecin » (France-Soir, 27/10/1972)320(*). Il dément les
chiffres du ministère : « "Une tentative par jour",
affirme le Dr Charles Dayant, ancien médecin à la
santé. Mme Edith Rose, ancienne psychiatre à la prison de
Toul321(*),
confirme son témoignage » (L'Express, 30/10/1972).
Notant que l'Administration ne compte « que » cent huit
tentatives de suicide en 1970, un journaliste observe que « le
docteur Dayant, qui était médecin à la Santé en
1969, fait état de plusieurs tentatives de suicides par jour dans cette
prison » (France Soir, 3/11/1972).
Au cours de différentes interviews, cet interne
démissionnaire, présenté comme « ayant
"duré" quatorze mois », « dénonce
l'insuffisance des moyens médicaux » (L'Aurore,
3/11/1972) mais surtout le rôle ambigu des praticiens en prison :
« Les médecins cousent et recousent plusieurs fois le
même type et ne demandent jamais d'explications [...] On n'est pas
là pour soigner mais pour que l'administration puisse dire en cas
d'accident : il y avait un médecin » (Le Nouvel
Observateur, 30/10/1972). « Dans la cellule de force, on ne reste en
moyenne que vingt-quatre heures : à la Santé, dit le Dr
Dayant, le détenu y est attaché sur une table en marbre ; on
n'y mange pas ; le médecin vient toutes les cinq heures faire des
piqûres calmantes » (L'Express, 12-18/04/1971). Mais
plus que leur compromission, c'est l'impuissance des personnels sanitaires dont
atteste ce praticien :
« Les tentatives de se donner la mort
étant punies de cachot, le médecin s'efforce dans la mesure du
possible de ne pas les déclarer officiellement. "De toute
façon, ajoute le docteur Dayant, quand le praticien est appelé
à intervenir, il dispose de moyens si faibles que son action est
vouée à l'échec. Dans un certain nombre de cas la mort
aurait pu facilement être évitée si j'avais disposé
seulement d'un peu de sang et de plasma" »322(*).
Dans une tribune publiée dans Le Monde,
Charles Dayant atteste la « sincérité » des
actes suicidaires considérés par la Chancellerie comme des
simulations323(*) : « Des plaies
artérielles déchiquetées où se trouvaient encore
des morceaux de lames de rasoirs rouillés, des estomacs que je devais
siphonner et qui étaient bourrés de barbituriques, des cordes de
pendus que je devais couper, d'abominables douleurs, des perforations
intestinales dues à l'absorption de 200 ou 300 gr de ferraille, auraient
pu me faire croire que ces "sous-hommes" étaient assez convaincants dans
leur sincérité » (LM, 8/11/1972). Aux
déclarations des médecins hauts-placés de l'Administration
présentées comme peu crédibles, les journalistes opposent
le témoignage du Dr Dayant : « "Il est très rare qu'un
drogué se suicide", dit le docteur Georges Fully,
Médecin-inspecteur général de la santé. Mais
beaucoup de médecins de prisons ne sont pas du même avis [...]
"C'est parmi les drogués ou les ex-drogués que les tentatives de
suicides sont les plus nombreuses", affirme le Dr Dayant »
(L'Express, 30/10/1972). Le même article présente une
photo du Dr Fully avec une légende commentant sans
ambiguïtés la liberté de parole dont disposerait le
Médecin-inspecteur : « L'Administration serre le
bâillon ».
Les journalistes prennent ainsi le parti des praticiens
contestataires, présentant ainsi la médecine pénitentiaire
comme un instrument de répression au service de l'Etat. Les associations
de contestation de la prison participent à cette mise en cause des
praticiens pénitentiaires. Au sujet d'un détenu s'étant
pendu alors qu'il était placé à l'isolement pour
homosexualité, le GIP remarque qu'« il aurait pu en être
autrement, si la médecine pénitentiaire n'était pas un
simple prolongement de la fliquerie »324(*).
Quelque soit la teneur de leurs propos, l'intervention des
personnels sanitaires dans les médias est un phénomène
nouveau participant à l'émergence de la figure du médecin
pénitentiaire au sein de l'espace public. Cette prise de parole peut
être interprétée comme une stratégie de
défense face aux accusations portées à l'encontre des
praticiens exerçant en prison. Mis en cause, les médecins
pénitentiaires répondent. Au cours d'une interview
télévisée avec le Médecin-inspecteur, l'ADDD met en
cause la responsabilité d'un psychiatre dans la mort d'un détenu.
A la question « qui est responsable ? », Georges
Fully répond : « C'est le système carcéral qui
est responsable », avant d'ajouter : « S'il y avait un
Nuremberg des prisons je plaiderai coupable. Mais y a-t-il un procès des
médecins à faire ?»325(*). A cette question, un
membre du GIP, le journaliste Philippe Meyer, répond affirmativement
dans une tribune du Monde, mettant en cause le rôle du
Médecin-inspecteur :
« Devant une telle juridiction M. Fully pourrait
être à la fois accusé et témoin. Il a d'ailleurs
l'habitude de ces doubles fonctions, puisqu'il était membre de la
commission Schmelck dont le but était de découvrir, à
Toul, les négligences que le même docteur Fully avait à
charge d'éviter. C'est aux côtés de M. Henri Le Corno [DAP]
que le docteur Fully devrait s'assoir au banc des accusés »
(« Etouffer et couvrir », Le Monde,
6/12/1972).
Longtemps réduits à de courtes brèves
dans les journaux, les suicides de détenus acquièrent à
partir de 1972 davantage de visibilité. En attestent les variations
autour d'un même fait. En 1969, le suicide d'un détenu
considéré comme simulateur n'avait ainsi pas été
rapporté par les journaux. En mars 1972, la presse relate la
condamnation de l'Administration à indemniser le fils de la victime
(LM, 24/03/1972). Fin 1973, la revue Actes publie, à
l'occasion du jugement du Conseil d'Etat confirmant le tribunal administratif,
l'intégralité de l'arrêt326(*). L'importance
accordée à un même événement s'accroît
ainsi au fur et à mesure que la question carcérale se politise.
Désormais les suicides de détenus sont interprétés
par la presse, notamment de gauche, comme autant de remises en cause du
ministère de la Justice. Le service médical est
régulièrement pris à partie dans la survenue de ces morts
ou dans leur « prévention » :
« On assiste actuellement dans les prisons
à une tentative de récupération de la médecine par
les administrations pénitentiaires, qui essayent de lui faire jouer un
rôle de "répression en douceur". Les gardiens appellent de plus en
plus les internes chargés de la santé des détenus pour
qu'ils viennent "calmer" les prisonniers "un peu remuants" en leur administrant
des somnifères et des piqûres »
(Libération, 25/06/1973).
Le fait que quelques médecins, pour la plupart
démissionnaires, acceptent de témoigner en 1972 sur les suicides
survenus en détention, ne doit pas cependant faire oublier que la
plupart préfèrent rester en retrait de cette polémique.
Une équipe ayant effectuée une étude en 1972,
présentant des conclusions critiques pour l'Administration, ne publie
ainsi ses résultats qu'en 1977 dans une revue
médicale327(*). Plus qu'un signe de compromission, cette
attitude traduit peut-être surtout une certaine prudence de la part de
professionnels qui refusent d'être instrumentalisés dans la
polémique qui oppose Administration pénitentiaire et militants de
la cause carcérale328(*). Elle soulève la question du
délicat positionnement devant être adoptée par les
soignants travaillant en prison.
__________________________________________________
La dimension sanitaire du traitement carcéral
accède à une plus grande visibilité au début des
années soixante-dix du fait des critiques qui lui sont adressées.
Face à ces multiples accusations, l'Administration pénitentiaire
choisit de se retrancher dans le silence afin de ne pas leur prêter
davantage d'audience. En réponse à un tract du GIP mettant en
cause en juillet 1971 le médecin d'une M.A, Chevalier de l'ordre
national du mérite, le garde des Sceaux recommande au Procureur
général de la Cour d'appel de Toulouse de ne pas porter plainte
pour diffamation mais pour « délit d'injures
publiques », et ce, afin de « limiter le risque de voir
s'instaurer un débat sur la vérité des griefs qui sont
faits au médecin »329(*). Interpellé par le médecin-chef
M.A de La Santé au sujet des propos « scandaleux »
tenus par le Dr Dayant sur son propre établissement, René Pleven
remarque d'une façon similaire qu'il ne serait pas opportun d'intenter
une action en justice à son encontre :
« Certains passages seraient susceptibles en
droit strict de motiver des poursuites du chef de diffamation envers
l'administration pénitentiaire, et notamment son service médical.
Toutefois, fort heureusement, en particulier en ce qui vous concerne, l'ouvrage
ne contient pas que des critiques. Je m'interroge donc sur l'opportunité
de telles poursuites qui auraient pour conséquence de fournir aux
détracteurs de l'Administration pénitentiaire la tribune qu'ils
recherchent, et d'assurer au livre de M. Dayant une publicité qu'il ne
mérite pas. Ce sont, je l'ajoute, ces mêmes considérations
qui m'ont amené précédemment à ne pas mettre en
mouvement l'action publique contre M. Marcel Diennet, auteur d'une publication
consacrée à l'hôpital central des prisons de
Fresnes »330(*).
La lettre d'indignation adressée au ministre de la
Justice par le médecin-chef de La Santé témoigne de la
réaction que certains praticiens adoptent face aux accusations dont ils
sont l'objet au sein de la presse. Longtemps laissés dans l'ombre, les
praticiens pénitentiaires sont en effet décrits, du fait de leur
présence et surtout de leur silence, comme les complices de ces
pratiques. La manière très variée dont ces derniers
réagissent rend compte de la structure du secteur professionnel de la
médecine pénitentiaire. Tandis que les généralistes
adoptent une attitude très réservée, la réaction
protestataire des psychiatres mais surtout des internes exerçant en
prison témoigne d'un mouvement d'autonomisation des médecins.
Bien que critiqué lui-même pour son inefficacité par les
militants de la cause carcérale, Georges Fully tente de mettre à
profit la mise en cause dont sont l'objet les médecins
pénitentiaires. Tout en les désavouant publiquement, il s'appuie
sur ce segment d'internes protestataires pour faire valoir les revendications
du corps médical à l'égard du ministère de la
Justice.
La contestation qui émerge au début des
années soixante-dix de la prise en charge médicale des
détenus constitue ainsi un moment clef de l'histoire de la
médecine pénitentiaire en tant que groupe professionnel et en
tant que spécialité médicale. C'est, en effet, à
partir de ce moment que s'opposent un segment souhaitant faire prévaloir
le Code de déontologie médicale, l'exercice en prison
n'étant pas considéré comme quelque chose de
spécifique, et un segment privilégiant, à l'inverse, le
Code de procédure pénale, la médecine pénitentiaire
étant ainsi caractérisée avant tout par la tutelle du
ministère de la Justice.
Section 3 - Les médecins
face à l'Administration pénitentiaire : loyauté,
apathie, protestation et défection
Georges Fully : « Nous [les médecins
pénitentiaires] souhaitons, je crois que c'est un désir
général qui s'exprime lors de ses journées, être
intégrés au système pénitentiaire, être
considérés comme faisant partie du système qui
régit l'institution. Qu'on ne s'adresse plus seulement à nous
comme des techniciens mais qu'on nous demande de participer vraiment, non
seulement pour donner des avis techniques mais également pour
étudier certains aspects, certaines évolutions, certaines
améliorations qui concernent l'institution
elle-même »331(*).
Les médecins pénitentiaires acquièrent
soudainement au début des années soixante-dix une plus grande
visibilité au sein de l'espace médiatique. Certains
événements placent ces derniers en première ligne de
l'actualité. Le « drame de Clairvaux », au cours
duquel est décédée une infirmière, contribue par
exemple à souligner le danger encouru par les personnels médicaux
en détention332(*), notamment après que des faits
similaires aient eu lieu à Marseille333(*). A la suite de ce
« Clairvaux à l'envers » (le détenu fut
abattu sans avoir pu s'en prendre à l'infirmière), un journaliste
remarque avec ironie qu'« il ne fait pas bon être infirmière
dans une prison » (L'Aurore, 15/10/1971). Mais c'est surtout
la forte remise en cause dont est l'objet le personnel sanitaire qui est
à l'origine de sa progressive prise en considération. A partir de
l'« affaire Buffet » s'engage par exemple un débat
sur les conditions de l'expertise psychiatrique des détenus,
l'Administration pénitentiaire étant accusée d'avoir
sous-estimé la dangerosité des deux criminels, qui amène
un journaliste à se demandant si « les prisons n'ont ni
médecins ni psychologues ? » (LM, 23/09/1971).
Parfois certains praticiens sont nommément mis en cause
par la presse ou les militants de la cause carcérale. Ces critiques ne
sont pas sans effets sur les médecins en question. C'est par exemple le
cas du Dr Pivert de la M.A de Dijon déjà évoqué
auparavant334(*). A la suite de la publication de plusieurs
articles le mettant « gravement en cause »335(*), ce médecin,
offusqué, demande à ce qu'« une lettre émanant
de la plus haute autorité de l'administration pénitentiaire le
mettant hors de cause soit adressé à la presse avant qu'il ne
reprenne ses fonctions »336(*). Une mise au point est publié dans le
journal local Les dépêches le 29 août
1972 tandis que le Directeur de l'Administration pénitentiaire
(DAP), Henri Le Corno, atteste dans une lettre au Conseil départemental
de Ordre des médecins que ce praticien « depuis sa nomination
le 1er avril 1965, s'est toujours acquitté de ses fonctions
avec compétence, dévouement et humanité, dans le respect
des règles déontologiques de la profession
médicale »337(*). Malgré cela, le praticien refuse de
reprendre ses fonctions tant que « l'enquête est en
cours », mettant en avant « le préjudice moral et
professionnel indiscutable » subi : « Il n'y a pas de
jour au cours de mes visites ou consultations où mes patients, ayant
tous lu ces articles diffamatoires, ne me posent des questions. Malheureusement
cette campagne de presse diffamatoire continue »338(*). Henri Le Corno fait
alors valoir à ce praticien que « l'Administration
pénitentiaire comme vous le savez n'est pas épargnée par
la diffamation voire même par l'injure depuis plusieurs mois et à
travers votre personne c'est elle qui est
visée »339(*).
Outre les attaques dont ils sont l'objet au sein de l'espace
public, les praticiens travaillant en institution carcérale sont
confrontés depuis la fin des années soixante à des
conditions de travail difficiles. Dans la logique du paradigme utilitariste,
Albert Hirschman a démontré que face à une situation
d'insatisfaction les individus peuvent exprimer leur mécontentement sous
deux formes : la défection (exit) qui consiste à
s'extraire de la relation et la prise de parole (voice),
c'est-à-dire la contestation de l'organisation. Cette prise de parole
est définie de façon extensive puisqu'elle inclut la protestation
par voie interne ainsi que le recours à l'espace public340(*). Il existerait ainsi
trois manières de contester une institution : l'abandon silencieux,
la « voice interne » et la « voice
externe »341(*). Les « contraintes
structurelles » expliquent selon Hirschman la forme de protestation
adoptée : la capacité de s'extraire de l'institution ou la
possibilité de peser sur les décisions qui y sont prises
conditionnent le comportement des individus. Ainsi, plus la défection
est aisée et plus la prise de parole interne est rare. Le faible lien de
dépendance structurel des médecins à l'égard de
l'Administration (ils sont presque tous vacataires) favorise la
défection et limite la probabilité d'une contestation au sein de
l'institution. Il semblerait que plusieurs personnels sanitaires aient fait le
choix de s'extraire de cette situation d'insatisfaction plutôt que de la
contester comme le confirme le nombre d'infirmières
démissionnaires. Huit infirmières démissionnent en 1973,
dix-huit en 1975, seize en 1976342(*). Ce phénomène, observable pour
d'autres catégories de personnels pénitentiaires343(*), semble avoir
concerné peu de médecins.
En dépit de la démarche de spécialisation
entreprise par Georges Fully, les praticiens ne semblent pas réagir en
tant que profession organisée. Leur syndicat n'adopte aucune prise de
position344(*).
Les rares témoignages de médecins exerçant en milieu
carcéral publiés au début des années soixante-dix
sont peu critiques sur la tutelle exercée par l'Administration
pénitentiaire345(*). Mal rémunérés,
confrontés à de nombreuses difficultés matérielles
et éthiques, les médecins pénitentiaires sont pourtant
insatisfaits de leurs conditions de travail346(*). Albert Hirschman a
démontré que des individus peuvent demeurer fidèles
à une institution malgré le mécontentement
éprouvé347(*). Ce phénomène de loyauté
(loyalty) est fréquemment observé dans les partis
politiques, syndicats où priment les arguments idéologiques. Il
apparaît en revanche peu pertinent pour les médecins intervenant
en prison pour lesquels, d'une part, l'intérêt économique
est faible et où, d'autre part, le sentiment d'appartenance à
l'institution est moindre. La lettre de démission de ce praticien
exerçant à la M.A de Vannes depuis 1953 relativise pourtant en
partie cette idée puisqu'elle atteste d'un phénomène de
loyauté :
« Je suis en désaccord complet avec les
"orientations" actuelles du système pénitentiaire dans lequel les
détenus sont considérés comme des victimes dignes de tous
les égard et les membres du personnel comme des tortionnaires. La
"répression" est un terme à ne plus employer sous peine de passer
pour un dangereux fasciste »348(*).
En proposant sa démission à un moment où
la politique pénitentiaire se libéralise, ce médecin
entend témoigner de sa loyauté à l'égard d'une
certaine conception de l'institution carcérale. Le ministre de
l'Intérieur intervient en personne auprès du garde des Sceaux et
du médecin en question pour lui demander de reconsidérer sa
démission, décrite comme « symptomatique d'un certain
état d'esprit à l'égard des orientations de la politique
pénitentiaire »349(*). Exemplaire de l'identification
idéologique que certains praticiens éprouvent à
l'égard de leur tâche, ce cas d'extrême loyauté ne
peut cependant être généralisé. En effet,
l'essentiel des médecins exerçant en institution carcérale
privilégient une attitude de retrait. Cette absence de réaction
peut s'expliquer par le phénomène
d'« apathie » décrit par Guy Bajoit350(*). La
fidélité d'un individu à une institution peut
résulter selon lui d'un calcul gains/coût au terme duquel le
maintien passif apparaît préférable à toute
mobilisation jugée trop coûteuse. Afin d'éviter tout risque
de poursuite pénale ou déontologique, certains médecins
sont enclins à taire certaines pratiques et à adopter ainsi une
démarche de mise en retrait. Outre un certain de degré de
loyauté à l'égard de l'Administration, la non-remise en
cause de l'instrumentalisation des psychotropes dans le maintien du calme en
détention, fortement dénoncée dans l'espace public, durant
l'été 1974 peut ainsi s'expliquer par la volonté de ne pas
s'exposer personnellement (Cf. Encadré).
LES MÉDECINS
PÉNITENTIAIRES, ENTRE LOYAUTÉ ET APATHIE : L'EXEMPLE DE LA
« SURPRESCRIPTION » DE PSYCHOTROPES
La réaction de certains médecins au moment des
révoltes de l'été 1974 permet de comprendre le
mélange de loyauté et d'apathie parfois adopté à
l'égard de l'Administration pénitentiaire. Cette dernière
incite les généralistes à surdoser les psychotropes afin
de prévenir toute contestation. Tandis que certains praticiens
dénoncent cette « camisole chimique », d'autres
consentent à cet usage répressif de la médecine. En
atteste le compte-rendu de réunion de la Commission de surveillance de
la M.A de Tours réunie en 1974 suite à plusieurs tentatives de
suicides par ingestion de médicaments351(*). Le secrétaire
général de la préfecture présidant la Commission
rappelle en début de séance que « le calme a
régné dans la Maison d'Arrêt lors des mutineries du mois de
Juillet dernier » tandis que « le Procureur approuve fermement
la ligne de conduite actuellement suivie, qui permet d'avoir affaire à
des détenus calmes ».
Les deux médecins de l'établissement
présents à la commission n'effectuent aucune plainte ou
réclamation. Le premier praticien constate que « l'origine du
problème se trouve dans le régime horaire auquel sont soumis les
détenus. En effet, le nombre d'heures de sommeil imposé à
ceux-ci est très élevé, pratiquement douze
heures ». Il justifie, d'autre part, l'importance des prescriptions,
à propos desquelles aucun chiffre ne figure, par le fait
« qu'un grand nombre d'entre eux avaient commencé avant
l'incarcération à prendre de ces barbituriques ou tranquillisants
et que la suppression de tels médicaments provoque
généralement de graves perturbations chez les
intéressés ». Enfin le médecin
« déclare formellement que l'usage des barbituriques et
tranquillisants pendant la détention ne crée aucune accoutumance
». « Etant assuré qu'aucune accoutumance n'est à
craindre dans l'emploi des barbituriques et tranquillisants », le
président de la Commission « confirme le docteur [...] dans sa
ligne de conduite ». L'autre praticien de l'établissement
« rejoint le point de vue de son confrère, en signalant que le
problème que pose l'utilisation des barbituriques et tranquillisants est
identique en milieu extérieur et qu'il lui semble être beaucoup
plus philosophique que médical ».
L'attitude de ces médecins à l'égard des
autorités judiciaires peut certes s'expliquer par leur loyauté
à l'égard de l'institution pénitentiaire. Mais elle peut
également être interprétée comme une position de
repli traduisant la volonté de ne pas s'exposer à des poursuites
judiciaires. En entérinant l'avis de l'Administration, les
médecins s'assurent que leur responsabilité personnelle ne peut
être engagée dans des décisions qui sont
considérées comme ne relevant pas de leur initiative. Suite
à la mort à la M.A de Quimper en août 1974 d'un
détenu ayant ingurgité des barbituriques, une plainte est
déposée pour homicide par imprudence. Dans son rapport, le
Médecin-inspecteur, Solange Troisier, absout le médecin de toute
responsabilité après avoir remarqué que celui-ci lui
« a avoué qu'éventuellement il déposerait une
plainte au Conseil de l'Ordre si nous [la DAP] envisagions de
l'attaquer » : « Je n'ai relevé aucune faute
professionnelle [...] En tant que Médecin responsable j'affirme qu'il ne
s'agit pas d'un problème de médicament mais malheureusement d'un
état de fait qui existe dans beaucoup de nos petites Maisons
d'arrêt »352(*). Dans une autre lettre adressée à
un magistrat de la DAP, elle dissuade de le licencier : « Nous
aurons certainement des problèmes avec le Conseil de l'Ordre car il y a
quelques mois une plainte devait être déposée contre lui et
lorsque je me suis rendue sur place envoyée par M. Beljean, il
m'avait avoué qu'il pensait saisir le Conseil »353(*). Même si toute
loyauté à l'institution n'est pas à exclure, l'absence de
protestation publique ou interne des médecins pénitentiaires
répond par conséquent à un phénomène
d'apathie dont on peut rendre compte par la volonté de se
prémunir contre toute complication.
A l'encontre de cette apathie figure une exception lyonnaise.
Depuis les années soixante, des soignants tentent d'opérer
collectivement de petites transformations afin de rendre l'institution
carcérale moins criminogène354(*). C'est ainsi que sont institués au
début des années soixante des groupes de paroles permettant aux
détenus de décharger leur agressivité. Le fait pour ces
médecins d'opérer simultanément dans plusieurs lieux de
travail, notamment en milieu hospitalier, leur aurait conféré
davantage d'autonomie, leur permettant ainsi d'oeuvrer pour une meilleur
délimitation entre le médical et le pénitentiaire. C'est
ainsi que deux praticiens lyonnais protestent auprès du directeur des
prisons de Lyon suite aux conditions dans lesquelles ce dernier aurait
demandé communication du dossier médical d'un
détenu
« L'infirmière craignant en
obéissant de contrevenir à la règle du secret
médical en référa par téléphone au
médecin-chef des Prisons, qui s'opposa à la remise de ce document
médical, à des personnes non liées par le même
secret. Vous avez alors produit un acte de réquisition émanant du
Parquet ; devant cette situation inhabituelle et impressionnante,
l'infirmière, sur votre ordre pressant, s'est crue obligée de
remettre l'ensemble du dossier »355(*).
L'équipe lyonnaise se heurte cependant à des
difficultés croissantes en lien notamment avec le climat de tension
généré par les révoltes de détenus, comme le
rappelle une psychologue du groupe :
« Les plus anciens de notre équipe
travaillent dans les prisons depuis dix-sept ans [...] Après une
période relativement constructive, ils ont constaté depuis
quelques années une détérioration constante du
système [...] Nous avons constaté des entraves institutionnelles
à l'application des méthodes les plus traditionnelles et les plus
admises, telle que les soins médicaux [...] Depuis quelques temps, les
détenus "crient sur les toits", et nous, crions nous dans le
désert ? »356(*).
Relatant son « sentiment
d'insatisfaction » dans sa pratique professionnel, un interne de la
M.A de Lyon observe que « plusieurs membres de l'équipe
criminologique lyonnaise exprimaient, lors d'une réunion
générale, leur lassitude et leur épuisement
moral »357(*). Ces difficultés croissantes, mais
peut-être aussi la remise en cause des prisons qui a alors lieu,
amène ces soignants à témoigner.
Tout d'abord dans des revues spécialisées. Le Pr
Marcel Colin, responsable de l'équipe médicale, évoque
ainsi la difficile acceptation par l'Administration pénitentiaire des
groupes de psychothérapie : « Essayez de faire venir des
psychologues ou des psychothérapeutes en prison ! [...]
L'administration a toujours [...] accumulé des difficultés et les
instructions systématiques au développement de ces techniques qui
allaient contre certains impératifs de sécurité, et
finalement contre l'idéologie profonde de l'institution qui ne doit pas
être faite pour soigner mais pour punir »358(*). Dans un article du
Monde, le responsable de l'équipe lyonnaise tient des propos
également très critiques :
« Le médecin de prison a conscience, non
sans malaise, d'appliquer une sous-médecine rurale passablement
anachronique et de couvrir de sa responsabilité les carences sanitaires
et l'indigence des équipements »359(*).
Alors que les prisons sont au centre de l'actualité,
cette lassitude et l'envie de transformer la prison sont à l'origine de
la publication d'un livre à succès critique sur le monde
carcéral par la psychologue qui anime ces groupes de
parole360(*).
Le découragement de l'équipe lyonnaise est, d'autre part,
à l'origine de la démission, en 1972, d'un médecin de la
M.A de Lyon qui se heurtait souvent à la tutelle pénitentiaire du
fait de son « franc parler » d'après un autre
praticien de l'équipe
lyonnaise : « C'est-à-dire qu'il commentait parfois
les placements en quartier disciplinaire, sur la durée ou la
légitimité de la sanction
infligée »361(*). Ce praticien accepte notamment de
témoigner des conditions de vie en détention lors du
procès intenté par le ministère de la Justice contre le
journal satirique Guignol, comme le rapporte un journaliste :
« Il a déclaré qu'il avait "vu en dix ans se
dégrader la situation à tous les niveaux et se dégrader du
coup l'institution elle-même". Interrogé sur le rôle
répressif des surveillants, il constate qu'"à l'occasion d'une
certaine agitation dans mon infirmerie, il m'est arrivé de demander aux
surveillants qui avaient déjà sorti les matraques de se retirer
et, seul, j'ai ramené le calme" » (LM, 2/05/1972).
« Nous ne pouvons pas nous contenter de travailler en milieu
fermé ; l'information permanente, et dans les périodes de
crise, le témoignage sont une part importante de notre travail et nous
ne pouvons-nous y dérober », déclare Simone Buffard
lors d'une table ronde réunissant à l'initiative du Concours
médical cinq professionnels travaillant dans les
établissements de Lyon362(*).
Les spécificités lyonnaises, où les
médecins disposent d'une inscription collective dans le secteur
hospitalo-universitaire, confirment en partie l'hypothèse d'Hirschman du
rôle des contraintes structurelles dans la réaction des individus.
Pourtant un autre facteur doit être intégré à
l'analyse. L'attitude différenciée des soignants lyonnais ne peut
être comprise sans leur rattachement à la
psychiatrie363(*). Ainsi, outre les spécificités
locales et individuelles, la culture du secteur professionnel d'origine
apparaît comme un facteur explicatif fondamental dans la réaction
des praticiens intervenant en détention. La propension des psychiatres
pénitentiaires à prendre la parole publiquement s'explique ainsi
par la culture critique qui s'est progressivement développée dans
le secteur de la psychiatrie au cours des années soixante (1). De
même l'engagement des internes traduit l'émergence d'une nouvelle
culture professionnelle parmi les praticiens, davantage politisés durant
les « années 68 ». Le regard critique que ces
internes apportent sur leurs conditions de travail favorise l'émergence
d'un segment protestataire qui traverse les médecins
pénitentiaires (2).
1. De la remise en cause de la
psychiatrie asilaire à la dénonciation de la psychiatre
pénitentiaire : l'émergence d'un regard critique sur la
tutelle administrative
Edith Rose, psychiatre de Toul : « Mes
prescriptions étaient exécutées de la manière la
plus fantaisiste »
Journaliste : « C'est à dire que vos
ordonnances n'étaient pas suivies? Les détenus ne recevaient pas
les médicaments que vous leur prescriviez ? »
Edith Rose : « Non, en particulier les
médicaments qui étaient prescrits pour le soir, parce qu'ils n'y
avait personne pour leur distribuer ces médicaments »
Journaliste : « On raconte que vous
auriez vu des détenus attachés sur le lit de
contention ? »
Edith Rose : « Je n'y ai vu qu'une seule
fois par hasard un homme attaché parce que je me suis glissée
dans une porte entrebâillée de ma propre initiative; sans qu'on
m'y ait appelée, je le précise. L'infirmière se plaignait
à moi de ces contentions fort longues. D'autre part, les surveillants
m'ont dit plusieurs fois qu'il leur était absolument insupportable
d'aller nourrir à la cuillère un homme attaché depuis une
semaine qui était dans ses excréments »364(*)
Le travail des psychiatres pénitentiaires au
début des années soixante-dix se limite le plus souvent à
une consultation hebdomadaire de quelques heures au cours de laquelle se
pressent plusieurs dizaines de patients. L'essentiel de leur tâche se
résume alors à remédier aux angoisses des détenus
et à leurs manifestations (insomnies, suicides, ingestion de corps
étrangers) par la prescription à fortes doses de psychotropes,
sans qu'il leur soit possible d'amorcer une réelle approche
thérapeutique. Ces psychiatres s'organisent collectivement. Le Dr Paul
Hivert, médecin-chef de l'Annexe de la Santé, crée un
syndicat des psychiatres pénitentiaires365(*). Ces derniers
dénoncent la contradiction de cette situation avec leur rôle
soignant lors des congrès de criminologie, où ils sont largement
représentés, comme lors du 10ème congrès
français de criminologie réuni à Lyon en 1969 :
« La situation qui a prévalu est, nous semble t-il, un sentiment de
désarroi ; le mot ne nous semble pas trop fort ici car il
correspond bien à cette conscience aigüe des spécialistes du
traitement de se heurter en milieu carcéral à une impasse,
à leur impression d'être floués, de servir d'alibi pour la
bonne conscience de l'administration et de la
société »366(*). Au cours des débats, certains proposent
de « dépsychiatriser » les soins aux détenus.
Le fait que les psychiatres pénitentiaires, bien que confrontés
à des difficultés similaires, voire moindres, que les
généralistes367(*), soient les premiers à se
désolidariser de l'Administration pénitentiaire atteste de leur
progressive autonomisation. C'est ce que confirme la démission au
début des années soixante-dix de cet interne en psychiatrie
refusant le rôle qui lui était imparti au sein de l'institution
carcérale :
« On ne faisait pas de psychiatrie à
l'époque. C'était clair. On était des pacificateurs. C'est
à dire qu'on servait à lisser les vagues et les
conséquences des troubles psychiques liés à
l'incarcération, aux conditions de détention, à la
longueur de l'instruction... Donc on distribuait des médicaments. On ne
faisait que ça ! Il n'était pas question de faire une
psychothérapie. On n'aurait pas eu le temps. Mais, c'était pas du
tout ce qu'on nous demandait ! J'avais deux vacations. On avait à
peu près dix minutes par nouveau dossier et cinq minutes par dossier
qu'on avait déjà vu [...] A l'époque il y avait une juge
d'application des peines qui était très pertinente et très
efficace. Donc la seule psychiatre, c'était la juge d'application des
peines. Parce qu'elle avait un pouvoir [...] Je le répète, on
n'était pas dans les conditions pour faire de la psychiatrie. On
était là pour calmer les
détenus »368(*).
L'autonomisation de la psychiatrie pénitentiaire se
traduit sous la forme de prises de parole au sein de l'espace public. En
février 1971, à l'occasion de la seconde grève de la faim
des détenus gauchistes, douze psychiatres et psychologues du CMPR de la
M.A de La Santé affirment dans un communiqué leur
« entière solidarité avec le mouvement actuel de
revendication d'amélioration urgente des conditions de vie en milieu
pénitentiaire » (LM, 9/02/1971). En soutenant la
revendication des grévistes, l'équipe du Dr Hivert
accrédite la gravité de la situation ce qui tranche avec le repli
qu'adopte alors la Chancellerie.
Cette autonomisation se confirme lors des
événements de Toul à travers le témoignage du
psychiatre de l'établissement, Mme Rose, qui contribue à donner
à cette mutinerie une forte ampleur médiatique. Pour la
première fois, la condamnation précise des conditions de
détention n'est plus seulement le fait d'anciens détenus ou de
militants gauchistes mais l'oeuvre d'une professionnelle exerçant en
prison. La Cause du peuple, premier journal à relater
l'événement, publie la déposition faite par la psychiatre
de Toul à l'inspecteur général de l'Administration
pénitentiaire et qu'elle fit parvenir au président de la
République, au garde des Sceaux ainsi qu'au président du Conseil
de l'Ordre des médecins369(*). La spécificité de son discours
n'est pas de s'inscrire, comme elle le fait, dans un courant humaniste, en
prenant par exemple la défense des détenus au nom de
l'« humanité »370(*), mais d'intervenir en tant que professionnelle
de santé. Afin d'attester ses propos, Edith Rose recourt ainsi à
la légitimité que lui confère son statut de médecin
(l'expression « Je puis affirmer sous la foi du serment »
figure à six reprises dans son discours). Elle ne consacre cependant pas
sa déposition aux soins médicaux mais aux conditions de vie et
aux mauvais traitements dont auraient souffert les détenus depuis
plusieurs années371(*). Elle décrit notamment de façon
précise la pratique de la contention accréditant ainsi les propos
des détenus :
« Mais la chose qui m'a le plus
écoeurée et le plus fait de peine, c'est d'avoir vu les gens
attachés pendant une semaine et plus. Je puis affirmer sous la foi du
serment qu'on ne les détachait pas pour manger. J'entendais de mon
bureau l'infirmière appeler un surveillant pour les nourrir à la
cuillère [...] Certains témoignages disent même qu'on les
laissait dans leurs excréments, je ne l'ai pas vu. J'ai bien souvent
exprimé devant Madame l'infirmière mon horreur de telles
méthodes et mon désir de voir détacher ces gens. Et quand
je m'exprimais ainsi, on me répondait invariablement qu'il s'agissait
d'un règlement administratif s'appliquant aux hommes qui avaient fait
des tentatives de suicides ou d'automutilations [...] Personnellement, je suis
allée, un jour, de ma propre autorité, sans qu'on me le demande,
dans une cellule où un homme était attaché [...] Je puis
affirmer sous la foi du serment qu'il ne présentait aucun état
d'agitation ou de démence nécessitant cette contention ».
Le témoignage d'Edith Rose a
bénéficié d'importants échos dans les journaux.
Le Monde (19-20/12/1971), Combat372(*) ou Le Nouvel Observateur373(*) en publient de larges
extraits. L'Est Républicain lui consacre une pleine page sous
le titre : « Un choc au carrefour des consciences »
(19/12/1971). Plusieurs interviews du Dr Rose sont diffusées à la
télévision et à la radio374(*). Un sondage de la
Sofres réalisé fin décembre indique que 57% des personnes
interrogées approuvent l'action du Dr Rose375(*). Si son
témoignage bénéficie de tels échos dans les
médias, c'est non seulement parce qu'il « semble peu suspect
d'interprétations partisanes » (Combat, 21/12/1971),
mais aussi parce qu'il fut soutenu et amplifié par les militants de la
question carcérale, et notamment Michel Foucault qui fut le premier
à rendre public le document lors d'une conférence de presse et
qui le fit publier à titre publicitaire dans Le Monde376(*). Si le
« discours de Toul », à partir duquel il
établit la distinction entre le modèle de l'intellectuel
« universaliste » et celui de l'intellectuel
« spécifique »377(*), constitue à ses yeux « un
événement si important dans l'histoire de l'institution
pénitentiaire et psychiatrique », ce n'est non pas tant par
les problèmes qu'il soulève que par la façon dont cela est
fait, non pas de façon floue et imprécise mais à partir
d'un récit singulier où Mme Rose met au premier plan son
expérience de la prison : « Voilà que la
psychiatre de Toul a parlé. Elle a bousculé le jeu et franchi le
grand tabou. Elle qui était dans un système de pouvoir, au lieu
d'en critiquer le fonctionnement, elle a
dénoncé ce qui s'y
passait »378(*).
L'intervention d'Edith Rose est présentée dans
la presse comme un geste de résistance exercé non pas seulement
du fait de sa profession, très peu notant qu'elle est psychiatre, mais
en raison de la position qu'elle occupe au sein de l'institution
carcérale. Tout en état une professionnelle de la prison, le Dr
Rose est décrite comme « extérieure »
à l'Administration pénitentiaire du fait de son statut de
médecin379(*). Le Nouvel Observateur remarque ainsi
que les trois témoignages critiques, le pasteur et l'abbé de
l'établissement prirent également position en faveur des
détenus, provenaient tous de « personnes
étrangères à l'administration » (20/12/1971).
Apparaît ainsi dans l'espace public la figure de professionnels se
situant au sein de l'institution carcérale, du fait de leur
présence, et pourtant extérieurs à elle car capables de
tenir un discours critique. La mise à pied de ces trois personnes,
accusées d'avoir pris une part active dans la révolte,
accrédita l'idée que seuls des individus extérieurs
à l'Administration, c'est-à-dire n'étant pas
identifiés à elle, bénéficiaient d'une
liberté de parole380(*). Beaucoup établirent d'ailleurs un
parallèle avec une assistante sociale de la Croix-Rouge,
Mme d'Escrivan, intervenant à Fresnes qui fut licenciée au
même moment pour avoir révélé les mauvais
traitements subis par un détenu (Politique Hebdo,
23/12/1971)381(*).
Pourtant si la déclaration du Dr Rose peut être
vue comme la désolidarisation d'une professionnelle extérieure au
ministère de la Justice, ce n'est pas en raison de son statut mais de
son secteur professionnel d'origine, comme on en fait l'hypothèse. Il
est en effet possible de réinscrire cette prise de position dans le
cadre des transformations qui affectent plus largement le secteur de la
psychiatrie382(*). Si les psychiatres sont les plus enclins
à dénoncer certaines pratiques, c'est parce qu'ils font
écho au mouvement de remise en cause qui affecte alors l'institution
asilaire. Les témoignages de soutien que reçut le Dr Rose des
professionnels de la santé mentale traduisent cette affinité
entre les problématiques des psychiatries pénitentiaire et
asilaire. Les courriers publiés dans la revue professionnelle
Psychiatrie d'aujourd'hui présentent ainsi « les
psychiatres dans la prison » et « la prison chez les
psychiatres » comme deux dimensions complémentaires du
rôle « répressif » que la psychiatrie est
appelée à exercer en situation d'enfermement :
« L'ambiguïté du rôle des
"psy-" dans l'enceinte carcéral éclate alors : sous couvert
de présence scientifiquement fondée s'agit-il d'autre chose que
d'adapter le détenu aux conditions de sa peine ? Qu'il s'agisse du
dépistage des troubles mentaux ou du traitement des
décompensations caractérielles, l'intervention du psychiatre
semble avant tout destinée à contribuer au maintien de l'ordre
intérieur : asepsie psychique [...] Les manipulateurs du psychisme
ont pu, dès leur apparition, paraître des auxiliaires
précieux pour ce dessin : le licenciement guette ceux qui
tendraient à sortir d'un tel rôle » 383(*)
« L'Hôpital psychiatrique, quant à
lui, reste bien souvent un lieu de ségrégation et d'oppression,
et toute tentative thérapeutique y est illusoire. Le
Médecin-chef, par la position qu'il occupe, sert de garant à cet
état de choses. Son premier travail ne consisterait il pas à
dénoncer publiquement cette situation et à en rechercher les
causes ? ».
« Mais surtout il règne à l'asile
un "ordre moral" tout aussi contraignant que la camisole de force [...] Nous
pensons que ce survol rapide du psychiatre met l'accent d'une part, sur son
ambiguïté : mi-soignant mi-magistrat (il délivre les
certificats), d'autre part, sur la caution que son seul titre apporte à
des pratiques tout à fait scandaleuses. Il doit "soigner" sans
s'interroger sur l'origine de la demande, et quelle position alors il occupe.
Suffit-il qu'un psychiatre se révolte contre l'injustice de la
société, sa dureté ? Nous pensons que cela ne suffit
pas et qu'il doit dénoncer les conditions de sa propre pratique au moyen
- comme Mme Rose l'a fait - de documents, de témoignages,
d'enquêtes personnelles, dénoncer le rôle d'écran que
joue son personnage - au nom des soins médicaux- pour couvrir des
pratiques dignes de celles de la prison de Toul »
(Témoignage d'un psychiatre hospitalier, LM,
31/12/1971)
La déclaration du Dr Rose atteste ainsi aussi bien du
courant critique qui secoue alors l'ensemble du secteur psychiatrique que de
l'autonomisation croissante des psychiatres à l'égard de
l'Administration pénitentiaire. Apparaît alors pour la
première fois l'idée que les professionnels de santé
exerçant dans l'institution carcérale occupent une position
privilégiée leur permettant d'exercer un rôle de vigilance,
comme le suggère Gilles Deleuze, membre du GIP : « Un
mouvement se dessine actuellement, du côté de certains
représentants du ministère, et de certains dirigeants de
syndicats pénitentiaires, pour éliminer de la prison les
psychologues et les psychiatres comme autant de témoins
éventuellement gênants. Il importe au contraire que les
témoins gênants se multiplient, et que les psychiatres qui,
même hors des prisons, se trouvent confrontés aux
conséquences psychologiques de l'incarcération, participent de
plus en plus à la condamnation du régime pénitentiaire en
France »384(*). Après le Dr Rose, d'autres psychiatres
pénitentiaires enfreindront le devoir de réserve, le plus souvent
de façon anonyme, afin de dénoncer l'ambiguïté de
leur fonction : « En raison même de leur présence, les
psychiatres sont perçus comme ceux qui doivent prendre en charge des
sujets manifestant leur intolérance à un mode de vie qui leur est
imposé. Ainsi, l'intervention du psychiatre tend partiellement à
se substituer aux méthodes répressives »385(*).
Si certains font l'éloge de ce rôle de veille des
personnels soignants en prison, d'autres soulignent à l'inverse
l'ambigüité de leur position. Car le psychiatre ou le
généraliste n'en sont pas moins des membres à part
entière de l'Administration pénitentiaire à l'égard
de laquelle un devoir de réserve s'impose. Certes, désormais
« le docteur Rose, comme beaucoup d'autres médecins, n'est
plus décidée à se taire » (Témoignage
chrétien, 10/02/1972). Au témoignage de la psychiatre, les
journalistes opposent cependant le silence de son confrère
généraliste de la Centrale de Toul qui au nom du secret
médical refusa d'évoquer les bons de contention qu'il avait
signés et antidatés386(*) (L'Express, 20-26/12/1971).
Le silence adopté par l'essentiel du corps médical intervenant en
institution carcérale est interprété par certains
journalistes comme un aveu de culpabilité : « Les 240
médecins de la Pénitentiaire sont mal à l'aise. Et ils ont
mauvaise conscience. Ils savaient à peu près tout, car ils sont
les seuls à recevoir les confidences des détenus. Ils n'ont rien
dit [...] Qu'ont fait ces médecins ? Ils ont gardé leur
secret »387(*). La non-dénonciation par les
professionnels de santé de leurs conditions de travail est
présentée comme une approbation implicite du
« régime pénitentiaire », comme en atteste la
façon dont les propos de l'infirmière de Toul sont
restitués par ce journaliste :
« A Toul, il y a une tentative de suicide ou
d'automutilation par semaine. "Je n'appelle pas suicide la tentative d'un
détenu qui se taillade les poignets quand passe le gardien",
constate paisiblement Mme [...], unique
infirmière de 600 prisonniers. Elle ne se plaint
pas d'un surcroît de travail : "On dépense 80.000
à 100.000 francs par an pour les médicaments. Je suis bien
secondée par les gardiens, dit-elle. Il faut parfois six hommes pour
maîtriser un prisonnier en état de crise, alors la contention est
bien nécessaire..." ». (L'Express, 20-26/12/1971,
souligné par nous)
Même le Dr Rose ayant dénoncé les
pratiques de Toul n'est pas sans faire l'objet de critiques car « si
Mme Edith Rose a sonné l'alarme, après coup, elle n'a pas plus
songé que son confrère généraliste à alerter
le Conseil de l'Ordre » (L'Express, 17/01/1972). Cette
condamnation trop tardive fut également reprochée par le rapport
Schmelck à Edith Rose, seul le Comité Vérité Toul,
créé par Robert Linhart, ayant pris sa défense (LM,
11/01/1972). Certains militants du CVT jetèrent toutefois un regard
critique sur le rapport du Dr Rose qui, en déclarant que « les
détenus sont bien soignés sur le plan médical
strict », justifia une définition trop étroite selon
eux du soin médical : « Le "plan médical strict", c'est
la médecine de l'analyse, des appareils de mesure, des statistiques,
etc. Quant aux rapports humains avec le
détenu... »388(*).
Si les psychiatres ont été les premiers
professionnels de santé à se démarquer de l'Administration
pénitentiaire en prenant la parole publiquement, c'est non seulement
parce que la psychiatrie carcérale accède alors à une
première forme d'autonomie389(*) mais surtout parce que ce secteur disciplinaire
fut très tôt confronté aux enjeux éthiques
liés aux institutions fermées. Dès les années
soixante, dans le cadre de l'antipsychiatrie, est apparu un courant de
réflexion quant au positionnement du praticien à l'égard
de l'institution, dont sont largement restés à l'écart les
généralistes. Outre les « contraintes
structurelles », c'est-à-dire la capacité à
faire défection, la réaction des individus s'explique par
conséquent en partie par la culture du secteur professionnel dans lequel
ils s'inscrivent. La mobilisation des internes en médecine confirme ce
poids des normes culturelles dans la réaction de professionnels face une
situation d'insatisfaction. Leur contestation ne peut ainsi se comprendre sans
faire référence à la politisation des étudiants de
médecine survenue après Mai 68.
2. La contestation des internes de
la tutelle pénitentiaire, effet de la politisation des étudiants
de médecine après Mai 68
S. Troisier, Médecin-inspecteur de l'A.P :
« Il faut bien vous dire que nous avons fait à
l'Administration pénitentiaire des progrès considérables.
Il y a maintenant dans les services, que ce soit à Fleury-Mérogis
ou dans les hôpitaux de Fresnes ou des Baumettes, des services de pointe.
Il y a maintenant que ce soit pour la drogue ou que ce soit dans les services
médico-psychologiques, dans les prisons, des façons de soigner
admirablement nos détenus. Je tiens à défendre mes
médecins !»
J. Chancel : « Il y en a certains qui
accusent aussi de vos médecins... »
S. Troisier : « Oui... mais... ce ne sont
pas mes médecins qui accusent. C'est à dire que ce sont de jeunes
internes, parfois, qui parlent à tort et à travers de choses
qu'ils ne connaissent pas... »390(*).
Faute de personnel médical temps-plein,
l'Administration pénitentiaire favorise le recrutement
d' « internes », notamment dans les plus grandes
Maisons d'arrêt391(*). Faiblement
rémunérés392(*), ces internes, dont l'expérience n'est
pas reconnue pas le système hospitalier, ont d'importantes
responsabilités. Si cette situation ne diffère pas de leurs
confrères hospitaliers, elle implique cependant une charge de travail
considérable eu égard aux spécificités du milieu
pénitentiaire, notamment à l'occasion des gardes de nuit au cours
desquelles les agressions, les ingestions de corps étrangers ou les
suicides sont nombreux. Bien que légèrement plus tardive,
l'expérience de cet interne qui exerçait à
Fleury-Mérogis témoigne de la tension psychologique qui
régnait alors durant les nuits de garde :
« C'était assez angoissant d'être
réveillé en pleine nuit. La grosse angoisse au début,
c'est quand même... En journée vous avez les infirmières,
et Fleury-Mérogis c'est quand même une prison assez moderne et
structurée. Vous n'êtes pas seul quoi ! Et quand, j'allais
dire la nuit tombe, à dix huit heures, et que vous avez la
responsabilité quand même de l'ensemble des 4.500 personnes [...]
C'était quand même une grosse responsabilité, d'autant plus
que quand ça allait mal... Ben il faut faire vite et vous avez une
grosse responsabilité [...] Les pendus, c'était pas marrant
marrant. Moi, ça m'angoissait à l'idée de me dire on va
m'appeler à une heure ou deux pour aller voir un gars
pendu »393(*).
Les internes exerçant en milieu carcéral sont
ainsi confrontés à des responsabilités
disproportionnées au regard de leur faible reconnaissance. Une fois de
plus, le paradigme utilitariste ne suffit pas à rendre compte de la
forte mobilisation des internes. Les perspectives de carrière sont en
effet trop incertaines pour qu'ils aient une motivation suffisante à
l'action. La défection semble dans cette configuration le comportement
le plus probable. C'est pourquoi, on ne peut comprendre la mobilisation des
internes sans faire référence à leur culture
professionnelle, fortement imprégnée des récentes
révoltes étudiantes. Par la remise en cause des
hiérarchies hospitalo-universitaires, Mai 68 a été
à l'origine de nombreuses transformations au sein du secteur
médical français, particulièrement visibles chez les
jeunes praticiens394(*). Les événements de Mai ont
exercé une influence sur la trajectoire des médecins ayant
exercé en prison de deux façons. Ils semblent, tout d'abord,
avoir accéléré l'engagement d'individus qui y ont pris
directement part, tel Antoine Lazarus, et ils ont, en second lieu,
constitué une référence importante pour des
médecins plus jeunes ayant réalisé leurs études
dans un nouveau contexte.
Antoine Lazarus correspond à l'idéal-type de
l'étudiant-activiste pour qui Mai 68 a été un moment
charnière de sa carrière médicale. Dès le
début de ses études de médecine en 1960, alors qu'il a 18
ans, il participe au comité de rédaction de l'AGEMP encore tenue
par les « minos ». Son premier article où il
explique « qu'à salaire égal, les enfants
d'instituteurs et d'enfants d'ouvriers n'avaient pas la même
probabilité de faire des études » déplait au
comité de rédaction : « Mais moi je n'étais
pas dans la ligne ! Donc j'ai
démissionné ! »395(*). Il ne se situe pas sur
une ligne politique bien définie. Il approuve ainsi en 1958 la nouvelle
constitution gaulliste « avec un système qui fonctionne mieux
et qui soit plus dirigiste, ce qui ne me déplaisait absolument
pas ». Bien que sans appartenance politique ou syndicale, il est
immédiatement enthousiaste au vu des grandes manifestations qui ont lieu
en Mai sous ses fenêtres dans le quartier Montparnasse : « Moi,
je fais passer cela en priorité par rapport aux examens. J'avais
escaladé la statue de Balzac et je regardais la foule passer.
C'étaient des grandes manifs sans banderoles. La police charge à
Saint Germain. Il commence à y avoir des grands mouvements de
panique ». A la Faculté de médecine, « la
plupart des étudiants étaient en préparation de leurs
examens et donc ils étaient sans radio, sans télé... Ils
n'étaient au courant de rien ! ». Antoine Lazarus est de
ceux qui font voter la grève dès le 14 mai. Il est alors
élu délégué afin de représenter son
année au sein du C.A où il s'initie rapidement aux règles
régissant les assemblées générales :
« A cette époque, je n'étais
membre d'aucun syndicat. J'ai été élu
délégué de l'année pour représenter mon
année au comité d'action médecine [...] Je suis
resté des heures et des heures à écouter sans rien dire.
Je savais pas ce que c'était... Et puis à force d'écouter,
j'ai commencé à proposer des choses et à la fin, la
séance a duré vingt heures je crois, je me suis trouvé
à organiser tout le dispositif [...] C'était un immense
dispositif car au bout de quelques jours le comité d'action
médecine dirigeait trente mille personne. C'était une immense
ruche très bien organisée et extrêmement
efficace »
Antoine Lazarus voit alors dans ces événements
« un moment exceptionnel » afin de
« réformer médecine » : « On
pensait que les patrons hospitaliers faisaient mal leur boulot [...] Et puis il
y avait un système de pouvoir complètement passéiste,
très centralisé autour de la faculté de médecine.
Donc il s'agissait de casser tout cela [...] Il s'agissait de mettre en
place le plus rapidement possible des choses irréversibles ».
A travers de multiples contacts avec le cabinet d'Edgar Faure, il fait partie
de ceux qui participent à la réforme des études
médicales396(*). Même s'il se distingue de ceux qui y ont
« fait une carrière politique », les
événements de Mai ont largement influé sur la trajectoire
du Dr Lazarus. Ayant accédé soudainement à une certaine
notoriété au sein du secteur ou de la presse médicales, il
devient moniteur à la Faculté et exerce à Necker :
« Les leaders étudiants après 68 ont été
très en vedette. C'est comme ça qu'on m'a proposé trois
matières différentes ». Il poursuit
parallèlement un engament atypique en participant à la
création en 1970, aux côtés de Jean-Edern Hallier, du
journal pamphlétaire l'Idiot international par le biais duquel
il fait connaissance avec Michel Foucault. Il est également, au cours
d'une altercation fortuite, confronté pour la première fois de
façon directe à la violence policière et se trouve
inculpé pour troubles sur la voie publique avant d'être finalement
relaxé : « C'est une histoire où j'ai quand
même eu ma gueule en première page de L'Aurore
avec : "Un médecin essaye d'assassiner un agent de la force
publique" ».
Ce premier contact avec la Justice n'est peut-être pas
sans lien avec la demande qu'il effectue en 1971 afin de travailler en tant
qu'interne à la M.A de Fleury-Mérogis près de laquelle il
habite. Cherchant à se spécialiser en psychiatrie et ayant une
bonne expérience en réanimation, il est directement
confronté au mal-être des détenus : « Jamais
on avait vu autant de tentatives de suicides, de bras coupés [...] Moi,
j'avais à affaire à des gens qui étaient intubés
pour lesquels si je ne prenais pas une décision dans la nuit, ils
allaient mourir. J'ai passé des heures à recoudre ».
Dès les premières grandes révoltes de détenus, fin
1971, il s'interroge sur l'attitude à adopter face à des
pratiques qu'il réprouve : faut-il démissionner ou est-il
préférable de demeurer au sein de l'Administration
pénitentiaire pour mieux la critiquer ?397(*) C'est cette seconde
possibilité qu'il choisit:
« Si certains pensent qu'il ne faut pas faire
d'entrisme dans l'institution pénitentiaire, nous, nous avons choisi
d'être dedans. Nous y sommes sans cautionner pour autant, ce qui, dans
l'institution, est contraire à la loi [...] Si la hiérarchie
étouffe l'information et laisse la situation se pérenniser,
l'obligation de discrétion tombe »398(*).
C'est à partir de cette position éthique
qu'Antoine Lazarus participe au GIP à l'occasion de la rédaction
de la brochure portant sur Fleury-Mérogis. Il fonde en 1973 le Groupe
multiprofessionnel des prisons (GMP) afin de rompre l'isolement et le silence
imposé par la hiérarchie pénitentiaire399(*). L'« affaire
Mirval » atteste de la conception militante qu'Antoine Lazarus a de
son travail400(*). Le milieu carcéral n'est pour lui qu'un
champ de bataille se situant dans la continuité de la mobilisation de
Mai :
« Les analyses politiques qui nous avaient
permis d'agir sur le monde étudiant ou sur le contexte politique
étaient encore des outils disponibles pour analyser la prison, qui
était une sorte de caricature, de concentré du monde
extérieur mais plus facile à saisir et à faire bouger par
la contestation »401(*).
Les événements de Mai 68 ont exercé, on
en fait l'hypothèse, une certaine influence dans l'attitude des internes
pénitentiaires, que ce soit de façon directement biographique
comme pour Antoine Lazarus ou de manière indirecte sous la forme d'un
repère ou d'un symbole402(*). On peut effectivement observer que certains
étudiants en médecine exerçant en milieu carcéral
sont davantage enclins à exprimer leur mécontentement, d'abord
sous la forme de protestations individuelles puis, dans un deuxième
temps, de façon collective. Ainsi, à l'occasion des
révoltes de détenus, un ancien interne prend pour la
première fois la parole au sein de l'espace public. Charles Dayant,
ayant travaillé quatorze mois à la M.A de La Santé
adresse, suite à la suppression des colis de Noël en novembre
1971403(*), une
lettre au garde des Sceaux pour lui demander de revenir sur sa décision
:
« Les arguments humanitaires ne manqueraient
pas, mais c'est un langage d'ancien médecin à La Santé que
nous tiendrons. Il y a à La Santé deux tentatives de suicide par
nuit, en moyenne [...] Morts terribles, qui n'auraient d'ailleurs pas lieu si
votre administration avait ouvert à temps le dossier des psychiatres
[...] Nous réservons notre pronostic, mais on peut craindre que, en
cette nuit de Noël 1971, le nombre des tentatives de suicides n'augmente
[...] Combien de prisonniers, à l'heure du champagne, avaleront des
couteaux ou des clous, combien se perforeront les poumons avec des fils de fer,
se perceront la tempe ou se tailleront les poignets ? Toutes ces
pratiques, nous les avons vus à La Santé, tous les jours, et bien
davantage à Noël » 404(*).
Plusieurs éléments d'une première prise
de parole effectuée par un médecin au nom de sa profession
figurent dans cette lettre. L'auteur ne s'exprime pas en tant qu'humaniste,
comme l'ont fait au même moment certaines personnalités politiques
ou littéraires, mais en tant que professionnel de santé. La mise
en évidence des conséquences pouvant découler de
l'interdiction (« pronostic »), l'utilisation de la
première personne du pluriel traduisent ainsi l'appartenance de l'auteur
au corps médical. Mais surtout cette prise de parole s'appuie, outre des
convictions personnelles, sur un vécu professionnel qui donne à
voir le quotidien d'une prison (« Toutes ces pratiques, nous
les avons vus à La Santé »). Il s'agit bien en ce sens
d'un témoignage, certes personnel mais effectué au nom de
l'éthique médicale.
A plusieurs reprises, le Dr Dayant condamne dans la presse les
carences de la médecine pénitentiaire ainsi que sa subordination
hiérarchique au ministère de la Justice. Cette sollicitation
médiatique s'explique par l'ouvrage qu'il vient alors de publier et dans
lequel il relate son expérience à La Santé405(*). Peu de temps
auparavant, un autre interne pénitentiaire publiait un livre relatant
également le quotidien d'un praticien en prison406(*). Plus sensationnaliste,
Le Petit Paradis, en référence à l'Hôpital
de Fresnes où exerçait Marcel Diennet, connaît une plus
grande diffusion notamment par le biais de la publication de ses
« meilleures pages », particulièrement sur l'usage
de la contention, dans L'Express407(*). « Marcel Diennet, vos
révélations font un bruit certain. Elles résonnent dans
les antichambres des ministères. Vous avez frappé fort. Vous avez
frappé très fort », remarque Jacques Chancel dans une
émission radio consacrée à ce livre408(*).
Au-delà de leurs différences de style, ces deux
ouvrages ont pour point commun de dénoncer la logique de l'institution
pénitentiaire. Les retards liés aux fouilles et aux
procédures réglementaires sont présentés comme
autant d'« absurdités » face à l'urgence
médicale. Les deux internes dénoncent également
le rôle non-médical qu'ils sont contraints d'assumer en raison des
pouvoirs qui leur sont attribués, notamment par le biais des certificats
médicaux. Charles Dayant reproche ainsi à l'Administration
d'avoir conféré au praticien la capacité de permettre aux
détenus de pouvoir s'allonger dans leur cellule par le biais des
« bons de repos »409(*) : « Combien viennent pour me
demander ces précieux bons de repos qui donnent le droit d'être
allongé en dehors des heures réglementaires, et de rompre ainsi
les interminables journées assis, à n'attendre rien que la soupe,
que l'heure du parloir, étriqués dans leur vie
végétative »410(*). Le meilleur symbole du rôle
« pacificateur » attribué au médecin selon
ces deux internes serait la pratique de la contention qu'ils déclarent
refuser de prescrire :
« Moyen médical, la contention se
trouvait naturellement dévoyée par le désir du personnel
d'en faire un instrument punitif, ou dissuasif, en l'évoquant comme une
menace à n'importe quel rouspéteur poussé à
bout ». (« J'étais médecin à La
Santé », p.67)
« Comment ! Je ferme des cellules pleines
d'hommes, j'attache des gens ! Mais je suis pire qu'un geôlier qui,
lui, au moins, a l'excuse d'obéir à des ordres. C'est ça,
être médecin à Fresnes ? » (« Le
Petit Paradis », p.28)
Les auteurs portent également un regard critique sur la
collusion entre certains professionnels de santé et l'Administration
pénitentiaire. Marcel Diennet évoque ainsi une infirmière
fière de recenser sur un cahier toutes les économies qu'elle
réalise en diminuant par deux les prescriptions médicales, au
motif que l'« Administration est pauvre » (p.202). Charles
Dayant souligne la caution apportée par le médecin-chef au
fonctionnement médical de M.A de La Santé dont il ignore presque
tout : « Le docteur Julin passait chaque jour une dizaine de
minutes à la prison. C'est dire que son rôle était
symbolique et que, nécessairement, il ignorait beaucoup de choses de ce
service médical qu'il coiffait de son autorité »
(p.178). Enfin, les deux ouvrages soulignent longuement les nombreuses carences
de la prise en charge sanitaire des détenus (soins dentaires
quasi-inexistants, faible présence médicale, pharmacopée
et matériel d'auscultation limités). Au cours d'une
émission sur France-Culture, le Dr Diennet affirme qu'« aucun
hôpital public ou privé ne serait autorisé à
fonctionner dans les conditions de celui de Fresnes » 411(*).
Même s'il est bien sûr impossible de
déterminer l'impact précis de ces ouvrages ou de ces
déclarations auprès des militants de la cause
carcérale412(*), auprès des médecins intervenant
en prison413(*)
ou plus largement au sein du débat public414(*), il est probable qu'ils
aient participé à une prise en compte de la qualité des
soins en prison. L'avocat Jean-Marc Varaut, proche de Valéry Giscard
d'Estaing, écrit d'ailleurs à la même époque que
« le droit à la santé subirait dans les
prisons selon deux ouvrages récents Le Petit Paradis du docteur
Diennet, et J'étais médecin à La Santé du
docteur Charles Dayant de sévères
restrictions »415(*).
Mais au-delà de leurs effets, la publication de ces
deux témoignages traduit surtout un refus croissant de la part du
personnel sanitaire de « cautionner » la médecine
pénitentiaire et plus largement l'institution carcérale. Le
Petit Paradis et J'étais médecin à La
Santé décrivent la révolte de deux internes face
à l'univers pénitentiaire. Exposant tout le long du livre sa
colère, voire sa révolte, Marcel Diennet développe ainsi
progressivement une aversion pour la prison qui l'amène à
regretter qu'un détenu ait échoué dans sa tentative
d'évasion avant de défendre en conclusion un point de vue
abolitionniste : « Ce n'est pas d'une réforme qui
rafistolerait ce qui existe déjà, dont nous avons besoin. Il
faudrait remettre en question LA DETENTION, afin d'aboutir à la
suppression des prisons de 1971 » (p.305). Bien sûr cette
remise en cause n'est le fait que d'une minorité de praticiens. En
atteste le démenti apporté par les « médecins,
chirurgiens et infirmières de l'hôpital central des prisons de
Fresnes », parmi lesquels Georges Fully, lors de la parution du
Petit Paradis décrit comme un « récit
tendancieux et inexact mettant en cause leur fonction et leur conscience
professionnelle »416(*).
Bien qu'on ne dispose presque d'aucun élément
biographique sur eux, il est possible que la prise de parole de ces deux
internes soit liée en partie à une politisation des
étudiants de médecine apparue durant les
« années 68 ». On en tient pour preuve les
spécificités de leur trajectoire. Avant son expérience en
prison, Charles Dayant avait consacré son sujet de thèse à
la mise en oeuvre de la loi Neuwirth sur la contraception qui était
alors un sujet délicat417(*). Mais surtout, il publie deux ans après
son premier ouvrage un Plaidoyer Pour Une
Antimédecine418(*). Il y défend l'idée que la hausse de
l'espérance de vie n'est pas tant le fait des progrès
médicaux que de l'élévation du niveau de vie419(*). Il défend
l'idée d'une médecine sociale, ayant une approche globale de la
personne, à l'encontre d'une vision trop biomédicale. Marcel
Diennet, pour sa part, exerça au Biafra en 1968 dans le cadre de la
Croix Rouge, « une autre sorte de Biafra » observe-t-il.
Après la soutenance de sa thèse consacrée aux plans de
lutte contre la poliomyélite en pays intertropicaux, et pendant laquelle
il exerce à Fresnes, il part à Saigon en 1971 tant que
médecin coopérant où il crée une
fondation-hôpital pour le traitement de la poliomyélite qu'il
raconte dans un livre420(*).
En dehors de ces deux praticiens, la contestation de
l'organisation des soins en prison par les professionnels de santé est
au début des années soixante-dix le fait de jeunes internes
exerçant dans les grands établissements d'Ile-de-France
désireux de faire connaître leurs conditions de
travail421(*).
Ils à l'origine de plusieurs publications critiques dans des revues
médicales. Un interne de La Santé décrit ainsi le
déroulement de la consultation : « L'après midi a
lieu la consultation de médecine générale ; 40
détenus environ de 16h à 18h. Il faut aller très
vite : déshabillage, rhabillage, distribution de médicaments
se font dans la même pièce »422(*). Derrière les
multiples contraintes qui leur sont imposées, ces jeunes médecins
dénoncent la tutelle exercée par l'autorité judiciaire. En
attestent les propos de cet autre interne de La Santé :
« L'interrogatoire [...] réduit la
pratique à celle d'un vétérinaire [...] L'examen
proprement dit est réduit au minimum, car le temps manque [...] Alors on
va plus vite, toujours plus vite. [...] Ce qui se dégage de toute cette
pratique, c'est que la médecine n'est pas exercée par les
médecins, mais dictée par l'administration
pénitentiaire : comme le montre la description de cette
consultation, chaque pas de la démarche médicale est
limité, contrôlé, déterminé par
l'administration pénitentiaire »423(*).
Sans pour autant toujours se désolidariser de leur
autorité de tutelle, plusieurs internes regrettent le rôle qui
leur est imparti en milieu carcéral. Un interne de Fleury-Mérogis
remarque ainsi que « l'administration et le personnel de surveillance
reportent sur eux de nombreuses responsabilités, les médecins
étant bien souvent vécus par l'administration comme des
"arrangeurs" »424(*). De façon similaire, un interne de la
M.A de La Santé regrette la fonction d'alibi que remplit la
présence médicale en milieu carcéral
: « L'administration [...] se paie de quoi constituer une
couverture d'humanitarisme aux yeux du public. Les médecins en prison ne
peuvent garantir la santé des prisonniers, mais permettent à
l'administration de maintenir le silence sur la question
sanitaire »425(*). Ainsi, au-delà de leurs conditions de
travail, la prise de parole (voice) des internes semble reposer sur un
refus de l'institution carcérale, en tant que milieu
« pathogène » jugé incompatible avec leur
vocation soignante. En témoignent les propos de cet interne
publiés dans Le Monde :
« Mieux je fais mon métier et plus mal je
le fais. Si je fais en sorte qu'il y ait moins de dépressions nerveuses,
si par des soins appropriés je limite le nombre de suicides, si je
m'évertue à trouver des places en milieu hospitalier pour qu'y
soient accueillis des détenus qui, chaque jour, (ou chaque nuit) font
des perforations intestinales après avoir absorbé, qui un
couteau, qui des morceaux de verre, j'assure la fonction de médecin qui
est la mienne. Mais, ce faisant, mon action retarde le pourrissement, donc
l'effondrement d'une institution qui, précisément,
sécrète ce que je suis appelé à
soigner »426(*).
A une protestation individuelle s'ajoute une contestation de
nature collective. En novembre 1972, trois internes de La Santé
démissionnent427(*). En février 1973, vingt-cinq internes de
tous les établissements franciliens initient une grève pour
protester contre leurs conditions de travail428(*). A chaque reprise, ces
jeunes médecins incriminent le manque de considération dont ils
souffrent dans leur pratique quotidienne : « Le
médecin-chef n'a pas pensé à les déléguer
à la Commission d'application des peines où il n'a pas le temps
de se rendre ; les experts médecins ne les consultent jamais ;
le courrier que leur adressent les détenus est ouvert :
l'infirmière chef change parfois leurs prescriptions ; ils n'ont
plus accès à la pharmacie centrale ; ils n'obtiennent jamais
un achat matériel lorsqu'ils le demandent... » (Le
Figaro). La « sous-médecine » que
dénoncent de même les internes grévistes est
également critiquée du point de vue de l'éthique :
« On a essayé de nous faire croire qu'il existe une
déontologie pour les prisonniers différente de la
déontologie à l'égard des hommes libres. Cela nous ne
pouvons pas l'accepter » (Le Monde). Les grévistes
refusent ainsi que leur pratique médicale soit entravée par de
« multiples règlements » de nature
pénitentiaire. C'est enfin la question de la finalité de
l'exercice médical en institution carcérale que soulèvent
les protestataires. Relevant les limites de leur action, ils refusent que leur
présence puisse servir de caution afin de légitimer le principe
de l'incarcération (« Nous avons l'impression d'être
là pour que les gens du dehors aient bonne conscience, pour qu'ils
puissent se dire que les prisonniers sont bien soignés »
relèvent les démissionnaires) voire même les abus de
l'Administration. Les internes démissionnaires protestent ainsi contre
le statut d'« auxiliaire de justice » qui fait d'eux les
« complices » d'une institution répressive :
« Nous sommes des portes-seringues, des laquais médicaux. On
nous rend complice d'un système. On demande seulement au médecin
de venir avec son arsenal de produits pharmaceutiques. Bien sûr, ce sont
d'abord les tranquillisants de toutes sortes. Pas de vagues, il faut calmer les
choses. Nous servons de parapluie à l'administration » (Le
Figaro).
L'émergence d'un segment d'internes protestataires au
début des années soixante-dix s'explique en partie par les
contraintes structurelles qui pèsent alors au sein du ministère
de la Justice. Toute contestation interne est quasi-impossible comme en
attestent les congrès de médecine pénitentiaire (Cf.
Encadré). Au-delà de cette absence d'opportunité de
pouvoir contester l'institution en son sein, l'apparition de ce segment
spécifique des internes pénitentiaires est à mettre en
lien avec les transformations qui affectent le groupe professionnel des
médecins pénitentiaires.
L'exercice médical en prison fut longtemps le seul fait
de médecins libéraux plutôt âgés. Les internes
apparaissent en milieu carcéral dans les années soixante à
la demande de Georges Fully. Leur rôle est défini par un
règlement le 17 juillet 1962. La difficulté à recruter des
généralistes libéraux contribue progressivement à
faire des internes la cheville ouvrière des principales prisons,
notamment en Ile-de-France. Ce dispositif aurait même connu un
succès croissant au sein des facultés, la demande étant
supérieure au nombre de postes disponibles, du fait que le recrutement
des internes pénitentiaires ne s'effectue pas, contrairement au milieu
hospitalier, sur concours mais sur titres429(*). Affectés pour une durée de
quatre ans, les internes sont chargés de substituer le plus souvent le
médecin-chef rarement présent. Si la journée ils peuvent
s'appuyer sur le personnel paramédical, ils doivent en revanche faire
face la nuit à de nombreuses urgences sans pouvoir faire appel à
un médecin de garde : « Dès 7 heures du soir et
jusqu'à 7 heures du matin, l'interne est seul pour une population
importante et le nombre des appels est considérable. On peut être
dérangé 20 à 25 fois. Que faisons-nous ? Si un
détenu est énervé, avec plus de temps nous lui parlerions
et nous arriverions à le calmer, mais comme ce n'est pas le cas, nous
lui donnons du Valium ou du Tranxène. Et nous piquons et nous
cousons », déclare un interne dans le cadre du cours de
médecine pénitentiaire430(*).
UNE PRISE DE PAROLE INTERNE
DIFFICILE : L'EXEMPLE DU CONGRÈS DE MEDECINE PENITENTIAIRE DE
STRASBOURG DE 1972
A mesure que les prisons deviennent un sujet
d'actualité, les rencontres entre praticiens pénitentiaires sont
l'objet d'une forte médiatisation qui amène l'Administration
à effectuer un contrôle minutieux sur leur déroulement.
Toute contestation interne apparaît de plus en plus difficile. En
attestent les Quatrième journées de médecine
pénitentiaire qui ont lieu à Strasbourg en décembre 1972.
Par le biais de plusieurs dispositifs (présidence tenue par le Directeur
de l'Administration pénitentiaire lui-même, huis-clos
imposé par le ministère, non-présence d'un
secrétariat de séance), le ministère de la Justice veille
à ce que rien du congrès ne puisse filtrer vers
l'extérieur : « Concertation, confrontation, oui. Mais
à portes fermées, loin du public : on avait "oublié"
d'apporter un magnétophone et aucune sténo n'avait
été recrutée pour prendre en note les débats !
Les journalistes, confinés dans la salle de presse, en étaient
réduits au système du micro clandestin. De cette façon,
rien ne pouvait être rapporté sans qu'il soit possible d'en
contester la véracité » (L'Express,
11-17/12/1972). En dépit de « la clandestinité dans
laquelle le ministère de la Justice a tenté de confiner ces
débats » (LF, 4/12/1972), certains praticiens tentent
d'exprimer leur mécontentement comme en attestent les propos d'internes
(« Nous ne voulons pas être des
médecins-alibi ») ou encore le mot du Dr Petit,
chirurgien-chef à l'Hôpital de Fresnes, reproduit dans plusieurs
journaux : « Ce que nous faisons c'est adapter les prisonniers
au système carcéral, au lieu de tenter de réadapter les
délinquants à la société » (LM,
5/12/1972).
« A Strasbourg, les médecins ont tous fait tour
à tour leur constat d'impuissance », note Le Figaro.
Les problèmes les plus délicats sont cependant
évités comme par exemple la distribution des médicaments
par les surveillants qui, selon un interne, « fut très vite
"escamoté" par les "éminentes personnalités" en
place » (Libération, 6/02/1974). A la
velléité des jeunes internes s'oppose la prudence des
médecins les plus expérimentés. Un interne de La
Santé, Christophe Dejours431(*), dénonçant l'obligation des
médecins pénitentiaires à assister aux exécutions
capitales s'est ainsi vu rappelé à l'ordre par l'un de ses
« aînés » : « Le "Vous n'auriez
pas du dire cela" d'un de ses confrères exprime bien la maladie du
système pénitentiaire », observe un journaliste
(L'Express, 11-17/12/1972). Un groupe d'internes, poussés par
Georges Fully en sous-main, arrive néanmoins à faire adopter une
motion réaffirmant, outre le manque de moyens, l'autorité du
médecin pénitentiaire : « Les médecins
présents déclarent que la personnalité et la santé
d'un détenu ne sont pas seulement du ressort de l'Administration
pénitentiaire mais de celui du corps médical et du
ministère de La Santé et, en dernier recours, d'une
responsabilité collective [...] Ils réaffirment leur
indépendance professionnelle et leur choix délibéré
d'assister leurs malades dans le respect de la déontologie
médicale traditionnelle »432(*). Tandis que la
volonté du ministère de la Justice d'imposer un huis-clos semble
paradoxalement favoriser la médiatisation du congrès,
l'Administration instaure dans les prochains congrès un contrôle
plus discret rendant impossible l'émergence de toute contestation
interne et d'autant plus probable la défection ou la prise de parole
externe.
Les médecins titulaires étant également
confrontés à de nombreuses contraintes, les conditions de travail
des internes ne suffisent cependant pas à rendre compte de leur
mobilisation. En dehors de la dimension générationnelle, trois
autres raisons peuvent être invoquées. Contrairement aux
médecins pénitentiaires, toujours isolés, les internes
disposent tout d'abord de l'opportunité de confronter leurs
expériences et d'établir des actions communes, le
réfectoire semblant à cet égard disposer d'une importance
stratégique433(*). La plupart de ces internes ont en outre,
deuxième raison, exercé leurs fonctions alors même que la
prison fut l'objet d'une importante contestation sociale, se sentant ainsi
peut-être plus directement remis en cause. Les internes
pénitentiaires sont, troisième raison, d'autant plus enclins
à dénoncer les conditions d'exercice en milieu carcéral
qu'ils souffrent d'un statut hybride et d'une faible perspective de
carrière. Le manque de formation dont ils disposent, mais surtout
l'absence de reconnaissance de leur expérience par les hôpitaux
publics, rend difficile leur carrière, même à
l'hôpital des prisons de Fresnes : « Les chefs de service
étant vacataires, il n'y pratiquement pas d'enseignement (ni
théorique, ni pratique). Un interne nommé sur concours ne viendra
jamais dans un hôpital où il n'y a ni assistant chef de clinique,
ni chef de service temps plein ou mi-temps, donc aucune formation à
espérer »434(*). Les internes souffrent, enfin, d'une faible
rémunération au regard de leur
responsabilité435(*) ce que confirme la principale revendication
défendue par les internes dans leur lettre de préavis de
grève adressée au ministère de la Justice :
« Il y a une grande ambiguïté dans le
statut qui nous régit, c'est ainsi qu'il y a une dissociation assez
choquante entre le travail que nous fournissons et nos émoluments [...]
C'est pourquoi nous demandons une revalorisation de notre fonction d'internes
pénitentiaires, détachée de toute corrélation
financière avec les grades d'internes des hôpitaux
dépendant du Ministère de La Santé. Il nous semble qu'un
traitement mensuel de 1 800,00 francs serait une base raisonnable de
discussion, sachant qu'un surveillant stagiaire de vingt ans ou qu'une femme de
ménage de l'Administration pénitentiaire débutent à
1 200,00 francs »436(*).
Le mouvement de contestation des internes peut ainsi
être interprété comme l'apparition d'un segment
protestataire interne à la profession de médecin
pénitentiaire. Ils défendent une représentation distincte
de l'exercice médical en institution carcérale davantage autonome
de l'Administration. La création en janvier 1975 d'un syndicat
d'internes de médecine des prisons, que le Syndicat des médecins
de prison n'aurait pas voulu accueillir en son sein, confirme
l'institutionnalisation de ce segment437(*). Ce syndicat défend trois
objectifs : « la défense de la profession des internes
des prisons », « l'amélioration des conditions de
travail médical en milieu pénal » et
« l'étude des problèmes généraux de la
santé en prison et de la condition pénitentiaire ». Le
Dr Gonin voit aujourd'hui dans la création de ce syndicat et la
contestation de ces internes un renouvellement salutaire des praticiens,
beaucoup ayant perdu leur attitude contestataire face à l'inertie qui
caractérise l'Administration pénitentiaire :
« Certains [internes] étaient très
virulents. Ce qui était intéressant c'est que ça
renouvelait la sève des contestataires. On s'affadit forcément
dans une lutte qu'on pense sans grands espoirs. Parce que le changement en
prison a tellement été lent, qu'on ne l'a jamais bien vu. Alors
que les internes qui découvraient l'univers carcéral, ça
faisait un choc. La plupart du temps, ils ont été plutôt
revendicateurs et nous trouvant insuffisamment
protestataires » 438(*).
La mobilisation des internes semble bénéficier
d'un certain succès puisque, d'une part, certains journalistes prennent
acte de l'autonomisation croissante des internes à l'égard de
l'Administration439(*) et puisque, d'autre part, une revalorisation de
leur statut est adoptée : l'arrêté du 1er
février 1974 aligne la rémunération des internes sur celle
des centres hospitaliers régionaux minorée de 20%440(*), le nombre d'internes
passant de vingt-six en 1973 à trente-quatre en 1976441(*). Mais cette apparente
consécration des internes ne doit pas masquer les pressions qui
s'exercent à leur encontre. Leur nomination qui était
jusque-là sine die devient par exemple à partir de 1974
renouvelable chaque année. C'est pour échapper à tout
contrôle qu'au-delà de leur revalorisation, les internes
exerçant en prison revendiquent une nouvelle considération de
leur pratique médicale. En atteste cette thèse de
médecine : « Pourquoi l'interne doit-il rendre compte de
mesures médicales au directeur de l'établissement alors que
l'article 3 [du règlement du 17/07/1962] précise que la
subordination de l'interne au directeur est administrative [...] Dans l'esprit
du règlement, l'organisation du service médical et les
décisions de tous ordres appartiennent à l'administration et les
médecins sont là pour obéir... »442(*). Parce qu'elle se situe
au croisement de revendications matérielles et d'un mouvement
identitaire, la contestation des internes traduit l'émergence d'un
segment davantage contestataire au sein des médecins
pénitentiaires.
__________________________________________________
Si elle résulte probablement en partie d'une prise de
conscience individuelle consécutive au débat public engagé
sur les conditions de détention, la dénonciation que font
certains praticiens de leurs conditions de travail est également la
conséquence de la mise en cause dont la médecine
pénitentiaire fait l'objet dans la presse. L'ouverture d'une
fenêtre médiatique permet aux professionnels désireux de
s'exprimer de publier leur témoignage. Certains dénoncent
publiquement des pratiques connues des professionnels depuis longtemps mais
jugées pour la première fois
« intolérables ». Les enjeux de pouvoir de ce qui
était considéré jusqu'à présent comme un
dispositif purement médical sont désormais saillants,
conformément à l'ambition du GIP. Cette politisation de la
médecine pénitentiaire est manifeste à travers l'exemple
de l'usage de la ceinture de contention, dont le Médecin-inspecteur
relevait déjà les risques en 1967 : « L'usage des
moyens de contention destinés aux agités ne devait être
employé que dans des cas exceptionnels et avec la plus grande
circonspection [...] Une contention excessive ou trop longtemps maintenue peut
aller jusqu'à entraîner la mort chez des sujets en état de
grande excitation »443(*). Inconnue du grand public, la pratique de la
contention n'est dénoncée par des médecins
pénitentiaires qu'après le témoignage du Dr Rose,
notamment avec les ouvrages de Charles Dayant et de Marcel Diennet.
Preuve du lien entre mouvement de remise en cause et prise de
parole, cette dénonciation est le fait d'autres professionnels de la
prison ou de la Justice. « Heureusement, beaucoup de gens sont
aujourd'hui décidés à témoigner, malgré les
sanctions qu'ils encourent : médecins, visiteuses, assistantes
sociales, éducateurs, aumôniers, salutistes, détenus et
même surveillants, avocats, juges et policiers », remarque le
CERFI444(*).
Témoins de la dégradation des conditions de détention,
tous ceux qui interviennent au contact des détenus sont en fait
confrontés à la question que formule ici le secrétaire
national du Syndicat national des éducateurs pénitentiaires
(SNEPAP) au président de l'association des JAP :
« Si les éducateurs du milieu
fermé ne se sentent pas, à juste titre, responsables de cette
évolution qu'ils déplorent, ils se sentent par contre
concernés lorsqu'ils assistent, comme c'est le cas depuis la
tragédie de Clairvaux, à un durcissement du régime
pénitentiaire qui s'apparente plus à une répression
brutale et aveugle qu'à une stricte application des consignes de
sécurité. Nos collègues se trouvent alors devant un cas de
conscience. Doivent-ils informer les autorités judiciaires des abus
caractérisés dont ils sont parfois les témoins au risque
de mettre en cause leurs responsables hiérarchiques ? Doivent-ils
au contraire se taire et se rendre ainsi tacitement complices des faits qui en
d'autres circonstances seraient réprimés par la
loi ? »445(*).
Bien sûr, toutes les catégories professionnelles
réagissent de façon distincte. Les surveillants sont les plus
réticents à mettre en cause l'état des prisons, notamment
du fait de la hiérarchie et du corporatisme qui s'exerce au sein de
l'Administration pénitentiaire. En octobre 1971,
un surveillant-chef de Fleury-Mérogis témoigne cependant des
conditions d'incarcération (La Marseillaise de l'Essonne,
7/10/1971). En janvier 1972, un surveillant de Toul accepte de
dénoncer l'usage de la ceinture de contention : « J'ai vu des
types ainsi ligotés pendant plus de huit jours. On ne les
détachait même pas pour manger, ni pour le reste. Quand on allait
les nourrir, à la cuillère, on n'était pas très
fiers »446(*). Les éducateurs sont, à
l'inverse, les premiers et les plus virulents dans la contestation du
« régime pénitentiaire ». D'une façon
similaire aux internes, certains éducateurs décident de
démissionner afin de mieux pouvoir dénoncer leurs conditions de
travail, jugées contraire à leur mission. C'est par exemple le
cas de cette éducatrice : « Accepter de servir un
système dont on ne peut ignorer les carences et les abus, c'est apporter
sa caution individuelle à une immense hypocrisie [...] Tout membre du
personnel de la Pénitentiaire ne peut se maintenir en poste qu'à
la stricte condition de cautionner par sa soumission et sa passivité la
seule politique qui soit réellement appliquée dans le contexte
social actuel : celle de l'intimidation, puis de la
répression » (Journal des prisonniers, n°13,
01/1974, p.3). Mais surtout, et ce contrairement aux médecins, les
éducateurs développent très rapidement une
réflexion, voire une protestation collective quant à leurs
conditions de travail, notamment sous la houlette de leur syndicat national, le
SNEPAP447(*).
Cette virulence contraste avec la modération alors adoptée par
les hautes instances de la médecine pénitentiaire : le
Syndicat des médecins de prison n'adopte aucune position officielle
tandis que les praticiens les plus reconnus demeurent relativement discrets,
quand ils ne prennent pas ouvertement la défense de l'Administration
pénitentiaire. Les psychiatres apparaissent en revanche davantage
enclins à remettre en cause leur autorité de tutelle. Mais c'est
surtout de la part des internes qu'émerge le mouvement de protestation
le plus virulent parmi les professionnels de santé, allant notamment
jusqu'à la grève et la démission.
Ainsi, bien que confrontés à des
difficultés semblables (faible rémunération, manque
d'effectifs, contraintes sécuritaires), les professionnels intervenant
en détention adoptent des démarches plus ou moins revendicatives
à l'égard de l'Administration pénitentiaire dont on peut
rendre compte selon les normes et la structuration de leur secteur
professionnel d'origine. La prise de parole relativement précoce des
psychiatres pénitentiaires s'explique, par exemple, par le
développement depuis la fin des années soixante d'une
réflexion critique sur le rôle des professionnels de la
santé mentale, notamment au sein des institutions fermées. De
même, la contestation engagée par les internes
pénitentiaires peut être comprise au regard de la politisation du
secteur médical survenue suite à Mai 68. Enfin, on peut rendre
compte de la virulente réaction des éducateurs par la
politisation qui se développe dans le secteur professionnel du travail
social alors en voie de constitution448(*). De nouveaux travailleurs sociaux, issus en
grande partie de la génération de Mai 68, remettent alors en
cause la fonction de cette catégorie professionnelle en voie de
constitution notamment au sein du Groupe d'information des travailleurs sociaux
(GITS). Leur revue, Champ social, accorde d'ailleurs une large place
au rôle des éducateurs en prison, notamment après
l'« affaire Escrivan »449(*) ou
l'« affaire de Besançon »450(*) toutes deux survenues
fin 1971. C'est, par conséquent, dans le cadre d'une forte politisation
que certains travailleurs sociaux remettent en cause l'institution
carcérale. En atteste le témoignage de cette
éducatrice : « Si nous pensons que notre travail est
à faire, dans une perspective de lutte des classes, qu'il n'y a pas
d'autre solution, puisque même le replâtrage des injustices est
inutile, nous en arrivons à soutenir sans réserve la
révolte des prisonniers [...] C'est tout le système
carcéral qui doit être aboli »451(*).
Sans ignorer les spécificités du milieu
carcéral, la réaction des professionnels exerçant en
détention face au « scandale des prisons » doit
ainsi être restituée dans le cadre de la culture spécifique
à chaque secteur professionnel qui conditionne en partie la propension
à se désolidariser de son autorité de tutelle. Le
témoignage des praticiens n'est ainsi probablement pas sans lien avec
les transformations qui ont lieu au sein du secteur médical. A mesure
que s'érigent les instances de régulation de la médecine
libérale, la médecine salariée est confrontée
à des interrogations de plus en plus fortes sur sa déontologie et
quant à la nature de la relation hiérarchique qui
s'établit avec son employeur. La multiplication de témoignages de
praticiens salariés, notamment en matière de médecine du
travail, peut-être interprétée comme un mouvement croissant
d'autonomisation de cette forme d'exercice de la médecine assez peu
valorisée au sein du secteur médical452(*). Le cas des praticiens
de prison est un exemple de cette professionnalisation de la médecine
salariée.
L
ongtemps demeurées silencieuses ou inaudibles, les
prisons françaises font irruption au début des années
soixante-dix au coeur de l'actualité médiatique sous le coup de
la mobilisation de détenus gauchistes mais surtout d'associations, dont
GIP, ayant pour but de rendre intolérables les conditions de
détention. Relayés par la presse, les militants de la cause
carcérale rendent public les injustices dont souffrent au quotidien les
détenus, notamment en matière de prise en charge médicale.
Le manque de moyens ou le rôle ambigu des praticiens à
l'égard de l'Administration pénitentiaire sont pour la
première fois condamnés. Mais cette critique n'est plus seulement
le fait de personnes politisées mais de professionnels de la prison ou
du monde judiciaire souhaitant dénoncer le « scandale des
prisons ».
Jusque-là absents de la représentation de
l'institution carcérale, les personnels de santé intervenant en
milieu carcéral accèdent alors à un début de
reconnaissance au sein de l'espace public. Ils sont désormais parfois
cités comme des professionnels à part entière de la
question pénitentiaire : « Avec le médecin,
l'infirmière, l'assistante sociale, l'aumônier, le visiteur,
le surveillant travaillent à remettre sur pied l'homme qui paie sa
dette à la société, quand celui-ci veut se
relever » (La Croix, 26/09/1971). A travers la presse
s'affirme peu à peu la spécificité du regard
médical en détention453(*). Mais outre le rôle social des praticiens
en prison, les journaux font surtout état du délabrement du
dispositif sanitaire carcéral. Il est ainsi fréquemment fait
mention du manque de personnel sanitaire, de la faiblesse des
rémunérations ou plus largement du peu de moyen dont disposent
les médecins exerçant en institution pénitentiaire. En
attestent ces quelques extraits de presse :
« Mal payés - de 12 à 40 francs
l'heure - ils sont [...] assistés de soixante-dix infirmières
plus ou moins fictives. A Fresnes, l'infirmière de nuit a la
responsabilité de 130 "bonshommes". Et il y a, dans les divisions de la
prison, au moins 150 malades graves - diabétiques, cardiaques,
toxicomanes, laissés "aux seuls soins des matons" »
(L'Express, 24/01/1972).
« Pour les deux mille détenus de la
Maison d'arrêt parisienne [La Santé], le service de
médecine générale se limite à trois internes
"chapeautés" par un médecin-chef qui possède un cabinet
à l'extérieur et vient à la prison une à deux
heures par jour [...] Les instruments de travail du médecin sont
simples : une clef, un crayon, un cahier [...] De trente à quarante
personnes attendent ainsi chaque après-midi à la porte du
"cabinet médical" : une pièce de quatre mètres sur
quatre, meublée d'une table, de deux chaises, d'un lit bas et d'un
évier, plus deux armoires à médicaments. Le
matériel : un appareil à tension et un
stéthoscope ; le marteau à réflexes a disparu depuis
six mois...» (Le Figaro, 30/11/1972).
« Impossibilité de constituer des
dossiers médicaux suivis pour les détenus, impossibilité
d'assurer un dépistage sérieux des maladies contagieuses,
infirmeries manquant de personnels qualifiés : tels sont les signes
généraux de la pénurie des prisons en équipement
médical » (LM, 5/12/1972).
« Les médecins de prison, qui auraient un
rôle important à jouer, sont en bien trop petit nombre pour
pouvoir essayer de faire réellement leur travail [...] Pour une
population pénitentiaire de 33.000 détenus, il n'y a que 250
médecins pour des salaires dérisoires. Obligés de voir
soixante consultants en deux heures, soit exactement cent vingt secondes par
malade, les médecins de prison se bornent à distribuer les
somnifères qui selon la formule d'un interne de la prison de la
Santé "calment en même temps que le détenu, la conscience
de tout le monde" » (Témoignage Chrétien,
22/02/1973).
La citation des propos de cet interne de La Santé
rappelle que la description des carences de l'organisation des soins n'est pas
seulement le fait de la presse mais également d'internes protestataires
ou de rares médecins pénitentiaires. C'est d'ailleurs de
« médecins de l'impossible » que l'organisateur des
Journées de 1972, Robert Durand de Bousingen, qualifie en introduction
du congrès les praticiens travaillant en milieu
carcéral454(*). Le responsable de l'organisation sanitaire des
prisons de Lyon, Marcel Colin, reprendra cette appellation pour ajouter que les
médecins, en tant que « témoins impuissants de cette
absurdité, peuvent être qualifiés de "médecins de
l'absurde" »455(*). « On a vraiment l'impression de
faire de la médecine à Fresnes comme on fait du vélo avec
des roues carrées », déclare Marcel Diennet au micro de
Jacques Chancel456(*). « Le médecin
pénitentiaire est coincé entre le plan légal, le code de
déontologie et l'administration pénitentiaire »,
souligne plus sobrement Georges Fully lors du congrès de
1972457(*). La
position délicate du Médecin-inspecteur mérite
d'être soulignée.
Georges Fully a oeuvré dès le début des
années soixante pour une meilleure reconnaissance des praticiens
exerçant en milieu carcéral. Il a pour cela tenté
organiser quelques congrès et créé un premier enseignement
de médecine pénitentiaire. Il milite, d'autre part, en faveur de
la rédaction d'un statut pour ces praticiens afin que les conditions
dans lesquelles leur responsabilité puisse être mise en cause
soient clairement définies. En faisant valoir les contestations dont les
praticiens sont l'objet, le Médecin-inspecteur obtient qu'un statut soit
adopté en juillet 1972 mais celui-ci sera sans effets réels (Cf.
Encadré). Il s'appuie sur le segment d'internes protestataires pour
faire adopter lors du congrès de décembre 1972 une motion dans
laquelle les praticiens « réaffirment leur indépendance
professionnelle et leur choix délibéré d'assister leurs
malades dans le respect de la déontologie médicale
traditionnelle »458(*). Georges Fully tente enfin à quelques
reprises de se démarquer de l'Administration pénitentiaire par
des déclarations qui lui sont reprochées459(*). Du fait de son
passé, le Médecin-inspecteur bénéficiait au sein de
la Pénitentiaire d'une certaine aura, relève le Dr Gonin membre
de l'équipe lyonnaise dont Georges Fully était proche :
« Il était souvent en porte à
faux... mais il avait une représentativité quoi ! Il avait
ce statut du déporté ! Il avait cette honorabilité
là et on n'était encore pas très loin des témoins
de la guerre. Ça a beaucoup joué. C'était quelqu'un qui
était écouté et je crois que sa position était plus
nuancée que j'aurais voulu... Je crois que c'était
très difficile quand même pour lui. Si on m'avait proposé
son poste, je ne l'aurai jamais accepté. Je crois qu'il voulait
être utile »460(*).
Le regard que porte Daniel Gonin sur l'action de Georges Fully
traduit l'ambiguïté du de ce dernier. S'il tente d'assurer en
interne l'autonomie des praticiens qu'il défend, le
Médecin-inspecteur incarne au sein de l'espace public une certaine
compromission du fait de son appartenance à la DAP. Le constat que
dresse le Dr Fully lors de la mutinerie de Toul est ainsi
interprété par un journaliste comme un aveu d'impuissance :
« "Il a fallu Toul, dit le Dr Fully, pour que je
découvre qu'un médecin pouvait signer des bons de contention de
quatre jours, après coup, sans penser que l'Administration
pénitentiaire lui faisait commettre ainsi une faute inadmissible" [...]
Le Médecin-inspecteur, pour sa part, reconnaît que lui-même
n'inspectait pas souvent : faute de temps et de moyen. Au surplus, il
n'aurait pas eu la possibilité d'intervenir sans être
alerté par les médecins eux-mêmes. Attendre que
l'illégalité soit dénoncée par ceux-là qui
la commettent... On ne peut guère imaginer de cercle plus
vicieux » (L'Express, 17/01/1972).
UN STATUT DES MÉDECINS COMME
RÉPONSE À LEUR RESPONSABILITÉ
L'intervention des médecins en milieu carcéral
est longtemps demeurée en dehors de tout cadre réglementaire.
Privés, d'une partie de leur autonomie, ils n'en sont pourtant pas moins
responsables pénalement de leurs décisions, pouvant ainsi
être mis en cause devant les tribunaux en cas de problème
(complications non traitées, suicides par ingestion de
médicaments). C'est ainsi qu'un médecin de M.A fut
condamné en 1969 pour défaut de soin dans la mort d'un
détenu par le tribunal administratif de Besançon,
considérant que le praticien « ne pouvait ignorer, en raison
des symptômes évidents, la gravité de l'état de
santé » du détenu et qu'il avait commis une faute
« en s'abstenant de procéder à un examen attentif du malade
et de consulter des spécialistes, et en n'ordonnant pas le transfert
à l'infirmerie ou à l'hôpital, où le détenu
aurait pu recevoir des soins appropriés »461(*). C'est pour
répondre aux préoccupations suscitées par ce jugement chez
plusieurs praticiens que ce thème fut mis à l'ordre du jour du
congrès de 1970 au cours duquel Georges Fully présenta le
« grave dilemme » auquel les médecins
pénitentiaires doivent répondre : « Ou bien s'entourer
de toutes les garanties nécessaires avant d'établir un diagnostic
et un traitement, ou bien se contenter des moyens du bord souvent insuffisants
au risque de contrevenir aux obligations qui lui sont imposées
légalement et par le Code de la déontologie »462(*). Pour limiter les
risques de poursuites, constate Paul Hivert, Président du Syndicat des
médecins pénitentiaires, dans un article consacré à
la responsabilité pénale du médecin, « il est
absolument impérieux que l'indépendance professionnelle du
praticien soit garantie, c'est-à-dire que le médecin dispose d'un
libre exercice de sa discipline dans chaque acte
médical »463(*). Il demande pour cela « que les
modalités selon lesquelles le médecin exerce soient clairement
délimitées soit dans un contrat individuel ou collectif, soit
dans un statut ou règlement de l'autorité
administrative ».
Un projet de règlement des médecins
pénitentiaires est soumis lors du congrès de 1970 par le
ministère de la Justice464(*) qui prévoit en huit articles les
conditions de nomination des médecins ainsi que leurs principales
prérogatives. L'une des nouveautés de ce statut est de formaliser
le mécanisme permettant de sanctionner administrativement le praticien,
auparavant laissé à la libre appréciation du directeur
d'établissement, « en cas de faute grave intéressant le
fonctionnement administratif du service médical
pénitentiaire »465(*). Il est ainsi prévu que les
médecins puissent être licenciés sans préavis
après avis du Médecin-inspecteur et de la Commission paritaire
composée de deux médecins élus et de trois
représentants de l'Administration pénitentiaire dont son
directeur. La majorité accordée aux instances
pénitentiaires ainsi que le flou des raisons pouvant être
invoquées afin de licencier un praticien inquiètent cependant un
médecin rendant compte du congrès : « Encore
faudrait-il définir ce qui est entendu par "faute intéressant le
fonctionnement administratif du service médical"... On peut y voir les
absences notoires, la divulgation de secrets aux détenus, des mesures
perturbant la discipline, la sécurité de
l'établissement »466(*). Cette Commission consultative doit
également être consultée « sur tous les
problèmes généraux que posent l'organisation et le
fonctionnement des services médiaux »467(*).
Le projet de règlement fait l'objet de discussions
entre le Syndicat des médecins pénitentiaires et le
ministère de la Justice avant d'aboutir à un accord le 3 juillet
1972. Le texte final diffère peu du texte initial468(*). Quelques modifications
sont cependant adoptées à la demande du Syndicat des
médecins. Tandis que le document de travail indiquait que
« les médecins exerçant auprès des
établissements pénitentiaires sont tenus au secret à
l'égard de l'administration », le règlement ajoute
ajoute que « le personnel placé sous l'autorité des
médecins, doit respecter les mêmes
obligations »469(*). Outre l'octroi de certains droits
(congés payés, régime général de la
Sécurité sociale, retraite complémentaire), le texte
précise les conditions de rémunération des
médecins. Comme l'indique une note adressée par le directeur de
l'Administration pénitentiaire aux chefs d'établissement, le
règlement prévoit notamment que les examens des candidats
à un emploi dans l'Administration pénitentiaire fassent l'objet
d'une rémunération supplémentaire : « Ces
examens sont particulièrement nombreux à l'heure actuelle en
raison de l'intensification des recrutements. Jusqu'à maintenant les
examens en question ont été effectués dans le cadre de
vacations ; ils ne donnent donc lieu à aucune
rémunération particulière. Il est indispensable de mettre
fin à ces errements »470(*).
Si elles marquent une première étape dans la
revalorisation de la présence médicale en milieu carcéral,
les Clauses et conditions générales relatives à
l'exercice des fonctions de médecin pénitentiaire demeurent
fragiles afin d'assurer l'autonomie professionnelle des praticiens. Il semble
même que ces Clauses n'ait pas connues de réelle application. Un
praticien licencié par la DAP en 1979 conteste les conditions de cette
procédure et notamment l'absence d'indemnité de licenciement ou
de réunion de la Commission consultative paritaire. Il se voit
répondre par l'Administration centrale que celle-ci « n'a pas
été instituée par un texte réglementaire et qu'elle
n'avait, par conséquence, qu'un caractère
officieux »471(*). Aucune autre trace des conditions
d'application de ce texte n'a été trouvée. Il semblerait
par conséquent que les praticiens pénitentiaires soient
demeurés sans réel statut, les plaçant ainsi dans une
forte dépendance à l'égard du ministère de la
Justice qui les emploie.
En dépit de certaines déclarations critiques, le
Médecin-inspecteur occupe au sein du débat public un rôle
de caution, parfois involontaire, de l'Administration pénitentiaire.
Cela est manifeste au cours d'un débat télévisé
consacré à la commission d'enquête sur les
événements de Toul dont il était membre. Le
président de la commission, Robert Schmelck, interrogé avec
insistance par Jean-Marie Domenach, membre du GIP, sur l'état des
prisons françaises prend alors à partie Georges Fully :
« Toul, dans notre esprit à tous, à tous les membres de
la commission, est absolument une bavure. Nous avons perçu à
travers Toul tout ce qui ne pouvait pas aller dans une prison. Mais il
n'était dans l'esprit d'aucun de nous, et le Dr Fully ne me
démentira pas, de dire que ça se passe partout comme cela. Ce
n'est absolument pas vrai ! »472(*). Un peu plus tard, attaqué par d'autres
journalistes quant à l'existence de violences à l'égard
des détenus, Robert Schmelck déclare au sujet des auditions de
détenus par la commission : « Et bien alors que pourtant
c'était l'occasion ou jamais, qu'ils se plaignent bien souvent des
sévices [...] Et bien tous ces détenus, et le Dr Fully est
là pour me conforter dans ce que je dis, nous ont dit, et bien non,
qu'il n'y avait pas de brutalités
systématiques...»473(*). La délicate position du
Médecin-inspecteur à l'égard de sa hiérarchie est
manifeste au sujet de l'usage de la contention. Au cours du débat, le
Georges Fully précise qu'il a « quelques scrupules à
considérer cet instrument comme un instrument médical »
après que le représentant de FO pénitentiaire, Hubert
Bonaldi, ait justifié le recours à la contention du fait de la
prescription médicale. On voit alors à l'écran ce dernier
froncer les sourcils. Le Dr Fully nuance son propos tout en demeurant
critique :
« Cependant, il faut dire, à l'appui de
ce qu'il vient de dire [Bonaldi], que dans les prisons il n'y pas une
permanence médicale. Il n'y pas toujours un médecin de garde. Et
dans les cas d'urgence, le texte dit de "fureur grave", d'agitation, il importe
qu'un sujet puisse être maintenu, puisse être contenu, pendant un
temps limité. Mais les textes prévoient que le médecin
doit intervenir très rapidement [...] Mais je voudrais bien
préciser qu'il y a une faute, et c'est ce que nous avons relevé
à Toul, dans la mesure où cette ceinture de contention ne doit
pas être maintenue au-delà d'un temps strictement
nécessaire à l'arrivée du médecin et seulement
lorsque tout autre moyen thérapeutique s'est avéré
inefficace ».
En dépit de ses tentatives d'améliorer la
qualité des soins et d'assurer le respect de la déontologie
médicale, le Médecin-inspecteur symbolise ainsi l'échec
des praticiens pénitentiaires à faire entendre leur voix au sein
du milieu carcéral. Dans une lettre adressée à René
Pleven, l'ADDD (Association de défense des droits des détenus)
demande la démission du Dr Fully :
« Comme responsable de la médecine
pénitentiaire, le Docteur Fully a, depuis des années,
laissé se développer la misère sanitaire des prisons. On
voit mal comment celui qui n'a su ni apporter aux détenus des soins
médicaux décents, ni éviter la multiplication des suicides
et des tentatives de suicides pourrait avoir désormais la charge de
doter les prisons d'un équipement médical convenable, en
personnel et en équipement »474(*).
Les efforts du Médecin-inspecteur afin d'autonomiser
l'action des praticiens placés sous sa responsabilité sont
interrompus par son assassinat, le 20 juin 1973, par un colis
piégé reçu à son domicile475(*). Le commentaire que fit
alors le Comité d'action des prisonniers traduit l'ambiguïté
dont souffre la représentation du médecin pénitentiaire,
considéré tantôt comme un complice de l'Administration,
tantôt comme un allié des détenus: « Le docteur
Fully était un allié des prisonniers pour une médecine
humaine, un allié inefficace il est vrai, mais un allié quand
même » (LM, 24-25/06/1973).
La mort de Georges Fully clôt une première page
de l'histoire de la médecine pénitentiaire. Celle qui lui
succède, Solange Troisier, poursuit certes la stratégie
engagée par ce dernier, afin de faire de la médecine
pénitentiaire une spécialité médicale à part
entière. Elle ne perçoit cependant pas tant cette
spécialisation comme un moyen d'accorder plus d'autonomie aux praticiens
que comme une façon de diffuser une certaine représentation de
l'exercice médical en détention. Pour elle, la médecine
est pénitentiaire au sens où elle doit répondre à
certaines exigences carcérales. C'est ainsi qu'elle sera amenée
à justifier l'intervention du praticien en cas de grève de la
faim, le non-respect du secret médical à des fins judiciaires ou
encore le licenciement de certains praticiens jugés trop contestataires.
Le praticien est pour elle avant tout un « auxiliaire de
Justice » dont l'action est subordonnée au respect de la
réglementation pénitentiaire. La spécialisation de la
médecine pénitentiaire, comme affirmation d'une
spécialité médicale, est pour Solange Troisier le moyen de
réhabiliter un secteur d'action publique désormais largement
discrédité. C'est à partir de ce schéma de
spécialisation où la médecine pénitentiaire est
décrite comme quelque chose de spécifique que le nouveau
Médecin-inspecteur s'oppose au
« décloisonnement » imaginé dans la seconde
moitié des années soixante-dix. C'est parce que la
médecine pénitentiaire est quelque chose de spécifique
(« C'est toute la médecine avec quelque chose en
plus »), qu'elle ne peut être transférée au
ministère de la Santé et doit rester sous la tutelle de la DAP.
Le nouvel idéal carcéral et le discours d'humanisation des
prisons qui apparaissent après les révoltes de détenus
produisent ainsi peu d'effets directs sur la prise en charge médicale
des détenus.
CHAPITRE 2. UN NOUVEL IDEAL
CARCERAL ET L'EMERGENCE DE L'IDEE DE
« DECLOISONNEMENT »
Compte rendu d'une journée d'étude ayant lieu
à l'ENAP en 1975 et « composée en majorité de
juges de l'application des peines et de directeurs
d'établissements » : « Le Directeur de
l'administration pénitentiaire [M. Mégret] a demandé aux
participants à la journée d'étude leur sentiment sur la
réforme [pénitentiaire] en général. A l'exception
d'un seul qui a exprimé son opposition, le silence a régné
dans l'assemblée. La discussion n'a pu avoir lieu faute de
combattants »476(*).
L'arrivée de Valéry Giscard d'Estaing à
la présidence de la République est tenue dans l'histoire des
prisons comme l'avènement d'une nouvelle politique pénitentiaire
qualifiée de « libéralisation » ou
d'« humanisation ». Si cette orientation n'est pas, comme
on le soulignera, imputable au seul volontarisme du président, elle n'en
marque pas moins une profonde rupture avec les politiques pénitentiaires
précédentes, toutes fondées sur la séparation entre
le délinquant et la société. La philosophie du
système pénitentiaire français, et notamment le
« sens de la peine », a en effet longtemps reposé
sur le modèle du « tout-carcéral »
développé dans le cadre de la réforme dite
« Amor » adoptée lors de la
Libération477(*). Ce modèle du traitement moral,
supposant l'isolement des détenus, fut cependant rapidement
entravé par de fortes restrictions budgétaires, le régime
progressif demeurant limité à une minorité de
détenus478(*).
Le degré de fermeture de l'institution carcérale
s'accentua à partir de 1957 du fait de la guerre d'Algérie qui se
traduisit par une augmentation du nombre de détenus, qui progresse alors
de 22% chaque année479(*). Les agressions à l'encontre du
personnel480(*), ainsi que les conflits entre les deux
principales organisations algériennes accentuèrent les tensions.
Les détenus de catégorie « A »
cédèrent la place en 1961 aux partisans de l'Algérie
française très revendicatifs. Les évasions de
quelques détenus OAS conduisirent à un repli de l'Administration
pénitentiaire sur sa mission de garde, incarnée par une
discipline rigoureuse ou la construction d'établissements haute
sécurité tel Fleury-Mérogis. « L'évasion
est la plus grave faute du service pénitentiaire. [...] Tous les agents
de cette administration doivent être dans une véritable angoisse
de l'évasion », annonce en septembre 1964 le garde des Sceaux
Jean Foyer aux directeurs régionaux481(*). Attestent de cette
politique sécuritaire le doublement des sanctions disciplinaires entre
1962 et 1963 ou la création des « Détenus
particulièrement signalés » en 1967482(*).
Tout en conservant officiellement l'idée d'amendement
des détenus, la politique pénitentiaire adopte ainsi au cours des
années soixante une tonalité plus répressive. Le ministre
de la Justice, Jean Foyer, qui regretta « la considération
abusive de la personne du délinquant », défend alors la
fermeture des chantiers extérieurs, le maintien de la peine de mort,
l'exécution intégrale des condamnations et un moindre usage de la
libération conditionnelle et de la semi-liberté483(*). Cette conception
proche de la « défense sociale »
préconisée par la doctrine positiviste, consistant à
protéger la société contre l'individu
présumé dangereux, est contestée au cours des
années soixante-dix par les « sciences
pénitentiaires » 484(*) qui y voient l'origine des émeutes de
détenus. En témoigne cette thèse de science
pénitentiaire soutenue en 1975 : « Au terme et à
l'accomplissement de cette doctrine pour laquelle il est abusif de
considérer la personne du délinquant, il y a les drames de
Nîmes, Lyon, Aix-en-Provence, Clairvaux, Toul [...] Il semble que la
dureté du châtiment a peu d'effet intimidant sur le
délinquant lui-même et sur les autres, car ceux qui sont sur le
point de commettre un crime ne se préoccupent jamais de la peine qu'ils
encourent »485(*).
A l'encontre de l'idée que la peine serait un
élément bénéfique, la politique
d'« humanisation » qu'inaugure Valéry Giscard
d'Estaing part du constat, formulé aussi bien par les militants de la
cause carcérale que les experts des questions pénitentiaires, que
la prison est une institution « criminogène » ne
remplissant pas sa fonction de réinsertion. Le secrétaire
général de la Société internationale de
criminologie, Jacques Vérin, constate ainsi que « s'il est une
conclusion qui ressort clairement des recherches menées à ce jour
par les criminologues du monde entier, c'est bien que la prison, comme mode de
traitement appliqué à la généralité des
délinquants, est une institution du
passé »486(*). L'utilité sociale de l'institution
carcérale apparaissant négative, certains spécialistes
vont jusqu'à remettre en cause son existence : « La
prison est une institution du passé, et elle a trop duré. Ses
structures sont archaïques, et son anachronisme a été
souvent dénoncé. Il est probable que, dans quelques
générations, nos descendants auront pour leurs prisons de leurs
aïeux la même considération que celle que nous
éprouvons actuellement pour les galères et les
bagnes »487(*). Pourtant à moyen terme, bien que
nocive, la détention apparaît aux yeux des spécialistes
comme un mode de sanction devant être maintenu. Pour répondre aux
partisans de l'abolition des prisons, les sciences pénitentiaires
proposent de pallier les effets délétères de
l'incarcération en rendant les conditions de détention les plus
humaines possibles. C'est ce que suggère cette thèse
consacrée à l'humanisation des prisons :
« Malgré ces constations qui mettent en
cause l'efficacité absolue de la peine de prison, il faut admettre que
l'emprisonnement paraît le seul moyen inéluctable de notre
époque [...] Il est probable qu'un choc psychologique de brève
durée est nécessaire à condition qu'il soit
intégré dans un ensemble de mesures rééducatives
[...] Comment peut-on concilier l'exigence du recours à la prison en
tant que l'institution du traitement d'une certaine catégorie des
délinquants appelée "école de la vie" avec celle de "la
prison criminogène"? Est-il possible d'éviter, sinon de
réduire, les effets négatifs de l'emprisonnement et diminuer
par-là le taux de récidive ? Justement, nous voilà en
présence des questions dont la réponse constitue le thème
essentiel de notre thèse. Au cas où l'on recourt à la
peine de prison, afin d'éviter ses conséquences fâcheuses,
il faut qu'elle soit humainement appliquée »488(*).
La politique de libéralisation ou d'humanisation des
prisons apparaît ainsi comme le moyen de relégitimer une
institution en crise en la dotant de nouveaux principes.
« Remotivée » dans sa fonction de mise à
l'écart des détenus, l'institution carcérale
bénéficierait dès lors d'une légitimité
accrue au point d'apparaître comme nouvelle489(*). Même si sa
traduction concrète apparaît modeste, le programme dessiné
par Valéry Giscard d'Estaing en matière pénitentiaire
ouvre la voie à un nouvel « idéal »
carcéral dont s'inspirent encore aujourd'hui les réformateurs
dans leur transformation de la prison.
Comme on l'a montré ailleurs au sujet de la
réforme du 18 janvier 1994, analyser une réforme
pénitentiaire uniquement à travers le prisme foucaldien de la
permanence de l'institution empêche cependant d'en percevoir toutes les
conséquences490(*). Si elle légitime le recours à
l'incarcération, la politique d'humanisation des prisons a
également contribué à transformer la représentation
de la détention et de l'institution carcérale elle-même.
S'impose tout d'abord une nouvelle considération des détenus
auxquels est reconnu, malgré la privation de liberté, l'exercice
de certains droits, et notamment d'un droit à la santé à
partir duquel est légitimée une réforme de la protection
sociale des détenus (Section 1). L'institution pénitentiaire
apparaît, d'autre part, de moins en moins extérieure à la
société comme en atteste l'émergence de la notion de
« décloisonnement » à partir de laquelle est
envisagée l'intégration de certains secteurs d'activité,
et notamment les services de médecine et de psychiatrie, dans le
système de droit commun. OEuvrant pour la reconnaissance d'une
médecine pénitentiaire spécifique, Solange Troisier
s'oppose cependant à tout « décloisonnement »
du service de santé aux détenus et ainsi à son transfert
auprès du service public hospitalier (Section 2).
Section 1 - Vers une nouvelle
considération de la détention : la progressive
reconnaissance du détenu comme sujet de droit
Louis Joinet, juge d'application des peines :
« Il faut savoir que dans la prison il y a un tribunal qu'on appelle
le prétoire, il y a une prison dans la prison qui s'appelle le mitard
mais il n'y pas de règles de droit qui permettent de voir comment cela
fonctionne ou comment on doit le contrôler. Un juge, c'est d'abord celui
qui est chargé de faire respecter les libertés fondamentales, les
droits fondamentaux. Un détenu, c'est une évidence, il lui reste
un certain nombre de droits. Il suffit de voir les cahiers de revendications
actuellement. Qu'est-ce qu'ils demandent ? Un ensemble de choses
extrêmement banales... On se demande pourquoi ils se révoltent...
Ils demandent tout simplement à être respectés dans leur
dignité ! Ils ont droit au travail, à la
santé... »491(*).
En dépit des mutineries et du mouvement d'opinion en
faveur des prisons apparu au début des années soixante-dix, les
conditions de détention évoluent dans un premier temps
très peu. René Pleven défend encore une conception de
l'incarcération selon laquelle le détenu devrait être
coupé du reste de la société. En atteste son discours
à l'Assemblée nationale lors du vote de la loi créant
notamment les réductions de peine pour bonne conduite492(*) : « Ces
mesures ne suppriment pas les caractéristiques inhérentes
à la vie carcérale, qui sont la privation de liberté,
l'agglomération des condamnés, les nécessités de la
discipline et la coupure avec le monde
extérieur »493(*).
Une nouvelle représentation de la détention est
néanmoins adoptée par ses successeurs. Déjà, la fin
de la présidence de Georges Pompidou est marquée par une relative
libéralisation de la politique à l'égard des prisons.
Suite aux élections législatives de mars 1973 qui reconduisent la
majorité UDR, René Pleven est remplacé par Jean
Taittinger. Réputé pour son libéralisme, le nouveau garde
des Sceaux procède à un changement d'équipe, en nommant
Georges Beljean directeur de l'Administration pénitentiaire, en
remplacement d'Henri Le Corno dont le nom était associé aux
mutineries494(*). Le retour d'un magistrat à la
tête de l'Administration pénitentiaire, ce qui n'était plus
le cas depuis 1964, est perçu comme un signe de libéralisme
(LM, 8/06/1973). Enfin, le nouveau ministre de la Justice s'adjoint
Pierre Arpaillange comme directeur de cabinet, auteur d'un rapport critique sur
la Justice pénale. Le 15 juin 1973, le ministère de la
Justice publie une note annonçant, entre autres, une amélioration
des conditions de détention, notamment en matière
médicale495(*). Très vite des mesures sont
adoptées (installation du chauffage dans les prisons qui n'en
disposaient pas, autorisation des détenus à conserver leur
montre) mais elles demeurent incapables de répondre au
mécontentement des détenus. Plusieurs révoltes
éclatent à la Centrale de Melun, considérée comme
une prison modèle, dont les détenus réclament une
amélioration de leur vie quotidienne et notamment des
soins496(*). La
politique de Taittinger s'accompagne de l'hostilité des surveillants,
qui se sentant déconsidérés, vont jusqu'à
réclamer un « droit à l'insurrection » pour
les personnels pénitentiaires, ce dernier étant reconnu de fait,
selon eux, aux détenus497(*).
L'élection en mai 1974 de Valéry Giscard
d'Estaing confirme cette réorientation de la politique
pénitentiaire. A l'image du rapprochement entre les structures sociales
et politiques opéré dans le cadre d'une politique de
libéralisation de la société
française498(*), le président de la République
inaugure un nouvel idéal d'humanisation des prisons visant à
réduire l'écart entre le milieu carcéral et le reste de la
société. L'amélioration des conditions de détention
apparaît dès lors inextricablement liée à la
reconnaissance de droits en faveur des détenus (1). Cette montée
en puissance du droit au sein du débat carcéral s'explique en
partie par les transformations du militantisme pénitentiaire,
progressivement moins politisé, dans lequel s'engagent de plus en plus
les professionnels travaillant en détention (2). C'est à partir
de l'affirmation d'un « droit à la santé »
que l'organisation des soins en prison est l'objet de critiques
récurrentes mais surtout que s'impose l'idée d'une affiliation
des détenus à la Sécurité sociale (3).
1. La « petite phrase de
Giscard » et l'idée de « droits » des
détenus
« La philosophie de la réforme pourrait
se résumer en une phrase : "votre liberté vous est
confisquée, le reste vous est laissé" [...] La pratique du sport
devrait être plus largement encouragée ; les lectures
devraient être autorisées de façon plus libérale
[...] Les possibilités éducatives devraient être
réelles et non théoriques [...] Les deux tiers de la population
pénale de la Maison d'arrêt de Rennes n'ont donc pas d'emploi et
passent vingt-trois heures sur vingt-quatre dans leur cellule,
complètement oisifs [...] Ne devrait-on pas commencer par supprimer
l'hygiaphone ou les grilles du parloir très difficiles à
supporter psychologiquement ? [...] On pourrait peut-être ouvrir les
portes de la prison pour les détenus qui le souhaitent aux ministres du
culte, aux médecins de famille, aux psychiatres appartenant au secteur
du domicile du détenu... »499(*).
Dès le début de son septennat, Valéry
Giscard d'Estaing témoigne d'une approche plus libérale de la
question carcérale en choisissant Jean Lecanuet comme garde des Sceaux
qui nomme directeur de cabinet Robert Schmelck, ancien DAP et président
de la commission sur les émeutes de Toul. Figure, d'autre part, dans le
second gouvernement Chirac un secrétariat d'Etat à la condition
pénitentiaire confié à Hélène Dorlhac de
Borne500(*),
qui marque, outre la recherche d'un effet de nouveauté (on voit
également apparaître un ministère des Réformes ou
encore un secrétariat d'Etat pour les Travailleurs immigrés ou
pour la Condition féminine), la volonté du nouveau
président de la République de conduire, comme il le
déclare lors de la composition du gouvernement,
« l'indispensable réforme des prisons »501(*). La suppression de
l'Education surveillée et de l'Administration pénitentiaire, qui
« fait trop parler d'elle et de ses détenus », est
envisagée, ainsi que la mise à l'écart de Pierre
Arpaillange et de Georges Beljean, avant d'être finalement
écartée alors que le nouveau gouvernement est confronté
à la question carcérale (LM, 6/07/1974). Mutineries et
émeutes se multiplient en effet au cours de l'été 1974
dans plusieurs établissements en réaction aux conditions de
détention mais aussi au peu d'effet de la loi d'amnistie502(*). Valery Giscard
d'Estaing entreprend alors une politique de détente en déclarant
que « la peine, c'est la détention... ce n'est pas plus que la
détention. Autrement dit, la pratique interne à la vie
pénitentiaire ne doit pas ajouter d'autres sanctions à la
détention »503(*).
Qualifiée par certains journalistes de
« révolutionnaire », cette phrase est aussitôt
interprétée comme le signe d'une nouvelle politique
pénitentiaire : « Cette constatation [...] n'aurait rien,
en elle-même, d'extraordinaire si elle ne remettait en question toute la
politique suivie chez nous depuis la fin de l'ancien
régime »504(*). « Si la remarque vaut, comme il faut
le penser, promesse d'agir, la liste va être longue des énormes
différences qui séparent les conditions de détenus et
d'hommes libres et qu'il va falloir supprimer », écrit
Philippe Boucher dans Le Monde (27/07/1974). Cette
« petite phrase » devient très vite le symbole d'une
politique de « libéralisation » des conditions de
détention, à l'image de la réforme de la
société française. Le président poursuit cet
engagement au cours d'une visite aux prisons de Lyon où il annonce que
« la réforme pénitentiaire sera menée à
son terme » (LM, 13/08/1974) mais où, surtout,
il se mêle aux détenus afin de leur serrer la main.
Même s'il tentera de lui attribuer a posteriori une moindre
signification505(*), ce geste fut interprété, de
même que les nombreuses visites de Mme Dorlhac en détention, comme
le signe, outre la recherche d'un style d'exercice du pouvoir506(*), d'une nouvelle action
pénitentiaire. Confronté à de nombreuses
révoltes, le nouveau président de la République place la
question carcérale au coeur des premiers mois de son mandat.
« La crise pénitentiaire est devenue la principale
préoccupation du gouvernement », titre Le Monde le
premier août 1974.
Le garde des Sceaux adopte dès fin juillet certaines
mesures afin de concrétiser la volonté réformatrice
présidentielle. Il instaure notamment des « missions
d'urgence » destinées à « éviter
l'extension ou la contagion des désordres », prévoyant
notamment une amélioration de l'alimentation et des conditions
d'hygiène (LM, 31/07/1974). Jean Lecanuet présente,
d'autre part, une réforme proposant de
« désenclaver » la prison qui est, malgré une
méfiance initiale, largement saluée par la presse507(*) à l'exception
néanmoins de Libération508(*). Face à l'aggravation des mouvements de
révolte et aux nombreux dégâts qui en
découlent509(*), le plan Lecanuet est cependant ajourné
notamment du fait du ministre de l'Intérieur, Michel Poniatowski, qui
déclare que « la réforme des prisons est actuellement
empêchée par les prisonniers eux-mêmes » (LM,
2/08/1974). Une opération « portes ouvertes »
est lancée le 5 août à la prison de
Loos-lès-Lille, ravagée quelques jours auparavant, afin de
souligner le coût des dégâts engendrés (LM,
7/08/1974). Pourtant en entérinant le projet de réforme,
Valéry Giscard d'Estaing désavoue le garde des Sceaux
décrit comme le « vassal de M. Poniatowski »
(LM, 2/08/1974). Le principal axe de la réforme
réside dans l'amélioration et la libéralisation des
conditions de détention menée sous la houlette du nouveau
directeur de l'Administration pénitentiaire, Jacques Mégret,
nommé suite à la démission de M. Beljean en
août 1974 (LM, 30/08/1974). Maître des requêtes au
Conseil d'Etat, Jacques Mégret se caractérise par son humanisme,
si l'on en croit Yvan Zakine, alors détaché dans cette direction
ministérielle :
« Mégret était un homme
remarquable. C'était un humaniste jusqu'à la moelle des os. Ce
fut d'ailleurs le créateur de l'ouverture du recrutement, ce qui
n'était pas neutre, pour le personnel de direction. Car avant ils
étaient issus des rangs. C'était encore fermé, comme la
prison si j'ose dire ! Ils avaient tous été soit
surveillants, soit économes, soit éducateurs. Mais ils
étaient issus du concours basique. L'idée de Mégret
était de dire, et c'était là aussi cette ouverture de la
prison vers la Cité : "C'est inconcevable. La prison doit
être comme tous les autres services publics, c'est-à-dire avoir un
concours interne et un concours externe". Et on a vu affluer des anciens
étudiants de droit ou de sciences humaines » 510(*).
La promesse présidentielle se concrétise dans la
circulaire du 23 août 1974 portant application de la réforme
pénitentiaire. Celle-ci met fin aux limitations de correspondance,
autorise l'utilisation des transistors, marque l'abandon du port du costume
pénal (le « droguet »), assouplit les conditions
d'obtention des parloirs, autorise les détenus à se marier et
à laisser pousser leur barbe, cheveux et moustache. Cet assouplissement
de la détention trouve sa meilleure expression dans la création
d'une nouvelle catégorie d'établissement pénitentiaire au
fonctionnement moins strict, les Centres de détention,
réservés aux détenus considérés comme les
moins dangereux et les plus réinsérables. A la
libéralisation des conditions de vie, s'ajoute une politique
pénale plus souple notamment par loi du 11 juillet 1975 qui
créé les peines de substitution, accroît les
libérations conditionnelles et étend le secteur d'application du
sursis avec mise à l'épreuve511(*). L'assouplissement de
la vie carcérale et la diminution du nombre de détenus, qui passe
de 31.600 en 1972 à 26.000 en 1975, rend possible un maintien du calme
relatif dans les établissements pénitentiaires (on compte
trente-six incidents en 1975 contre cent cinquante-deux en 1974)512(*) bien que le
mécontentement demeure important : « Le climat des prisons n'est
pas bon ; leur calme apparent, périodiquement troublé, est
probablement illusoire et fragile. Les surveillants estiment que peu est fait
pour eux [...] Les prisonniers pensent au contraire que, malgré les
promesses faites en Août, après les révoltes, "rien ne
vient" [...] Quant à Mme Dorlhac, jugée peu crédible par
les syndicats ou les organisations du ministère de la Justice, on la dit
sur le départ » (LM, 30/04/1975). Certains, tel le
Juge d'application des peines (JAP) Etienne Bloch, regrettent que cette
libéralisation en trompe l'oeil vienne justifier la création, par
le décret du 23 mai 1975, d'un régime de détention plus
strict, les Quartiers à sécurité renforcée (QSR)
communément appelés Quartiers de haute sécurité
(QHS) :
« Les améliorations apportées au
régime de détention ne concernent que les détenus des
centres de détention, soit en gros 3.000 condamnés. La population
pénale se compose d'environ 28.000 détenus [...] Sous
prétexte d'instituer une homogénéité de la
population pénale, en fait on imagine un nouveau critère de
dangerosité dont seule l'administration centrale sera
juge »513(*).
A l'encontre des impératifs sécuritaires qui
avaient jusque-là prévalus514(*), le nouveau président de la
République propose durant les premières années de son
mandat une politique pénitentiaire
d'« humanisation », pouvant être définie comme
l'effort visant à rapprocher le milieu carcéral de la vie en
liberté de façon à ce que l'incarcération n'ait pas
d'effets nuisibles515(*). Cette politique s'accompagne de la
reconnaissance de droits aux détenus venant justifier les
transformations des conditions de détention. En vertu du principe
posé par Valéry Giscard d'Estaing, le détenu est en effet
progressivement reconnu comme un individu pouvant disposer des droits reconnus
à quiconque. En témoigne le compte-rendu d'un colloque
organisé par l'Administration pénitentiaire en 1975 :
« La peine privative de liberté ne
devrait en principe consister que dans la seule privation de liberté. Il
serait souhaitable d'assurer la participation du détenu au
fonctionnement, à l'aménagement de la communauté
carcérale, avec des choix laissés, si possible, à ce
détenu, et quelque fois une part de responsabilité [...]
L'idée a même été présentée de
l'organisation d'un recours du détenu contre les décisions dont
il souffre »516(*).
La circulaire du 23/08/1974 fait mention d'un
« statut du détenu ». Plusieurs droits sont
successivement évoqués sans être l'objet d'une
reconnaissance juridique en tant que telle. Le droit de vote,
déjà évoqué à l'occasion de
l'élection présidentielle de mai 1974517(*), est attribué
par la loi du 31 décembre 1975 à toutes les personnes
placées en détention provisoire ainsi qu'à tous les
détenus purgeant une peine n'entraînant pas une incapacité
électorale (LM, 13-14/03/1977). C'est au nom du
« droit à l'enseignement » qu'est créé
en mars 1975 le Groupement étudiant national d'enseignement aux
personnes incarcérées (GENEPI) sur l'initiative
d'Hélène Dorlhac et avec le soutien de Valéry Giscard
d'Estaing (LM, 1/03/1975), ainsi qu'une Section d'enseignement aux
étudiants incarcérés à l'université de Paris
VII (LM, 5/07/1978). Enfin, c'est au nom du « droit la
culture » et du « droit à l'information »
que des détenus ou des personnalités exigent que l'Administration
autorise la lecture d'ouvrages ou de revues jusque-là
censurés518(*).
Si l'idée de « droit des
détenus » marque le fondement des réformes des
conditions de détention adoptées au milieu des années
soixante-dix, cette notion n'est pas pour autant nouvelle. Déjà
à la Libération des magistrats s'interrogeaient sur la
possibilité de concilier le droit de punir qu'exige la
société et les droits dont dispose chaque individu, la peine
devant réaliser l'équilibre entre la légitime
défense sociale et l'amendement des
détenus : « Les châtiments physiques sont
encore nécessaires mais ils doivent être humains. Le
critérium pourrait être le suivant : la souffrance ne doit
pas dépasser ce qui est légitime d'un point de vue utilitaire.
Autrement dit, il faut essayer de créer une détention humaine
compatible avec la sauvegarde de certains droits de
l'individu »519(*).
L'idée de « droits des
détenus », jusque-là théorique, se
concrétise à partir des années cinquante sous le poids
d'une codification internationale (Cf. Encadré). Le Code de
procédure pénale stipule en 1959 que « lors de son
entrée dans un établissement pénitentiaire, chaque
détenu doit être informé sur les points qu'il lui est
nécessaire de connaître concernant ses droits et ses
obligations » (D.257 CPP). La reconnaissance de droits aux
détenus demeure cependant au cours des années soixante avant tout
incantatoire en l'absence d'autorité assurant leur
effectivité : « Il ne s'agit que de certaines concessions
octroyées aux détenus par l'Administration en application des
principes généraux des méthodes pénitentiaires
actuelles [...] Le détenu qui s'estime injustement privé de tel
ou tel avantage n'a d'autre recours que de solliciter l'application à
son cas particulier, des mesures ou faveurs qu'il croit avoir
méritées »520(*).
L'AMORCE D'UNE CODIFICATION
INTERNATIONALE DES
« DROITS DES DÉTENUS »
Déjà en 1933, la Société des
Nations adopte un « Ensemble de règles minima pour le
traitement des prisonniers » qui est, du fait de la guerre, sans
grand retentissement au sein de chaque Administration
pénitentiaire521(*). En 1955, la Commission Pénale et
Pénitentiaire des Nations Unies révise cet ensemble de
règles, portées à quatre-vingt-quinze, afin de les adapter
aux « exigences de la politique pénale
moderne »522(*). Principalement fondées sur la
Déclaration universelle des droits de l'homme, ces recommandations font
de la réinsertion l'objectif premier de la peine, comme le rappelle le
Directeur de l'Administration pénitentiaire belge : « Le
traitement pénitentiaire ne doit pas mettre l'accent sur l'exclusion des
détenus de la société mais, au contraire, sur le fait
qu'ils continuent à en faire partie. La privation de liberté
constitue un châtiment socialement nécessaire mais suffisant par
lui-même : il ne faut donc pas l'aggraver par des souffrances
accessoires »523(*).
En 1973, le Conseil de l'Europe adapte ces règles
à un cadre européen soulignant que « même si un
requérant se trouve détenu en exécution d'une
condamnation, cette circonstance ne le prive pas cependant de la garantie des
droits et des libertés définis dans la Convention de sauvegarde
des droits de l'Homme et des libertés
fondamentales »524(*).
Au fur et à mesure de ce travail de codification, les
« droits » reconnus aux détenus s'étendent
considérablement. Tandis que la résolution du 30/09/1933 se
restreint à certaines fonctions vitales (alimentation, exercice
physique), les règles adoptées le 2/09/1955 s'étendent au
travail pénal (droit à une rémunération,
indemnisation des accidents du travail) et accordent un droit à
l'information.
Confinée jusque-là au domaine des sciences
pénitentiaires, l'idée de « droits des
détenus » se diffuse au début des années
soixante-dix durant les mouvements de révolte. Ce terme apparaît
certes rarement dans les tracts et les argumentaires des premières
mutineries où il est davantage question de « scandale des
prisons »525(*), à l'exception cependant des
détenus « politiques » réclamant pour
eux-mêmes l'attribution de certains droits (à la circulation,
à la culture, à l'information, aux communications)526(*). Une transformation
semble cependant progressivement s'opérer. Tandis que les détenus
de Melun revendiquent initialement un « droit au travail pour tout
libérable » (L'Express, 17/01/1972), ils demandent
dans leurs révoltes successives « le respect des droits de
l'homme enfermé » (Journal des prisonniers, 01/1974),
comme si la notion de droit avait acquis une légitimité nouvelle
dans l'esprit des détenus. On peut voir dans cette transformation une
conséquence de la mobilisation des militants de la cause
carcérale, pour lesquels la dénonciation des conditions de
détention, jugées « intolérables »,
avait pour corollaire l'idée implicite que chaque prisonnier dispose de
droits qui seraient bafoués en prison. C'est ainsi que deux des
principaux animateurs du GIP rendent compte de leur action.
Au sujet des enquêtes menées sur les conditions
d'incarcération, Daniel Defert précise que « ces
questions parlent moins de l'expérience des détenus, ou de leur
misère que de leurs droits. Droit à pouvoir se défendre
contre les tribunaux. Droit à l'information, aux visites, au courrier.
Droit à l'hygiène et à la nourriture [...] Le
questionnaire est une manière de déclarer ces droits et
d'affirmer qu'on veut les faire valoir »527(*). Le but du GIP aurait
ainsi été, selon Jean-Marie Domenach, de « rendre aux
familles des détenus et aux détenus eux-mêmes conscience de
leur dignité : qu'ils cessent d'être une foule
d'isolés exposés à l'injustice et qu'ils aient conscience
des droits minimaux dus à la personne »528(*). Cette conception plus
légaliste de la lutte en faveur des détenus semble surtout avoir
été présente parmi les intellectuels comme Jean-Marie
Domenach ou Gilles Deleuze qui lors d'un procès affirma que le
problème des prisons est « avant tout un problème de
droit » : « Le tribunal, disent les prisonniers, les
condamne à une peine privative de liberté. Or, dès qu'ils
passent la porte, ils s'aperçoivent qu'ils sont condamnés
à toute autre chose [...] Ils n'ont pourtant jamais été
condamnés à ne plus jouir d'aucun droit »529(*). Ainsi, bien que les
revendications faites lors des révoltes aient rarement recours à
une légitimité juridique, elles n'en reposent pas moins, comme le
souligne Jean-Jacques de Felice, sur « le droit à l'insurrection
des détenus pour les droits élémentaires »
(LM, 21/01/1972). L'idée que les détenus ne cesseraient
pas, du fait de leur incarcération, de bénéficier des
droits dus à chaque homme heurte pourtant la conception doctrinale alors
dominante, selon laquelle les droits seraient « suspendus »
par l'incarcération. Le développement au même moment d'un
mouvement de politisation du droit, et plus généralement
l'implication du secteur judiciaire au sein des mouvements
sociaux530(*),
expliquent que cette revendication militante ait pu se traduire par une
nouvelle représentation juridique de la peine :
« La conception moderne enseigne que le
détenu conserve l'exercice de ces mêmes droits, dans la mesure
où il n'en est pas expressément privé par la loi ou par un
jugement. On doit à cette conception, qui prend conscience de la
non-exclusion des détenus de la communauté, le gros des
réformes tendant à améliorer le sort des
prisonniers »531(*).
Après avoir été l'objet des militants de
la cause carcérale puis des sciences pénitentiaires, la notion de
« droit des détenus » est dans un dernier temps
consacrée au sein des textes officiels532(*). Déjà en
1972, René Pleven institue une commission de réflexion sur
« les droits et les obligations des détenus » qui
conclut que « la politique générale de l'institution
pénitentiaire a pour but d'assurer [aux détenus] d'exercer leurs
droits au sein de la société » (LM,
3/03/1972). L'Administration met en place la même année une
« notice d'information à l'usage du détenu »,
sorte de vade-mecum remis à chaque nouvel arrivant lui
permettant de connaître ses « droits et
devoirs »533(*). Les « règles
minima » adoptées par le Conseil de l'Europe en 1973 offrent,
d'autre part, aux détenus un droit de recours individuel auprès
de la Cour européenne des droits de l'Homme. Mais c'est surtout à
partir de la politique d'humanisation dont se revendique le nouveau
président de la République que l'idée de droit des
détenus s'ancre plus explicitement dans la politique
pénitentiaire : « Pour que la prison puisse restituer un
homme à la Cité, il faut, à côté des
contraintes inéluctables liées à la privation de
liberté, reconnaître des droits au détenu »,
déclare la secrétaire d'Etat à la condition
pénitentiaire534(*).
C'est sous l'effet conjugué de ces différentes
transformations (codification internationale, contestation des militants de la
cause carcérale ainsi qu'au sein du secteur juridique, nouvel
idéal pénitentiaire) que l'idée de droit des
détenus se diffuse dans la presse qui évoque le droit au travail
(Libération, 15/06/1974), « le droit de vote des
prisonniers » (LM, 13-14/03/1977) ou encore le droit à
faire du sport (LM, 22/02/1977).
La reconnaissance de droits aux détenus doit cependant
être relativisée. Ces droits sont tout d'abord le plus souvent
imprécis, le mot « droit » ne figure d'ailleurs que
très rarement dans les textes officiels, l'Administration lui
préférant l'expression « les détenus
peuvent.... »535(*). Ces droits ne revêtent, en outre, jamais
l'aspect d'un texte de loi voté au parlement puisqu'ils sont
adoptés sous la forme de décrets ou de circulaires et sont ainsi
privés de toute valeur législative. Faute de recours contentieux
en cas de violation de ces droits, le Pr Alain Sériaux y voit, lors d'un
débat à la Société générale des
prisons, des « facultés octroyées aux détenus en
vue de leur réadaptation sociale » et Jean Dupreel, ancien DAP
des prisons belges, des « concessions octroyées aux
détenus par l'administration en application des principes
généraux des méthodes pénitentiaires
actuelles »536(*).
En dépit de ces limites, émerge un discours
politique souhaitant limiter la peine à la seule détention et
reconnaissant le détenu comme un sujet de droit. L'absence de jugement
de valeur ou le fait qu'il ne soit désormais plus question de rendre
« meilleur » le « détenu » (qui
se substitue au « prisonnier ») traduisent peut-être
une nouvelle théorie de la peine. La peine a désormais
explicitement comme but la neutralisation des individus du corps social et perd
sa prétention à « corriger » les individus
comme le proposait le modèle du
« tout-carcéral »537(*). C'est peut-être
pourquoi, Claude Faugeron estime que désormais la politique
pénitentiaire se réduit à une approche managériale
du problème carcéral, consistant à concilier les
intérêts divergents des détenus, des syndicats et des
contraintes budgétaires et électorales538(*). La politique
pénitentiaire giscardienne est pourtant fondée sur une
théorie de la peine où les droits de la personne humaine
s'autonomisent progressivement de l'idée de sanction :
« Désormais, deux niveaux sont donc distingués :
celui de la personne privée et celui de l'être
social »539(*). Si elle s'inscrit dans le cadre d'un projet de
libéralisation de la société, cette nouvelle
considération des détenus est également le fruit de la
mobilisation de professionnels de la prison qui inaugure un militantisme moins
politisé et plus légaliste où la défense des
détenus passe par la revendication et la mise en oeuvre de certains
droits.
2. De la revendication du droit
à la mobilisation des professionnels de la prison :
l'émergence d'un nouveau militantisme carcéral
« J'ai demandé systématiquement
à tous les intervenants en milieu pénitentiaire si la prison leur
paraissait utile. Et tous, enseignants, éducateurs, assistants sociaux,
surveillants, chefs d'établissements, juges, détenus, à
quelques rares exceptions près, m'ont répondu que non, que la
prison ne remplissait pas, ne pouvait pas remplir, le rôle qui lui
était assigné. Lorsque tous ceux qui la servent ou la subissent
portent un tel jugement sur l'institution, appellent de leurs voeux le
système qui la remplacera, la prison semble condamnée à
brève échéance »540(*).
Le Groupe d'information sur les prisons s'autodissout en
décembre 1972 sans qu'on en connaisse précisément les
raisons, la thèse la plus communément admise étant que le
GIP aurait achevé la mission qu'il s'était impartie541(*). Quelques mois avant,
en juillet 1972, une autre organisation est apparue. Serge Livrozet, symbole
des revendications formulées par « les ouvriers détenus
de la centrale de Melun », crée le Comité d'action des
prisonniers542(*). Le C.A.P est un mouvement composé
exclusivement de détenus ou d'ex-détenus prônant un
rapprochement avec la lutte des ouvriers ou encore avec les surveillants. Sa
principale activité est la diffusion d'un mensuel, le Journal des
prisonniers, d'abord devant les prisons puis au sein des
détentions. Dès l'origine, le C.A.P tente de s'inscrire en
continuité avec le GIP, comme en atteste la préface de Michel
Foucault au livre de Serge Livrozet543(*). Le premier édito du Journal des
prisonniers, co-signé par les deux organisations, annonce
d'ailleurs qu'il « n'y a pas d'incompatibilité entre le GIP et
le C.A.P. Il pourra y avoir une fusion des deux ou bien une coexistence
étroite » (n°1, 12/1972). Mais dès le quatrième
numéro, Michel Foucault et Daniel Defert se retirent du comité de
rédaction. Même si le C.A.P est une association très
politisée, elle participe également au mouvement de
judiciarisation de la détention, en revendiquant dans ses colonnes
« le droit au travail », « le droit de
lire » (Journal des prisonniers, 06/1974) ou encore le
« droit à la sexualité » (Journal des
prisonniers, 07/1976). C'est également au nom du « droit
à la santé » que l'association revendique la mise en
place d'« une médecine pénitentiaire non
différente de la médecine humaine » :
« Alors que l'on parle d'humanisation des
prisons, le C.A.P. Intérieur de Fleury a enquêté sur place
et tient à faire connaître au public ce qu'est exactement la
médecine pénitentiaire. Nous voulons aussi prouver que la prison
n'est pas que "la privation de liberté et rien de plus", mais c'est
aussi un lieu où même le droit à la santé n'existe
plus [...] Des hommes meurent ou seront estropiés ou diminués
à vie parce qu'en prison, le médecin est exclusivement au service
de l'administration pénitentiaire, au détriment de la
santé des individus. Il faut libérer la médecine
pénitentiaire, et nous espérons que cette enquête fera
prendre conscience à tous de la nécessité du combat pour
une médecine humaine en prison »544(*).
L'Association de sauvegarde des droits des détenus
créée en mai 1972, ensuite nommée l'Association pour la
défense des droits des détenus (ADDD), incarne de façon
emblématique le tournant légaliste adopté par le
militantisme carcéral. Principalement composée d'intellectuels
(Gilles Deleuze, Daniel Defert, Dominique Eluard, Claude Mauriac),
l'association agit « dans le cadre d'une action plus discrète, plus
légaliste, plus institutionnelle que le GIP, fonctionnant davantage sur
le modèle du comité de soutien »545(*). Contrairement au GIP
ou au C.A.P, l'ADDD, dotée d'un statut de loi 1901, n'a pas pour but,
comme le souligne Grégory Salle, de « libérer une parole
sauvage »546(*), l'association ne pouvant par exemple recevoir
la plainte d'un détenu qu'avec l'aide de son avocat, mais
« d'aider les détenus à connaître leurs droits,
à se faire respecter, à obtenir des droits nouveaux et
légitimes »547(*). L'association tient par exemple une permanence
dans une maison près du parc Montsouris où les familles peuvent
recevoir l'aide d'un avocat en cas de conflit avec l'Administration
pénitentiaire. Mais c'est surtout au nom du droit que l'association
dénonce la mauvaise prise en charge médicale des détenus,
comme ici dans une lettre adressée à René Pleven :
« Vous n'ignorez pas les multiples
témoignages qui concourent à démontrer que la santé
physique et mentale des détenus est, en France, la dernière des
préoccupations de l'Administration pénitentiaire. Ce scandale a
atteint des proportions déshonorantes. Que comptez-vous faire [...] pour
assurer à tous les détenus le droit de recevoir tout soin
nécessaire à sa santé, qu'il soit prévenu,
condamné à moins ou à plus de six mois ? Pour assurer
les soins dentaires dans les prisons ? Le droit des médecins
à la libre prescription et au secret, ainsi qu'une
rémunération décente pour les
internes ?»548(*).
La création de l'ADDD marque un tournant dans le
militantisme carcéral. Il s'agissait jusqu'alors d'associations
fortement marquées politiquement se situant dans une perspective de
contestation de la prison549(*). Souvent d'inspiration maoïste ou
marxiste, la critique de l'institution carcérale prenait place dans une
analyse plus globale des structures de domination, dont la prison
n'était qu'un exemple. Les militants de la cause carcérale
privilégient désormais une perspective plus pragmatique davantage
fondée sur la défense des droits des détenus que sur la
dénonciation d'un régime de pouvoir550(*). Certes les individus
qui y participent se situent majoritairement à gauche, comme en
attestent leurs divers soutiens (SM, MAJ), mais leur discours ne s'inscrit pas
dans un schéma politique nettement défini. C'est dans le cadre de
cette moindre politisation qu'émergent deux associations de
professionnels de la prison, le Groupe multiprofessionnel pour les questions
pénitentiaires à Lyon (GMQP) et le Groupe multiprofessionnel des
prisons à Paris (GMP) qui présentent, en dépit des
similitudes, d'importantes différences. Après avoir
présenté les principales caractéristiques de ces deux
organisations, on soulignera dans quelle mesure elles ont participé
à la contestation de la médecine pénitentiaire.
Bien qu'un de ses auteurs en fasse remonter a posteriori
l'origine au « bouleversement de mai
68 »551(*), c'est à partir d'une réunion
entre différents professionnels intervenant en détention,
survenue le 26 juin 1972, que s'organise le GMQP, alors appelé
« groupe de techniciens de la Justice et de travailleurs de la
détention ». Axel Lochen, membre de la communauté
protestante de Taizé et visiteur de prison552(*), est à l'origine
de ce qui rassemble de façon informelle des individus et des
organisations (SM, SAF, Union des jeunes avocats, Syndicat des
éducateurs, Union départementale des travailleurs sociaux) qui,
confrontés aux questions pénale et carcérale, entendent
confronter leur expérience553(*) : « Il se propose de constituer
un lieu de rencontre, en dehors des structures officielles et d'information du
public, sur le système pénitentiaire, puisque aucune
évolution ne semble pouvoir être attendue de ce
système »554(*). L'origine du GMPQ est le fruit du constat,
ici fait par Axel Lochen, que l'origine des révoltes de détenus
se situe dans le non-respect de la loi au non de laquelle les individus sont
pourtant incarcérés :
« Que demandent-ils donc ? Des choses
élémentaires qui sont prévues dans des textes de lois. Ils
exigent l'application des droits que devraient leur garantir la loi. Puisque,
après tout, on leur applique à eux les rigueurs de cette loi, ils
en attendent également les avantages [...] Comment est il concevable que
l'administration de la Justice contrevienne depuis des années à
l'application effective des textes de réforme et d'humanisation de la
peine ? [...] Il y a loin des excellents textes de procédure
pénale aux réalités pénitentiaires [...] Ils ne
veulent pas recevoir de coups et subir des fouilles sans aucun égard
pour les règles élémentaires de la Justice. Ils demandent
du travail, des conditions de vie décentes, une nourriture convenable et
un chauffage suffisant, des éléments d'hygiène
élémentaire. Toutes choses qui sont explicitement prévues
par la loi et plus souvent évoquées dans les textes que
vécues dans la réalité quotidienne »
555(*).
Outre cette revendication de droits des détenus, la
spécificité du GMQP est d'être un mouvement de concertation
destiné à mettre fin à l'isolement dans lequel exercent
les différents « travailleurs de la Justice
pénale » : « Médecins et aumôniers
s'ignorent. Directeurs et assistants sociaux sont un peu comme des
étrangers. Où est donc cette équipe que certains
évoquent comme la première des réformes à
rétablir ? »556(*). La création du GMQP doit ainsi
être replacée dans le cadre du travail d'équipe entrepris
depuis le début des années soixante par des professionnels de
santé s'étant heurtés à de multiples obstacles et
à un sentiment d'isolement557(*), dont rend compte un interne dans sa
thèse : « L'équipe soignante est un peu
considérée comme un corps étranger dans la prison ;
elle est utile, nécessaire mais elle est relativement récente,
jusqu'à présent peu représentée et surtout elle a
une place bâtarde car elle ne s'intègre pas dans la vaste
hiérarchie pénitentiaire [...] Le médecin est en
règle générale, privé de tout renseignement sur le
comportement des malades à la prison et sur la vie institutionnelle. Il
ne sait pas ce qui s'y passe »558(*). Avec la création du GMQP, le fait de se
réunir dans un lieu extérieur à l'enceinte
pénitentiaire permet à ces professionnels d'échanger
librement en dehors du cadre carcéral dont pourtant, reconnaît ce
psychiatre ayant participé au groupe, le degré de
contrôle relève avant tout du ressenti :
« C'était un moment de réflexion,
hors les murs. Sans le poids des grilles, des serrures qui claquent. Du regard
pénitentiaire quoi ! Et ça a une importance extrême.
Je ne sais pas si on disait des choses... Je n'en sais rien. Est-ce qu'on
disait des choses qu'on ne pouvait pas dire à l'intérieur ?
A priori non. Parce qu'on n'était pas non plus fliqués. Il n'y
avait pas de micros. Mais je ne sais pas le poids, le poids carcéral
quoi, était tellement là, c'était comme si sans doute,
ça tue peut-être pas mais ça bloque la parole, ça
inhibe et le fait de n'aller que serait-ce en face de la prison, ça
permettait de dire les choses » 559(*).
Pour Daniel Gonin, médecin aux prisons de Lyon depuis
1962, le GMQP est également un « groupe de
discussion » permettant aux différents intervenants de
« sortir du quotidien » et « confronter des
opinions » afin de porter « un regard multiple sur la
détention » : « J'avais vu des surveillants
assez à l'aise pour critiquer y compris leur hiérarchie, disant
qu'ils étaient considérés comme des pions [...] On
essayait de faire comprendre les exigences de la médecine
pénitentiaire auprès des surveillants ou des assistant sociaux.
On parlait de la préparation à la sortie, de la période de
jugement, des risques suicidaires, de l'avenir des peines. C'étaient
quand même des choses qui étaient pratiques, qui avaient des
retentissements dans le présent [...] ça permettait une
articulation entre intervenants qui s'ignoraient souvent. Moi, les visiteurs de
prison, je les connaissais très peu »560(*). Si le besoin de
créer ce groupe est apparu au milieu des années soixante-dix
à beaucoup d'intervenants présents pourtant depuis longtemps,
c'est d'une part du fait des obstacles sécuritaires apparus après
les révoltes de détenus et d'autre part en raison du malaise
ressenti par chacun d'entre eux suite à la dénonciation du
« scandale des prisons ». Le GMQP est ainsi décrit
par son fondateur comme une réponse collective permettant de
dépasser le sentiment d'impuissance éprouvé par de
nombreux intervenants de façon isolée :
« C'est un lieu de communication qui permet de
décloisonner la vie professionnelle de chacun. C'est l'occasion d'une
confrontation des pratiques et des principes avec la réalité
vécue du monde pénitentiaire [....] où nous sommes
astreints à un travail morcelé [...] Décidés
à poser des questions sérieuses à propos des
contradictions du traitement pénitentiaire et de la finalité de
la peine, nous ne voulons plus servir d'alibi à l'Administration
pénitentiaire. Si nous ne pouvons pas profondément changer les
choses, nous tenons à dire publiquement "au dehors" ce qui se passe au
palais de justice, en prison et après [...] Nous ne prétendons
pas supprimer les prisons mais faire naître un nouveau débat par
un témoignage crédible »561(*).
Ainsi, au-delà d'une concertation entre professionnels,
le GMQP développe une action d'information et
d'« alerte » à l'égard des autorités
pénitentiaires562(*), judicaires563(*) ou politiques. En
février 1973, à l'occasion de la campagne des élections
législatives, le groupe fait parvenir à chaque candidat à
la députation du Rhône une lettre ouverte dénonçant
le « scandale des prisons »564(*). Bien que n'obtenant
qu'un faible écho chez les candidats (seul le Parti communiste
répond), cette première initiative permet au groupe de
bénéficier d'un début de notoriété
auprès des journalistes et des autorités
pénitentiaires565(*). Le GMQP poursuit cette stratégie de
médiatisation en avril 1973 à l'occasion de la révolte des
détenus de la M.A de Saint-Paul où il publie un communiqué
de presse, bien relayé566(*), dans lequel l'agitation carcérale est
présentée comme « une confirmation de la
dégradation de la situation de sorte que les détenus ont dû
recourir à la révolte pour permettre à leur dignité
de s'exprimer »567(*). Craignant probablement d'être
identifié à un mouvement protestataire, comme le fut le GIP, le
GMQP remet cependant en cause cette première phase d'activisme durant
l'été 1973 : « Le groupe constate que ses interventions
ont eu un certain impact. Il s'inquiète cependant d'avoir
été entraîné à l'action avant d'avoir
abordé sérieusement le travail qu'il s'était
proposé. Il veut approfondir son travail critique et d'information en
essayant de se dégager d'une identification à la défense
des droits des détenus »568(*).
Tout en ayant recours de façon ponctuelle à
l'opinion publique569(*), le GMQP réoriente son action dans deux
directions. Le groupe entame tout d'abord une réflexion sur son
identité qui aboutit en mai 1974 à la publication d'une brochure
de présentation. Il en ressort que le GMQP prend un peu plus ses
distances à l'égard des militants de la cause
carcérale : « Nous n'avons pas voulu nous laisser
entraîner dans certaines aventures pour conserver notre capital de
crédibilité [...] Le groupe n'est ni une tribune, ni une chambre
de réflexion qui élaborerait des théories sur le monde des
prisons [...] Le groupe multiprofessionnel de Lyon ne prétend pas
refaire le monde pénitentiaire »570(*). Le GMQP exclut ainsi
de ses réunions le C.A.P571(*). Parallèlement à ce travail de
réflexion interne, le groupe lyonnais, fort de sa médiatisation,
entreprend une action de collaboration avec les autorités judiciaires et
pénitentiaires à laquelle l'association met cependant vite fin.
La difficulté à institutionnaliser une collaboration traduit deux
dilemmes auxquels est confronté le GMQP. Le fait tout d'abord que le
groupe soit né de la volonté de professionnels de se
dégager des contraintes institutionnelles qui leur étaient
imposées rend problématique toute participation active à
la transformation de l'institution carcérale. Ce faisant, il
apparaît délicat pour eux, voire inacceptable, de prendre part
à des initiatives pilotées par l'Administration
pénitentiaire même lorsqu'elles vont dans le sens de leurs
revendications : « Le groupe ne veut pas être
réintégré dans une structure dont il vient à peine
de s'échapper [...] Le groupe entend rester un organe de contestation et
de critique »572(*).
Outre les problèmes posés par le difficile
positionnement du GMQP à l'égard de l'institution
carcérale, d'ailleurs bien perçus par l'Administration
pénitentiaire elle-même573(*), les réticences des membres du GMQP
à se constituer en association marquent une seconde limite. Refusant
d'adopter le statut de la loi 1901, les membres du groupe semblent alterner
entre la volonté d'agir de façon concertée et le refus de
s'institutionnaliser à travers une structure hiérarchisée.
Le GMQP est une mobilisation de professionnels souhaitant infléchir la
politique pénitentiaire tout en craignant de perdre l'autonomie
nouvellement gagnée. Cette tension permet de dire que le groupe lyonnais
est avant tout un mouvement où l'individu prime sur le collectif.
Si l'utilité du GMQP est avant tout dans le témoignage selon
Simone Buffard, psychologue aux M.A de Lyon574(*), ou encore selon cet
interne lyonnais ayant participé au groupe, c'est peut-être parce
qu'il s'agit d'un moyen pour eux d'adopter une position plus militante bien que
non politisée :
« Le rôle le plus réel du groupe
multiprofessionnel n'est pas dans ses réunions interne, ni bien
sûr dans les communications avec d'autres spécialistes, mais dans
les interventions et les actions dirigées vers l'extérieur. C'est
lorsque nous participons à des réunions de quartier,
d'établissements scolaires, de Maisons des Jeunes, etc. que nous sommes
à notre place : de témoins pour un monde secret et
silencieux et d'acteurs engagés dans une tâche, et donc
heureusement dénués de la sérénité du
chercheur »575(*).
« Je crois que ça nous permettait de...
d'être à la fois agent du groupe social, puisqu'on était
quand même agent du groupe social. Je veux dire aussi quand on cautionne,
parce qu'on cautionne. On était quand même là dans le
punir. Surveiller et punir. Et on y ajoute soigner. Tout en permettant de
prendre une dimension un peu au-dessus. En rapportant ce qui se joue dans cette
institution au jeu des institutions, on va dire plus globalement quoi [...]
Mais pour pouvoir considérer ces mécanismes de
société et ne pas être complètement ligoté
dans leur seule application, je crois que ça permet de prendre une autre
dimension et aussi de se sentir utile pour le coup. A témoigner. A avoir
un autre discours. Et alors là pour le coup auprès de tous ceux
qui nous entourent. Pas uniquement auprès de ces professionnels qui
travaillent là-dedans. Auprès du corps social dans son ensemble.
Les voisins, les amis qui n'ont qu'une vision réductive de la prison.
J'avais témoigné plusieurs fois. J'ai participé à
des soirées organisées par Amnesty. Ça faisait partie un
peu de... de la mission ! » 576(*).
A l'inverse du GMQP, le Groupe multiprofessionnel des prisons
de Paris (GMP), créé par Antoine Lazarus dans les premiers mois
de 1973577(*),
se constitue à partir d'une approche plus militante et plus
méfiante à l'égard de l'Administration
pénitentiaire578(*). Il fédère un certain nombre
d'individus et de personnes morales qui sont tous des « travailleurs
de la Justice pénale » désireux de rompre l'isolement
et le silence imposé par la hiérarchie
pénitentiaire579(*) : « Le groupe multiprofessionnel des
prisons de Paris a été créé pour lutter contre le
secret, l'arbitraire et le rôle pathogène de la prison. Il est
constitué de travailleurs de la Justice pénale, dont la fonction
s'exerce avant, pendant et après la prison. Ils se sont réunis
pour essayer de décloisonner le système. Leur moyen
d'intervention, c'est d'informer » (Bulletin du GMP,
n°3, 15/1975). Se réunissant initialement de façon mensuelle
à titre informel, le groupe se dote en juin 1974 d'un statut associatif
« pour suivre le désir exprimé par certains membres
d'être intégrés dans une structure qui les laisse moins
seuls face à l'administration pénitentiaire »
(Bulletin du GMP, n°00, 01/1975) ainsi que d'un bulletin
d'information, publié avec l'aide de la CIMADE, destiné à
rendre compte des réunions du GMP ainsi que de
l'« actualité pénitentiaire ». La liaison que
tente d'introduire le GMP avec son homologue lyonnais, dont les réunions
et les actions sont rapportées dans le bulletin, se heurte cependant
à une différence de conception. L'association parisienne
apparaît plus organisée et plus personnalisée que le GMQP.
Contrairement à ce dernier, le GMP est en effet principalement
structuré autour de son fondateur, Antoine Lazarus, qui signe par
exemple en son nom propre les éditos des premiers numéros du
bulletin.
Tout en s'inscrivant dans des perspectives propres, le GMP et
le GMQP contribuent à la prise en compte de la dimension sanitaire en
milieu carcéral de trois manières. Même si leur principal
objectif n'est pas, contrairement au GIP, de contester l'institution
pénitentiaire, ces associations sont nées de la volonté de
professionnels de témoigner de leur expérience, comme en
attestent la devise du groupe parisien (« Il y a des circonstances
où l'obligation de réserve se confond avec la complicité
») ou la brochure du groupe lyonnais : « Il est l'heure de
dénoncer, de dire que la prison est un pourrissoir et qu'elle ne peut
être humanisée et c'est à ce prix là qu'ils [les
professionnels] continueront à exercer leurs
fonctions »580(*). La prise en charge médicale des
détenus est à ce titre à plusieurs reprises
présentée comme un symptôme de la misère des prisons
françaises : « A l'heure des décolonisations, un
territoire reste à part. Lui aussi "oublié de la
décolonisation". C'est le domaine pénitentiaire [...] La
médecine qui s'y exerce ressemble à celle des dispensaires de
brousse ou de jungle : longues attentes, équipements inexistants,
aides-soignants à peine formés, cachets d'aspirine »
(Bulletin du GMP, n°4, 07-08/1975). Ces critiques confirment un
refus croissant des professionnels de santé de cautionner certaines
pratiques auxquelles ils participent : « Le système
pénitentiaire nie les malades qu'il produit et ne voit en eux que des
simulateurs ; et bien souvent les prescriptions sont oubliées ou
arrêtées, le régime contesté, tronqué ou
écourté »581(*).
Outre cette activité de dénonciation, le GMP
occupe une fonction d'amplificateur dans la lutte menée par le personnel
sanitaire en lui offrant une tribune d'expression dans son Bulletin.
Il publie ainsi une lettre d'infirmières de La Santé
protestant contre le manque de considération dont elles
bénéficient ou encore le témoignage d'« un
"docteur" de la Santé », intitulé
« Médecine= Bonne Conscience des Prisons »,
dénonçant le rôle conféré aux praticiens en
milieu carcéral :
« L'Administration Pénitentiaire attend
de lui [médecin] que tout se passe bien. Cela veut dire : que le
détenu soit calme, ne se suicide pas, supporte les conditions
d'incarcération [...] Ainsi, induite par toute l'idéologie
carcérale, s'est instaurée la "surveillance chimique". Et de
toute façon le médecin, comme le détenu, est pris au
piège [...] En fait, toute l'agressivité dirigée sur la
Justice, sur l'administration, sur le règlement, est d'abord
reçue par la médecine, personnalisée,
médicalisée et atténuée [...] Ainsi, le
comprimé calmant sert à faire supporter la réalité
répressive de la Justice et d'un de ses exécutoires, la prison
[...] Messieurs les magistrats, les médecins (entre autres) en ont assez
de supporter et de réparer les effets de votre justice aberrante,
mécanisée, où vous ne considérez que des faits et
non des hommes [...] Nous en avons assez d'être l'alibi des prisons et
qu'on fasse de nous des "flics humains". NOUS EN AVONS ASSEZ D'AIDER A
SUPPORTER LE GACHIS HUMAIN SYSTEMATIQUE » (Bulletin du GMP,
n°3, 05/1975).
Au-delà du rôle d'amplificateur que le GMP et le
GMQP ont eu à l'égard des revendications liées à la
prise en charge médicale des détenus, il est important de
souligner que ces associations sont nées en partie du refus de certains
professionnels de santé de cautionner le « régime
pénitentiaire » alors en vigueur. Au GMQP figurent ainsi au
moins trois médecins-psychiatres et une psychologue travaillant aux M.A
de Lyon. Le fait que ces soignants proviennent tous du secteur de la
santé mentale atteste l'hypothèse de ressources propres à
ce secteur professionnel ayant facilité la prise de parole au sein de
l'institution carcérale582(*). Bien que médecin de santé
publique, Antoine Lazarus est également proche du secteur de la
psychiatrie583(*). Le rôle qu'il a joué
personnellement dans l'« affaire Mirval » illustre la
position de contestation de plus en plus endossée par certains
médecins pénitentiaires584(*).
Au-delà des spécificités de sa
trajectoire, les prises de position d'Antoine Lazarus, et plus largement la
création du GMQP et du GMP, traduisent l'émergence d'une nouvelle
génération de professionnels non pénitentiaires
(assistants-sociaux, enseignants, soignants) exerçant en institution
carcérale : « Jeunes pour la plupart, ils [les personnels
médicaux, sociaux et éducatifs] sont issus des
générations qui ont applaudi mai 68. Sans même envisager ce
que leur pratique a pu modifier, leur seule circulation dans la
détention, leur seul regard extérieur, a d'ores et
déjà brisé la vieille autorité
pénitentiaire »585(*). Si elle se situe principalement à
gauche du spectre politique, cette génération de professionnels
de la prison privilégie une démarche légaliste
plutôt qu'une stratégie révolutionnaire. Ces associations
revendiquent la reconnaissance d'un « droit à la
santé » à partir duquel une réforme du
régime de protection sociale des détenus est adoptée en
1975.
3. La reconnaissance d'un
«droit à la santé» et le rattachement des
détenus à la Sécurité sociale
Georges Fully : « Les détenus ne
sont pas assurés sociaux. Ils perdent leur droit à la
Sécurité sociale un mois après leur incarcération.
En fait, ils ne bénéficient plus de la Sécurité
sociale sitôt après leur incarcération ».
Journaliste : « Ceci n'a pour eux plus
d'importance puisqu'ils sont soignés ici gratuitement, mais pour leur
famille ? ».
Fully : « Oui, leur famille se trouve
pénalisée indirectement puisqu'elle ne bénéficie
plus des droits à la Sécurité sociale et nous le
regrettons et nous recherchons d'ailleurs actuellement un système qui
permettrait de faire des détenus des assurés sociaux ou tout au
moins de maintenir leurs droits »
Journaliste : « Car il est injuste, en
fait, de pénaliser des familles qui, elles, sont
innocentes... »
Fully : « Oui, c'est
évident ! »586(*).
Dans le cadre du mouvement de judiciarisation de la vie
carcérale précédemment décrit, le droit à la
santé s'affirme comme l'un des principaux droits dont devraient
bénéficier les détenus. Sans y faire directement
référence, le CPP consacrait dès 1958 le principe de la
gratuité des soins. Déjà présente de manière
implicite dans les « règles minima » de l'ONU de
1955 (article 26), la nécessité de soigner les détenus est
affirmée avec précision dans la résolution du Conseil de
l'Europe de 1973. Le principe d'un « droit à la
santé » semble alors largement reconnu par les médecins
pénitentiaires. « Le détenu a droit aux soins dont il a
besoin », écrit ainsi le médecin-chef des prisons de Lyon en
1971587(*).
Cette idée est également présente au sein du secteur
juridique. Un avocat membre de la Ligue des droits de l'homme, du MAJ et de
l'ADDD constate ainsi que « ce droit n'est plus un mythe comme au
XIXème siècle. Il a été
affirmé par des instances internationales »588(*). Me Varaut
s'insurge également contre les « nombreuses violations »
dont fait l'objet le « droit à la
santé »589(*). Enfin, un Directeur régional des
services pénitentiaires n'hésite pas à
« salue[r] comme un heureux avènement l'aurore d'une
époque où devront être reconnus les droits du
détenu, à commencer sans doute par le droit à la
santé »590(*)..
Ce n'est que plus tard que cette notion apparaît dans
les argumentaires des militants de la cause carcérale. En 1973, le C.A.P
exige ainsi le « droit à des soins médicaux »
incluant « une médecine carcérale non différente
de la médecine humaine », « la disposition, pour le
Corps médical, de toutes les spécialités
pharmaceutiques » et l'« indépendance totale et
véritable du service médical vis-à-vis de l'administration
pénitentiaire » (Journal des prisonniers, 05/1973).
En 1976, le Preservation of the rights of prisoners (PROP),
équivalent britannique du C.A.P, définit dans une
« charte des détenus » un ensemble de droits (droit
de communication avec la presse, droit au mariage, droit d'assister aux
obsèques de tout parent proche, droit à une formation
professionnelle) dont le « droit de consulter des conseillers
médicaux indépendants » ou le « droit aux
assurances sociales » (Bulletin du GMP, n°9, 09/1976). Le
C.A.P de Fleury-Mérogis affirme au même moment que « la
prison n'est pas "la privation de liberté et rien de plus", mais c'est
aussi un lieu où même le droit à la santé n'existe
plus ! » (Journal des prisonniers, 07/1976).
A mesure qu'elle est revendiquée par les professionnels
et les militants de la prison, la notion de « droit à la
santé » est l'objet d'un travail théorique par les
sciences pénitentiaires. Outre une raison
« humanitaire », selon laquelle « le
détenu n'est plus le grand malfaiteur qu'il faut retrancher de la
société »591(*), le droit à la santé est
légitimé à partir de deux arguments reposant davantage sur
le bénéfice de la société que celui de l'individu.
Le maintien des détenus en bonne santé se justifierait tout
d'abord au regard de la protection de la collectivité :
« Si nous considérons que parmi les détenus se trouvent
un grand nombre de personnes incarcérées à titre
préventif, qui sortiront éventuellement innocentes après
le jugement, l'importance de surveiller avec vigilance la santé des
détenus et de soigner leur souffrance en cas de maladies, nous
apparaîtra plus clairement »592(*). De même, un
médecin pénitentiaire remarque : « Il
apparaît évident que la Société n'a aucun
intérêt à laisser se dégrader la santé
d'individus qui, provisoirement écartés de son sein, sont
appelés tôt ou tard à le réintégrer. Les
soins risquent alors d'être plus longs et plus
coûteux »593(*).
C'est en second lieu au regard des objectifs de
« reclassement » et de « réadaptation
sociale », peu compatibles avec l'absence de soins médicaux,
que le droit à la santé est justifié : « Il
est naturel qu'on ne pense qu'à ses souffrances physiques et à
ses préoccupations psychiques angoissantes, lorsqu'on a une affection
physique ou des problèmes d'ordre moral. Aussi pour que le
condamné puisse subir le traitement pénitentiaire d'une
manière beaucoup plus efficace et satisfaisante, avant tout, il doit
être en bonne santé »594(*). L'importance
accordée aux soins donnés aux détenus s'accrut d'ailleurs
à mesure que la criminologie et les sciences pénitentiaires
établirent que « la morbidité est très
probablement criminogène : la tuberculose, la syphilis,
l'épilepsie, les troubles psychiques et du caractère semblent
bien exercer une influence sur la criminalité »595(*). L'idée d'un
droit à la santé se justifierait ainsi davantage au nom de la
sécurité collective que du bien être individuel.
C'est à partir de ce droit à la santé que
les conditions d'exercice de la médecine pénitentiaire sont
l'objet de critiques de plus en plus récurrentes. Déjà
lors du congrès de médecine pénitentiaire de 1968, un
médecin de M.A affirme : « Le droit à la
santé des détenus ne saurait être remis en cause, et,
l'abolition des châtiments corporels ayant été admise, il
ne saurait persister une différence de qualité de soins entre les
individus malades, qu'ils soient ou non délinquants [...] Les
détenus ne bénéficient pas d'une qualité de soins
identique à celle à laquelle ils pourraient prétendre en
tant qu'assurés sociaux libres. Il existe, de l'avis de tous les
médecins pénitentiaires, des restrictions en ce qui concerne
l'hospitalisation, le traitement de certaines
infirmités »596(*). Dans sa thèse, un interne constate en
1970 : « Il semblerait que le droit aux soins,
c'est-à-dire le droit à la santé, soit reconnu
actuellement. Il paraît donc surprenant que la population
pénitentiaire en soit tenue à part »597(*).
Les soins dentaires représentent depuis les
années soixante, aux yeux des praticiens exerçant en milieu
carcéral, la dimension la plus controversée de la prise en charge
médicale des détenus598(*). Un groupe de travail réuni lors du
congrès de 1963 décrit l'inégalité de soins entre
détenus, selon qu'ils soient riches ou pauvres, comme « une
monstruosité sur le double plan médical et
social »599(*). Le Dr Gonin voit dans cette
« anomalie scandaleuse, régulièrement
dénoncée à chaque congrès de médecine
pénitentiaire [...] une marque infamante de la
prison »600(*) tandis que le responsable du service de
santé des prisons de Lyon l'interprète comme la marque d'une
« peine privative de soins »601(*). Cette
« exception à la gratuité des soins » est
ainsi reconnue par la plupart des professionnels de la prison comme une
« une entorse au droit de la santé »602(*), posant avec
acuité la question de la protection sociale des détenus :
« Le bénéfice de la Sécurité sociale est
retiré aux détenus et à leurs ayants-droit. Le
séjour en prison a donc fréquemment pour conséquence, une
chute irréversible du coefficient masticatoire »603(*).
Le « droit à la santé »
trouve alors sa meilleure expression à travers l'affiliation des
détenus à la Sécurité sociale dont ils
étaient jusque-là dépourvus604(*). Outre le
bénéfice de l'assurance vieillesse et en cas d'accident du
travail, la non-affiliation des détenus à l'Assurance maladie est
fréquemment mise en cause dans la presse, comme à l'occasion de
la démission des trois internes qui rendent ainsi compte de la
misère de la médecine pénitentiaire : « La
cause ? Les prisonniers ne sont pas pris en charge par la
Sécurité sociale et l'administration pénitentiaire n'est
pas riche » (LF, 30/11/1972). Le rattachement des
détenus au système de protection sociale est un objet de
préoccupation depuis longtemps dans plusieurs pays européens. En
atteste la résolution adoptée par le Conseil de l'Europe le
1er février 1962 : « Le seul fait de la
détention n'altère pas les droits aux prestations de
Sécurité sociale acquis par le détenu avant son
incarcération »605(*). En Belgique, l'arrêté royal du
3/09/1972 dispense les sortants de prison de la période de cotisation
nécessaire pour bénéficier des prestations santé et
prévoit la couverture des personnes à la charge du
détenu606(*). En France, tandis que cette question
était longtemps restée une question administrative, le
rattachement des détenus à la Sécurité sociale
devient au cours des années soixante-dix une revendication
récurrente dans la condamnation du « scandale des
prisons »607(*).
L'un des principaux arguments justifiant cette réforme
est la non-couverture de la famille du détenu, présentée
comme une injustice. Se diffuse à cette époque l'idée que
la peine n'affecterait pas seulement le condamné mais l'ensemble de ses
proches608(*).
C'est par conséquent aussi bien au nom de l'individualisation de la
peine qu'au nom du droit à la santé que les professionnels
judiciaires et pénitentiaires demandent le maintien des prestations de
la Sécurité sociale. « Il est également injuste
que les détenus cessent de bénéficier du régime de
la Sécurité sociale après leur condamnation. La
suppression des droits sociaux sanctionne non pas le chef de famille qui est
soigné gratuitement, mais sa femme et ses enfants [...] Il est aberrant
de ne pas maintenir l'affiliation des condamnés au profit de leur
famille », écrit Me Varaut609(*). Dans son étude
de la situation des détenus à l'égard de la
Sécurité sociale, Suzanne Barral remarque qu'il
« serait surtout équitable de trouver une solution pour les
familles injustement exclues d'une protection particulièrement
nécessaire en l'absence du père »610(*). Cette revendication,
défendue depuis plusieurs années par les médecins
pratiquant en institution carcérale, acquiert au début des
années soixante-dix un intérêt
renouvelé611(*). Dans la thèse qu'il consacre à
ce sujet, un praticien des prisons de Lyon souligne les obstacles à une
réforme qu'il considère comme nécessaire, faute de pouvoir
accorder un statut au travail pénal : « En effet, il
apparaît impensable aux autorités d'assimiler le travail
pénal au travail libre. Il y aurait alors application des
règlementations du travail à l'intérieur de la prison.
Qu'on songe à ce qu'il adviendrait si les détenus avaient le
droit de grève ! »612(*).
La couverture sociale des personnes condamnées, et plus
particulièrement de leurs ayant-droits, apparaît comme l'une des
principales préoccupations pénitentiaires à partir des
révoltes de 1974 et ce non seulement au titre du droit à la
santé, mais surtout au nom de l'inscription des détenus au coeur
de la société. La coupure qui prévalait jusque-là
cède le pas à une prise en compte croissante de la population
carcérale. En atteste selon le Conseiller technique de Jean Taittinger
l'importance accordée pour la première fois au thème de
l'« exclusion pénitentiaire » dans une revue
spécialisée en protection sociale : « Une revue
qui consacre un numéro spécial au phénomène
d'exclusion sociale prévoit une rubrique pour traiter de l'exclusion
pénitentiaire. Quel chemin parcouru depuis quelques années dans
la prise de conscience des formes et des mécanismes
d'exclusion ! »613(*). La réforme de la protection sociale des
détenus en 1975 est d'ailleurs présentée comme l'une des
mesures phares de la réforme de la condition pénitentiaire voulue
par Valéry Giscard d'Estaing. « Conformément à
la volonté de M. Le Président de la République, il
convient de veiller à ce que les périodes de détention
n'entraînent pas des conséquences diverses susceptibles d'aggraver
considérablement la privation de liberté qui doit à elle
seule constituer l'essentiel de la peine », déclare Paul
Dijoud, secrétaire d'Etat aux travailleurs immigrés, à
l'occasion des débats parlementaires614(*).
La loi du 29 janvier 1975, qui devient l'article L. 242-4 de
Code de la Sécurité sociale, stipule ainsi que les détenus
sont affiliés aux assurances maladie et maternité de la
Sécurité sociale au titre soit des cotisations qu'ils versent
eux-mêmes s'ils exercent un travail pénal, soit du fait d'une
cotisation versée par l'Administration pénitentiaire aux caisses
de Sécurité sociale615(*). Mais c'est surtout l'affiliation des membres
de la famille du détenu, non couverts à un autre titre, que salue
largement la presse : « Désormais, l'incarcération
du chef de famille n'aura plus d'aussi graves conséquences qu'avant sur
sa femme et ses enfant, c'est à dire sur des
innocents »616(*).
Pourtant dans le même temps, la réforme laisse
inchangé l'article D.380 du Code de procédure pénale qui
pose le principe de la gratuité des soins aux détenus pris en
charge par la DAP. Faute d'accord entre ministères, l'affiliation des
détenus à l'Assurance maladie ne modifie ainsi en rien les
conditions dans lesquelles les détenus sont soignés puisqu'ils
continuent à être pris en charge par l'Administration
pénitentiaire : rétive à cette affiliation, la
Direction de la Sécurité sociale conditionne la prise en charge
économique des détenus pendant leur incarcération à
la suppression de la médecine pénitentiaire (Cf. Encadré).
En outre les Caisses de Sécurité sociale considèrent,
second obstacle à l'effectivité de la réforme, que le
milieu pénitentiaire n'est pas de leur ressort617(*). La loi du 29 janvier
1975 leur permet par conséquent seulement d'être couverts à
leur libération laissant inchangées les conditions de prise en
charge sanitaire, comme le dénonce Raymond Forni à
l'Assemblée nationale : « Honnêtement, qui oserait
soutenir, que le système sanitaire en vigueur dans les prisons soit
satisfaisant en 1975 ? Ce système est, en fait, le règne
d'une sous-médecine, d'une médecine au rabais, avec peu de
possibilités de consultation, une absence quasi-totale de bilans
médicaux périodiques et une impossibilité de se faire
soigner »618(*). Cette réforme marque ainsi surtout de
façon symbolique la progressive et fragile intégration des
détenus dans la communauté nationale. C'est ce que confirment la
loi du 2 juillet 1975, accordant l'assurance maternité aux
détenu(e)s et à leur famille, et la loi du 31 décembre
1975, qui accorde aux détenus ayant un travail la possibilité
d'avoir droit à l'assurance-vieillesse ainsi qu'à
l'assurance-chômage à leur libération (LM,
27/11/1975).
LA POSITION DE LA DIRECTION DE LA
SECURITE SOCIALE SUR L'AFFILIATION DES DETENUS A L'ASSURANCE MALADIE
L'affiliation des détenus à la
Sécurité sociale n'est pas une question nouvelle.
Déjà en 1973 elle fait l'objet de pourparlers dans le cadre de la
généralisation de la Sécurité sociale. Celle-ci
suppose que le travail des détenus soit considéré comme
n'importe quel autre travail. Or cette question est débattue entre les
ministères de la Justice et de la Santé, notamment au sein d'un
groupe chargé d'étudier la protection sociale du détenu et
de sa famille. En tant que secrétaire générale du Conseil
supérieur de la magistrature, Simone Veil, estime que « la
prison, bien que privative de liberté, ne doit pas pour autant priver le
détenu des avantages que le travail procure »619(*). Le représentant
de la Direction de la Sécurité sociale (DSS), André
Getting, estime que cette réforme est conditionnée à un
changement de tutelle de l'organisation des soins en prison :
« Jusqu'ici le travail pénal n'a pas été
assimilé à un travail salarié de droit commun. Si on remet
en cause ce principe, il faut en tirer toutes les conséquences,
notamment supprimer la médecine pénitentiaire ».
Lors d'une seconde réunion, qui a lieu le 20
février 1974, la DSS maintient son refus d'assimiler le travail
pénal au travail extérieur. Initialement prévue pour 1978,
cette question est remise à l'agenda après l'annonce par le
président de la République d'une réforme
pénitentiaire. A l'occasion d'une réunion
interministérielle ayant lieu à Matignon en octobre 1974, le
représentant du ministère du Travail « indique son
désaccord sur le financement prévu, en fait par le régime
général de la Sécurité sociale. Il y a lieu de
distinguer entre les détenus qui travaillent et ceux qui ne travaillent
pas : dans ce dernier cas ce n'est pas au régime
général de Sécurité sociale de supporter la
dépense mais à l'Etat »620(*). C'est sur la base de
cette opposition de la DSS et du ministère du Travail que le
bénéfice de la Sécurité sociale n'est
accordé aux détenus qu'au moment de leur libération.
« Actuellement, l'incarcération ne peut créer des
droits », déclare André Getting621(*)
__________________________________________________
L'exclusion des détenus du système de protection
sociale est apparue comme une injustice à mesure que s'imposait une
nouvelle représentation de la peine, selon laquelle les détenus
bénéficieraient, en dépit de l'incarcération, de
droits inaliénables. Le « droit imprescriptible à la
santé » auquel se réfère le ministre de la
Justice, Alain Peyrefitte, lors du congrès de médecine
pénitentiaire de 1978 s'intègre désormais dans une
politique pénitentiaire davantage soucieuse du respect de la
« personne détenue » (LF,
24/11/1978)622(*). Au-delà du mouvement de contestation
propre au secteur carcéral, cette considération du détenu
en tant que citoyen trouve ses racines dans l'émergence d'une nouvelle
représentation sociale des institutions. Dans le cadre de la
pensée de l'individu apparue à la fin des années soixante,
les institutions, jusque-là perçues comme protectrices, sont
présentées comme des menaces pour l'individu. Sont ainsi
déclarés « intolérables » par le
GIP : « Les tribunaux/ Les flics / Les hôpitaux, les
asiles / L'école / Le service militaire / La presse, la
télé / L'Etat / Et d'abord les prisons »623(*). Au-delà de leur
diversité, ces institutions sont accusées à partir des
« années 68 » de participer à une
« normalisation » de la société fondée
sur un modèle univoque. S'il n'épargne pas l'école,
l'université ou l'hôpital, ce mouvement de critique
institutionnelle s'adresse avant tout aux institutions fermées où
sévit une discipline stricte (hôpitaux psychiatriques, casernes,
internats, prisons).
Le point de départ de ces luttes, le refus d'un
asservissement de l'individu à l'institution, explique que des liens
s'établissent entre les militants de ces différentes causes.
Dès le troisième numéro du Journal des
prisonniers apparaît ainsi une rubrique « autres
prisons » destinée, comme l'indique la devise du C.A.P,
à souligner la continuité des luttes : « Les
chaînes des prisonniers sont les mêmes que celles de tous les
hommes sans pouvoir sur leur vie : elles sont simplement plus visibles.
Les détenus face aux tentatives du pouvoir pour les isoler dans leur
lutte, ont besoin du soutien de tous les révoltés. Leur
colère est la nôtre ». Le journal du Groupe
d'information des travailleurs sociaux (GITS), Champ social, propose
de façon similaire une interprétation commune de ces
différentes protestations :
« Dans les usines, dans les quartiers, dans les
prisons, dans les asiles, dans les casernes, dans les lycées, dans les
universités, à chaque symptôme de solidarité, le
pouvoir s'ébranle et réagit violemment [...] Dans les usines, les
cadences s'accélèrent ; dans les quartiers, grâce aux
promoteurs, le cloisonnement des gens se fait ; dans les prisons, c'est le
cachot ; dans les asiles, c'est plus facile grâce aux
calmants ; dans les casernes, c'est 12 mois sur 12 ; dans les
universités et les lycées, c'est à petites doses chaque
jour. Face à cette répression des gens tentent de s'organiser et
luttent. Notre lutte est la même et nous devons lutter à leur
côté dans le même combat »624(*).
Parmi ces mobilisations, une relation particulière
s'établit entre les militants de la cause carcérale et ceux
contestant les institutions psychiatriques. A côté de la
« charte des détenus », le GMP publie ainsi la
« charte des internés » proposée par des
psychologues, des infirmiers, des travailleurs sociaux et des internés
réunis dans une coordination intitulée
« Psychiatrisés en lutte »625(*). A cette occasion, le
GMP rappelle que pour 30.000 détenus, la France compte près de
140.000 internés dans les établissements psychiatriques :
« Bien que spectaculaire et journalistique, la prison n'est que le
lieu minoritaire de l'enfermement en France aujourd'hui »
(Bulletin du GMP, 09/1976). Outre des conditions de vie
dégradantes, le rapprochement entre ces deux institutions repose sur
l'idée qu'il s'agirait de lieux où le corps social refoulerait
toutes les déviances : « La prison, l'hôpital
psychiatrique, les mesures de contrôle social sont les outils de notre
système à nous. Moins systématiques que les camps de la
mort, ils n'en relèvent pas moins du même désir confus de
liquidation des marginaux » (Bulletin du GMP, 05/1975).
Ainsi, plus qu'une critique de la privation de liberté
en tant que telle, ces mouvements de contestation ont en commun un refus de la
normalisation qu'incarneraient les institutions fermées qui auraient
pour objectif de réadapter et traiter les déviances. C'est
d'ailleurs à partir de ces associations de remise en cause des
hôpitaux psychiatriques et de la prison que naît en 1974 le
mouvement MARGE destiné à défendre toutes les populations
marginales : handicapés, homosexuels, prostituées,
toxicomanes, internés et bien sûr détenus626(*). Cette remise en cause
s'inscrit le plus souvent dans un schéma politique, la figure du
déviant-détenu-interné étant
interprétée à l'aune de la théorie de la lutte des
classes :
« Les internés sont issus des mêmes
couches sociales que les prisonniers : les classes ouvrières, aux
revenus modestes, dont les conditions de travail et de vie sont difficiles.
D'où un combat similaire entre le C.A.P et le GIA (Groupe information
asile). La psychiatrie est un instrument de normalisation des individus, la
prison ne suffisant plus pour réprimer les corps et les esprits, on va
vers la création des prisons-asiles » (Journal des
prisonniers, 11/1976)
Cette nouvelle représentation des institutions n'est
pas uniquement le fait d'acteurs militants. Les travaux sociologiques tendent
également à assimiler prisons, asiles et casernes comme des
institutions répressives pouvant nuire à l'individu. Asiles
de Goffman et la notion d'« institution totale » en
constituent le meilleur exemple627(*). Lui-même symptomatique de ces mouvements
de critique institutionnelle, cet ouvrage a probablement contribué
à alimenter leur développement. En attestent les nombreuses
références faites à Goffman dans les discours des
militants de la cause carcérale. La revue Actes propose ainsi
« d'aborder la prison sous l'angle de son fonctionnement
totalitaire », établissant ainsi un parallèle
« entre "l'organisation totalitaire" définie par Goffman
à partir de l'hôpital psychiatrique et le "panoptisme"
dégagé par M. Foucault à partir de la prison »,
en particulier du point de vue des personnels de surveillance ainsi que
« médico-socio-éducatifs »628(*).
Certains professionnels de santé pénitentiaires
critiques font également référence au sociologue
américain pour rendre compte de leur activité. Dans un article
décrivant le fonctionnement du service médical, un médecin
de la M.A de Lyon souligne dans quelle mesure les conditions d'administration
des médicaments infériorisent le détenu :
« Ainsi, dans cette "institution totalitaire"- pour citer Erving
Goffman - un tel système tend-il à renforcer le fait que si "le
personnel a tendance a se croire supérieur et à ne jamais douter
de son bon droit, les reclus ont tendance à se sentir inférieurs,
faibles, déchus et coupables". Si ce n'est pas toujours vrai, du moins y
sont-ils poussés »629(*). Etablissant un parallèle avec l'analyse
que propose Goffman des hôpitaux psychiatriques, Simone Buffard
psychologue aux prisons de Lyon observe « l'oppression
carcérale » :
« J'ai prononcé le mot d'oppression, je
peux dire, si vous préférez, "punition" ou "châtiment" ou
"peine", mais cela a toujours deux significations : suppression d'une
partie des droits de citoyen et servitude ; suppression du droit à
la liberté mais aussi du droit au travail, du droit à
l'information, du droit de réunion, réduction du droit à
la santé, surpression du droit parental lui-même, du moins de la
possibilité de l'exercer»630(*).
Parfois la référence à Asiles
est plus implicite à travers la référence notamment
à la nature « totalitaire » de l'institution
carcérale. « Nos collègues de l'"extérieur" pour
leur part se demandent comment nous faisons pour continuer à exercer
dans un tel cadre (comme si l'HP était plus facile). Ils pensent que la
prison étant une institution totalitaire (ils ont raison), elle ne
saurait nous garder intacts », observe un psychologue membre du
GMP631(*).
« En prison aussi l'on trouve quelques médecins. C'est une
étonnante contradiction qui amène dans ce milieu totalitaire
destiné à punir, des praticiens supposés soulager la
souffrance physique du monde », remarque pour sa part Antoine
Lazarus632(*).
On comprend ici que l'ouvrage de Goffman a été
utilisé par les militants tout comme par certains professionnels aussi
bien pour comprendre que pour transformer la réalité
carcérale. En dépeignant une entité repliée sur
elle-même, coupée du reste de la société, l'ouvrage
de Goffman invite implicitement à transformer les institutions. C'est
cette idée d'ouverture, apparue initialement dans le domaine
psychiatrique633(*), qui s'impose progressivement au secteur
carcéral durant la seconde moitié des années soixante-dix
sous l'appellation de « décloisonnement ». C'est
à partir de cette notion que des militants et des professionnels de la
prison vont demander l'intégration de la médecine
pénitentiaire au système de santé de droit commun. En
faisant valoir la perte de pouvoir que cela représente pour
l'Administration, le Médecin-inspecteur va s'opposer à ce projet
et défendre ainsi l'idée d'une médecine
pénitentiaire spécifique.
Section 2 - Le
« décloisonnement » des services de santé
pénitentiaires : la perte d'un monopole carcéral ?
Au cours des années soixante-dix est progressivement
défendue l'idée, d'abord par les professionnels et les militants
de la prison puis par les sciences pénitentiaires puis enfin par les
autorités politiques, d'une ouverture progressive de la prison au reste
de la société. Ce phénomène qualifiée
tantôt de « décloisonnement », tantôt de
« désenclavement » ou parfois plus simplement
d'« ouverture », n'est pas spécifiquement
français. Il est également l'objet d'une réflexion au
niveau européen. En attestent les « règles
minima pour le traitement des détenus » adoptées par le
Conseil de l'Europe en 1973, qui indiquent que « le traitement ne
doit pas mettre l'accent sur l'exclusion des détenus de la
société mais, au contraire, sur le fait qu'ils continuent
à en faire partie » (article 6-2)634(*). Il est notamment
« recommandé », à cette fin, de
« recourir, dans la mesure du possible, à la
coopération d'organismes de la communauté » et ce
notamment dans le domaine de la santé (article 21-1) et de l'instruction
(article 78-2). La prudence employée par le Conseil de l'Europe dans la
formulation de cette recommandation traduit la sensibilité que
revêt alors pour les gouvernements la question de la prise en charge des
détenus, notamment en matière de soins.
Si l'idée d'un transfert de tutelle auprès du
ministère de la Santé est évoquée dans plusieurs
pays, elle se heurte cependant à la crainte des Administrations
pénitentiaires d'être dépossédées de l'une de
leur principale prérogative. Ces réticences permettent de
comprendre le flou entourant la politique d'« ouverture »
adoptée par la France en matière pénitentiaire dont on
propose de restituer l'origine. Apparu comme une revendication des
professionnels de santé, le terme de
« décloisonnement » est développé par
les militants de la cause carcérale et les sciences
pénitentiaires selon des acceptions très différentes. La
politique giscardienne de libéralisation s'en inspira dans sa
réforme de la condition pénitentiaire tout en lui
préférant les termes de
« désenclavement » ou
d'« ouverture » (1). En matière de soins aux
détenus, où le « décloisonnement » fut
l'une des principales revendications professionnelles, le projet d'un transfert
de compétence auprès du ministère de la Santé se
heurta cependant à la volonté du nouveau
Médecin-inspecteur, Solange Troisier, de faire de la médecine
carcérale une discipline spécifique (2). C'est dans le domaine
d'action de l'Administration pénitentiaire le plus contesté, les
soins psychiatriques, que le « décloisonnement » fut
mené à son terme par l'intégration de la psychiatrie
pénitentiaire au dispositif de santé mental national (3).
1. Le
« décloisonnement », entre revendication
professionnelle et politique publique : la polysémie d'un
concept
« La ville, c'est comme un grand rond dont le
centre est occupé par ceux qui ont de l'argent, le savoir, le pouvoir.
Elle expulse peu à peu vers l'extérieur ceux qui ont moins
d'argent, point de chance et cela fait les banlieues de béton et les
cités-dortoirs. Elle repousse de plus en plus loin ceux qui sont en
marge et ils commencent à lui faire peur. Alors, elle les enferme. Et
quand tout a raté ; la ville verrouille les portes de ses prisons
sur ceux qui n'en pouvaient plus de ne pas avoir de chance. Car la ville ne
pardonne pas à ceux qui ne sont pas au centre du rond, d'avoir voulu se
rapprocher de celui-ci »635(*).
Il n'est pas aisé de retracer la trajectoire d'une
idée. D'après les recherches effectuées, le terme de
« décloisonnement » eu égard à
l'institution carcérale apparaît pour la première fois
très précisément au sujet de la médecine
pénitentiaire. Déjà en 1969, à l'occasion du
10ème congrès français de criminologie, le Pr
Marcel Colin évoquait l'idée de décloisonnement sans
toutefois en citer le terme précis : « La prison doit
s'ouvrir vers la Cité [...] Il faut "laïciser" et donner un
caractère anti-autarcique à la prison et, à ce propos,
l'on peut se réjouir de la prise en charge par les instances
hospitalières civiles de certains traitements de détenus en
milieu carcéral »636(*).
Lors du congrès de médecine de 1972 au cours
duquel l'Administration est fortement contestée637(*), le mot
« décloisonnement » est utilisé à
plusieurs reprises afin de promouvoir une plus grande intégration des
praticiens au ministère de la Santé. A partir du constat de
l'écart grandissant avec la médecine hospitalière, le Dr
Laffont des prisons de Fresnes préconise « le
décloisonnement des structures hospitalières
pénitentiaires de type autarcique par l'institution d'une liaison
effective et permanente avec les C.H.U »638(*). Sans se
référer à cette expression, le Dr Petit,
médecin-chef de l'Hôpital de Fresnes, va plus loin en proposant
dans des termes proches un transfert de tutelle : « Je crois
très sincèrement que l'hôpital des prisons,
propriété exclusive du ministère de la Justice, a
vécu. Il faut le sortir de son isolement. C'est au ministère de
la santé de prendre en charge un tel hôpital [...] Au moment
où l'Administration parle de milieu ouvert, pourquoi ne pas imaginer
cette "ouverture médicale" ? »639(*). Lors du même
congrès, le Dr Pickering expose le fonctionnement des services
médicaux des prisons britanniques travaillant avec le National
health service. Le congrès, enfin, s'achève par la
rédaction d'une motion finale proposant « le
décloisonnement des systèmes sanitaires et pénitentiaires
en vue de leur ouverture aux structures hospitalières, dans le sens
d'une intégration réciproque » (LM,
5/12/1972).
Le recours à cette expression traduit la volonté
des différents praticiens de ne pas être exclus du secteur
médical, notamment hospitalo-universitaire, déjà
exprimée lors du congrès de Marseille de 1970 au cours duquel les
médecins avaient affirmé « que la personnalité
et la santé d'un détenu ne sont pas seulement du ressort de
l'administration pénitentiaire mais de celui du corps médical et
du ministère de la Santé »640(*). Prédomine en
effet à ce moment parmi les médecins exerçant en prison
l'idée que les autorités sanitaires se
désintéresseraient de leur situation, laissant ainsi fonctionner
l'Administration pénitentiaire de manière
« autarcique » : « Un hôpital comme
celui de Fresnes qui comporte 300 lits, un bloc opératoire moderne, un
laboratoire, des installations de radiologie, des salles d'accouchement est
ignoré par le ministère de la Santé et n'a jamais
été inspecté », s'étonne un
médecin dans un journal médical641(*). Le
« décloisonnement » répondrait ainsi au
besoin de reconnaissance ressenti par beaucoup de praticiens refusant
d'être assimilés à des sous-médecins. En atteste le
responsable du service de médecine pénitentiaire des prisons de
Lyon :
« Le Service de Santé
Pénitentiaire, en dépit de l'aide qui lui est apportée par
la Direction de l'Action Sanitaire et Sociale pour le dépistage des
fléaux sociaux, vit encore en économie fermée, ce qui
était parfaitement concevable il y a un siècle, mais est
incompatible avec l'interdépendance actuelle des services qui condamne
à l'isolement et à l'autarcie. Souvent ignorée ou
isolée du reste de la Communauté-Santé, la médecine
pénitentiaire, au sein même du service pénal, est
exposée à l'enkystement, au cloisonnement des activités
diverses, à la submersion dans les activités
administratives »642(*).
Apparu dans le contexte spécifique de la
médecine pénitentiaire, le terme de
« décloisonnement » s'étend rapidement
à propos de l'ensemble de l'institution carcérale sous l'action
des associations de professionnels de la prison qui en font explicitement l'un
de leurs objectifs643(*). Ce terme semble cependant doté de
nombreuses significations. Pour le Groupe multiprofessionnel sur les questions
pénitentiaires (GMQP), qui se donne pour but de
« Critiquer », d'« Agir » et de
« Décloisonner », il recouvre une démarche de
mise en relation entre les différents intervenants présents en
détention : « Les professionnels du système
pénitentiaire sont réduits à l'impuissance. Ils
travaillent isolément ; ils s'épuisent, chacun dans sa
petite sphère [...] Il fallait se dégager d'un tel climat, se
retrouver en dehors des institutions pour se parler, redire et raconter la
prison »644(*). L'association offre à des individus
isolés dans leur pratique professionnelle et confrontés à
des contraintes similaires l'opportunité de se rencontrer et d'initier
une démarche commune. Elle représente ainsi, selon son fondateur,
« un lieu de communication qui permet de décloisonner la vie
professionnelle de chacun » au-delà des secteurs
d'intervention respectifs (médical, éducatif, associatif,
etc.)645(*).
C'est dans l'objectif d'un décloisonnement que les membres du GMQP
tentent d'entrer en contact avec le directeur d'établissement, le juge
d'application des peines ou encore le procureur général de Lyon.
D'une façon semblable, le Groupe multiprofessionnel des
prisons de Paris (GMP) rassemble des travailleurs de la Justice pénale,
exerçant « avant, pendant et après la
prison », « réunis pour essayer de
décloisonner le système » (Bulletin du GMP,
n°3, 05/1975). Contrairement à son équivalent lyonnais, le
GMP choisit de s'institutionnaliser à travers une structure associative.
En outre, tandis que le GMQP conserve une ambition locale, l'association
parisienne ambitionne de promouvoir le décloisonnement à une
échelle nationale, voire européenne. Passant outre les
cloisonnements imposés par l'institution, le GMP édite ainsi un
bulletin constitué essentiellement de documents administratifs (une
circulaire relative à la délivrance de certificats de travail aux
libérés ou le règlement intérieur des prisons de
Fresnes) afin d'informer les différents professionnels exerçant
en milieu carcéral646(*). Outre cette coopération entre
professionnels de la Justice également présente au sein du groupe
lyonnais, le GMP voit dans le « décloisonnement » un
moyen de questionner le rôle de l'institution carcérale. Afin de
« décloisonner prison et opinion » et de remédier
ainsi au « fossé d'incompréhension dû à
l'immense méconnaissance » qui sépare les victimes des
coupables, l'association participe à plusieurs émissions
télévisées au cours desquelles la prison est
présentée comme une réalité quotidienne, et ce
à l'encontre de la représentation dominante : « un
continent lointain qui ne concernerait que quelques initiés ».
Le décloisonnement, entendu ici comme l'abattement du « mur de
la mise à l'écart », aboutirait à terme à
« la "disparition de la prison" » (Bulletin du GMP,
07-08/1975). Pour le GMP, le décloisonnement est ainsi un mouvement
opéré entre les différents intervenants de la
détention mais aussi entre le dedans et le dehors afin de mettre fin
à l'isolement qui caractérise l'institution carcérale.
Revendication des médecins pénitentiaires puis
mot d'ordre des associations de professionnels de la prison, le
« décloisonnement » est simultanément un
objet de réflexion des sciences pénitentiaires dans le cadre de
la recherche de nouvelles politiques pouvant porter remède au constat
d'échec de la prison formulé alors. Au cours de la
première séance consacrée par la Société
générale des prisons (SGP)647(*) au thème du «
décloisonnement de l'Administration pénitentiaire », le
rapporteur, Jacques Vérin, souligne que puisque « le
dépeuplement souhaitable des prisons sera fort long », il est
utile d'« étudier les moyens d'améliorer la situation
pénitentiaire actuelle, tout en évitant que les solutions
proposées ne contribuent à pérenniser la prison. L'un de
ces moyens, que l'on a souhaité mettre à l'étude au cours
des prochaines réunions de notre société, a
été baptisé, non sans beaucoup d'hésitation, le
décloisonnement de l'Administration pénitentiaire, appellation
qui laisse un peu perplexe »648(*). Au cours de son exposé, ce magistrat,
secrétaire général de la Société
internationale de criminologie, attribue à cette notion une
définition sensiblement différente de celle des militants de la
cause carcérale. « Bien qu'elle s'appuie aussi sur la
nocivité et l'incongruité de cette coupure avec la
société que constitue l'emprisonnement », la notion de
décloisonnement ne désigne pas pour Jacques Vérin, qui
prend l'exemple des prisons anglaises649(*), la coupure instaurée avec la vie
extérieure mais la responsabilité des autres ministères
dans la prise en charge des détenus : « Elle ne s'adresse
pas tant à l'Administration pénitentiaire qu'à la
société elle-même et aux autres administrations publiques
[...] Ainsi, ce que nous entendons par décloisonnement, c'est un rappel
de tous les services de la société à leurs
responsabilités dans le "traitement" des délinquants
condamnés »650(*). Si le rapporteur observe que le détenu
malgré l'incarcération « n'en continue pas moins
à faire partie de la société », c'est pour
conclure à « une véritable responsabilité qui
demeure à la charge de chaque service public ». Ainsi, au
terme de cette conception de l'incarcération, chaque ministère se
verrait rappeler sa responsabilité dans le traitement des
détenus, de sorte que l'existence d'une administration
spécialisée ne les conduise pas à s'en
désintéresser. La santé serait d'ailleurs l'un des
secteurs « privilégiés » de cette politique
selon Jacques Vérin :
« L'autarcie pénitentiaire
présente ici des dangers évidents qui ont été
maintes fois dénoncé dans tous les pays : danger d'une
médecine coupée des courants scientifiques et ne profitant pas
des avancées réalisées à l'extérieur, danger
d'une médecine au rabais tenant à la pénurie chronique des
moyens, tenant a priori les malades pour des simulateurs [...] Il
conviendrait que le ministère de la Santé se sente responsable de
la santé des détenus comme de tous les autres habitants du pays
et décide, de concert avec les autorités pénitentiaires,
de l'organisation des soins la mieux adaptée à la situation
particulière des détenus »651(*).
Ce décloisonnement, qualifié
d'« horizontal » par Jean Pinatel652(*), qui consiste à
attribuer à chaque ministère le champ de compétence qui
lui appartient, présente cependant deux risques aux yeux des
participants. Est tout d'abord défendue l'idée que la question
carcérale formerait un tout qu'on ne pourrait découper en autant
de spécialités (social, sanitaire, éducation, travail) au
risque d'en perdre la cohérence. C'est ainsi que Paul Amor, premier DAP
à la Libération, justifie son opposition « au
dessaisissement de l'Administration pénitentiaire au profit d'autres
administrations » : « L'Administration pénitentiaire
forme un ensemble : il n'apparaît guère possible d'en
détacher telles ou telles branches pour en confier la
responsabilité à d'autres administrations »653(*). Pour prévenir
cette objection, Jacques Vérin observe que les différents
ministères ne seraient pas pour autant « maîtres de
leurs décisions » puisque leur intervention s'exercerait sous
la tutelle d'une « autorité coordinatrice
spécialisée », le décloisonnement ne pouvant
ainsi être assimilé à une
« dépossession » de l'Administration
pénitentiaire654(*).
Est d'autre part soulevé le risque de
déclassement des surveillants qu'entraînerait ce transfert de
compétence. Ainsi, lors d'une séance consacrée au
décloisonnement des activités éducatives et culturelles,
le rapporteur, M. Laplace, se demande « si le caractère
"gratifiant" de la mise en oeuvre de ces activités doit être
refusé au personnel de l'Administration
pénitentiaire »655(*). Au-delà de la (dé)valorisation
du métier de surveillant, la question sous-jacente au débat est
de déterminer si la spécificité du secteur
pénitentiaire justifie que tous les personnels travaillant en prison
relèvent du ministère de la Justice. Bien que les participants
s'accordent à reconnaître l'utilité d'une intervention
extérieure, beaucoup mettent en avant le risque d'incompétence ou
de désintérêt des autres ministères à
l'égard des détenus. Remémorant les conditions de
création d'un corps d'infirmières et d'assistantes sociales
pénitentiaires à la Libération, Paul Amor conclut que
« le nombre de détenus -30.000- est trop faible par rapport
à l'ensemble de la population française pour que ces
administrations attachent un grand intérêt à la population
pénale », avant d'ajouter qu'il est « opposé
au dessaisissement de l'Administration pénitentiaire au profit d'autres
administrations pour tel ou tel domaine particulier »656(*). Jacques Vérin
écarte une nouvelle fois cette objection en soulignant que le
décloisonnement « ne consisterait pas, pour un autre service
public, à fournir un contingent de ses propres spécialistes
à l'administration pénitentiaire mais, ce qui
représenterait un effort bien plus considérable, à
procéder à une réflexion commune débouchant sur la
formation appropriée du personnel même de l'administration
pénitentiaire »657(*).
Ainsi, si tous les participants semblent partager
l'idée, exprimée par Marc Ancel, que les pouvoirs publics doivent
conduire l'opinion à considérer que c'est la
société toute entière qui est concernée, qui doit
prendre en charge les détenus pour les ramener en son
sein »658(*), ce consensus recouvre de fortes
divergences quant à la forme que doit prendre ce
« décloisonnement ». Tandis que certains sont
favorables à l'intervention du personnel des différents
ministères, d'autres jugent préférable la formation des
membres de la DAP. Initialement présenté comme un transfert de
compétence, le décloisonnement serait alors un moyen de mettre
à contribution les autres administrations afin de pallier les carences,
notamment budgétaires, de l'Administration pénitentiaire.
Plus qu'un désintérêt pour le monde
carcéral, les intervenants, et notamment Paul Amor lorsqu'il
évoque l'intervention de la Croix-Rouge en 1945, craignent
peut-être que l'Administration perde le contrôle de ceux qui
interviennent dans ses murs. En effet, la création des premiers
postes d'infirmières à la Libération avait posé
avec acuité le problème de leur indépendance
statutaire659(*). Au sujet du décloisonnement de la
médecine pénitentiaire, M. Schweitzer s'inquiète
d'ailleurs sur le « droit de contrôle de l'Administration
pénitentiaire sur le choix des médecins » :
« Si on laissait carte blanche aux C.H.U l'administration n'aurait
plus son mot à dire et, à la limite, si le secrétaire
général du C.A.P ou du GIP avait la qualité de
médecin, il pourrait ainsi avoir ses entrées dans un
établissement pénitentiaire »660(*). Face aux
inquiétudes des participants, Jacques Vérin tient d'ailleurs
à rappeler qu'il n'est pas question à travers le
décloisonnement que le ministère de la Justice se dessaisisse au
profit de services extérieurs :
« Ce n'est pas du tout ce que nous envisageons.
L'Administration pénitentiaire restera maîtresse chez elle, mais
nous entendons placer les autres services publics en face de leurs
responsabilités de façon qu'ils se sentent concernés, eux
aussi, par les problèmes des prisonniers [...] Ce que nous souhaitons,
c'est faire disparaitre le réflexe qui conduit à dire :
"C'est un délinquant, son sort concerne l'Administration
pénitentiaire, il ne nous regarde plus" »661(*).
Au cours de la réunion, Jean Pinatel défend pour
sa part un décloisonnement « vertical » selon lequel
chaque ministère serait intégralement compétent pour
l'exécution des peines selon les publics concernés : les
détenus toxicomanes ou mentalement anormaux seraient placés dans
des établissements relevant exclusivement du ministère de la
Santé, les pénitentiaires agricoles seraient sous
l'autorité du ministère de l'Agriculture et les
prisons-écoles sous l'autorité de l'Education
nationale662(*). Un visiteur de prison propose enfin de mettre
fin à « un cloisonnement qui est une source de
problèmes pour beaucoup de détenus : la privation de
rapports sexuels »663(*).
Suffisamment vague pour permettre l'émergence d'un
consensus, l'expression de « décloisonnement » est
critiquée par tous les membres de la Société
générale des prisons du fait de son ambiguïté. Tandis
qu'une intervenante, Melle Marx, juge le terme
« dangereux » en raison de son sens littéral, le
magistrat Georges Levasseur remarque qu'il « peut laisser penser
qu'il s'agit de faire tomber les murs et les portes des prisons pour permettre
des échanges dans tous les domaines, y compris dans le domaine sexuel
»664(*).
Si cette expression est employée, c'est parce que, conclut le
secrétaire général Bernard Dutheillet-Lamonthezie, aucune
autre n'a été trouvée pour la remplacer.
Initialement apparu en tant que revendication des
médecins pénitentiaires, le terme de
« décloisonnement » s'étend progressivement
pendant le milieu des années soixante-dix à l'ensemble de
l'institution carcérale dans deux cadres distincts. Conçu comme
un moyen de redonner à la peine tout sa légitimité par les
sciences pénitentiaires, le décloisonnement devient le mot
d'ordre de professionnels désireux d'échapper à
l'hégémonie de l'Administration pénitentiaire, voire pour
certains de mettre fin à l'incarcération elle-même. Cette
pluralité de sens explique peut-être que ce terme ne soit pas
réemployé par le ministère de la Justice dans la
description de la nouvelle politique pénitentiaire giscardienne, les
expressions « désenclavement » et
« ouverture » étant ainsi privilégiées
par les autorités politiques. L'idée sous-jacente dans le
discours libéral prononcé par Jean Taittinger que la prison
« fait partie intégrante de la
société » est qualifiée de
« désenclavement » (LM, 9/03/1974). Lors de
la réforme voulue par Valéry Giscard d'Estaing, et dont l'une des
mesures clefs est la suppression de la communication du casier judiciaire
à l'employeur qui en fait la demande, Philippe Boucher remarque ainsi
que « schématiquement, il s'agit de "désenclaver" la
prison, de la réinsérer dans l'ensemble pénale de
protection sociale dont elle n'aurait jamais dû être
écartée » (LM, 31/07/1974). Le garde des
Sceaux, Jean Lecanuet, décrit dans des termes proches cette idée
d'ouverture de la société face aux détenus :
« Ce que tout le monde doit comprendre, c'est que la prison n'est pas
en dehors de la Cité, mais qu'elle fait partie de la Cité ;
que les détenus sont [...] des hommes qui ne sont pas
foncièrement différents des autres. Les détenus ne doivent
pas être considérés comme des "exclus" » (La
Croix, 9/08/1974). Quelques années plus tard, son successeur, Alain
Peyrefitte, déclare que « l'ouverture de la prison sur
l'extérieur est l'une des conditions indispensables pour la
réalisation de toute politique de réinsertion sociale »
(LM, 12/11/1977). Bien que réduite à sa plus simple
expression, il semble que l'idée d'ouverture ou de désenclavement
puise ses origines dans la réflexion apparue dans la première
moitié des années soixante-dix sur le décloisonnement de
l'institution carcérale sans pour autant que celle-ci soit
érigée en nouveau référentiel, au sens de B. Jobert
et de P. Muller, de la politique pénitentiaire. Le fait que le
« décloisonnement » ne devienne le mot d'ordre du
ministère de la Justice que lors de l'accession de la gauche au pouvoir
en 1981 souligne les connotations politiques de ce terme, peut-être
considéré comme trop polémique car revendiqué par
certains militants de la cause carcérale. En dépit d'une certaine
ouverture de la prison à la société, que concrétise
la réforme de la condition pénitentiaire de 1974, l'idée
d'un transfert de responsabilité de certaines compétences
à d'autres ministères fait l'objet de vives controverses au sein
de l'Administration pénitentiaire, comme en atteste le projet de
réforme, ajourné, de la médecine pénitentiaire.
2. La défense d'une
médecine pénitentiaire spécifique et l'échec du
projet de « décloisonnement total » de
l'organisation des soins
« Cette médecine s'adresse à une
population pénale nombreuse qui tôt ou tard
réintégrera la société. Elle ne doit donc pas
être spécifique mais au contraire s'intégrer autant que
possible dans l'ensemble du dispositif médico-social de la
communauté nationale ou, à tout le moins, être aussi proche
que possible de celle dont bénéficie l'ensemble du corps social.
Dans cette optique le ministère de la Justice en liaison avec le
Ministère de la Santé a mis à l'étude une formule
de décloisonnement de la médecine pénitentiaire qui
consisterait à intégrer celle-ci dans les structures
hospitalières générales ou hospitalo-universitaires afin
de parvenir à une meilleure distribution des soins médicaux
»665(*).
Tandis que le terme de
« décloisonnement » n'est pas utilisé par le
ministère de la Justice et par les différents commentateurs pour
décrire la politique carcérale, il s'impose progressivement en
matière d'action sanitaire. Lors de l'annonce, durant
l'été 1974, de la réforme pénitentiaire, le
ministère annonce « un décloisonnement de la
médecine préventive en prison par convention ou
intégration avec la santé publique » (LM,
09/08/1974). La même expression figure d'ailleurs dans la circulaire
d'application de la loi : « Il s'agit d'insérer la
médecine de la prison dans l'ensemble des structures médicales de
la Cité. Tel est le sens de l'opération de
"décloisonnement" actuellement projetée »666(*). Enfin, le rapport
d'activité de l'Administration pénitentiaire de 1977 remarque
qu'« il importe que la médecine pénitentiaire ne soit
pas cloisonnée et qu'elle s'insère autant que possible dans le
dispositif public de santé »667(*). La
répétition de cette formule contraste alors avec l'absence de
précisions apportées quant au contenu de cette réforme.
Le projet d'une réforme visant à
« décloisonner » la médecine
pénitentiaire semble avoir été défendu par la
secrétaire d'Etat à la condition
pénitentiaire668(*). Elle-même médecin du travail,
Hélène Dorlhac de Borne semble soucieuse de l'autonomie des
soignants travaillant en prison. Ses propos lors du congrès de 1975 en
attestent : « Gardez-vous, mes chers confrères, de perdre
votre indépendance, gardez-vous des pressions, n'oubliez pas que vous
êtes médecins et que vous ne devez de compte qu'à votre
seule conscience [...] Vous devez pouvoir exercer votre profession dans des
conditions matérielles dignes de la médecine. La médecine
pénitentiaire ne doit pas souffrir dans sa qualité des murs, des
grilles, des clefs »669(*). Dans le projet de cette revalorisation de
l'exercice médical en prison, elle évoque le
« décloisonnement » : « Dans le but
d'améliorer les soins donnés en milieu carcéral, et dans
le cadre du "décloisonnement" de la médecine
pénitentiaire, il va être proposé de placer l'ensemble des
médecins [...] sous des statuts étroitement inspirés de
ceux qui régissent le personnel hospitalier en
général »670(*).
S'il est régulièrement cité dès le
milieu des années soixante-dix, le décloisonnement de la
médecine pénitentiaire demeure cependant une notion floue.
Initialement présenté comme une revendication des praticiens
exerçant en prison, il ne se traduit que difficilement dans une
réforme administrative. Un document datant de 1975 établit
cependant un projet de révision du statut des praticiens
pénitentiaires adopté en 1972671(*). Après avoir
rappelé qu'« il est incontestable que ce document a apporté
une amélioration sensible à la situation de ces
médecins », la note précise que ce texte
« n'a aucune valeur légale, réglementaire ou
contractuelle, qu'il n'est qu'un "modus vivendi" établi entre les deux
parties en présence et qu'il représente bien des
inconvénients »672(*). Outre le fait que le recrutement des
médecins soit laissé au « libre choix de
l'administration », le texte met en avant l'absence de
« base médicale valable » au mode de calcul de la
rémunération des médecins permettant par exemple
d'accorder à un praticien pénitentiaire cinq cents cinquante
vacations de trois heures par an contre trois cent douze pour un médecin
hospitalier intervenant tous les jours.
Au-delà des règles officielles673(*), il semblerait alors
que la détermination du nombre de vacations soit des plus fantaisistes
et réponde davantage au besoin de satisfaire la demande de tel ou tel
praticien. En atteste une note interne à la DAP demandant au sujet d'un
généraliste de Fleury d'« ajuster le nombre de
vacations du docteur de manière à lui consentir une
indemnité annuelle de 6.000 francs »674(*). Mais outre le principe
même de la vacation675(*), certains médecins contesteraient le
taux de ces vacations, alignées sur la rémunération des
services de prévention médico-sociale ne tenant ainsi pas compte
de « l'état sanitaire de la population pénale et la
fréquence de la surveillance médicale à laquelle cette
population doit être soumise ». La non-reconnaissance d'une
médecine de soins explique que « ces praticiens ont
l'impression d'être considérés comme "des parents pauvres"
de l'Administration pénitentiaire ». C'est pour
répondre à ces griefs que la note propose à terme le
« rattachement de la médecine pénitentiaire à la
médecine hospitalière ».
Une réflexion interne à l'Administration
pénitentiaire s'élabore à la fin de l'année 1974
comme le révèle une note portant sur « la
réforme du statut de la médecine
pénitentiaire »676(*). Intitulé « le
décloisonnement de la médecine pénitentiaire »,
ce document souligne le caractère indéterminé de la
politique sanitaire en prison qui fait alors consensus : « Le
gouvernement a retenu parmi les éléments de la réforme
pénitentiaire, le "décloisonnement de la médecine
pénitentiaire". Le sens de l'opération est clair sans que pour
autant son contenu ait été précisé : il s'agit
de mettre fin à la spécificité de la médecine
pénitentiaire dont la qualité ne s'est pas
affirmée ». S'il est alors question de l'échec de la
définition de la médecine pénitentiaire en tant que
nouvelle spécialité, c'est probablement en raison des critiques
qui lui sont adressées depuis quelques années.
Au-delà de l'idée que l'organisation des soins
aux détenus doit désormais s'ouvrir au système public de
santé, le statut des médecins intervenant en prison fait
débat. La note prévoit, par exemple, que les hôpitaux
pénitentiaires, comme Fresnes ou les Baumettes, ainsi que les
« centres de soin » de capacité plus réduite
soient intégrés au système hospitalier. A l'occasion
d'une séance de la Société générale des
prisons (SGP) consacrée au « décloisonnement
médico-hospitalier du service de santé pénitentiaire
», le Dr Petit présente la réforme de l'Hôpital de
Fresnes et des Baumettes comme une nécessité :
« Il y a fort longtemps que l'on parle, mais
avec timidité, du décloisonnement médico-hospitalier du
service de santé pénitentiaire. Pour ma part, j'en ai
lancé l'idée voici cinq à six ans [...] Au moment
où l'administration parle de milieu ouvert, elle se doit de favoriser
cette "ouverture médicale" qui devient une nécessité
évidente. L'heure de l'isolationnisme a vécu [...]
L'hôpital central des prisons de Fresnes sera "catégorisé"
comme n'importe quel autre hôpital et rattaché à un C.H.U
[...] En conclusion, j'estime nécessaire le décloisonnement du
système sanitaire pénitentiaire actuel et son ouverture aux
structures hospitalières et universitaires, dans le sens d'une
intégration réciproque (applaudissements)
»677(*).
Les petites infirmeries, « du type de celle que
comporte tout établissement », conserveraient en revanche un
statut pénitentiaire. Le document envisage cependant qu'en cas
d'affiliation des détenus à la Sécurité sociale, le
système des médecins vacataires soit abandonné au profit
du « droit commun de la médecine en milieu ouvert ».
Lors de la réunion du 28 novembre 1974 qui rassemble le directeur de
l'Administration pénitentiaire, Jacques Mégret, le
Médecin-inspecteur Solange Troisier ainsi que sept magistrats
détachés à la DAP678(*), l'orientation de cette note est cependant
remise en cause, et ce, pour des raisons de sécurité, si l'on en
croit le compte-rendu :
« La discussion s'engage ensuite sur la question
principale des rapports qui pourront s'instaurer dans le système
proposé, entre les autorités médicales et le personnel de
l'Administration pénitentiaire chargé notamment de la
sécurité. Il paraît finalement difficile de concilier les
deux impératifs dans le cadre du décloisonnement total qui a
été envisagé, car si tous les personnels sont soumis au
statut des hôpitaux publics, il est à craindre qu'il ne se
développe en leur sein une autonomie qui risque de les faire
échapper complètement au contrôle de l'Administration
pénitentiaire »679(*).
Afin de conserver une autorité sur les personnels au
sein des hôpitaux pénitentiaires, au
« décloisonnement total » de ces
établissements, c'est-à-dire leur intégration au
système hospitalier, est préféré « le
principe du décloisonnement limité au personnel médical au
sens strict, ce qui signifie que seuls les médecins et les internes
seraient recrutés et auraient le statut des médecins des
hôpitaux publics ». A l'inverse, tandis que la note envisageait
de maintenir le système de vacations pour les petits
établissements, majoritaires, il est décidé que toutes les
infirmeries soient rattachées sous la forme de conventions à
l'hôpital public le plus proche. Il reviendrait alors « aux
responsables hospitaliers de prendre en charge les soins et la médecine
de dispensaire notamment en déléguant périodiquement un
interne chargé d'effectuer les visites de routine et de requérir
un médecin si le besoin s'en fait sentir ». Le
décloisonnement de la médecine pénitentiaire, et sa
disparition, évoqués dans la note sont ainsi
écartés au profit d'un système mixte où le
contrôle des hôpitaux pénitentiaires apparaît alors
plus important que le reste des établissements. Tout transfert de
tutelle au profit du ministère de la Santé est
écarté. Pourtant, certains magistrats de la Chancellerie semblent
y être favorables, tel que M. Philippe Daeschler, chef de bureau des
affaires financières de la DAP :
« On a commis une grave erreur en faisant de
l'Administration pénitentiaire une institution à part ayant ses
règles spécifiques. Il faut aujourd'hui la
réintégrer, ainsi que les détenus, dans la nation. De
même que l'on fait déjà appel dans les prisons à des
instituteurs de l'Education nationale et à des moniteurs
d'éducation physique de la Jeunesse et des Sports, on devra, tôt
ou tard, abolir la médecine pénitentiaire et insérer les
détenus dans le régime général de la
Sécurité sociale » (RPDP, 07-09/1974).
« Abolir la médecine
pénitentiaire », tel semble être ce à quoi
s'oppose alors le Médecin-inspecteur. Désireuse d'être
à la tête d'une nouvelle spécialité médicale,
Solange Troisier voit probablement dans le projet de décloisonnement en
voie de discussion un obstacle à ses ambitions680(*). Elle propose ainsi
lors du congrès de 1975 de « revaloriser la médecine
pénitentiaire, non pas en la décloisonnant vers la Santé
publique, car nous serions totalement absorbés par celle-ci et nous
perdrions notre caractère spécifiquement pénitentiaire,
mais en l'ouvrant vers les normes des hôpitaux de deuxième
catégorie »681(*). Ainsi, plutôt que de faire
disparaître la médecine pénitentiaire en lui ôtant
son caractère spécifique, le Médecin-inspecteur propose
d'en faire un service de pointe en le calquant sur les normes
hospitalières alors en voie de définition. Elle tente pour cela
d'entrer en contact avec le ministère de la Santé et notamment
avec Myriam Ezratty682(*), conseillère technique de Simone Veil
elle-même sensibilisée à la question des
prisons683(*),
à qui est confié le dossier de la médecine
pénitentiaire. Désireuse d'entreprendre des réformes,
cette dernière se heurte rapidement aux projets de Solange Troisier,
dont elle désapprouve aussi bien les idées que la
méthode :
« Le premier dossier que m'avait donné
son directeur de cabinet, Dominique Le Vert, était sur la
médecine pénitentiaire. Premier essai, je n'ai pas réussi
réellement à quoi que ce soit parce que le ministère de la
Justice ne s'intéressait pas du tout à cet aspect à cette
époque. Et régnait sur la prise en charge médicale des
détenus l'inspectrice générale Solange Troisier. Son
principal souci à l'époque dans ses relations avec le
ministère de la Santé, je me rappelle, était de
créer près de Marseille un lieu pour y coller les jeunes
drogués. Moyennant quoi on n'a pas, pour un tas de raisons, et des
raisons éthiques, prêter la main en quoi que ce soit, et moi
notamment, pour aider à ce projet qui me paraissait ni réaliste,
ni déontologiquement [...] Solange Troisier était un
personnage... très complexe ! Mais en même temps, par
certains côtés, je ne dis pas insupportable. Mais elle vivait
autour d'elle-même, elle tenait énormément à son
emprise. Elle était très soutenue en plus, elle, politiquement et
je faisais très attention à ne pas trop la
mêler »684(*).
Outre son projet de centre pour toxicomanes
incarcérés, jamais mis à l'étude, le
Médecin-inspecteur a pour ambition de moderniser les hôpitaux de
Fresnes et des Baumettes. Consciente en effet du problème que les
hospitalisations représentent pour le ministère de la
Justice685(*),
Solange Troisier propose d'établir une « concertation
tripartite entre les ministères de la Justice, de la santé et de
l'intérieur » (QDM, 15/12/1975) ou encore de
« jeter un pont entre les ministères de la Justice et de la
Santé en créant un hôpital réservé aux
prisonniers mais dépendant entièrement de la Santé
publique » (Le Point, 15/12/1975). Le placement des
détenus dans des services sécurisés, surveillés par
des membres de l'Administration pénitentiaire, présente
l'avantage de ne pas recourir aux forces de police dont le coût est en
grande partie responsable de l'augmentation considérable des
dépenses de santé qui progressent de 300% entre 1973 et 1979,
passant de dix-neuf à soixante-trois millions de francs686(*).
Si Solange Troisier n'abandonne pas la perspective de faire
des praticiens exerçant en milieu carcéral des médecins
des hôpitaux publics, comme elle l'affirme lors du congrès de
médecine pénitentiaire de 1978 (QDM, 24/11/1978), ce
n'est pas en transférant la compétence sanitaire au
ministère de la Santé mais en faisant d'eux l'égal des
praticiens hospitaliers. Conçue comme une nouvelle spécialisation
médicale, la médecine pénitentiaire, reconnue au niveau
universitaire permettrait à ceux qui l'exercent de
bénéficier d'un statut hospitalier. Une note de 1975
détaille les modalités de ce projet687(*). Une fois reconnue la
qualité de « service de santé » à la
DAP, en référence à la loi du 31 décembre 1970
créant le service public hospitalier688(*), les infirmeries
pénitentiaires seraient gérées par des attachés,
tandis que les hôpitaux de Fresnes et de Marseille deviendraient des
hôpitaux publics de 2ème catégorie où
officieraient des praticiens hospitaliers à temps partiel
recrutés par voie de concours. Faute de chefs de service que doivent
seconder normalement les attachés, la note propose que le
Médecin-inspecteur soit « considéré comme le
chef de service médical de tous ces services extérieurs sous
l'autorité duquel exerceraient les attachés qui restent
néanmoins responsables dans leur secteur
d'activité »689(*). Solange Troisier proposerait ainsi la
nomination des attachés, l'administration conservant « la
possibilité de ne pas renouveler annuellement l'agrément des
attachés effectuant moins de trois vacations hebdomadaires »
ou de les mettre à pied en cas de faute grave. La note évalue le
coût de cette opération à 520.000 francs pour les
infirmeries pénitentiaires (soit un surcoût de 20%) et de 1,8
millions de francs pour l'hôpital de Fresnes (au lieu des 230.000
dépensés) et de 1,4 pour Marseille (au lieu des 55.000 francs).
Ce surcoût considérable au regard de l'existant apparaît
cependant justifié par plusieurs raisons :
« En conclusion, il n'en demeure pas moins que
la mise en place de ces structures médicales nouvelles, que ce soit pour
les hôpitaux pénitentiaires ou pour les services d'infirmerie,
devrait permettre à l'administration pénitentiaire de
réaliser ses objectifs et de poursuivre la politique qu'elle entend
mener dans le domaine sanitaire pour faire face à la mission qui lui est
confiée. Elle va nécessiter un accroissement sensible des
dépenses du moins dans le domaine de l'hospitalisation. Aussi est-il
indispensable que des moyens importants lui soient consentis. Cette
réforme devrait entraîner l'adhésion du personnel
médical, lequel souhaite que sa présence dans les
établissements pénitentiaires pour dispenser des soins soit
effectivement reconnue et se concrétise par l'octroi d'un statut et
d'une rémunération plus importante et suivant l'évolution
des traitements de la fonction publique [...] Si dans l'immédiat, la
réalisation de cette vaste réforme peut s'avérer
onéreuse, elle devrait par contre, permettre à plus long terme
des économies substantielles, ne serait-ce que dans le domaine des
admissions dans les hôpitaux publics, lesquelles nécessitent en
outre, la mise en place de chambres de sûreté et un système
de garde dont les contraintes sont de plus en plus lourdes pour la
police »690(*).
Le projet de « décloisonnement
total » initialement envisagé se heurte par conséquent
à la volonté de Solange Troisier de spécialiser la
médecine carcérale, en affirmant son caractère
spécifique. Aux termes de ce projet, probablement imaginé par
elle, le Médecin-inspecteur serait à la tête d'un service
de médecine carcérale ayant un statut hospitalier bien que
rattaché à l'Administration pénitentiaire. Son ambition
coïncide avec les craintes de la DAP de voir le personnel sanitaire
s'autonomiser de la tutelle pénitentiaire. Comme le souligne un cours
dispensé par un magistrat à l'Ecole nationale d'administration
pénitentiaire (ENAP), l'« étendue et la
diversité des attributions conférées aux médecins
des établissements pénitentiaires impliquent que l'Administration
pénitentiaire ait la maîtrise de leur
recrutement »691(*).
L'absence de transfert en faveur du ministère de la
Santé s'explique également par la position du ministère de
la Santé en la matière. Sollicité au même moment par
le garde des Sceaux, la ministre de la Santé, Simone Veil, pose en effet
certaines limites à la collaboration de ses services :
« Je suis favorable au principe du "décloisonnement" des
services de médecine pénitentiaire, mais sa mise en oeuvre pour
l'ensemble des activités médicales pose un certain nombre de
problèmes [...] Cependant, ce principe du "décloisonnement" me
parait d'ores et déjà devoir trouver sa première
application dans le domaine des soins aux détenus atteints de troubles
mentaux »692(*). Le rattachement des infirmeries aux
hôpitaux évoqué au cours de la réunion du 28
novembre 1974 est alors repoussé pour des raisons propres au
système hospitalier, comme le remarque une note faisant le point de
cette réforme :
« Pour les infirmeries des établissements
pénitentiaires [...] il ne semble pas que la formule du
décloisonnement de la médecine pénitentiaire puisse en
l'état être retenue. En effet, la mise à disposition de
l'administration pénitentiaire ou le détachement de personnel de
l'hôpital civil le plus proche ne semble pas réalisable en raison
de la pénurie actuelle du personnel médical dans les
hôpitaux publics et de l'interdiction faite à ce personnel
d'intervenir à l'extérieur de l'établissement de soins. La
réalisation de cet objectif passe donc nécessairement par la
revalorisation de la rémunération des médecins, et la mise
à l'étude d'un véritable statut de la médecine
pénitentiaire »693(*).
Les contraintes du système hospitalier, les craintes de
la DAP de perdre le contrôle des personnels intervenant dans ses murs
rendent nécessaire la spécialisation de l'exercice médical
en prison afin d'en faire, et ce conformément aux vues du
Médecin-inspecteur, une spécialité médicale
reconnue. En revanche, comme le rappelle le courrier de Simone Veil, c'est
là où la tutelle pénitentiaire apparaît la plus
contestée, en matière de santé mentale, qu'a lieu le
« décloisonnement total » initialement
imaginé pour la médecine somatique.
3. La contestation de la
psychiatrie pénitentiaire et son intégration au dispositif de
santé mentale : la réforme de 1977
Journaliste : « La réforme de la
condition pénitentiaire est en bonne voie. C'est du moins ce que disait
Hélène Dorlhac hier au conseil des ministres. C'est une action
nécessaire mais mal comprise, lui répondait Valery Giscard
d'Estaing. Elle va dans le sens de l'humanisation de notre
société. Mais quelle sorte d'humanisation dans les prisons ?
C'est un peu la question que l'on a envie de se poser en écoutant
François Martzloff, jeune psychiatre qui fut deux ans interne à
la maison d'arrêt de La Santé à Paris. Lors d'une
thèse récemment présentée à la
faculté de médecine de Créteil, il a dénoncé
avec vigueur la psychiatrisation insidieuse des prisons. Les prévenus
comme les détenus y feraient une consommation importante de produits
hypnotiques et autres produits psychosomatiques »694(*).
« L'aspect le plus contesté de la
présence médicale en milieu pénitentiaire est l'action
psychiatrique », observe un psychiatre hospitalier dans le
numéro d'une revue psychiatrique consacrée à la
médecine en prison695(*). Cette forte remise en cause s'explique au
moins par trois raisons. La psychiatrie pénitentiaire semble tout
d'abord davantage exposée à la critique du fait de l'assimilation
progressive qui est faite au sein des médias entre, d'une part, les
services psychiatriques et, d'autre part, la prescription massive de
psychotropes, désignée sous l'appellation de « camisole
chimique »696(*). C'est dans le cadre de la condamnation du
« scandale des prisons » que cette idée
apparaît pour la première fois en 1971. Alors que se
déroule la mobilisation en faveur des détenus gauchistes
incarcérés, un journaliste remarque que « dans la
population, apparemment normale, des 2000 détenus de la prison de
Fresnes, les médecins font distribuer chaque soir 620 doses massives de
calmants. Un prisonnier sur trois a droit à sa camisole
chimique » (L'Express, 24-30/01/1971). Ces accusations
s'adressent dans un premier temps à l'ensemble du corps médical
travaillant en milieu carcéral, comme en atteste cette description qu'un
journaliste médical donne du médecin pénitentiaire :
« Sa présence est sécurisante pour la direction de
l'établissement : si un détenu est très agité,
les moyens de correction brutale étant de moins en moins
utilisés, on fait appel au médecin et surtout à sa
seringue, véritable camisole chimique plus efficace que toutes les
sangles »697(*). A l'inverse, la critique, quelques
années plus tard des « psychoflics » par un
détenu de Fresnes, atteste du lien de plus en plus ténu
établi entre la prescription de psychotropes et la figure du
psychiatre :
« La plupart des "civils" qui travaillent dans
les prisons sont sans doute des "braves-gens". Mais la réalité
est qu'en majorité ceux-ci sont incapables d'entamer la moindre
opposition, aussi dérisoire soit-elle, à l'arbitraire
pénitentiaire. Parmi ces gens de "bonne volonté" les psychoflics
ne sont pas les moins empressés à nous bassiner à force de
répéter qu'ils "font ce qu'ils peuvent"... [...] Dehors !
Cessez de continuer à cautionner l'arbitraire pénitentiaire (et
même d'y collaborer le plus souvent) [...] Vous n'avez aucune
autorité médicale ici ! » (Journal des
prisonniers, n°47, 06/1977).
Cette critique du rôle répressif de la
psychiatrie est peut-être à mettre en lien avec la contestation
dont est l'objet à cette époque le savoir psychiatrique en cours
d'institutionnalisation698(*). Asiles et prisons ne feraient ainsi, du point
de vue de leurs détracteurs, plus qu'un dans la tentative de normaliser
et de psychiatriser les individus contestataires. Ce discours s'appuie
notamment sur la critique des « asiles
pénitentiaires » italiens699(*) ou encore sur l'usage
politique de l'internement psychiatrique dans le régime
soviétique : « Ainsi, comme en Russie, nous voici
engagés en France sur la voie trop large et trop facile de la
détention de type psychiatrique. La brutalité physique
cède peu à peu le pas à la violence médicale et
psychique »700(*). C'est dans ce contexte que les militants de la
cause carcérale dénoncent la
« superposition » des institutions psychiatriques et
pénitentiaires. Le GMP regrette ainsi, à l'occasion du suicide
d'un détenu dans une cellule d'un CMPR, que les deux institutions
« jouent au ping-pong » avec un psychopathe
délinquant (LM, 23/05/1974). Le C.A.P remarque quant à
lui que les autorités choisissent suivant les cas « de diriger
celui qui dévie vers la prison et le mitard ou bien la prison et
l'hôpital psychiatrique et ses électrochocs [...] L'hôpital
psychiatrique prend la relève de la taule quand on veut enfermer
à perpétuité sans jugement public » (Journal
des prisonniers, 10/1974). Au-delà de la seule psychiatrie
pénitentiaire, c'est le système
« juridico-hospitalo-carcéral » que condamne la
presse militante, comme par exemple Libération à
l'occasion de l'« "hospitalisation volontaire" contre son
gré » d'un détenu gréviste de la faim
(24/01/1978).
Se situant à l'intersection de deux ordres
considérés comme répressif, la psychiatrie
pénitentiaire est au coeur de la critique. C'est notamment le cas de la
Centrale d'Haguenau qui dispose d'un « centre de réadaptation
pour détenus psychopathes » dont le journal du C.A.P donne une
description sordide : « Une prison, c'est inhumain de même
qu'un hôpital psychiatrique alors imaginez ce que peut être une
prison psychiatrique [...] Dès leur arrivée, ils sont
automatiquement mis à l'isolement psychiatrique pour 15 jours,
c'est-à-dire qu'on lui fait prendre divers médicaments par voie
buccale ou par piqûre s'il refuse » (Le journal des
prisonniers, 11/1978). Un article particulièrement virulent
publié dans Libération et coécrit avec un ancien
interne pénitentiaire dénonce également la psychiatrie
pénitentiaire : « Annihiler toute manifestation qui pourrait
être reprise de l'extérieur, telle est la finalité d'une
expérience dite "humaniste" : les psychiatres en
prison »701(*). L'objet de la « pratique
psychiatrique » serait, selon le quotidien, d'isoler et d'opposer
entre eux les détenus et participerait ainsi à un
« morcellement de la révolte » : « Le
psychiatre est là pour écouter individuellement chacun des
détenus, pour personnaliser son angoisse, pour faire de sa souffrance un
phénomène unique ». En médicalisant les troubles
ressentis par les détenus, cette nouvelle discipline
dépolitiserait et annihilerait ainsi toute contestation au sein de
l'institution carcérale : « La psychiatrie est mise en
place pour faire accepter l'inacceptable au prisonnier en rapportant son
malaise à des angoisses de nature pathologiques, alors qu'il s'agit en
fait d'une souffrance partagée par toute la population
pénale ». Le psychiatre est alors décrit comme un
« complice de l'administration pénitentiaire » ayant
pour tâche de « faire supporter à un homme ce qui n'est pas
supportable », et notamment en l'assommant « à coups de
matraque chimique de façon à le laisser dans un état de
larve semi-comateuse ». « Bonne conscience » du
ministère de la Justice, la psychiatrie pénitentiaire est ainsi
présentée comme un outil répressif dénué de
toute perspective thérapeutique.
Sans qu'on puisse établir avec certitude les effets de
cette critique des services psychiatriques pénitentiaires, on peut
constater que celle-ci n'est pas seulement le fait de militants mais
également, second facteur de remise en cause, de praticiens
exerçant en prison et tout particulièrement des internes. En
novembre 1972, les trois internes démissionnaires de La Santé
déclarent à la presse par exemple refuser d'être les
« porte seringues » chargés d'administrer une
« camisole chimique » aux détenus trop
agités702(*). Bien que cette prise de parole publique
demeure limitée, beaucoup d'internes pénitentiaires
s'interrogent, comme en témoignent leurs thèses de
médecine, sur le rôle des psychotropes en prison et plus largement
sur le sens de leur intervention703(*). L'idée d'une substitution de la
« contention chimique » à la contention physique y
est récurrente. Attestant cette évolution par la diminution du
nombre de placements en contention à Fleury-Mérogis (301 en 1971,
137 en 1972, 55 en 1973), un interne souligne l'« ambiguïté
notoire » devant laquelle se trouve le psychiatre :
« Tout en accusant le système carcéral d'induire une
régression telle qu'elle pousse le détenu au passage à
l'acte, le médecin cautionne l'institution en "anesthésiant" le
détenu pour qui il plaidait encore il y a un
instant »704(*). D'une façon similaire, un ancien
interne de La Santé remarque qu'« une part importante de la
répression dans les prisons est assumée par le corps
médical » : « Il ne faudrait pour le
démontrer, que cesser la distribution des psychotropes pendant trois
jours, pour qu'une mutinerie voit le jour »705(*). Un autre interne de
Fleury-Mérogis regrette que le psychiatre soit « un auxiliaire
chargé de faire accepter la détention » avant de se
demander s'il n'est pas « contradictoire de placer des hommes dans
des conditions qui favorisent le développement de troubles du
comportement et des troubles mentaux et de faire ensuite appel au
psychiatre »706(*). Cet autre interne de Fleury questionne le sens
que revêt en prison la demande de soin quand est adressé à
la consultation le détenu « qui n'accepte pas de se plier au
règlement et aux diverses contraintes imposées, celui qui se
plaint, qui proteste, qui refuse »707(*).
D'une manière générale, les internes sont
pessimistes sur l'utilité de leur présence en détention,
même ceux travaillant pourtant dans les meilleurs
conditions708(*). Un interne de l'équipe lyonnaise
regrette dans sa thèse qu'en dehors d'un « véritable
"droit" au médicament » (« c'est la seule chose qui
lui soit offerte gratuitement et à volonté »), la
psychothérapie dispose d'effets très limitées en raison de
l' « anti-thérapie institutionnelle » que
représente « cet univers de frustration,
d'anxiété et d'agressivité » :
« Si la prison ne peut s'adapter à la
psychiatrie, la psychiatrie est priée de s'adapter à la
prison ; son exercice exige de nombreuses concessions ; le psychiatre
se trouve un peu comme le prêtre, il confesse, il réconforte [...]
Certes un entretien rapporte un plaisir de l'instant, une impression
d'évasion, une relation d'autre qualité ; mais ce
soulagement est éphémère et ne survit guère, une
fois la porte de bureau franchie, lorsque le détenu est à nouveau
plongé dans la réalité agissante et nocive de la
prison ; il retrouve vite son malaise. La répétition
régulière des entretiens aide parfois à le supporter et
à la réduire. Les détenus qui demandent une entrevue au
psychiatre ont toujours une faim importante de ces rencontres ; ils
"bouffent du médecin" [...] Le plaisir de l'entretien est semblable
à celui du fumeur, du buveur ou du gourmand ; il doit être
sans cesse recommencé. Comme on ne peut offrir un thérapeute
permanent à chaque détenu, celui-ci a trouvé un substitut
symbolique plus accessible, plus maitrisable : le médicament [...]
Face à cette avidité désespérée et
compulsive, le psychiatre se sent parfois impuissant, d'où
l'établissement d'un contre-transfert très négatif. Il lui
arrive d'avoir l'impression de devoir réparer tous les effets
néfastes de la prison avec des moyens trop limités. Il se sent
plus objet que sujet et se vit parfois comme le "paratonnerre" de la prison,
chargé de recueillir et de concentrer sur lui toute la tension des
lieux »709(*).
Tandis que ces réflexions demeurent confinées au
milieu universitaire ou psychiatrique, le travail universitaire d'un autre
interne de La Santé connaît d'importantes retombées
médiatiques710(*). Sa thèse, ayant explicitement pour
objet la « psychiatrisation » de la vie en
détention, fait en effet l'objet d'un reportage de France inter ainsi
que d'un article détaillé dans Le Monde711(*). Rappelant
l'augmentation de psychotropes entre 1969 et 1973 à La
Santé712(*), la journaliste soulève le rôle du
médicament et du praticien en prison :
« Le médecin est devenu en quelque sorte
le "gentil incarcérateur" en délivrant abusivement
tranquillisants et sédatifs à des personnes qui, sans cela, ne
supporteraient pas l'univers carcéral [...] Par la dose massive de
sédatifs qu'il ordonne, soit prescrite de son plein gré, soit
fortement sollicitée par le gardien ou l'administration, le
médecin, inconsciemment, fait accepter les barreaux dans l'euphorie, ou
calme une période de violence ou de rébellion, dont rien ne
permet d'affirmer qu'elle n'est pas motivée [...] Pour l'auteur c'est
indiscutablement la prison qui est pathogène. Aussi se demande-t-il s'il
est logique et normal d'adapter le détenu à la prison ; s'il
n'est pas sain et normal de se révolter contre l'incarcération
».
De même que pour les militants de la cause
carcérale, la critique du rôle du médicament en
détention s'inscrit chez cet interne dans une critique plus
générale de la psychiatrie. Pour ce médecin ayant
refusé d'exercer à la fin de ses études en tant que
psychiatre, le problème qui se pose est avant tout celui de la
présence du psychiatre en milieu pénitentiaire, voire de
l'existence de la discipline psychiatrique elle-même :
« En entrant dans la prison, les psychiatres ont donné un
statut au dément [...] Si bien que l'étiquette
d'aliéné s'étend implicitement à l'ensemble des
détenus. Ils sont abordés comme des aliénés et peu
à peu répondent comme tels [...] Assimiler ces déviants
à des malades est le seul biais qui lui [notre civilisation] permette de
les rejeter sans se remettre elle-même en cause ; en effet, ce n'est
plus en raison de leur déviance à un système, mais
à cause d'un mal qui frappe aveuglément [...] Le fou est un
problème social, relationnel, métaphysique... mais en aucun point
médical »713(*). On comprend dans ces conditions le
rapprochement opéré entre la critique de la psychiatrie
pénitentiaire et celle exercée en institution asilaire. En
témoigne, par exemple, la publication par deux revues
professionnelles de numéros spéciaux consacrés à
l'exercice psychiatrique en prison714(*).
Les psychiatres pénitentiaires disposent enfin,
troisième facteur de remise en cause, d'une forte autonomie, au regard
de leurs confrères généralistes, à l'égard
de l'Administration pénitentiaire. Ils ont tout d'abord la
particularité de tous disposer, contrairement aux médecins
pénitentiaires, d'un parcours hospitalier. Leur pratique en prison
demeure une part très congrue de leur activité professionnelle
leur permettant ainsi de conserver le plus souvent un lien avec le milieu
hospitalier. Ils ont d'autre part souvent accès à des revues
professionnelles psychiatriques où ils peuvent élaborer une
réflexion sur leur exercice professionnel. Bien que spécifique,
la trajectoire du service des prisons de Lyon illustre les relations dont
disposent alors certains psychiatres intervenant en institution
pénitentiaire avec le secteur hospitalo-universitaire (Cf.
Encadré).
Les critiques adressées à l'organisation des
soins psychiatriques en milieu carcéral et l'inscription de ces
praticiens dans le secteur hospitalier expliquent leur désir
d'autonomie. Les limites imposées par la circulaire du 30/09/1967,
réglementant le fonctionnement des Centres médico-psychologiques
régionaux (CMPR), sont de plus en plus mal vécues par ces
praticiens715(*). Ainsi, les demandes de soin émanent de
l'Administration, observe une psychiatre de La Santé, alors même
que les problèmes en question relèvent davantage du
règlement pénitentiaire. Ce praticien présente plusieurs
cas cliniques pour étayer ce qui soulève, d'après elle,
« les limites du rôle de l'équipe
médico-psychologique en milieu pénitentiaire
» :
« W... Cet homme est détenu depuis le
mois de décembre 1969 et inculpé pour des motifs graves. Il est
âgé de trente-deux ans. Intelligent, immature, très
isolé, inhibé, il supporte mal les frustrations affectives et
quête en permanence aide, compréhension, contact. Pris en charge
par un médecin du CMPR (La Santé). Ce dernier écrivait
dans le dossier :
20 novembre 1970 - "Le problème est
actuellement dominé par un passage vers une maturation qui le conduit
à une prise de conscience lucide, tant des risques objectifs que des
conclusions de son auto-introspection narcissique. Il est totalement
isolé affectivement : cours et visiteur lui auraient
été refusés pour des motifs administratifs et judiciaires.
Je crains un suicide, et l'augmentation des doses de médicaments n'y
changera rien".
Des démarches furent entreprises pour rompre
l'isolement absolu avec l'extérieur : sans efficacité.
Le 12 décembre 1970 - Tentative de pendaison
nécessitant une longue réanimation.
Le 15 décembre 1970 - Son avocat vient le voir. Un
expert est commis pour une mission urgente.
Ainsi, l'isolement fut rompu trois jours après la
tentative de suicide.
Le 9 janvier 1971 - En raison de la gravité de la
tentative de pendaison, alors que l'impasse existentielle tragique
signalée ne l'avait pu, l'administration et le service social de
l'établissement relaient l'action psychothérapeutique en
permettant un élargissement des centres d'intérêt (reprise
des cours de langue étrangère interrompus, octroi d'une
visiteuse).
Depuis cette date, la situation est acceptée par
l'intéressé. Ce cas banal est exemplaire par la chronologie des
événements »716(*).
Durant l'été 1974, douze psychiatres se
réunissent à Paris, « au moment où de graves
événements se produisaient dans les prisons », pour
réfléchir à leurs conditions de travail et avoir une
« réflexion sur le fonctionnement global de l'institution
pénitentiaire »717(*). Leur rencontre débouche sur un ensemble
de propositions remises aux ministères de la Justice et de la
Santé comportant, outre la demande de davantage de moyens, une
réflexion éthique quant à leur rôle de soignant en
milieu carcéral : « Le médecin ne doit être,
ni le complice du détenu, ni l'auxiliaire du système
répressif. Or il apparaît qu'en prison les conditions d'exercice
de la médecine et de la psychiatrie sont en général
beaucoup trop précaires et souvent déplorables [...] Il arrive
trop souvent, encore actuellement, que des pressions soient exercées sur
les médecins pour que soient mises en oeuvre des thérapeutiques
chimiques sédatives qui constituent une véritable condition
médicamenteuse »718(*). C'est pour échapper à la tutelle
carcérale que ces praticiens demandent « d'ouvrir la prison
aux soignants qui dépendent du dispositif d'assistance et
d'hygiène mentale maintenant mis en place dans toute la
France »719(*).
L'INTÉGRATION DE LA
PSYCHIATRIE PÉNITENTIAIRE DANS LE SECTEUR HOSPITALO-UNIVERSITAIRE :
L'EXEMPLE LYONNAIS
C'est en 1949, dans le cadre du mouvement de la Défense
sociale, qu'est créée l'Annexe psychiatrique des prisons de
Lyon720(*).
Elle ne comporte alors que deux médecins, une infirmière et
quatre surveillants et ne procède à des consultations qu'à
des fins de dépistage de détenus atteints de troubles mentaux.
Après une interruption, l'Annexe reprend ses activités en 1954
sous la direction du Dr Broussole, médecin des hôpitaux
psychiatriques, et ce à la demande du Pr Colin. Avec le Dr Dubor,
ancienne interne des hôpitaux psychiatriques, du Dr Gonin et du Dr
Hochmann, assistant à l'Institut de médecine légale, ils
tentent de former un premier service en prison conçu comme un
prolongement du service hospitalier de psychiatrie:
« Broussole a fait venir un interne et ça
s'est petit à petit construit comme ça. Et l'Administration
était bien sûr pas très contente mais ça ne lui
coûtait rien... parce que c'étaient des services
extérieurs. Tout était pris en charge par l'hôpital. Il y a
eu un assistant, des internes qui venaient. Et puis petit à petit,
l'Annexe a obtenu d'avoir quelques crédits de l'hôpital pour avoir
un secrétariat, une assistante sociale »721(*).
En 1958, l'Annexe devient un centre de cure de
désintoxication en faveur des alcooliques alors décrit par ceux
qui en sont à l'origine comme « un cas particulier de la
pénétration de l'hygiène mentale dans le monde des prisons
»722(*).
En 1962 est inauguré, pour la première fois en France, le travail
de psychothérapie de groupe en prison. La création de trois
groupes, animés par les docteurs Gonin et Hochmann et par une
psychologue, Mme Buffard, est rendue possible par le rapport que le Pr
Colin a remis au Comité consultatif des Nations Unies sur ce sujet. Ces
thérapeutes communiquent les premiers résultats de cette
expérience par le biais de nombreuses communications lors de
congrès ou au sein de revues spécialisées.
Les motivations de ces soignants sont multiples. En
investissant la prison comme un lieu de soin, ils visent aussi bien à
développer une école lyonnaise de criminologie et de
médecine légale qu'à répondre à un besoin
sanitaire jusque-là non pourvu. Ils inscrivent ici leur action dans une
conception militante de la médecine. En témoignent les propos du
Dr Gonin :
« Ces gens étaient obstinés. Ils
avaient une croyance. C'étaient des chrétiens de gauche. Ils
avaient à la fois une croyance religieuse et puis une croyance dans la
société [...] Je faisais ça dans un but humanitaire. Y
avait pas les ONG mais on a quand même fait un peu un travail d'ONG,
notamment par rapport au FLN. Ça a été un regard sur. On
peut pas dire : "La prison, on les met là-dedans et on s'en occupe
plus" [...] On était... militants... Je sais pas si on peut dire
ça comme ça, pour être honnête avec vous. Mais y
avait quand même une dimension militante dans ce qu'on faisait [...]
Mme Buffard était socialiste et très laïque, je dirais. On
était pas tous si vous voulez dans le même bain mais on
était tous dans un humanisme, si ce mot veut dire quelque
chose »723(*).
En 1966, des consultations sont mises en place dans les
différents quartiers de la prison. Le Dr Gonin retrace a posteriori
comment « l'acceptation des soignants par l'institution s'est
traduite au long des années par l'accroissement de leur
territoire » 724(*) :
« A Saint-Paul, le rez-de-chaussée du
grand bâtiment H fut conquis cellule par cellule, pour établir,
après la "salle de soins" et le "cabinet médical" initiaux, le
vestiaire, la salle d'attente, la tisanerie, puis une salle radio, des cellules
d'infirmerie, où furent installés l'eau courante et les W.C. Nous
étions très satisfaits d'entrer au coeur de la détention,
aux côtés des détenus et des surveillants. Enfin, un projet
d'infirmerie vint symboliquement couronner l'importance des soins en prison
[...] Pour nous rapprocher des détenus, nous avons pu établir des
antennes, des petites salles de soins occupant une cellule, dans les
bâtiments les plus éloignés des locaux d'infirmerie. La
collaboration nécessaire du chef de détention pour l'attribution
et l'aménagement de ces locaux a affirmé un peu plus
l'acceptation d'un certain quadrillage des aires de détention par la
médecine pénitentiaire »725(*).
Parallèlement à cette extension du territoire,
les praticiens voient leur rôle s'accroitre dans la vie de
l'établissement. Des réunions d'équipe hebdomadaires sont
instaurées entre surveillants, éducateurs, assistantes sociales
et psychiatres. L'Annexe s'implique également dans l'étude des
projets de libération conditionnelle et de semi-liberté.
Initialement réduits à un rôle de dépistage, les
médecins lyonnais, le plus souvent des psychiatres, sont
désormais investis de nombreuses missions. Ils s'interrogent alors sur
la nécessité de travailler à temps plein en milieu
carcéral, hypothèse qu'ils rejettent par souci de leur
rattachement hospitalier :
« Le psychiatre risque rapidement de se sentir
incarcéré à son tour. On risquerait aussi de voir l'annexe
psychiatrique, rapidement coupée du monde extérieur, vivre en
vase clos, et s'étouffer progressivement. Par ailleurs, ce psychiatre
des prisons serait forcément sous l'entière dépendance de
l'Administration pénitentiaire, qui le considérerait comme un
fonctionnaire [...] Il semble donc, qu'il est préférable de
conserver la pluralité des psychiatres, avec les inconvénients
que cela représente (travail discontinu, manque parfois de
corrélation dans certaines activités) mais aussi avec tous ses
avantages : confrontation de différents points de vue,
possibilité dans une certaine mesure pour le détenu de choisir
son médecin, plus grande liberté d'action, plus grande
variété d'activités
thérapeutiques »726(*).
« Consciente du risque d'étouffement à
travailler dans un milieu clos »727(*), l'équipe
multiplie les relations avec l'extérieur espérant ainsi devenir
« un des foyers de culture criminologique »728(*). Outre de nombreux
contacts avec les autorités judiciaires, les praticiens lyonnais
entretiennent une étroite collaboration avec l'hôpital du
Vinatier, facilitée par le fait que le médecin-chef, le Dr
Broussole, travaille également au CHS. Ce dernier fait ainsi venir
à l'Annexe, par période de six mois, chacun des internes de son
service hospitalier : « Ceci contribue à intégrer
l'annexe psychiatrique dans le cadre général du secteur
psychiatrique et par ailleurs à lui donner une valeur d'enseignement
auprès des internes de l'Hôpital du
Vinatier »729(*).
D'autre part, l'équipe de l'Annexe entretient des
relations étroites avec le monde académique par le biais de
l'Institut universitaire de médecine légale et de criminologie
clinique dirigé par le Pr Roche et dans lequel interviennent le Pr Colin
et le Dr Hochmann. Outre le diplôme de médecine légale,
l'équipe dispense des cours de criminologie clinique à la
faculté de droit, à l'Ecole nationale de police de Saint-Cyr au
Mont d'Or ou encore auprès de surveillants, assurant ainsi la
renommée de l'« école » de criminologie
lyonnaise. Cette dernière se dote d'ailleurs en 1967 d'une revue,
intitulée Instantanés criminologiques, qui rend
fréquemment compte des questions pénitentiaires, notamment en
matière médicale. Le service de soins psychiatriques,
désormais nommé CMPR, se développe encore au début
des années soixante-dix en bénéficiant en 1973 d'un
stagiaire interné puis, en 1974, d'un interne, d'une infirmière
et d'une secrétaire mi-temps. En 1975, enfin, le CMPR est doté
d'une ligne téléphonique extérieure, vieille revendication
perçue comme le « symbole d'une brèche dans ce monde
clos »730(*).
D'une petite équipe restreinte à une fonction de
dépistage, le dispositif de psychiatrie pénitentiaire de Lyon est
ainsi devenu un service bien doté assurant de nombreuses consultations
auprès des détenus et nourrissant, d'autre part, de nombreux
liens avec le secteur hospitalo-universitaire.
La création du premier secteur psychiatrique en milieu
pénitentiaire a lieu de façon expérimentale à
Fleury-Mérogis. Jusqu'alors, le plus grand établissement
pénitentiaire d'Europe, inauguré en 1968 est dépourvu de
consultation psychiatrique. C'est suite aux révoltes de détenus
que l'Administration ressent le besoin d'une telle intervention, comme le
relate un interne dans sa thèse consacrée à cet
établissement :
« C'est à la suite des différents
incidents survenus alors dans le monde des prisons (l'émeute de Toul en
particulier) que l'administration perçut l'absolue
nécessité d'un service psychiatrique pour ce gigantesque
édifice pénitentiaire. Durant ces premières années,
les internes en médecine assuraient tant bien que mal la "psychiatrie"
avec à leur disposition - en cas d'échec thérapeutique
deux moyens : celui d'attacher les agités, les "suicidaires",
c'est-à-dire de les placer sur un lit de contention ou celui
d'hospitaliser les cas les plus graves au centre médico-psychiatrique
déjà surchargé de la prison de la
Santé »731(*).
L'équipe psychiatrique chargée de ce secteur
géographique ne souhaitant pas prendre en charge ce surplus de travail,
il est décidé en 1971 d'instaurer, avec le soutien de la
Direction départementale des affaires sanitaires et sociales (DDASS) et
la coopération du Centre hospitalier spécialisé (CHS)
d'Etampes, une organisation administrative et budgétaire
autonome732(*).
Est ainsi créé le 11ème secteur de l'Essonne,
chargée des soins à Fleury-Mérogis. Placé sous
l'autorité fonctionnelle du Dr Jacques Mérot, le service est
doté, outre un psychiatre-chef temps plein, d'un assistant, de trois
internes, de deux psychiatres vacataires, de deux psychologues, d'un infirmier
et de deux secrétaires, tous rémunérés par la DASS.
Les conditions particulières de cette expérience, et notamment sa
riche dotation, doivent être restituées dans le cadre de la
sectorisation psychiatrique différemment mise en oeuvre selon les
départements, comme le souligne celle qui fut chargée dans les
années quatre-vingt d'une réforme de la psychiatrie en prison et
qui travaillait alors dans l'Essonne :
«Il faut savoir que l'Essonne était le
département le plus... riche c'est à dire avec les plus grands
psychiatres comme Bonnaffé733(*). C'était le département le plus
militant au niveau de la psychiatrie en France. Parce que c'était un
département neuf qui avait été créé....
Ça a été un département pilote à tous les
niveaux, sur le plan de l'aide sociale à l'enfance par exemple. Et
c'était un département avec un conseil général
communiste, ce qui à l'époque était rare, et avec des gens
qui étaient vraiment très militants. Et à l'époque,
il fallait savoir qu'en psychiatrie tout ce qu'on faisait intra-hospitalier,
c'était la Sécu et tout ce qu'on faisait à
l'extérieur de l'hôpital, c'était le Conseil
général. Et donc là, le Conseil général
était communiste et donc partisan de... Et Bonnaffé était
un psychiatre militant, leader et communiste, et à l'époque le
politique était très impliqué dans tout ça !
Et l'hôpital d'Etampes était à l'époque un
hôpital extraordinaire avec des gens qui ont vraiment compté pour
la psychiatrie. Et Mérot, si vous voulez, a baigné dans ce bain
là, dans cette atmosphère. Et Fleury a ouvert en 68... Donc y
avait vraiment quelque chose de très militant. Y avait des moyens !
Moi, je me rappelle, je suis arrivée dans l'Essonne en 75, et vous
demandiez dix infirmières pour en avoir cinq et trois mois après
vous les aviez forcement... C'était vraiment une époque
extraordinaire ! »734(*).
L'extension de ce dispositif à tous les grands
établissements pénitentiaires est favorisée par la
volonté du ministère de la Justice de porter remède
à l'aggravation des problèmes liés à la
présence de détenus souffrant de troubles psychiques. Un
magistrat alors chargé de la gestion médicale au Bureau de la
détention en rappelle le contexte : « La médecine
générale elle était traitée bon an mal an, mais
c'était le côté psychiatrique qui posait de gros
problèmes parce que c'était l'époque où les
hôpitaux psychiatriques commençaient à s'ouvrir sur
l'extérieur et où l'enfermement dans l'hôpital
psychiatrique était de moins en moins pratique et ce qui posait un
problème de sécurité majeure pour les délinquants
qui arrivaient en prison. Les psychiatres étaient de plus en plus
réticents à recevoir des
délinquants »735(*). En effet,
la « libéralisation » des structures
psychiatriques initiée dans les années soixante se traduit,
souligne le Conseiller technique de Jean Taittinger, par une disparition des
quartiers de sécurité au sein des hôpitaux psychiatriques
« qui répugnent de plus en plus à accueillir les
délinquants présentant des troubles
mentaux »736(*). Déjà en 1974, l'autorité
préfectorale ne prend plus dans une vingtaine de départements
d'arrêtés de placement d'office au sujet de détenus, faute
d'hôpitaux pouvant les accueillir. En découle une difficile
gestion de certains détenus en établissement
pénitentiaire : « Nous sommes submergés de malades
psychiatriques très agités qui n'ont plus rien à faire
dans nos services et que l'on n'arrive pas à faire
réintégrer au Centre psychiatrique [CMPR] de La Santé,
faute de places », observe le médecin-chef de l'Hôpital
de Fresnes en 1973737(*). A l'initiative de la Chancellerie, une
commission Santé-Justice est instituée en 1974 afin de solliciter
une augmentation des dotations attribuées par les DDASS738(*).
Si le ministère de la Santé se déclare
favorable à une augmentation du nombre de consultations, il pose
néanmoins comme condition qu'une nouvelle organisation des services soit
adoptée. En atteste ce courrier de Simone Veil au garde des
Sceaux : « Il me semble cependant nécessaire que ces
consultations puissent être mises en place dans des conditions valables.
Il m'est revenu en effet que les conditions peu satisfaisantes dans lesquelles
elles étaient parfois dispensées ont entraîné une
désaffection des psychiatres qui n'avaient pas l'impression d'y faire
oeuvre utile »739(*). S'inspirant de Fleury-Mérogis,
Marie-Rose Mamelet, sous-directrice de la Protection sanitaire à la
Direction générale de la santé (DGS), et qui fut à
l'origine de la circulaire du 15 mars 1960 créant la psychiatrie de
secteur, propose alors d'équiper les CMPR sur le modèle du
secteur psychiatrique740(*). La ministre de la Santé reprend cette
idée en suggérant le
« décloisonnement » des services de psychiatrie
pénitentiaire. Elle refuse pour cela, comme le ministère de la
Justice l'avait proposé, que l'Administration pénitentiaire
continue « à recruter et à payer le personnel
para-médical, dont le statut resterait
"cloisonné" »741(*). L'intégration du service de psychiatrie
pénitentiaire à la sectorisation a pour avantage, souligne Simone
Veil, de « permettre le recrutement de médecins et de personnel
para-médical relevant de l'hôpital psychiatrique du lieu. Ainsi,
seraient réglés les problèmes de statut et de
mobilité de ce personnel qui, en cas de besoin, pourrait
réintégrer les services de l'hôpital dont il dépend.
Le "décloisonnement" souhaité serait donc intégralement
réalisé ». A partir de cette proposition, le
« décloisonnement psychiatrique » est
présenté par Solange Troisier, notamment à l'occasion du
congrès de médecine pénitentiaire de 1975 auquel assistent
Marie-Rose Mamelet et Simone Veil, comme le symbole de la réforme de la
médecine pénitentiaire :
« Je voudrais vous parler d'une innovation
française qui est extrêmement importante et qui est en train
maintenant de se concrétiser : il est capital que je vous parle en
effet des centre médico-psychologiques régionaux, qui sont
le décloisonnement de la Médecine Pénitentiaire vers le
Ministère de la Santé »742(*).
Le projet d'un rattachement fonctionnel de la psychiatrie
pénitentiaire au système de protection de la santé
mentale, qui recueille l'assentiment des ministères de la Santé
et de la Justice, se heurte cependant à l'hostilité des
psychiatres hospitaliers. En atteste la position du Syndicat des psychiatres
des hôpitaux (SPH) en septembre 1974 : « S'il existe un
problème des délinquants anormaux mentaux, dont il est
compréhensible qu'ils puissent avoir des difficultés à
séjourner dans les services pénitentiaires courants, il
appartient à l'Administration pénitentiaire d'adapter certains de
ses services à cette partie de sa propre clientèle
»743(*).
On peut distinguer au moins trois raisons à cette
hostilité des psychiatres hospitaliers à une intégration
des CMPR à la politique de secteur. La première est d'ordre
budgétaire, les secteurs craignant de perdre une partie des
crédits qui leur sont alloués. Le SPH déclare ainsi le 24
janvier 1977 son « hostilité générale [à
ce projet] dans la mesure où il ampute les crédits de la
santé déjà insuffisants au bénéfice du
pénitentiaire »744(*). Il existait, d'autre part, selon un magistrat
de l'Administration pénitentiaire, un consensus au sein de la
psychiatrie hospitalière pour considérer que le milieu
carcéral était incompatible avec l'intervention de la psychiatrie
publique745(*).
La plupart des psychiatres hospitaliers estimaient alors, comme le souligne le
Dr Hivert, psychiatre à La Santé depuis 1961, « que le
milieu carcéral était pathogène et qu'il lui appartenait
de modifier les conditions de vie pour réduire sa pathologie.
L'institution pénitentiaire devait assumer la charge de ses malades sans
faire appel au secteur »746(*). Enfin, la faible légitimité
dont disposent à cette époque les psychiatres hospitaliers au
sein du système de santé explique que ces derniers craignent
d'être amalgamés à l'institution
pénitentiaire747(*). En attestent les propos de ce psychiatre
hospitalier : « Cette psychiatrie spéciale à laquelle
nous sommes conviés à coopérer, sous le regard d'une
presse qui n'a tendance à ne voir en nous que des gardiens de l'ordre,
des fliciatres, ne risque-t-elle pas de ternir notre image... Les psychiatres
des hôpitaux ont mis plus de 120 ans à sortir de leur asile
vont-ils maintenant aller en prison ? »748(*). La position de refus
adoptée au sein du SPH par son président, Jean Ayme, mais surtout
par Michel Audisio, se résume alors en deux mots :
« Discrédit et crédits »749(*).
La résistance des psychiatres hospitaliers, pouvant
potentiellement mettre un terme au projet, semble s'émousser
progressivement pour deux raisons. Outre l'espoir de mieux faire entendre la
voie des psychiatres dans la redéfinition du Code
pénal750(*), le SPH est alors sensible à
l'idée que le développement des services psychiatriques en milieu
carcéral permettrait de libérer des hôpitaux les patients
les plus agités, jugés indésirables à un moment
où est engagée une politique de
« libéralisation » de la psychiatrie
hospitalière. Cet argument avait déjà dans une moindre
mesure prévalu dans le soutien que le CHS du Vinatier avait
apporté durant les années soixante au CMPR des prisons de Lyon.
Dans un bilan du fonctionnement des services psychiatriques, le Dr Daniel Gonin
remarque en effet que les chimiothérapies et le service
d'hospitalisation interne à la prison avaient permis de faire chuter le
nombre de détenus internés de vingt-deux en 1962 à huit en
1965, « déchargeant parfois les services de l'hôpital
psychiatrique craignant souvent cette sorte de
clientèle »751(*).
C'est le même argument que mit en avant Jacques
Mérot dans la promotion du service dont il avait la charge à
Fleury-Mérogis. D'abord limité à un médecin-chef,
deux internes et une infirmière, il réussit à
étoffer son équipe d'un médecin-adjoint, de deux internes
et de trois infirmiers supplémentaires en faisant valoir
l'allégement de la charge du CHS d'Etampes752(*). Il reçut
pour cela le soutien de Jean-Yves Achalle, président de la Commission
médicale du CHS. Deux psychiatres pénitentiaires observent dans
leur historique de l'évolution des soins en prison que « ce
dernier argument sera dans les années suivantes une motivation
déterminante pour vaincre les résistances des directions
hospitalières et surtout des Commissions Médicales Consultatives
des Hôpitaux psychiatriques où seront créés les
CMPR »753(*). Cette diminution des internements tant
espérée par les CHS présupposait cependant une
transformation radicale des règles régissant le fonctionnement
des CMPR. En vertu de l'article 21 de la circulaire du 30/09/1967, c'est
en effet au chef d'établissement que revient alors toute décision
quant à l'admission ou la sortie d'un détenu de l'infirmerie.
L'assurance que l'Administration pénitentiaire soit
dépossédée de toute autorité en matière
médicale semble avoir été une des conditions d'acceptation
de la réforme imposée par le ministère de la Santé.
En atteste une lettre de Simone Veil au garde des Sceaux : « On
ne peut, en effet, aller à l'encontre de l'évolution des
hôpitaux et des services psychiatriques qui constituent maintenant des
établissements très ouverts, se consacrant à leur mission
de soins, au détriment d'une fonction de gardiennage qu'il leur est
difficile d'assumer »754(*). La Commission des maladies mentales du
ministère de la Santé donne finalement son accord le 24 novembre
1977 au projet de réforme prévoyant la création de
dix-sept CMPR755(*). La circulaire interministérielle
Santé-Justice du 28 mars 1977 établit que le coût du
personnel est à la charge des DDASS tandis que les frais de
fonctionnement (locaux, surveillance et pharmacie) incombent ministère
de la Justice. Cette « circulaire Veil », comme elle fut
parfois appelée, « insiste dans son préambule sur la
nécessaire prise en charge du détenu souffrant de troubles
mentaux "en évitant au maximum le transfert dans les hôpitaux
spécialisés de malades atteints de troubles sans
gravité »756(*).
__________________________________________________
C'est dans le cadre de la politique d'ouverture de la prison
à l'égard du reste de la société, parfois
appelée « décloisonnement », qu'est
posée au cours des années soixante-dix, et ce pour la
première fois, la question du statut des soignants intervenant en milieu
carcéral. Les difficultés éprouvées par
l'Administration pénitentiaire dans la prise en charge des
détenus, mises en évidence par les militants de la cause
carcérale, rencontrent alors favorablement le désir d'autonomie
exprimé par certains professionnels. La réforme de la psychiatrie
pénitentiaire de 1977, qualifiée aussi bien par les acteurs de
l'époque que ceux d'aujourd'hui de
« décloisonnement », répond, d'une part,
à la volonté de l'Administration de disposer de davantage de
moyens en matière psychiatrique et, d'autre part, au besoin de mettre
fin aux critiques dont les services psychiatriques en détention
étaient l'objet, aussi bien de la part des médias et des
associations que de certains praticiens pénitentiaires.
Ce second objectif ne semble cependant pas avoir
été atteint. Libération voit même dans ce
rattachement des psychiatres à leurs confrères hospitaliers une
« clarification » de la fonction pénitentiaire des
psychiatres : « Dire que les asiles sont devenus des prisons
sera devenue chose faite, parler de carcération en évoquant
l'internement, sera du domaine du commun et écrire que les psychiatres
sont des flics, sera un pléonasme »757(*). Il semblerait que
cette réforme ait même accru les inquiétudes des
psychiatres exerçant en institution carcérale, comme le remarque
un quotidien médical à l'occasion du congrès de
médecine pénitentiaire de 1978 : « Certains
s'interrogent sur la fonction de normalisation des médecins. Le
développement des équipes psychiatriques dans les prisons peut
apparaître comme la mise en place d'un réseau de contrôle
social diffus, comme un moyen de déresponsabilisation de l'institution
judiciaire aussi, dans la mesure où elle se porte garante de
l'intégrité psychique des détenus » (QDM,
24/11/1978).
Cette contestation n'est probablement pas sans lien avec le
nombre croissant de détenus souffrant de troubles mentaux. La
possibilité d'hospitaliser ces derniers dans les CMPR, dotés de
lits, est l'objet de conflit. A l'occasion d'un cours de médecine
pénitentiaire, le Dr Hivert, médecin-chef du CMPR de La
Santé, observe qu' « il restera toujours un type de
grands malades mentaux qui n'auront jamais leur place tout au mois en
période de décompensation, en prison et pour lesquels il y aura
toujours une nécessité de passage à l'hôpital
psychiatrique »758(*). Le Pr Troisier intervient alors, comme en
atteste la retranscription du cours, pour souligner l'inadéquation
croissante entre les détenus et les hôpitaux psychiatriques tels
qu'ils sont désormais conçus :
« Quand je vais dans des hôpitaux
psychiatriques, en particulier à Prémontré où je me
suis rendue récemment, quand je vois mes malades mentaux, ils me disent
qu'ils veulent retourner en prison, qu'ils y sont plus heureux. Je crois que
l'atmosphère, en particulier la cohabitation, avec un certain nombre de
graves malades mentaux est difficile, pour nos détenus qui sont certes
dangereux mais ne sont pas très malades. D'ailleurs ils s'évadent
souvent et je ne pense pas que l'hôpital ouvert est satisfaisant du tout
pour l'esprit. C'est la raison pour laquelle je me bats tellement pour que nos
CMPR soient de plus en plus grands. J'essaie d'augmenter le nombre de lits. A
Metz il y avait énormément de bureaux pour les thérapeutes
et je pense que plus nous aurons de lits, moins il y a aura d'hospitalisations
et mieux notre prise en charge sera valable »759(*).
Le risque de « psychiatrisation des
détenus », soulevée par certains praticiens, est repris
à son compte lors du congrès de 1978 par le garde des Sceaux,
Alain Peyrefitte : « Il faut se garder des dangereuses
facilités intellectuelles qui font voir en chaque délinquant un
malade mental. Cette position est rassurante pour l'esprit, elle permettrait,
si on l'adoptait, de remplacer les grillages des prisons par les piqûres
calmantes » (Libération, 25-26/11/1978). En dépit
de ce rappel à l'ordre unanimement salué, l'image de la camisole
chimique perdure au sein des médias : « En prison, on
consomme aussi beaucoup de médicaments, surtout des euphorisants et des
petites pilules pour dormir. C'est ce qu'on appelle la "camisole chimique" qui
aide à supporter l'incarcération »760(*). Cette réforme
permet néanmoins, à l'exception de quelques établissements
où l'autonomie déjà acquise par le personnel évolue
peu (par exemple à M.A de La Santé)761(*), la création
d'équipes médicales relativement bien structurées. Cette
nouvelle organisation des soins psychiatriques aux détenus, sur laquelle
l'Administration pénitentiaire perdra tout contrôle de
façon définitive en 1986, soulignera progressivement les carences
de la médecine somatique rendant sa réforme d'autant plus
nécessaire.
E
n proposant de limiter la peine à la seule privation de
liberté, Valéry Giscard d'Estaing inaugura un nouvel idéal
carcéral largement inspiré des revendications de professionnels
et des réflexions des spécialistes des questions
pénitentiaires. En présentant une alternative au modèle
sécuritaire qui avait prévalu jusque-là, leur objectif
était de mettre fin aux mouvements de critique qui avaient
ébranlé l'institution carcérale, de l'intérieur
comme de l'extérieur. L'abolition des prisons, alors
évoquée par certains grands criminologues, céda
progressivement la place à la définition d'un lieu
« privatif de liberté » dont l'effet de
désocialisant serait le plus réduit possible. S'il contribua
in fine à légitimer le recours à
l'incarcération, ce nouvel idéal carcéral fut
également à l'origine de nombreuses transformations de
l'institution pénitentiaire.
La notion de « décloisonnement »
peut ainsi être analysée comme la
« traduction », du point de vue des sciences
pénitentiaires et de ceux qui intervenaient en détention, de la
principale revendication défendue au début des années
soixante-dix par les militants de la cause carcérale : mettre fin
à la coupure entre le dedans et le dehors qui condamnait à
l'échec, selon eux, cette institution initialement destinée
à « ré-insérer ». Décloisonner
la prison signifiait dès lors faire tomber les murs invisibles qui
empêchaient jusque-là que les détenus puissent jouir de
leurs droits, à l'exception de celui d'aller et venir.
Présenté comme un outil de domination en faveur d'une
minorité, le droit fut désormais pensé comme un instrument
au service des détenus. Certes le droit à la santé ou le
droit au travail tant réclamés demeurent privés de toute
consécration législative. Ils n'en constituent pas moins des
ressources symboliques fortes dans la tentative de réformer la prison.
C'est ainsi qu'est justifié l'octroi de certains droits sociaux
(assurances vieillesse, maternité et maladie). Le bénéfice
de la Sécurité sociale se heurte cependant à la
volonté de l'Administration pénitentiaire de maintenir le
contrôle de l'organisation des soins ainsi qu'au
désintérêt des caisses chargées de son application.
La crainte du ministère de la Justice de voir
s'autonomiser certains professionnels intervenant en détention
coïncide avec le manque d'intérêt des acteurs non
pénitentiaires. C'est sur la base d'un accord tacite établi entre
les ministères de la Justice et de la Santé que demeure
inchangé le statut de l'organisation des soins somatiques en prison. Le
décloisonnement fut ainsi inégalement mis à profit par les
professionnels travaillant en détention afin de s'autonomiser de la
tutelle pénitentiaire. La psychiatrie, soumise à de nombreuses
critiques et dotée d'une d'autonomie déjà importante,
bénéficia de l'appui du ministère de la Santé pour
s'affranchir du cadre carcéral. Plus dispersés,
bénéficiant de ressources moindres, les
généralistes étaient moins en mesure de défendre
leur autonomie. Ils représentaient également un enjeu plus
important pour l'Administration, réticente à s'en dessaisir. La
rédaction des certificats médicaux en cas de coups et blessures,
le placement à l'isolement, le traitement des grévistes de la
faim sont autant de circonstances où l'Administration souhaite pouvoir
disposer du soutien du praticien. La médecine somatique
représente, d'autre part, un enjeu numérique important puisqu'on
compte en 1978 cent quatre-vingt-deux généralistes et
cinquante-quatre spécialistes contre seulement vingt-cinq
psychiatres762(*). Le nouveau dispositif psychiatrique
apparaît peu menaçant à l'égard de l'Administration
pénitentiaire, comme le souligne ce magistrat ayant participé
à la mise en oeuvre des réformes adoptées sous Giscard :
« Les CMPR c'était quand même des
petites structures. Et ils n'étaient pas bien intégrés
dans la prison. C'était un personnage étranger. Ils
étaient très faibles. Et il y avait très peu de psy.
C'étaient surtout des infirmiers [...] Il y en avait très peu de
psychiatres. D'autant plus qu'ils avaient comme discours qu'ils voulaient
rester très loin de la prison. Ils n'effrayaient
pas »763(*).
Tout en permettant pour la première fois à des
praticiens d'être autonomes de la DAP, la réforme des soins
psychiatriques de 1977 contribua à diviser davantage le corps
médical travaillant en milieu carcéral. Désormais,
remarque le Dr Daniel Gonin, deux médecines cohabitent : «
L'individualisation des deux médecines est accentuée par le fait
que les praticiens de chacune de ces deux disciplines ont leur patron propre et
non des moindres : ministère de la Justice pour la médecine
pénitentiaire, ministère de la Santé pour la
médecine psychiatrique »764(*). Cette cohabitation n'est pas sans
problèmes. La venue de praticiens hospitaliers provoque la jalousie de
certains médecins pénitentiaires, soucieux de conserver le
contrôle qu'ils exerçaient parfois, en tant que
médecin-chef de l'établissement, sur l'organisation des soins. Un
généraliste, disposant d'une forte ancienneté,
s'étonne ainsi dans un courrier adressé au Directeur de
l'administration pénitentiaire que le contrôle des prescriptions
médicales du CMPR lui échappe765(*). Les différences
de moyens dont disposent désormais les psychiatres et
généralistes766(*) rend alors de plus en plus criante la
« misère » de l'organisation des soins somatiques,
comme le souligne un magistrat de la DAP :
- « Et par contre cette réforme de la
psychiatrie, est-ce que ça n'a pas entraîné de grandes
différences entre d'un côté les généralistes
et de l'autre les psychiatres ?
- Mais bien sûr ! Vous avez absolument
raison ! C'était flagrant. Vous aviez, au moins dans ces quelques
grandes Maisons d'arrêt, des équipes de psychiatrie qui
étaient fortes, qui étaient structurées. Et pour cause,
c'étaient des structures de droit commun. Et à côté,
il y avait la misère ! Il y avait la misère... Je n'ose
même pas dire l'équipe somatique »767(*).
La notion de décloisonnement et le nouvel idéal
carcéral affectent ainsi peu dans l'immédiat l'organisation des
soins somatiques. Ils transforment cependant la représentation que de
nombreux magistrats ont de l'institution pénitentiaire et ne produiront
leurs effets que plus tard. Les réticences du ministère de la
Justice à se dessaisir de l'ensemble de l'organisation des soins aux
détenus rencontrent à ce moment la volonté du
Médecin-inspecteur, désireux de faire de la médecine
pénitentiaire une nouvelle spécialité médicale.
Très politisée, Solange Troisier a pour tâche, lorsqu'elle
est nommée, de mettre fin aux critiques adressées à la
prise en charge médicale des détenus depuis quelques
années. Elle ambitionne pour cela de faire de la médecine
pénitentiaire une spécialité médicale reconnue dont
elle serait la « patronne ». Les particularités de
cet exercice médical viendraient justifier son organisation
spécifique, et notamment la tutelle de la Chancellerie, faisant du
praticien un « auxiliaire de Justice ». Il s'agit ainsi,
comme l'a souvent répété Solange Troisier, de lier de
façon inextricable Thémis et Asclépios.
CHAPITRE 3. TENTATIVES ET LIMITES
DE SPECIALISATION D'UNE ACTIVITE MEDICALE CONTROVERSEE
La médecine pénitentiaire connaît une
importante inflexion au cours de la seconde moitié des années
soixante-dix avec l'arrivée du nouveau Médecin-inspecteur,
Solange Troisier, nommée trois mois après la mort de Georges
Fully. Gynécologue-accoucheur dans une maternité de l'Assistance
publique à Paris, Solange Troisier assure depuis 1962 une consultation
hebdomadaire de gynécologie à la M.A de la Petite
Roquette768(*).
Bien que peu implantée dans le secteur de la médecine
pénitentiaire (elle n'avait jusqu'alors pas publié d'articles sur
la question et ne figure dans aucun acte de congrès), elle est
nommée en septembre 1973 Médecin-inspecteur par le Premier
ministre, Pierre Messmer, dont elle est considérée comme
« proche » (LM, 15/06/1973)769(*). Bien qu'elle
écrit avoir été « sollicitée par de
nombreux collègues, médecin de prisons tant à Paris qu'en
province », ou être une amie proche de Georges Fully, les
raisons ayant conduit à la nomination de Solange Troisier semblent
être avant tout d'ordre politique770(*). Médecin traitant de Marie Bonaparte,
elle fréquente, notamment du fait de ses ancêtres, de nombreux
hommes politiques dont le général de Gaulle,
Georges Pompidou (témoin de son mariage), Michel Debré, Jacques
Chaban-Delmas ou Jacques Chirac (Cf. Encadré). Sa nomination,
contestée par le DAP, Georges Beljean, semble ainsi avant tout
motivée par des raisons politiques :
« Mon arrivée place Vendôme ne lui
[Beljean] plaisait guère. Il avait fait son choix, un médecin de
gauche ami de Fully, adoptant un parfait laxisme face aux détenus
psychopathes ou non, les plus dangereux. Mais les ordres étaient venus
de plus haut, de très haut même »771(*).
SOLANGE TROISIER, PORTRAIT D'UNE
« BARONNE DU GAULLISME »
Née en 1919 à Paris, Solange Troisier compte
parmi ses ancêtres Emile Ollivier, premier ministre du second Empire, et
le Bailli de Suffren772(*). Issue d'une famille de prestigieux
médecins (son père est membre de l'Académie de
médecine), elle entreprend des études médicales qu'elle
interrompt pendant la guerre pour s'engager parmi les F.T.P du colonel Fabien.
Elle est ensuite intégrée comme infirmière au sein du
151ème régiment d'infanterie de l'armée
française ce qui lui vaut la Croix de guerre avec palmes. De sa
rencontre avec le Général de Gaulle, elle dit hériter un
« gaullisme inconditionnel ».
Parallèlement à son activité
médicale (interne des hôpitaux de Paris en 1948 puis assistante
des hôpitaux de Paris à partir de 1955), elle tente de faire
carrière en politique. Elue aux municipales de 1959 sur la liste UNR-UDT
(Union pour la nouvelle République-Union démocratique du travail)
de Saint-Tropez, elle se présente en 1968, à la demande du
Général de Gaulle et de Jacques Foccart, à la
députation dans le département du Val d'Oise, après une
tentative malheureuse en 1967 dans le vingtième arrondissement de Paris
sous l'étiquette du « Front travailliste ». Elle est
alors élue députée gaulliste UDR (Union pour la
défense de la République) face au député sortant
communiste et face à Claude-Pierre Brossolette, fils du fameux
résistant. Solange Troisier est cependant battue aux élections
municipales de 1971 à Sarcelles et perd son siège de
député aux législatives de 1973.
Bien que membre du bureau exécutif de l'UDR, puis
dès 1975 membre du conseil national du RPR (Rassemblement pour la
République) et de son comité central, Solange Troisier se met en
retrait de la vie politique pour se consacrer à sa nouvelle fonction de
Médecin-inspecteur. Elle est alors surtout connue au sein de l'opinion
publique pour son engagement en faveur du droit des femmes, notamment par son
rapport sur les problèmes d'égalisation des salaires entre hommes
et femmes ou son soutien à la réforme de l'autorité
parentale.
Contrairement à son prédécesseur, Solange
Troisier dispose de multiples ressources, en raison de sa position
« marginale-sécante » entre la médecine et la
politique773(*). Bien qu'appartenant à l'Administration
pénitentiaire, le Médecin-inspecteur dispose d'une importante
autonomie fonctionnelle puisqu'il n'est rattaché à aucune
sous-direction ministérielle et dépend seulement du Directeur
central. Issue d'une famille de prestigieux médecins, Solange Troisier
dispose également d'importantes ressources politiques tant du fait de
ses ancêtres que de ses amitiés gaullistes. Ce sont ces ressources
qu'elle met à profit afin de faire de la médecine
pénitentiaire une spécialité médicale à part
entière dont elle serait la « patronne ». Peu de
temps après sa prise de fonction, elle écrit en hommage à
Georges Fully : « Je suivrais son exemple et travaillerais pour
faire de la médecine pénitentiaire une médecine à
part »774(*).
Ses ambitions coïncident alors avec le souhait de
l'Administration pénitentiaire de revaloriser l'exercice médical
en prison afin de le rendre plus attractif auprès des professionnels de
santé. L'organisation des soins en prison apparaît en effet, au
lendemain de l'importante vague de contestation des prisons françaises,
largement discréditée aussi bien au sein de l'espace public que
du secteur médical. La spécialisation de la médecine
pénitentiaire apparaît dès lors comme un moyen
destiné à réhabiliter un secteur d'action publique
contesté et peu attractif (Section 1).
En dépit d'un début de reconnaissance, aussi
bien au sein du secteur professionnel d'origine que de l'espace public, cette
dynamique de spécialisation est entravée par de nombreux
obstacles qui apparaissent comme autant de limites à la stabilisation de
la figure professionnelle du « médecin
pénitentiaire ». L'échec à faire
reconnaître la médecine pénitentiaire en tant que
spécialité médicale établie apparaît ainsi
indissociable de la critique qu'elle subit. La personnification de ce secteur
d'activité dans son Médecin-inspecteur, fortement politisé
et contesté, tend à amplifier cette critique (Section 2). Cette
remise en cause permanente rend impossible l'institutionnalisation de la
médecine pénitentiaire au sein du secteur hospitalo-universitaire
français.
Section 1 - La
spécialisation de la médecine pénitentiaire comme
réhabilitation d'un secteur d'action publique peu attractif
Docteur Petit, médecin-chef de l'Hôpital de
Fresnes : « La plupart des mes collègues travaillent
à la vacation; un certain nombre d'autres comme moi travaillent au K
opératoire. Je peux vous livrer un petit secret si vous voulez : le
K opératoire de la Sécurité sociale est à 6,20
[francs] par exemple à l'heure actuelle. Et bien nous, nous travaillons
à 1,88 depuis 1969 très exactement... »
Journaliste : « Comme si c'était une
médecine au rabais... »
Docteur Petit : « Comme si c'était
une médecine au rabais ! Alors votre question est très juste
et très agréable. On doit dire très certainement : "Ces
pauvres médecins et chirurgiens sont les derniers de la lignée et
on doit les payer à leur valeur et pas
plus !" »775(*).
La médecine pénitentiaire est confrontée
au milieu des années soixante-dix à un malaise. Soumis à
des conditions de travail difficiles, plusieurs personnels de santé,
notamment infirmiers, refusent de poursuivre une activité faiblement
rémunérée et démissionnent au point que de nombreux
postes demeurent vacants776(*). En outre, le mode de recrutement par concours
institué à la fin des années soixante pour les
infirmières « s'est soldé par un
échec » comme le constate un médecin de la M.A de
Lyon777(*). Les
deux concours organisés en 1973 ne permettent par exemple « de
mettre à la disposition de l'administration pénitentiaire que 4
infirmières stagiaires ce qui est loin de correspondre à celui
des vacances d'emploi »778(*). Comme l'observe un journal professionnel, si
le prix des vacations augmente régulièrement, « les
vocations, quant à elles, semblent loin de soutenir ce
rythme... » (QDM, 16/9/1975). Car au-delà des raisons
matérielles, le problème de recrutement s'explique en partie par
la mauvaise image dont souffre la médecine pénitentiaire au sein
du secteur médical.
La prison est au début des années soixante-dix
l'objet d'une attention de plus en plus grande de la part de la presse
médicale. A l'occasion du « scandale de Toul » et du
rapport du Dr Edith Rose, le corps médical s'indigne pour la
première fois des conditions d'exercice en prison779(*). Dans un
éditorial du Concours médical, le Dr Koupernik rend
hommage à son confrère psychiatre: « Dans ce monde
concentrationnaire où, avec les faibles moyens qu'on vous tolère,
vous avez apporté un peu de lumière, un peu de chaleur, tout le
monde paraît aliéné. On attache donc encore certains
détenus, forçant les surveillants à les nourrir. On en
isole d'autres, cependant que de savants auteurs, des psychiatres comme vous,
dissertent sur la pathogénie de la psychose
carcérale »780(*). Le même
éditorialiste781(*) oppose au courage des Dr Rose ou Dayant,
venant de publier son récit, la honte apportée à d'autres
médecins travaillant en prison : « Il m'est arrivé
de lire sur la pathologie carcérale des ouvrages dont par charité
je tairais la signature et dont l'unique souci était de dépister
la simulation. Le livre de Charles Dayant fait honneur au Corps
médical »782(*).
Se diffuse alors au sein du secteur médical l'image
d'une profession ingrate. A l'encontre de la prudence adoptée par Le
Quotidien du Médecin, rarement critique envers le corps
médical, le journal Tonus, davantage politisé, restitue
ainsi la difficulté de cette profession783(*). Le médecin
pénitentiaire y est présenté comme « un "civil"
à tout faire au royaume de l'absurde » : « C'est un
vacataire qui n'a pas de contrat, est nommé par arrêté
ministériel, n'a pas de stabilité de l'emploi, pas de
congés annuels, pas de retraite, pas de revalorisation
régulière [...] Le médecin doit se débrouiller avec
le minimum dans la cellule exiguë, peu éclairée qui lui est
allouée, avec un matériel très sommaire qui l'oblige
à avoir recours à des spécialistes pour le moindre examen
d'oeil »784(*). En publiant un article de l'équipe
lyonnaise, Le concours médical diffuse également une
image peu flatteuse de la médecine pénitentiaire,
susceptible de décourager d'éventuels candidats :
« Pas de secrétariat, un "dispensaire"
aménagé dans une ou deux cellules à peine
transformées, pas de lits d'examens, une "infirmerie" avec dortoir au
confort plus que précaire. Quant aux soins... Il est très
difficile, souvent impossible, d'appliquer en prison certains traitements,
fussent-ils classiques, ne faisant pas question en pratique de ville et souvent
irremplaçables [...] c'est dans ce monde qu'il s'agit d'être
médecin. La position de ce dernier n'a rien de confortable. Il lui faut
bien sûr, se soumettre à la règle et admettre une
subordination administrative contraignante [...] Lié par son
métier et le contrat moral qui l'attache, le médecin de prison a
l'impression de porter caution à cette conception d'ensemble du monde
carcéral, d'où sa sensation continuelle d'être en porte
à faux [...] Il faut avoir le coeur bien accroché et de solides
motivations idéologiques pour être médecin de
prison »785(*).
Pour compenser ce manque d'attractivité et
éviter les défections, le ministère de la Justice accepte
progressivement une règle tacite selon laquelle les médecins ne
seraient pas tenus d'effectuer la totalité des vacations qui leur sont
rémunérées786(*). Après une première
période durant laquelle l'Administration semble refuser tout
absentéisme787(*) et où certains médecins
effectueraient même des heures supplémentaires non
rémunérées788(*), il semble admis au cours des années
soixante-dix que ceux-ci n'effectuent que la moitié de leurs vacations.
Il s'agit, selon un magistrat de la DAP d'un accord établi le plus
souvent au plan local : « Dans certains endroits ou dans
certaines directions régionales, il y avait un modus vivendi. On lui
avait dit : "Bon, docteur, on vous paye deux vacations mais vous ne venez
qu'une heure". Bon... sachant que ça, c'était aussi pour que ce
soit plus attractif pour lui parce que... » 789(*).
Pourtant plusieurs indices plaident en faveur d'une politique
élaborée au niveau national. Les contrôles effectués
en 1983 révèlent tout d'abord qu'aucun médecin n'effectue
la totalité de ses vacations, pas même le plus souvent la
moitié. Ce cours dispensé à l'ENAP confirme cette
information : « Le nombre de ces vacations est uniquement
fonction de l'établissement et n'a aucun rapport avec le temps
réel que les médecins consacrent à leurs fonctions qui est
laissé à leur conscience professionnelle [...] Il est difficile
d'apprécier dans quelle mesure la présence effective des
médecins dans l'établissement correspond au nombre de vacations
allouées »790(*). Le fait qu'un médecin
généraliste consacrant 150 heures à son activité en
milieu carcéral, c'est-à-dire un « total supérieur
à son minimum éligible, 224/2=112 »791(*), obtienne une
augmentation de ses vacations, et par conséquent de sa
rémunération, atteste que l'Administration pénitentiaire
n'exige jamais plus de la moitié des vacations, le nombre réel
étant souvent bien plus bas.
Au-delà de cette règle tacite permettant de
pallier le manque de motivation des praticiens en place, le ministère de
la Justice souhaite réhabiliter l'image de la médecine
pénitentiaire au sein du secteur médical. Encouragé par
les autorités pénitentiaires, le Médecin-inspecteur
entreprend ainsi de faire de cette activité une spécialité
médicale à part entière. Comme l'ont montré Claude
Dubar et Pierre Tripier en sociologie des professions792(*) et Isabelle Baszanger
en sociologie de la médecine793(*), pour qu'un groupe soit considéré
comme une profession établie, il doit réaliser un travail de
légitimation à au moins deux niveaux. Il doit tout d'abord
conférer à ses différents membres une identité
commune en définissant, d'une part, l'objet de leur pratique et, d'autre
part, des standards professionnels homogènes. C'est dans le but de
délimiter les frontières de cette nouvelle
spécialité médicale que Solange Troisier poursuit le
travail initié par Georges Fully de mise en évidence et
d'enseignement de la « pathologie carcérale » (1).
Pour être reconnu en tant que profession, un groupe doit en second lieu
effectuer un travail au sein même du secteur professionnel dans lequel il
souhaite être reconnu. L'adoption d'un code éthique
spécifique au milieu carcéral ou encore la consécration de
l'appellation de « médecine pénitentiaire »
attestent de la progressive reconnaissance de cette nouvelle
spécialité au sein du secteur médical (2).
1. Le travail interne de
délimitation d'une nouvelle spécialité
médicale : la mise en évidence d'une « pathologie
carcérale »
Journaliste : « Exercer la profession de
médecin dans le milieu pénitentiaire, qu'est ce que cela
signifie ? Les détenus sont des hommes comme les autres, la
médecine devrait être la même. Et il est vrai que le
médecin-chef de la prison de Fresnes voit défiler à sa
consultation les mêmes maladies qu'un médecin de quartier par
exemple. Pourtant, même lorsqu'il s'agit d'une maladie purement organique
la situation du patient ne peut pas ne pas être prise en compte [...] Et
puis le milieu pénitentiaire sécrète une pathologie
spécifique. C'est à dire que certaines maladies, certaines
tensions trouvent un terrain privilégié dans ce monde
coupé du monde. Non, le médecin des prisons ne peut pas
être un médecin comme les autres »794(*).
Si l'on excepte l'annexion de disciplines connexes
(hygiène publique, anatomie, physiologie) par le secteur
médical795(*), les premières spécialités
de la médecine clinique s'affirment dès la seconde moitié
du XIXème siècle à partir de la connaissance de
certains organes (ophtalmologie, stomatologie, oto-rhino-laryngologie, etc.) ou
de certaines pathologies (infectiologie, allergologie, etc.) rendue possible
par les développements de la science796(*). Longtemps
laissées à la seule appréciation du secteur
médical, ces spécialités sont l'objet en France d'une
régulation étatique à partir de la Libération
rendue nécessaire à mesure que s'érige le système
de protection sociale. Le corps humain est cependant l'objet d'un
découpage si minutieux entre spécialités que toute
nouvelle entrée dans le secteur de la médecine se produit, sauf
découverte scientifique majeure, sur le fondement d'une demande
spécifique à laquelle répondrait un groupe de
professionnels797(*). La mise à profit d'une demande sociale
par un groupe professionnel serait ainsi à l'origine des nouvelles
spécialités médicales. Une profession ne pouvant maintenir
son mandat que par le biais d'une « rhétorique
professionnelle » par laquelle elle définit le problème
auquel elle serait seule à pouvoir résoudre798(*), l'émergence
d'une nouvelle spécialité médicale exige par
conséquent que celle-ci soit reconnue comme la réponse à
un problème, que celui-ci soit purement biomédical ou plus
largement social. La médecine pénitentiaire tente d'affirmer sa
spécificité en démontrant qu'elle répond, d'une
part, à un besoin médical en tant que tel, les détenus
étant pensés comme des malades spécifiques, et d'autre
part, à un rôle social de réinsertion des
détenus.
L'un des éléments d'affirmation de la
médecine pénitentiaire est en premier lieu la mise en
évidence d'une « pathologie carcérale »,
terme désignant les affections spécifiques au milieu
pénitentiaire, qui rendrait nécessaire la reconnaissance d'une
nouvelle spécialité médicale. Georges Fully justifiait
déjà ainsi en 1966, dans une revue consacrée aux
études médicales, le fait que la médecine
pénitentiaire soit considérée comme une « forme
d'exercice de la médecine » au côté de la
médecine légale ou de la médecine militaire :
« Les médecins pénitentiaires, aussi bien
généralistes que spécialistes et psychiatres, sont
unanimes à reconnaître qu'il existe des formes pathologiques
inhérentes à l'incarcération et qui sont inconnues ou
presque en pratique normale [...] Cette pathologie [...] fait de la
médecine pénitentiaire, de plus en plus, une
spécialité d'un genre particulier »799(*). Bien qu'ancienne,
l'idée d'une pathologie carcérale acquiert une certaine
reconnaissance au cours des années soixante-dix sous la forme de
congrès et de publications800(*). Une commission lui est par exemple
consacrée lors des Journées nationales de médecine
pénitentiaire de 1970801(*).
Ces rencontres sont l'occasion pour chaque praticien de
spécifier sa spécialité d'origine au regard du milieu
carcéral. Au cours du congrès de 1978, l'urologue de
l'Hôpital de Fresnes justifie ainsi la particularité de
« l'urologie pénitentiaire » du fait, d'une part de
la simulation, puis d'autre part en raison d'affections « le plus
souvent rencontrées en milieu pénitentiaire », que ce
soient des maladies rarement présentes dans les pays occidentaux (telles
la bilharziose vésicale ou la chylurie) ou des comportements propres
à la prison, tels que l'introduction de corps étrangers dans
l'urètre (fil électrique, aiguilles, clous)802(*). Lors de cette
rencontre entre praticiens pénitentiaires, le radiologue de Fresnes
précise, au sujet des ulcères bulbaires ou duodénaux,
qu'« il n'est pas exagéré de parler d'une véritable
pathologie carcérale » pouvant s'expliquer par des facteurs
nutritionnels ou psychiques803(*). La notion de pathologie carcérale se
diffuse même, de manière relative, au sein de l'espace public par
le biais de reportages télévisés. « La chirurgie
pénitentiaire, il faut bien le dire, est une chirurgie spéciale
qui s'adresse à des gens spéciaux et qui s'exerce dans des locaux
spéciaux », déclare ainsi le Dr Petit dans le premier
documentaire télévisé consacré à la
médecine pénitentiaire804(*).
Bien qu'elle soit l'objet de nombreuses publications,
l'idée d'une « pathologie pénitentiaire » ne
constitue cependant pas une notion homogène comme en attestent les
débats quant à la définition des troubles qu'elle
recouvre. Dans sa thèse consacrée à la
« médecine carcérale », un praticien y
englobe les problèmes digestifs, l'ingestion de corps étrangers,
les grèves de la faim, les autolyses, les simulations et de
« nombreux problèmes psychiatriques »805(*). Le médecin-chef
d'une M.A restreint en revanche la portée de cette notion, dans un
article qui lui est pourtant consacré et qu'il utilise d'ailleurs avec
des guillemets comme pour mieux exprimer sa réserve :
« Existe-il une "pathologie pénitentiaire"? En
réalité, si l'on peut préciser les circonstances qui
favorisent la maladie, décrire le terrain où elle se
développe et les signes cliniques qui la caractérisent en prison,
on ne peut citer que trois manifestations pathologiques propres au
régime pénitentiaire : les grèves de la faim, les
automutilations et les suicides »806(*). Ces divergences
d'interprétation soulignent la fragilité d'une notion qui
s'avère progressivement remise en cause à mesure que les
praticiens intervenant en milieu carcéral gagnent en expérience.
Médecins libéraux, les
généralistes semblent en effet enclins durant les
premières années de leur exercice à qualifier de
« carcéral » des phénomènes qu'ils
n'ont jamais rencontrés dans leur pratique quotidienne. Si la
médecine pénitentiaire est « si
particulière », selon un interne, c'est parce qu'« on
découvre une médecine parfois déroutante pour laquelle on
n'a pas été préparé (grève de la faim,
automutilation, autolyse, ingestion de corps étrangers, simulation,
toxicomanes, alcooliques, transsexuels) »807(*). A l'inverse, les
psychiatres, souvent confrontés à des situations similaires en
institution psychiatrique, sont réticents à reconnaître
l'existence d'une pathologie spécifiquement carcérale. En
témoignent les divergences d'interprétation entre
généralistes et psychiatres à propos de la simulation
(Cf. Encadré)808(*). S'ils remarquent parfois l'existence de
pathologies propres à la prison, les professionnels de la santé
mentale exerçant en milieu carcéral, comme ici ceux de Lyon, en
soulignent l'origine psychologique : « Comme le rappelle le Dr
Broussole, du point de vue psychosomatique, le délinquant
présente également une pathologie particulière :
l'anxiété due à l'ensemble du processus pénal
révèle ou aggrave certaines manifestations
psychosomatiques »809(*). Bénéficiant d'une
expérience en hôpital psychiatrique, ces médecins sont
amenés à relativiser l'originalité des pratiques qu'ils
observent en prison. C'est par exemple le cas de cette interne en psychiatrie
consacrant sa thèse aux automutilations en prison : « La
pathologie dite "carcérale" recouvre un ensemble de manifestations
morbides qui, bien que non pathognomoniques [caractéristiques] de ce
milieu, y sont observées avec une relative
constance »810(*).
LA SIMULATION : ELEMENT DE
PATHOLOGIE CARCÉRALE OU EXPRESSION D'UNE SOUFFRANCE ?
La simulation, pouvant être définie comme la
feinte ou l'exagération de symptômes destinée à
obtenir les avantages accordés par la maladie, a été
considérée par certains médecins comme une pathologie
justifiant la spécificité de la pratique médicale en
milieu pénitentiaire. Très tôt pourtant des psychiatres
exerçant en institution carcérale défendent l'idée
que la simulation serait une réaction rationnelle des détenus
face au manque de considération dont ils sont l'objet :
« Langage des opprimés, des diminués, la simulation se
rencontre chaque fois que l'individu se sent infériorisé par la
société [...] Lorsque la prison perdra ce caractère
oppressant et humiliant pour l'individu et deviendra l'instrument d'une
authentique promotion de l'Homme, la simulation en milieu carcéral sera
devenue un phénomène historique »811(*). Dans une approche
globale de la personne, les professionnels de la santé mentale voient la
simulation comme un élément « normal » de
leur pratique médicale, tentant ainsi de distinguer la signification
latente de ce comportement. C'est ainsi qu'un interne en psychiatrie y voit
dans sa thèse « un faux problème » :
« La simulation est un mode de comportement, donc un symptôme et
comme tel il doit être interprété »812(*).
A l'inverse des psychiatres, les médecins
pénitentiaires, peu habitués à rencontrer des patients
feindre une maladie, voient dans la simulation une spécificité de
l'exercice en milieu carcéral, tel ce chirurgien, médecin-chef
des prisons de Fresnes : « Notre malade, avec sa pathologie
"volontairement déformée" et son comportement si particulier
[...] font que la chirurgie pénitentiaire revête un aspect qui ne
se retrouve ni dans les maisons de santé privées, ni dans les
hôpitaux militaires »813(*). Pour les mêmes raisons, la
détection de la simulation est considérée par le Dr
Albert-Weil, médecin-chef de service à Fresnes de 1950 à
1966, comme le principal élément de définition de son
activité médicale en détention : « Je
devais donc à tout prix, sous peine de perdre la face et ne pas
conserver la confiance de mes malades, déceler la tromperie, la
simulation. Ces principes devaient guider tout mon comportement
ultérieur »814(*). Ce même praticien consacre d'ailleurs un
ouvrage à cette « affection » au sein duquel il
décrit les différentes méthodes d'examen ainsi que des
études de cas clinique815(*). « Il est symptomatique que le seul
ouvrage français récent traitant de la médecine en prison
soit exclusivement consacré à la simulation alors que les
simulateurs ne représentent qu'un pourcentage infime des
malades », observent deux praticiens des prisons de Lyon ayant une
formation psychiatrique816(*).
La simulation est aux yeux des médecins et de
l'Administration un phénomène tellement particulier au milieu
pénitentiaire qu'elle est présentée, par exemple dans
cette thèse de science pénitentiaire, comme la meilleure
illustration de la spécificité de cette nouvelle
spécialité médicale : « La pratique de la
médecine en milieu pénitentiaire a des aspects particuliers
entièrement différents de ceux rencontrés en milieu libre.
Un des problèmes essentiels est celui de la simulation des
symptômes de la maladie »817(*).
Même si Georges Fully en soulignait déjà
l'importance, Solange Troisier a largement contribué à faire de
la simulation une pathologie pénitentiaire en tant que telle, notamment
au cours de ses déclarations publiques, comme ici lors du congrès
de médecine pénitentiaire de Dijon en 1978 :
« Bien souvent l'on me demande qu'elle est la différence entre
la médecine pénitentiaire et la médecine tout court. Bien
sûr, toutes les maladies sont retrouvées en prison, mais
majorées, maquillées, utilisées ou volontairement
niées. Mais il y a chez chaque détenu tout un cortège
carcéral où la maladie imaginaire devient parfois
réelle » (Libération, 25-26/11/1978). Outre
l'idée alors débattue qu'à force de simuler le
détenu provoquerait la maladie818(*), la représentation de la simulation en
tant que pathologie repose sur l'idée d'une spécificité de
la population pénale, ainsi que le rappelle Solange Troisier :
« Ce qui est particulier, c'est qu'il s'agit
d'une population pénale pathologique [...] Les détenus sont tous
plus ou moins des déséquilibrés, des
désoeuvrés, beaucoup sont très instables, ne sont pas
assurés sociaux ou n'ont même jamais travaillé. Il s'agit
donc d'une population particulière qui va avoir des maladies et un
comportement psychique différents des autres. Il n'est donc pas
étonnant qu'il y ait des simulations totales »819(*).
Erigée en catégorie médicale, la
simulation est cependant vécue par certains praticiens comme une
immixtion de l'Administration dans l'exercice de leur profession. C'est en
effet souvent sous l'injonction du directeur de l'établissement que les
médecins sont contraints d'exercer une fonction de dépistage
à des fins disciplinaires820(*). La détection de la simulation est
souvent décrite comme une qualité essentielle du métier de
praticien pénitentiaire car nécessaire à la construction
d'un lien de confiance avec le directeur d'établissement. En
témoigne cet interne de Fresnes :
« La situation du médecin en milieu
pénitentiaire doit être claire et sans équivoque [...]
vis-à-vis de l'administration, qui doit savoir que le corps
Médical Pénitentiaire soigne et protège les vrais malades,
et que de ce fait, la "raison administrative" doit dans leur cas, céder
le pas devant la "raison médicale". En contrepartie, elle doit savoir
aussi que les médecins sont capables de dépister les simulateurs
dans la plupart des cas, et que, de toute façon, ces derniers ne
bénéficieront pas de leur
complicité »821(*).
Elément de définition de la médecine
pénitentiaire, la simulation est à l'inverse pour ses
détracteurs l'un des emblèmes de l'emprise de l'Administration
sur l'organisation des soins. Charles Dayant relate ainsi comment il fut
amené à décrocher la pancarte, rappelant que
« Toute consultation non motivée sera punie »,
apposée à la porte de l'infirmerie :
« Dès la prise de mes fonctions à
La Santé, le directeur m'avait donné tous les pouvoirs [...] pour
démasquer les délinquants d'un type nouveau : les
simulateurs, que je devais ensuite dénoncer pour "consultation non
motivée" [...] Curieux médecin en vérité que ce
dépisteur de simulations, que ce supergardien à diplômes
par le truchement duquel le bras trop court de l'autorité
répressive atteindrait même au coeur de l'infirmerie ceux qui
espéraient nouer avec un civil des relations humaines
normales »822(*).
Malgré la quasi-unanimité observée dans
les publications médicales, les praticiens exerçant en prison
semblent profondément partagés sur la dimension médicale
conférée à la simulation. Un groupe de travail
réuni lors du congrès de médecine pénitentiaire de
1963 refuse ainsi de considérer la simulation comme une pathologie :
« En fait une consultation est toujours motivée, il y a
toujours un motif même si ce motif n'est pas
classique »823(*). Dans un ouvrage consacré à la
relation clinique, un psychiatre intervenant aux prisons de Lyon consacre un
chapitre au « faux problème de la simulation » :
« Décréter simulé un comportement parce qu'il
est utilitaire, c'est s'en tenir à un diagnostic descriptif et en
refuser le sens »824(*). Citant cet ouvrage fort commenté, un
médecin s'interroge dans sa thèse afin de savoir si la simulation
doit être considérée comme la réaction d'un individu
en détresse ou comme une pathologie en tant que telle : « Le
problème est de savoir si ce type de simulation représente une
entité réelle ou s'il ne se cache pas autre chose
derrière ? [...] La simulation, qu'elle ait un but utilitaire ou
non est-elle une maladie ? »825(*).
La réponse négative apportée à
cette question par ce même médecin traduit peut-être un
rapprochement de la représentation qu'ont les médecins de la
simulation avec celle des psychiatres : « C'est parce que
l'institution le condamne à un perpétuel combat, parce qu'elle
nie en lui et en autrui toute revendication à la dignité, qu'elle
favorise les conduites infantiles à quoi se réduit le
théâtralisme utilitaire. Le détenu ne peut combattre avec
ses mains ou sa voix mais avec ses plaintes »826(*). C'est cette
évolution que constate Antoine Lazarus parmi les médecins
pénitentiaires : « De plus en plus l'on prend conscience
que le symptôme proposé pour justifier la demande de consultation
n'est qu'un moyen pour approcher le médecin auquel on a besoin de
parler »827(*). Les entretiens réalisés
auprès de médecins et d'infirmières ayant travaillé
en prison au cours des années quatre-vingt confirment une progressive
prise de distance à l'égard de cette représentation de la
simulation en tant que pathologie carcérale. Ils témoignent que
la médecine pénitentiaire est alors de moins en moins
perçue comme une spécialité médicale à part
entière qui justifierait une organisation spécifique
placée sous la tutelle du ministère de la Justice.
Dotés d'une faible expérience, les internes sont
parmi les premiers à reconnaître cette spécificité
carcérale : « Médecine déroutante parce qu'il
existe une pathologie particulière [...] Lequel d'entre nous [internes]
n'a pas hospitalisé un malade présentant un état fort
inquiétant et dont les signes avaient disparu le lendemain matin. La
simulation et surtout l'exploitation de maladies antérieures à
l'incarcération, surprendront bien d'autres jeunes
internes »828(*). Ainsi, les médecins exerçant en
prison contestent, à mesure que leur expérience s'accroît,
la spécificité de ces pathologies. Les suicides, les
auto-agressions, la simulation ou les grèves de la faim sont peu
à peu interprétés comme des réactions de
défense à l'égard du milieu pénitentiaire, ne
relevant ainsi pas stricto sensu de la médecine. Un praticien
travaillant à la M.A de Lyon depuis dix ans y voit une
« pathologie "psychofonctionnelle" » :
« Pour Mégard, si l'on faisait abstraction du cadre de la
détention et de ce qu'elle crée, on retrouverait simplement les
problèmes propres à tout exercice
médical »829(*). Si, comme le souligne un psychiatre
intervenant à Fresnes depuis le début des années soixante,
« il existe une spécificité sanitaire pénitentiaire,
il n'y a pas lieu de l'exagérer et de faire du délinquant un
homme à part, tout à fait différent des autres
»830(*).
Certains médecins, comme ici le Dr Hintermayer de Fresnes, voient
même dans la notion de pathologie carcérale une tentative abusive
de faire de la médecine pénitentiaire une
spécialité médicale à part entière :
Journaliste : « Monsieur, est ce que vous
pensez que la médecine pénitentiaire est une médecine en
soi, différente des autres ? »
Dr Hintermayer : « Pas du tout ! Je ne
vais pas faire plaisir à tout le monde, en particulier à certains
confrères en vous disant cela.... C'est un mythe ! Ça
n'existe pas ! Vous avez pu vous en rendre compte... Vous pourrez le voir
en voyant ce film. C'est exactement la même médecine qu'à
l'extérieur. Nous sommes ici comme dans un cabinet médical
extérieur. Avec simplement des malades un petit peu particuliers du fait
qu'ils sont enfermés 23 heures sur 24 le plus souvent [...] Alors nous
dire que pour cela il y a une médecine pénitentiaire... Vous
pensez bien que l'hémorragie intestinale que nous avons vue tout
à l'heure ou l'ulcère de l'estomac, ou le drogué
même de tout à l'heure, sont exactement les mêmes
qu'à l'extérieur. Alors c'est vrai qu'il y a une pathologie un
petit peu particulière, c'est celle des corps étrangers, le
chirurgien vous en a sans doute parlé, et des gens qui majorent les
symptômes et quelques fois qui sont capables de s'automutiler pour
rentrer à l'hôpital [...] Mais enfin faire de ça une
médecine pénitentiaire... Je dirai que c'est bien
léger ! Pour ne pas dire plus... »831(*).
Sans prendre position dans le débat relatif à la
spécificité de la médecine pénitentiaire, on peut
remarquer que les particularités qu'elle présente
(automutilations diverses, grèves de la faim simulation, etc.) ont
été mises à profit par ceux qui souhaitaient en faire une
discipline distincte. L'idée d'une pathologie carcérale fut
cependant contestée par certains praticiens exerçant
eux-mêmes en détention. Loin de former un groupe professionnel
homogène, les praticiens pénitentiaires sont ainsi divisés
entre un segment favorable à la reconnaissance de leur
spécificité et un segment souhaitant, à l'inverse,
être reconnus avant tout comme des médecins
généralistes. Derrière des questions d'ordre
médical se jouent par conséquent des enjeux statutaires et
déontologiques. La médecine pénitentiaire est-elle si
spécifique au point de justifier qu'elle soit placée sous la
tutelle du ministère de la Justice ? C'est cette position qu'adopte
Solange Troisier en tant que Médecin-inspecteur, qui exerce alors sur ce
groupe professionnel une position dominante.
Parce que la logique de spécialisation de la
médecine pénitentiaire ne repose pas sur des connaissances
purement médicales mais sur l'idée d'un milieu et d'une
population spécifiques, elle doit, pour se légitimer,
démontrer à travers sa « rhétorique
professionnelle » à quel « problème
public » elle entend répondre832(*). C'est pourquoi dans sa
tentative de spécialisation, le Médecin-inspecteur tente, au
moment où les prisons représentent l'une des grandes
préoccupations de la société française, de mettre
en évidence le rôle social que les praticiens peuvent avoir, du
fait de leur profession, au sein de l'institution
carcérale833(*). Solange Troisier, qui s'enorgueillit de son
« sens de l'humain » ou de son « goût de
l'apostolat social »834(*), défend une conception
« humaniste » du médecin pénitentiaire :
« Dans l'univers carcéral, celui-ci n'est pas un
médecin tout à fait comme les autres parce que ses malades ne
ressemblent pas complètement aux autres [...] Pour s'occuper de cette
"clientèle" spéciale, il faut un supplément de psychologie
et de coeur, le médecin étant souvent appeler à jouer un
rôle de confident et à éviter les gestes de
désespoir » (La Croix, 6/02/1977). Parce que les
détenus sont des êtres dotés d'« une psychologie
particulière » et dont « le comportement se
rapproche fréquemment de celui de l'enfance », le
médecin devrait selon elle développer une relation
particulière avec « ses » détenus qui
« ont besoin d'affection » (LM, 28/09/1973) :
« Ces hommes et ces femmes étaient un peu "ma chose" [...]
J'interpellai quelque fois les détenus d'un "Mon petit" [...] Est-ce un
crime d'avoir été une mère cordiale avec des sujets certes
que la société a rachetés, mais que nous, médecins,
devons soigner ? »835(*). Les propos de Solange Troisier lors de cette
émission radiophonique traduisent la conception quasi-religieuse de
l'activité médicale en prison qu'elle défend :
« Il y a tant de choses à faire pour les
gens malheureux. Vous me direz que Saint Vincent a été un des
premiers médecins des prisons. Ça a presque été mon
prédécesseur et c'est lui qui a donné ce côté
humain à la médecine pénitentiaire. C'est
merveilleux ! Quand je rentre dans les cellules de mes prisonniers,
même parfois quand ils sont au mitard, je leur parle pour leur demander
si leur santé est bonne [...] Ils sont très contents de me voir.
Je crois qu'ils sentent en moi d'abord quelqu'un qui est un être humain
qui se penche sur leur détresse et qui va leur apporter une
présence. Je ne suis pas là d'abord pour juger. Je suis le
médecin. Je suis la liberté et donc je suis quelque chose qui
leur permet de se raccrocher et bien souvent dans les moments difficiles, comme
les grèves de la faim... Nous avons un rôle. Nous sommes d'abord
une présence » 836(*).
Les médecins pénitentiaires, décrits
comme « des êtres privilégiés pour les
prisonniers [...] peut-être [...] leurs meilleurs
alliés »837(*), n'auraient ainsi pas pour seule tâche de
« soigner » car « tout ce qui concerne la vie des
détenus intéresse le médecin ». C'est à
ce titre, par exemple, que le Médecin-inspecteur obtient l'autorisation
du maquillage auprès de René Pleven pour les femmes
incarcérées ou qu'elle plaide, en tant que membre du Haut
comité d'étude et d'information sur l'alcoolisme, en faveur de la
lutte contre l'alcoolisme qu'elle considère comme un facteur de
criminalité838(*). Dans la description qu'elle livre de son
activité en milieu carcéral, Solange Troisier aborde d'ailleurs
de nombreuses questions non médicales, telles que le profil social des
détenus ou encore les délits à l'origine de leur
incarcération.
Loin de se réduire à une pure technicité,
comme pourrait le laisser croire l'idée de « pathologie
carcérale », la médecine pénitentiaire
constituerait ainsi selon elle « une médecine à part
entière qui réclame surtout du bon sens, de la
générosité, un certain sens du don de soi, une
vocation » (LM, 28/09/1973). Médecine sociale, la
médecine pénitentiaire exigerait avant tout un profil
spécifique. « Mes médecins sont un peu des
saints. Il faut beaucoup de discrétion et beaucoup
d'amour », affirme le Médecin-inspecteur au micro de Jacques
Chancel839(*).
La reconnaissance de cette nouvelle spécialité médicale
apparaît dès lors inextricablement liée à la
fonction sociale de réinsertion des détenus impartie aux
praticiens. C'est ce que souligne Solange Troisier lors du congrès de
médecine pénitentiaire de 1975 :
« Je dois par notre action, soucieuse du
progrès social, donner aux détenus une chance de resocialisation.
Le rôle du médecin pour cela est essentiel : travailler dans
des locaux modernes, avec un matériel d'avant-garde, avec des
médecins bien considérés et bien payés pour faire
de la médecine carcérale une science à part entière
ayant sa place au soleil »840(*).
En faisant des médecins pénitentiaires des
« apôtres », « mal payés, mal
connus, mal appréciés », au service des
détenus841(*), Solange Troisier met à profit une
légitimité de type messianique parfois présente au sein du
secteur médical mais surtout dans le secteur humanitaire. Même si
cette description est avant tout le fait du Médecin-inspecteur, d'autres
praticiens travaillant en prison ont parfois recourt à ce registre pour
décrire leur fonction, tel que ce médecin de la M.A de Dijon
s'interrogeant lors du congrès sur la fonction des praticiens en prison
: « Rôle médical, rôle d'information mais surtout
rôle humanitaire ? A tout moment le médecin côtoie des
hommes qui ont des difficultés de toutes sortes, lors de chaque
consultation si nous prenons le temps d'interroger chaque détenu nous
apprenons beaucoup de détails, qui expliquent parfois certains
éléments de conduite ou de leurs actes. Nous pouvons alors leur
dire que nous les comprenons et que nous sommes là pour les
aider »842(*). Cette représentation, enfin,
s'étend progressivement à la définition qui est
donnée de la profession de médecin pénitentiaire au sein
de l'espace public. En atteste cette présentation que donne Patrick
Poivre d'Arvor des médecins pénitentiaires, à l'occasion
du congrès de 1978 : « Au-delà de la
médecine du corps, le médecin est amené à jouer un
rôle de médiateur entre l'Administration et les
détenus »843(*).
Ainsi, la reconnaissance d'une spécialité
médicale suppose la définition d'un domaine spécifique
d'intervention, que ce soit une pathologie en tant que telle ou un
problème public. Son autonomisation requiert en second lieu, souligne
Anselm Strauss, l'élaboration de « standards de
pratique » (standards of practice) par le biais de
formations permettant à un groupe professionnel
d'homogénéiser ses règles de fonctionnement.
Déjà en 1965 à l'initiative de Georges Fully une
« attestation d'études relatives à la médecine
pénitentiaire » est instaurée auprès de la
chaire de médecine légale de la Faculté de Paris. La
création de cet enseignement est alors décrite par les pouvoirs
publics comme « un progrès considérable [...] puisque la
médecine pénitentiaire est en quelque sorte reconnue comme une
spécialité nécessitant des connaissances
particulières »844(*) tandis que Georges Fully y voit « la
reconnaissance, sur le plan universitaire, de cette discipline
particulière de la science médicale »845(*). Pourtant, et ce
à l'encontre de Solange Troisier, le premier Médecin-inspecteur
ne vise pas tant à autonomiser la discipline médicale en prison
qu'à accorder un plus grand rôle aux praticiens en leur assurant
une assise universitaire.
Dès sa prise de poste en 1960, Georges Fully est
intégré aux travaux de l'école lyonnaise de criminologie.
C'est dans ce contexte qu'il envisage que l'Administration pénitentiaire
devienne « une sorte de "Service de Santé" chargé du
traitement de ce phénomène socio-pathologique qui a pour nom
"délit" et qui traitera le délinquant »846(*). Regrettant le
rôle subalterne longtemps conféré aux praticiens, Georges
Fully ambitionne de faire « faire comprendre aux futurs médecins
pénitentiaires leur véritable rôle de médecins
criminologues » leur permettant d'obtenir une reconnaissance à
part entière au sein de l'institution carcérale. La
médecine pénitentiaire n'est ainsi pas tant conçue pour le
premier Médecin-inspecteur comme une discipline autonome que comme une
branche de la criminologie dont elle est au service :
« S'il est normal que le médecin
n'intervienne qu'à titre consultatif dans le déroulement de la
peine et dans l'application de celle-ci, il n'en est pas mois normal de voir
prendre en considération par l'Administration pénitentiaire le
rôle important que joue le médecin dans l'établissement.
C'est la raison pour laquelle le médecin pénitentiaire doit
être intégré à la vie de l'établissement
pénitentiaire et participer à toutes les formes du traitement
pénitentiaire. Je crois que c'est là que l'on peut voir le point
de rencontre de la criminologie et de la médecine pénitentiaire.
La criminologie, science éminemment humaine et faite de disciplines
multiples, absorbe, doit absorber la médecine pénitentiaire comme
elle absorbe le droit pénal et la science
sociologique »847(*).
La création d'un enseignement de médecine
pénitentiaire traduit pour Georges Fully la reconnaissance progressive
du rôle spécifique des praticiens en prison, dotés d'une
fonction de compréhension et de traitement du crime. Chargé de
cours à Henri Mondor, le Médecin-inspecteur tente cependant en
vain d'obtenir la création d'une chaire de médecine
pénitentiaire, faute de disposer de titre hospitalier.
« J'envisage la possibilité d'une forme d'intégration
hospitalière partielle au CHU de Créteil dans le cadre de la
médecine légale du droit médical, de la déontologie
et de la médecine pénitentiaire, cette dernière pouvant
faire l'objet d'activités jumelées entre l'Hôpital de
Fresnes et l'hôpital Henri Mondor de Créteil »,
écrit le Médecin-inspecteur en 1969848(*). Solange Troisier, bien
insérée dans les réseaux médicaux, réussit
là où son prédécesseur avait échoué
en inaugurant en janvier 1977 la première chaire de médecine
pénitentiaire au CHU Lariboisière Saint-Louis (Paris
VII)849(*).
D'abord rattachée à celle de médecine légale puis
autonome à partir de 1980, cette chaire est présentée par
un journaliste comme « la reconnaissance d'une
spécialité peu connue » (La Croix, 6/02/1977).
Plus tard Solange Troisier présenta cet
événement, rendu possible « grâce à l'action de
M. Raymond Barre, alors premier ministre »850(*), comme la
consécration du travail qu'elle avait entrepris depuis sa nomination. A
force de publications et de congrès, elle aurait convaincu les
autorités médicales et scientifiques, mais également ses
confrères exerçant en prison, de « la
spécificité des problèmes typiquement
carcéraux » : « De Lille à Bordeaux en
passant par Brest, Angers et Tours, de Strasbourg à Nice via Dijon,
Besançon, Grenoble, Lyon et Marseille, j'ai sensibilisé mes
collègues aux problèmes sociaux et humanitaires de la
médecine carcérale »851(*). Enfin, en 1981 Solange Troisier devient
Professeur de médecine pénitentiaire toujours grâce
à des soutiens politiques, si l'on en croit le Conseiller technique de
Robert Badinter : « Elle est devenue Professeur par un
décret du 12 mai 81 malgré l'opposition du ministre [de
l'Enseignement supérieur] de l'époque car elle
bénéficiait d'une protection... »852(*).
Au-delà d'une réussite personnelle853(*), l'instauration de
cette chaire marque la consécration des enseignements de médecine
pénitentiaire854(*). Déjà l'attestation
créée en 1965 avait pour but d'enseigner, comme le précise
le Dr Fully lors d'une interview, « toute cette pathologie un peu
spéciale, un peu particulière qui est la pathologie
carcérale »855(*). Parmi les soixante-quinze heures de cours
théoriques, réparties sur deux jours mensuels pendant une
année, quarante heures étaient en effet dédiées aux
« pathologies carcérales » ainsi qu'aux
différentes branches de la médecine pénitentiaire,
enseignement placé sous la direction de Léon Dérobert,
Professeur de médecine légale856(*). Etaient notamment
présentées la « gynécologie
pénitentiaire », la « gastrologie
pénitentiaire », la « cardiologie
pénitentiaire », la « vénérologie
pénitentiaire », l'« oto-rhino-laryngologie
pénitentiaire », la « dermatologie
pénitentiaire », l'« ophtalmologie
pénitentiaire », « l'urologie
pénitentiaire » ou la « radiologie
pénitentiaire »857(*). Les trente-cinq heures restantes
étaient consacrées à l'« administration
médico-pénitentiaire », afin de diffuser un certain
nombre de savoirs administratifs et juridiques auprès des
médecins exerçant en milieu carcéral.
Désireuse d'orienter la pratique des praticiens en cas
de situation extrême (grève de la faim, suicides) ou plus
simplement dans leur activité quotidienne (simulation, certificats
administratifs, placement au quartier disciplinaire), l'Administration
encourage le développement d'un enseignement de médecine
pénitentiaire858(*). En tentant de faire du certificat de
médecine pénitentiaire l'une des conditions d'accès
à un poste de praticien en prison859(*), le ministère de la Justice souhaitait
sensibiliser les praticiens aux contraintes pénitentiaires afin de les
intégrer dans leur pratique professionnelle et de faire ainsi, comme le
souligne un rapport d'activité de la DAP, « de meilleurs
médecins pénitentiaires, destinés à la fois
à mieux servir l'administration et à mieux comprendre certains
problèmes particuliers, dans l'intérêt même des
malades »860(*).
Destiné initialement aux médecins puis ouverts
aux infirmières, cette formation combinait enseignements médicaux
sur les « pathologies carcérales » et
éléments juridiques sur le fonctionnement des
établissements. C'est d'ailleurs cette seconde dimension qui donnait
tout son intérêt à cette formation d'après cette
infirmière : « Mais au niveau médical on apprenait
rien ! C'était surtout au niveau des lois,
etc. » 861(*). Elle permettait également à des
praticiens récemment arrivés en milieu carcéral de mieux
assurer le rôle d'« auxiliaire de Justice » suivant
la conception qu'en développe Solange Troisier. En témoigne ce
généraliste d'un petit établissement :
« On apprenait comme ça si vous
voulez... C'était du reste un peu ce qu'on faisait... La façon de
savoir dire "non" à un détenu mais un "non" qui permette... Qui
soit pas définitif si vous voulez, pour lui laisser l'espoir d'avoir la
possibilité d'avoir tel traitement un jour ou l'autre de façon
à ... Il fallait penser à calmer le jeu surtout dans les Maisons
d'arrêt surchargés, c'est important. C'était pas uniquement
médical. C'était intéressant. Mais enfin bon, il
était bien dit qu'il fallait travailler en accord avec l'Administration.
Ce n'était pas comme un médecin indépendant en ville.
C'est pas vrai. Il y avait trop de contraintes [...] C'était
intéressant parce que ça permettait de rencontrer d'autres
médecins de Maison d'arrêt comme nous. Parce qu'on avait pas de
relations. Même si on travaillait tous à peu près pareil,
en tous cas dans les Maisons d'arrêt peu médicalisés comme
Pontoise » 862(*).
Afin d'en élargir l'audience, ce certificat fut
proposé par Solange Troisier aux professionnels de la Justice, et
notamment aux directeurs d'établissement, permettant ainsi d'attirer un
nombre croissant de participants. Tandis qu'il ne compte que dix-neuf
médecins en 1973863(*), près de quatre-vingt personnes y
assistent à la fin des années soixante-dix.
La médecine pénitentiaire se dote au cours des
années soixante et soixante-dix des attributs d'une
spécialité médicale. L'idée d'une
spécificité pénitentiaire est certes bien
antérieure, comme en atteste la publication d'ouvrages et de
thèses à la fin du XIXème siècle sur
cette nouvelle spécialité. « L'ouvrage de Laurent,
véritable précis de médecine pénitentiaire, et la
thèse de médecine de Chipier, de 1897, marquent semble t-il, le
début de la médecine pénitentiaire au sens de
médecine particulière », relève un interne dans
l'histoire qu'il consacre à cette nouvelle
spécialité864(*). La médecine pénitentiaire
s'avère cependant à cette époque incapable de diffuser des
savoirs qui lui sont spécifiques. L'idée de pathologie
carcérale semble alors largement supplantée par les savoirs
psychiatriques jugés plus essentiels. Au cours du
VIème congrès pénitentiaire international,
ayant eu lieu à Bruxelles en 1900, est votée une motion demandant
à ce que tous les médecins travaillant en prison aient des
connaissances en psychiatrie afin d'améliorer le dépistage des
maladies mentales865(*). L'influence de la criminologie et le lien
alors établi entre maladie mentale et délinquance expliquent en
partie que le premier enseignement destiné aux médecins
pratiquant en institution carcérale, créé en 1921 à
Strasbourg, soit consacré exclusivement à la psychiatrie clinique
et à la médecine légale psychiatrique. En inscrivant la
médecine pénitentiaire dans le milieu universitaire, largement
autonome bien que non sans liens avec la psychiatrie, la criminologie et la
médecine légale, Georges Fully mais surtout Solange Troisier ont
oeuvré à la reconnaissance d'une nouvelle
spécialité médicale. Le rôle social
conféré aux praticiens, la description d'une pathologie
spécifique et la mise en place d'un enseignement visent à
conférer aux médecins exerçant en prison une
identité commune. A ce travail de construction interne s'ajoute une
mobilisation externe destinée à faire reconnaître cette
spécialité au sein du secteur de la médecine.
2. L'inscription de la
médecine pénitentiaire au sein du secteur médical
français : l'adoption d'une éthique et d'une appellation
spécifiques
Y. Mourousi : « La médecine
pénitentiaire devient une nouvelle spécialité
médicale puisque désormais on pourra choisir cette
spécialité à l'université... »
S. Troisier : « Je viens d'être
élue, après un vote au niveau d'un CHU puis au niveau du
national, ce qui implique la prise en charge de la médecine
pénitentiaire, d'une façon absolument sérieuse, de
façon à faire comprendre que cette médecine existe. Il y a
à peu près 170 prisons en France. Il y a environ 700
médecins866(*) et le Médecin-inspecteur que je suis
pensait qu'il fallait pouvoir faire de l'enseignement et faire prendre
conscience aux jeunes médecins de l'importance du problème
carcéral et montrer que c'est une médecine, certes, qui est un
petit peu comme les autres mais avec des caractéristiques
spécifiques tout à fait
particulières »867(*).
Pour être reconnu en tant que membre d'un système
professionnel, la sociologie fonctionnaliste considère qu'un groupe doit
en partager les principales caractéristiques. A partir des travaux de T.
Parsons, les sociologues fonctionnalistes ont défini l'idéal-type
de la profession à partir de deux critères : « La
compétence, techniquement et scientifiquement fondée et
l'acceptation d'un code éthique commun »868(*). L'importance de
l'éthique ou de la déontologie869(*), définies comme
un ensemble de devoirs et de règles s'imposant aux membres d'une
même profession, est centrale dans la sociologie des
professions870(*). La déontologie serait pour W.J. Goode
l'un des éléments de définition d'une profession en tant
que communauté de valeurs partageant une « éthique de
service »871(*). Dans sa définition d'un
« schéma de la professionnalisation »
hérité de Robert Merton872(*), à savoir les différentes
étapes devant être accomplies par une occupation pour parvenir au
rang de profession, H. Wilensky présente la possession d'un code de
déontologie comme le dernier stade de la
professionnalisation873(*). La place croissante de l'éthique parmi
les médecins pénitentiaires, d'abord sous la forme de
déclarations au Code de la déontologie puis par la
définition d'une éthique spécifique, marquerait ainsi un
pas supplémentaire dans la dynamique de spécialisation. Pour
être reconnus en tant que spécialité médicale, les
services de santé aux détenus tentent d'autre part de faire
reconnaître une appellation spécifique, la
« médecine pénitentiaire », au sein du
secteur médical.
C'est dans un premier temps au cours des congrès
médicaux que les praticiens expriment leur attachement à la
déontologie médicale. Lors des Journées de médecine
pénitentiaire de 1970, Georges Fully souligne ainsi, au sujet de la
pauvreté des moyens mis à la disposition du médecin, le
« risque de contrevenir aux obligations qui lui sont imposées
légalement et par le Code de la déontologie »874(*). En 1972, quelques
semaines seulement après les révoltes de détenus et la
démission de trois internes de La Santé, les praticiens
réunis en congrès manifestent par une motion leur respect de la
« déontologie du monde libre »875(*). Tandis que
l'attachement aux règles de la médecine visait pour le premier
Médecin-inspecteur à souligner l'autonomie des praticiens,
Solange Troisier poursuit cette démarche dans un but nouveau. La
formalisation d'une éthique spécifique à la
médecine pénitentiaire est pour elle un moyen de valoriser cet
exercice au sein du secteur médical. Elle crée pour cela le
Conseil international pour les services médicaux dans les prisons
(CISMP), en 1977 à Honolulu, dont elle devient la présidente
(LM, 1/09/1977).
L'objet de cette association est d'élaborer, comme le
souligne le Médecin-inspecteur lors de sa première
assemblée à Dijon en décembre 1978, « une
déontologie et une éthique de la médecine en prison, et de
définir quels doivent être les comportements des médecins
face à des problèmes graves » (grèves de la faim,
peine de mort, grâce, torture)876(*). Ce travail de formalisation aboutit, lors des
deuxièmes rencontres organisées en septembre 1979 à
Athènes, à un serment professionnel (QDM, 11/09/1979).
Présenté comme un « véritable codicille à
la Déclaration des droits de l'homme »877(*), le « serment
d'Athènes » est érigé par Solange Troisier comme
un indice de la maturité acquise par la médecine
pénitentiaire. Par cette charte, établie « dans
l'esprit du Serment d'Hippocrate », les médecins intervenant
en prison s'engagent à « prodiguer les meilleurs soins
possibles » ainsi qu'à « condamner tout
châtiment corporel » et à « respecter le
secret des informations »878(*). Toujours dans l'objectif de spécifier
la médecine pénitentiaire, le Médecin-inspecteur est
l'auteur d'une « charte des médecins de prison »,
sorte de code moral que les praticiens exerçant en institution
carcérale sont appelés à respecter :
« Le médecin pénitentiaire doit
être libéral [...] être ferme car nous avons à faire
à des êtres qui cherchent la faille chez le médecin pour
exercer du chantage [...] être solide surtout face à un être
fragile, simulateur, roublard, psychopathe, anxieux mais aussi malade et que
nous devons soigner, aider, comprendre en un mot ; être humain face
à un sujet que la société
rejette »879(*).
A partir d'une perspective fonctionnaliste, il est possible de
conclure qu'en adoptant son propre guide de conduite la médecine
pénitentiaire accéderait à un degré de
reconnaissance plus abouti. Le serment d'Athènes traduirait une certaine
homogénéité des standards professionnels des
médecins travaillant en milieu carcéral. D'autres
phénomènes soulignent pourtant la fragilité, voire
même l'absence, des règles communes en matière de
déontologie. Il faut tout d'abord rappeler que les praticiens
pénitentiaires sont au même moment l'objet de nombreuses critiques
sur le plan éthique, notamment concernant les grèves de la
faim880(*).
L'adoption du serment d'Athènes n'est d'ailleurs peut-être pas
sans lien avec l'inscription quelques mois auparavant, en juin 1979, d'un
article dans le Code de déontologie médicale visant
spécifiquement l'exercice en milieu carcéral :
« Un médecin amené à examiner une personne
privée de liberté ou à lui donner des soins ne peut,
directement ou indirectement, serait-ce par sa seule présence, favoriser
ou cautionner une atteinte à l'intégrité physique ou
mentale de cette personne ou à sa
dignité »881(*). En même temps qu'il apparaît comme
un rattachement à l'éthique médicale hippocratique, le
serment d'Athènes est peut-être une tentative de se soustraire aux
rappels à l'ordre du Conseil de l'Ordre, notamment en matière de
grèves de la faim.
En second lieu, il semblerait que le serment d'Athènes
soit demeuré symbolique et n'ait pas eu de conséquences sur la
pratique médicale en prison. Très peu de praticiens semblent
d'ailleurs en connaître l'existence882(*). Contrairement au Code de déontologie,
l'éthique pénitentiaire s'apparente, en outre, davantage à
un attachement à quelques principes très généraux
de la médecine plutôt qu'à des devoirs précis
s'imposant au médecin dans sa pratique quotidienne. La codification de
règles détaillées ne semble d'ailleurs pas jugé
souhaitable, comme le confirme cette observation d'un journaliste au sujet du
onzième congrès de médecine légale consacré
à la déontologie du médecin pénitentiaire :
« Il n'est pas apparu possible de définir les limites exactes
de l'action des médecins dans un contexte coercitif, comme le prouve
l'absence de toute déclaration, jugée "prématurée"
et même "inutile" par les membres du
congrès »883(*).
La diversité des positions mais surtout la forte
contradiction entre les principes proclamés et la réalité
des pratiques en matière de grèves de la faim illustre l'absence
d'une déontologie commune aux médecins pénitentiaires. Les
tentatives du corps médical de respecter le principe du consentement du
patient se heurtent, en effet, aux contraintes de l'Administration
pénitentiaire qui tente d'obtenir l'alimentation forcée des
détenus d'abord de façon autoritaire, puis indirectement par le
biais du Médecin-inspecteur. Face à la multiplication des
atteintes au principe du consentement du patient, la médecine
pénitentiaire est l'objet de virulentes critiques de la part du secteur
médical, notamment du fait de quelques journalistes
médicaux884(*). Ce qui est reproché à certains
médecins, et plus particulièrement à Solange Troisier, en
matière de grèves de la faim c'est la primauté
accordée aux considérations politiques. En atteste cette
discussion survenue après l'alternance de mai 1981 entre le
Médecin-inspecteur et le Conseiller technique de Robert
Badinter :
« Quand j'arrive en 81, Troisier vient me voir
[...] Elle m'a expliqué que bon... elle était gaulliste de
gauche... On pouvait s'entendre en quelque sorte [...] Moi, je m'en foutais
qu'elle soit gaulliste de gauche ou de droite ! Si elle faisait bien son
travail, le problème n'était pas là... Et alors, au bout
d'un petit moment... Y avaient des grévistes de la faim et elle me
dit : "Qu'est ce qu'on fait avec les grévistes de la
faim ? Quelle est votre politique en matière de grève
de la faim ?". Alors moi, je lui réponds qu'il y a l'article 390
[du CPP] qui dit que quand ils sont en danger, le médecin décide.
"Oui d'accord, mais qu'est ce qu'on fait ? On fait comme pour les
irlandais, on les laisse mourir ? ". J'étais horrifié !
"Mais Mme Troisier, c'est une question médicale ! C'est au
médecin de trancher !". "Oui mais VOUS, qu'est ce que vous en
pensez ?". Inutile de dire que je ne me sentais pas de lui donner une
instruction pour lui dire vous les laissez mourir ou pas... Pour moi il
existait le code [de déontologie] qu'elle n'avait qu'à
appliquer ! C'est pour dire la distance abyssale qui nous
séparait »885(*).
Ainsi, à l'encontre de l'image d'une profession
unifiée ayant une même vision de la déontologie
médicale derrière les barreaux, que symbolise le serment
d'Athènes, il s'avère que les praticiens sont profondément
divisés. Les réactions contrastées en matière de
grèves de la faim en attestent.
Plus que l'attachement à la déontologie
médicale, l'un des signes les plus flagrants de la volonté d'un
groupe professionnel d'être reconnu en tant que nouvelle
spécialité médicale est probablement le langage. Les
appellations de « médecine urgentiste »,
« médecine militaire » ou
« médecine tropicale », confèrent à
chaque secteur d'activité une légitimité du seul fait du
rattachement à un dénominateur commun prestigieux. Longtemps
qualifiés de « médecine de prisons »
ou de « médecine en prison », les services
de santé aux détenus sont désignés à partir
du début des années soixante par ses représentants sous le
nom de « médecine pénitentiaire » bien que
l'usage ne soit pas encore répandu. Ainsi, lors des premières
Journées de « médecine pénitentiaire »
de 1963 le praticien de la M.A d'Ajaccio se réfère dans son
exposé au « médecin de la Maison
d'arrêt » tandis que celui de Loos-lès-Lille
évoque le « médecin de prison »886(*). A l'encontre de ces
deux praticiens, les organisateurs de l'événement, comme le Dr
Mégard de la M.A de Lyon et bien sûr Georges Fully, font
référence à plusieurs reprises à la
« médecine pénitentiaire ». L'utilisation de
cette expression se généralise progressivement au cours des
différents congrès à mesure que les praticiens
établissent une réflexion sur la spécificité du
rôle du médecin au regard des autres professionnels intervenant en
milieu carcéral887(*).
Apparemment insignifiante, la généralisation de
cette expression traduit l'autonomisation d'une branche de la médecine
dont les impératifs pénitentiaires seraient consubstantiels.
L'Administration semble d'ailleurs avoir favorisé cette appellation qui
véhiculerait l'idée d'une égale prise en compte des
impératifs pénitentiaires et médicaux888(*). Dans son discours de
clôture des Journées de 1970, le garde des Sceaux emploie ainsi
à huit reprises l'appellation de « médecin(e)
pénitentiaire »889(*). Cette expression est cependant rapidement
victime de son succès. Devenue le nom d'usage des services
médicaux en prison, la médecine pénitentiaire, parfois
appelée « médecine carcérale », est
l'objet de nombreuses critiques au cours des années soixante-dix.
Utilisé afin de qualifier une médecine pensée comme
spécifique, l'adjectif « pénitentiaire »
apparaît peu à peu disqualifiant. C'est cette stigmatisation que
tente de prévenir le ministre de la Justice, Alain Peyrefitte, dans son
allocution aux Journées de 1975 :
« Méfions-nous toutefois, des expressions
toutes faites. Il n'y a pas une médecine de pénitence. Il y a une
"médecine en milieu pénitentiaire" [...] La "médecine
pénitentiaire", ce n'est pas la médecine moins quelque chose -
une médecine au rabais. La "médecine pénitentiaire", c'est
toute la médecine, plus une attention particulière portée
à certains troubles favorisés par la vie
carcérale »890(*).
Cette mise en garde souligne l'ambiguïté de la
démarche des partisans d'une médecine pénitentiaire. Le
travail de spécification entrepris depuis l'arrivée du premier
Médecin-inspecteur se heurte en effet au cours des années
soixante-dix à un dilemme. Reconnue pour son altérité, la
médecine pénitentiaire risque en effet, du fait de sa nature
pénitentiaire, d'être considérée comme
extérieure au secteur médical. Il s'agit, comme l'affirme Pierre
Moutin, psychiatre à Fresnes, de « reconnaître certaines
spécificités à la médecine pénitentiaire
sans pour autant la couper de l'ensemble de la
médecine »891(*). Ce même praticien, anciennement
rattaché au Service de santé des armées, récuse
d'ailleurs toute comparaison entre la médecine pénitentiaire et
la médecine militaire. C'est parce que la médecine exercée
en milieu carcéral doit rester au plus près de la pratique
médicale classique, relève un cours dispensé à
l'ENAP par un magistrat, que « la notion de "médecine
pénitentiaire" doit donc demeurer essentiellement une expression du
langage courant »892(*). « Il n'y a pas de médecine
pénitentiaire, il y a seulement la médecine exercée au
sein du milieu particulier que représente une prison »,
écrit un interne soucieux de ne pas couper sa pratique professionnelle
du reste du secteur médical dans sa thèse pourtant
consacrée à une « pathologie
carcérale »893(*).
Plusieurs médecins s'élèvent d'ailleurs
contre l'idée, alors présente au sein de l'Administration, de
développer des postes de médecins pénitentiaires
temps-plein ce qui représenterait, selon eux, un appauvrissement de la
pratique médicale894(*). Le Dr Gonin se réjouit ainsi que le
médecin pénitentiaire intervienne
« heureusement » de façon libérale
« car sinon ce rôle indispensable de lien entre
l'"intérieur"et l'"extérieur"
disparaîtrait »895(*). Son collègue, le Dr Gravier, remarque
quant à lui que les expériences belges et hollandaises de
médecins temps-plein se sont conclues par la dépression nerveuse
de nombreux praticiens. Les défenseurs de la médecine
pénitentiaire tentent de naviguer entre deux écueils. D'une part,
une banalisation de la médecine pénitentiaire qui risquerait
d'être assimilée à une médecine
généraliste quelconque. D'autre part, une trop grande
spécification au terme de laquelle la médecine
pénitentiaire serait exclue du secteur médical, et serait ainsi
par exemple rangée au côté des autres « sciences
pénitentiaires ». C'est cette tension entre
spécification et banalisation qu'exprime le
« paradoxe » relevé dans une thèse
consacrée à La médecine carcérale :
« Il faut reconnaître que la médecine
pénitentiaire est passionnante, bien que, ou parce que paradoxale :
à la fois semblable et différente des autres
médecines : semblable, car toutes les maladies de ville se voient
en prison ; différente, car il existe une "pathologie
carcérale" induite par la privation de
liberté »896(*).
Dotée d'un enseignement, d'un code éthique
spécifique et enfin d'une appellation, la médecine
pénitentiaire apparaît de plus en plus intégrée au
secteur médical français, ce que confirme tout d'abord
l'évolution des congrès. Jusque-là limitées aux
seuls praticiens et magistrats du ministère de la Justice, les
Journées de médecine pénitentiaire de novembre 1970
marquent un premier rapprochement avec le reste du secteur de la
médecine897(*). La présence du Professeur Robert de
Vernejoul, ancien président du Conseil national de l'Ordre898(*), ainsi que de
« 23 médecins exerçant dans les établissements
pénitentiaires au titre du ministère des Affaires sociales et
conviés pour la première fois », ou le fait que ce
congrès ait lieu au sein de la Faculté de médecine en
présence de son doyen, traduisent une plus grande considération
de la part des instances médicales. Mais c'est surtout sous l'impulsion
de Solange Troisier que la médecine pénitentiaire
s'intègre au secteur universitaire médical français.
Ainsi, lors du congrès de 1975, auquel assistent les présidents
départementaux et régionaux de l'Ordre, et au cours duquel le
président de l'université Bordeaux 1 salue le
développement de « l'enseignement de la médecine
pénitentiaire », la représentante du ministère
de la Santé, Mme Ezratty, souligne « une parfaite
communauté de vues [entre les deux ministères] sur les solutions
à apporter » aux problèmes de la médecine
pénitentiaire899(*). Enfin, le congrès mondial de 1978 est
clôturé par la ministre de la Santé, Simone Veil, dont les
propos sont interprétés par Solange Troisier comme le symbole
d'une reconnaissance officielle de la médecine pénitentiaire.
« Le congrès qui s'achève aujourd'hui témoigne
de la vitalité de cette discipline [...] C'est donc avec confiance que
j'entrevois l'avenir de la médecine pénitentiaire »,
déclare la ministre900(*).
L'augmentation du nombre de thèses de médecine
consacrées au milieu carcéral constitue un second indicateur de
l'intégration croissante de la médecine pénitentiaire au
sein du secteur médical. L'analyse des travaux universitaires de
médecine depuis 1950 confirme les grandes étapes de cette
reconnaissance de la médecine pénitentiaire901(*). Les thèses de
médecine concernant le milieu carcéral sont tout d'abord rares
jusqu'au milieu des années soixante (sept de 1950 à 1965) et
s'attachent à décrire les spécificités du milieu
carcéral (simulations, automutilations et pathologies
carcérales), à l'exception d'une thèse en 1960
consacrée plus généralement à L'Exercice
médical dans les pénitenciers modernes.
Le nombre de thèses se développe à partir
de la fin des années soixante et surtout au cours des années
soixante-dix du fait de la tentative de spécialisation initiée
par Georges Fully. On en compte ainsi dix entre la fin des années 1968
et 1974. Mis à part des thèmes classiques tels que les
pathologies carcérales, les sujets de thèse se diversifient
considérablement. Est notamment soutenue la première thèse
de médecine portant sur l'organisation des soins dans un
établissement spécifique (Fleury-Mérogis). La publication
de deux thèses sur les surveillants de prison ou d'une thèse sur
l'affiliation des détenus à la Sécurité sociale
témoignent d'un intérêt majeur des praticiens pour
l'institution pénitentiaire qui cesse d'être un lieu d'observation
clinique pour devenir un lieu d'exercice professionnel.
Mais surtout naît à la même époque
un intérêt croissant pour la médecine pénitentiaire
en tant que discipline médicale, ce que confirme la publication d'une
thèse en 1968 consacrée à l'Histoire de la
médecine pénitentiaire en France902(*). Inspiré d'une
idée de Fully, ce travail retrace à partir de nombreuses archives
l'organisation des soins en prison depuis l'Ancien régime jusqu'aux
années soixante. L'auteur met notamment en avant les
récriminations des médecins face au manque de moyens ou à
la faiblesse des rémunérations, indiquant que cette
« situation ne fut certainement pas étrangère à
l'insuffisance du service médical constaté plusieurs
années après », établissant ainsi un lien entre
le passé et le présent. C'est à partir de ce travail,
largement référencé, que la plupart des thèses
portant sur le milieu carcéral développent dès lors un
chapitre introductif, presque invariant, retraçant les grandes
étapes de l'apparition de la médecine pénitentiaire. Deux
thèses remarquent ainsi que le « 25 décembre 1819 est
réellement créé le poste de médecin de
prison » ou encore que le règlement du 5 juin 1860
« constitue un élément essentiel de l'évolution
de la médecine pénitentiaire »903(*). L'évocation de
l'histoire de l'organisation des soins en prison est souvent utilisée
par les médecins pénitentiaires pour souligner la
pénibilité de leur travail. Evoquant un rapport de
l'Administration de 1838, Georges Fully remarque lors d'un congrès que
« ce souci d'éviter d'accorder au médecin un rôle
par trop humanitaire exprimé par cet éminent fonctionnaire il y a
cent vingt-huit ans et qui a eu pour effet de nous faire sourire, n'est
malheureusement pas totalement anachronique »904(*).
Le nombre de thèses consacrées au milieu
carcéral atteint son apogée au cours de la seconde moitié
des années soixante-dix. De 1975 à 1981, vingt-sept thèses
consacrées à la médecine somatique ont été
recensés. Outre la bonne intégration de Solange Troisier dans le
système universitaire, cette augmentation est probablement liée
à la multiplication du nombre de poste d'internes qui a alors lieu. On
en tient pour preuve la prédominance de l'Ile-de-France parmi les
universités de soutenance où travaille la majorité des
internes. Sur vingt-sept thèses, treize sont soutenues dans des
universités franciliennes. La soutenance de thèses dans d'autres
villes françaises (Lyon, Bordeaux, Dijon, Montpellier, Nancy, Rennes et
Rouen) atteste néanmoins d'une diffusion nationale de la médecine
pénitentiaire. Si de nombreux travaux continuent d'être
consacrés à des pathologies carcérales, plusieurs
thèses abordent également l'institution pénitentiaire en
tant que milieu professionnel. Outre un « essai de
compréhension de l'univers carcéral » dont toute
considération médicale est absente, plusieurs thèses sont
réalisées sur l'organisation de la médecine
pénitentiaire, que ce soit dans un établissement précis ou
au niveau national.
Enfin, dernier indice de reconnaissance de la médecine
pénitentiaire au sein du secteur médical, apparaît en 1976
au sein de l'index analytique du catalogue des thèses de médecine
de la BIUM une rubrique intitulée « médecine
pénitentiaire » dont l'appellation semble dorénavant
consacrée905(*).
__________________________________________________
Sous-équipée, sous-payée et peu reconnue,
voire stigmatisée, l'organisation des soins en prison se dote au cours
des années soixante-dix des attributs fonctionnels d'une
spécialité médicale. Elle bénéficie de
davantage de moyens de la part du ministère de la Justice, notamment
grâce au soutien du DAP Christian Dablanc dont Solange Troisier remercie
souvent les services : « Des crédits furent
débloqués, la gestion fut d'une qualité exceptionnelle,
les médecins furent compris et soutenus. Tout ce que j'avais
souhaité depuis longtemps prenait corps ; les locaux
s'amélioraient, de nouvelles prisons étaient construites, les
crédits pour la santé étaient multipliés par dix
»906(*).
Ainsi, tandis que le budget global des dépenses de
santé croit de 217% entre 1973 et 1979, passant de 29 à 63
millions de francs907(*), la somme consacrée au personnel
médical augmente de 86% entre 1975 et 1979, passant de 9,5 à 17,8
millions908(*).
Le budget consacré aux vacations de médecins et aux internes
augmente sur cette même période est en hausse de 220% passant de
3,7 à 8,3 millions : le prix des vacations est revalorisé
(Cf. Tableau) alors que le nombre de vacations allouées à chaque
médecin est régulièrement augmenté. Solange
Troisier rappelle durant les cours dispensés dans le cadre de
l'attestation de médecine pénitentiaire ses efforts afin de
valoriser l'exercice médical en détention :
« La médecine fait partie de la
réinsertion sociale et le rôle du médecin en prison est
absolument capital, parce qu'il arrive de l'extérieur, il apporte un
souffle de liberté [...] Son rôle doit être de plus en plus
amélioré, reconsidéré [...] Ils doivent être
payés en fonction de ce qu'ils font. Il y a eu là un
réajustement des traitements, c'est certainement encore insuffisant
mais soyez sûrs que j'y veille [...] Il nous faut donc avoir de bons
médecins et qu'ils soient bien payés. Lorsque je suis
arrivée, j'étais horrifiée car le K, le D et le Z pour la
radiologie, la chirurgie et l'acte dentaire, étaient au prix que
l'assistance publique avait en 1968. Il m'a bien fallu 4 ans pour arriver
à ce que les K, D et Z soient à peu près corrects [...] Il
faut dire que je me suis battue pendant deux ans pour obtenir pour les
infirmières hospitalières [de Fresnes et des Baumettes] la prime
Veil qui leur donnait une augmentation de salaire et je me bats encore pour que
cette prime soit accordée à toutes nos infirmières, dans
toutes les prisons de France. Je tiens aussi à faire augmenter leur
prime de risque qui est très insuffisante »909(*).
L'évolution de la prison de Fresnes, et en particulier
de son Hôpital, confirme cette évolution de l'organisation des
soins. En attestent, selon cet interne, les progrès enregistrées
entre 1972 et 1978 : dans les divisions, le nombre d'internes passe de
deux à quatre, le secrétariat est « mieux
tenu », le dépistage de la syphilis est amélioré
ainsi que les soins dentaires tandis qu'à l'Hôpital le nombre
d'infirmières double (passant de quinze à vingt-neuf) ainsi que
le nombre d'internes (de trois à six)910(*). Cette institution est
présentée à de nombreuses reprises comme le symbole d'une
modernisation de la médecine pénitentiaire :
« Sur le plan chirurgical, le bloc
opératoire, ultra-moderne, supporte la comparaison avec les meilleurs
hôpitaux pratiquant une chirurgie courante. Qu'il nous suffise de dire,
que pratiquement toutes les interventions sont faites sous monitoring par des
chirurgiens chevronnés, assistés d'anesthésistes provenant
des meilleurs services de la région parisiennes, d'internes bien
expérimentés [...] Le niveau médical est donc satisfaisant
et, les médecins ne pratiquent pas, comme certains l'insinuent ou le
clament, la médecine pénitentiaire parce qu'ils sont incapables
d'en exercer une autre [...] La qualité des soins (qui rappelons le sont
entièrement gratuits) prodigués par un personnel médical
et para-médical compétent et très dévoué
hissera l'Hôpital Central de Fresnes au rang des meilleurs hôpitaux
civils de deuxième catégorie »911(*).
« Nous étions une infirmerie de brousse, nous
devenons un hôpital normal », observe Solange Troisier au sujet
de l'Hôpital de Fresnes912(*). Ces déclarations méritent
toutefois d'être relativisées par la description plus critique
qu'en donne la revue Actes au même moment :
« L'hôpital central des prisons de Fresnes est en pleine
déconfiture. Salles d'opérations sous-utilisées,
capacité de fonctionnement minime par rapport aux possibilités et
aux besoins. Le personnel, notamment infirmier, est absent d'une manière
chronique... Pendant des mois, il n'a plus été possible d'obtenir
des interventions chirurgicales faute d'anesthésiste, et parfois une
seule infirmière est obligée, à elle seule, d'assurer la
surveillance médicale de nuit de tout
l'hôpital »913(*). Les propos de ce chirurgien ayant
commencé à exercer en 1979 à Fresnes contrastent
également avec la représentation d'un hôpital
moderne :
« Au niveau de l'équipement quand je suis
arrivé c'était nullissime, on était en 110 [volts] et
j'avais dit que c'était peut-être le temps de passer l'hosto en
220 et de remettre des fils neufs! C'était des fils de bakélite
et donc si vous touchiez les fils, ils tombaient en poussière.
L'installation datait de 1920 je crois. Et quasiment tous les midis, je sais
pas pourquoi, ça disjonctait. Alors j'étais sur une fracture
supérieure du tibia. Midi, paf! Ça s'éteint... [rires]
Alors, il y a une réserve d'accu. Ça éclaire, un peu
jaune, quinze minutes et puis paf! Les accus, morts aussi! [rires] Il y a une
infirmière, Mme Salvetti, je crois, qui dit : "Oh, c'est
arrivé une fois au docteur Petit, je vais appeler le surveillant
général". Et le surveillant général il est
arrivé avec le fanal avec lequel il faisait son tour de garde et on a
fini d'opérer avec l'infirmière qui m'éclairait avec le
fanal! [Rires] »914(*).
D'autres grands établissements semblent cependant
bénéficier d'une amélioration de leurs moyens
médicaux. C'est le cas des M.A de Lyon où l'équipe
s'étoffe considérablement passant de sept médecins et deux
infirmières en 1970 à dix-sept médecins vacataires, six
infirmières temps plein, trois dentistes et un
kinésithérapeute à temps partiel en 1981.
Prix des vacations (en francs) des médecins
généralistes et spécialistes entre 1974 et
1977915(*)
|
GENERALISTES
|
SPECIALISTES
|
Avant 1974
|
12/14
|
16/18
|
Après 1974
|
18/20
|
28/32
|
Après 1975
|
20/22
|
31/35
|
Après 1977
|
24/26
|
36/41
|
Quelle que soit la réalité de cette
amélioration, le Médecin-inspecteur et l'Administration
pénitentiaire tentent de diffuser l'image d'une médecine
pénitentiaire moderne, davantage reconnue au sein de l'espace public.
L'analyse des émissions radio-télévisées
conservées à l'INA permet de mettre en évidence une prise
en compte croissante de ce groupe à mesure qu'il se dote des attributs
d'une spécialité. Tandis que pendant longtemps, les rares
émissions où il était question de la santé des
détenus donnaient la parole aux psychiatres ou aux
psychologues916(*), un premier documentaire est consacré
à la médecine pénitentiaire en 1965, à l'occasion
de la création de l'attestation d'études par Georges Fully.
« Une discipline médicale vient de se créer, et avec
elle une chaire en faculté, un enseignement, des diplômes. La
médecine pénitentiaire qui n'existait qu'à l'état
latent, diffus, se structure et devient réalité »,
observe le journaliste917(*). Mais c'est surtout durant les années
soixante-dix qu'il est question de la médecine pénitentiaire. Un
documentaire datant de 1977 présente ainsi la « pathologie
carcérale » ou encore l'organisation sanitaire des prisons
françaises918(*). Au cours d'une interview, Solange Troisier
affirme au même moment la spécificité de la médecine
carcérale919(*).
Les congrès, en même temps qu'ils favorisent la
constitution d'une identité homogène, accélèrent
cette médiatisation des services médicaux pénitentiaires
en exposant publiquement ce groupe professionnel, quelque soit le degré
d'homogénéité réel entre ses membres. Tandis que
les deux premiers congrès demeurent confinés aux seuls
spécialistes, les Journées de 1970 sont pour la première
fois l'objet de comptes-rendus, peu détaillés, dans la presse
quotidienne du fait de l'attention croissante portée à la
question des prisons. Le congrès de 1972, qui est
l'objet d'une forte médiatisation, malgré le huis-clos
imposé par l'Administration pénitentiaire, confirme l'attention
portée par les médias à ces rencontres920(*). Le ministère de
la Justice modifie alors l'esprit de ces congrès. Initialement
conçus par Georges Fully comme des lieux de travail et de
débat921(*), les congrès de médecine
pénitentiaire deviennent à partir de la nomination de Solange
Troisier des rencontres solennelles, fortement médiatisées,
permettant d'exposer publiquement la médecine carcérale.
« Nous sommes réunis pour cette médecine
pénitentiaire que je voudrais tant revaloriser et tant élever au
niveau qu'elle mérite. Il s'agit bien de sensibiliser les
médecins à cette médecine si spécifique, de faire
connaître à l'opinion le dévouement inlassable de ces
praticiens de la "Pénitentiaire" que j'ai l'honneur de
représenter ici », déclare le Médecin-inspecteur en
ouverture des Journées de 1975922(*).
Le Dr Daniel Gonin ayant assisté aux différents
congrès de médecine pénitentiaire entre 1962 et 1980
témoigne de l'évolution de ces rencontres. Celles-ci
étaient avec le premier Médecin-inspecteur des moments de
revendications où s'exprimait une certaine contestation :
« Y avaient aussi des promesses. Y avaient des formes assez violentes
au niveau du dire. Surtout du temps de Fully, c'était assez
contestataire »923(*). Ces rencontres deviennent avec Solange
Troisier plus solennelles répondant à son désir de
mieux faire reconnaître la spécialité médicale dont
elle a pris la tête :
« Solange Troisier, c'était le flonflon. Il
fallait qu'il y ait beaucoup de vedettes. Mais il faut être juste et il
me semble que Fully et elle étaient des personnes différentes,
c'est évident mais ce n'était pas la même période
non plus. Fully, ça a été l'archéologie quoi !
[...] Après Solange Troisier a pris la succession, y avait
déjà des choses en marche. Elle a vu qu'elle pouvait faire un
truc international et elle a recruté des gens qui avaient le goût
du congrès pour le congrès »924(*).
Contrairement au colloque de 1972 où les internes
avaient tenté de dénoncé leurs conditions de
travail925(*),
les discussions n'ont pas tant pour objet le dispositif médical que la
faible rémunération des praticiens. Largement couvert par la
presse, le congrès est en effet l'occasion de dénoncer, par le
biais d'exemples concrets (l'ablation d'un appendice est payé 50 francs
alors qu'il est remboursé 350 francs ; l'acte dentaire
« D » évalué à 6,6 francs par la
Sécurité sociale ne vaut que 1,77 francs en prison), l'absence de
reconnaissance dont souffriraient les médecins :
« Parente pauvre, mal aimée, mal comprise, trop anomique pour
être un groupe de pression, la médecine pénitentiaire est
à l'image de la vie et des droits des détenus : une
sous-médecine »926(*). Le congrès qui a lieu en 1978 à
Dijon confirme la dimension spectaculaire désormais
conférée à ces rencontres. Pensé pour la
première fois comme un événement
« mondial », il rassemble plusieurs centaines de
médecins venus de vingt pays et attire de nombreux journalistes. Outre
une bonne couverture presse (LF, 24/11/1978 ; QDM, 24/11/1978
; LM, 25/11/1978 ; Libération, 25-26/11/1978), ce
congrès est pour la première fois l'objet de reportages
télévisés diffusés lors des journaux
télévisés du soir927(*). En dépit de cette apparente
consécration au sein de l'espace public, la spécialisation de la
médecine pénitentiaire entreprise par Solange Troisier se heurte
cependant à de nombreux obstacles rendant difficile
l'institutionnalisation de cette spécialité médicale.
Soumise à de nombreuses critiques au sein de l'espace public, l'image du
praticien apparaît trop discréditée pour que des individus
puissent s'identifier à cette profession. La personnalisation de cette
discipline par son Médecin-inspecteur, fortement politisé et
contesté, tend à amplifier cette critique. Cette remise en cause
incessante fait de la médecine pénitentiaire une activité
stigmatisante pour ceux qui l'exercent.
Section 2 - Une entreprise de
spécialisation entravée : la non-institutionnalisation de la
médecine pénitentiaire
Journaliste : « Vous, médecin, est
ce que vous n'avez pas l'impression de temps en temps de vous trouver, sans le
vouloir, du côte des gens disons qui répriment, alors que votre
rôle à vous c'est d'aider et soigner ? »
Interne de Fresnes : « Oui, c'est le fait
de la complicité. Je crois qu'il faut en être conscient. On est
aussi complice que le psychiatre qui soigne quelqu'un à la demande du
préfet... »
Journaliste : « Vous sentez
ça ? Vous le vivez ? »
Interne (en souriant) : « Ben...
heureusement pour moi, oui ! »
Journaliste : « Vous l'assumez
? »
Interne : « Oui. Il y a, je crois, beaucoup
de choses qu'on peut faire en prison. Les médecins ont un rôle,
spécialement à l'Hôpital de Fresnes très,
très important. Et je crois que c'est une chose qui existe telle qu'elle
est... Ça m'apparaîtrait un peu bête de travailler ici sans
en être conscient !»928(*).
En dépit de sa progressive reconnaissance au sein du
secteur médical, la médecine pénitentiaire peine à
s'organiser en tant que groupe professionnel homogène. La pratique en
milieu carcéral demeure tout d'abord une activité marginale pour
les médecins qui y consacrent le plus souvent quelques heures par
semaine. Or, la première condition de professionnalisation est selon H.
Wilensky l'exercice à plein temps de cette activité929(*). La
spécialisation de la médecine pénitentiaire apparaît
d'autre part limitée par la fragilité des attributs fonctionnels
dont se dotent les praticiens travaillant en prison. La notion de pathologie
carcérale, sur laquelle repose la spécificité de la
médecine pénitentiaire, est contestée, notamment eu
égard à la simulation. En dépit du Serment
d'Athènes, les médecins pratiquant en institution
carcérale sont, d'autre part, partagés quant à la conduite
à tenir en cas de grève de la faim et font souvent l'objet de
virulentes critiques. L'appellation de médecine pénitentiaire, au
final, apparaît davantage stigmatisante que qualifiante pour ceux qui
l'exercent. Le rapprochement avec la notion de semi-profession
développée par Nina Toren souligne le caractère
inachevé de la dynamique de spécialisation de l'organisation des
soins en prison930(*).
Deux obstacles majeurs rendent difficile l'identification des
praticiens avec leur activité pénitentiaire. Du fait de
l'autorité hiérarchique à laquelle ils sont soumis, ces
médecins sont en premier lieu dotés de nombreuses attributions
pénitentiaires vécues comme allant à l'encontre de leur
vocation soignante. Tiraillés dans leur pratique quotidienne entre leur
rôle de médecin traitant et de médecin vacataire de
l'Administration, ces professionnels peinent à s'organiser autour d'une
identité commune (1). Leur regroupement autour d'une même
appellation est d'autant plus difficile que la médecine
pénitentiaire est l'objet pendant les années soixante-dix de
virulentes critiques. La personnification de ce secteur d'activité dans
son Médecin-inspecteur, fortement politisé et contesté,
tend à amplifier cette critique (2).
1. Les exigences contradictoires
du métier de médecin pénitentiaire entre Thémis et
Asclépios : une identité professionnelle contrariée
Journaliste : « Les difficultés du
médecin de prison sont celles que connaît le médecin du
travail. Il a un patron qui le paye et qu'il le veuille ou non, il doit se
soumettre à ses exigences. Même s'il estime qu'il existe une
contradiction entre la fonction de punir et celle de
soigner »931(*).
Le rôle non-médical attribué aux
médecins pénitentiaires ne peut être compris que s'il est
analysé au regard des nombreuses attributions dont ils ont
bénéficié au cours des années soixante et
soixante-dix, et ce grâce aux revendications de certains praticiens. Bien
que l'importance des médecins en prison a été
affirmée dès la Libération, ces derniers ont
été néanmoins considérés pendant longtemps
par le ministère de la Justice comme des intervenants extérieurs
mus par une idéologie humaniste et philanthropique, à qui il
convenait de rappeler le règlement932(*). Toute tentative de la part des
généralistes d'outrepasser leur vocation soignante se heurtait
alors, comme le souligne un praticien lyonnais de manière
rétrospective, à la méfiance de l'Administration
pénitentiaire :
« Les certificats d'orientation pour
l'exécution de la peine étaient égarés presque
systématiquement, si le médecin ne se contentait pas de remplir
la case avec les seules notations de la pathologie somatique mais
débordait en considérations psychologiques ou sociales : "Ce
n'est pas ce que l'on vous demande, docteur : laissez l'aspect social aux
assistantes sociales" »933(*).
Cette méfiance contraste avec le rôle
attribué aux praticiens en détention. Le Code de procédure
pénale leur confère en effet en 1958 de nombreuses
prérogatives, sous la forme notamment de certificats,
délivrés aux détenus dans plusieurs situations non
strictement médicales. Pour bénéficier d'une douche
supplémentaire ou d'un travail pénal, pour pouvoir rester
allongé durant la journée, pour garder les cheveux longs, le
médecin apparaît à chaque reprise comme l'interlocuteur
incontournable du détenu. L'écart croissant entre la fonction
réelle des praticiens et leur faible reconnaissance explique que
certains médecins, désireux de ne plus être
cantonnés à un rôle technique, revendiquent à partir
du début des années soixante une plus grande
considération, ce dont témoigne le voeu formulé lors des
Journées de 1963. Le cas des grèves de la faim illustre cette
volonté des praticiens d'endosser un rôle plus large dans le
fonctionnement de la détention. Se limitant jusque-là au
traitement des symptômes de la grève (bilans biologiques et
perfusions)934(*), il s'agit désormais pour eux, comme le
préconise Georges Fully durant ses cours, d'être reconnus en tant
que médiateur entre le détenu et l'Administration:
« Il faut qu'il pense [le médecin]
à traiter la cause de la grève. Ce traitement n'appartient pas
toujours au médecin mais il faut dire que c'est souvent lui qui peut le
plus, car il est l'interlocuteur de confiance [...] S'il s'agit d'une question
d'ordre pénitentiaire, il est bien rare qu'après une discussion
avec le directeur de l'établissement ou avec le surveillant-chef on ne
trouve pas un moyen termes qui permette aussi bien au détenu qu'au
personnel pénitentiaire de donner l'impression de ne pas céder
[...] La simple expectative, la simple attitude neutre qui consiste à ne
pas s'occuper du conflit lui-même et à attendre que le
gréviste de la faim tombe dans le coma pour intervenir me paraît
un peu succincte »935(*).
Cette revendication professionnelle reçoit un accueil
favorable de l'Administration pénitentiaire, désireuse, tel qu'en
rend compte le rapport d'activité de 1964, d'impliquer davantage les
praticiens dans le fonctionnement de l'établissement : « Le
point de vue du médecin est d'ailleurs très souvent
sollicité, aussi bien pour des questions d'ordre strictement
médical que pour des problèmes plus éloignés de la
médecine »936(*). Longtemps cantonné à un
rôle de soin et de prévention des maladies, le corps
médical pénitentiaire devrait ainsi « être
intégré à la vie de l'établissement et participer
à toutes les formes du traitement
pénitentiaire »937(*).
Cette intégration des praticiens au fonctionnement de
l'établissement s'avère toutefois problématique au
début des années soixante-dix, à mesure que la question
carcérale se politise. « Nous sommes inquiets de voir que
depuis quelques temps le personnel sanitaire est mis de plus en plus "sur la
touche" », observe Simone Buffard à Lyon en 1972938(*). Est notamment
refusée toute intervention du médecin dans un domaine où
son action n'aurait pas été sollicitée, comme par exemple
en matière de médecine du travail939(*). Certains praticiens
demandent alors, par la voix de leur Médecin-inspecteur, comme ici lors
du congrès de 1970, une contrepartie à la
légitimité que leur présence en prison confère au
ministère de la Justice : « Ils ne désirent plus
seulement être considérés comme les techniciens d'une
partie des problèmes et être tenus éloignés d'une
manière plus ou moins réelle des autres problèmes. Ils
appliquent leur caution à l'application de la peine et ils souhaitent
que ce ne soit plus seulement une caution mais une collaboration sincère
et efficace avec les responsabilités des systèmes pénal et
pénitentiaire »940(*). En dépit des craintes, l'Administration
semble alors accepter cette plus grande prise en compte des médecins
dans le fonctionnement des établissements, permettant ainsi de les
responsabiliser davantage : « Il semble donc nécessaire de
reconsidérer la place des médecins dans le système
pénitentiaire et de les faire participer à son organisation.
Alors seulement ils pourront pleinement répondre sur le plan
médical des conséquences de ce
système »941(*).
Le rôle du médecin pénitentiaire est
consacré lors des années soixante-dix. Outre la reconnaissance
d'un statut en 1972942(*), les praticiens sont alors dotés d'une
fonction criminologique les incitant à appréhender les grands
ressorts de la criminalité. L'idée que le médecin serait,
au même titre que l'assistant social ou l'éducateur, en mesure de
conseiller l'Administration dans le reclassement du détenu, se traduit
par l'intégration des psychiatres et des généralistes de
l'établissement à la Commission d'application des peines (CAP) en
1972943(*). La
participation du médecin à la CAP est d'ailleurs décrite
par un sous-directeur pénitentiaire comme « l'occasion, pour
lui, de faire vraiment partie de l'Administration
Pénitentiaire »944(*). Cette intégration représente
pour beaucoup de praticiens la possibilité d'instaurer un rapport de
coopération avec le personnel de l'établissement945(*). Un psychiatre, le Dr
Jacques Laurens, voit dans la participation du médecin à la CAP
un premier pas dans l'intégration des praticiens au système
pénitentiaire au terme de laquelle les médecins pourraient, selon
lui, formuler des avis non pas seulement sur des détenus mais sur les
« orientations de la politique
pénitentiaire »946(*). Cette prise en compte croissante est cependant
vécue par certains praticiens, tel le Dr Daniel Gonin de Lyon, comme une
tentative de « récupération » de la part de
l'institution carcérale : « Aussi cherche-t-on à
assimiler le médecin à l'ensemble de l'administration
pénitentiaire, à le "récupérer", selon la
terminologie en vogue actuellement »947(*).
Alors même que la profession médicale est l'objet
d'une plus grande considération au sein de l'Administration
pénitentiaire, certains praticiens semblent, en effet, accepter de plus
en plus difficilement certaines fonctions. Contrairement aux psychiatres, plus
prompts à endosser cette mission criminologique948(*), les
généralistes soulèvent les possibles atteintes au secret
médical que leur participation à la CAP implique :
« Nous en sommes heureux car c'est un premier pas vers une
véritable "équipe pénitentiaire" [...] Mais, pour
être formulé de façon valable, son avis doit
nécessairement évoquer un diagnostic ?
L'ambiguïté de sa position n'échappera à
personne »949(*). Le compte-rendu d'une commission tenue lors
des Journées de 1975 restitue les divergences d'opinion entre
praticiens. A l'encontre de ceux qui estiment que le médecin ne devrait
intervenir au sein de la CAP que pour les seuls problèmes
médicaux, d'autres jugent qu'« il doit s'intégrer
à part entière à cette commission, dans sa mission de
resocialisation, sans se limiter à l'aspect strictement
médical »950(*).
Si la question de la participation à la Commission
d'application des peines soulève tant d'interrogations chez les
praticiens pénitentiaires, c'est parce qu'elle soulève la
question de savoir au bénéfice de qui travaillent ces derniers.
Sont-ils les médecins traitant au service des détenus, ceux-ci
ayant droit au secret médical ? Ou sont-ils des praticiens
salariés de l'institution qui les rémunère et
à laquelle le secret ne peut être opposé s'il
bénéficie à son fonctionnement ? C'est cette seconde
conception que tendent à privilégier les psychiatres, tels ici
les docteurs Hivert et Pottiez : « Le médecin
pénitentiaire est médecin-traitant, certes ! Mais, encore, il est
investi par la société d'une fonction institutionnelle qu'il
accepte, ipso facto, en devenant médecin en prison
»951(*).
Un second exemple de cette tension à laquelle sont
confrontés les praticiens travaillant en prison sont les certificats
médicaux dont les usages sont variés. Le
généraliste de la M.A de Besançon y voit une substitution
du médecin à l'autorité pénitentiaire. C'est ce que
relève cet interne dans sa thèse de criminologie consacrée
à cet établissement : « Le médecin
déplore une telle situation où il "récupère" des
problèmes qui devraient pouvoir se traiter par un dialogue entre les
détenus et l'administration et qui ne sont pas de son
ressort »952(*). Les praticiens de Lyon relèvent d'une
façon similaire l'importance du pouvoir qu'ils sont en mesure d'exercer
et l'ambiguïté de leur position : « Cet aspect de
distributeur de faveurs, mais surtout de recours contre la dureté de la
vie carcérale, donne au médecin un pouvoir bien supérieur
à celui de son confrère de l'extérieur [...] N'est-il pas
alors tenté, dans un monde clos sans loi et sans contrôle, de se
saisir de ce pouvoir et de promouvoir une sorte d'ordre
médical ? »953(*). Ces mêmes praticiens s'alarment de voir
le rôle qui leur est accordé mis au service de l'Administration,
les cantonnant ainsi dans un rôle de garant de la
détention :
« Vis-à-vis de l'administration en effet,
le médecin est souvent perçu de façon ambiguë :
d'une part, il est désiré car il lui donne bonne conscience. Il
est le vivant témoignage que "l'on fait vraiment tout ce que l'on peut
pour le détenu"... Il résout les problèmes difficiles
où l'autorité seule échoue. Tout va bien tant qu'il fait
preuve d'une certaine "bonne volonté", qu'il adopte les vues
conformistes de l'institution, qu'il s'adapte à tous ses aspects plus ou
moins répugnants. Mais dès qu'apparaissent contestations
(même discrètes), divergences ou affrontements, il n'est plus
qu'un élément gênant : même par exemple
lorsqu'il contrecarre l'application des sanctions [...] S'il cherche à
sortir de ce ghetto, il se heurte à de multiples
résistances : suspecté d'une idéologie humanitaire
peu réaliste tendant à irresponsabiliser tous les
délinquants, méconnaissant les simulateurs, et finalement
essayant de prendre le pouvoir dans
l'établissement »954(*).
Parmi les différents certificats, celui dit
d'« aptitude à la détention », attestant
qu'un détenu est en mesure de supporter le placement en quartier
disciplinaire, illustre au mieux l'ambiguïté à laquelle sont
confrontés les médecins pénitentiaires955(*). L'obligation faite aux
praticiens de certifier que l'état de santé du condamné
est « compatible » ou « apte » avec le
maintien au « mitard », où les conditions de vie
sont souvent exécrables, leur confère un rôle que
dénoncent les opposants à la prison956(*). Outre le fait que
cette demande, consistant à faire « un pronostic sur la
pathologie éventuellement provoquée »957(*), va à l'encontre
de la démarche médicale traditionnelle, elle place le praticien
dans une situation difficile comme le souligne le Dr Gonin : « Il
pourrait lui sembler qu'il prend le pas sur les décisions
disciplinaires, alors qu'en fait c'est son regard demandé qui permet,
sans risque de responsabilité, l'application de la
sanction »958(*). L'équivocité de cette
sollicitation du regard médical est d'autant plus grande que le
médecin est confronté à des situations parfois difficiles
pouvant aller à l'encontre de l'éthique médicale. En
rendent compte ces deux praticiens interviewés :
« J'ai vu des horreurs monsieur ! [...]
Moi, un soir j'ai vu aux petites Baumettes un gamin qui était dans une
cellule [interruption] Ce gamin... Cette cellule... Y avait pas
d'ouverture ! C'était une cage en béton... Il était
à poil et attaché à une chaîne, à un anneau,
qui était au milieu de la pièce. Et on vous demande
l'autorisation de le laisser là... [...] C'étaient eux
[l'Administration pénitentiaire] qui prenaient la décision mais
il fallait qu'on les cautionne ! C'était le médecin qui
devait dire s'il était d'accord [...] J'avais l'impression d'assurer la
discipline... »959(*).
« C'était la couverture médicale
de l'Administration. On les casse, on les fait vivre dans des situations pas
possibles mais il faut une couverture médicale. Si par hasard il arrive
qu'un détenu se pende au mitard et que ça se sait... Là du
point de vue de l'Administration, ça pouvait être grave. Donc pour
eux, le fait que j'aille au mitard, c'était la
caution ! »960(*).
Cette contradiction à laquelle sont soumis les
praticiens est accrue lorsque sont instaurés les Quartiers de haute
sécurité (QHS) en 1975. Destinés à empêcher
l'apparition de mouvements collectifs de protestation, les QHS imposent un
régime de détention très strict et fortement
contesté961(*). Les propos de ces interviewés
retranscrivent le malaise ressenti face à ces conditions de
détention :
« C'était épouvantable ! [...]
C'était le fait de cette espèce de privation sensorielle. Tous
les angles étaient arrondis. C'était une couleur uniforme. Tous
les murs. Vous n'aviez pas d'angle. Vous n'aviez pas de tabouret. Vous aviez un
plateau qui servait de table et le tabouret c'était un bloc de ciment
scellé au sol ! Pendant un certain temps, mais ça n'a pas
duré très longtemps, la lumière était
allumée en permanence »962(*).
« Il y a quelque chose qui m'avait choqué au
début, c'était les Quartiers de haute sécurité
[...] Je me rappellerai toujours le premier qui était
enchaîné... C'est toujours choquant pour un jeune médecin.
Moi, je ne connaissais pas encore la Maison d'arrêt. Je ne savais pas ce
qu'il avait fait. Enfin mon rôle était de dire s'il était
apte à .... à... pouvoir rester en quartier de haute
sécurité sur le plan médical. Sur le reste, je n'avais
rien à dire ! »963(*).
Le fait que le second interviewé précise son
étonnement « au début » permet de soulever
l'hypothèse d'une certaine « accoutumance » des
praticiens à exercer ce rôle n'appartenant pas à leur
identité professionnelle de soignant. Malgré la
désapprobation fréquente à l'égard de la condition
dans laquelle les détenus sont placés, les praticiens ont
d'ailleurs rarement recours à la « suspension de
peine » leur permettant de faire cesser la punition pour des raisons
médicales. Interrogé sur cette possibilité, un
généraliste ayant travaillé aux Baumettes estime que cette
mesure se justifiait rarement : « Non ça ne m'est jamais
arrivé ! De toute façon, il y a rarement des
excès... »964(*). Un autre médecin ayant exercé
à Pontoise partage cette idée : « Ça m'est
arrivé une fois ou deux de les faire sortir, mais il faut
reconnaître que ceux qui y étaient en principe étaient des
balaises et il y avait pas de raison médicale pour les soustraire
à la punition »965(*).
Outre la capacité réelle ou supposée des
détenus à faire face à l'isolement, ces suspensions de
peine placent le médecin dans un rapport de force avec l'Administration
pénitentiaire. Les surveillants vivant, souligne Antoine Lazarus, la
décision médicale comme un désaveu de la sanction
adoptée à l'encontre d'un détenu récalcitrant, le
praticien se trouve placé entre deux demandes inconciliables : «
Dans ce genre de situation, le médecin n'apparaît plus comme le
personnage de la neutralité mais comme un pouvoir concurrentiel qui
mesure sa force à celle de la décision administrative. Ce combat
est toujours suivi avec beaucoup d'attention par les autres détenus.
D'une certaine manière on est mis ici dans l'obligation de choisir un
camp »966(*). Un interne, pourtant bien rompu aux
règles carcérales car fils d'un directeur d'établissement
pénitentiaire, déclare que même s'il n'hésitait pas
en cas de besoin à faire sortir un malade cela lui a valu des
« rancoeurs » de la part de certains surveillants :
« C'étaient des petites choses mais on vous demande de vous
déplacer à trois heures du matin pour une bricole.
Bon... »967(*). Ces enjeux propres au système
carcéral expliquent qu'il soit difficile pour le médecin,
notamment dans les petits établissements où il est isolé,
d'imposer sa décision. Ce fut le cas de ce praticien de la M.A de
Besançon :
« Et il me semble que, souvent, j'ai pas voulu
signer le certificat médical. J'ai dû m'opposer en voulant faire
ma forte tête.... Ça n'a pas dû plaire... J'ai dû
réussir quelques fois à en faire sortir en alléguant des
raisons médicales. Mais pas beaucoup [...] Ça m'est arrivé
de dire : "Vous prenez un risque et puis est ce que le jeu en vaut
vraiment la chandelle ?". Mais je me faisais vite remballer : "Vous,
vous êtes là pour soigner et moi j'assure la
discipline !" »968(*).
Cette ambiguïté entre le rôle administratif
et le rôle soignant est exacerbée au sujet de l'obligation faite
au médecin pénitentiaire d'assister aux exécutions
capitales afin d'assurer son bon déroulement. C'est ce que
dénonce cet ancien interne de La Santé :
« L'intervention de l'administration dans la fonction médicale
peut prendre une forme plus outrancière, quand elle appelle l'interne
pour une exécution capitale, où elle lui dictera des gestes
thérapeutiques dans des circonstances où l'agent pathogène
risque d'être jugé fort différemment par le médecin
et le bourreau »969(*). La réaction du médecin-chef de
l'Hôpital de Fresnes, interrogé dans un documentaire
télé sur ce rôle, traduit la manière dont cette
obligation est vécue par plusieurs praticiens : « Oui il
m'est arrivé deux fois... Vous m'excuserez d'être bref, de ne pas
m'appesantir. Ce que je puis dire, c'est que les deux fois j'ai conservé
de ces deux hommes une image de courage extraordinaire. Il est toujours
douloureux pour un chirurgien qui essaye tous les jours de sauver des vies
humaines d'être obligé d'accompagner les condamnés à
mort. C'est tout ce que je puis vous dire »970(*). Si le Dr Petit
interviewé témoigne tant d'émotion, c'est parce qu'il fut
l'un des rares à avoir assisté en tant que médecin
à des exécutions capitales à cette
époque971(*). Pourtant même si le nombre
d'exécutions capitales est très faible (six entre 1969 et 1981),
demeure néanmoins l'angoisse de devoir
« participer » à cette mise à mort. C'est
l'une des raisons qui aurait conduit cet interne alors en poste à La
Santé à démissionner en 1978 :
« Je pense que l'une de concrétisations
de cette violence institutionnelle, ça a été la visite
obligatoire aux condamnés à mort. Il n'y avait plus
d'exécutions mais la peine de mort était toujours
d'actualité. Ça sûrement été l'une des
situations les plus difficiles à vivre. Le fait d'aller visiter ces
détenus, ça faisait partie de ma mission. J'étais
obligé, quand j'étais de garde, en tant que médecin
d'aller visiter untel, dont je me souviens le nom... Il devait être en
bonne santé de façon à ce que si on l'exécute le
lendemain matin, ça se passe dans les conditions
réglementaires... C'est absolument intenable ! Enfin, pour moi,
c'était absolument intenable comme position. C'est sûrement une
des raisons qui m'a fait arrêter... à ce moment là !
Ça... ça a été quelque chose d'extrêmement
violent. Je pense que je n'aurai pas pu participer. Parce que je pense
qu'assister, c'est participer. Je m'y refusais compétemment. Ça,
c'était absolument exclu de toute façon. Ce n'était pas
possible. Donc quand on vit avec ça en tant que professionnel, en se
disant : "Ça peut être n'importe quel jour...".
C'était un peu pesant ! »972(*).
Ces différents exemples soulèvent une même
question, à savoir si le praticien peut traiter le détenu comme
l'égal de ses autres patients. « Il s'agit en effet de savoir si le
médecin de prison doit être considéré comme le
médecin traitant du détenu, auquel cas celui-ci a droit au
secret, ou bien si le médecin de prison est uniquement un employé
de l'administration à laquelle il doit un compte rendu exact et
fidèle de toutes les constatations qu'il pourra bien faire au cours de
ses fonctions », soulignait déjà le Dr Debarge lors des
premières journées de médecine
pénitentiaire973(*). Qui de la relation hiérarchique ou de
la relation thérapeutique l'emporte ? Cette question apparaît
très tôt au sujet de la relation entre le praticien
pénitentiaire et le médecin expert : le médecin de
prison peut-il, malgré l'interdiction du Code de déontologie,
être désigné comme expert ou peut-il communiquer à
ce dernier des informations protégées par le secret
médical ?974(*)
« Les avis sont très
partagés », souligne le bilan d'un groupe de travail
réuni lors du premier congrès en 1963 : « Pour
certains, la réponse est affirmative et cela sans problème car le
médecin pénitentiaire est, avant tout, médecin de
l'administration, et il doit lui apporter son concours sans restriction. Pour
d'autres, certes le médecin est engagé par l'administration pour
soigner les détenus mais il devient alors le véritable
médecin traitant des prisonniers »975(*). Faute de consensus,
une autre commission interrogée sur le même problème
conclut que « c'est là une affaire de conscience
professionnelle et personnelle »976(*). Un groupe de travail
aboutit lors des Journées de 1970 à une conclusion sensiblement
différente : « Il n'est pas possible d'assimiler
totalement un médecin pénitentiaire à un médecin
traitant librement choisi et libre également totalement de ses
décisions. Le médecin pénitentiaire a dans ses obligations
de répondre aux questions concernant l'état de santé du
détenu sous forme d'avis médical »977(*).
En pratique, il semblerait que le statut de
« médecin traitant » soit fréquemment
dénié par les autorités judiciaires et
pénitentiaires aux praticiens pratiquant en prison. Un médecin de
la M.A de Strasbourg rapporte ainsi la réaction d'un juge d'instruction
face à son refus d'autopsier le cadavre d'un homme mort suite à
des coups portés par son fils, lequel était détenu :
« Mais non, vous n'êtes pas le médecin traitant, au sens
où l'entend le Code [de déontologie], puisque vous n'êtes
pas choisi !»978(*).
Outre un enjeu identitaire, ne pas être
considéré comme un « agent spécialisé de
l'administration »979(*), la revendication du statut de médecin
traitant traduit la volonté de ne pas exercer certaines tâches
jugées illégitimes. Un interne regrette ainsi que les certificats
médicaux censés permettre à un détenu de
bénéficier d'un traitement non explicitement prévu par le
règlement soient transformés par l'Administration
pénitentiaire en autant d'interdiction. Manteau de fourrure, lunettes de
soleil, tisanes, crèmes ou shampoings spéciaux sont
« réprimés » par le corps
médical : « Grâce à la médecine, tout
désir qui émerge et ne peut être "couvert" par un
règlement administratif est réprimé [...] La
médecine est présente pour veiller à ce qu'aucun
désir ne dépasse »980(*).
Les certificats pour coups et blessures sont un second exemple
d'une tâche considérée comme illégitime par certains
praticiens exerçant en détention. Ces derniers sont, en effet,
dans l'obligation de fournir des attestations lorsqu'un surveillant est
agressé. Outre qu'il leur était interdit, jusqu'en 1983, d'en
donner un double au détenu ou à sa famille, ces attestations
étaient l'occasion de mettre à l'épreuve l'identité
du praticien, et ce d'autant plus que du délai de l'incapacité de
travail fixé par le médecin découlait la qualification de
l'infraction981(*) : « Toute la stratégie de
l'institution consistait à faire pression sur le praticien pour l'amener
à la qualification souhaitée pour l'agresseur
»982(*).
Comme en témoignent les différents exemples
traités, à mesure que se professionnalisent les services de soin
aux détenus, les médecins pénitentiaires s'interrogent sur
leur identité professionnelle. Les congrès sont des moments
particuliers qui rendent visible la relation entre les praticiens,
désireux de pouvoir exercer une médecine non-entravée, et
l'Administration, craignant leur trop forte autonomisation. Un débat sur
le thème de la responsabilité médicale est par exemple
l'objet de vifs échanges, lors du congrès de 1970, entre les
médecins et le ministère de la Justice. Ces débats,
absents des actes du colloque, sont rapportés par un médecin
ayant assisté à la scène :
« Le médecin porte la
responsabilité morale de la santé des détenus, mais, pour
endosser la première, il faut qu'il puisse avoir une action non
entravée sur la seconde. Suit une discussion portant principalement sur
les différents biais utilisés par les médecins pour
arriver à soigner les détenus. Le syndicat des médecins
rappelle le manque énorme de moyens (infirmières, internes) et
conclut que sa responsabilité est engagée chaque jour par manque
de moyens. M. Le Corno répond alors que ces mises en parallèle de
médecins pénitentiaires avec ceux du dehors, de contrats de
soins, de malades incarcérés ou non sont impossibles. La preuve
en est, selon lui, qu'un détenu malade est fondamentalement
différent d'un malade normal, et que, de plus, l'incarcéré
ne veut pas toujours se faire soigner. Le point de vue juridique est
donné par le procureur général : on ne peut assimiler
l'exercice de la médecine pénitentiaire [à l'exercice
courant] où il n'y pas de contrat ».983(*)
La violence des échanges entre médecins et
Administration s'accroît à mesure que ces rencontres
professionnelles se médiatisent. La tentative des internes, lors du
congrès de 1972, d'aborder certains sujets se heurte à une fin de
non-recevoir de l'Administration pénitentiaire984(*). En rend compte un
médecin ayant assisté à la scène :
« Il était impossible qu'il n'y ait pas sur les points chauds
des affrontements entre administration et médecins, ou entre les
médecins eux-mêmes : ce fut le cas lorsque l'on parla des
suicides et des tentatives de suicide, de la collaboration dans l'équipe
pénitentiaire, de la prison comme agent pathogène, et lorsqu'on
essaya - tentative bloquée- de parler de la peine de
mort »985(*). Au cours de son allocution, un médecin
s'interroge, au sujet du mitard, pour savoir s'il est possible d'y
« faire un examen médical valable, à moins qu'il ne
s'agisse d'y déterminer la cause d'un
décès ?»986(*). Au-delà des différents
problèmes soulevés, il semble, si on en croit le compte-rendu
fait par le médecin-chef des Baumettes, que l'identité
professionnelle des médecins pénitentiaires est au centre des
interrogations :
« Il a été souligné au
cours des débats que l'administration pénitentiaire a tendance
à considérer les médecins de prisons comme faisant partie
de son personnel et, en partant de là, à leur demander de
participer aux tâches qu'elle doit assurer en matière de
sécurité et de discipline ; les médecins, eux,
estiment qu'ils sont avant tout MEDECINS et qu'ils doivent agir en tant que
tels, y compris en milieu carcéral, même s'il en résulte
des perturbations dans l'organisation intérieure des
établissements »987(*).
Le congrès s'achève par la rédaction par
les médecins présents d'une motion commune demandant à ce
que leur « rôle nouveau soit reconnu et encouragé »
notamment en matière sociale et à ce que leur autonomie soit
respectée988(*).
Afin d'éviter l'apparition d'un nouveau mouvement de
contestation, le ministère de la Justice modifie alors les règles
régissant ces congrès. Les séances plénières
prennent le pas sur les groupes de travail, les comptes-rendus des rares
commissions étant désormais placés sous la direction de
magistrats. La réflexion déontologique sur l'identité des
médecins de prison décline progressivement au profit de
descriptions techniques sur la pathologie carcérale ou de bilans sur les
moyens dont disposent les praticiens. Tout questionnement déontologique
disparaît. Les débats sont rares, seuls quelques intervenants
soigneusement choisis par le Médecin-inspecteur étant
autorisés à s'exprimer à la tribune. Enfin, les sujets les
plus polémiques, comme par exemple la consommation de psychotropes, sont
évités ou traités de manière superficielle (Cf.
Encadré). Ces stratégies d'évitement sont
dénoncées par quelques militants de la cause carcérale.
« Les internes sont devenus des gêneurs [...] La
médecine pénitentiaire [...] est devenue tout à fait
obéissante », remarque la revue Actes au sujet des
congrès médicaux989(*), tandis que le Dr Lazarus accuse
l'Administration pénitentiaire d'avoir empêché toute
contestation :
« Les représentants de l'administration
à la différence du congrès précédent
jouèrent un rôle de surveillance méticuleuse des
commissions et la plus importante des motions sur "Médecine et Justice"
fut rédigée au nom des médecins par un magistrat de
l'administration centrale, sans indiquer la présence des
pénitentiaires dans la composition de la commission et du congrès
».990(*)
LA PRESCRIPTION DES
MÉDICAMENTS PSYCHOTROPES : UN SUJET TABOU DES CONGRES DE
MEDECINE PENITENTIAIRE
La place accordée à la question des
prescriptions de psychotropes au sein des congrès illustre le
contrôle que l'Administration pénitentiaire tente d'instaurer
progressivement sur les débats. Alors que le thème de la
« camisole chimique » se diffuse dans les médias
sous l'action des militants de la question carcérale, les
médecins pointent du doigt pour la première fois l'importance des
prescriptions lors du congrès de décembre 1972 :
« Cette question des médicaments trouble fort les praticiens.
Ils ont presque tous dénoncé cette "camisole chimique" dans
laquelle ils sont réduits à enfermer leur malade [...] Les
médecins pénitentiaires ne veulent pas, en tous cas, rester
cantonnés dans ce rôle de distributeurs de médicaments, de
calmeurs diplômés » (LF, 4/12/1972). Le
ministère de la Justice met fin de façon autoritaire à la
discussion, si l'on en croit un interne ayant assisté à la
scène : « Ce problème particulier avait
été soulevé au congrès de la médecine
pénitentiaire à Strasbourg, mais il fut très vite
"escamoté" par les "éminentes personnalités" en
place »991(*).
Tandis que cette question figurait au programme des deux
précédents congrès, elle est absente des Deuxièmes
journées européennes de médecine pénitentiaire qui
ont lieu en 1975, contraignant quelques représentants du syndicat des
internes des prisons et quelques psychiatres à se réunir en marge
du congrès pour évoquer ce problème (LM,
24/12/1975). Toutefois au cours d'une communication en séance
plénière un interne de Fleury-Mérogis soulève la
responsabilité des médecins dans cette inflation de
psychotropes : « D'où vient cette consommation et
pourquoi prescrivons-nous à des gens qui ne sont pas directement malades
tous ces médicaments ? [...] On s'aperçoit que cette
inflation médicamenteuse qui est effectivement une espèce
d'alchimie, a remplacé la ceinture de contention [...] Nous sommes tous
de gros prescripteurs de psychotropes parce que c'est une solution facile, au
lieu de nous interroger sur les raisons de cette situation et sur la
façon dont nous pourrions tenter de l'améliorer ».
Intervient alors, comme le rapportent les actes du colloque, un magistrat de
l'Administration pénitentiaire, qui remarque que cette intervention
« ne semble pas se placer tout à fait dans le
programme », après quoi Solange Troisier précise qu'il
est « temps de changer de sujet »992(*). Un médecin
pénitentiaire anciennement ami de Georges Fully et ayant organisé
le congrès de 1972, Robert Durand de Bousingen, intervient à son
tour pour préciser que la consommation médicale constitue un
« problème important » demandant à être
débattu davantage. Le Médecin-inspecteur promet alors que ce
problème sera mis à l'ordre du jour des prochaines rencontres.
Conformément à cette promesse, une session d'une
demi-journée est consacrée à la question de « la
consommation médicale en milieu pénitentiaire » lors du
Congrès mondial de médecine pénitentiaire en 1978. Afin de
limiter les risques de contestation, le ministère de la Justice semble
avoir tenté, plutôt que d'encadrer les discours, de
« diluer » au mieux les différentes interventions,
et ce, par plusieurs procédés. Le thème fut tout d'abord
élargi à la prescription médicamenteuse en
général, la question des psychotropes étant ainsi peu
abordée. Tous les intervenants furent, d'autre part, choisis par le
Médecin-inspecteur. Aucun interne ne pu ainsi s'exprimer sur la
question993(*).
La plupart des communications semblent d'ailleurs avoir été
improvisées, beaucoup de congressistes déclarant ainsi en
préambule être venus « uniquement pour
écouter » et s'être vus demander une intervention la
veille. La profusion de discours, souvent très vagues et rarement en
relation avec le sujet, explique la pauvreté des échanges de
cette session : sur les quarante-six interventions faites durant la
matinée (alors que dix étaient prévues), seuls six
abordent le sujet de la consommation des psychotropes. Un médecin
regretta d'ailleurs en conclusion qu'il n'y ait pas eu « davantage de
discussions »994(*).
Deux interventions soulignèrent néanmoins la
place des médicaments psychotropes dans le fonctionnement des
établissements carcéraux. Ce fut particulièrement le cas
de l'étude de la pharmacienne de l'Hôpital de Fresnes,
Marie-Thérèse Decaudin, largement reprise par la presse, qui
compara la consommation de psychotropes entre 1975 et 1977. Outre
« l'augmentation globale des unités
pharmaceutiques », elle souligna l'évolution du dosage, «
tel tranquillisant présenté au début dosé à
5 ou 10 mg l'est maintenant à 50 mg », avant de
conclure : « La population pénale devenant calme et
sereine, le problème du maintien de l'ordre se trouve alors
théoriquement résolu, ce qui ne saurait déplaire à
l'administration »995(*). « Le problème de
tranquillisation de la médecine pénitentiaire »
soulevé par le Dr Decaudin, selon l'expression d'un médecin de
Fresnes, semble d'ailleurs largement avoir été présent
dans les esprits des participants, si l'on en croit Le Monde,
contrastant ainsi avec les propos tenus de façon générale
à la tribune : « Ces craintes - ne pas être celui
qui normalise et rend la prison à bon compte supportable - se sont
fortement exprimées à Dijon à propos de la consommation de
drogues psychotropes en milieu pénitentiaire »996(*). Ainsi, initialement
conçus comme des lieux d'expression voire de revendication, les
congrès de médecine pénitentiaire sont progressivement
devenus des moments solennels où les questions délicates sont
soigneusement évitées, les préoccupations des
médecins s'exprimant dès lors de manière plus
détournée.
L'ambiguïté à laquelle sont
confrontés les praticiens exerçant en milieu carcéral est
accentuée au cours des années soixante-dix par la
définition que promeut Solange Troisier du médecin
pénitentiaire. Tout en défendant l'attachement aux grands
principes de l'éthique médicale, le Médecin-inspecteur
rappelle les contraintes pénitentiaires auxquelles les praticiens sont
soumis en tant qu'« auxiliaire de Justice » :
« Indépendance du médecin, déontologie toujours
présente, éthique difficilement compatible avec certaines
contraintes administratives, secret qu'il faut préserver par tous les
moyens, respect du Code de procédure pénale, de ses obligations,
de ses restrictions et de sa rigueur. Car le médecin de prison est aussi
un auxiliaire de Justice, il ne doit pas l'oublier »997(*). Cette
définition du médecin avait déjà était
défendue par Georges Fully mais dans un tout autre sens. Faire
reconnaître les praticiens en tant qu'« auxiliaires de justice
» signifiait pour lui mieux les intégrer au fonctionnement des
établissements pénitentiaires, afin de leur conférer
davantage de considération : « Les médecins
pénitentiaires, en effet, en plus de leur rôle de médecin
soignant, sont également appelés à devenir des auxiliaires
de la Justice, dans la mesure où ils participent effectivement à
l'action de rééducation dont l'aboutissement est la
réinsertion sociale du délinquant »998(*). Solange Troisier
privilégie à l'inverse, à travers cette définition,
une plus grande prise en compte des impératifs pénitentiaires par
le corps médical. Selon elle, le praticien doit tenir compte du milieu
dans lequel il intervient et ne peut donc appliquer une médecine
identique à celle exercée en ville. En atteste cette phrase
fréquemment utilisée aussi bien par le Médecin-inspecteur
que par l'Administration pénitentiaire : « Il [le
médecin] n'est pas seulement comme à l'extérieur, celui
qui prescrit, mais il est également aux yeux du détenu celui qui
dispense des faveurs (dispenses diverses pour raisons médicales,
avantages divers...), celui qui agit comme médiateur ou celui qui
sanctionne »999(*). Le mariage entre la Justice et la
Médecine défendu par Solange Troisier aboutirait ainsi à
faire reconnaître une médecine devenue, presque par
consanguinité, pénitentiaire :
« Très souvent les médecins
pénitentiaires ignorent complètement ce qu'est la Justice, ce
qu'est une libération conditionnelle, quelles sont les relations que le
médecin peut avoir avec le magistrat... [...] D'autre part, le magistrat
ignore lui aussi beaucoup de choses de la médecine. Il ne sait pas, par
exemple, comment doit se passer une dialyse rénale [...] Il faut que
tout magistrat ait une approche médicale de l'incarcération,
qu'il sache le caractère inéluctable de certaines maladies [...]
Il faut enseigner au médecin la Justice, au magistrat la
médecine, c'est-à-dire marier Thémis et
Asclépios »1000(*).
La définition du médecin en tant
qu'« auxiliaire de justice » prend le contre-pied du
travail d'autonomisation entrepris par le segment des internes protestataires
au début des années soixante-dix qui entendaient défendre
leur indépendance. Cette vision d'une médecine soucieuse des
contraintes pénitentiaires est également défendue par le
ministère de la Justice. En témoignent les propos d'Alain
Peyrefitte lors des Journées de 1978 : « Si la
médecine doit rester indépendante dans les prisons, elle ne doit
pas se soustraire à leurs impératifs administratifs »
(QDM, 24/11/1978). Les annotations apportées par le ministre
à son projet de discours sont encore plus explicites. L'expression
« indépendance de la médecine en milieu
pénitentiaire » figurant en conclusion y est rayée avec
l'annotation suivante : « Non ! Un fonctionnaire n'est pas
indépendant ! »1001(*). Est ajouté :
« Déontologie du médecin face aux grèves de la
faim. Jamais laisser mourir mais faire vivre. Serment d'Hippocrate ».
Cette représentation du praticien en tant qu'agent de
Justice est promue par Solange Troisier durant la seconde moitié des
années soixante-dix par le biais de ses cours ou des thèses
qu'elle dirige. L'attestation d'études relatives à la
médecine pénitentiaire, qu'elle tente de rendre obligatoire pour
tout nouveau candidat à un poste de praticien, est l'occasion tout
d'abord de sensibiliser les médecins aux contraintes
pénitentiaires. M. Jacomet, magistrat en poste à la DAP, rappelle
ainsi dans son intervention consacré au « rôle du
médecin pénitentiaire » que le médecin ne peut
délivrer de certificat aux détenus ou à leur
famille1002(*) avant de regretter que des praticiens soient
réticents à délivrer certaines informations pourtant
jugées nécessaires à l'Administration :
« Il faut rappeler également que le
médecin a un rôle important, celui de donner à
l'autorité judiciaire ou à l'autorité pénitentiaire
des renseignements chaque fois qu'elles le lui demandent, renseignements qui
sont faits le plus souvent par le biais d'un certificat médical. Sur ce
point, au niveau de l'Administration Centrale très souvent nous nous
trouvons un peu confrontés aux problèmes du secret professionnel
des médecins qui éprouvent une certaine réticence à
donner trop de détails sur l'état de santé d'un
détenu malade, ce que je comprends mais ceci à de graves
inconvénients pour nous dans un certain nombre de cas car cela ne nous
permet pas d'apprécier en toute connaissance de cause la décision
que nous allons prendre. Si on me dit par exemple qu'il faut diriger tel
détenu sur tel établissement sans nous donner aucune raison
précise et que personnellement, compte tenu de la situation
pénale de l'intéressé je ne peux l'affecter dans tel ou
tel établissement, soit pour une raison de sa situation pénale,
soit en raison de l'encombrement de l'établissement, je suis quelque peu
paralysé. Je dois dire également qu'on constate de temps en temps
des appréciations telles que celles-là : "doit être,
pour des raisons médicales rapproché d'untelle". Cela ne me
parait pas souvent très médical et je crois qu'il est souhaitable
que tout se passe cartes sur table et que l'intérêt de
l'Administration n'est jamais de contrecarrer les décisions
médicales. Elle a besoin d'être informée pour pouvoir
adapter sa décision »1003(*).
Le Médecin-inspecteur diffuse également ses
idées par le biais des thèses dont elle a la direction. Un
interne de La Santé présente par exemple dans sa thèse la
vision quelque peu idéalisée d'une médecine capable de
satisfaire les exigences pénitentiaires tout en demeurant
indépendante : « Coopération mais non-soumission
pourrait être son attitude vis-à-vis de l'administration. Dans la
pratique, l'indépendance médicale est tout à fait
respectée et les médecins évitent d'entraver le
fonctionnement de l'administration »1004(*). Bien que plus
récente, une thèse consacrée à La grève
de la faim en milieu carcéral justifie enfin une attitude
très interventionniste du médecin proche de celle
appliquée par Solange Troisier1005(*). Considérant que
« l'administration a de légitimes raisons de redouter le
non-interventionnisme », son auteur justifie la suppression des
aliments et de l'eau permettant d'éliminer « bon nombre de
pseudo-grèves »1006(*). Il considère, d'autre part, que la
dimension « pathologique » issue du jeûne rend
possible l'intervention du médecin1007(*) :
« Les conséquences physiologiques du
jeûne peuvent entraîner des dégradations physiques et
intellectuelles, modifiant la personnalité propre du gréviste.
Celui-ci peut alors présenter une personnalité psychiatrique et
laisser évoluer sa grève de la faim vers le suicide [...] D'autre
part une névrose phobique peut se développer. Devant le
non-aboutissement de sa grève, le gréviste continue et se bat non
plus pour les motifs de sa grève mais contre l'aspect symbolique de sa
défaite. Ainsi, notre gréviste devient pathologique et s'exclut
de notre définition de la grève de la
faim »1008(*).
Solange Troisier réussit à la fin des
années soixante-dix, période marquée par un durcissement
de la politique pénale, à diffuser sa conception de la
médecine pénitentiaire en s'appuyant sur un corps d'internes
acquis à ses idées tout autant par conviction que par
opportunisme1009(*). L'homogénéisation des
façons de penser la médecine pénitentiaire est
facilitée par la gestion patrimoniale que le Médecin-inspecteur a
du corps médical. Bien que n'étant pas chargée du choix
des médecins, lequel relève du Bureau des personnels, cette
dernière bénéficie d'un ascendant considérable
qu'elle met à profit afin de favoriser les praticiens qui lui sont
proches et notamment ceux ayant suivi ses enseignements. Lors du départ
du médecin-chef de la M.A de Rennes, elle privilégie ainsi la
candidature d'un de ses élèves : « Ce praticien a
suivi mon enseignement tout au long de cette année universitaire et ses
épreuves d'examen ont été d'un très haut niveau.
Vous savez d'ailleurs que je tiens à ce que tous les médecins
exerçant en prison soient titulaires de l'attestation de Médecine
pénitentiaire »1010(*). Suite à la création d'un poste
de chirurgien dentiste aux Baumettes, Solange Troisier oppose à la
candidature proposée par le DRSP, il s'agit du fils du pharmacien
gérant de l'établissement, un autre candidat. Elle demande
à M. Besson « que cette candidature soit reconnue. Je vous le
demande à tire personnel »1011(*).
Pour arriver à ses fins, Solange Troisier
n'hésite pas à déstabiliser certains praticiens en place
en exigeant leur départ. En 1975, elle propose par exemple le
remplacement du médecin-chef de la M.A de Nice, en poste depuis 1959, au
motif qu'« il y a beaucoup trop d'hospitalisations en milieu ouvert pour
des petites interventions qui pourraient très bien avoir lieu à
la Maison d'arrêt qui est particulièrement valable et pas assez
d'hospitalisations à la prison hôpital des Baumettes qui n'est
cependant pas très éloignée »1012(*). Pourtant
curieusement, un an et demi auparavant, le directeur de l'établissement
se félicitait que « les hospitalisations d'urgence se passent
très bien car le Dr Lunel, médecin-chef de
l'établissement est chef de service à l'hôpital de Nice et
sur un simple coup de téléphone de sa part les détenus
sont hospitalisés »1013(*). Si le Médecin-inspecteur souhaite se
démettre de ce praticien, dont il est mis fin aux fonctions en
août 1975, c'est avant tout pour y placer un autre praticien qui lui fut
recommandé par l'un de ses anciens internes1014(*). Seul médecin
à la DAP, Solange Troisier dispose d'une légitimité lui
permettant de mettre fin aux fonctions de praticiens de manière purement
discrétionnaire. Au sujet d'un praticien exerçant depuis de
nombreuses années à la M.A de Quimper, elle se contente de faire
remarquer, sans autres explications, « qu'il convient de s'en
séparer, dès que nous aurons un remplaçant. Il faudra,
alors, lui envoyer une lettre gentille »1015(*).
Les visites effectuées par Solange Troisier en tant que
Médecin-inspecteur sont l'occasion pour elle de mieux connaître
les praticiens en place. C'est pourquoi ses rapports semblent assez peu
techniques, comme le souligne un magistrat chargé après son
départ des questions sanitaires :
« Ça restait un peu superficiel. Vous
savez, ça restait comme ça... Ça faisait un peu
conversation de salon quand même ! "Ah oui, j'ai vu le Dr Machin qui
m'a parlé et m'a donné quelques statistiques !". Mais
enfin... ça n'était pas un vrai travail de toute façon
[...] Ça faisait un peu visite au coin du feu. "Docteur untel est
très bien !". S'il était très bien, c'est
peut-être parce qu'il l'avait bien reçue, qu'elle lui
plaisait... »1016(*).
Les deux rapports trouvés dans les archives confirment
la légèreté des inspections qu'effectuait le
Médecin-inspecteur1017(*). Faisant respectivement quatre et cinq pages,
ces deux rapports sont tout d'abord extrêmement lacunaires. Ils
n'apportent aucunes données chiffrées, notamment quant aux
médicaments. Solange Troisier note l'absence de personnel infirmier ou
médical sans s'en émouvoir fortement. Ces rapports sont
essentiellement constitués de jugements de valeurs, rarement
négatifs, (« superbes »,
« bien », « magnifique »,
« remarquablement moderne ») portés sur les
équipements de l'établissement ou encore le personnel en place.
Elle insiste avant tout sur les problèmes de la direction
pénitentiaire, notamment en matière d'hospitalisations. Ces
visites sont surtout pour le Médecin-inspecteur l'occasion de rencontrer
les différents praticiens qu'elle tente de sensibiliser à la
spécialité médicale dont elle se veut
l'apôtre :
Rapport de la M.A de Bonneville : « Le
dépistage de la tuberculose n'est fait qu'une fois par an ce qui me
semble très insuffisant [....] Les hospitalisations sont très
difficiles car il y a de gros problèmes avec la gendarmerie [...] Le
dentiste est bien, les détenus sont satisfaits car il est honnête
et fait bien son travail. Les prothèses se font à Fresnes. Le
cabinet dentaire est magnifique [....]
La nourriture est bonne. Il y a beaucoup de fruits et de
légumes. Les tranquillisants sont prescrits en très grandes
quantités malheureusement. Ils sont donnés dilués. Dans la
détention, non loin de l'infirmerie, il y a une salle d'hospitalisation
qui serait très bien. Malheureusement, il n'y a pas d'infirmier ni de
surveillant qualifié pour surveiller les petits malades
hospitalisés et c'est dommage dans une aussi belle Maison d'arrêt,
d'autant plus que l'hospitalisation est particulièrement difficile.
J'ai visité en détail la détention.
Les cellules sont superbes. La cuisine est remarquablement moderne. La
buanderie, les douches, ainsi que la détention des femmes sont
parfaites. Il y a la radio dans toutes les cellules. Il y a également
une magnifique chapelle et une salle de télévision. Le mitard est
bien, spacieux mais peut-être pas assez aéré. Les cours de
promenade sont bien [....]
Le médecin m'a paru "déroutant", un peu
sournois et peu enthousiaste de la Médecine Pénitentiaire. J'ai
essayé de le stimuler et de lui apporter de bonnes paroles mais c'est un
terrain difficile »1018(*).
Rapport de la M.C de Clairveaux : « Il n'y
pas d'ophtalmo ni d'ORL. Un cardiologue vient de Chaumont en cas de besoin. Il
n'y a pas de psychiatre. Les hospitalisations se font à Troyes. Il n'y a
pas d'infirmier. Il n'y a pas de médecine du travail, elle est faite par
le [médecin généraliste de l'établissement] mais il
y a peu d'accident du travail car il n'y pas de manipulations de produits
toxiques [...]
Je voudrais savoir quelle est la position de
l'Administration quand il y a mort par suite d'accident du travail, ou
mutilation [...]
La nourriture est bonne. Le prix de journée est de
5 Francs. Il y a peu de suicide, il y a eu une pendaison il y a quelque temps
[...]
Les détenus demandent beaucoup à être
isolés. J'ai visité les 17 cellules ; elles sont bien,
avenantes, claires, propres. Les détenus y travaillent. Le sport est
bien fait. J'ai visité les cuisines, les ateliers et l'infirmerie. J'ai
reçu un accueil chaleureux du personnel, du directeur et du
sous-directeur. J'ai déjeuné à la cantine avec les
médecins et nous avons achevé note tour d'horizon complet. Les
surveillants sont de bonne qualité. C'est une prison qui marche
bien »1019(*).
Ainsi les contrôles effectués par Solange
Troisier en tant que Médecin-inspecteur visaient davantage à
mettre à l'épreuve l'attachement des médecins
pénitentiaires à sa stratégie de spécialisation, et
aux représentations des rôles médicaux que cela implique,
plutôt qu'à vérifier les conditions de soins.
Cette gestion patrimoniale et discrétionnaire du
« corps » de médecins que tente d'exercer Solange
Troisier se heurte cependant à l'autorité hiérarchique de
Yvonne Lalle, chef du Bureau des personnels. Au retour de l'une de ses visites
d'inspection, Solange Troisier propose « d'augmenter [l]es
vacations » du nouveau médecin de la M.A de Pau, qui lui
« a paru très bien »1020(*). Dans sa
réponse Melle Lalle remarque qu'il « n'est pas
possible d'augmenter le nombre des vacations attribuées au
médecin généraliste de la Maison d'arrêt de Pau
puisqu'il en a 23 de trop »1021(*). Cette opposition devient plus vive au sujet
d'un interne de la M.C de Poissy dont Solange Troisier demande avec
véhémence le remplacement. Rapportant les accusations
formulées par le médecin-chef de l'établissement à
son encontre, le Médecin-inspecteur demande « une sanction
disciplinaire immédiate à l'endroit de l'interne de
Poissy » avant d'ajouter : « Le [médecin-chef]
est un excellent praticien que j'aime beaucoup et que je connais bien, vient
régulièrement, fait bien son travail, et, comme vous le
constaterez me dit que ce sera l'interne ou lui. Je peux vous dire qu'il a
actuellement un assistant qui ferait remarquablement les fonctions d'interne.
Il a déjà chez nous un dossier, il n'y aurait plus qu'une
question de nomination »1022(*). Yvonne Lalle demande en avril au directeur de
la M.C de Poissy une enquête sur cet interne. Peu de temps après,
Solange Troisier déclare à celle qui dirige le Bureau des
personnels regretter qu'aucune mesure disciplinaire n'ait été
prise :
« J'ai ainsi été alertée
sur son attitude extrêmement regrettable dans la ville de Poissy :
en état d'ébriété, il évoquait son
rôle capital en tant que médecin pénitentiaire au sein de
la centrale, ébruitant les conversations des détenus. Un des
attachés du cabinet de Mme Veil m'en a parlé et m'a
demandé d'une façon insistante que nous le licencions. Je pense
que ces éléments sont suffisants pour que nous prenions une
décision. Je m'étonne de la lenteur administrative pour un cas
aussi sérieux d'autant plus que le [médecin-chef] a un interne
pour le remplacer qui est un garçon que je connais et qui est tout
à fait remarquable »1023(*).
Quelques mois plus tard, Yvonne Lalle notifie à Mme
Troisier que le médecin arrêté pour ivresse publique
n'était pas l'interne en question et que le médecin-chef aurait
« essayé d'imputer cet accident [à cet] interne
»1024(*). La magistrate demande, en conclusion,
à « amener le [médecin-chef] à faire cesser ses
critiques qui ne paraissent en réalité, guère
fondées à l'encontre du docteur ». Incriminant
jusque-là cet interne, le Médecin-inspecteur concède que
la personne arrêtée est « un des associés du
[médecin-chef] qui ne vient à la centrale qu'une fois par
semaine, le lundi matin. C'est en effet un vieil alcoolique qu'il garde
à titre social et qui en fait est un bon
médecin »1025(*). Solange Troisier n'en demande pas moins la
révocation de cet interne en s'adressant cette fois au supérieur
hiérarchique de Melle Lalle, Jean-Marc Erbès,
sous-directeur de la DAP. Il est alors mis fin à ses fonctions
d'interne. La gestion discrétionnaire que fait le
Médecin-inspecteur du corps des médecins pénitentiaires,
pouvant aller jusqu'à la calomnie, favorise probablement, comme on en
fait l'hypothèse, une homogénéisation et une
fidélisation des praticiens exerçant en détention aux
conceptions défendues par Solange Troisier. Ainsi, au-delà de sa
seule personne, c'est tout un segment de médecins pénitentiaires
qui incarne, peut-être parfois plus par intérêt que par
réelle conviction, une vision de l'exercice médical en prison
où les impératifs sécuritaires seraient premiers.
L'identité professionnelle des médecins
pénitentiaires a beaucoup évolué entre le début des
années soixante et la fin des années soixante-dix. De
« parasite », le praticien est apparu comme un membre
à part entière de la Pénitentiaire1026(*). Le rôle
carcéral reconnu aux praticiens exerçant en prison a permis de
légitimer de nombreuses tâches non médicales1027(*). Cette
évolution traduit la fragile ligne de crête sur laquelle les
praticiens exerçant en prison évoluent. Désireux
d'être davantage pris en compte, les médecins ont fait valoir leur
statut pénitentiaire. Passant d'une logique d'exclusion à une
logique d'assimilation, le ministère de la Justice a tenté de
faire prévaloir progressivement leur identité
pénitentiaire sur celle de membre du corps médical, comme en
atteste la création d'une déontologie spécifique. Les
praticiens travaillant en milieu carcéral sont dès lors
confrontés à un dilemme : faire prévaloir leur
identité de médecin, au risque de voir leurs décisions
écartées, ou bien s'identifier à leur rôle
pénitentiaire, au risque de contrevenir au serment d'Hippocrate. C'est
la fragilité de ce positionnement qu'exprime la thèse d'un ancien
interne de Fresnes partisan d'une « collaboration sans
soumission »1028(*). Les annotations qu'il effectue à un
cours d'un sous-directeur d'établissement consacré au rôle
du praticien en prison permettent de saisir la délicate conciliation
entre les impératifs médicaux et
pénitentiaires1029(*) :
« A priori, le personnel va ainsi être
tenté de considérer le médecin comme un corps
étranger à l'Administration [...] Certes, le médecin en
prison est dans une situation personnelle qui n'est pas comparable à
celle des personnels qu'il côtoie. C'est celle d'un vacataire ayant
d'autres préoccupations alors que les agents pénitentiaires sont
des fonctionnaires à temps complet, mais, comme eux, il est en prison un
agent public qui coopère au fonctionnement d'un service public [...]
Comme le personnel pénitentiaire, il a donc une place à
l'intérieur de l'institution [...] Son rôle est très
polyvalent. D'un côté il contrôle la santé de la
population pénale et se pose ainsi en censeur, de l'autre il constitue
un soutien du chef de l'établissement (A). [...] Dans cette mission de
médecin traitant et de médecin de contrôle, le
médecin doit savoir concilier les nécessités de
l'Administration Pénitentiaire et les besoins du malade (B). Dans la
prison, en effet, il est déjà dérogé à l'une
des règles de la charte médicale à laquelle le corps
médical est profondément attaché : le choix du
médecin. Une autre, celle du secret professionnel constitue souvent une
gêne pour l'Administration qui est liée, par des motifs
juridiques, pénitentiaires, médicaux. Lorsque dans une Maison
d'arrêt le médecin fait hospitaliser un détenu, le chef
d'établissement doit en référer au Directeur
régional et doit lui expliquer les motifs de cette hospitalisation (D)
[...] Ce n'est pas de la méfiance vis-à-vis du médecin
mais vis-à-vis du détenu qui, s'il est très dangereux
et s'il s'évade va troubler profondément l'ordre public. Il faut
donc que le médecin motive cette hospitalisation. Il y a là une
sujétion différente de celle de sa profession libérale et
il doit l'accepter (F).
(A) Dans certains cas, sans doute, mais pas
systématiquement : lorsque les désirs du chef
d'établissement vont à l'encontre du bien du malade le
médecin ne peut soutenir le directeur.
(B) Il est vrai que, dans toute la mesure du possible, le
médecin doit essayer de concilier les nécessités de
l'Administration pénitentiaire et les besoins du malade, mais, toutes
les difficultés de compréhension mutuelles viennent justement du
fait que le médecin fait passer les besoins du malade en premier alors
que l'administration voit avant tout les nécessités de service
(Le pire est qu'ils ont sans doute chacun raison de leur
côté...).
(D) Le chef d'établissement demande au
médecin le motif de l'hospitalisation. Là encore, le motif est
évident : si un médecin demande une hospitalisation c'est
qu'elle est nécessaire [...] Aucun texte de loi ne demande au
médecin de fournir un diagnostic.
(F) Rappelons que le mot "sujétion" signifie :
dépendance, contrainte, état de celui qui est soumis à un
pouvoir à une domination (Larousse). Or, le médecin, dans le
cadre de sa profession, ne dépend de personne ».
Pris entre un désir de reconnaissance et la
fidélité aux principes de la déontologie médicale,
les praticiens travaillant en milieu carcéral peinent à
ériger une identité professionnelle stable. Plusieurs
s'interrogent sur le rôle qui leur est conféré. Tandis que
de très rares individus, le plus souvent des internes, adoptent une
stratégie d'« exit » en mettant fin à leur
fonction1030(*), d'autres choisissent de conserver leur poste
en dépit des contradictions. C'est notamment le cas de l'équipe
lyonnaise qui initie une démarche collective, impossible dans la plupart
des petits établissements, sous une forme associative (le GMQP) mais
aussi par le biais de publications et de congrès
scientifiques1031(*). Envisageant les différentes
réactions « qui protégeraient les soignants de toute
complicité ou de méthodes qui leur paraîtraient
illégitimes et dangereuses », Daniel Gonin et Simone Buffard
écartent le choix de la démission, qu'ils considèrent
être la solution « la plus simple évidemment ».
S'ils jugent préférable le maintien dans l'institution, c'est,
disent-ils, au nom de la culture médicale qui caractérisent les
soignants, « par formation plus attentifs à la souffrance de
l'individu qu'à cette sorte d'abstraction que représentent
parfois les droits de l'homme »1032(*). C'est ainsi qu'ils
justifient par exemple leur présence au sein des QHS. Conscients
« que le travail dans la détention [...] comporte une part de
compromission », ils refusent pourtant de laisser à chacun
« le choix selon les personnalités entre la démission,
la coopération, la recherche d'une négociation avec
l'autorité administrative » et proposent une troisième
possibilité plaçant le collectif au coeur de leur
démarche :
« En témoignant de ce que nous savons,
mais aussi de nos doutes, nous ne faisons pas seulement un geste d'ouverture
vis-à-vis d'un groupe, ici scientifique, mais qui dans d'autres lieux
peut être non spécialisé, nous exigeons du groupe auquel
nous nous adressons une aide, une réponse »1033(*).
Bien que peu de médecins aient la possibilité
d'une telle réflexion collective, ces propos illustrent les
interrogations qui parcourent alors les praticiens exerçant en prison.
On comprend dès lors qu'il soit pour eux difficile d'accéder
à une identité professionnelle homogène. Mal
définie, soumise à de nombreuses ambiguïtés, la
figure du médecin pénitentiaire est d'autre part fortement
contestée au sein de l'espace public, rendant d'autant plus difficile la
stabilisation d'une identité professionnelle et ainsi d'une
spécialité médicale reconnue.
2. Une spécialisation sous
contraintes : la politisation de la critique de la médecine
pénitentiaire et de son Inspecteur
Journaliste : « Il faut que les
détenus informent massivement l'extérieur de la répression
et du scandale quotidien, il faut que les familles des prisonniers
s'organisent, il faut continuer le travail du GIP puis du C.A.P maintenant et
en cela la presse, et Libération en particulier, a un rôle
à jouer. Il faut prendre d'assaut les bastilles et soumettre chaque
prison au contrôle permanent de tous »1034(*).
Tandis que la contestation de l'organisation des soins en
prison était durant le début des années soixante-dix
essentiellement l'oeuvre de militants de la cause carcérale, elle
devient peu à peu le fait de journalistes-militants.
Libération joue ici un rôle clef, publiant plusieurs
témoignages de détenus1035(*). Est tout d'abord fréquemment
soulignée l'insuffisance des soins dont souffriraient certains
malades1036(*). C'est par exemple le cas d'un prisonnier de
La Santé qui avait été passé à tabac par des
surveillants pour s'être plaint d'une rage de dents1037(*). Outre une fonction
de relais, le journal se fait parfois porte-parole, effectuant des
revendications au nom d'un prisonnier. Zina Rouabah, l'une des fondatrices de
Libération1038(*), expose par exemple le cas d'un détenu
l'ayant contacté et dont le juge aurait refusé, malgré sa
maladie, l'hospitalisation1039(*). Afin d'accélérer son
traitement, Libération envoie plusieurs courriers aux
autorités judiciaires et pénitentiaires, notamment au
Médecin-inspecteur : « Malade de la colonne
vertébrale, vous le laissez tous devenir infirme dans sa cellule. Pas un
de vous n'a bougé, ni M. le ministre de la Justice, Taittinger, ni
Troisier, directrice de la médecine pénitentiaire [...] Tout le
monde parle du dévouement des infirmières dans les prisons et
l'un de vos détenus du bloc B a porté plainte contre l'une
d'entre elle pour incompétence et cela en présence de
gradés »1040(*).
Par le biais de sa propre brochure, le C.A.P souligne, dans
une enquête consacrée à la prise en charge médicale
à Fleury-Mérogis, les nombreuses difficultés pour
accéder à la consultation médicale, en particulier la nuit
où le surveillant serait le seul interlocuteur du malade :
« Le brigadier bien escorté [...] arrive dans la cellule avec
un flacon de pilule que l'interne aurait prescrit de son bureau sans avoir
visité le malade, sans l'avoir entendu décrire les
symptômes de son mal. Le détenu n'a pas le choix. Si en raison de
son mal il insiste pour voir l'interne, il n'a qu'une seule solution :
s'automutiler pour l'obliger à se
déplacer »1041(*). La question des soins en prison est surtout
mise à l'index à l'occasion de morts jugées suspectes par
les opposants à la prison ainsi que par certaines familles de
détenus. Le Monde fait ainsi état des soupçons du
C.A.P sur la mort d'un détenu des prisons de Lyon. Bien
qu'officiellement ce décès soit lié à un
arrêt cardiaque, l'association y voit une « insuffisance de
soins », notamment du fait que les plaintes du détenu
n'auraient pas été prises au sérieux1042(*). A l'occasion du
décès d'un autre détenu dans les mêmes circonstances
à Lyon, le C.A.P dénonce le rôle exagéré
parfois accordé aux surveillants-auxiliaires de
santé1043(*) (Journal des prisonniers, 04/1977).
En mars 1976, la mort d'un prévenu suite à une grève de la
faim menée par intermittence depuis dix mois fait les titres de la
presse :
« Un homme est mort derrière les hauts
murs, d'une mort concentrationnaire. Il est mort de la prison [...] Seule
l'administration pénitentiaire savait. Chaque jour, elle recevait un
rapport, sur cet homme qui mourrait un peu plus, pour vivre, pour respirer,
pour avoir le droit de parler à un autre homme [...] Grandvillemain
gueulait et tout le monde s'en foutait : son juge, les gardiens, les
médecins qui le laissaient crever... »
(« Mourir en prison », Libération,
26/03/1976).
Presque à chaque reprise, les dénonciations,
notamment lorsqu'elles émanent de détenus ou d'opposants à
la prison, n'épargnent pas les praticiens auxquels est reproché
le manque de considération avec lequel ils traiteraient les
détenus. Une femme incarcérée à Rouen incrimine
ainsi dans une lettre à Libération
l'« attitude hautaine » d'un médecin :
« Lorsque vous entrez dans son cabinet, vous dites et c'est normal
[...] "Bonjour Monsieur". Là, afin de vous faire sentir la distance
entre vous et lui, ce monsieur ne daigne pas répondre, ni même
lever les yeux sur votre personne et continue de converser avec
l'infirmière comme si vous n'existiez pas. Par contre lors de ma
première visite médicale ultra-rapide il n'a pas oublié de
me demander les motifs de mon incarcération ! (aucun rapport avec
la médecine, je pense) »1044(*). Le C.A.P de
Fleury-Mérogis met en cause le professionnalisme du dermatologue de
l'établissement accusé de « traiter les détenus
comme des chiens [...] sans doute pour se distraire et libérer ses
instincts vengeurs ». Le récit d'une consultation en
témoignerait :
« Monsieur le dermatologue, confortablement
installé derrière son bureau écoute le détenu lui
expliquer qu'il perd ses cheveux et qu'il a beaucoup de pellicules Il demande
au dermatologue de lui prescrire un shampoing ou une lotion permettant
d'éliminer les pellicules et un traitement à base de cachets ou
de piqûres pour la chute des cheveux. Ce savant spécialiste, sans
bouger de son siège, sans regarder le cuir chevelu, déclare tout
net : "alopécie héréditaire". Le détenu
s'étonne : "Mais vous ne connaissez pas ma famille !"
(à noter que sur la fiche de visite, le dermatologue remplacera
héréditaire par masculine, c'est dire le sérieux des
paroles de ce spécialiste). Et le dermatologue poursuit : "Vous
avez suffisamment de produits en cantine extérieure pour le soin des
cheveux, cela doit suffire à vous soigner1045(*)". Le détenu lui
demande alors de lui donner le nom d'un de ces produits adapté à
son cas. Et le dermatologue a alors cette réponse
stupéfiante : "Vous vous croyez dans un institut de
beauté ! Si chacun demandait son petit produit personnel, où
irait-on ? » (Journal des prisonniers, n°38,
07/1976).
Cet exemple rappelle que beaucoup de praticiens sont
accusés de davantage endosser un rôle pénitentiaire que
médical. Un ancien détenu accuse ainsi certains médecins
de punir les patients en cas de « consultation non
motivée » ou de limiter certaines prescriptions, notamment de
vitamine C : « Notons en prison la mise à l'index
officieuse de certains médicaments considérés par
l'administration comme des excitants et qu'une partie des médecins, par
complaisance envers la pénitentiaire, n'hésitent pas dans de
nombreux cas à écarter de leurs
prescriptions »1046(*). Parfois, enfin, les personnels de
santé sont décrits, notamment ici par un détenu de
Fleury-Mérogis, comme les agents punitifs du système
pénitentiaire, du fait des multiples brimades que leur position leur
permettait d'infliger1047(*) :
« Ce service est dirigé par une
infirmière qui aurait facilement trouvé du travail pendant la
dernière guerre mondiale car elle aurait à coup sûr fait
partie des services médicaux qui se livraient à de si nombreuses
"expériences" sur des cobayes humains dans les camps de concentration
nazis. Ici même, elle essaie par tous les moyens possibles et
inimaginables de porter préjudice aux détenus [...] Si vous
descendez en promenade, on ne vous appellera pas, et vous n'aurez pas droit aux
soins (ainsi en a décidé l'infirmière). Ensuite, si vous
souffrez et que vous demandez à voir le docteur, elle vous
répondra oui, mais ne vous inscrira pas [...] C'est du sadisme pur et
simple. Si vous avez l'audace d'écrire au docteur, elle jettera votre
lettre à la poubelle comme elle fait avec 60% du courrier adressé
au service médical [...] Elle s'arrangera également pour oublier
de faire préparer votre traitement pendant une journée et dira
ensuite que vous l'avez refusé et vous le fera supprimer »
(Journal des prisonniers, 09/1977).
Outre sa connivence, voire sa complicité, avec
l'Administration pénitentiaire, le personnel médical intervenant
en prison est également critiqué pour son incompétence. La
réputation de certains médecins à cataloguer les
détenus comme simulateurs est ainsi interprétée, comme ici
dans une lettre d'un détenu de la M.A de Chartes, comme un manque de
professionnalisme, voire d'incompétence :
« Il y avait en ville un célèbre
médecin inconnu de tous sauf à la prison 4 étoiles. Il ne
devait pas avoir beaucoup de clientèle [...] Il était incapable
de voir une maladie ou ne veut pas la voir ! Car il crie de partout
à la simulation... Alors arriva ce que devra arriver. Un jour de l'hiver
75, je crois un jeune homme [...] a eu le toupet, le salaud, d'être
malade. Une crise violente le prend en pleine nuit [...] Le docteur sans doute
furieux d'être réveillé la nuit avec la gueule de bois de
la veille, l'ausculte et ne trouve rien ! Il crie à qui veut
l'entendre : "Ce garçon est un simulateur, il est en parfaite
santé !". Le pauvre Caillau reste ainsi pendant trois longs jours
à souffrir comme il n'est pas possible. Enfin, le quatrième jour,
décuité sans doute, il le fait transporter en hélico
à l'hôpital de Fresnes. Roger Caillau, 26 ans, en prison pour un
cambriolage minable, traînant derrière lui sa misère sans
famille, meurt quelques jours après sur la table d'opération...
Il avait été relaxé la veille, de son affaire »
(Journal des prisonniers, n°47, 06/1977).
Les erreurs médicales rapportées par des
détenus alimentent l'image d'une
« sous-médecine ». Un courrier envoyé par un
prisonnier au sujet d'un de ses codétenus, « aux mains de la
médecine de prison », fait état du manque de
sérieux de la prise en charge médicale : « Le jour
où il a eu la malencontreuse idée de tomber malade, après
quelques hésitations, on le place en observation, sans analyse, avec
seulement quelques médicaments pris au hasard dans la panoplie du
parfait médecin de prison [...] D'observation en observation, mais
toujours sans analyse sérieuse, [il] est finalement pris en main par un
chirurgien qui, d'entrée de jeu (sans même s'être
assuré au préalable d'une biopsie), l'ampute d'une testicule. Et
on le renvoie prestement à Poissy, afin qu'il continue tranquillement
à pisser du sang. Par la suite, l'inutilité d'une telle
opération sera confirmée par le fait que son état ne
cessera de se détériorer »1048(*).
Ces propos rappellent que, peut-être en raison de sa
technicité mais aussi de son côté spectaculaire, la
chirurgie pénitentiaire est présentée comme un symbole de
l'incompétence du corps médical
pénitentiaire1049(*). Prolongeant une lettre adressée par
les détenus de Fresnes, Libération remarque que
« les hôpitaux des prisons de Fresnes se distinguent par leurs
taux considérables d'"accidents" opératoires et
post-opératoires », avant d'ajouter que « ces
services médicaux et chirurgicaux pratiquent sur les
détenus-patients une chirurgie de "stage" (chirurgiens stagiaires),
bref, une chirurgie expérimentale à la façon des "travaux
pratiques" ou "travaux dirigés" universitaires ou
scolaires »1050(*). Rouge présente le cas d'un
membre du Front révolutionnaire internationaliste (FRI) paralysé
de la main droite, suite à une opération faite à Fresnes,
et ne pouvant bénéficier d'une rééducation faute de
structures adéquates : « Mis au parfum par sa
première opération, Bernard refuse catégoriquement que les
chirurgiens de la "maison" s'occupent de lui. Comme cobaye entre les mains de
stagiaires dont le Pr Petit est censé être la garantie, il a eu sa
dose, et il est sans illusions sur ce qui se passerait en cas de nouveau
désastre opératoire ou
post-opératoire »1051(*).
Ainsi, les petites infirmeries de M.A, mal dotées en
personnel, ne sont pas les seules à faire l'objet de critiques.
Même les établissements à caractère médical,
présentés par Solange Troisier comme le signe d'une
médecine pénitentiaire moderne, sont contestés. Le
Monde présente ainsi le CD de Liancourt, servant auparavant de
sanatorium, comme un « mouroir » où les
détenus « subissent ainsi un double renfermement et se
trouvent doublement condamnés » (LM, 19/02/1977). Un
ancien détenu condamne la façon dont les malades sont
traités à la prison d'Haguenau spécialisée
dans le traitement des pathologies psychiatriques : « Pour une prison
"médicale", on y est très mal soigné quand on est malade
mais, par contre, on y est systématiquement et obligatoirement
gavé de barbituriques et neuroleptiques bien que la plupart des
détenus n'en aient pas besoin » (Journal des
prisonniers, 09/1973). L'Hôpital de Fresnes, présenté
par le ministère de la Justice, comme le fleuron de la médecine
pénitentiaire est au centre des critiques, notamment par le biais de
détenus témoignant de leur séjour :
« Je quittais un caveau, pensant
découvrir un paradis et je ne trouvais qu'une tombe. Je croyais
découvrir des humains, je n'ai vu que des bêtes [...] Les
pansements ? La plupart du temps vous les faites vous-même [...] Les
piqûres ? Je ne sais pas où elles [les infirmières]
ont appris à les faire, mais elles sont passées maître dans
l'art de vous transformer en pelote d'épingles » (Journal des
prisonniers, 06/1973).
« Ici, à l'hôpital central des
prisons de France, elles [les infirmières] sont des complices de
l'infâme machine judiciaire, insensibles au sort des prisonniers,
partisanes du moindre effort mais soucieuses de toucher leur prime de fin
d'année. Si un jour quelqu'un a dit que l'hôpital central
était un paradis1052(*), il l'est. Mais assurément pour les
blouses blanches ». (Journal des prisonniers, 12/1978).
La critique de la médecine pénitentiaire
apparaît très politisée. En atteste notamment le rôle
joué par Libération. Constitué à l'origine
de personnes ayant parfois été elles-mêmes
incarcérées, le quotidien de Serge July accorde beaucoup
d'importance à la question des prisons en relayant notamment les
revendications des détenus. En recourant au registre de la
« scandalisation », Libération tente de
transformer chaque « fait divers » en un
« scandale » mettant en cause la médecine
pénitentiaire, voire l'institution carcérale dans son
ensemble1053(*). Toute information délivrée par
l'institution pénitentiaire est traitée avec défiance,
parfois sur le mode de la dérision. En atteste la description qui est
faite d'un rapport sanitaire sur les prisons publié en 1977 :
« Les résultats lui apparaissent "relativement satisfaisants"
si ce n'est un point noir dans le graphique : les détenus ne sont
en général atteints d'aucune maladie grave. Mais dans l'ensemble,
il suffirait, en guise d'ouverture, de laisser aller les choses et les
gangrènes de toutes sortes [...] A la lumière de ce rapport
"satisfaisant", l'Administration pénitentiaire n'a plus pour
résoudre ses problèmes de logement [surpopulation] qu'à
fermer les portes de ses maisons closes et attendre l'élimination
naturelle » (Libération, 16/08/1977).
Dans le cadre de ce travail de
« scandalisation », le quotidien est parfois amené
à exagérer la portée des témoignages des praticiens
sollicités. Dans un article intitulé « la
médecine carcérale en accusation », une journaliste
présente, après avoir rappelée deux morts jugées
suspectes aux Baumettes, le témoignage d'un médecin
pénitentiaire démissionnaire dont les propos contrastent avec la
tonalité accusatrice de l'article1054(*). Le praticien ne
soulève en effet à aucun moment les défauts de
l'organisation des soins mais souligne plutôt l'ampleur des
« pathologies carcérales ». Signe de la
spécificité d'une médecine des prisons pour le corps
médical travaillant en milieu pénitentiaire, les
« maladies carcérales » deviennent pour la
journaliste un argument supplémentaire dans la critique des prisons,
décrites comme « pathogènes ». Enfin, tandis
que le titre de l'article ainsi que sa tonalité pourraient laisser
croire que le départ de ce praticien est lié aux mauvaises
conditions d'incarcération, on apprend dans le dernier paragraphe que
c'est après avoir été pris en otage par deux
détenus qu'il a décidé de démissionner.
Fortement politisé, le Médecin-inspecteur
contribue à exacerber la critique de la médecine
pénitentiaire qu'elle incarne. Ancienne députée gaulliste
proche du pouvoir en place, Solange Troisier est fortement
décriée par la gauche pour ses prises de position
qualifiées de « conservatrices ». Déjà
en 1971, elle signait en tant que gynécologue et présidente de
l'Ordre national des sages-femmes une tribune où elle prenait position
contre le projet de loi visant à légaliser l'avortement.
Très critique sur la loi Neuwirth et la « libération de
la femme » qu'elle était censée permettre, elle y
condamnait l'idée d'avortement non-thérapeutique dont elle
soulignait le « caractère meurtrier », refusant ainsi que
« l'intervention du gynécologue ne devienne [...]
exclusivement vétérinaire »1055(*). Peu de temps avant
sa nomination, elle fit en tant que députée une intervention
très critique sur l'avortement1056(*). En tant que Médecin-inspecteur,
Solange Troisier endosse un rôle conservateur, en se déclarant par
exemple favorable à toute privation sexuelle des détenus :
« Je pense que la privation de liberté comporte encore cet
ordre de châtiment. Il ne faut pas oublier qu'il y a eu des
délits, des viols qui ont entraîné une condamnation. Il
n'est pas possible d'envisager une vie sexuelle normale pour ces sujets
»1057(*). Elle est en outre opposée à la
politique de libéralisation engagée par le président de la
République : « En 1974, après les mutineries des
prisons, on a voulu céder sur toutes les revendications des mutins [...]
Le président Giscard d'Estaing et son secrétaire d'Etat [...] ont
voulu tout libéraliser, l'amour, les permissions, l'application de la
peine »1058(*). Solange Troisier est également
très critiquée parmi les féministes pour ses propos en
tant que présidente du Conseil national des femmes françaises,
comme ici lors du Huitième congrès international de criminologie
: « Il faut que les filles aient une attitude plus décente et
moins aguichante. Et je crois qu'il y aurait alors moins de viols »
(LM, 13/09/1978).
Le Médecin-inspecteur est d'autre part souvent
accusé d'être du côté de l'Administration
pénitentiaire, notamment du fait de sa description des prisons
françaises. Lors d'un débat au Grand Orient de France, elle
évoque ainsi la « qualité de nos prisons »
avant d'ajouter que « les anciens détenus qui sont ici savent
qu'il existe vraiment dans certaines prisons une atmosphère
familiale », suscitant alors un « tollé
général » dans la salle (LM, 26-27/01/1975).
En 1974, le journaliste Jacques Chancel s'étonne de son déni des
révoltes de détenus qui ont alors lieu en France :
J. Chancel : « Comment réagit le
Médecin-inspecteur de l'Administration pénitentiaire quand, on le
voit, on l'écrit même dans les journaux, il y a des
révoltes, il y a des suicides ?»
S. Troisier : « Ça c'est une
polémique ! C'est une polémique faite par des gens qui ne
sont pas au courant... »
J. Chancel : « Mais les révoltes
existent, quand même ! »
S. Troisier : « Oui les révoltes
existent mais elles sont peut-être majorées, majorées par
des détenus. Vous savez qu'il existe des espèces de syndicat
d'anciens détenus qui essayent d'attirer l'attention des pouvoirs
publics. Le problème il est très simple, si vous voulez... Il
faut se dire une chose, c'est que ce sont quand même des détenus
qui doivent assumer leur peine, qui doivent assumer leur
détention ! Je ne veux pas qu'un truand ou qu'un grand
proxénète puisse influencer la
Justice ! »1059(*)
Les prises de position du Médecin-inspecteur en
matière de grèves de la faim sont également fortement
contestées1060(*). En 1976, Solange Troisier est accusée
d'avoir hospitalisé et alimenté de force un gréviste de la
faim, Rolland Agret. Ses propos provoquent la réprobation du journaliste
l'interviewant :
S. Troisier : « Son état est bon. Et
il n'y pas d'anomalie. Du point de vue pratique, biologiquement, il est
équilibré. Cet équilibre a été maintenu
grâce aux perfusions. Et je tiens tout de suite à vous rassurer.
Il a accepté ses perfusions. On ne l'a absolument pas obligé de
le faire... »
Journaliste [vive réaction] : « On ne
peut quand même pas dire qu'après trente jours de grève de
la faim, il est en pleine forme ! »
S. Troisier : « Non, il n'est absolument
pas en pleine forme ! Il est extrêmement fragile ! C'est un
équilibre qui est extrêmement fragile et qui peut se
détériorer »1061(*)
Mais ce sont surtout les propos que Solange Troisier tint sur
Patrick Henry et plus généralement sur la peine de mort qui
furent l'objet d'une violente polémique1062(*). Elle aurait
déclaré au cours d'une conférence de presse en novembre
1977 que Patrick Henry, condamné à perpétuité,
était « un être dangereux, vicieux, diabolique [...]
S'il sort de prison, il recommencera, j'en suis
persuadée »1063(*). Pour justifier de l'utilité de la
peine de mort, elle précisa qu'« actuellement, il est en train
de se faire refaire toute la dentition aux frais de l'administration
c'est-à-dire du contribuable »1064(*). Tandis que
Libération lui reproche d'avoir enfreint le secret
médical, un journaliste du Monde remarque que
« l'assurance quant à la récidive est digne du
café du Commerce, pas de la place Vendôme »1065(*). A cette occasion, un
groupe de sous-directeurs de Fleury-Mérogis ainsi que de l'ENAP adressa
une lettre au garde des Sceaux lui demandant de réagir face à ces
propos « démagogiques et irresponsables » allant
à l'encontre de l'esprit de la réforme de 19751066(*).
Perçu comme le garant de valeurs traditionnelles, le
Médecin-inspecteur souffre au sein des médias, notamment de
gauche, d'une mauvaise réputation : « Solange Troisier
aime les croisades menées au nom de l'ordre moral : elle se bat
contre l'avortement mais pour l'information sexuelle et l'éducation
familiale ; elle s'oppose à l'abolition de la peine de mort et
mène une lutte contre l'alcoolisme » (Le Nouvel
Observateur, 26/03/1983). La politisation du Médecin-inspecteur,
considérée comme proche d'Alain Peyrefitte, explique que la
critique de la médecine pénitentiaire se soit fortement
cristallisée autour de celle qui la personnalise. Le Journal du C.A.P
publie notamment plusieurs témoignages de détenus où la
dénonciation de la médecine pénitentiaire et de son
Médecin-inspecteur apparaissent inextricablement liées :
« Allez vous en ! Laissez votre place
à un vrai médecin, à un homme ou une femme qui se fout de
la politique, que seule la mission de guérisseur des souffrances
humaines compte avant toutes autres, qu'elles soient ressenties par les
bourgeois et par les détenus » (n°37, 06/1976)
« Rappelez lui le serment d'Hippocrate qu'elle a
prononcé avant d'être reçue docteur en médecine,
demandez lui si ce qu'elle a juré alors se conforme avec l'exercice de
la médecine pénitentiaire. Exigez que cela change, n'acceptez
plus qu'il existe une médecine pénitentiaire différente de
la médecine humaine » (n°48, 07-08/1977).
__________________________________________________
En dépit des efforts réalisés par Solange
Troisier dans la spécialisation de l'activité médicale en
prison, l'identité de « médecin
pénitentiaire » peine à se stabiliser. Le faible nombre
de médecins faisant figurer sur leur ordonnance le certificat de
médecine pénitentiaire traduit la difficile identification des
praticiens à leur activité en milieu
carcéral1067(*). Si le statut de « médecin
pénitentiaire » demeure peu assumé, c'est probablement
parce que cette activité est trop controversée pour qu'il soit
possible de s'y identifier. Les protestations exprimées par plusieurs
généralistes à l'égard de leur hiérarchie
témoignent également de cette fragilité de la profession
de médecin pénitentiaire. « Tel Saint Vincent de Paul
visitant les galériens, certains médecins sont motivés, il
est rare d'enregistrer une démission ou une
récrimination », se félicite le
Médecin-inspecteur1068(*).
Pourtant les démissions sont nombreuses. C'est le cas
d'un médecin de la M.A de Brive qui témoigne au Monde de
son découragement au bout de douze années de travail :
« Depuis, quatre ou cinq ans, la situation dans cet
établissement n'a cessé de se dégrader et je l'ai
signalé à plusieurs reprises aux autorités »
(LM, 12/05/1975). La difficulté pour les praticiens à
contester les contraintes carcérales, qui s'exposent dans ce cas au
risque de licenciement (Cf. Encadré), favorise les prises de parole
externes. TF1 diffuse en 1976 un documentaire en deux parties à une
heure de grande écoute abordant de façon très critique le
rôle des médecins en détention. Dans le premier volet, on y
voit longuement un interne de l'Hôpital de Fresnes questionnant la
prescription de psychotropes ou l'ambiguïté de sa position. Dans le
second figure une interview d'Antoine Lazarus, médecin à
Fleury-Mérogis questionnant la raison d'être du praticien en
détention :
Journaliste : « En définitive quel
est le pouvoir du médecin ? »
Antoine Lazarus : « Je crois qu'il est
considérable le pouvoir du médecin mais que tout dépend de
ce qu'il en fait. On peut pratiquement tout interdire. Quand je dis
pratiquement tout interdire... Disons on peut suspendre une punition, on peut
modifier un régime, on peut faire que quelqu'un ait du travail ou qu'il
soit placé seul en cellule. Dans la vie de tous les jours d'un
détenu, on est relativement influent. Sur l'extérieur dans une
certaine mesure également, on peut appeler le juge. C'est donc un
pouvoir d'intervention. En gros, c'est un pouvoir de veto qu'on a... Sur le
fait de construire quelque chose, de modifier la structure, pratiquement aucun
[silence] D'ou vient ce pouvoir ? Ce pouvoir ne nous est pas donné
gratuitement. Ce pouvoir nous est donné parce qu'on sert de parapluie.
Dans un système où peut se passer en permanence un certain nombre
d'incidents, le responsable de l'incident est quelque chose de très
précieux. Dans la mesure où le médecin vient endosser ce
rôle de responsable, il est évident que le médecin est
très prisé. Ceci dit n'être qu'un parapluie, ça
limite considérablement le pouvoir [...] On est des espèces
d'intendants à empêcher de se suicider, d'intendants à
faire survivre les gens. On doit en principe les rendre vivants à la
sortie. On ne sert qu'à ça. Et si on essaye de faire autre chose,
si on essaye de parler de l'insertion des détenus, éventuellement
de l'intérêt des victimes, on n'a plus aucun pouvoir. On ne sert
qu'à empêcher les détenus de mourir ! Point
final »1069(*).
Ce documentaire provoque une vive colère au sein de
l'Administration pénitentiaire, comme le rapporte Actes :
« Cette émission n'avait pas assez donné la parole
à la hiérarchie et trop aux praticiens, c'est-à-dire aux
internes. Quelle ironie d'imaginer les médecins hiérarques
administratifs s'installant devant le poste pour se regarder (ils avaient
été interviewés) et ne se voyant pas. A la place
apparaissent des interrogations sur le rôle médical, l'idée
que cette fonction ne peut être naïve et qu'elle est politique
»1070(*). Tandis que Solange Troisier dénonce un
« manquement au code de déontologie sur le secret
médical » dans une émission qui, selon elle, ne
présentait aucun caractère « médical »
mais seulement « politique » (QDM, 30/3/1976), le
ministère de la Justice décide de révoquer, officiellement
par analogie avec les hôpitaux publics, tous les internes
pénitentiaires en place depuis plus de quatre ans1071(*). Ainsi, loin de
constituer une profession stable et homogène, la médecine
pénitentiaire apparaît divisée, contestée et
fragile.
S'ADAPTER OU RÉSISTER :
L'ÉVICTION D'UN PRATICIEN RÉCALCITRANT
La trajectoire de Bruno, retracée à l'aide d'un
travail de thèse où il est fait mention de lui mais surtout
à l'aide d'un entretien, permet de rendre compte de la façon dont
certains praticiens vivent les ambiguïtés de leur
mission1072(*). A son retour du Maroc, où il avait
travaillé dans le cadre d'un plan de lutte contre la tuberculose, Bruno
s'installe à Besançon en 1969. « Un peu
idéaliste », il souhaite mettre en place un cabinet de
médecine de groupe où moyens et revenus seraient partagés
entre les différents praticiens. Il s'installe avec deux amis et
remplace alors le médecin de la M.A partant en retraite. Il est,
dès le début de son exercice, choqué par ce qu'il
découvre : « J'étais jeune et plein d'idéal et
ce qui me choquait le plus, c'étaient un peu les exigences du monde
carcéral [...] De temps en temps, je trouvais que c'était pas
trop juste ce qui leur était proposé comme punition. On faisait
tout pour rester à peu près neutre et en même temps le plus
humain possible quoi... J'ai pas toujours très bien su... J'étais
plutôt du côté du détenu et ça n'a pas
toujours facilité les choses. Ça m'a été
reproché... ». Seul médecin généraliste
de l'établissement, où interviennent une infirmière et une
psychiatre, il souffre de l'absence de contacts malgré les enseignements
du certificat de médecine pénitentiaire qu'il suit à
Paris. Il se heurte fréquemment au personnel de surveillance qui le
soupçonne d'« être pour les détenus... ». Il
reconnaît avoir à plusieurs reprises pris le parti de prisonniers
face à l'Administration : « Pour moi le détenu,
c'était un peu celui qu'il fallait défendre. J'avais ce
côté un peu boy-scout ! ».
Bruno est néanmoins obligé de s'adapter à
certaines contraintes pénitentiaires auxquelles il est pourtant
défavorable. Après avoir refusé pendant un temps, il se
voit contraint de rédiger des certificats d'aptitude à
l'isolement. Il développe alors une stratégie d'évitement
en inscrivant sur le certificat « Vu pour information »,
comme le souligne un étudiant ayant effectué un stage à la
M.A de Besançon dans le cadre de sa thèse de criminologie :
« Mais une telle mention gêne beaucoup l'Administration. De toute
façon, le médecin essaie toujours de reculer le plus possible le
moment de signer. Il ne va pas voir lui-même les détenus qui sont
punis de mitard ; il y envoie l'infirmière, de façon
à savoir comment se porte le puni. Mais il ne veut pas que sa visite, de
sa propre initiative, rende le mitard plus supportable »1073(*). Bruno vit
également difficilement les demandes du personnel de placer certains
détenus sous calmants, notamment en cas de crise : « Des fois,
on m'appelait en urgence pour des gens comme ça... Des gens super
excités qu'il fallait calmer... Comme dans le domaine de l'agitation en
ville... J'ai refusé une ou deux fois de seringuer. Ça a
été mal vécu ça, parce que c'était le refus
du médecin d'intervenir. C'était l'occasion d'un rapport
quoi ! ». Bruno vit alors mal l'ambiguïté à
laquelle il se trouve confronté. Les observations
réalisées en 1977 à la M.A de Besançon confirment
le désarroi ressenti par ce praticien :
« Le médecin avoue se sentir pris au
piège. Si un homme, poussé à bout, se tape la tête
contre les murs, il ne peut le laisser faire. Tout en sachant très bien
que c'est à cause de la situation carcérale que cet homme en est
là, il essaie de l'empêcher de continuer... et parfois, le seul
moyen d'y parvenir c'est la piqûre calmante. Evidemment, le
médecin joue alors le jeu de l'Administration ; mais il n'a aucune
autre solution. Chaque fois, il essaie de discuter avec le détenu avant
d'en arriver à la piqûre, et il ne se fait pas accompagner de
surveillants prêts à maîtriser l'homme en
colère »1074(*).
Bruno tente de trouver des alternatives, en hospitalisant par
exemple les détenus les plus usés afin de leur offrir une
période de repos. Mais « on lui a très vite mis des
bâtons dans les roues et il n'a pu continuer à demander des
hospitalisations pour des causes semblables »1075(*). Les surveillants lui
reprochent d'être « idéaliste » ou
« crédule » et la direction, avec laquelle il
entretient des rapports difficiles, espère qu'il changera d'attitude.
Mais c'est l'inverse qui se produit. Au fil du temps, Bruno supporte moins bien
les contraintes pénitentiaires qu'il remet toujours plus en cause :
« Moi, j'ai appris ce qu'était une prison en suivant un
diplôme de médecine pénitentiaire. Donc j'étais un
peu endoctriné... un peu dans un moule quoi et puis après je me
suis dis : "Mais attends voir ! C'est pas possible... C'est pas
eux qui vont te dire ce qui est bon pour le patient !" ». Il refuse
en 1975 à l'occasion d'un mouvement collectif de dissuader les
grévistes de la faim comme le lui demande
l'Administration1076(*). Il écrit plusieurs courriers à
Solange Troisier pour protester contre les QHS qu'il considère «
inadmissibles ». La pratique de la dilution qu'il acceptait
jusque-là lui apparaît de plus en plus absurde et il décide
d'y contrevenir1077(*) : « J'avais demandé pour
certains médicaments, qu'on les laisse aux détenus pour qu'ils
les prennent quand ils en ont besoin... Ça a été mal
perçu. On me l'a pas mal reproché [...] C'est pour des tas de
petits détails comme ça, que j'étais
emmerdant ».
Mais surtout Bruno accepte de témoigner en faveur d'un
détenu lors de son procès au cours duquel il décrit ses
conditions de détention. Son témoignage est publié par le
C.A.P : « La sécurité et la "mesrinophobie" ont
amené l'administration pénitentiaire sur la pente de la
négation de l'humain. Dans ce contexte, le médecin comme le
visiteur a un pouvoir minime. J'ai suivi Maurice Locquin dans son séjour
au quartier, et c'était bien d'une panique de régression et
d'anéantissement dont il était la proie » (Journal
des prisonniers, 05/1979). Bruno est alors désavoué par
l'Administration et notamment par Solange Troisier :
« Dernièrement, le médecin a
témoigné à propos d'un détenu que l'on avait
frappé et dont il pouvait constater l'état. Le juge d'instruction
chargé de l'affaire lui a demandé de bien vouloir déposer
en décrivant ce qu'il avait pu constater. L'Administration n'a pas
apprécié et le Directeur a refusé de laisser sortir le
dossier médical du détenu. Le médecin, estimant qu'il
était seul juge de l'utilisation du dossier médical du
détenu, en a référé à Paris. Le
médecin-chef de la Chancellerie lui a partiellement donné tort.
Dans un tel cas, il serait plutôt souhaitable qu'un médecin expert
soit nommé et c'est lui qui déposerait alors auprès du
magistrat instructeur. C'est la solution qui a été
présentée à Paris. Mais il s'agit en fait, tout
simplement, d'une astuce car l'expert n'aurait pas pu constater un état
passé et qui n'a pas laissé de séquelles ; il aurait
été obligé de croire les dires du médecin qui
avaient constaté les faits à
l'époque »1078(*).
Suite à ce témoignage, le sous-directeur de
la M.A envoie en octobre 1978 un rapport à sa direction qui
décide en février 1979 de mettre fin aux fonctions de Bruno. Le
médecin intente alors un recours contre l'Etat et obtient gain de cause
pour des raisons de forme. Tout en annulant la décision, le tribunal
administratif de Besançon tranche sur le fond en faveur de la DAP, en
considérant que « dans un milieu aussi difficile et
spécifique que le milieu carcéral, la médecine ne peut pas
être exercée avec les seuls principes du code de
déontologie »1079(*). En dépit d'une décision
favorable, l'affaire est peu médiatisée puisque seule une
brève est publiée1080(*). Cet exemple illustre le difficile
positionnement d'un praticien qui, isolé, apparaît largement
impuissant face à une institution dont il ne maîtrise pas les
rouages. La position de résistance adoptée par ce médecin
n'apparaît pas réaliste à long terme, condamnant les
praticiens soit à une adaptation aux règles carcérales
soit à une éviction.
L
ongtemps considérée comme une médecine de
pauvres, de l'impossible ou de l'absurde, la médecine
pénitentiaire aurait connu au cours des années soixante-dix
« un développement spectaculaire en quelques
années » jusqu'à devenir « une médecine
scientifique moderne, voire une médecine de pointe »1081(*). « Vous
devenez des médecins très spécialisés et l'on nous
écoute de partout. Nous donnons un peu le "coup d'envoi" pour
l'étranger par cet enseignement à
l'Université », déclare le
Médecin-inspecteur1082(*). Pays d'avant-garde, la France exporte son
savoir à l'étranger, et notamment sur le continent africain
où Solange Troisier est fréquemment envoyée en
mission : « Il s'agit en effet de définir notre action,
notre éthique, de faire approuver nos statuts de pays
développés et ensuite avec l'aide de l'OMS nous implanter vers
les pays en voie de développement »1083(*). Le
Médecin-inspecteur est d'ailleurs chargé par le Conseil de
l'Europe de rédiger le premier Manuel de médecine
pénitentiaire, jamais édité. Sous l'action du Pr
Troisier, les praticiens travaillant en milieu carcéral
accéderaient enfin à une véritable reconnaissance de leur
rôle social :
« Depuis 1972, les fonctions du médecin
pénitentiaire ont été élargies [...] Avec
l'individualisation des peines, il est normal que le médecin occupe, au
sein du milieu carcéral où il exerce, une place
privilégiée d'observateur. Ce qu'on peut attendre de lui :
une participation de plus en plus active aux tâches de
rééducation du délinquant et de réinsertion
sociale »1084(*).
Pourtant à l'encontre de cette description triomphante,
beaucoup de praticiens travaillant en prison sont confrontés à
une crise morale à mesure qu'ils prennent conscience des
conséquences « pathogènes » de la prison.
Dans un ouvrage à succès, une psychologue de l'équipe de
la M.A de Lyon décrit les effets délétères de
l'incarcération sur la santé des détenus1085(*).
« L'univers carcéral par les interdits qu'il impose à
tous les niveaux, aboutit à un état de dépendance totale
du détenu [...] Ebranlé par la carcéralité, le MOI
ne peut en supporter toutes les répercussions et fait appel au corps
comme support de la majeure partie des symptômes », observe un
interne1086(*). A chaque reprise, comme ici dans la
description que fait un psychiatre de l'un de ses patients, transparaît
le sentiment d'impuissance ressenti par les praticiens, témoins du
progressif amoindrissement des détenus :
« Il a vécu du premier jour aux derniers
jours de son incarcération dans un "flou" permanent, ce qui rendait
extrêmement difficile le contact. Il refuse et est incapable d'avoir la
moindre activité à la prison. Il reste en cellule, n'allant pas
en promenade [...] Il ne se plaint pas. Résigné, il accepte tout
ceci [...] Il dit même, en parlant de ses symptômes, je
suppose : "On en prend l'habitude, c'est une drôle d'habitude". Et
trois jours avant sa sortie, je le retrouve frais et dispo. Les symptômes
ont disparu. Il a quitté sa somnolence-refuge et parle avec humour. Il
parle du travail qu'il va entreprendre, avec décision et fermeté.
Il m'a semblé que tous ces symptômes n'étaient que
réactionnels à la situation de frustration dans laquelle il se
trouvait [...] Il s'est aménagé un lieu clos où personne
ne pouvait entrer. Il a présenté une espèce de
dissolution, de noyade, dans un halo visqueux où surnager était
bien difficile »1087(*).
Cette considération du rôle pathogène de
l'incarcération n'est pas sans conséquences sur la
représentation que les praticiens ont de leur rôle. Marquée
par la « régression orale » propre au milieu
carcéral, la relation que le détenu a avec son médecin
ferait de ce dernier, souligne un interne, un substitut de la « bonne
mère » en opposition à l'institution
pénitentiaire image de la « mère
frustrante »1088(*). La recherche de médicaments, le
rôle d'écoute ou de réconfort imparti aux praticiens
seraient autant de signes d'une relation thérapeutique
« pervertie ». Le devoir de soigner propre à la
déontologie médicale s'accompagnerait de la conscience que
« seule une modification des conditions carcérales sur tous
les plans diminuerait la fréquence des
troubles »1089(*). Ce rôle pathogène de
l'incarcération ne s'exprimerait pas d'ailleurs uniquement à
travers la santé des détenus. De nombreux médecins
s'alarment ainsi que la prison puisse être, à l'encontre de sa
mission initiale de resocialisation, une institution criminogène.
« Il s'agit donc d'un système parfaitement au point, tant que
le détenu purge sa peine, pour l'inciter à la récidive peu
de temps après sa sortie », observe un interne1090(*). Certains praticiens
exerçant en milieu carcéral s'interrogent dès lors sur le
sens de l'enfermement. « La question de fond demeure : la prison
pour quoi faire ? », remarquent trois médecins lyonnais
en conclusion d'une étude consacrée aux suicides en
prison1091(*).
Ces mêmes médecins s'interrogent quant aux
injonctions de l'Administration pénitentiaire auxquelles ils sont
soumis. Ils souffrent de l'image d'« auxiliaire de
Justice » que réclame leur Médecin-inspecteur, ce que
confirment les propos de cet interne : « Le médecin de prison
devrait donc collaborer avec la Justice et l'Administration
pénitentiaire, mais il est et doit rester un collaborateur libre et non
comme certains le voudraient, un subalterne aux ordres de
l'Administration »1092(*). Coincés entre leur
responsabilité hiérarchique et la déontologie
médicale, beaucoup de praticiens pénitentiaires semblent mal
à l'aise. En atteste l'attitude de cet interne interrogé dans un
documentaire télévisé sur la prescription de
psychotropes :
Journaliste : « Est ce que l'un de vos grands
rôles, pas le plus glorieux, au quotidien ce n'est pas celui de
distributeur de médicaments ? »
[Silence]
Interne : « Non je crois que... [Silence]
c'est le rôle de tous les médecins. Ce n'est pas spécial
à la prison de distribuer puisque... ». Le médecin
s'arrête et sourit : « Ça c'est répondre un
peu à côté ». Il reprend :
« Disons que nous avons une surconsommation médicale qui a
tendance à diminuer au fur et a mesure qu'il y a plus de
médecins ».
Journaliste : « De toutes façon les
calmants, les somnifères ne sont t-ils pas liés à la
privation de liberté en elle-même ? »
Interne : « Ils le sont et il le sont
d'autant plus que ce sont des gens qui sont quand même assez vigoureux et
qui ont l'habitude de décharger leur agressivité. Et dans une
maison d'arrêt, ils passent une majorité de temps en cellule,
c'est à dire 23 heures sur 24, ils ont une heure de promenade et ces
gens là n'ont pratiquement aucun moyen de décharger leur
agressivité »1093(*).
L'hésitation et la réponse initiale de cet
interne à la question du journaliste traduisent la difficulté
pour certains praticiens à assumer des pratiques auxquelles ils
participent, comme ici la prescription médicamenteuse, tout en les
désapprouvant. Convaincus que leur statut
« pénitentiaire » nuit à la relation
thérapeutique avec le malade, quelques médecins regrettent
l'opinion que les détenus ont du service médical. « Au
niveau de quelques enquêtes rapides réalisées dans quelques
prisons, la revendication contre le corps médical vient pratiquement
avant la revendication sur la question de la nourriture », affirme
Antoine Lazarus dans une interview
télévisée1094(*).
D'autres, à l'inverse, alimentent de manière peu
crédible l'image d'une médecine indépendante et
respectée. Dans une thèse dirigée par Solange Troisier, un
interne de La Santé observe au terme d'une enquête par
questionnaire que 90% des détenus interrogés
« reconnaissent aux médecins "pénitentiaires" une
"situation particulière le différenciant nettement de
l'Administration pénitentiaire
elle-même" »1095(*). Les 10% restant s'expliquent selon lui par
l'origine étrangère de nombreux détenus, « les
problèmes de communication [étant] en partie responsables de
cette manière de voir ». Il illustre son propos en citant les
« bonnes réponses »1096(*) (« Je pense
qu'ils font un travail qui fait honneur à leur profession » ou
« Compte tenu des obstacles qu'ils rencontrent, leur vie est un
véritable sacerdoce ») et les « moins
bonnes » (« La médecine pénitentiaire,
action nécessaire à la sécurité de
l'établissement, pour que les peines s'y exercent bien et que les
détenus puissent souffrir pour payer leur dette sociale, mais en bonne
santé physique apparente »). Sans cesse malmené au sein
de l'espace public, le costume de médecin pénitentiaire
apparaît trop disqualifiant pour pouvoir être endossé
durablement. L'exercice médical en prison ne peut ainsi donner lieu
à une spécialité médicale reconnue.
CONCLUSION DE LA PREMIERE
PARTIE
Le mouvement de remise en cause de l'institution
carcérale qui a lieu au début des années soixante
accélère le mouvement de spécialisation de
l'activité médicale en prison initié par Georges Fully.
Pour lui, la reconnaissance d'une médecine pénitentiaire
spécifique est indissociable de son autonomisation. En dépit de
ses efforts, les impératifs sécuritaires l'emportent parfois sur
les exigences médicales comme en témoigne l'usage de la
contention. C'est précisément cette soumission de la
médecine à l'autorité pénitentiaire que condamnent
les militants de la cause carcérale. En réponse à ces
accusations, des soignants prennent pour la première fois la parole,
d'abord à titre individuel puis de façon collective, au sein de
l'espace public, que ce soit pour confirmer ou réfuter ces griefs.
Emerge, dans la continuité de la politisation des
« années 68 », un segment d'internes
pénitentiaires désireux de faire prévaloir les
règles de la déontologie sur celles du Code de procédure
pénale.
La remise en cause de l'institution pénitentiaire et de
sa médecine n'est ainsi pas sans conséquences sur les
professionnels exerçant en prison. Tandis que certains font le choix de
s'extraire de la relation de subordination qui les lie au ministère de
la Justice en démissionnant, d'autres tentent de se mobiliser afin
d'assurer le respect de leur autonomie professionnelle. Georges Fully tente
d'utiliser cette contestation comme une ressource supplémentaire dans sa
stratégie d'autonomisation et de reconnaissance des médecins
pénitentiaires. Cette dynamique culmine lors du congrès de
décembre 1972 avec la remise au garde des Sceaux d'une motion affirmant
le respect de la déontologie médicale. Il prend un terme en 1973
avec la nomination de Solange Troisier en tant que Médecin-inspecteur.
Proche du pouvoir politique, cette dernière tente de
limiter l'apparition de toute contestation parmi les praticiens, notamment
à l'occasion des congrès médicaux. Partisane d'une
médecine conçue comme « auxiliaire de
Justice », elle tente de légitimer une meilleure prise en
compte des contraintes pénitentiaires dans l'exercice médical.
Elle formalise pour cela une médecine qui se distinguerait de la
pratique médicale courante du fait des nombreuses
spécificités carcérales (simulations, automutilations,
grèves de la faim, etc.). Tant par ambition personnelle que par
désir de relégitimer un secteur d'action publique
discrédité, Solange Troisier favorise l'apparition d'une nouvelle
spécialité médicale dont elle prendrait la tête.
Elle revalorise pour cela la rémunération des infirmières
et des médecins. Elle promeut les congrès au cours desquels est
célébrée cette spécialité en voie de
constitution. Elle développe l'enseignement de la médecine
pénitentiaire. Enfin, elle réussit du fait de ses nombreuses
ressources à faire reconnaître par certains de ses pairs cette
activité. En témoigne la création d'une chaire
d'université en 1977 ou encore le soutien apporté par certains
représentants du secteur médical à son action. Le doyen de
la faculté de médecine de Lariboisière Saint-Louis se
félicite ainsi au cours d'un congrès du développement de
cette spécialité : « Si on considère la
médecine pénitentiaire non pas seulement comme une
médecine de soins, mais comme une médecine de toute la personne,
et bien, il est certain qu'en France et dans tous les pays du monde, il doit y
avoir alors une demande assez considérable »1097(*).
La spécialisation de la médecine apparait ainsi
comme un phénomène complexe. Elle ne peut tout d'abord se
réduire à une logique purement médicale. Certes, il s'agit
de sa dimension la plus visible : c'est par la mise en évidence d'une
pathologie carcérale, par l'organisation de congrès et par des
publications médicales que la médecine pénitentiaire
s'affirme en tant que discipline. Pourtant cette dimension ne prend son sens
que par les rapports qui s'instaurent entre ces professionnels et ceux de la
prison. Tout d'abord, les efforts entrepris par ces médecins n'auraient
tout d'abord pas été possible sans le soutien de certains
magistrats occupant des postes décisionnels au ministère de la
Justice1098(*). Georges Fully puis Solange Troisier ont, en
second lieu, recourt à d'autres acteurs médicaux
extérieurs à la médecine pénitentiaire. Notons ici
le rôle central de la médecine légale à laquelle
s'adosse la médecine pénitentiaire dans sa tentative de
spécialisation. Enfin, et surtout, l'enjeu de la spécialisation
de la médecine pénitentiaire est une lutte pour la
définition légitime du rôle de médecin
pénitentiaire, et notamment en matière d'articulation entre les
exigences médicales et carcérales. Le principal enjeu de la
spécialisation de cette activité est ainsi moins médical
que carcéral : de la définition de la médecine
pénitentiaire découlent de nombreuses conséquences
directes sur la régulation d'un établissement
carcéral : peut-on procéder à une injection de
sérum glucosé ou à la pose d'une sonde gastrique à
un gréviste de la faim contre sa volonté ? qui décide
en dernier recours de l'hospitalisation d'un détenu ? De quel
pouvoir le directeur d'établissement dispose-t-il à
l'égard des praticiens ? Le dossier médical doit-il
être partagé avec le magistrat et plus largement quel usage le
praticien doit-il faire des informations qu'il est amenées à
connaître? Ce dernier est-il au service du détenu, dont il serait
le médecin traitant, ou de l'Administration pénitentiaire qui le
rémunère ? Toutes ces questions relèvent ainsi tout autant
de la médecine que de la politique carcérale.
Souligner les enjeux
« non-médicaux » de la spécialisation de la
médecine pénitentiaire et de sa reconnaissance en tant que
discipline amène une seconde remarque. Si la spécialisation est
bien une stratégie de la définition légitime du
métier de praticien pénitentiaire, et des obligations qui lui
sont liées, cette spécialisation ne peut dès lors plus
être appréhendée comme un phénomène univoque
d'autonomisation. Elle est l'objet d'usages différenciés qui
varient selon les stratégies personnelles de ceux qui en sont à
l'origine. Le rôle surdimensionné conféré au
Médecin-inspecteur, représentant le plus légitime de la
spécialité en question, explique les deux usages aussi divergents
qu'on a pu distinguer. Ancien résistant, marqué par
l'expérience de la déportation, Georges Fully témoigne
d'une représentation militante de son rôle de
Médecin-inspecteur. Au service des détenus, il tente d'assurer
aux praticiens dont il a la responsabilité les conditions de leur
autonomie professionnelle. A l'inverse, auparavant dotée d'importantes
responsabilités politiques et fortement inscrite dans des jeux de
pouvoir, Solange Troisier assume une vision plus politisée de son
rôle de Médecin-inspecteur. Certes son action vise
également à défendre l'idée d'une médecine
pénitentiaire spécifique ainsi qu'à revaloriser les
conditions de travail des professionnels de santé travaillant en prison.
Sa démarche a cependant un sens spécifique au regard de la
démarche de Georges Fully, et ce pour deux raisons.
Tout d'abord, le second Médecin-inspecteur vise moins
à autonomiser l'action des soignants de l'Administration
pénitentiaire que du ministère de la Santé. En rappelant
à chaque reprise que le praticien évolue dans un milieu
spécifique auquel il doit être attentif, Solange Troisier fait
prévaloir les exigences pénitentiaires sur celles de nature
déontologique. Elle place ainsi son action au service du
ministère de la Justice dont le médecin n'est selon elle qu'un
auxiliaire. Le Médecin-inspecteur écarte les praticiens trop
revendicatifs et qui sont rétifs à sa conception de la
médecine pénitentiaire. La délimitation d'une discipline
médicale vise davantage à ses yeux à conserver la main sur
un champ d'action publique qui demeure alors à l'écart du
contrôle du ministère de la Santé. Les règles qui
régissent l'action des soignants échappent presque totalement au
reste du système de santé1099(*). Le transfert des services médicaux
sous la tutelle du ministère de la Santé imaginé dans le
cadre du « décloisonnement » aurait eu pour effet de
ruiner les efforts de Solange Troisier. La crainte de l'Administration
pénitentiaire de perdre le contrôle du personnel médical,
la volonté du Médecin-inspecteur de garder la mainmise sur son
pré-carré ainsi que les réticences de la Direction de la
sécurité sociale (DSS) sont à l'origine de l'échec
du projet. Le transfert de la psychiatrie au ministère de la
Santé, via la sectorisation hospitalière, met fin à tout
projet de réforme concernant les soins somatiques.
Le second objectif de Solange Troisier dans la
spécialisation de la médecine pénitentiaire est de
réhabiliter un secteur pour lequel l'Administration pénitentiaire
est fortement contestée. A l'encontre des accusations formulées
par les militants de la cause carcérale ainsi que par la presse
critique, le Médecin-inspecteur tente de faire reconnaître les
progrès accomplis en matière de soin des détenus.
« Quand le Dr Solange Troisier, inspecteur général de
l'Administration pénitentiaire dit : "Lorsque j'ai
débuté à la Roquette, j'y apportais mon spéculum et
ma propre table gynéco. Aujourd'hui, Fresnes et les Baumettes sont des
hôpitaux de seconde catégorie", on mesure le chemin
parcouru », observe une journaliste (Figaro-Magazine,
2/02/1980). La spécialisation de la médecine pénitentiaire
opérée par Solage Troisier est ainsi inséparable de la
réhabilitation d'un secteur d'action publique discrédité.
Ce modèle est peut-être, comme on en fait
l'hypothèse, également à l'origine de la
spécialisation de la médecine pénitentiaire à
l'étranger. Aux Etats-Unis, au Canada, en Espagne, en Allemagne, en
Italie ou en Angleterre s'affirme au même moment une
spécialité médicale conçue comme spécifique
aux prisons. En témoignent les propos tenus par les représentants
étrangers à l'occasion des congrès organisés par
Solange Troisier. « Je crois fermement qu'il s'agit d'une branche de
la médecine », déclare le Dr Ingrey-Senn, directeur du
service médical des prisons de Londres1100(*). Sans établir
un lien de causalité, on peut remarquer que la prise en charge des
détenus est également l'objet d'une forte remise en cause dans
ces pays. En atteste la publication en 1975 par un spécialiste des
problèmes de politique sanitaire américain, consultant de l'OMS
et de la ville de New York, d'un livre, La santé en prison. Une
parodie de justice, condamnant sévèrement l'organisation des
soins en milieu carcéral1101(*). Ce chercheur-militant suggère
l'assimilation du médecin de prison aux autres médecins de la
collectivité ainsi que le contrôle de la communauté sur les
soins prodigués aux détenus. Un sociologue britannique, le Dr
Roger Geary, relève de même dans un rapport remis au Conseil
national pour les libertés civiles la mauvaise qualité des soins
avant de recommander que le National health service soit en charge de
la santé des détenus (QDM, 21/10/1980).
La première « configuration
réformatrice », qui s'étend de 1970 à 1981, est
par conséquent dominée par les variables professionnelles et
institutionnelles. Professionnelles tout d'abord du fait de l'autonomisation
croissante d'un segment au sein du secteur médical. La
spécialisation de la médecine pénitentiaire,
initiée sous Georges Fully, s'accentue au cours des années
soixante-dix. Sous l'action du nouveau Médecin-inspecteur, cette
activité médicale semble bénéficier d'une relative
reconnaissance au sein du secteur médical qui culmine avec la
création d'une chaire autonome de médecine pénitentiaire
en 1980. Cette reconnaissance universitaire est paradoxalement un argument de
poids à l'encontre d'un transfert de l'activité sanitaire au
ministère de la Santé. Parce qu'elle est spécifique et
qu'elle est irréductible à l'exercice médical classique
(« C'est toute la médecine avec quelque chose en
plus »), la médecine pénitentiaire ne peut être
transférée au ministère de la Santé et doit rester
sous la tutelle de la Chancellerie. L'organisation des soins aux détenus
demeure ainsi durant les années soixante-dix un secteur autonome du
monde médical, principalement régi par des règles
pénitentiaires.
Outre cette variable professionnelle, la logique
institutionnelle est le second facteur qui favorise cette autonomisation et
contraint fortement les possibilités de réforme. Le rôle
joué par le Médecin-inspecteur apparaît à cet
égard crucial. Directement rattaché au Directeur de
l'Administration pénitentiaire, celui-ci exerce, et ce dès
Georges Fully, davantage un rôle de conseiller et de pilotage de la
politique sanitaire en prison que de contrôle médical proprement
dit. Cette dimension stratégique du poste de Médecin-inspecteur
apparaît renforcée avec la nomination de Solange Troisier. Ses
contrôles visent moins à s'assurer du travail exercé par
les praticiens que de leur fidélité aux idées qu'elle
promeut en la matière. Sa gestion patrimoniale et discrétionnaire
des médecins pénitentiaires favorise la mise en place d'un
segment d'internes et de praticiens faisant prévaloir les
impératifs pénitentiaires sur la déontologie
médicale. En outre, et ce contrairement à son
prédécesseur, Solange Troisier dispose de multiples ressources,
en raison de sa position « marginale-sécante » entre
la médecine et la politique, qu'elle met au service de son projet
consistant à « faire de la médecine
pénitentiaire une médecine à
part »1102(*). Le contrôle exercé durant cette
période par Solange Troisier exclut toute intervention d'un autre acteur
administratif, et notamment du ministère de la Santé.
L'organisation des soins en prison est à cette époque un secteur
régulé exclusivement par l'Administration pénitentiaire,
et principalement par son Médecin-inspecteur.
Ce système de régulation est un obstacle
à toute volonté de réforme extérieure au
ministère de la Justice. C'est ainsi qu'en 1975, la conseillère
technique de Simone Veil pour la Justice, Myriam Ezratty, tente selon ses
termes un « premier essai » de réforme mais qui se
heurte au Médecin-inspecteur. Outre la mainmise exercée par
Solange Troisier exercée sur l'organisation des soins en prison, cet
« échec » est à mettre en lien avec le
contexte institutionnel global qui caractérise les relations entre les
ministères et les directions elles-mêmes. Au niveau
ministériel tout d'abord, selon Myriam Ezratty, la distance qui
séparait alors la Chancellerie de l'avenue de Ségur fut un
obstacle à sa tentative de réformer la médecine
pénitentiaire. Le peu de magistrats en poste au ministère de la
Santé, à cette époque, rendait toute communication
difficile avec la Chancellerie où les énarques étaient
rares : « C'était plutôt de l'ignorance. Donc
c'étaient pas des collègues, c'était pas...
Vis-à-vis d'un autre ministère déjà les liaisons
sont pas toujours commodes et pourtant ce sont des énarques qui souvent
se connaissent. Tandis que là, ils n'osaient pas se
téléphoner, des choses comme ça... ». Cette
distance entre ministères était, en second lieu, accrue en
matière carcérale du fait du quasi-monopole exercé alors
par l'Administration pénitentiaire : « A l'époque
au ministère de la Santé, c'était le néant [...] En
tous cas, je puis assurer que pour eux [avenue de Ségur], comme pour le
commun des mortels, la prison était un monde étranger dans lequel
on ne pénétrait pas. C'était vraiment complètement
cloisonné », observe Myriam Ezratty1103(*). L'Administration
pénitentiaire était, enfin, elle-même en partie
coupée du reste de la Chancellerie du fait de son fonctionnement
spécifique. Ancienne chef de bureau à l'Education
surveillée, Myriam Ezratty connaissait alors très peu la DAP.
Les facteurs professionnels et institutionnels apparaissent
ainsi centraux durant les années soixante-dix dans l'organisation de la
médecine pénitentiaire et dans la difficulté à
réformer ce secteur d'action publique. C'est ce que confirme, en creux,
la réforme de la psychiatrie pénitentiaire. Traversé par
une dynamique de professionnalisation assez importante, ce domaine
bénéficie de soutiens extérieurs au sein du secteur
psychiatrique tout d'abord ainsi qu'au niveau ministériel. Tout d'abord,
même s'ils sont déconsidérés dans le secteur
hospitalier classique, les psychiatres pénitentiaires ont alors
accès à plusieurs revues où ils publient des articles sur
leurs conditions de travail, notamment du fait de problématiques
connexes entre l'hôpital psychiatrique et l'institution carcérale.
Des congrès ont lieu à ce sujet en dehors du contrôle
opéré par Solange Troisier lors des rencontres de médecine
pénitentiaire, et ce notamment avec l'aide des sociétés
savantes de criminologie où la psychiatrie pénitentiaire est bien
représentée. En second lieu, au niveau administratif, les
psychiatres travaillant en prison auraient trouvé un allié en la
personne de Marie-Rose Mamelet de la DGS. C'est ce soutien administratif qui
fait alors défaut aux médecins somatiques.
A l'encontre des facteurs professionnels et institutionnels,
les variables politiques et cognitives semblent en revanche durant cette
première configuration réformatrice de moindre importance.
Malgré la volonté des ministres de la Justice, Jean Lecanuet, et
de la Santé, Simone Veil, le projet d'une réforme de
l'organisation demeure alors largement « immergé »
au sein du circuit administratif. C'est, on l'a vu, au sein d'une
réunion de la DAP survenue le 28 novembre 1974, à laquelle
n'assistent aucun membre du ministère de la Santé, qu'est mis fin
à l'idée d'un transfert du personnel médical et ce, outre
les difficultés budgétaires, pour des raisons
sécuritaires1104(*). Aucun acteur politique ne s'empare alors de
l'organisation des soins en prison, et ce notamment en raison de l'emprise
exercée par Solange Troisier sur ce secteur.
La dimension cognitive apparaît également moins
centrale dans cette première configuration. L'idée de
« décloisonnement » remet certes en question la
politique adoptée jusque-là en matière
pénitentiaire. Deux obstacles limitent néanmoins sa
portée. Cette notion souffre tout d'abord d'une signification
très vague. Revendication professionnelle formulée par certains
médecins, le décloisonnement est également un concept
érigé au sein de la Société générale
des prisons comme un moyen destiné à re-légitimer l'action
de l'Administration pénitentiaire en sollicitant le recours aux autres
ministères. C'est ce flou définitionnel qui permet par exemple au
Médecin-inspecteur de présenter l'« ouverture de la
prison vers l'université », que concrétise la
création d'une chaire de médecine pénitentiaire, comme une
forme de « décloisonnement »1105(*). La
spécialisation de l'activité médicale en détention
a pourtant comme objectif d'éviter le transfert de l'organisation des
soins au ministère de la Santé. La promotion d'une
« médecine pénitentiaire » spécifique
par Solange Troisier s'inscrit ainsi à l'encontre de l'idée de
décloisonnement. Second obstacle, cette notion n'est endossée par
aucun acteur politique ou administratif d'envergure. Seule Hélène
Dorlhac de Borne semble s'y référer. Sans grande influence, la
secrétaire d'Etat à la condition pénitentiaire quitte ses
fonctions en août 1976 sans être remplacée.
La première configuration de réforme de la
médecine pénitentiaire est ainsi dominée par des variables
professionnelles et institutionnelles dont Solange Troisier est le principal
représentant. Cette période s'achève par un durcissement
de la politique carcérale. Confronté à une forte
opposition des gaullistes hostiles à toute
« libéralisation », le gouvernement ajoute à
la réforme pénitentiaire un volet plus sécuritaire sous la
forme des Quartiers de haute sécurité (QHS). Pierre Aymard,
directeur de l'Administration pénitentiaire depuis octobre 1976,
favorable à l'idée de décloisonnement1106(*), est renvoyé
suite à l'évasion de Jacques Mesrine et de François Besse
du QHS de la prison de La Santé en mai 19781107(*). Pour répondre
aux accusations de laxisme, Christian Dablanc, préfet décrit
comme un « homme à poigne », est nommé
à la tête de la Pénitentiaire (La Croix,
19/05/1978). Après la victoire de la droite aux législatives
de 1978, la notion de « dangerosité » apparaît
pour la première fois au coeur de la nouvelle politique pénale,
aboutissant à la loi du 22 novembre 1978 qui établit les peines
de sûreté et restreint les pouvoirs du juge de l'application des
peines. Lors d'un voyage aux Etats-Unis, Alain Peyrefitte propose sur ce
modèle de remettre en cause le sens de la peine tel qu'il avait
été défini depuis la Libération :
« Le but de la prison était de
réhabiliter l'homme et de le faire revenir dans la
société. Or, les Américains eux-mêmes, qui avaient
montré la voie, sont revenus sur ces idées
généreuses [...] Il n'est pas possible de transformer un homme
qui est en prison et qui a envie d'en sortir le plus vite possible en un homme
qui sera un individu sociable »1108(*).
L'idée de décloisonnement apparaît ainsi
largement à la fin des années soixante-dix reléguée
au second plan au profit de la mission sécuritaire. « Les
prisons ont pour rôle d'intimider et de neutraliser. Sauf cas
exceptionnel, elles ne peuvent pas rééduquer »,
soutient un célèbre Professeur de droit membre du Conseil
supérieur de la magistrature1109(*). La hausse du nombre de détenus (33.000
en 1979, 35.000 en 1980, 42.000 en 1981) se répercute sur l'ensemble des
conditions de vie qui se dégradent. Le taux de chômage en
détention atteint presque 35% entre 1975 et 1978 (contre 17,9% en 1970)
tandis que le nombre de suicides augmente. La répartition du budget de
la Justice pour l'année 1981 traduit les nouvelles priorités en
consacrant deux cents postes à la surveillance contre trente-huit aux
éducateurs : « Une fois de plus les
nécessités de la répression l'emportent sur celles de la
prévention » (LM, 23/09/1980).
La loi dite « sécurité et
liberté », votée le 2 février 1981, vient clore
cette période en rendant plus difficile l'octroi des permissions de
sortie et la libération conditionnelle. Dans son analyse, très
politisée, Marie-Pierre Le Nezet y voit une
« régression » de la politique
pénitentiaire : « Le choix est fait d'une politique de
répression, de mise à l'écart de nombreux
délinquants, le Syndicat de la magistrature accrédite le chiffre
de 70.000 détenus en 1983 si le pouvoir pratique une telle
politique »1110(*). Cette période sécuritaire prend
un terme avec l'alternance de 1981. Les idées de décloisonnement
et de droit des détenus, promues toutes deux durant les années
soixante-dix, guident désormais la politique carcérale conduite
par un groupe de magistrats militants issus du Syndicat de la magistrature.
Devenu un paradigme de la politique carcérale, le décloisonnement
ouvre la voie à une réforme de l'organisation des soins
annonçant la disparition de la médecine pénitentiaire en
tant que spécialité médicale.
SECONDE PARTIE
LA REMISE EN CAUSE D'UNE MEDECINE SPECIFIQUE :
UNE RECONFIGURATION COGNITIVE
INTRODUCTION DE LA SECONDE PARTIE
La notion de « décloisonnement »
apparaît après les révoltes survenue entre 1972 et 1974.
Elle peut être analysée, comme on l'a suggéré, comme
une « traduction », du point de vue des professionnels de
la prison et des sciences pénitentiaires, de la principale revendication
défendue au début des années soixante-dix par les
militants de la cause carcérale : mettre fin à la coupure entre
le dedans et le dehors qui condamnait à l'échec, selon eux, cette
institution initialement destinée à
« ré-insérer ». Décloisonner la prison
signifiait dès lors faire tomber les murs invisibles qui
empêchaient jusque-là que les détenus puissent jouir de
leurs droits, à l'exception de celui d'aller et venir. L'idée de
« décloisonnement » remet en question ainsi la
politique du « tour carcéral » qui était
jusque-là l'idéal de l'institution carcéral même si
dans les faits ce modèle était peu appliqué pour des
questions budgétaires1111(*). Bien qu'émergente, la notion de
décloisonnement produit cependant peu d'effets durant les années
soixante-dix parce que sa définition fait débat et parce qu'elle
n'est endossée par aucun acteur politique important.
Parmi les différents modèles existants en
analyse des politiques publiques, les approches cognitives ont connu un
important essor depuis la fin des années quatre-vingt. Contrairement
à l'analyse séquentielle, elles ont pour particularité de
considérer que les politiques publiques constituent moins la solution
apportée par les gouvernants à un problème initial qu'un
changement de sens et de représentation d'une question
spécifique : « Faire une politique publique, ce n'est donc pas
«résoudre» un problème, mais construire une nouvelle
représentation des problèmes qui met en place les conditions
socio-politiques de leur traitement par la société, et structure
par là même l'action de l'Etat »1112(*). Les différents
modèles que recouvre cette approche ont pour point commun de
considérer qu'il existe des principes abstraits caractérisant une
« vision du monde » pouvant être
déclinée en normes orientant concrètement les
décisions publiques1113(*). Cette seconde « strate cognitive et
normative » conduit, enfin, à mobiliser certains modes d'action et
instruments plutôt que d'autres1114(*).
L'idée de
« décloisonnement » semble pouvoir être
analysée au prisme de l'approche cognitive. Elle s'apparente, en effet,
à une représentation globale selon laquelle les institutions
publiques ne pourraient pas fonctionner de manière repliée
à l'égard du social. Le décloisonnement serait ainsi la
déclinaison au niveau de l'action publique d'une revendication militante
apparue durant les « années 68 » et dont serait en
partie né le mouvement de contestation de la prison apparu au
début des années soixante-dix.
Le décloisonnement peut ainsi être
interprété au prisme du modèle développé par
Peter Hall en termes de paradigmes1115(*). A partir du modèle
développé par Thomas Kuhn en matière de révolution
scientifique, Peter Hall propose de comprendre comment évolue la
« matrice cognitive et normative », constituée des
idées et normes à partir desquelles agissent les
décideurs. Selon lui, le changement des politiques publiques doit
être différencié selon sa nature. En période «
normale » se produisent uniquement des ajustements qui portent sur
l'utilisation des instruments (premier ordre) ou le choix des instruments
(second ordre), sans remettre en question le but guidant l'action publique
(troisième ordre). Si les problèmes persistent, en particulier
lorsque d'autres façons de faire et de penser existent sous la forme
d'un stock de diagnostics alternatifs, un changement de politique de
troisième ordre est alors possible. A l'image d'une révolution
scientifique, les acteurs adopteraient dès lors de nouvelles
« lunettes » leur permettant d'adopter un regard neuf sur
le sujet en question. On assisterait ainsi à l'émergence d'un
nouveau paradigme pouvant être défini comme un système de
croyances, d'explications et de solutions mis en oeuvre par les gouvernants
dans la conduite des politiques publiques. Il existe par conséquent une
différence de nature entre les changements de premier ou de second ordre
et un changement de troisième ordre :
« First and second order change can be seen as
cases of »normal policymaking», namely of a process that adjusts
policy without challenging the overall terms of a given policy paradigm, much
like «normal science». Third order change, by contrast, is likely to
reflect a very different process, marked by the radical changes in the
overarching terms of policy discourse associated with »a paradigm
shift» »1116(*).
Le modèle paradigmatique de Peter Hall semble pertinent
en matière de politique carcérale. Le paradigme du
« tout-carcéral » visait à transformer le
détenu. A l'aide des nouvelles sciences, telle la criminologie, le
ministère de la Justice souhaiterait faire du détenu un homme
nouveau. A l'inverse, avec l'idée de décloisonnement,
l'institution pénitentiaire ne prétend plus désormais
transformer le détenu et le réinsérer mais se contente de
manière plus pragmatique de limiter au mieux les dommages causés
par l'incarcération. La prison est réduite à un rôle
de mise à l'écart des déviances et les droits de la
personne humaine s'autonomisent progressivement de l'idée de sanction.
Le but guidant l'action publique n'est désormais plus le même. La
politique de décloisonnement ne traduirait donc pas seulement le choix
de nouveaux instruments (encellulement individuel ou collectif, place
accordé au travail, recours à l'instruction, etc.) ou un autre
usage de ceux-ci mais bien une réorientation de l'action publique. Comme
le suggère Peter Hall, la portée de ce changement est manifeste
à travers le nouveau vocabulaire usité en la matière, le
terme « détenu » se substituant par exemple à
celui de « prisonnier ». Les déclarations faites par
le nouveau garde des Sceaux tranchent alors radicalement avec celle de ces
prédécesseurs et notamment d'Alain Peyrefitte :
« Le cinéma n'est que l'une des
nombreuses activités culturelles que l'administration
pénitentiaire entend promouvoir, avec le théâtre, la
musique, la lecture, les arts plastiques, afin de donner à la vie du
détenu sa dimension culturelle, propice à favoriser son
épanouissement personnel »1117(*).
Ce changement de paradigme n'est bien sûr pas brutal.
S'inspirant des travaux de Peter Hall, M. Howlett et M. Ramesh ont
distingué six étapes permettant de mieux comprendre comment le
paradigme du décloisonnement s'est imposé1118(*). Après une
période « normale » caractérisée par
la stabilité, plusieurs « anomalies » surviennent.
Les révoltes et la contestation dont fit l'objet l'Administration
pénitentiaire ont ainsi conduit à remettre en cause le paradigme
du « tout-carcéral ». S'engage alors une phase
d'« expérimentation », où le paradigme est
amendé sans pour autant disparaître. Les différentes
tentatives d'ouverture, notamment en matière de santé,
témoignent de l'insatisfaction exprimée par de nombreux
professionnels pénitentiaires à l'égard d'un
système trop « cloisonné ». Au terme d'une
phase de contestation le nouveau paradigme est, enfin,
institutionnalisé.
Le modèle paradigmatique n'est pas incompatible, par
conséquent, avec un changement de type incrémental. C'est ainsi
que la notion de « décloisonnement » semble
progressivement se diffuser au sein de l'Administration pénitentiaire
durant la seconde moitié des années soixante-dix1119(*). En attestent les
propos de ce magistrat arrivé à la DAP en mars 1981 :
« Alors, il y avait un autre concept qu'on utilisait, qui
était bien antérieur je crois mais qu'on utilisait. Il courait
comme ça un petit peu. C'est la notion de décloisonnement [...]
C'était quelque chose dont on parlait dans les
bureaux »1120(*).
Cette diffusion n'a pas lieu de manière
éthérée car l'émergence d'un nouveau paradigme
n'est pas désincarnée. Concilier changements incrémental
et paradigmatique implique ainsi de souligner le rôle des acteurs ayant
endossé ces nouvelles croyances et leurs intérêts
respectifs. En effet, comme le souligne Pascale Laborier, « rien
n'indique que des transformations éventuelles soient imputables à
un changement de paradigme, faisant d'une idéologie la cause
d'un nouveau programme »1121(*). Il s'agit, une nouvelle fois, de ne pas arbitrer
a priori entre « intérêts » et
« idées » mais de s'interroger simultanément
sur ces deux dimensions. Si les acteurs se réfèrent à la
notion de « décloisonnement », c'est autant par
conviction que parce que cette idée vient légitimer leurs prises
de position.
La diffusion du paradigme de décloisonnement,
initiée dans les années soixante-dix, s'est brusquement
accélérée avec l'accession de la gauche au pouvoir en
1981. Les alternances politiques représentent en effet un moment
particulièrement propice à un changement de
paradigme1122(*). Les propos du nouveau Conseiller technique du
garde des Sceaux attestent du regard radicalement différent
désormais porté sur la question de la prise en charge sanitaire
des détenus :
« Quand je suis arrivé au
ministère [de la Justice] en tant que Conseiller technique [sur les
prisons] et que je leur ai demandé les projets qu'ils avaient
[l'Administration pénitentiaire] en matière de santé... Il
n'y avait rien ! Et j'ai conservé le projet de note qui avait
été faite par l'Administration... Je l'ai conservé pour
l'histoire parce que... C'était nul ! Y avait rien ! Je veux
dire par là que l'Administration pénitentiaire n'avait pas
l'ombre d'une idée sur la question. Et vous verriez la note et celle qui
fut signée par le ministre après que je l'ai corrigée...
Ce sont deux choses complètement différentes ! Dans un cas,
on mégotait je ne sais pas quoi... toujours en interne ! Et dans
l'autre, c'est l'ouverture complète ! C'est le processus de
décloisonnement qui est entamé. Et après l'Administration
a suivi mais au début il n'y avait rien. Moi, je n'avais pas non plus en
tête un projet spécialement défini mais tout de même
l'idée de départ c'était d'ouvrir, c'est ce qu'on a
appelé le décloisonnement »1123(*).
Ainsi la seconde partie de la thèse s'attache à
souligner les logiques ayant permis au cours des années quatre-vingt la
remise en cause de cette médecine spécifique mais
stigmatisée par le biais d'une reconfiguration cognitive de la politique
carcérale axée autour de l'idée de décloisonnement,
entendue comme une ouverture vers d'autres partenaires institutionnels.
En favorisant l'accès à la décision
à des magistrats-militants, issus du Syndicat de la magistrature,
porteurs d'une nouvelle représentation de la prison mais aussi à
une « communauté épistémique
réformatrice » intitulée COSYPE, l'alternance de 1981
marque un tournant pour la politique pénitentiaire, notamment en
matière d'organisation des soins. Ces professionnels-militants,
travaillant en lien avec la prison pour la plupart depuis les années
soixante-dix, souhaitent avant tout mettre en oeuvre l'idée de
décloisonnement formulée pendant le septennat
précédent mais dont la mise en oeuvre avait été
décevante. La mise à mal du « cloisonnement »
qui caractérisait jusqu'alors l'organisation des soins devient l'un des
enjeux de cette nouvelle politique menée sous l'égide de Robert
Badinter et de son Conseiller technique, Jean Favard. L'implication du
Médecin-inspecteur dans un scandale judiciaire et la dénonciation
publique de la médecine pénitentiaire par un Professeur
hospitalier reconnu en 1982-1983 constituèrent autant de
« fenêtres d'opportunité » légitimant
un nouveau dispositif. Ils permirent le transfert de l'inspection
médicale dans les prisons à l'Inspection générale
des affaires sociales (IGAS) et aux Médecins-inspecteurs de santé
publique (Chapitre 4).
Placée sous le contrôle du ministère de la
Santé, la prise en charge médicale des détenus se
rapproche progressivement des standards du système national de
santé. Certaines spécificités subsistent néanmoins,
traduisant la persistance d'une autonomie de l'Administration
pénitentiaire à l'égard du reste du système
administratif français. La délégation de la santé
à des groupements privés opérée à la fin des
années quatre-vingt dans le cadre des prisons à
« gestion mixte » marque l'achèvement du monopole,
déjà ébranlé, exercé par l'Administration
sur l'organisation des soins. Pensé à l'origine par Albin
Chalandon, en matière de santé, comme un moyen d'échapper
au transfert de la médecine pénitentiaire au ministère de
la Santé, le « Programme 13.000 » places est mis en
oeuvre en 1988 par les magistrats-militants arrivés en 1981 qui y sont
idéologiquement opposés. Ces derniers en détournent alors
la signification première afin d'en faire une étape
supplémentaire dans le décloisonnement de l'organisation des
soins. Pour la première fois s'exerce dans quelques
établissements une médecine non-pénitentiaire (Chapitre
5).
Au même moment, le développement du sida est un
argument de poids en faveur d'une réforme de la prise en charge
médicale des détenus. Il est mis à profit par les
mêmes magistrats-militants favorables à un rapprochement avec le
ministère de la Santé qui réussissent alors à faire
adopter une première intervention des praticiens hospitaliers en milieu
carcéral en matière de prise en charge du sida.
L'épidémie contribue d'autre part à aggraver les
conditions de travail des soignants exerçant en milieu
pénitentiaire. Un segment de praticiens réfractaires à
l'idée d'une médecine spécifique se forme et demande soit
à titre individuel soit à titre collectif, via une association,
leur rattachement au ministère de la Santé (Chapitre 6).
Ainsi, bien qu'elle puise ses origines dans le mouvement de
remise en cause de l'institution pénitentiaire qui a lieu dans les
années soixante-dix, la reconfiguration cognitive des politiques
carcérales qui s'opère sous le nom de
« décloisonnement » produit l'essentiel de ses
effets à partir des années quatre-vingt du fait de l'alternance.
En matière d'organisation des soins aux détenus, la loi du 18
janvier 1994 en est le terme final.
CHAPITRE 4. LES «FENETRES
D'OPPORTUNITE» DE REFORME DE LA MEDECINE PENITENTIAIRE
On propose dans ce chapitre de retracer les logiques ayant
permis l'inscription de la réforme de la réforme
pénitentiaire au début des années quatre-vingt. Celle-ci
doit moins être entendue comme la réponse rationnelle à un
problème, pourtant réel, que la rencontre fortuite entre certains
événements ayant posé problèmes, certains
professionnels porteurs de solutions et certains décideurs politiques
acceptant de les mettre en oeuvre. Ce modèle d'analyse correspond ainsi
au modèle d'analyse de la décision défendu par John W.
Kingdom.
Longtemps considérées comme la résolution
d'un problème, les réformes ont été
problématisées au cours des années soixante-dix comme des
réponses aléatoires, les décisions cessant dès lors
d'être pensées selon un schéma
linéaire1124(*). Plus que la réponse rationnelle
à un problème, les solutions seraient ainsi avant tout « le
produit de quelqu'un »1125(*). Si elles échappent à un
modèle déterministe, les réformes n'en sont pas pour
autant purement fortuites et correspondent à des conditions de
possibilité que la sociologie s'est depuis efforcée de
définir, permettant ainsi d'échapper, soulignent Yves Mény
et Jean-Claude Thoenig, à la fausse alternative du « hasard et
de nécessité »1126(*).
Refusant de considérer que la décision politique
n'obéit à aucune règle stable, John W. Kingdom
élabore, selon ses termes, une « version
révisée » du modèle du « garbage
can » 1127(*). Comparant la mise sur agenda d'une
réforme au lancement d'une mission spatiale, qui ne peut partir qu'au
moment, très restreint, où les planètes sont
alignées, ce dernier propose la notion de « fenêtre
d'opportunité » (policy window). Définies
comme l'« opportunité pour les défenseurs de propositions de
pousser leurs solutions préférées, ou de porter
l'attention sur leurs problèmes particuliers »1128(*), ces fenêtres
naissent de la rencontre fortuite entre trois « courants »
(problèmes, solutions, opportunités politiques) possédant
chacun un développement autonome : « Les problèmes
sont identifiés et définis selon des motivations et des
critères propres à ce courant, qu'il y ait ou non des solutions
aux problèmes et que ces problèmes soient ou non sensibles
à des considérations politiques »1129(*).
L'ouverture de cette « fenêtre
politique », c'est-à-dire le « couplage »
entre une solution et un problème, peut-être le fait de
l'irruption d'un événement politique (political window)
ou d'un nouveau problème (problem window)1130(*). L'inscription sur
l'agenda de la réforme de la médecine pénitentiaire
répond à ces deux logiques. L'alternance politique favorise,
à travers l'arrivée au pouvoir de magistrats-militants du
Syndicat de la magistrature, une nouvelle interprétation des
problèmes pénitentiaires, permettant à une
« communauté épistémique
réformatrice » d'accéder à l'agenda
décisionnel (Section 1). La multiplication de
« scandales » impliquant plusieurs praticiens
exerçant en prison, et notamment Solange Troisier, légitime
d'autre part la suppression du poste de Médecin-inspecteur et le
contrôle du transfert médical au ministère de la
Santé (Section 2).
Section 1 - L'alternance de mai
1981 : les conditions d'une transformation de l'action
pénitentiaire
« Lors de son arrivée place
Vendôme, M. Robert Badinter croyait connaître clairement les
raisons du surpeuplement des établissements pénitentiaires, et
par conséquent ses remèdes. Le surpeuplement était
l'héritage d'un passé révolu, le legs d'une droite au
pouvoir depuis des décennies. S'il y avait tant de détenus,
c'était d'abord parce que trop de prévenus étaient
maintenus en prison avant jugement, ou parce que trop de délinquants
étaient condamnés à la prison ferme, ou encore parce que
les peines de substitution n'étaient pas suffisamment utilisées.
Le remède était simple : il suffisait de faire le contraire
de ce qui avait été fait jusqu'alors.
Quatre ans après, confronté à la
réalité des choses, force est de constater que la situation est
fort différente de celle qui avait été imaginée. La
proportion des véritables prévenus, c'est-à-dire les
prévenus non encore jugés, est loin d'être aussi importante
qu'on le pensait. La réponse massive des tribunaux à la
délinquance n'est pas la prison mais, à plus de 80%, le sursis et
l'amende. Les peines nouvelles instituées peuvent constituer un
substitut fort naturel à l'amende et au sursis, mais elles ne semblent
pouvoir remplacer la détention que dans une proportion assez
limitée. Aussi est-il normal que le chiffre des détenus,
après la déflation de 1981, ait retrouvé rapidement le
même niveau qu'auparavant et l'ait même
dépassé »1131(*).
La victoire de la gauche à l'élection
présidentielle est interprétée par de nombreux acteurs du
secteur judiciaire, tel le Syndicat de la magistrature, comme l'occasion de
remettre en cause de façon radicale la politique
« sécuritaire » d'Alain Peyrefitte. Cette
réorientation était d'autant plus probable que les alternances
politiques caractérisées par un large mandat et un contexte de
« crise », comme ce fut le cas en 1981, offrent aux
gouvernements l'opportunité de mettre en oeuvre des réformes de
forte ampleur1132(*). « Disposant de moyens
écrasants, le nouveau gouvernement était également
convaincu, comme cela était prévisible, d'avoir reçu
l'autorisation indubitable d'agir », remarque John Keeler au sujet de
l'alternance de 1981 considérée comme une « assez
grande fenêtre » politique1133(*). Largement
inattendue, la victoire de la gauche représentait un
« état de grâce », selon l'expression de
François Mitterrand, « assez fort pour que la gauche
elle-même vécût son accession au pouvoir comme une sorte de
miracle, qui risquait de ne pas durer, et imposait ainsi de faire le maximum de
choses en un minimum de temps avec, en permanence, un sentiment
d'urgence »1134(*).
Pourtant, le « tournant » de 1981 affecte
en apparence assez peu la politique pénitentiaire. Comme le remarque le
Syndicat de la magistrature, la politique du gouvernement socialiste en
matière carcérale demeure guidée par le principe
formulé dès 1974 par Giscard : « L'emprisonnement
est une privation de la liberté et rien
d'autre »1135(*). Mais surtout, le volontarisme du garde des
Sceaux se heurte à l'inertie d'un secteur d'action publique
frappé par de nombreuses contraintes, notamment syndicales. Les
principales transformations opérées en 1981 ne concernent pas
tant le milieu politique que les décideurs administratifs.
L'arrivée de décideurs ministériels (directeur de cabinet,
Conseiller technique, chef de bureau) membres du Syndicat de la magistrature au
ministère de la Justice favorise en effet une nouvelle
représentation de la question carcérale (1). Une
« communauté épistémique
réformatrice », baptisée Coordination syndicale
pénale (COSYPE), tente alors d'infléchir la politique de Robert
Badinter, auprès de qui elle bénéfice d'un accès
privilégié, en faveur d'un
« décloisonnement » du statut des professionnels
intervenant en milieu pénitentiaire, notamment en matière de
santé (2).
1. La gauche face aux
prisons : le poids des contraintes carcérales et le renouvellement
des hommes
« L'acharnement suspect de l'opposition contre
le Garde des Sceaux Robert Badinter, au début de son mandat, a
baissé en intensité. Pourtant, le ministre, réformiste,
est bloqué par la faiblesse politique et parfois théorique de la
gauche [...] Alors... Amnistie aujourd'hui pour les condamnés à
de courtes peines, afin de désengorger les prisons ? Vous
êtes laxiste. Révoltes dans les prisons ? Vous manquez
d'autorité. Bientôt plus de 50.000 détenus dans les prisons
françaises ? Vous avez accru la délinquance et la
criminalité. Construire de nouvelles prisons ? Les communes
-c'est-à-dire l'opinion- sont les premières à se rebiffer
et à refuser. Simplement 2.000 places de plus ? Ridiculement
insuffisant. Réinsérer, éduquer quand même ?
Générosité dérisoire, vouée à
l'échec. Les prisons pourrissoirs ont encore de beaux jours devant
elles »1136(*).
L'élection de François Mitterrand le 10 mai 1981
à 20h est accueillie dans les établissements
pénitentiaires par une immense clameur qui traduit les nombreuses
attentes de la population pénale. Le nombre de détenus,
quarante-deux mille, n'a jamais été aussi élevé
depuis la Libération (LM, 16/05/1981). « L'alternance
avait fait naître en juin 1981 une effervescence formidable dans les
prisons. On considérait qu'elle signifiait que des mesures
immédiates et très fortes allaient être prises s'agissant
des prisons », note a posteriori Robert
Badinter1137(*). Pourtant l'institution carcérale est
quasi-absente des cent dix propositions formulées par le candidat
socialiste à la Présidence de la République1138(*). Très vite des
détenus protestent en vue d'une transformation de leurs conditions de
vie. Libération y voit un phénomène similaire
à la vague de contestation apparue au début des années
soixante-dix : « On se croirait en 1974 après l'arrivée
de Giscard au pouvoir. Les prisons frissonnent et rien ne permet de penser
qu'elles n'exploseront pas comme en 1974 [...] Ainsi, l'univers carcéral
reste l'un des rares endroits où l'on n'a pas senti passer la
"grâce socialiste" » (Libération, 5/07/1981).
Alors que les mouvements de détenus se multiplient et que de nombreuses
voix demandent l'adoption d'une réforme du système pénal
et carcéral, dont Michel Foucault1139(*), François
Mitterrand nomme comme garde des Sceaux Robert Badinter, symbole alors de
l'abolition de la peine de mort mais aussi très favorable à une
humanisation des conditions de détention1140(*) :
« J'étais arrivé à la
Chancellerie avec des idées claires sur les prisons. Elles ne
procédaient pas seulement de cette longue fréquentation des
établissements pénitentiaires, ni de mes entretiens avec
surveillants et détenus. J'avais pris part au débat intellectuel
des années 1970, je connaissais Michel Foucault, j'avais suivi avec
attention les évènements de 1974 dans les Centrales et les
réformes introduites par M. Schmelck. Je ne partageais pas l'utopie de
l'abolition prochaine de la prison. Mais je mesurais lucidement les effets
nocifs de celle-ci » 1141(*).
Le ministre de la Justice annonce le 9 juillet des mesures
destinées à résoudre une situation jugée
« explosive ». Outre l'abrogation de la peine capitale, de
la de la Cour de sûreté et de la loi Sécurité et
Liberté, le ministre de la Justice promet une moindre
incarcération des mineurs et la création de tribunaux de
l'exécution des peines1142(*). Afin de résoudre le problème
pénitentiaire, le gouvernement socialiste a recours à une
politique déflationniste. Sous l'effet de plusieurs mesures, les prisons
françaises ne comptent plus au 1er octobre 1981 que 29.000
détenus, soit 40% de moins qu'au 1er juin :
« C'était le plus bas niveau de population
pénitentiaire depuis 1927! Tout risque d'explosion carcérale
était conjuré »1143(*).
Robert Badinter consacre cependant les premiers mois de son
mandat à la mesure phare pour laquelle François Mitterrand a fait
appel à lui. Les craintes nées au sein de l'opinion lors de
l'abolition de la peine de mort, adoptée le 9 octobre 1981, auraient
cependant selon ce médecin pénitentiaire été un
obstacle à la réforme des conditions de
détention :
« Robert Badinter avait eu la maladresse
stratégique de faire abolir la peine de mort en début de mandat.
Si vous voulez, 81, Badinter arrive et la peine de mort n'est plus
appliquée depuis longtemps. Ça a été un des
thèmes des élections et il en a fait la priorité des
priorités à titre de symbole. Ce que je peux comprendre. Ceci dit
il n'y avait pas d'urgence, l'opinion publique était opposée. Il
eut mieux valu la faire passer en fin de mandat. Il l'a fait passer
d'entrée et ça a bloqué tout le
reste »1144(*).
Le garde des Sceaux est en effet prudent en matière de
réforme du régime carcéral où il tient à
prendre en compte l'avis du personnel pénitentiaire, méfiant
à l'égard du nouveau gouvernement. « L'espoir de la
population pénale [est] à la mesure des inquiétudes
nées chez le personnel », souligne un haut fonctionnaire de la
DAP (LM, 20/06/1981). Les surveillants sont notamment très
défavorables à la suppression des QHS. C'est dans ces conditions
que Robert Badinter nomme Yvan Zakine, jusqu'alors à la tête de
l'Education surveillée, en tant que directeur de l'Administration
pénitentiaire. Affecté une première fois à la DAP
à sa sortie de l'ENM en 1964, Yvan Zakine connait bien cette direction
ministérielle. Confronté à une forte défiance de la
Pénitentiaire à son encontre, Robert Badinter choisit de
conserver ce directeur pourtant nommé par Alain
Peyrefitte1145(*):
« Badinter est nommé garde des Sceaux et,
pour diverses raisons, alors que moi je m'attendais à être
remercié et repartir dans mes pénates, dans le grand
chamboulement de 81, il m'a dit : "Ecoutez, la Pénitentiaire est
dans une période un peu difficile, tendue, elle est compliquée".
Bon lui-même, d'ailleurs, n'a pas été accueilli à
bras ouverts par le personnel pénitentiaire. Pour eux, c'était
l'homme de l'affaire Buffet-Bontemps. Il les avait beaucoup critiqués.
Pour sauver la tête de son client, il a été contraint de
charger un petit peu le personnel pénitentiaire en disant : "S'ils
sont devenus des fauves, des machins, c'est parce qu'on les a...". Alors vous
comprenez que l'Administration pénitentiaire était loin
d'être enchantée de voir Robert Badinter arriver comme garde des
Sceaux.
Donc, dans une sorte de décision d'apaisement et
pour rassurer le personnel, Badinter m'a demandé de prendre en charge la
Pénitentiaire en juillet 81 [...] J'ai été directeur de la
Pénitentiaire uniquement parce que j'étais un magistrat
connaissant cette administration à un moment où le garde des
Sceaux était un peu... un peu gêné pour se faire admettre.
"Les syndicats vous connaissent, les directeurs vous connaissent, etc. ".
Il avait sondé quelques chefs d'établissements pour savoir... Et
il ne se voyait pas balancer un directeur que personne ne connaissait. En plus,
il m'avait dit : "Je ne peux pas me payer le luxe de prendre un directeur
qui a besoin de six mois pour faire l'état des lieux". Parce que quand
Badinter est devenu garde des Sceaux, vous savez, ça n'était pas
l'euphorie dans le monde carcéral. Chez les surveillants... Moi, j'avais
quitté depuis quelques années mais j'avais gardé des
relations avec nombre de chefs d'établissements que j'avais connus
jeunes sous-directeurs et qui avaient pris du galon »1146(*).
Aux nouvelles protestations de détenus répond en
avril 1982 une grève des personnels pénitentiaires1147(*). « Il est
parfaitement anormal que des détenus qui étaient hier
considérés comme très dangereux, et qui l'étaient
effectivement, se retrouvent aujourd'hui dans des prisons qui ressemblent plus
à des maisons de repos qu'à des établissements
pénitentiaires », déclare le responsable de la CGT
pénitentiaire (France Soir, 11/04/1982). Après une phase
d'affrontement entre les syndicats et la place Vendôme1148(*), les relations
s'apaisent, suite à l'échec du mouvement de grève
lancé symboliquement le 10 mai 1982 (Libération,
11/05/1982). Les rapports entre les syndicats et le ministère se
stabilisent à mesure que l'hégémonie de F.O,
initiée au début des années soixante-dix, se confirme lors
des élections professionnelles1149(*). Le syndicat recueille en effet 46,5% des
suffrages en 1982 puis 50,2% en 1985. Ces excellents résultats lui
permettent de renforcer sa présence au sein des structures
ministérielles et d'instaurer une politique de cogestion avec
l'Administration pénitentiaire. Soucieux des syndicats, Robert Badinter
fait de la valorisation de la profession de surveillant la condition de
transformation de la détention, aboutissant ainsi à rendre les
syndicats moins hostiles aux réformes1150(*).
Outre cette opposition syndicale, l'action du nouveau garde
des Sceaux en matière de politique carcérale se heurte à
une opinion très défavorable, empêchant le ministre
d'engager une grande réforme pénitentiaire. En atteste une longue
interview de Robert Badinter où cette question n'est pas abordée
alors même qu'elle fait l'objet d'une forte médiatisation
(LM, 28/08/1981). En dépit de la diminution de la population
carcérale, les conditions d'incarcération sont en effet largement
décriées au sein de l'espace public. « Elles n'en
demeurent pas moins, pour la plupart, inadaptées à ce qu'on
imagine aujourd'hui comme une détention décente », note
Le Monde (31/10/1981). Libération s'avère
très critique envers le ministre de la Justice à qui il reproche
de « se réfugier derrière le personnel
pénitentiaire et la sécurité » (10/07/1981).
Un groupe de magistrats et d'avocats socialistes saisit le
garde des Sceaux tandis qu'un collectif « système
pénitentiaire » du P.S, réunissant outre des membres de
la DAP, des magistrats, des avocats et des sociologues, remet en juin 1981 une
note à Lionel Jospin, premier secrétaire du parti, dans laquelle
ils jugent les tensions dans les prisons
« préoccupantes » (LM, 20/06/1981). Plus
d'un an après, Libération dresse un sombre bilan de
l'action du ministre de la Justice sur l'évolution des conditions de
détention : « 10 mai ou pas 10 mai, une cellule reste une
cellule [...] Badinter ou pas Badinter, une prison reste une prison »
(8/11/1982). Si les réformes tardent à prendre forme, c'est
notamment en raison de la méthode adoptée par le garde des Sceaux
à qui le directeur de l'Administration pénitentiaire
suggère d'établir une commission de travail permettant
d'élaborer un lent consensus :
« Badinter m'avait dit : "Ecoutez, y a une
série de choses que j'aimerais bien qu'on puisse mettre en place". La
télévision, les parloirs rapprochés... Quand il m'a dit
cela. "Ecoutez, c'est dans ma tête". Moi, ça, j'en étais
convaincu. Il a une tête tellement bien faite que j'étais
convaincu. Je lui ai dit : "Non, on va d'abord mettre en place une
commission ou un groupe de travail ... Il faut qu'on recueille
l'adhésion". Parce que c'est facile de torpiller n'importe quelle
réforme pénitentiaire. Il faut que vous ayez un personnel qui
adhère. Précisément, la connaissance que j'avais de ce
personnel faisait que j'étais vraiment dans une relation de confiance
avec certains d'entre eux. J'ai commencé à leur vendre ma
marchandise. On a amené progressivement les gens à
réfléchir » 1151(*).
L'objectif de cette commission, qui réunit une
vingtaine de spécialistes pendant un an, est moins de conférer un
statut juridique aux détenus que d'effectuer des transformations
concrètes de leur vie quotidienne, comme le souligne Yvan Zakine devant
la Société générale des prisons
(SGP)1152(*).
Au terme de ce travail, en décembre 1982, le garde des Sceaux annonce un
ensemble de mesures dont les parloirs sans séparations,
l'amélioration de la condition du détenu et le
développement d'activités socioculturelles ou sportives
(Libération, 13/12/1982). Plusieurs propositions de la
commission sont cependant écartées comme la judiciarisation du
prétoire, la syndicalisation des détenus et la reconnaissance des
droits des détenus, (Libération, 14/12/1982). Alors que
la population pénale s'accroît, les journaux sont critiques sur
ces réformes « au demeurant fort banales et [...] pour nombre
d'entre elles, tardives, au regard de ce qui existe dans d'autres
démocraties » (LM, 21/01/1983).
Libération regrette la timidité du ministre face
à l'« incontournable "impératif sécuritaire"
brandi par le "lobby pénitentiaire" comme un
épouvantail » (17/12/1982). « L'utilisation du
téléphone, (encore très limitée), la suppression de
la tenue pénale (sauf souhait contraire du détenu), l'abolition
de l'interdiction de fumer à titre de sanction disciplinaire, ne sont
que des adaptations minimales de la vie carcérale à la
société contemporaine », constate Le Monde
(15/12/1982). Les propositions considérées comme les plus
risquées demeurent au stade d'hypothèse. On évoque par
exemple la possibilité de créer des « chambres
d'amour » (LM, 9/08/1984) ou de reconnaître aux
détenus le « droit de s'associer »1153(*).
Cette réforme est également
décriée par la population carcérale : quarante-et-un
détenus s'automutilent collectivement à
Fleury-Mérogis1154(*). Les protestations se multiplient en faveur de
l'application immédiate des mesures promises, et notamment l'extension
des parloirs « libres » (sans
séparations)1155(*). Des détenus exigent une
« réforme radicale de la prison »1156(*). On peut lire sur la
banderole des mutins de Marseille le mot d'ordre de la nouvelle politique
pénitentiaire : « Humaniser les prisons »
(Témoignage chrétien, 31/01/1983). A l'insatisfaction
des détenus s'ajoute celle des syndicats pénitentiaires qui
regrettent une libéralisation trop poussée des
parloirs1157(*). La fédération CGT Justice
demande la démission des « conseillers de Robert Badinter,
tous membres du Syndicat de la magistrature »
(LM, 26/01/1983). De son côté, la Ligue des droits
de l'homme critique l'absence de changement concret du fait des pressions
exercées par les syndicats : « Appliqués avec autant de
mauvaise volonté, les décrets de janvier 83, déjà
timides par rapport à ce que les détenus attendaient, ne vont pas
révolutionner la vie quotidienne dans les prisons »
(Libération, 25/04/1983).
La Chancellerie procède en avril 1983 à un
important remaniement en nommant Myriam Ezratty, directrice de l'Education
surveillée, en remplacement d'Ivan Zakine. Plus militante que son
prédécesseur, Myriam Ezratty accepte la proposition du garde des
Sceaux avec beaucoup d'hésitations car elle sait que la DAP dispose d'un
état d'esprit très différent de celui de l'Education
surveillée dont elle avait une bonne connaissance y ayant
travaillé en tant que chef de Bureau1158(*). Outre l'argument
qu'elle est la première femme à occuper cette position, elle
accepte car elle sait qu'il s'agit alors de mettre en oeuvre la politique de
« décloisonnement » dont elle est une fervente
partisante :
« Autant l'Education surveillée, on avait
réussi à ouvrir sur le monde extérieur... Le but
était d'ouvrir la Pénitentiaire de son état
d'espèce d'enfermement, y compris celui des surveillants. Il n'y avait
rien de comparable avec l'Education surveillée. Même les relations
avec les syndicats à l'Education surveillée c'était du
psychodrame. Je les connaissais extrêmement bien puisque j'avais
été chef de Bureau. Je ne dis pas que ça n'était
pas sérieux mais on pouvait avoir un langage réciproque. A
l'Administration pénitentiaire, il n'y avait rien de tel. C'était
une administration comme l'armée. L'Education surveillée,
c'était un peu le désordre... On privilégiait la
créativité, les contacts et c'est ça d'ailleurs qui
était passionnant. On y croyait tous. On allait sur le terrain ce qui
était simple. Tandis que pour rentrer dans les prisons... [...]
Très honnêtement, je ne connaissais pas le milieu et c'est pour
cela que j'avais refusé les deux premières fois d'aller prendre
cela [la direction de la DAP]. Ça n'était pas la peur. Un de mes
collègues m'avait dit : "Mais vous êtes folle Myriam" quand
je lui avais dit que je quittais l'E.S et je lui avais répondu :
"Oui je suis folle !" [...] Je suis vraiment arrivée en cours de
route. Mais si j'ai tant aimé être dans le bateau, c'est parce
qu'il allait dans le sens de mes idées » 1159(*).
A l'arrivée de Myriam Ezratty, mouvements de
révoltes et de grèves s'enchaînent de façon
régulière. Dans une période de restriction
budgétaire, les syndicats exigent la création de nouveaux emplois
notamment pour faire face à l'augmentation de 14% de la population
carcérale entre le 1er août 1982 et le 1er
août 1983 (LM, 15/06/1983 et 28/08/1983). L'Administration
pénitentiaire bénéficie pourtant alors largement des
augmentations de budget avec sept cent quatre-vingt-dix postes
créés en 1982, quatre cents postes en 1984, trois cents en 1985.
« Si l'administration pénitentiaire se taille la part du lion,
c'est que la situation dans les prisons est devenue critique. De l'avis
général, c'est un miracle qu'il n'y ait pas plus d'incidents
actuellement » (LM, 15/09/1984). En octobre 1984, des
grèves de la faim collectives éclatent dans de nombreux
établissements ainsi que des « grèves des
écrous » de la part des surveillants1160(*). La politique de
Robert Badinter est alors largement critiquée par la presse. «
L'actuel garde des Sceaux n'a évidemment pas fait le maximum pour les
détenus, mais le minimum. Comment aurait pu-t-il en être autrement
avec le peu de crédits dont bénéficie le ministère
de la Justice ? », observe Libération
(4/10/1984). Dans deux articles intitulés « L'échec de
la politique carcérale française », Le Figaro
juge sévèrement l'action de Robert Badinter : « La
réforme trop humaine du garde des Sceaux prend l'apparence du grain de
sable qui achève d'enrayer une machine » (22/10/1984).
Accusé par la gauche d'être responsable du « nouveau
record absolu du nombre de détenus », 42.759 au 1er
novembre 1984 contre 31.551 au 1er janvier 1982
(Libération, 16/10/1984), le ministre de la Justice est
critiqué par la droite pour son « laxisme »,
notamment en matière de permissions de sortie1161(*).
L'augmentation du nombre de suicides, d'automutilations et de
révoltes en mai 1985 sont autant d'occasion pour la droite de contester
la politique du garde des Sceaux, à qui l'on reproche d'avoir
abandonné les projets de construction initiés sous Alain
Peyrefitte (LM, 11/05/1985), ce dernier dénonçant le
« laxisme de gauche » (Figaro-Magazine,
18/05/1985). « A l'heure actuelle, il n'y a plus de discipline dans les
établissements », déclare le secrétaire
général des personnels de surveillance FO (LF,
7/05/1985). Robert Badinter explique la difficulté à
réformer la condition pénitentiaire par la trop forte
surpopulation carcérale1162(*). Alors que certains plaident en faveur de
l'« urgence d'une réforme
pénitentiaire »1163(*), d'autres constatent que « la gauche
a échoué » : « Comme nous sommes loin de
ce soir du 10 mai 1981 où une explosion de joie secouait les prisons
françaises comme l'écho étouffé de la vague
d'allégresse qui déferlait vers la
Bastille »1164(*). Ecartelé entre les attentes
nées de la victoire de la gauche et les contraintes carcérales
(crédits insuffisants, attaque de certains médias, poids des
syndicats), le ministre de la Justice ne semble pas en mesure de dénouer
la question pénitentiaire. « La Chancellerie est paralysée.
Prisonnière. Incarcérée dans un Fleury-Mérogis
psychologique, en quelque sorte... »
(Libération, 12/05/1985). Les limites de la politique
entreprise par Robert Badinter en matière carcérale s'explique
sans doute par la forte pression médiatique à laquelle est
soumise son action, comme le rappelle son Conseiller technique, Jean
Favard :
« Vous savez, des coups on en a
reçus ! Ça n'était pas commode, surtout au
début. Après entre 83 et 86, ça s'est arrangé...
Mais au début, vous aviez ceux de droite qui trouvaient que le monde
s'écroulait... l'horreur, le laxisme, le rousseauisme, c'est le bazar.
Et la gauche qui trouve que vous ne faites rien. On n'avait aucun
allié ! Rien du tout ! [...] C'était horrible !
Horrible ! Vous savez, les grâces par exemple. Il y avait des
grâces avant qu'on arrive et pourtant personne n'a jamais critiqué
les grâces avant qu'on arrive. Et dès qu'on est arrivé, on
a fait une grâce un peu plus large... Et là, c'était
horrible ! Et dès qu'on arrêtait quelqu'un, c'était un
"Badinter" comme on les appelait. On n'a jamais dit les "Giscard" ! Et
pourtant après une petit grâce de Giscard, y en a un qui est sorti
et qui est allé tuer sa femme. Personne n'a dit : "C'est un
Giscard !". Donc la presse de gauche trouvait qu'on n'en faisait pas assez
et la presse de droite nous cartonnait à fond. Donc fallait qu'on prenne
toutes les précautions. On n'avait pas le droit à
l'erreur » 1165(*).
L'absence apparente de rupture fondamentale entre la politique
de Robert Badinter et celle conduite en 1974 attesterait du moindre
degré de transformation qu'incarneraient les alternances politiques.
Symboles de la capacité des démocraties modernes à se
régénérer, ces périodes ont été
largement désacralisées par les sciences sociales qui ont
souligné les éléments de permanence entre les tournants
politiques, aussi spectaculaires soient-ils1166(*). Les prisons, conclut
Grégory Salle au terme de son analyse de la politique
pénitentiaire socialiste, illustreraient cette autonomie de
l'administration à l'égard du politique :
« L'institution carcérale se présente comme un
sous-système social particulièrement rétif au
contrôle et au changement politique. Rares sont les secteurs sociaux pour
lesquels il est établi aussi clairement que les alternances politiques
n'affectent en soi que très marginalement les modalités de
fonctionnement, a fortiori la raison d'être
fonctionnelle »1167(*). Cette relative autonomie de l'administration
à l'égard du politique semble aggravée par le manque de
connaissance du fonctionnement institutionnel de l'Administration
pénitentiaire qu'avait, selon le secrétaire général
du Syndicat des éducateurs pénitentiaires (SNEPAP), Robert
Badinter lors de son arrivée au ministère :
« Sur la prison, il faut être
sincère, il n'y connaissait pas grand-chose. Il n'avait pas de
réflexion. Badinter est encore aujourd'hui quelqu'un qui a du mal
à avoir une analyse institutionnelle. Il a un discours très
juridique ou philosophique mais côté institutionnel... Je me
souviens de la première audience que j'ai eu avec lui en tant que
responsable du SNEPAP, c'était un peu surréaliste quoi !
Surtout qu'avant, les audiences, c'était avec Peyrefitte, qui lui avait
une connaissance institutionnelle particulièrement cynique, voire
machiavélique. Et Badinter, d'abord c'était pas un homme
politique, et il n'avait pas d'idées spécifiques sur les prisons,
hormis un discours sur les droits de l'homme »1168(*).
Pourtant, au-delà des continuités
(surpopulation, hésitations face aux syndicats, conditions
d'incarcération difficiles), la « vague rose » de
1981 affecte indirectement la politique carcérale du fait du
renouvellement des hommes, observé alors dans l'ensemble de la haute
administration. Plus qu'à une rupture brutale, on assiste à un
changement progressif bien que rapide des hauts-fonctionnaires comme le
révèle l'évolution des directeurs d'administration
centrale : la moitié n'occupe plus leur emploi au bout d'un an, les
trois quarts à la fin de l'année 19831169(*). Tandis que certains
ministères sont moins sensibles à cette transformation (Economie
ou Logement), ce changement est particulièrement rapide au
ministère de la Justice où dès septembre 1982 ne reste
plus qu'un seul directeur nommé par la droite, Yvan Zakine.
« On aurait mal compris que restent en fonction des hommes dont
certains avaient activement participé à la définition et
à la mise en oeuvre de la politique du précédent ministre,
Alain Peyrefitte, politique dont son successeur entendait prendre l'exact
contre-pied »1170(*). On assiste à une « plus
forte politisation » des directeurs d'administration centrale parmi
lesquels on compte, par exemple, dix-huit adhérents du PS, quatre
militants de la CFDT et deux du Syndicat de la magistrature. Ce turn-over
permet aux membres du SM d'accéder à des postes de
responsabilité dont ils étaient jusque-là tenus à
l'écart1171(*). « En apparence, rien
n'évolue rue Saint-Honoré1172(*). Pourtant, par touches subtiles (mutations de
magistrats, décisions tortueuses), le changement est en
marche », observe avec amertume Solange Troisier1173(*). Jusqu'alors
resté à l'écart du pouvoir, le SM entend alors
bénéficier des nombreuses alliances menées dans les
années soixante-dix avec les milieux associatif et syndicaux pour
s'intégrer au sein du jeu politique1174(*). Les membres du
Syndicat sont pourtant divisés à l'égard de la position
à adopter concernant la question pénitentiaire1175(*).
La politisation du ministère de la Justice se traduit
dans un premier temps par la nomination de membres proches du SM à des
postes « politiques ». Ancien directeur de l'Administration
pénitentiaire, Georges Beljean est nommé secrétaire de
cabinet de Robert Badinter. Jean Marc Sauvé est nommé Conseiller
technique avant de devenir en 1983 Directeur de l'administration
générale et de l'équipement, où il arbitrera
souvent en faveur de la DAP jusqu'en 19881176(*). Le parcours de Jean
Favard est exemplaire de cette promotion soudaine de certains membres du SM
à la tête de l'Administration pénitentiaire. Ancien
substitut du procureur en Algérie, Jean Favard, participe à la
création du Syndicat qui contribue selon lui, au même titre que
Mai 68, au renouvellement des structures : « J'étais
jeune magistrat et je ressentais la nécessité d'avoir une
structure de défense. C'était une hiérarchie très
lourde. C'était extrêmement pesant [...] C'était trop
conventionnel, fermé. C'était irrespirable,
irrespirable ! »1177(*). Après cinq années à
Saverne, il obtient « par hasard » son détachement
en 1970 à l'Administration pénitentiaire où il se trouve
confronté à l'effervescence des révoltes : « Je
ne connaissais pas du tout le monde des prisons et dès 1971, on s'est
retrouvé dans le bateau ivre ». De nature prudente, il
considère comme « un peu excessif et pas assez proche de la
réalité » un mouvement comme le GIP dont il partage
pourtant l'ambition : « C'était trop polémique pour
moi. Mais en même temps, j'étais plutôt de ce
côté ». Affecté au Bureau de la détention,
il souffre alors de son statut de « juge rouge » aux yeux
de sa direction. « Il n'était pas question que je sois
désigné chef de bureau... », souligne-t-il avec
lucidité. En 1975, au moment où il décide de
réintégrer sa fonction de juge qu'il affectionne, le DAP lui
propose de prendre la responsabilité de la sous-direction afin de mettre
en oeuvre les réformes engagées par Valéry Giscard
d'Estaing. Il mesure cependant rapidement l'écart entre la
poignée de main du président à un détenu et le
reste de sa politique : « C'était un geste courageux
ça ! Moi, j'ai trouvé que c'était un geste courageux
et ça m'a bien plu ça. Et pourtant, j'étais pas
giscardien ! Ceci dit, la suite, parce que j'étais là, les
réformes c'étaient pas le serrage de main... ». Juge au
TGI de Paris à partir de 1976, il rédige alors un ouvrage dans
lequel il dresse le constat critique de l'action pénitentiaire
menée jusque-là1178(*). C'est ce livre qui lui vaut en 1981
d'être nommé Conseiller technique de Robert Badinter :
« Le livre est sorti le 2 février 81. Je
n'avais pas la moindre idée de ce qui allait m'arriver par la suite.
Parce que quand il est sorti, Giscard était donné comme gagnant.
Voilà ! Donc c'était un truc où j'égratignais,
je critiquais.... C'était pas un pamphlet mais bon... Donc
c'était pas bon pour ma future carrière ! Et puis, dans les
deux mois qui ont suivi, on a commencé à dire : "Ah, mais
Giscard, c'est pas sûr ! Ça sera peut-être
Mitterrand...". C'était tout à fait inattendu [...] Je ne
connaissais pas Badinter mais quelqu'un lui a dit : "Il connaît les
prisons" et lui a parlé de mon livre. Et Badinter m'a dit : "Ben,
vous savez ce qu'il faut faire !". J'avais un état de
réflexion qui faisait que je pouvais aider. Par ailleurs, je connaissais
très bien les personnels, les détails [...] Moi, je pouvais
l'alerter : "On peut faire ci, on peut faire ça". Et on
était en parfaite symbiose ».
Très proche du garde des Sceaux, Jean Favard exerce
jusqu'en 1983 une quasi-fonction de directeur de l'Administration
pénitentiaire, contrôlant selon ses termes « d'une
manière extrêmement rigoureuse » l'action d'Yvan Zakine.
En 1983, il est même question de sa nomination à la tête de
l'Administration pénitentiaire. Il demeure finalement, à sa
demande, au poste de Conseiller technique où il se sent davantage utile.
D'autres membres du SM sont nommés à la DAP à mesure que
s'efface la méfiance longtemps de mise au Syndicat à
l'égard de ceux travaillant à la Pénitentiaire, comme le
souligne Jean Favard : « Y en a peut-être un peu plus qui
osaient, parce qu'avant on avait un peu honte d'aller à l'Administration
pénitentiaire. C'était un peu... un peu
Tataouine »1179(*). C'est ainsi qu'Hélène Duchemin
est nommée sous-directrice de la réinsertion. C'est notamment
à partir de la nomination de Myriam Ezratty, davantage politisée
que son prédécesseur, en avril 1983 que les magistrats du SM les
plus militants intègrent l'Administration pénitentiaire.
« Ce qu'elle voulait faire, c'était véritablement
remplacer vraiment les vieilles équipes, apporter du sang neuf, et faire
en sorte que des gens dynamiques et bien sûr acquis à la politique
du moment viennent. Alors c'est vrai qu'avec elle, y a eu quelques charrettes
de gens qui ont été virés. Parce que j'imagine, ils
étaient du bord opposé. Et elle les a remplacés par du
sang neuf », constate un magistrat arrivé à la DAP en
19811180(*).
Les raisons idéologiques ne sont certes pas absentes
des nominations opérées par la nouvelle directrice de
l'Administration pénitentiaire. Son parcours en atteste. Devenue
magistrat à vingt-deux ans, Myriam Ezratty a vécu la remise en
cause de la magistrature durant les
« années 68 » avec beaucoup
d'enthousiasme : « Moi, ça m'a paru formidable. La
profession, moi, quand je l'avais connue, au début cette profession
c'était vraiment... [...] On n'osait même pas montrer le journal
qu'on lisait ! Vous n'avez pas
idée ! »1181(*). Après avoir adhéré au
Syndicat dès sa création, Myriam Ezratty s'en retire lors de son
entrée dans le cabinet de Simone Veil en 1974 car « on ne peut
pas mélanger les genres ». Elle demeure néanmoins
« fidèle » au SM sans pour autant en partager toutes
les vues. Plutôt que de membres du Syndicat, elle tente lors de sa
nomination en 1983 de s'entourer de proches collaborateurs comme Jean-Pierre
Robert de la Direction des affaires criminelles ou François Antonioni de
l'Education surveillée. Si ces choix correspondent à une certaine
affinité idéologique, ils n'en obéissent pas moins
à des logiques professionnelles de confiance :
« On m'avait beaucoup reproché aussi
quand je suis arrivée à l'Administration pénitentiaire que
bon... On allait voir ce qu'on allait voir... que... Alors sur le plan des
choix, c'est vrai que j'ai pris des gens qui étaient plutôt...
Enfin... toujours avec sérieux. Je n'ai pas fait de discrimination. J'ai
viré dés le début le magistrat chargé du bureau des
personnels mais pour entente avec les syndicats car ce qu'il faisait... Alors
là ça a fait une petite histoire quand je l'ai remplacé
justement par ce François [Antonioni] et je savais qu'il ferait les
choses honnêtement. Vous êtes obligé aussi, si vous ne
faites pas un petit peu confiance... Si vous n'êtes pas entouré de
gens qui ont votre confiance, ce n'est pas possible »1182(*).
Grande partisane du
« décloisonnement », la nouvelle directrice de
l'Administration pénitentiaire tente surtout de s'adjoindre des
individus pouvant mettre en oeuvre cette politique. Elle est notamment
attentive au choix des directeurs d'établissement :
« C'est pour ça que dans le choix, cet aspect
[positionnement], du moins à l'époque, jouait quand même,
du moins dans les avis au comité technique paritaire... Je regardais
quand même le degré d'ouverture des gens ». Elle place
également à un niveau plus directionnel certains magistrats
militants. C'est notamment le cas d'Alain Blanc, ancien secrétaire
général adjoint du Syndicat, et fervent partisan d'une nouvelle
politique carcérale, nommé en 1985 à la tête de la
sous-direction de la réinsertion :
« Moi, j'étais au bureau du Syndicat de
la magistrature, secrétaire général adjoint, dans un
bureau qui a été élu en 79 ou 80. C'était à
l'époque de Peyrefitte. On ne savait pas que Mitterrand allait
être élu mais il y avait le 10 mai 81 en perspective. Moi,
j'étais déjà particulièrement
intéressé par la question des prisons. A l'époque,
j'étais juge des enfants à Laon... Coincé à Laon
d'ailleurs, ça je l'ai su après, pour des raisons qui tenaient
à mon appartenance syndicale !»1183(*).
Depuis longtemps impliqué dans la question
pénitentiaire, le SM fait des prisons l'un de ses thèmes de
prédilection au début des années quatre-vingt comme en
attestent les nombreux articles publiés alors sur ce sujet par
Justice1184(*). « Prisons, en sortir »,
c'est sous ce titre que s'ouvre, en novembre 1985, le 18ème
congrès du SM consacré pour la première fois aux
prisons1185(*). Si les magistrats votent à l'occasion
de manière provocatrice une motion en faveur de l'abolition des prisons,
il est en fait surtout question de la place du détenu dans l'institution
carcérale. « Humaniser les prisons, les décloisonner,
voilà l'objet de notre politique », annonce alors la
directrice de l'Administration pénitentiaire. Mettant en avant le
« décloisonnement » déjà
réalisé, le Syndicat propose l'application d'un numerus
clausus ainsi que la protection des droits du détenu qui
« reste un citoyen devant jouir des droits à la
dignité, à l'expression »1186(*). L'idée que
l'incarcération est une peine devant être réglée
selon l'idée du « moindre mal » n'est cependant pas
propre aux membres du SM. Elle est en effet partagée par de nombreux
professionnels du milieu carcéral : éducateurs, soignants,
visiteurs de prison. C'est le regroupement de ces différents acteurs au
sein d'une organisation, baptisée COSYPE, qui ouvre la voie à la
mise en oeuvre d'une action pénitentiaire renouvelée.
2. L'influence d'une
« communauté épistémique
réformatrice » sur la politique carcérale : la
Coordination syndicale pénale (COSYPE)
Yvan Zakine, DAP : « J'étais
à Mont-de-Marsan. On parlait de l'insertion dans la Cité et donc
ça devait être en 82. Je me souviens c'était un
après-midi et il faisait un soleil de plomb. A un moment, le
surveillant-chef de la prison me dit : "Oui, bien sûr il faut
insérer la prison dans la Cité...". Sous-entendu : c'est un
discours de parisien que vous tenez mais bon. Il me dit : "Vous avez deux
minutes là ? On va sortir". Alors on sort de la prison, on va au
coin de la rue. Il me dit : "Attendez, on va s'arrêter là",
au coin de la rue. Et le mur d'enceinte de la prison longeait tout le trottoir
qui était à l'ombre parce que le soleil venait de l'autre
côté. Et en face, le trottoir grillait de soleil. Et il me
dit : "Vous allez voir, regardez". Y avaient trois chats à cette
heure avec cette chaleur de plomb. Et je vois arriver à l'angle deux
braves dames, deux braves mémères. Elles arrivent là, je
pensais qu'elles allaient continuer, puisqu'elles étaient à
l'ombre et qu'elles allaient continuer à l'ombre. Non. Arrivées
là au coin d'en face, c'était le mur de la prison qui
commençait, elles traversent et elles vont sur l'autre trottoir,
grillé de soleil, jusqu'à dépasser le mur de la prison
pour revenir ensuite à l'ombre. Il m'a dit : "Voilà". Pour
lui, c'était difficile. Il avait très bien
compris » 1187(*).
Le militantisme en faveur des prisons apparaît au
début des années quatre-vingt peu dynamique au regard de ce qu'il
fut dans les années soixante-dix. Le C.A.P se dissout en avril 1980 du
fait de dissensions internes. Le GMQP, groupe informel, cesse de se
réunir tandis que le GMP s'oriente davantage vers un groupe de
réflexion1188(*). Pourtant la mobilisation en faveur des
prisons s'élargit alors à d'autres organisations, en particulier
la Ligue des droits de l'homme. Mais surtout une mobilisation de type syndicale
émerge pour la première fois. Huit organisations de
« praticiens de la Justice et de l'administration
pénitentiaire » se regroupent en 1981 dans une Coordination
syndicale pénale. Deux éducateurs en sont à
l'origine : Philippe Pottier et Jean-Michel Le Boulaire. « Issu
d'une génération Mai 68 », le premier devient
éducateur en 1975 après des études de droit1189(*). Prenant ses
fonctions à l'endroit même où vient d'avoir lieu l'«
affaire Mirval »1190(*), le Centre pour jeunes détenus de
Fleury-Mérogis, il se trouve rapidement confronté à
l'hostilité du personnel de surveillance :
« Et à l'époque, la polémique
battait son comble. C'est quelque chose qui m'a beaucoup marqué. Y avait
une grande tension avec les éducateurs, d'ailleurs, parce que les
surveillants considéraient que c'était vraisemblablement les
éducateurs qui avaient filé des infos à l'extérieur
[...] Il était pratiquement impossible d'agir. C'était totalement
bloqué. Il y avait vraiment le monde des surveillants et les autres,
c'étaient des intrus. Il y avait par exemple des chefs de
détention qui venaient fouiller les bureaux quand on n'était pas
là ».
Ancien militant de l'UNEF, Philippe Pottier s'engage
rapidement dans l'action syndicale, en devenant en 1977 membre du bureau du
Syndicat des éducateurs pénitentiaires (SNEPAP), avant d'en
être nommé secrétaire général l'année
suivante. Parallèlement, il participe aux réunions du GMP et a
des contacts fréquents avec Antoine Lazarus travaillant dans le
même établissement (« On se voyait à la
cantine... »). Il développe une grande complicité avec
Jean-Michel Le Boulaire, devenu éducateur à La Santé en
1976 et également membre du GMP : « Tout de suite, on
s'est très bien entendu et on a dirigé le SNEPAP ensemble pendant
dix ans. Mais vraiment ensemble ». A la suite d'incidents
disciplinaires, notamment à Fleury-Mérogis, consécutifs
à la politique sécuritaire menée sous Alain
Peyrefitte1191(*), Philippe Pottier et Jean-Michel Le Boulaire,
tous deux sanctionnés, imaginent une organisation en mesure de
défendre durablement les intérêts des intervenants
« extérieurs » travaillant en milieu
carcéral:
« Alors, ça a commencé en 1979,
après un conseil de discipline qui concernait des psychologues et des
enseignants à Fleury. On avait fait venir des gens, des organisations
[SM, SAF, GMP]. A la suite du conseil de discipline... mais Jean et moi on y
avait réfléchi avant. On s'était dit, on va profiter du
conseil de discipline pour proposer aux gens des autres organisations qui sont
là... Plutôt que de réagir à chaque fois, il fallait
mieux essayer de faire quelque chose de plus construit »
1192(*).
Rassemblant essentiellement des gens de
« l'intérieur », la COSYPE regroupe des syndicats
(SNEPAP, CFDT Justice, SM, SAF, Syndicat national des personnels de
l'éducation surveillée) et des acteurs associatifs chargés
de la question pénitentiaire (GMP ou l'Association nationale des
enseignants de prison)1193(*). Concrètement, Philippe Pottier,
Jean-Michel Le Boulaire et Alain Blanc du SM assurent l'essentiel du
fonctionnement de l'association, qui ne dispose d'aucune existence
légale. D'autres, comme Claude Faugeron, directrice de recherche CNRS et
membre du GMP, Michel Fize et Monique Seylier de la CFDT Justice, participent
régulièrement aux réunions. La présence d'une
pluralité d'organisations, ainsi que de professionnels reconnus,
confère à la COSYPE une légitimité accrue, ce que
confirme Alain Blanc :
« S'il n'y avait eu que des enseignants et des
éducateurs... c'est assez classique si vous voulez. Alors le fait qu'il
y ait un syndicat de magistrats qui représentait socialement et
politiquement une rupture à l'égard de l'image des magistrats
dans l'opinion... On était écouté ! Il y avait des
journalistes qui étaient passionnés d'ailleurs comme Philippe
Boucher du Monde. Hivert était président d'un syndicat de
psychiatres hospitaliers qui donnait un peu de poids à la
COSYPE »1194(*).
Peu de praticiens sont en revanche représentés.
Seuls Philippe Jacquette et Paul Hivert, respectivement psychologue et
médecin-chef au CMPR de La santé, ainsi que Jacques Laurens,
médecin-chef du CMPR de Fresnes, participent occasionnellement. Cette
représentation exclusive de professionnels de la santé mentale
atteste encore une fois de l'autonomie des psychiatres travaillant en prison
qui exercent un rôle plus militant que leurs confrères
généralistes. En témoigne cette communication du Dr Hivert
à la Société générale des prisons (SGP)
:
« Notre propos n'est pas de faire le
procès des personnes, mais d'analyser le dysfonctionnement d'un
système qui, par sa perversion, peut détourner le service
sanitaire de son rôle soignant au profit d'une politique
répressive [...] Le droit aux soins du détenu crée des
obligations à l'institution et, singulièrement, au
médecin, obligation de moyens qui engage notre responsabilité
collective »1195(*).
Née de la protestation face aux mesures disciplinaires
adoptées contre des personnels éducatifs et enseignants, la
COSYPE est présentée comme un groupe destiné à
« élaborer une réflexion d'ensemble sur la prison et la
politique pénale, afin de constituer une force de
propositions » (Actes, n°33, 1981). Des réunions
régulières au siège du SNEPAP, regroupant entre cinq et
dix personnes, permettent de mettre au point une réflexion globale sur
la prison et un ensemble de propositions. Bien qu'initialement pensée
comme un mouvement essentiellement critique, la COSYPE espère en avril
1981 tirer profit de l'approche bienveillante des socialistes à
l'égard de la question des prisons1196(*), pour mettre à
profit cette expertise :
« On était davantage dans une optique
critique... Mais on voulait pas faire que de la critique. Parce que ça
se faisait déjà ! Donc on avait la perspective de
déboucher sur des propositions mais on pensait pas que l'alternance
allait arriver aussi rapidement. Mais de fait, quand l'alternance est
arrivée, on était relativement prêts parce qu'on avait tous
un background derrière, on avait réfléchi par
thèmes [...] On s'est retrouvé rapidement en situation de pouvoir
proposer des choses. C'est ce qu'on a fait ! »1197(*).
Afin d'attirer l'attention des autorités politiques,
mais aussi de lancer un débat public sur les prisons, les membres de la
COSYPE ont rapidement recours aux médias en présentant lors d'une
conférence de presse, le 16 juillet 1981, leurs réflexions en
faveur d'une nouvelle politique pénitentiaire. L'analyse de la
Coordination a pour point de départ un rejet de la politique
« sécurité et liberté » d'Alain
Peyrefitte, accusée d'avoir « mené la logique
pénitentiaire à son terme » :
« Autonomisation au sein du ministère de la Justice de
l'administration pénitentiaire dont la structure s'est figée et
hiérarchisée à l'excès [...] Les détenus ont
disparu de l'administration pénitentiaire pour faire place à des
préoccupations de gestion pure, confinant à
l'absurde »1198(*). Les quarante-sept propositions
formulées par la COSYPE s'ordonnent toutes autour d'un même
constat. Il serait tant de mettre fin au « mythe » de la
réinsertion : « L'idée de réinsertion est
une imposture. Toute référence à la capacité de
"réinsertion" de la prison [...] serait en fait une négation de
la réalité pathogène de l'enfermement. Dans cette optique,
tous les aménagements apportés au régime de la
détention doivent être regardés comme une "limitation des
dégâts", un "moindre mal", plutôt que comme une politique en
soi » (Libération, 22/09/1982). C'est donc en raison
de la « nocivité intrinsèque de la prison »,
que la COSYPE propose d'envisager la peine « en termes non plus de
réinsertion sociale, mais de désocialisation minimale »
(Justice, n°87, 1981). Pour cela, la Coordination propose
d'améliorer les conditions de détention en introduisant un
« régime minimum des droits des individus
incarcérés : droit à la santé, à
l'éducation, à la défense contradictoire devant les
autorités administratives, etc. »1199(*). La COSYPE diffuse
surtout l'idée que la prise en charge du détenu doit être
globale et donc partagée par l'ensemble des administrations :
« Le mouvement de confiscation par
l'Administration pénitentiaire, dans la dernière décennie,
de tâches relevant ou pouvant relever d'autres catégories de
personnels (formation de surveillants-infirmiers ou moniteurs divers, par ex),
doit être inversé et l'entrée dans la prison de
spécialistes provenant d'autres administrations favorisée. Plus
encore, à l'instar du transfert à l'IGAS de la surveillance de
l'exercice médical en détention, d'autres ministères ou
administrations devraient être étroitement associés au
pilotage et à la surveillance des secteurs relevant de leur
compétence : ministère de la Santé et de la
Solidarité bien sur, mais aussi de l'Education nationale, de la Culture,
du Travail, de la Formation professionnelle, de la Jeunesse et des
sports...»1200(*)
Cette interpellation médiatique, favorisée par
les relations nouées avec certains journalistes lors des sanctions
disciplinaires à la fin des années soixante-dix, facilite le
rapprochement entre la COSYPE et les autorités judiciaires et
pénitentiaires. Une rencontre a lieu en novembre 1981 entre Philippe
Pottier et Yvan Zakine, DAP1201(*). Une autre a lieu quelques jours plus tard
avec Jean Favard, Conseiller technique auprès du garde des Sceaux.
L'organisation reçoit les faveurs de ce dernier, impressionné du
niveau de réflexion et de maturité de ses membres :
« En plus, c'était déjà construit,
c'était bien réfléchi. C'était pas le
tout-fouillisme quoi ! »1202(*). Une relation de confiance s'instaure
dès lors entre les deux hommes, tel qu'en rend compte Philippe Pottier
:
« Pendant cette période, de 81 à
86, j'ai eu un lien extrêmement étroit avec Jean Favard. Parce que
des fois, Favard m'appelait pour me demander conseil : "J'ai vu qu'y avait
telle chose qui se préparait au niveau de FO, qu'est que vous en
pensez ?". Je lui donnais des infos. Il y avait une connivence, c'est
clair [...] Favard il fallait qu'on lui démontre un certain nombre de
points de vue, parce qu'il disait : "Et pourquoi ? Vous êtes
sûr que ?", et après il reprenait nos points de vue car il
avait été convaincu et il voulait faire passer cela à
Badinter »1203(*).
En dépit de cet accès privilégié
au garde des Sceaux, les propositions de la COSYPE se heurtent à
l'influence du syndicat FO, qui par l'entremise de différents
réseaux, accède directement à l'Elysée pour
s'opposer aux projets de la Chancellerie. Philippe Pottier noue alors
également des contacts avec l'Elysée. Il est convenu lors d'une
réunion avec Mme Paule Dayan, magistrate, chargée des
questions de justice pour le président de la République, ayant
lieu en février 1982, que la COSYPE fasse « parvenir un
certain nombre de notes » à Robert Badinter en vue d'orienter
la nouvelle politique pénitentiaire1204(*).
Cette démarche de collaboration cède cependant
progressivement le pas à une attitude plus revendicative à
l'égard de la Chancellerie, à mesure que les espoirs
suscités sont déçus : « On estimait que sa
politique [à Badinter] était très modérée
[...] Au début, on avait une posture de soutien et puis après une
posture plus critique, tout en le soutenant politiquement parce qu'on savait
bien que ça pouvait être pire »1205(*). Déjà
en novembre 1981, la COSYPE critique dans un communiqué le projet de la
commission chargée par Badinter de supprimer les QHS. La Coordination
lui reproche de ne pas remettre en cause le principe de l'isolement, ni de
l'arbitraire des décisions : « En effet, la commission
prévoit le maintien de la possibilité d'une mise à
l'isolement ou d'un transfert du détenu sur décision ou sur
rapport du chef d'établissement, à partir de critères
encore plus larges et plus flous que précédemment »
(Libération, 12/11/1981). En janvier 1982, le GMP dresse un
bilan amer de l'action du garde des Sceaux en matière
pénitentiaire1206(*), que partage également la COSYPE :
« Les symboles trop voyants des archaïsmes ou des outrances du
système ont été rayés de la carte : peine de
mort, QSR et QPGS1207(*). Pour autant, rien n'est réglé.
Les amnisties de l'an dernier avaient contribué à faire baisser
sensiblement l'effectif des prisons mais, un an après le voici qui
semble remonter... »1208(*).
Les réformes sont à ce moment au point mort en
raison de l'agitation dans les prisons mais surtout du mécontentement
des syndicats pénitentiaires. C'est ce pouvoir syndical, assimilé
à un « lobby pénitentiaire », que
dénonce la COSYPE dans une note envoyée au président de la
République, au Premier ministre et au garde des Sceaux en août
19821209(*),
période où le syndicalisme pénitentiaire apparaît
pour la première fois divisée1210(*). Afin
d'accélérer le traitement de la question carcérale, la
Coordination décide en septembre de rendre public ce document.
Constatant une « résistance passive » et une
« non-application sournoise » des mesures
ministérielles, ce document soulève avec provocation l'influence
exagérée dont bénéficieraient les syndicats au sein
de l'institution carcérale : « Le garde des sceaux
peut-il, aujourd'hui, exercer son pouvoir dans les prisons ? Celles-ci
sont-elles le domaine réservé de quelques-uns, qui confondent
leurs intérêts avec ceux de
l'institution ? »1211(*). En quatre-vingt pages, la COSYPE
décrit les principaux acteurs, Hubert Bonaldi de FO, Aimé Pastre
de la CGT, ainsi que les règles de fonctionnement de ce pouvoir :
« Organisation polymorphe, combinant diverses formations de
structures organisées ou informelles, qui visent d'abord à
maintenir et à exercer leur pouvoir totalitaire à
l'intérieur d'un service public, ce "lobby" est puissant ». En
rendant public ce que beaucoup taisaient jusqu'alors, la COSYPE espère
affaiblir le rôle des syndicats pénitentiaires. « Ces
rapports de force étaient connus mais personne n'en parlait car il y
avait des tas de connivence. Il y avait en commission paritaire des compromis
sans cesse. Une fois que cela est rendu public, on ne peut pas faire comme si
cela n'existait pas », explique Philippe Pottier1212(*). Sans qu'on puisse
mesurer l'influence précise de cette dénonciation, une
transformation des rapports de force se serait opérée durant
cette période selon Jean Favard :
« Avec les syndicats, c'était
l'horreur ! [...] J'ai donc pris des contacts pour que les syndicats
correspondent à quelque chose [...] A partir de 83, j'avais
emmené dans le magma la vraie CGT1213(*) qui nous cartonnait
mais qui les cartonnait aussi et puis, en plus, j'avais repris la main sur les
commissions paritaires où il y avait toujours un consensus [...]
Après entre 83 et 86, c'était moins dur... »
1214(*).
Quelques semaines après la diffusion de ce document, la
Coordination organise un colloque en novembre 1982 sur le thème des
« résistances au changement », et ce, afin d'engager
« un véritable débat démocratique sur le
fonctionnement et les finalités de l'institution
pénitentiaire ». Cette rencontre rassemble près de
trois cents participants à la faculté de droit de Tolbiac. Aux
côtés d'anciens détenus, sont présents des avocats,
des magistrats, des travailleurs sociaux, des éducateurs, des
médecins, des psychiatres. Le Procureur général de Paris,
Pierre Arpaillange, y assiste ainsi que la plupart des organisations syndicales
et des partis de gauche, à l'exception du Parti socialiste. Les
ministères de la Santé, de l'Intérieur, de l'Education
nationale, du Plan et des Affaires sociales sont également
représentés1215(*). La participation de Jean Favard, enfin, est
interprétée comme un gage de crédibilité de cette
rencontre1216(*).
Comme le remarque Libération si les prisons
sont toujours les mêmes, ceux qui les condamnent ont néanmoins
changé de position rendant la possibilité d'une réforme
plus concrète : « Les uns sont entrés dans les
ministères. Les autres sont chargés de mission. Et d'autres
encore participent à des commissions de
réforme »1217(*). Un compte-rendu de cette rencontre remarque
« l'extraordinaire ambiance de ce colloque, où se sont
côtoyés représentants officiels du gouvernement, ordres des
diverses professions pénitentiaires et para-pénitentiaires,
observateurs politiques, ex-détenus et familles des détenus, la
plupart engagés avec leur vie personnelle dans une vraie volonté
de changement »1218(*). Lors des débats, il est largement
question du statut du détenu, désormais décrit comme un
citoyen : « Redonner au détenu une "citoyenneté",
une appartenance à la communauté nationale, ne manquerait pas
d'avoir des répercussions sur ses droits au travail [...] à la
santé [...] à l'éducation, à la culture »
(LM, 14-15/11/1982). La tenue de ce colloque où sont
abordées les principales idées de la future réforme des
conditions de vie en détention s'apparente pour le ministère de
la Justice à une forme de soutien, comme le souligne Jean
Favard :
« J'ai pu voir qu'il y avait une adhésion
aux principes qu'on était en train de mettre en place. C'est même
un des premiers soutiens qu'on trouvait parce que, jusque-là, il n'y en
avait pas beaucoup ! Mais c'était bien ça. Ça nous
aidait. Parce qu'on avait tellement peu de
soutiens... »1219(*).
Outre les droits du détenu, la COSYPE porte beaucoup
d'attention au statut du personnel. L'autorité exercée par
l'Administration pénitentiaire sur les différents intervenants
travaillant en détention, que celle-ci soit contractuelle ou indirecte
par le bais de l'agrément, est perçue comme une atteinte à
leur autonomie professionnelle : « Les enseignants sont,
à l'intérieur de l'institution, extrêmement
vulnérables et sont soumis à l'approbation discrétionnaire
de l'agrément. Cette modalité restrictive a pour but d'une part
d'expulser de l'enseignement des personnes jugées indésirables
(selon quels critères ?) et d'autre part de laisser planer une
menace permanente sur les enseignants agréés ; une
procédure de retrait de l'agrément étant toujours
possible... »1220(*). C'est pour échapper à ces
contraintes que la Coordination estime que la prise en charge des
détenus ne peut être laissée à la seule
responsabilité du ministère de la Justice. Parmi ses principales
revendications figure ainsi « la reconnaissance aux institutions
extérieures du droit d'intervention dans la prison, notamment par la
négociation avec l'Administration pénitentiaire d'un statut de
coresponsabilité de chaque institution extérieure dans son
domaine d'intervention (éducation, santé, formation
professionnelle, etc.), hors de l'idée d'une simple prestation de
services »1221(*). L'idée d'une ouverture de la prison
vers la Cité s'inspire de l'idée de
« décloisonnement », dont Alain Blanc
secrétaire général adjoint du SM, entend parler pour la
première fois lorsqu'il découvre la COSYPE :
« Donc, on a assez vite eu l'idée de
constituer une plate forme de revendications autour de la prison fondée
sur une idée qui était le décloisonnement. C'est le
maître mot qui sera repris d'ailleurs plus tard par Mme Ezratty. Les
enseignants doivent dépendre de l'Education nationale, les
médecins du ministère de la Santé, etc. L'idée,
c'était qu'il fallait que tous ces fonctionnaires soient à
égalité. C'était l'idée de Giscard aussi. Ça
n'avait l'air de rien mais la poignée de main à un détenu
de Giscard en 74 et sa phrase, "La prison ce n'est que la détention",
avaient eu un grand rôle. Prenons-le au mot ! La santé doit
être en prison la même qu'elle est à l'extérieur
[...] A l'époque le décloisonnement, ça
n'était pas un concept. Je peux dire qu'on l'a formalisé et qu'on
l'a traduit après en programme politique »1222(*).
Présenté également comme central dans la
réflexion de la COSYPE par Philippe Pottier, le terme de
« décloisonnement » est pourtant à
l'époque étonnamment absent de tous les discours et documents
officiels et internes de la Coordination1223(*). La COSYPE
privilégie alors le terme de
« décentralisation » qui s'appliquerait aussi bien
au fonctionnement interne de l'Administration pénitentiaire qu'à
ses relations avec des partenaires extérieurs. La déclaration
initiale de la Coordination fait ainsi état d'« une
réflexion pour rechercher de quelle manière la prison pourrait
être intégrée dans le mouvement de décentralisation
[et] associer plus étroitement les collectivités locales,
c'est-à-dire l'"extérieur" à la gestion
pénitentiaire »1224(*). Bien que cela soit ambigu dans les
déclarations de la COSYPE, cette politique implique un dessaisissement
du ministère de la Justice, comme cela est expliqué plus
directement par un membre du SM : « Mettre en place et
cogérer véritablement une politique locale de
l'incarcération implique que l'administration pénitentiaire ne
jouisse plus de tous les pouvoirs à l'intérieur de
l'établissement »1225(*).
Trois raisons peuvent expliquer que le terme de
« décentralisation » fut privilégié
à celui de « décloisonnement » par la
Coordination. Cette expression apparaît tout d'abord moins alarmiste
à l'égard des personnels et syndicats pénitentiaires, et
ce, à un moment de grande tension. La
« décentralisation » est d'autre part beaucoup plus
compréhensible par les acteurs politiques en place du fait de
l'importance alors accordée par la gauche à ce thème. La
décentralisation, enfin, en inscrivant le détenu dans le
territoire dont il relève, s'apparente à une forme de
décloisonnement, comme l'explique Philippe Pottier :
« On aurait pu profiter du mouvement de
décentralisation de Deferre. Ça aurait pu être le moyen de
faire bouger beaucoup de choses, en donnant aux collectivités
territoriales, et notamment régionales, des responsabilités eu
égard aux détenus qui sont sur leur territoire. A
l'époque, y avaient des réflexions là-dessus. Des choses
ont été faites, mais uniquement entre administrations d'Etat
[...] Y a des choses qui n'ont alors pas tellement avancées. Moi, je
pense que toute cette idée de décloisonnement vers les
collectivités territoriales n'était même pas une chose
compréhensible pour Badinter »1226(*).
La médecine pénitentiaire apparaît pour la
COSYPE comme l'un des domaines d'application privilégié du
principe de « décloisonnement ». Une commission
interne est consacrée à ce sujet dès 1981. Outre un droit
à la santé, il y est largement question du statut des personnels
sanitaires, notamment au regard des règles de la déontologie
médicale : « Le personnel sanitaire doit répondre
à la demande thérapeutique du patient détenu et
à sa seule demande. Le soignant doit respecter le choix du
détenu qui dispose de la liberté d'accepter ou de
refuser les soins prescrits [...] Le détenu doit pouvoir pleinement
disposer du secret médical »1227(*). Un groupe de
travail, placé sous la responsabilité de Marcel Colin, conclut
lors du congrès de 1982 que « la médecine
pénitentiaire est une médecine en
miettes »1228(*). Réunis pour la première fois en
l'absence de toute hiérarchie pénitentiaire, les personnels de
santé se livrent alors à une critique collective de la
médecine pénitentiaire (Cf. Encadré). Ils condamnent
notamment la tutelle à laquelle ils sont assujettis :
« Première revendication des praticiens venus au colloque de
la COSYPE : pour de meilleurs soins, pour une dignité
retrouvée du détenu, il faut changer de tutelle,
c'est-à-dire ne plus avoir des comptes à rendre au
ministère de la Justice et à son administration
pénitentiaire, et retrouver la tutelle normale du ministère de la
Santé »1229(*).
Les psychiatres militant à la COSYPE, tel le
Dr Jacques Laurens, médecin-chef du CMPR de Fresnes, proposent de
réformer la médecine pénitentiaire sur le modèle du
dispositif de santé mentale : « Les CMPR,
gérés par une autre administration, soulèvent moins de
difficultés ce qui permet de penser que le rattachement des services
médicaux à une autre autorité de tutelle que le
ministère de la Justice serait de nature à en améliorer le
fonctionnement. Il s'agit là d'un problème fondamental, toute
réforme visant à améliorer la qualité du service
sans changement de tutelle administrative est vouée à
l'échec »1230(*). Fidèle à ce principe, la COSYPE
ébauche un projet de réforme de la médecine
pénitentiaire, peu précis, proposant la création d'un
« Service de santé » rattaché à son
« ministère de tutelle naturel » et chargé
d'organiser auprès de chaque établissement une
« unité de soins polyvalente »1231(*). L'expérience
des CMPR attesterait, remarque le Dr Hivert, la nécessaire autonomie des
services de médecine en prison :
« Il n'existe pas de statut réel des
médecins pénitentiaires [...] Ils sont révocables à
tout moment, sans justification, ni protection statutaire [...] L'absence de
sécurité de l'emploi ne permet pas d'engager un personnel qui
s'investisse valablement dans ses fonctions, plus soucieux qu'il est de
préserver sa place auprès de l'administration qui l'emploie [...]
Ceci ne peut se réaliser concrètement que par le rattachement de
ce service de santé à l'autorité de tutelle
naturelle : le ministère de la Santé publique. L'exemple des
CMPR, depuis 1977, apporte la preuve du succès de cette
formule »1232(*).
LE CONGRES DE LA COSYPE, UNE PAROLE
LIBEREE : LA PREMIÈRE AUTOCRITIQUE COLLECTIVE DE LA MÉDECINE
PÉNITENTIAIRE
On peut à partir des deux comptes rendus disponibles
dans les archives du SNEPAP tenter de restituer les débats de la
commission « Santé » réunie lors du
congrès de la COSYPE, le 6 novembre 19821233(*). Composé,
outre les professionnels de santé, de familles de détenus, de
représentants ministériels et de journalistes, le groupe recense
tout d'abord les principaux dysfonctionnements en matière
médicale. « La commission n'a pas eu de mal à se mettre
au travail. Les griefs à l'encontre de l'administration
pénitentiaire ne manquent pas, et chacun de vider son sac en signalant
les faits les plus scandaleux qu'il a eu à connaître au cours de
sa pratique ». Un « cahier de doléances »
est rédigé : mauvaise prise en charge de l'avortement dans
les M.A pour femmes, soupçons de l'Administration pénitentiaire
à l'égard des malades perçus comme des simulateurs,
rareté des vacations de psychiatres, consultations souvent
« bâclées », prescriptions
« abusives » de tranquillisants, impuissance du
médecin à agir sur la vie quotidienne des détenus
(hygiène, nourriture, etc.), réticences de l'Administration
à autoriser les hospitalisations. « Il apparaît que les
détenus sont dans l'impossibilité de bénéficier du
droit à la santé que les textes leur reconnaissent par
ailleurs ».
Le statut des professionnels fait débat. Certains
soulignent la disparité des statuts régissant les divers
soignants. Un participant remarque l'absence de médecin
généraliste dans l'assemblée et que seuls des psychiatres
ou des infirmières sont présents. Cette absence est perçue
comme le fruit de la volonté de l'Administration pénitentiaire
« de diviser les soignants afin de pouvoir mieux contrôler
l'exercice de la médecine en prison ». Une infirmière
de La Santé affirme ainsi avoir reçu l'ordre de ne communiquer ni
avec les éducateurs, ni avec les assistantes sociales de
l'établissement. « La médecine pénitentiaire, du
fait de la multiplicité des statuts des différents intervenants,
et aussi du fait de la politique d'obstruction quasi-systématique de
l'Administration pénitentiaire, offre le spectacle désolant d'une
médecine en miettes, chacun travaillant, comme il le peut, de son
côté ».
S'engage alors un débat sur le rôle des
professionnels de santé en milieu carcéral : « Que
vient faire le médecin dans une prison, c'est-à-dire dans une
institution qui a une vocation punitive, répressive ? ».
Le compte-rendu note « un immense malaise dans
l'assistance ». Beaucoup éprouvent un sentiment de
« culpabilité » : « L'exercice de la
médecine en milieu carcéral est récupéré en
partie au bénéfice de l'institution pénitentiaire, qui
tend à faire endosser au médecin la responsabilité de
conflits qu'elle a elle-même suscités ».
L'unanimité initiale cède la place aux opinions les plus
divergentes quant à la fonction du personnel sanitaire en prison. Le
rôle du médecin est-il de « soigner les
détenus », de « permettre de ne pas
récidiver », de « limiter les
dégâts » dus à l'incarcération ou
« d'être présent dans l'institution pour
témoigner de ses aberrations et de ses abus » ?
« A ce point de la discussion, le malaise des
participants est à son comble. Des positions extrêmes sont
prises... Il ne faut pas accepter de travailler en prison, disent les uns, on
ne peut rien pour les détenus, on ne sert qu'à l'Administration
pénitentiaire. Non, disent les autres, il faut rester coûte que
coûte, c'est une question de méthode, on n'est pas condamné
à ne faire qu'une médecine orthopédique ».
Le débat est « houleux »
jusqu'à ce qu'un journaliste demande quelle attitude le médecin
doit adopter face à une grève de la faim. Les participants
retrouvent alors l'unanimité initiale pour dénoncer les
interventions allant contre le libre arbitre du patient et déclarent
n'être que des « témoins ». En cas de
« bavure », tous estiment également
« qu'il y a plus de scandale à taire le scandale qu'à
violer le secret professionnel ». Enfin, en conclusion, les
participants proposent « une restructuration totale de la
Médecine pénitentiaire » et
« réclament leur rattachement au Ministère de la
Santé ».
__________________________________________________
En dépit de l'espoir suscité par
l'arrivée de la gauche au pouvoir, la politique entreprise sous
l'égide de Robert Badinter peine à transformer
considérablement la condition pénitentiaire, notamment en raison
de la résistance des syndicats et du manque de budget1234(*). Si des
réformes sont finalement adoptées, c'est sous la
« pression partisane »1235(*) exercée par
des militants de la cause carcérale, aussi bien en dehors qu'au sein du
Parti socialiste. En effet, tandis que le gouvernement et les dirigeants
socialistes demeurent peu enclins à mettre à l'agenda politique
un thème faiblement populaire, et alors même que sont
annoncées dès juin 1982 des mesures d'austérité, la
mobilisation de professionnels pénitentiaires conduit à l'unique
plan de réforme de la condition carcérale d'envergure
adopté par la gauche. Le 12 décembre 1982, soit au lendemain du
colloque organisé par la COSYPE, Robert Badinter annonce ainsi une
amélioration de la vie quotidienne des détenus (LM,
15/12/1982).
Parce qu'elle a largement inspiré les réformes
successives en matière d'action sanitaire ou culturelle, la COSYPE
peut-être considérée comme une
« communauté épistémique » telle que
définie par Peter Haas1236(*). Formée de professionnels d'origines
variées (éducateurs, médecins, enseignants, avocats,
magistrats) mais bénéficiant tous d'une compétence dans un
même secteur (la prison), une communauté épistémique
se caractérise avant tout par une représentation homogène
d'un problème1237(*). Les membres de la Coordination sont en effet
unanimement critiques à l'égard du rôle
« désocialisant » de la prison. Pourtant
au-delà de l'idée que la peine se limite à la privation de
liberté, les membres de la COSYPE semblent divisés entre
réformistes et abolitionnistes. Ces divergences semblent avoir
été résolues, selon Philippe Pottier, par l'adoption d'une
formulation suffisamment vague pour permettre à chacun de s'y
reconnaître :
«- Au niveau de la COSYPE, l'idée de
désocialisation minimale était vraiment
partagée ?
- Ah oui, tout à fait ! C'était un des
trucs de fond. C'était bien l'idée de 74, c'est-à-dire la
prison va être forcément désocialisante donc il faut
s'assurer qu'il y ait un accès au droit le plus complet possible [...]
On était parti sur cette base là en disant : "On
réunit des compétences multiples, on est animé par des
valeurs communes et on va essayer de dire qu'elle va être la
Pénitentiaire de demain". L'idée dominante était de dire
la prison telle qu'on la connaît est une institution historique. Elle a
eu un début, elle aura peut-être une fin, mais c'est pas pour tout
de suite. Mais le fait de dire "Elle aura peut-être une fin", ça
permettait de rassembler des gens qui avaient des idées un peu
différentes là-dessus. Des gens comme moi qui étaient
convaincus que ce n'était pas possible et d'autres un peu plus utopistes
»1238(*).
Souvent décrites comme étant le fait de hauts
magistrats, diffusant leurs idées au sein de sociétés
savantes comme la Société générale des prisons, les
communautés épistémiques en matière pénale
peuvent aussi, comme en atteste la COSYPE, s'élaborer à partir de
l'expérience quotidienne de professionnels aux positions plus
modestes1239(*). Jusque-là utilisée de
façon contradictoire, la notion de décloisonnement devient alors
sous l'action de cette communauté épistémique un
paradigme, au sens de Kuhn, susceptible d'orienter la politique en
matière pénitentiaire1240(*). Si la mobilisation de la
COSYPE est la condition de possibilité pour un changement de paradigme
de la politique pénitentiaire, c'est en raison de l'audience dont elle
bénéficie alors auprès de la Chancellerie, notamment par
le biais du Syndicat de la magistrature, comme le rappelle Alain Blanc :
« On avait quasiment une réunion en tant
que COSYPE avec Badinter tous les deux mois. Il avait compris qu'il y avait
quelque chose d'important et il nous soutenait. C'est à ce moment
qu'Ezratty a commencé à faire bouger les choses. Elle avait la
confiance totale de Badinter et elle a mis des choses en place qui
étaient dans ce mouvement de décloisonnement [...] Et d'ailleurs
Mme Ezratty m'a tout de suite parlé de la COSYPE. Il était clair
que j'avais été l'interlocuteur de Badinter. C'était clair
que quand je suis venu [à la DAP] que j'étais là pour
ça »1241(*).
Si un changement de paradigme est un phénomène
cognitif de recodage du réel correspondant à l'émergence
de nouvelles valeurs, il se traduit également par l'affirmation de
nouveaux intérêts1242(*). La redéfinition du paradigme implique une
recomposition du secteur concerné, délimité selon de
nouvelles frontières, provoquant ainsi une redistribution du pouvoir au
sein de celui-ci1243(*). Cette redéfinition a lieu en matière
de santé au détriment des médecins pénitentiaires
les plus influents et les plus contestés. L'application du principe du
décloisonnement se traduit ainsi par le déclin de ce segment de
la médecine pénitentiaire dont la spécificité est
désormais remise en cause.
Section 2. Les
«scandales» comme «fenêtres d'opportunité» de
réforme de la médecine pénitentiaire
Longtemps conçues comme des moyens permettant de
résoudre des problèmes publics, les
« solutions » ont progressivement été
analysées comme des productions pouvant être
légitimées en cas de circonstances politiques exceptionnelles, et
notamment lorsque des « problèmes »
apparaissent1244(*). Ces « problem
windows » peuvent selon Kingdom prendre l'apparence de
l'évolution d'un indicateur chiffré, c'est le cas en
matière de surpopulation carcérale, ou encore d'une
« catastrophe »1245(*). On entend ici souligner le rôle des
« scandales » en tant que facteur de mise à l'agenda
des réformes. Apparue au début des années soixante-dix, la
revendication du transfert de la médecine pénitentiaire
auprès du ministère de la Santé est reformulée par
la COSYPE, qui demande notamment la suppression de la fonction de
Médecin-inspecteur, et ce alors même que l'organisation des soins
en prison est l'objet de nombreuses critiques.
Lors des Journées internationales de médecine
pénitentiaire de novembre 1981, le Dr Perdrot, médecin-chef de
l'Hôpital de Fresnes, dresse un sombre bilan des carences en
matière de soins : « L'hygiène est déplorable.
Les cellules proches du bloc opératoire sont absolument lamentables
[...] Les [surveillants] auxiliaires n'ont pas de formation
médicale »1246(*). Le médecin-chef coordinateur de
Fleury-Mérogis, Jean-Charles Bertin, souligne quant à lui les
carences dont souffre son service : « Huit internes se relaient
à Fleury où, actuellement se situent 4.600 détenus et
où passent chaque année 15.000 personnes. Ils travaillent trente
heures par semaine (une garde de 24 heures et deux consultations) et gagnent
3.800 francs par mois. C'est peu. Dans le "civil", un interne touche 5 600
francs à la fin de son cursus médical »1247(*). L'organisation
sanitaire est largement mise en cause lors des révoltes, comme ici
à Fleury-Mérogis en septembre 1984 : « Les
détenus affirment n'avoir pas pu voir un médecin depuis des
semaines. On parle de morpions courant sur les lits, de femmes syphilitiques
non soignées » (Libération, 06/09/1984). Les
soins sont fréquemment décrits, par une presse critique à
l'égard de l'action du gouvernement en matière
pénitentiaire, comme un exemple des mauvaises conditions de
détention :
« Vous êtes malade ? Vos dents ?
Votre estomac ? Vous avez un peu de vague à l'âme ? Vous
déprimez ? Vous devenez fou ? Vous craquez ?
L'infirmière ne peut pas venir. Le médecin n'est pas là.
Il n'y a pas de psychiatre en ce moment. Vous êtes un simulateur. Le
médecin viendra dans deux jours. Le psychiatre ne viendra pas.
L'infirmerie est pleine. L'hôpital aussi. Votre cas n'est pas assez
grave. On ne peut rien faire. Il faut vous arracher toutes vos dents. Votre
estomac est foutu. Votre tumeur tourne mal. Il va falloir vous expédier
dans un hôpital civil. Là-bas, ils ne peuvent plus intervenir.
Peut-être allez-vous mourir... » (Libération,
8/11/1982).
La survenue de plusieurs scandales au début des
années quatre-vingt achève de légitimer la suppression du
poste de Médecin-inspecteur qui, outre un aspect symbolique important,
est pensée comme une première étape dans la
réorganisation de la médecine pénitentiaire. Pourtant
cette réforme structurelle constitue également un acte politique
à l'égard de Solange Troisier. « Quand le nom de Robert
Badinter est apparu sur les écrans de télé, j'ai compris
que mon sort était joué. La peine capitale allait même
être appliquée », observe le Médecin-inspecteur
à son propre sujet1248(*). La suppression de l'Inspection
médicale et son transfert au ministère de la Santé ne
peuvent ainsi être comprise qu'au croisement de cette double logique
réformatrice et politique (1). La dénonciation de la
qualité des soins par un acteur reconnu au sein du secteur
médical, le Pr Huguenard, ouvre au même moment une nouvelle
« fenêtre d'opportunité » légitimant de
façon plus globale la réorganisation de la médecine
pénitentiaire (2).
1. L'éviction de Solange
Troisier et la suppression de l'Inspection médicale interne : la
politisation d'une réforme structurelle
L'arrivée de la gauche au pouvoir marque un tournant
dans la carrière du Médecin-inspecteur. Fortement
politisée, elle voit d'un mauvais oeil l'accès de membres du SM
à des postes de responsabilité à la Chancellerie :
« Pourquoi, nous, la majorité d'avant 1981, les avons-nous
laissé tisser leurs filets à tous les échelons de
l'Administration ? [...] Le syndicat de la magistrature naissant
était déjà implanté partout. La politique gaulliste
avait laissé s'épanouir dans tous les ministères les
taupes les plus efficaces »1249(*). Le ministre de la Justice s'avère
méfiant à l'égard des déclarations de Solange
Troisier, le nouveau directeur de l'Administration pénitentiaire, Yvan
Zakine, lui refusant ainsi à plusieurs reprises de prendre la parole en
public. Les déclarations du Professeur Troisier semblent d'ailleurs de
plus en plus contestées par les praticiens eux-mêmes. Elle
provoque ainsi, en novembre 1981, la réprobation des participants des
Journées internationales de médecine pénitentiaire en
évoquant la « nécessité d'hospitalier au maximum
dans les services pénitentiaires, parce que les hospitalisations en
service libre coûtent cher, dérangent le service et favorisent les
évasions »1250(*).
« Depuis plusieurs années, celle dont la
carrière fut émaillée par plusieurs déclarations
fracassantes [...] observe un silence total », constate Le
Monde le 18 mars 1983. Signe de cette mise à l'écart, le
Médecin-inspecteur n'est pas intégré à Commission
chargée de préparer les réformes, comme le souligne le
magistrat ayant assuré le secrétariat de cette Commission :
« Et dans ce groupe de travail, bien entendu elle était mise
sur la touche pour des raisons un peu politiques. Parce qu'elle était
gaulliste et c'étaient les socialistes qui avaient le
pouvoir »1251(*). Nouveau symbole de cette mise à
l'écart, Robert Badinter refuse d'apporter son patronage au
congrès de médecine pénitentiaire qui a lieu à
Paris en novembre 19811252(*). Alors que le ministre de la Santé
assure les participants de sa présence, « l'absence
remarquée d'un représentant du ministère de la Justice
à cette réunion importante a jeté un léger trouble
sur l'importance de leur rôle », selon l'envoyé du
Quotidien du médecin (30/11/1981). Enfin, le Conseiller
technique du garde des Sceaux décide de supprime la double
indemnité dont bénéficiait le Médecin-inspecteur en
vertu de sa nomination par décret du 12 mai 1981 au rang de
Professeur : « Elle travaillait à temps plein pour
l'administration et elle était en même temps Professeur. Alors
là, ça n'allait pas !»1253(*). Au-delà des
considérations politiques, Solange Troisier incarne l'idée d'une
organisation des soins spécifique aux détenus à laquelle
Robert Badinter aurait été déjà à
l'époque défavorable, d'après ses écrits
biographiques d'aujourd'hui :
« La priorité demeurait la question des
soins aux détenus. J'avais eu à ce sujet des plaintes et
mesuré, dans mes visites la misère sanitaire de nos prisons. Les
installations et les moyens étaient insuffisants, hormis à
l'hôpital de Fresnes. Cet état de choses procédait d'une
conception erronée. L'administration avait procédé
à une "médecine pénitentiaire" autonome. Cette approche se
révélait caduque, et ses conséquences déplorables.
Le détenu souffrant est un malade. Les soins doivent lui être
assurés comme à tout être humain. Certes il existe des
pathologies propres à la détention : troubles du sommeil,
affections digestives, maladies somatiques, etc. Elles relèvent de
spécialistes et doivent être traitées en prison comme au
dehors. Mais une médecine qualifiée de "pénitentiaire" ne
pouvait être que misérable, à l'image de la prison
elle-même. Il fallait briser ce cloisonnement, cette muraille
administrative, et soumettre le traitement médical des détenus
aux mêmes normes et contrôles qu'à l'extérieur. Cette
réforme nécessaire se heurtait à la résistance de
ceux qui avaient fait carrière au sein de ce service, notamment de son
inspectrice générale. Ce qui n'était qu'un problème
de gestion fut transformée en affaire
politique »1254(*).
L'éviction du Médecin-inspecteur,
déjà relégué au second plan, est
accélérée en septembre 1981 à la suite d'un fait
divers1255(*). En août 1981 une prévenue
ghanéenne hospitalisée à Fresnes est amenée au bloc
opératoire en vue d'une coelioscopie (examen endoscopique de l'appareil
génital féminin), « aucun "accord d'opération"
[n'étant] présenté ni signé par
l'intéressée »1256(*). En cours d'opération survient un
incident anesthésique si grave que la malade est transportée en
hélicoptère au service de réanimation de l'Hôpital
Henri-Mondor à Créteil. « Mme Troisier assure, en sa
qualité de médecin inspecteur, que l'intervention s'est
déroulée "sans aucun incident pour le chirurgien qui
opérait" (c'est-à-dire elle-même !). Elle ne
fournit, par ailleurs, pas la moindre explication sur l'opportunité et
l'urgence de cette opération », observe Jean
Favard1257(*). Car outre les problèmes survenus
pendant l'opération est surtout reproché à Solange
Troisier le fait que la patiente aurait été opérée
sans son contentement. En effet huit jours plus tard, lorsqu'elle regagne la
prison de Fresnes, la patiente déclare avoir subi une
hystérectomie (ablation de l'utérus) sans son
accord1258(*).
Cet incident souligne pour le Conseiller technique du garde
des Sceaux l'incompatibilité entre la charge de
Médecin-inspecteur et celle de chirurgien. Nommée médecin
pénitentiaire titulaire par décret le 22 mai, soit quelques jours
avant la passation de pouvoir1259(*), Solange Troisier était devenue sa
propre juge : « Il est clair qu'un inspecteur ne peut pas
s'inspecter lui-même. L'administration était ainsi dans
l'impossibilité d'enquêter sur un incident au cours duquel une
détenue avait failli mourir »1260(*). Il est
décidé lors de la réunion de Cabinet du 28 septembre 1981
de mettre fin aux fonctions, autres que celle de Médecin-inspecteur, de
Solange Troisier : « En rentrant de vacances, le 30 septembre
1981, je trouvais mon bureau de médecin-chef de service de
l'hôpital de Fresnes et de médecin spécialiste des
hôpitaux de Paris déménagé, occupé par des
services administratifs. Mes dossiers et le matériel de bureau que
j'avais apportés de l'université avaient disparu. Tout
était sous clé »1261(*). Quelques jours plus tard, Jean Favard demande
à Robert Badinter l'éviction de Solange Troisier du
ministère de la Justice : « La situation est maintenant sans
issue puisque l'Administration a cessé de disposer d'un
médecin-inspecteur fiable [...] La crise qui vient d'être
traversée avec l'apparition d'un risque vital pour certains
grévistes de la faim, au moment précis où le corps
médical pénitentiaire était plus incertain que jamais n'a
fait que renforcer ma conviction à cet égard. C'est pourquoi il
apparaît hautement souhaitable et urgent que vous décidiez de
mettre fin aux fonctions de médecin-inspecteur de Solange
Troiser »1262(*). Le constat de dérives dans la pratique
du chirurgien-dentiste inspecteur, achève de convaincre le conseiller du
garde des Sceaux des risques à laisser perdurer un contrôle
interne en matière de médecine pénitentiaire
(Cf. Encadré).
UNE INSPECTION INTERNE
AMBIGUË : L'EXEMPLE DE L'ODONTOLOGIE
Source de dépenses importantes pour l'Administration
pénitentiaire, les soins dentaires sont à l'origine de nombreuses
plaintes de détenus du fait du grand nombre d'extractions, moins
coûteuses que les soins proprement dits. C'est dans ces conditions que le
Dr Hergothe1263(*), exerçant depuis 1967 dans une Maison
centrale (MC) d'Alsace, est chargé en 1979, « sur
recommandation de Mme le médecin inspecteur », d'une mission
d'inspection de l'état des cabinets dentaires de la DRSP de
Strasbourg1264(*). Sa mission est étendue en août
1980 à tous les établissements pénitentiaires avant qu'il
ne soit nommé en avril 1981 « Inspecteur régional
d'odontologie ». Il se voit confier pour cela 1.400 vacations en
guise de dédommagement. Il s'avère, au vu des rapports transmis
directement par le Dr Hergothe à Christian Dablanc, que sa mission est
principalement de contrôler l'activité de ses confrères
afin, notamment, de limiter le nombre de soins. Au sujet du C.D de Toul, il
écrit : « A mon premier passage au début de
l'année, j'avais constaté des dépassements à tous
les stades : prothèses, soins, obturation des couronnes et
obturation des racines. Le praticien semble s'être depuis recyclé
dans les extractions. Les soins sont devenus très
rares »1265(*). Dans sa lettre de nomination, le directeur de
l'Administration pénitentiaire précise d'ailleurs que sa
première mission est « de veiller à ce que les
directives générales données par l'Administration
Centrale, notamment en matière de plafonds des soins, soient
respectées », sa seconde de « vérifier les
notes d'honoraires présentées par les
chirurgiens-dentistes »1266(*) puis enfin sa troisième de
« vérifier l'équipement »1267(*). Pour mener à
bien cette mission, le chirurgien-dentiste inspecteur est chargé
initialement de contrôler les demandes de prothèses dentaires et
d'y apporter son visa puis, dans un second temps, d'effectuer un
« contrôle en bouche » directement auprès des
patients à l'aide d'un appareil de radiographie portatif.
Le rôle de contrôle imparti à ce praticien
est cependant contesté par la responsable du Bureau des méthodes
et de la réinsertion sociale de la DAP qui émet des
réserves à son égard à plusieurs reprises.
« Compte tenu du caractère intensifié du contrôle
du docteur Hergothe, en particulier la signature de tous les devis dentaires,
des protestations sont à craindre de la part des confrères mis en
difficulté. Ces derniers pourraient en effet contester ce praticien dont
le statut de dentiste privé n'offre pas toutes les garanties
d'indépendance requises pour des fonctions de
contrôle »1268(*). Le chirurgien-dentiste inspecteur a en effet
proposé « de remercier l'actuel dentiste de la Maison
d'arrêt de Nancy en raison du taux élevé de ses
facturations » et a fait, en 1980, l'objet de deux plaintes devant le
Conseil de l'Ordre par ses confrères1269(*).
Suite à la démission de trois praticiens, Yvan
Zakine rappelle à l'ordre le Dr Hergothe, lui rappelant que sa
mission « n'est pas de faire des observations ou des remarques
quelconques à vos confrères même si elles sont
justifiées »1270(*). Informé de la plainte d'un
détenu à l'encontre du chirurgien-dentiste inspecteur, encore en
exercice, Jean Favard alerte le directeur de l'Administration
pénitentiaire : « Cette lettre ne fait que confirmer les
observations déjà recueillies à l'occasion de la visite du
garde des Sceaux dans cette Maison Centrale »1271(*). L'enquête met
en évidence de nombreuses charges contre le Dr Hergothe. Le
Directeur de la région de Strasbourg ou exerçait le
chirurgien-dentiste inspecteur relève que « ce praticien
était très mal perçu par la population pénale, qui
s'était plaint à plusieurs reprises d'une part de la
qualité des soins donnés, d'autre part de problèmes
relationnels fréquents »1272(*). Des accusations
confirmées par le directeur de la MC où il exerçait :
« Il était facilement taxé de
raciste par les détenus d'origine maghrébine et qualifié
de "boucher" par les autres. Si l'on tient compte des excès de
sensibilité et de propos de certains condamnés, il faut cependant
souligner que la forte personnalité du Docteur Hergothe, homme
énergique et direct qui ne s'embarrassait pas de fioritures et utilisait
un vocabulaire sans ambages, contrastait avec le langage que les fonctionnaires
pénitentiaires sont tenus d'observer dans leurs rapports avec la
population pénale »1273(*).
Son intervention est, d'autre part, mal ressentie par ses
confrères : « En aucun cas, il n'exerce auprès
d'eux la fonction d'aide et de conseiller qu'il devrait
avoir »1274(*). Enfin, chargé de vérifier si
ses collègues pratiquaient la diminution de 60% de leurs tarifs,
conformément au règlement, le Dr Hergothe « ne
respectait pas lui-même cet abattement, au motif que la petite
instrumentation n'était pas complète ». Au vu de ces
nombreux dysfonctionnements, l'Administration pénitentiaire
décide de mettre fin à ses fonctions en 1982. Plutôt que
d'engager une procédure à son encontre, la suppression de
l'inspection médicale interne en janvier 1983 apparaît comme
l'occasion de supprimer son poste.
La suppression de l'inspection médicale interne est en
partie rendue possible par l'émergence en 1982 d'un scandale, dit des
« grâces médicales », qui aboutit en novembre
1983 à la condamnation de Solange Troisier, avant que celle-ci ne soit
relaxée en février 1984. Déjà en 1981, le
Conseiller technique de Robert Badinter soupçonne le
Médecin-inspecteur d'être impliqué dans des demandes de
grâces médicales monnayées dont la presse s'était
fait l'écho en 1977. Le Matin révélait alors
qu'un escroc condamné à huit années de réclusion en
1964 aurait été libéré en 1968 par un décret
individuel de grâce pour raison médicale sans que son état
de santé ne justifie cette mesure (Le Matin, 1/04/1977). Nelly
Azerad, cardiologue à Fresnes fut d'abord soupçonnée avant
d'être innocentée. Elle fut pourtant suspendue de ses fonctions le
22 mars 1977, peu de temps après le non-lieu et ce, à la demande
de Solange Troisier (L'Humanité, 7/04/1977). Certains
journalistes évoquent alors l'existence d'un véritable
« trafic » à l'aide duquel plusieurs
condamnés auraient bénéficié au début des
années soixante-dix d'une grâce du président de la
République pour raison médicale ainsi que d'affectations de
faveurs dans des établissements aux conditions de détention plus
favorables1275(*) (LM, 8/04/1977). L'assassinat de
Georges Fully en 1973 ne serait pas sans lien avec ce trafic dont les
interventions auraient été détournées à son
insu. C'est son refus de signer en faveur de la libération d'un
trafiquant de drogues marseillais célèbre, Guérini, qui
aurait été à l'origine de sa mort1276(*). C'est en tous cas la
conviction de Jean Favard, chargé alors par le DAP d'enquêter en
interne sur son assassinat :
« Selon des probabilités à 99,9% c'est
le milieu qui l'a fait sauter. Parce qu'il n'avait pas donné son accord
pour les libérations [...] De toute évidence il y avait le Dr
Azerad à Fresnes qui était pourrie jusqu'à la
moelle ! [...] Fully, il avait une faiblesse, une grosse faiblesse, c'est
qu'il aimait les femmes... Bon ça, c'est pas grave... Mais surtout il
n'était pas assez prudent dans certaines de ses relations. Le milieu,
c'est quelque chose de dangereux, surtout dans les prisons et le milieu lui
avait collé dans les pattes une nénette qui était
macquée avec un type du milieu. Et Fully roulait même sur la moto
d'un type... Fully était un type parfaitement honnête mais qui ne
se méfiait pas de ce genre de choses. Or le milieu interprète
tout de suite ce genre de choses comme une connivence : "Par
conséquence, je vais obtenir la libération...". Mais Fully
n'était pas comme ça. Il a dit "non" quand il a fallu dire
"non"... et il a sauté ! »1277(*).
« Le docteur Fully était un
incorruptible », note Le Quotidien de Paris, le 13
février 1983. A l'époque Solange Troisier est, elle aussi,
présentée comme « incorruptible ». Elle
aurait notamment voulu mettre fin à ce système de grâces en
opposant un veto systématique aux demandes du Dr Azérad
(LM, 8/04/1977). Elle fut, en outre, l'objet de menaces de mort en mai
1977, peu de temps après que les grâces suspectes survenues au
début des années soixante-dix aient été
révélées par la presse (LM, 5/08/1977). Jean
Favard qui connaît bien Solange Troisier doute pourtant de son
intégrité. En octobre 1973, il assiste à une discussion
entre le Médecin-inspecteur et la responsable du Bureau de la probation
dont il a jusqu'à aujourd'hui gardé la trace et qu'il nous
présente :
« Vous savez, j'ai retrouvé une note du
26 octobre 73 que j'avais écrite quand j'étais à
l'Administration pénitentiaire [se met à lire le document] :
« Ce jour-là, Mme Troisier se rend au Bureau de la probation
où elle rencontre Mme Petit. Dans le courant de la conversation, elle
est amenée à aborder spontanément, le cas Guérini.
Et elle dit à l'ordre des deux magistrats : "Il faudrait savoir, si
vous voulez à tout prix qu'il meurt en prison, ou que vous aillez des
ennuis avec le milieu. Car le milieu ne sera pas content". Mme Petit dit
alors... ». Elle savait très bien Mme Petit. Elle fait
l'innocente : « Mme Petit dit : "Pourquoi ? Parce que
c'est une affaire de milieu ?". Réponse : "Bien
sûr ! Fully s'était d'ailleurs vu proposer de
l'argent..." ». C'était vrai sauf qu'il l'avait
refusé » 1278(*).
Fort de sa connaissance de l'Administration
pénitentiaire, Jean Favard rédige en octobre 1982 une note
à l'attention du garde des Sceaux dans laquelle il met en doute
l'innocence de Solange Troisier, d'ailleurs déjà
précédemment mise en cause au sein du ministère de la
Justice1279(*):
« A peine arrivée, courant octobre et novembre
1973, elle se préoccupait activement avec le docteur Azerad (pourtant
déjà très suspecte de complaisance à l'égard
de certains truands ou trafiquants de stupéfiants) de la
libération pour raison médicale aussi bien de Guérini
(dont le nom ne cessait d'être évoqué à propos de la
mort du Docteur Fully) que de Simonpierri. Cependant, le docteur Azerad venant
d'être de plus en plus souvent mise en cause (interrogatoire du 20
décembre 1973 par le directeur de l'Administration pénitentiaire,
"purge" de l'infirmerie annexe dont 25 des 35 occupants seront
déclarés "cardiopathes stabilisés" par trois experts
cardiologues en avril 1974, information contre X ouverte le 5 octobre 1974 pour
trafic d'influence, corruption et complicité), Mme Troisier prenait
désormais ses distances avec elle, voire contribuait à sa
"déstabilisation" au sein de l'Administration
pénitentiaire... »1280(*).
Si Jean Favard fait alors état de ses doutes à
l'égard de Solange Troisier, c'est parce que le « scandale des
grâces médicales » réapparaît au sein de
l'espace public en 1982. Né de la plainte de plusieurs détenus
prétendant être victimes d'escroquerie ou de chantage, ce
« scandale » dispose d'une forte audience médiatique
à la fin de l'année 1982 et surtout à partir de
19831281(*).
Le litige juridique qui a lieu autour des écoutes
téléphoniques mais surtout les nombreuses rumeurs qui circulent
au sujet de la ville de Marseille lui donnent un écho particulier. On
assiste à une surenchère médiatique. Le 1er
août 1982, Le Quotidien de Paris évoque une
« évolution pyramidale de l'affaire » pouvant
remonter jusqu'aux plus hautes sphères de la Chancellerie. Les
événements prennent une dimension particulière lors de
l'implication, puis de l'inculpation, de Solange Troisier. Figure du gaullisme,
le Médecin-inspecteur apparaît pour ses détracteurs comme
le symbole des errements du précédent gouvernement. Une analyse
de la manière dont les différents journaux ont rendu compte des
faits souligne la forte politisation de ce « scandale ».
La presse de gauche présente une version très
à charge à l'égard du Médecin-inspecteur. Jacques
Derogy dans L'Express est l'un des premiers à s'interroger sur
l'importance de l'attestation, publiée en
« exclusivité » en mars dans l'hebdomadaire,
signée par le Médecin-inspecteur ayant permis la
libération de Kechichian (21/01/1983). Sans jamais l'accuser, le
journaliste insinue le doute sur le rôle de Solange Troisier,
« sorte de Saint-Just, parée de sa croix de guerre, de sa
Légion d'honneur, de ses diplômes de chirurgie-gynécologue
accoucheur, de ses titres de Professeur titulaire de médecine
légale au C.h.u Lariboisière, d'enseignante à
l'université de Paris VII, de présidente de l'Ordre national des
sages-femmes, et de la gloire de ses ancêtres »
(18-24/03/1983). En avril, il établit implicitement un lien de
connivence entre elle et le Dr Colombani (8-14/04/1983) et s'étonne
qu'elle n'ait pas été également
incarcérée : « Qui donc a peur de Solange
Troisier ? Est-ce seulement en raison du calibre impressionnant d'un
personnage imbu de ses origines et de ses titres de gloire qu'on n'a pas
osé "mettre au trou" ce chirurgien gynécologue devenue une sorte
de "Saint-Just des prisons" ? »1282(*). La couverture
médiatique de Libération apparaît encore plus
à charge. Dès octobre 1982, le quotidien évoque le
« scandale des grâces médicales »
(21/10/1982). L'attestation remise au juge Michel constituerait une preuve de
culpabilité du Médecin-inspecteur : comment Solange
Troisier, souligne Libération, peut-elle attester
d'une « affection si grave » sans avoir examiné le
malade ? (27/02/1983). « Reste à savoir jusqu'où
remontent les complicités. Et notamment quel rôle a joué
Solange Troisier », note le quotidien le 9 mars 1983.
Libération réfute la défense du
Médecin-inspecteur qui prétend avoir fait confiance à ses
« amis », Me Fraticelli et le Dr Colombani, en
signant ce certificat : « Aussi simple que cela. Solange
Troisier, sommité de la médecine pénitentiaire
française depuis 1973, s'est donc faite piéger comme un interne
» (26/10/1983). Aux accusations succède la déception lors du
déroulement du procès (27/10/1983). Le jugement est décrit
comme un « désaveu » non seulement en raison des
« peines de principe » mais également du fait du
rejet des chefs d'inculpation de « connivence à
évasion » et de « faux certificats
médicaux » (17/11/1983).
Si Solange Troisier souffre à gauche de certaines
inimités, elle bénéficie de soutiens parmi d'autres
journalistes. C'est particulièrement le cas de Patrice Carmouze, du
Quotidien du médecin et du Quotidien de Paris.
Dès ses premiers articles, ce dernier semble convaincu de la bonne
foi du Médecin-inspecteur : « Le Dr Troisier a sans doute
été trahie par le Dr Colombani, celui qu'elle
considérait comme son ami. Sans doute, n'a-t-elle pas un instant
songé que cette lettre qu'elle venait de signer (un simple document
administratif) l'entraînerait dans un engrenage qui la
dépasserait. En tous cas, sa franchise et son courage, s'ils ne font pas
la preuve de son innocence, sont autant de traces de sa bonne foi »
(18/03/1983). Les experts commis ne seraient eux-mêmes que des
« médecins complices malgré eux » (10/03/1983). Le
journaliste reprend à son compte tous les arguments
déployés par Solange Troisier sans jamais les soumettre à
la critique (7/04/1983). Avant même la tenue du procès, le
journaliste souligne « les faiblesses de
l'accusation »1283(*) : « On peut légitimement
se demander si, en voulant faire un exemple, en voulant prouver que rien ne
l'arrêterait dans la manifestation de la vérité [...] cette
même justice ne s'est pas trompée de cible et
d'affaire » (Le Quotidien de Paris, 17/06/1983). Le
dessaisissement du tribunal de Marseille est décrit comme
« une sorte de désaveu [du] juge Christian
Raysseguier » : « Car le magistrat,
décidé à venger la mémoire de son ami Pierre Michel
[...] et croyant tenir ceux qui, par leur maladresse ou leur complaisance,
auraient pu faciliter ce geste, n'a pas ménagé les
prévenus »1284(*). Si il y a eu condamnation, malgré
l'absence de preuves, c'est selon lui « pour ne pas infliger un
nouveau camouflet aux juges marseillais [...] Il fallait condamner pour ne pas
décevoir une opinion publique qui, influencée par une campagne de
presse savamment orchestrée, avait déjà rendu son verdict
en considérant les inculpés comme des coupables »
(17/11/1983). Enfin, l'énoncé de la relaxe général
s'accompagne du soulagement du journaliste : « Justice est
faite. Tout est bien qui finit bien... L'erreur judiciaire a été
évitée [...] Par cet arrêt, voici que toute une
construction judiciaire, bâtie à la hâte, ficelée
à la va-vite, s'effondre et retombe comme un soufflé qui n'aurait
jamais dû prendre »1285(*). La défense apportée au
Médecin-inspecteur n'est pas surprenante si l'on considère que
Le Quotidien du médecin est une revue professionnelle peu
critique à l'égard du corps médical. A un lecteur
reprochant au journal sa ligne éditoriale (« Votre journal
croit-il servir la déontologie en volant au secours d'un des
nôtres apparemment gravement compromis ? »), Patrice
Carmouze rappelle les affaires Gérando ou Farçat où des
médecins furent accusés à tort :
« Préférant le bonheur d'un coupable au malheur d'un
innocent, le Quotidien a tenté de ne jamais nager dans ces eaux. Peut-on
lui en faire grief ? » (18/07/1983).
Plus politique apparaît en revanche la défense,
bien que plus discrète, du Médecin-inspecteur par Le
Figaro. Entre la négligence et la compromission, Catherine Delsol
privilégie ainsi la première hypothèse :
« Pour qui a un jour rencontré Solange Troisier, allure de
cheftaine, la première éventualité paraît la plus
probable : débordée de travail, elle aura fait confiance au
rapport des experts Mazaud et Mariotti » (17/03/1983). Peu de temps avant
le procès, la même journaliste remet en cause la portée de
l'affaire dont « le dossier semble mince » (22/08/1983) et
qui, s'il est épais, est « peut-être un peu trop
artificiellement gonflé » (3/10/1983). Le soutien discret
apporté par Le Figaro au Médecin-inspecteur s'explique
bien sûr par des raisons politiques, et ce, à un moment ou
l'alternance avive les conflits, comme en témoigne la
présentation que livre le journal de l'« affaire » a
posteriori :
« Ces sottises s'expliquent par le ressort trop
méconnu du socialisme : la méchanceté. Solange
Troisier nous montre qu'elle revêt la forme de l'acharnement
pénal. L'indulgence, si ce n'est la connivence, est
réservée aux terroristes, aux assassins et aux voyous. Soyez, en
revanche, "ennemi de classe", par exemple médecin réputé
et comblé d'honneurs - et adversaire politique - résistante
militante et ancienne député gaulliste, et, si le prétexte
le plus tortueux se présente, on mettra perversement en marche
l'appareil de la Justice pour qu'il vous brise »
(27/11/1985).
Qu'elles soient de gauche ou de droite, ces prises de position
journalistiques témoignent de la forte politisation du procès des
grâces médicales, et plus généralement du poste de
Médecin-inspecteur après l'alternance. Le garde des Sceaux se
défend, certes, d'avoir été motivé dans sa
décision de supprimer ce poste par des idées politiques. Il
apparaît cependant difficile de distinguer clairement ce qui
relèverait de l'ordre des raisons politiques de celles d'ordre
administratif et organisationnel, tant Solange Troisier avait contribué
à politiser la fonction de médecin-inspecteur en endossant des
fonctions non strictement médicales, par exemple en matière de
grèves de la faim1286(*).
Si le procès des grâces médicales fut
celui d'une « baronne du gaullisme », il fut
également, du fait de la forte personnification de la médecine
pénitentiaire dans son Médecin-inspecteur, celui de
l'organisation médicale carcérale dans son ensemble.
« Explosif. Le mort est répété avec
délice depuis le début de l'affaire des grâces
médicales. Le dossier va dévoiler un vaste réseau de
complicités qui, à partir des Baumettes, éclabousse la
médecine pénitentiaire » (Libération,
21/10/1982). Jacques Derogy voit dans le « scandale » des
grâces une « crise de la médecine
pénitentiaire » : « "La médecine en
prison, c'est toute la médecine avec quelque chose en plus",
déclarait le précédent garde des Sceaux, Alain Peyrefitte,
en inaugurant, à l'automne 1979, le premier Congrès mondial de la
médecine pénitentiaire. Ce quelque chose en plus, est-ce la part
de mystère qui a scellé successivement les destin
différents des Dr Georges Fully, Nelly Azerad, Alain Colombani et
Solange Troisier ?»1287(*). Le Médecin-inspecteur se
présente d'ailleurs comme victime de l'acharnement des médias
à l'égard de la médecine pénitentiaire :
« Si l'affaire Troisier a éclaté, c'est peut-être
parce qu'il fallait qu'on fit un jour le procès de la médecine en
prison, et qu'on lui rendît justice [...] La presse a été
remplie ces derniers temps de relations fracassantes, souvent
indécentes, sur de prétendues "bavures" : on n'a pas
hésité à mettre tout le corps médical en
cause »1288(*).
Si, comme le constate Jean Favard, « l'incident de
Fresnes agit comme un révélateur » quant à la
réforme de la médecine pénitentiaire et
« à son "décloisonnement" »1289(*), le
« scandale des grâces médicales »
légitima néanmoins fortement cette réforme en soulignant
les dysfonctionnements du système précédent.
« La médecine pénitentiaire est salement
malade », titre le Canard enchaîné dans un
article mettant en lien les grâces et la réorganisation du
dispositif sanitaire1290(*). De nombreux journalistes voient ainsi dans le
statut de la médecine pénitentiaire l'une des origines de ce
« scandale » : « "En tous cas, se borne à
commenter le chef du S.r.p.j de Marseille, Jean-Pierre Sanguy, ça
démontre bien qu'il faut réformer le système". D'abord
celui de la médecine carcérale, dont le personnel [...]
réclamait, depuis belle lurette, son rattachement au ministère de
la Santé » (L'Express, 8-14/04/1983). Alors que s'ouvre le
procès des grâces médicales, un membre de l'Administration
pénitentiaire déclare que va être poursuivi « le
décloisonnement progressif de la médecine pénitentiaire
qui, ainsi, ne sera plus de la médecine au rabais » (Le
Matin, 24/10/1983).
Car à mesure que se déploie le
« scandale », la réforme de la médecine
pénitentiaire est en voie de réalisation. Après une
rencontre entre les cabinets des ministères de la Santé et de la
Justice, Robert Badinter propose en décembre 1982 à Jack Ralite
de mettre en oeuvre le « véritable décloisonnement de
la médecine pénitentiaire » qui présente
« l'inconvénient majeur d'être repliée sur
elle-même »1291(*). Car au même moment, le rapport de la
Commission de réforme, dont avait été exclue Solange
Troisier, dresse pour la première fois une description très
sévère de l'organisation des soins en prison :
« L'intervention médicale en milieu
pénitentiaire doit répondre à la demande
thérapeutique du détenu et à sa seule demande. Celui-ci
conserve la liberté d'accepter ou de refuser les soins prescrits dans
qu'aucune contrainte puisse résulter de sa condition de détenu.
La protection du dialogue singulier entre un médecin et son patient fait
éminemment partie du droit à la santé dont les
détenus ne sauraient en aucun cas être privés [...]
Très concrètement on ne peut pas admettre qu'un responsable
administratif d'établissement s'attribue le droit d'apprécier et
de modifier la portée d'un certificat médical normalement
établi [...] Dans l'immédiat, l'interdiction de
délivrer des attestations ou certificats médicaux aux
détenus devrait disparaître, tandis que seraient définis
les conditions de visite du médecin traitant. Le principe du secret
professionnel médico-social devrait être affirmé, ses
conditions définies et des mesures prises pour assurer son respect
»1292(*).
Parce que le détenu « conserve
l'intégralité de ses droits à la santé et n'a pas
été exclu de la communauté », la Commission
souligne qu'« il n'est pas raisonnable de penser que
l'administration pénitentiaire puisse se doter d'une médecine
particulière »1293(*). Ainsi, est envisagée explicitement la
disparition de la médecine pénitentiaire : « Ouverture
sans restriction du régime général de
Sécurité sociale aux détenus, intégration des
structures de soins dans la Santé publique et rattachement de la
médecine somatique aux CHU ou CHR couvrant le secteur de chaque
établissement pénitentiaire »
(Libération, 15/12/1982). Si à terme c'est l'ensemble de
la médecine pénitentiaire qui doit être
transféré au ministère de la Santé, les deux
ministères conviennent de confier dans un premier temps le
contrôle des services médicaux pénitentiaires à
l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS),
chargée ensuite de « proposer les voies et moyens d'un complet
décloisonnement de la médecine
pénitentiaire »1294(*). Bien qu'apparemment anodine, cette
réforme apparaissait à l'époque extrêmement
novatrice, comme le rappelle un magistrat ayant été amené
à piloter les travaux de la commission :
« On cherchait à l'époque un
adjoint pour un tout petit Bureau... petit Bureau, au sens où on
était trois ou quatre, pour en réalité relancer des
réformes pour humaniser, je crois que c'était le mot qu'on
utilisait à l'époque, les conditions de détention [...]
Alors, notre but, c'était de faire des réformes et moi, ça
m'intéressait beaucoup [...] Il y a eu la mise en place d'un groupe de
travail qu'on appelait la commission "vie quotidienne" [...] Et il y a un sigle
qui a fait son apparition dans ce groupe de travail, c'est I.G.A.S.
[épelle chaque lettre] IGAS. "Mais qu'est-ce que c'est ?". On
connaissait pas trop à l'époque parce qu'il faut
reconnaître qu'on était ministère de la Justice et puis bon
l'IGAS.... Alors l'idée a été de dire : "Le
contrôle de tous les aspects sanitaires des prisons sera exercé
par non plus une personne, d'ailleurs il ne peut pas ou elle ne peut pas,
malgré ses immenses mérites à elle toute seule... Il y a
180 établissements ! Donc on va mettre une sorte de
contrôleur collectif qui est l'Inspection générale des
affaires sociales". Et on a modifié un article très très
modeste, un D.372 du Code de procédure
pénale » 1295(*).
La suppression de l'inspection interne des services
médicaux de prison, qu'entérine le décret du 26 janvier
1983, est décrite par Le Monde comme « le premier pas
vers une nouvelle politique de santé, dégagée du "ghetto
carcéral" » (LM, 15/12/1982) tandis que
Libération y voit le signe d'une « véritable
médecine pour les détenus » : « C'est
une décision radicale qui aura finalement été choisie pour
essayer de mettre fin à la mauvaise réputation d'un service qui
s'était révélé incapable de se réformer en
restant sous la tutelle de l'administration
pénitentiaire »1296(*). Certains journalistes, plus proches de
l'ancien Médecin-inspecteur, interprètent en revanche cette
« mesure générale » comme « une
mesure individuelle [...] puisqu'elle revient à supprimer la fonction
jusqu'alors occupée par Solange Troisier, dont le moins qu'on puisse
dire est qu'elle ne fait pas partie des plus fanatiques zélateurs de
l'actuel garde des Sceaux » (QDM, 14/12/1982). Outre la
dimension partisane, c'est à partir du cas du Pr Troisier, que le
ministère de la Justice conclut, comme le souligne un magistrat de la
DAP, à la nécessité d'instaurer un contrôle
collectif de l'organisation des soins en prison :
« L'idée a été de
dire : "Le contrôle de tous les aspects sanitaires des prisons sera
exercé par non plus une personne, d'ailleurs il ne peut pas ou elle ne
peut pas, malgré ses immenses mérites à elle tout seule...
Il y a 180 établissements ! Donc on va mettre une sorte de
contrôleur collectif qui est l'Inspection générale des
affaires sociales". Et on a modifié un article très très
modeste, un D.372 du Code de procédure
pénale »1297(*).
Plus qu'une décision partisane, la suppression du poste
de Médecin-inspecteur visait à rendre possible une réforme
plus globale de l'organisation des soins que Solange Troisier aurait pu
entraver. « Il faut dire que c'était important qu'on ait le
terrain entre-guillemets libre pour faire ces réformes. C'est pas
tellement commode de les faire avec l'ancien groupe... », souligne
celle qui fut la première directrice de l'Administration
pénitentiaire1298(*). L'amélioration du dispositif de
contrôle, et plus largement de la prise en charge médicale,
apparaissait ainsi indissociable de l'éviction de celle qui
s'était proclamée la « patronne » de cette
nouvelle spécialité médicale :
« Si vous voulez, d'un mal il fait faire un bien
[...] Il y avait aussi l'idée de protéger un médecin comme
ça, tout seul, que ce soit Fully ou Troisier, si tout dépend que
de lui on ne peut avoir qu'une envie, c'est de l'acheter ou de le faire
sauter... [...] Pourquoi on se faisait pas inspecter par l'IGAS ? Alors
évidemment, ça postulait qu'on fasse disparaître le poste
de Médecin-inspecteur de Mme Troisier. Du coup, ça
réglait aussi ce problème. Mais on ne l'a pas fait pour
ça ! C'était, si vous voulez, d'une pierre deux coups. On
n'avait plus besoin de Médecin-inspecteur [...] Mais si vous voulez, on
ne l'aurait pas fait que pour ça, parce que sinon... L'idée
c'était quand même qu'on n'avait pas d'inspection, que
c'était trop dangereux pour un seul » 1299(*).
Parmi les différentes réformes de la condition
carcérale annoncées par le garde des Sceaux en décembre
1982, celle concernant la médecine pénitentiaire est celle qui
retient le plus l'attention de la presse : « L'une des mesures
annoncées tranche nettement, il est vrai - c'est la seule - avec les
mystifications habituelles en la matière : la suppression de
l'Inspection Médicale Pénitentiaire, qui devrait entraîner
la disparition de la médecine au rabais des prisons, avec sa cohorte
d'opérés évacués d'urgence vers les morgues des
hôpitaux "civils" » (Libération, 17/12/1982). Car
parallèlement au « scandale des grâces
médicales », une série de morts survenues à
l'Hôpital de Fresnes jette le discrédit sur la médecine
pénitentiaire, offrant ainsi l'opportunité de sa
réforme.
2. Du «lanceur d'alerte»
à l'«affaire»: les logiques de «scandalisation»
La médecine pénitentiaire a fait l'objet depuis
les années soixante-dix de nombreuses dénonciations, tant de la
part des détenus que des militants de la cause carcérale. Si
elles ont réussi à capter une certaine audience, ces critiques,
souvent accusées de partialité, n'ont néanmoins jamais
réalisé un consensus en raison de leur politisation plus ou moins
marquée. L'effet pervers de cette politisation de la critique est
particulièrement visible pour Libération, amené
à rendre public des incidents rarement repris par les autres
médias. Le quotidien fait ainsi état en 1980 du cas d'un
détenu mort à Fleury-Mérogis dont la famille porte
plainte1300(*) ou du décès d'un détenu
à l'infirmerie des Baumettes1301(*), sans que ces informations se transforment en
« scandale ». Afin qu'émerge une
« affaire » au sein de l'espace public, un
phénomène de reproduction, de démultiplication et
d'approfondissement de l'information est en effet nécessaire. Pour cela,
l'information doit pouvoir être considérée comme
« fiable », soit du fait de sa précision, soit
encore du fait de la légitimité dont bénéficie
celui qui la délivre. Ces deux conditions semblent faire défaut
aux articles de Libération, dont le contenu repose à
chaque reprise uniquement sur les déclarations de proches du
détenu. Les « affaires » que condamne le quotidien
se déroulent ainsi souvent dans le vase clos de ses seules
colonnes1302(*). Souvent floues, les accusations
formulées par le journal ne sont la plupart du temps pas reprises par
d'autres médias et ne suscitent aucune réaction des personnes
mises en cause, ne permettant ainsi pas d'alimenter la logique du scandale.
Tout autre est en revanche l'effet de la condamnation de la médecine
pénitentiaire qu'effectue en 1982, un « lanceur
d'alerte »1303(*) influent, le Pr Huguenard.
Directeur du SAMU (Service d'aide médicale d'urgence)
du Val-de-Marne dont il est l'un des fondateurs, chef du service de
réanimation de l'Hôpital Henri Mondor et Professeur de
médecine à Créteil, Pierre Huguenard connaît bien
l'Hôpital de Fresnes, dont il reçoit les détenus en urgence
et où il envoie travailler ses anesthésistes-réanimateurs.
Dans un ouvrage autobiographique publié en 1981, il met
déjà en cause l'Administration pénitentiaire au sujet des
retards avec lequel certains détenus sont amenés dans son service
de réanimation : « Autant dire que si les détenus
sont privés de tous leurs droits civiques - ce qui est normal - ils le
sont aussi du droit à la santé [...] On peut prétendre,
certes, que ne cotisant plus à la Sécurité sociale, le
condamné a perdu ce droit. Mais alors qu'on le dise nettement et qu'on
ne crée pas une chaire de médecine
carcérale »1304(*). Bien habitué des médias pour
son combat en faveur des SAMU, le Pr Huguenard dénonce en octobre 1982
dans des déclarations très médiatisées les
conditions dans lesquelles est décédé un détenu,
suite à une opération effectuée par le médecin-chef
de l'Hôpital de Fresnes, le Dr Pierre Perdrot1305(*). « Le
chirurgien s'est lancé dans cette affaire un peu à l'aveuglette.
Mais surtout il a négligé une péritonite qui avait
évolué pendant une dizaine de jours [...] Je pense que la
qualité des soins, et surtout des soins chirurgicaux, n'est pas celle
qu'elle serait pour des non détenus. Je crois qu'il y a là une
question de principe. Ce garçon n'était pas condamné
à mort n'est ce pas ? D'ailleurs ça ne se fait
plus ! », déclare le Pr Huguenard au journal
télévisé1306(*). Remarquant qu'« il est très
difficile de savoir ce qui se passe dans cet hôpital
protégé par le double rempart du secret médical et
pénitentiaire » (Le Matin, 8/10/1982), Pierre
Huguenard met en cause les « abus de pouvoir sans limites qu'ils [les
médecins pénitentiaires] exercent sur les
détenus », aboutissant selon lui au « système de
la médecine carcérale, cet état de non-droit
médical », (LM, 7/10/1982).
Ces accusations sont d'autant plus prises au sérieux
qu'elles ne concernent pas un seul détenu. Ce décès,
ajoute en effet le Pr Huguenard, est « comparable »
à celui d'un autre détenu, mort en août 1979 d'une
péritonite après avoir été transporté dans
un état critique à Henri Mondor. Quelques jours après ces
déclarations, un détenu annonce d'ailleurs dans la presse avoir
été « victime » d'une erreur médicale
de la part du médecin-chef de l'Hôpital de Fresnes et ce, alors
que survient un nouvel incident à Fresnes (Le Matin,
25/10/1982). Le médecin-chef de l'Hôpital est accusé
d'avoir refusé de transférer à l'extérieur un
détenu souffrant de complications post-opératoires jusqu'à
ce que ce que son état fut critique1307(*). Interrogé,
Pierre Perdrot rend compte de sa décision par les pressions que
l'Administration pénitentiaire exercerait sur lui afin de limiter les
hospitalisations en milieu civil : « "Lors de ma prise de
fonctions, l'administration m'a demandé de former une équipe
chirurgicale solide afin d'effectuer le plus d'actes chirurgicaux à
Fresnes et le moins d'extractions possibles de prisonniers1308(*)" a
déclaré au Quotidien le Dr P... Phrase bien
révélatrice, en effet, qui rend bien compte de la sujétion
dans laquelle sont tenus les médecins des prisons. Auxiliaire de
l'Administration, il dépend du ministère de la Justice et non de
celui de la santé, qui n'a aucun droit de regard en la matière
» (QDM, 9/11/1982).
Le scandale suscité par le Pr Huguenard devient
dès lors l'occasion d'interroger le statut des praticiens
pénitentiaires. Alors même que le médecin-chef de
l'Hôpital de Fresnes déclare s'indigner que la médecine des
prisons ne dépende pas du ministère de la Santé, plusieurs
journalistes s'interrogent quant à une réforme de l'organisation
des soins aux détenus : « Ne serait-il pas temps, comme
le demandent un grand nombre de praticiens, de rattacher la médecine
pénitentiaire au ministère de la Santé, de donner au
détenu le libre choix de son médecin et la possibilité de
rester en liaison avec les soins de l'extérieur ? » (Le
Matin, 25/10/1982). « Se pose une fois de plus la question du statut
du médecin pénitentiaire : doit-il rester dépendant
du ministère de la Justice ou être rattaché à
l'administration de la Santé? », demande Anne-Marie Casteret
(QDM, 9/11/1982). « Ne faut-il pas réformer toute la
médecine pénitentiaire ? », titre
L'Express le 19 novembre 1982 tandis que Jean Favard annonce que
« les médecins et les infirmiers travailleront en
étroite collaboration avec les hôpitaux qui dépendent du
ministère de la Santé ». C'est également la
question soulevée par le Pr Huguenard :
« La surveillance médicale exige que les
chambres soient accessibles rapidement, et la surveillance pénitentiaire
impose au contraire que les cellules soient closes hermétiquement.
L'actuel chirurgien a même fait aménager deux cellules du type
"QHS" au secteur 1 pour les gros opérés ! Il y a
contradiction évidente entre soins intensifs et univers carcéral.
On peut s'étonner que des médecins s'en accommodent [...] Il
serait encourageant que le ministère de la Santé, qui devrait
intervenir partout où sont traités un homme malade, un
blessé, une femme enceinte, libre ou non, obtienne pour ses inspecteurs
généraux un droit de regard objectif et réellement
compétent derrière les hauts murs [...] Le projet de confier
les soins carcéraux à la médecine hospitalière
verra t-il le jour avant longtemps ?» (Le Quotidien du
Médecin, 2/11/1982).
En avril 1983, apparaît une nouvelle
« affaire » : un détenu ayant ingurgité
des fourchettes meurt des suites d'une opération réalisée
par le médecin-chef de l'hôpital de Fresnes qui aurait
refusé son transfert aux urgences malgré les demandes
répétées d'un médecin anesthésiste. Une
information judiciaire est ouverte tandis qu'un autre détenu ayant
survécu porte plainte pour « non-assistance à personne
en danger ». L'incident est fortement
médiatisé1309(*), notamment en raison des déclarations
du Dr Perdrot à la presse : « L'urgence (parution du
Canard Enchaîné, propos tenus sur FR3 Régional et
aux radios dès le soir) et le harcèlement des médias
à Fresnes et chez moi, imposaient une action
immédiate »1310(*). Car pour se défendre, le docteur
Perdrot met en cause l'Administration pénitentiaire et son manque de
moyen. « L'hôpital de Fresnes ? Aucun service de
réanimation. Manque de lits. Manque de personnel. Pas d'autonomie
financière. Quatre mois sans appareil de radiologie. Plusieurs
décès en cellule sans que l'administration intervienne. Et pour
le reste, explique volontiers le Dr Perdrot, malgré des conditions
matérielles difficiles, les statistiques sont plutôt meilleures
que dans les autres services de chirurgie lourde »1311(*). Le
médecin-chef de l'Hôpital de Fresnes développe un long
réquisitoire contre le ministère de la Justice que reprend
à son compte Libération :
« Accusé, Pierre Perdrot accuse : la
médecine pénitentiaire est effectivement négligée
et loin d'être parfaite. Mais il faut chercher les responsables ailleurs
[...] "La gestion d'un hôpital doit être autonome. A Fresnes
il y a un sous-directeur de prison et il n'y pas d'autonomie budgétaire.
Et il n'y a jamais eu au ministère de la Justice un conseiller un peu
compétent pour informer le ministère [...] Le docteur Perdrot
met aussi en cause l'inaction de l'administration pénitentiaire lors de
récents décès. "Ceux-là personne n'en a
parlé. Il y a juste un mois et demi, un détenu était
atteint d'une tumeur de la peau à évolution explosive. Il ne
voulait pas se faire soigner. J'ai écrit à plusieurs reprises
à la direction de l'administration pénitentiaire. Aucune
réponse ! Le type est mort. Même chose pour un détenu
un an plus tôt amputé aphasique et délirant ! J'ai
demandé des mesures d'urgence, en vain." Menacé, Pierre
Perdrot se fait menaçant : "Pendant toutes ces années,
j'ai été très silencieux, mais j'ai pris des notes,
beaucoup de notes. Le jour où je les sortirai, cela fera très
mal. Je pourrais appeler ça les "gaietés de la
pénitentiaire" »1312(*).
Confinée jusque-là aux conditions
d'opération à l'Hôpital de Fresnes, la question des soins
en milieu carcéral est, quelques mois plus tard, posée de
façon plus globale. Les internes de Fresnes initient alors une
grève pour protester contre leurs conditions de travail tandis que
quatre des huit internes de Fleury-Mérogis démissionnent. Lors
d'une conférence de presse tenue avec le Syndicat des internes de
prison, les démissionnaires incriminent, outre les mauvaises conditions
de travail et d'hygiène, le rôle qui leur est imparti :
« Nous ne sommes que les alibis, les cautions de l'administration
pénitentiaire. On nous demande d'agir seulement pour réduire les
tensions du milieu carcéral [...] Les chefs de service ne sont qu'une
pseudo-hiérarchie n'ayant de comptes à rendre qu'à
l'administration et non à leur...
déontologie »1313(*). Ils regrettent notamment de n'être que
des « distributeurs de
médicaments » : « A Fresnes, par exemple, 3000
comprimés de Rohypnol (somnifère puissant) sont distribués
tous les jours pour moins de 3000 détenus »1314(*). L'organisation des
soins est alors jugée par les journalistes comme allant à
l'encontre de la déontologie médicale :
« On bricole. On emploie des étudiants en
médecine, on promeut au rang d'infirmiers des surveillants à qui
l'on passe une blouse blanche et qui, de l'avis des internes, subissent
fortement la pression hiérarchique » (Le Matin,
30/11/1983).
« Le secret médical est une idée
nouvelle en milieu carcéral. Selon les internes, à Fresnes, des
détenus sont affectés à la distribution des
médicaments et certains s'occupent des dossiers médicaux, ce qui
n'est pas réglementaire. Les surveillants n'ont pas toujours une
idée précise du secret, et des certificats médicaux sont
transmis sans problème à la direction de la prison »
(Libération, 30/11/1983).
Les démissionnaires présentent leur transfert au
ministère de la Santé comme une condition nécessaire
à leur travail : « Comme nous ne pouvons dénoncer
le moindre dysfonctionnement [...] on préfère la quitter [la
prison] pour parler à l'extérieur. Lorsque la médecine
pénitentiaire sera rattachée à la Santé, les
médecins pourront témoigner plus librement » (Le
Matin, 30/11/1983). Il est en effet de plus en plus question au sein de la
presse de la lenteur avec laquelle s'organise le rattachement de la
médecine pénitentiaire au ministère de la Santé.
Libération remarque en avril 1983 que l'IGAS n'a toujours par
reçu la mission relative aux conditions de transfert pourtant
annoncée par le garde des Sceaux en décembre dernier
(Libération, 7/04/1983). Fin novembre, Pierre Huguenard
regrette au cours d'une conférence de presse ce retard responsable selon
lui du secret régnant au sein des établissements comme à
l'Hôpital de Fresnes. « Le secret dont parle le Pr Huguenard,
c'est l'impossibilité pour les autorités médicales
d'intervenir au sein des prisons : les infirmeries et les hôpitaux
des prisons ne dépendent en effet que de l'administration du
ministère de la Justice, même si l'inspection des Affaires
sociales a été chargée, de façon assez
théorique, de la médecine pénitentiaire »
(QDM, 23/11/1983). Sans pour autant aboutir à un transfert
intégral et immédiat de la médecine pénitentiaire,
l'intervention du Pr Huguenard dans le débat public a ouvert une
« fenêtre d'opportunité » en faveur de sa
réforme en publicisant les conditions de décès de certains
détenus, comme l'illustre cet article publié lors de l'annonce de
la suppression de l'inspection médicale interne :
« La médecine pénitentiaire
méritait en effet une réforme. Le décès de Roland
Giraudon, le 1er octobre, à la suite d'une opération
à l'hôpital des prisons de Fresnes et après quarante-six
jours de réanimation à l'hôpital Henri Mondor de
Créteil, et celui d'André Vigneron, en août 1979, à
la suite d'une péritonite, en attestent. De même l'affaire
Labbays, ce détenu opéré, à Fresnes encore, et que
le médecin-chef ne voulait pas faire transférer dans un
hôpital civil pourtant mieux équipé, perdant ainsi un temps
précieux [...] Cela devrait changer avec la réforme et la
médecine ne devrait s'en porter que mieux ; les praticiens
retrouvant, sans entrave, leur préoccupation première :
guérir ou, à tout le moins, soulager »
(Témoignage Chrétien.25/12/1983).
On peut rendre compte de la
« réussite » de la prise de parole de ce lanceur
d'alerte par au moins quatre facteurs. Professeur de médecine
réputé, Pierre Huguenard est tout d'abord la première
figure éminente du monde médicale à condamner publiquement
les conditions de soin des détenus, le Conseil de l'Ordre étant
resté jusque-là en retrait. Bien connu des journalistes,
notamment médicaux comme Jean-Yves Nau ou Anne-Marie Casteret, Pierre
Huguenard dispose, d'autre part, d'un accès aisé aux
médias, y compris télévisés. Troisièmement,
son témoignage est d'autant plus crédible qu'il provient d'une
personne extérieure au secteur carcéral. En effet, ne pouvant
être accusé de visées personnelles, le Professeur Huguenard
apparaît motivé par les seuls arguments
« humanitaires » dont il se prévaut. C'est
d'ailleurs en faisant valoir l'argument d'un « droit à la
santé » qu'il se défend d'une « querelle de
médecins », comme certains journalistes interprètent
initialement cette affaire1315(*). Si la dénonciation de la
médecine pénitentiaire n'a jamais eu autant d'audience, c'est
peut-être, enfin, parce que le dénonciateur lui-même
dénie alors toute volonté de « faire
scandale » :
Journaliste : « Ce "scandale", comment
l'avez-vous déclaré ? »
Pr Huguenard : « Je n'ai jamais
parlé de "scandale", mais de "faute"... Il ne faut quand même pas
exagérer. Comment peut on ici qualifier de scandale le fait que les
détenus soient mal soignés, alors que dans d'autres pays on les
torture [...] Pour moi, médecin, c'est une question de principe :
on supprime ses droits civiques au condamné, mais on n'a pas le droit de
lui supprimer son droit à la santé » (Le
Matin, 8 /10/1982).
Bien inscrit dans le secteur médical,
auréolé des attributs humanitaires de la médecine
urgentiste, disposant de solides relais médiatiques, Pierre Huguenard
« réussit » là où la presse militante
avait échoué. Tandis que les alertes lancées par
Libération demeuraient dans ses seules colonnes, le message du
Pr Huguenard se transforme en affaire. La démultiplication de
l'information entre différents médias et sa
répétition (il est intervenu plusieurs fois) créent une
dynamique de scandalisation. L'annonce d'une réforme ne l'interrompt pas
car à ce moment tout reste encore à faire. Mieux, le scandale du
chirurgien de l'Hôpital de Fresnes vient souligner la lente mise en
oeuvre du transfert de la mission de contrôle à l'IGAS.
L
a réforme de la médecine pénitentiaire
est soudainement mise à l'agenda décisionnel au début des
années quatre-vingt sous le poids de deux facteurs. L'alternance ouvre
tout d'abord une « fenêtre politique » en permettant,
d'une part, à des magistrats-militants d'accéder à des
postes de responsabilité au sein de l'Administration
pénitentiaire et en rendant audible, d'autre part, des organisations
militantes comme la COSYPE. Cette communauté épistémique
est porteuse de représentations dont se saisissent les décideurs
politique et notamment le Conseiller technique Jean Favard. Cette dynamique de
mise sur agenda est dans un deuxième temps favorisé par
l'émergence de scandales achevant de décrédibiliser
l'inspection médicale interne et l'ensemble de la médecine
pénitentiaire, désormais présentée comme un secteur
d'action publique devant être réformé.
Le transfert de contrôle auprès du
ministère de la Santé, première réforme d'envergure
de l'organisation des soins, est essentiellement l'oeuvre d'acteurs politiques,
administratifs et militants. En effet, contrairement à la
première période étudiée, la plupart des praticiens
travaillant en milieu carcéral demeurent au début des
années quatre-vingt largement en retrait. Le segment d'internes
protestataires semble avoir disparu. Tous les praticiens n'approuvent pas le
transfert de l'organisation des soins au ministère de la Santé.
Il semblerait qu'on puisse distinguer, d'une part, les médecins
exerçant depuis longtemps en prison, plutôt favorables au maintien
de la tutelle pénitentiaire et, d'autre part, les plus jeunes
médecins et internes, qui y voient une entrave dans leur pratique
médicale.
Ainsi, dans une interview au Quotidien du
médecin, le médecin-chef de La Santé présente
la tutelle pénitentiaire comme une « bonne
chose » : « Nous sommes en prise directe avec les
magistrats, explique-t'il. Ainsi, il est bon que nous baignions dans un climat
de justice, sans subir une quelconque dépendance, ce qui a
été mon cas [...] En résumé, les choses sont ce
qu'elles sont. Elles me paraissent bonnes »1316(*). A l'inverse un
ancien interne de la Santé, le Dr Louis Vallée, y voit une
résolution des problèmes qu'il avait rencontrés dans sa
pratique médicale : « Secret professionnel et
liberté exercice étaient bafoués ! Nous devions faire
selon la Justice. Les demandes des transferts d'urgence dans les hôpitaux
publics donnaient lieu à des oppositions très importantes [...]
L'infirmier-chef colportait au directeur les échanges que nous avions
à propos des détenus : enfin, il ne nous communiquait pas
les demandes de visite médicale écrites des prisonniers quand il
les jugeait injustifiées ». Aucun praticien, même les
plus favorables, n'est à ce moment engagé dans la réforme
de l'organisation des soins. Au sein de la COSYPE, la participation des
médecins est d'ailleurs faible, se limitant à quelques
psychiatres.
En contraste avec ce moindre engagement des praticiens, des
acteurs administratifs et politiques apparaissent au début des
années quatre-vingt comme les principaux protagonistes de la
réforme de l'organisation des soins en prison. Porteurs d'une
représentation de l'incarcération proche de l'idéal
défini précédemment par Valéry Giscard d'Estaing,
ils contribuent à inscrire durablement la notion de
« décloisonnement » dans la culture de
l'Administration pénitentiaire. Le sens donné à ce terme
évolue en outre profondément sous l'action des membres du
Syndicat de la magistrature, et notamment de Myriam Ezratty. Longtemps
perçu comme un mouvement d'ouverture de la société
à l'égard des prisons ne devant pas remettre en cause la
prééminence des impératifs pénitentiaires, le
décloisonnement est désormais défini comme un mouvement de
va-et-vient, voire d'interpénétration, entre le dedans et le
dehors. « Le décloisonnement des institutions [...] ne peut
être à sens unique. Si l'on veut que la société
s'intéresse à ses prisons, n'est il pas nécessaire que les
prisons s'ouvrent au monde extérieur ? », s'exclame la
nouvelle directrice lors du Conseil supérieure de l'Administration
pénitentiaire1317(*). Elle cite comme exemple de cette ouverture de
la prison à l'égard de la société l'intervention
d'enseignants détachés de l'Education nationale ou encore la
facilité faite aux citoyens de visiter les prisons1318(*) afin
« qu'ils prennent conscience de la réalité de la
condition pénitentiaire »1319(*). Ainsi, ces deux
définitions du décloisonnement, comme ouverture de la prison
à la société ou de la société à la
prison, coexistent si l'on en croit la façon dont ce magistrat
arrivé à la DAP en 1981 définit ce terme :
« Historiquement la prison était la fille
du ministère de la Justice. Attention, il ne faut pas y voir une
appropriation... Ça arrangeait bien les autres ministères parce
que chaque fois qu'il y avait un problème qui concernait autre chose que
la Justice... le travail, la santé, l'éducation, par exemple, on
disait tout de suite : "Ah, mais c'est la tutelle du ministère de
la Justice !". Sous-entendu : "C'est pas moi, ministère
compétent, qui suis responsable de cela mais c'est le ministère
de la Justice parce qu'il s'agit de détenus". Alors
"décloisonnement", qu'est ce que ça veut dire ? En
réalité on va demander au ministère dont c'est la
compétence naturelle d'intervenir aussi en prison. C'est-à-dire
qu'on enlève une cloison qui faisait en sorte que les détenus
échappaient à toutes les actions de droit commun des autres
ministères. C'est ça. Pourquoi vous, Justice, devez habiller
restaurer, former, soigner les détenus sous prétexte que c'est la
prison ? »1320(*).
Il faut, pour comprendre l'importance alors accordée
par Myriam Ezratty à la notion de
« décloisonnement », rappeler brièvement son
parcours. Comme beaucoup, lorsqu'elle accède à la magistrature,
Mme Ezratty n'accorde alors que peu d'importance à la question des
prisons, au point qu'elle ne réalise pas, pour convenance personnelle,
le stage pourtant obligatoire d'un mois en établissement
pénitentiaire1321(*). Elle est alors nommée juge
suppléante à Fontainebleau jusqu'en 1958, date à laquelle
elle intègre l'Education surveillée (ES) 1322(*). Au bout de six ans,
elle est affectée à la Direction des affaires civiles presque
à regret : « Le virus de l'Education surveillée
m'avait déjà touchée ». Conseiller du ministre de la
Santé, Simone Veil, de 1974 à 1979, elle devient ensuite
présidente de chambre. Elle accepte en 1981 de prendre la direction de
l'ES où elle espère mettre en oeuvre la notion de
« prévention globale », entendue comme la
concertation entre les différents acteurs, qu'elle avait
découverte auprès de Gilbert Bonnemaison :
« C'était vraiment pour moi une passion et j'avais fait tout
un plan, j'avais fait une circulaire sur la décentralisation [...] car
à l'Education surveillée, je proclamais, ce qui était de
l'angélisme stupide, que la délinquance était l'affaire de
tous. Et avec Bonnemaison on a parcouru les campagnes pour vendre ça. En
disant qu'on devait travailler ensemble avec le psy, le gendarme,
l'instituteur... ». En 1983, après avoir longuement
hésité, elle accepte de prendre la tête de l'Administration
pénitentiaire où elle voit un nouveau secteur d'application du
mouvement d'ouverture qu'elle avait tenté d'impulser à
l'ES :
« Je voyais l'autre côté du miroir par
rapport à l'Education surveillée, et autant à l'Education
surveillée, on avait réussit à ouvrir sur le monde
extérieur [...] Autant la Pénitentiaire, c'était une
administration comme l'armée. Autant l'Education surveillée,
c'était un peu le désordre... On privilégiait la
créativité, les contacts et c'est ça, d'ailleurs, qui
était passionnant. On y croyait tous. On allait sur le terrain ce qui
était simple. Tandis que pour rentrer dans les prisons. Et moi, ce qui
m'a le plus frappée, à tel point que je suis encore allergique
aux clefs... [...] La prison en tant que telle restait sur des règles
qui lui étaient propres. Dans la plupart des domaines. C'était
surtout une question de mentalité. Il fallait ouvrir
»1323(*).
L'une des premières mesures adoptées par Myriam
Ezratty, avec Jean Favard, afin de concrétiser cette transformation de
l'Administration pénitentiaire est d'adopter un nouvel organigramme
destiné à « montr[er] ce qu'on voulait mettre en
lumière ». Elle impose notamment la création d'un
« Bureau de l'action communautaire », chargé des
liens avec les autres ministères, et ce afin de « marque[r]
l'action envers le monde extérieur ». La santé
apparaît très vite pour la nouvelle directrice de l'Administration
pénitentiaire comme un secteur de choix dans l'application de la notion
de décloisonnement1324(*). N'ayant pu devenir médecin, en
l'absence de faculté de médecine dans sa ville natale, Myriam
Ezratty présente un grand intérêt pour la question
sanitaire. En tant que juge suppléante de Fontainebleau, elle est
d'ailleurs très tôt marquée par les carences en
matière de prise en charge médicale : « Et j'avais
d'ailleurs été horrifiée [...] Les détenus
peignaient dans leur cellule, il n'y avait même pas d'atelier, ils
peignaient dans leur cellule des soldats en plomb dans des conditions... Avec
des produits extrêmement dangereux, ça m'avait beaucoup
frappé ». Il semble que Myriam Ezratty ait vécu sa
nouvelle charge comme une « seconde chance » au regard des
déceptions qu'elle avait éprouvées quelques années
auparavant au ministère de la Santé lorsqu'elle avait
tenté un « premier essai » de
réforme1325(*). « J'aurai souhaité faire
quelque chose. J'étais très déçue », a
t'elle souligné à deux reprises au cours de l'entretien au sujet
de la tentative de réforme de la médecine pénitentiaire.
Signe de l'importance que cette question revêt à ses yeux, la DAP
assiste en personne aux réunions Santé/Justice. « Pour moi
la santé, ça a été quelque chose où j'ai
très peu délégué. C'est une énorme maison
où il faut souvent déléguer. Mais ça, je l'ai suivi
de très près, très personnellement », confirme
t'elle.
Ses trois années à la tête de
l'Administration pénitentiaire sont pour elle l'occasion d'appliquer le
principe du décloisonnement à l'organisation des soins :
« Depuis ces dernières années, la politique conduite
par le ministère de la Justice dans les établissements
pénitentiaires tend au décloisonnement de la médecine en
milieu carcéral. L'objectif est de donner aux détenus des soins
d'un niveau identique à ceux offerts à l'ensemble de la
population »1326(*). Cette politique implique, selon elle, la mise
en place des « mêmes règles de déontologie
médicale en milieu carcéral qu'en milieu libre ».
« Le droit à la santé ne saurait s'arrêter aux
portes de la prison », relève la magistrate1327(*).
Considérée à l'égal de n'importe
quelle autre pratique médicale, la médecine pénitentiaire
perd progressivement toute spécificité. Myriam Ezratty, tout
comme Jean Favard ou Alain Blanc, rejette d'ailleurs le terme de
« médecine pénitentiaire » longuement
défendue par l'ancien Médecin-inspecteur : « Le
mot "médecine pénitentiaire" ne veut rien dire. La
médecine, c'est la médecine. Médecine dans les prisons, on
pourrait dire. Parce qu'à l'époque, c'était vraiment
"médecine pénitentiaire" [...] Si vous voulez, la médecine
pénitentiaire, nous soutenions, à tort ou à raison, que
ça n'existe pas »1328(*). La volonté d'appliquer une même
médecine, au-dedans comme au-dehors, se heurte cependant aux
spécificités que l'exercice médical a progressivement
adoptées depuis plusieurs décennies.
CHAPITRE 5. LES SPECIFICITES CARCERALES A L'EPREUVE DU
« DECLOISONNEMENT »
« Médecine remaniée suivant les
gouvernements. Médecine sujette à scandale (voir l'affaire des
grâces médicales). Médecine sans statut bien défini.
Aujourd'hui, la médecine pénitentiaire n'existe plus, il n'y a
que des médecins exerçant en prison dit un médecin de
Muret. Il a ajouté : "tout ça c'est de la
politique" »1329(*).
Longtemps toléré, le manque de sérieux
avec lequel le Médecin-inspecteur remplit sa tâche est vivement
contesté en 1981 par le nouveau chef de l'inspection des services
pénitentiaires, Philippe Chemithe, après qu'une mission relative
à l'Hôpital de Fresnes ait été
confiée à Solange Troisier: « Je ne puis que
constater l'indigence du rapport du Médecin-inspecteur qui ne
répond à aucun des points que j'avais évoqués dans
ma note. J'ajoute que la méthode employée par le
Médecin-inspecteur relève de la plus parfaite fantaisie et n'a
aucun rapport avec la technique la plus élémentaire d'une
quelconque inspection. En définitive, Mme Troisier se contente de me
remettre deux lettres qui lui ont été adressées [...] sans
que les informations contenues dans celles-ci aient été
vérifiées »1330(*). On comprend dans ces conditions que les
contrôles des MISP aient engendré de nombreuses tensions,
notamment avec des médecins libéraux peu habitués à
un contrôle de leur activité.
Considérée comme un domaine spécifique,
l'organisation des soins en prison est longtemps demeurée à
l'écart du ministère de la Santé. C'est dans l'objectif
d'appliquer la même médecine au-dedans comme au-dehors que la
nouvelle équipe en place à l'Administration pénitentiaire
décide de sanctionner certaines situations tolérées
jusqu'alors. Le Conseiller technique du garde des Sceaux s'étonne ainsi
auprès du DAP de la motion du syndicat CFDT déposée au
cours d'un congrès en avril 1982 faisant état de
« surveillants qui empêcheraient la réalisation
d'examens de laboratoire ou se substitueraient aux infirmières en
"donnant les médicaments" et même qui effectueraient des "actes
médicaux et chirurgicaux" »1331(*). Une plus grande
importance semble accordée à ce moment aux griefs formulés
à l'encontre du corps médical. Informé de la plainte
à l'encontre d'un dentiste, Jean Favard saisit Yvan Zakine estimant
qu'il « serait inadmissible de laisser en place un praticien qui
aurait à ce point oublié les devoirs de sa
fonction »1332(*). Peut-être du fait d'un changement de
génération ou de l'attention apportée au DAP dans la
nomination des directeurs en commission paritaire1333(*), certains directeurs
semblent plus sensibles aux récriminations formulées par les
détenus. Ainsi, le directeur du CP de Fleury demande en 1986 le retrait
de l'agrément d'un dentiste en se fondant sur des plaintes :
« La qualité des soins qu'il pratique est de plus en plus
contestée par la population pénale [...] Notamment il ne
nettoierait pas ses instruments après usage et fumerait le cigare
pendant les soins. Ces faits ont d'ailleurs été confirmés
par des agents en poste à l'infirmerie »1334(*).
Les conditions de départ de cet autre médecin
attestent du moindre degré de tolérance dont
bénéficient désormais les praticiens
« problématiques ». En 1976, le Procureur
général de Pau alerte la direction de la M.A au sujet du
praticien de l'établissement ayant été interpellé
alors qu'il « tentait de pénétrer à la clinique
Lagrange armé d'une carabine » et qui fut alors
diagnostiqué comme
« dépressif »1335(*). Cet avertissement ne
semble alors pas pris au sérieux comme en témoigne le commentaire
manuscrit laissé en marge du courrier : « Ce médecin
n'a commis aucune faute intéressant le service de la M.A de Pau.
L'administration n'a donc aucune raison d'intervenir ». En janvier
1982, le même Procureur général signale une nouvelle fois,
après avoir rappelé son précédent courrier, que le
praticien fut arrêté de nouveau pour avoir tenté de
s'introduire de force et armé dans une habitation1336(*). Quelques mois plus
tard, le généraliste est suspendu.
Symbolique de cette tentative de transformation de
l'organisation des soins, l'Administration tente de mettre fin à la
règle selon laquelle un médecin n'effectuerait que la
moitié des vacations qui lui sont attribuées1337(*). Cette disposition
informelle permettant de conférer un certain attrait à des postes
mal rémunérés avait en effet été, faute de
contrôle, à l'origine d'une importante dérive au cours des
années soixante-dix. Plusieurs praticiens n'effectuaient qu'une part
très congrue de leurs vacations. C'est le cas de ce médecin
exerçant à la M.A de Vesoul et dont le relevé
précis des visites à l'établissement entre 1975 et 1978
fut trouvé dans son dossier de carrière1338(*). Ce praticien
réalisait en moyenne une vacation par semaine, tous les mardis, d'une
durée approximative d'une heure et quart (avec une arrivée
à 11h15 et une sortie à 12h30), pendant laquelle il auscultait
entre huit et dix-huit détenus. Ses visites sont en revanche parfois
beaucoup plus brèves. Le mardi 4 février 1975, il ne reste que
quarante minutes (11h35-12h19) pour examiner quinze détenus. Le mardi 22
juillet, il passe vingt minutes (10h47-12h05) pour douze détenus. La
durée moyenne de ses visites se réduit en 1976 à une heure
pour un nombre équivalent de détenus. Cette tendance à la
baisse s'aggrave, alors même que le nombre de vacations qui lui est
alloué augmente, passant de 279 en 1977 à 485 en
19791339(*).
Plusieurs visites sont parfois inférieures à quinze minutes. Le 3
janvier 1978, il ne demeure dans la M.A que dix minutes (11h40-11h50) pour
douze détenus consultés... Comme le constate une note du
surveillant-chef de l'établissement au sujet de ce
généraliste, « compte tenu du temps passé, il
est permis de s'interroger sur le sérieux de ces examens
médicaux »1340(*).
C'est pour remédier aux problèmes
constatés dans plusieurs établissements qu'un contrôle de
l'assiduité des praticiens est mis en place par l'Inspection des
services pénitentiaires à partir de 1982, comme le rappelle un
magistrat de la DAP : « On avait un inspecteur chez nous qui
était M. Chemithe. Lui, il était craint... J'allais dire, il
faisait un peu figure d'inquisiteur. Lui, si vous voulez, il était
chargé de faire de l'inspection pour l'Administration
pénitentiaire. Mais il rencontrait les médecins et dans ses
rapports, il faisait un paragraphe sur l'infirmerie. Et lui, il se battait
beaucoup avec certains médecins »1341(*). La tonalité
avec laquelle Philippe Chemithe demande le licenciement du
généraliste de la M.A de Nîmes, qui « n'a
effectué pour l'année 1984 que 72 heures de vacations à la
Maison Centrale et 77 heures à la Maison d'Arrêt sur les 1.116
vacations annuelles d'une heure dont il est
titulaire »1342(*), témoigne du rapport de force
désormais instauré avec certains praticiens :
« Il estime rendre des services éminents
à l'Administration pénitentiaire et affirme, sans vergogne que la
qualité de ses prestations n'était pas proportionnelle à
son temps de présence dans les établissements.
L'intéressé a cru bon d'ajouter sur un ton désobligeant
qu'il avait une conscience professionnelle puisqu'il exerçait une
profession libérale (sic) [...] En tout état de cause, cette
situation intolérable et scandaleuse ne saurait perdurer sans
occasionner un préjudice irréparable au fonctionnement des
prisons de Nîmes dont on note par ailleurs le contexte
difficile »1343(*).
Le Bureau du personnel systématise progressivement ce
contrôle à partir des relevés de temps de présence
des médecins que chaque chef d'établissement est chargé de
communiquer1344(*). Ces vérifications
révèlent le taux extrêmement bas des vacations
assurées par beaucoup de praticiens. L'Administration découvre
qu'un cardiologue exerçant à la M.A de Nice n'a effectué
en 1982 que neuf des cent cinquante-six vacations qui lui sont
rétribuées1345(*). Le Directeur régional (DRSP) de Lyon
remarque que le médecin de la M.A de Saint Quentin n'a effectué
« que 18 heures sur 180 en 1984 »1346(*). Dans un courrier
adressé au chef des services d'inspection, le Bureau du personnel
indique le « coefficient de fréquentation » de
chaque praticien de la M.A de Nice : 2/5ème pour le
généraliste, 1/12ème pour l'ophtalmologue,
1/17ème pour le cardiologue, 1/33ème pour
l'ORL1347(*).
Le directeur de la M.A de Saverne tire les conséquences du fait que le
praticien n'ait effectué que 16 heures sur les 120 qui lui sont
rémunérées :
« En défalquant le temps
nécessaire aux mouvements des détenus et aux entretiens avec le
chef d'établissement, on peut estimer très
généreusement à 13 heures le temps consacré aux
consultations, au cours desquelles 501 détenus lui ont été
présentés, soit une moyenne de 90 secondes par
détenu »1348(*).
En dépit du faible prix des vacations, l'Administration
pénitentiaire prend, grâce à ces contrôles, la mesure
de la rémunération réelle de certains praticiens.
Concernant la M.A de Nice, Philippe Chemithe note les effets pervers du
système de paiement par vacations : « L'expérience
montre en effet que l'ophtalmologiste travaillait à plus de 3000 francs
de l'heure, l'ORL à plus de 2200 francs, le cardiologue à plus de
1200 francs. Il est certain qu'un paiement à l'acte eut
été moins onéreux »1349(*). Certains
médecins jusque-là considérés comme vertueux, parce
que peu contrôlés, sont mis à l'index. C'est le cas d'un
praticien exerçant depuis 1960 et décoré en 1980 de la
médaille pénitentiaire1350(*), suite à un rapport de Solange Troisier
où elle le décrivait comme étant
« particulièrement attaché à sa fonction et qui
dirige avec continuité, compétence et dévouement le
service médical des prisons de Metz »1351(*). Quelques
années plus tard, le DRSP de Strasbourg observe que « ce
médecin n'a pas assuré de service » dans un premier
établissement où lui sont confiées 226 vacations et que
« ce même médecin n'a assuré, en 1982, que 85
heures de présence » dans un autre où lui sont
allouées 702 vacations1352(*). Après un rappel à l'ordre de
l'inspecteur Chemithe, selon qui ce praticien « assimile sa fonction
à une véritable sinécure », ce
généraliste présente sa démission en juin
19841353(*).
Outre la non-reconduction systématique des
médecins titulaires1354(*), la mise en place de ces contrôles se
double d'avertissements aux praticiens qui effectuent moins de la moitié
de leurs vacations. Un médecin n'assurant qu'un cinquième de son
temps de présence (48h sur 240h en 1984) se voit demander par le DRSP de
modifier ses consultations : « Un seul passage
systématique le jeudi après midi ne permet plus de
répondre aux besoins de l'établissement qui se sont accrus avec
l'augmentation de l'effectif de la population pénale [...] Je vous
serais reconnaissant de bien vouloir envisager l'institution de deux
consultations hebdomadaires au centre de détention, l'une en
début de semaine (lundi ou mardi), la seconde en fin de semaine (jeudi
ou vendredi) »1355(*). Parfois après un certain laps de temps
(entre six mois un an), l'Administration met en demeure le praticien
récalcitrant d'augmenter ses vacations sous peine d'être
licencié. Après avoir demandé au généraliste
de la M.A de Nice d'effectuer cinq vacations de trois heures par semaine, les
services pénitentiaires constatent que ce praticien n'assure « que
25 heures de présence en moyenne par mois », soit moins de la
moitié exigible, et enclenchent une procédure de
licenciement1356(*).
Pour répondre au faible temps de présence des
médecins, l'Administration pénitentiaire tente de mieux
répartir les vacations entre praticiens1357(*). Le Bureau du
personnel réduit ainsi, après avis de Philippe Chemithe, le
nombre de vacations allouées aux praticiens les moins présents
pour les distribuer à d'autres. Plusieurs praticiens s'offusquent alors
de voir leur rémunération diminuer et refusent de continuer
à assurer leur fonction. Avançant une « volonté
délibérée de [l'] administration de diminuer [s]es
honoraires et de [lui] supprimer [s]es avantages sociaux par n'importe quel
moyen », un médecin exerçant à la M.A de
Dunkerque démissionne, après avoir remarqué que
« le "temps de présence" de 7 heures (un peu minoré
à mon avis) n'a rien de commun avec le travail que je consacre à
cet établissement, ni avec la tension nerveuse qu'il
provoque »1358(*). Le médecin du CD de la Réunion
remet sa démission après qu'il est « demandé
à ce praticien de consacrer un peu plus de temps à son poste
médical (31 heures assurées sur 312 prévues en
1982) »1359(*). Parce qu'ils occupent des postes peu
reconnus, beaucoup de praticiens vivent le contrôle de leurs vacations
comme une humiliation. En témoignent les propos de ces différents
médecins démissionnaires :
« J'apprends maintenant que les médecins
vont pointer à la porte des Maisons d'arrêt comme des manoeuvres
non spécialisés, dont, avec les femmes de ménage de la
région parisienne, ils partagent le privilège du niveau de
salaire »1360(*).
« Les exigences inhérentes à la
médecine pénitentiaire qui confine au bénévolat
[1700 frs/mois] mériterait une considération bien
différente qu'une appréciation administrative obéissant
à des "impératifs comptables" »1361(*).
« Le chiffre de 28 heures de présence
à la maison d'Arrêt est faux : il dépasse 40 heures
[...] Il ressort de votre lettre que je n'accomplis pas le travail pour lequel
je suis dérisoirement rémunéré. Compte tenu de ce
qu'il l'est scrupuleusement, je considère votre assertion comme une
insulte caractérisée »1362(*).
La mise en place d'un contrôle des vacations n'est pas
sans problèmes pour l'Administration pénitentiaire. La remise en
cause de cette règle tacite assurant que ces postes peu prisés
soient pourvus se traduit, souligne le magistrat alors chargé de suivre
les questions de santé, par des problèmes de recrutement dans les
petites villes :
« C'était compliqué parce que si
localement on leur avait dit : "On s'arrange. On vous paie dix heures
mais vous ne venez que cinq heures...". C'étaient des arrangements [...]
Quand vous avez conclu un accord au niveau local et après vous dites au
médecin : "On vous paye dix vacations et vous devez faire dix
heures...". Pour des villes comme Marseille, on n'avait pas de
difficultés à recruter mais dans des petites villes... Et puis
tout se sait ! Y avaient même des conseils départementaux de
médecins qui disaient : "Alors, dans ces conditions là, on
interviendra plus dans les établissements pénitentiaires". Y
avaient des réactions corporatistes. A partir du moment où on
avait cherché des noises chez l'un d'entre eux, il pouvait y avoir une
sorte de réaction de solidarité... »1363(*).
Le contrôle de l'assiduité des praticiens
exerçant en milieu pénitentiaire n'est probablement pas sans lien
avec le transfert de la mission d'inspection à l'IGAS,
particulièrement attentive à cette question. Durant leurs
missions les inspecteurs remarquent en effet la très faible
assiduité des médecins. Au cours d'une journée
d'étude, le Chef de l'IGAS remarque « que ce type de situation
ne peut absolument pas être
toléré »1364(*). On comprend mieux la façon dont
étaient vécus ces contrôles au vu de la vive colère
que manifesta ce généraliste durant l'entretien quand lui furent
présentés les chiffres de l'IGAS concernant son propre temps de
présence :
« - Mon rôle était de voir les
patients, or l'Administration pénitentiaire vous pointe en entrant et en
sortant... On vous fait remarquer que vous avez fait 4h30 au lieu de
5h00 ! Alors vous voyez !
- Par contre dans le rapport de l'IGAS il est
précisé que vous n'effectuiez que 20 de vos vacations...
- Qu'ils disaient ! Et en plus on n'était pas
payé pour des horaires, on était payé pour des vacations.
Alors on peut dire une vacation peut être une vacation horaire...
[c'était le cas] Mais non ! Moi, j'étais payé pour
voir des malades et après les avoir vus je partais ! [...] Parce
que c'était lamentable ! [Vive colère] C'était de
l'ordre de 7 euros de l'heure ! C'était ridicule. ! Alors
qu'un médecin peut gagner actuellement soixante euros de l'heure !
Alors on était payé pour le travail qu'on avait à faire et
quand on avait fini, on partait ! »1365(*)
La question de l'assiduité illustre les
difficultés rencontrées par l'Administration pénitentiaire
à vouloir traiter les médecins travaillant en milieu
carcéral selon les mêmes règles que celles s'appliquant
à n'importe quel praticien. S'il se heurte à certaines
spécificités résiduelles de la médecine
pénitentiaire, le contrôle exercé par le ministère
de la Santé permet néanmoins de rapprocher progressivement
l'organisation des soins en prison du reste du système de santé
(Section 1). La délégation de la santé à des
groupements privés opérée à la fin des
années quatre-vingt dans le cadre du « Programme
13.000 » de prisons à gestion semi-privée marque
l'achèvement du monopole, déjà ébranlé,
exercé par l'Administration pénitentiaire sur l'organisation des
soins. Pour la première fois s'exerce en milieu carcéral une
médecine non pénitentiaire (Section 2).
Section 1- L'organisation
sanitaire en prison sous le contrôle des services de la Santé
La mise en oeuvre du transfert de l'inspection médicale
au ministère de la Santé se traduit par des conséquences
paradoxales. Elle oblige tout d'abord l'Administration pénitentiaire
à devoir rénover les problèmes les plus criants, sous
peine d'être sévèrement épinglée par l'IGAS.
L'absence d'un véritable contrôle pendant près de dix ans
laissait craindre, tel que le souligne le Conseiller technique du garde des
Sceaux, que de nombreuses irrégularités soient mises à
jour : « Quand vous êtes votre propre inspecteur, vous ne trouvez
rien... Tous les vieux sommiers qui sont dans votre jardin, si vous ne les
touchez pas, vous ne voyez que les tulipes ! Vous, vous arrivez
après... Et c'est là qu'on a eu des ennuis ! Vous arrivez
après et vous dites : "Vous pouvez tout fouiller !". Alors
là, on trouve tout ! »1366(*). Un magistrat alors chargé des
questions de santé à la DAP confirme les implications attendues
découlant du transfert de contrôle : « En interne,
on se doutait bien de la situation. On savait que c'était pas
florissant. Donc ça voulait dire prendre le risque de faire
apparaître au grand jour des tas de dysfonctionnements, d'anomalies qui
sont dues au manque criant de personnel ! »1367(*). Le transfert du
contrôle médical s'accompagne ainsi d'une volonté de
l'Administration pénitentiaire de parer aux carences les plus
aiguës. En témoigne cette note interne de la DAP :
« Les inspections que seront appelées
à faire l'IGAS et les médecins inspecteurs départementaux
et régionaux de Santé, ne peuvent pas être raisonnablement
envisagées avant quelques mois : il me paraîtrait utile, au
moins pour les établissements pénitentiaires de la région
parisienne, de réfléchir à une "remise à jour"
même provisoire des infirmeries »1368(*).
Ce transfert est, second effet non désiré de la
réforme, l'occasion pour l'Administration pénitentiaire de
réaffirmer son autorité en matière médicale. Faute
d'un service interne, l'inspecteur des services pénitentiaires, Philippe
Chemithe, est tout d'abord amené à intégrer une dimension
sanitaire à ses contrôles. Mais surtout, lors de la
réflexion menée sur le transfert à l'IGAS, ce dernier
propose que le recrutement des médecins, où le
Médecin-inspecteur jouait auparavant un rôle important, soit
dorénavant le seul fait des services administratifs : « Cette
pratique qui donnait en définitive, à tort ou à raison,
l'impression que le médecin était le seul à pouvoir
recruter d'autres médecins, me parait devoir être
définitivement abandonnée. Il me parait opportun de faire
connaître le principe selon lequel le médecin candidat à un
emploi est recruté par une administration et non par l'un de ses
pairs »1369(*). Bien que conçue comme une étape
dans le démantèlement de la médecine pénitentiaire,
la réforme de l'inspection médicale apparait comme un moyen pour
la DAP de renouveler l'autorité de la tutelle administrative sur le
personnel médical.
Si le transfert de la médecine pénitentiaire est
envisagé par la DAP, c'est d'ailleurs uniquement à long terme, ce
que confirme un échange de courriers entre les deux ministères.
Dans sa réponse au Chef de l'IGAS, qui regrette qu'une note de
l'Administration pénitentiaire prévoyant le contrôle du
ministère de la Santé « n'a pour effet de modifier ni le
statut des personnels médicaux et para-médicaux qui
relèvent de l'administration pénitentiaire, ni la gestion des
services médicaux pénitentiaires », Myriam Ezratty
reconnaît que « la banalisation du contrôle sanitaire est
susceptible de comporter des incidences à moyen termes » avant de
relever que « s'agissant d'un problème qui ne se posera
effectivement que dans plusieurs années, il me semble
prématuré d'en faire état dès à
présent »1370(*). Les contraintes pénitentiaires
apparaissent ainsi bien trop lourdes pour qu'il y soit mis fin
immédiatement. Si le contrôle de l'IGAS apparaît comme un
moyen de relégitimer l'autorité de l'Administration
pénitentiaire en matière médicale, il permet
également de dresser le bilan et d'amorcer une réforme de
l'organisation des soins en prison (1). Mais surtout la concertation entre
ministères, aussi bien au niveau local, par le biais des médecins
inspecteurs de santé publique, qu'au niveau central grâce à
l'instauration d'un Comité de coordination, rend possible une lente
évolution de l'organisation des soins en prison, désormais
jugée à l'aune des critères du système national de
santé (2).
1. L'Inspection
générale des affaires sociales, entre légitimation et
réforme de la médecine pénitentiaire
Les premières inspections de l'IGAS sont
destinées, dans un contexte très polémique, à
restaurer la crédibilité des services de médecine
pénitentiaire. Les docteurs Avril et
Tchériatchoukine1371(*) sont ainsi chargés en avril 1983 par
l'Administration pénitentiaire de résoudre « les graves
difficultés qui entravent le fonctionnement normal » de
l'Hôpital de Fresnes, suite au décès de plusieurs
patients1372(*). C'est à partir de ce rapport que,
comme le titre Le Quotidien de Paris, « l'inspection des
Affaires sociales veut mettre un terme à la polémique sur la mort
de trois détenus » (7/09/1983). L'Administration
pénitentiaire s'appuya, souligne Jean Favard, sur l'IGAS afin de mettre
à l'écart un chirurgien gênant, le Dr Perdrot, parce que
dangereux et relégitimer ainsi l'Hôpital de Fresnes :
« Y avaient des médecins qui découpaient vite comme
celui de Fresnes. On n'aurait pas été en état de le faire
tout seul et grâce à l'IGAS, sur la base de
l'IGAS... »1373(*). Outre une fonction
« légitimante », le rapport de l'IGAS laisse
transparaître la forte prise en compte des logiques pénitentiaires
dans la fonction de contrôle1374(*). Si les inspecteurs se plient à des
contraintes administratives venant du ministère de la Justice, ils n'en
soulignent pas moins les « problèmes de fond
importants » affectant l'Hôpital. Sans remettre en cause
son appartenance au ministère de la Justice,
jugée « inévitable », ils
suggèrent une étude approfondie afin de « rapprocher le
plus possible le fonctionnement de l'hôpital de Fresnes d'un Centre
Hospitalier général ». Quelques mois plus tard, l'IGAS
publie un second rapport, moins médiatique, sur l'organisation de
l'Hôpital. Si « l'équipement d'ensemble est
satisfaisant » et le « personnel médical [...]
nombreux », les inspecteurs relèvent des problèmes
liés à sa « tutelle pénitentiaire » :
« Le directeur de l'hôpital n'a ni
responsabilité, ni pouvoir [...] Ses responsabilités propres
sont limitées aux délégations parcimonieuses
données par le Directeur de la Maison d'arrêt de Fresnes [...] Il
n'y pas d'instances de concertation hormis la commission
médico-administrative [...] Sa conception et sa composition
répondent à une organisation très
hiérarchisée des services de soins. Un médecin-chef
à fonction exclusivement administrative le dirige, sous
l'autorité du directeur des prisons [....] L'opinion des médecins
ne peut d'ailleurs s'exprimer, puisqu'il n'existe pas de commission
médicale consultative comme dans les hôpitaux civils. Aucun
dialogue ne peut s'instaurer avec la Direction, et aucune réflexion
commune s'amorcer sur le fonctionnement de
l'établissement »1375(*).
En outre, observe la mission, tous les médecins ne
répondent pas aux conditions de qualification, d'autres vivent loin de
leur lieu de travail (Nice par exemple) et leur présence est
« éphémère » (un médecin
n'effectue que 2h55 pour 208 exigibles, un autre 17h pour 522 vacations).
L'hôpital, enfin, manque d'infirmières (douze postes ne sont pas
pourvus) et a ainsi recourt a du personnel non habilité (surveillants
manipulateurs radios ou brancardiers). En conclusion, l'IGAS propose de
« banaliser l'Hôpital de Fresnes » en lui
conférant « une réelle autonomie sous l'autorité
plus lointaine du Directeur des prisons » et de doter
l'établissement de davantage de moyens.
Le service d'inspection du ministère des Affaires
sociales est sollicité peu de temps après pour un autre
établissement ayant défrayé la chronique, l'Hôpital
des Baumettes, qui est l'objet d'un rapport beaucoup plus alarmiste.
Utilisée comme lieu d'hospitalisation pour tous les détenus du
Sud-Est de la France, la PHB « ne possède aucunes des
conditions qui justifieraient ce rôle »1376(*), estime l'IGAS, tant
pour des raisons d'installation et d'équipements (pas de salle de
réveil, manque de matériel, aseptisation de la salle
d'opération pas assurée) que de personnel
(« insuffisance manifeste tant sur le plan médical que
para-médical, insuffisance quantitative et bien souvent
qualitative ») ou d'organisation générale :
« Les malades sont opérés sans que l'examen
préalable et les bilans aient été appréciés
à l'avance [...] La surveillance post opératoire immédiate
est également perdue de vue [...] En fait, tout repose sur les internes
[....] Inutile de souligner que cette organisation est absolument incompatible
avec le fonctionnement d'un hôpital digne de ce
nom »1377(*).
« Sous installé, sous équipé,
sous médicalisé », l'Hôpital des Baumettes ne
peut, selon les inspecteurs, continuer à fonctionner sans des
transformations radicales, faute de quoi « mieux vaudrait fermer
l'établissement qui présente le danger d'une fausse
sécurité étant considéré par
l'extérieur comme un véritable hôpital sans en
posséder aucune des garanties »1378(*). Le rapport de l'IGAS
provoque aussitôt la fermeture du bloc opératoire1379(*). Cette
décision, source de nombreuses difficultés notamment
financières pour l'Administration pénitentiaire, traduit selon un
magistrat de la DAP l'impossibilité d'évaluer le milieu
carcéral selon les mêmes normes que celles prévalant dans
le reste du système de santé :
« L'IGAS est venue à la PHB faire un
audit. Mais c'était dans les premiers temps, où ils ne
connaissaient pas encore vraiment le milieu. Et puis le circuit du bloc
opératoire n'était pas achevé. Il n'y avait pas de salle
de réveil. Un petit problème. Il manquait juste quelques
crédits. Mais Mme Ezratty recevant cela [le rapport], pour elle
c'était de la dynamite ! Surtout Marseille. Alors elle s'est
dit : "On ferme le bloc !". Et après on a fait X missions avec
l'IGAS [...] Le problème, c'est que... L'IGAS après m'a
dit : "Ah, mais si on avait su, on aurait peut-être pas dit qu'il
fallait le fermer ou on l'aurait peut-être pas dit sur le même
ton". Mme Ezratty a craint un scandale. "Si demain vous le ré-ouvrez et
vous avez le décès d'un détenu au bloc, votre
responsabilité est en cause". Alors, bon... Moi, on m'a envoyé
faire des dizaines de missions de bons offices pour essayer de trouver une
solution [...] Pour des choses, si vous voulez, qui auraient pu se faire dans
cette structure là ! Mais si sous voulez, faute de comprendre...
Parce que, l'IGAS c'était une de leurs premières missions. Si
vous voulez, ils n'ont pas saisi. Ils ont écrit, ce qu'ils auraient
écrit pour n'importe quel hôpital lambda. C'est plus des
problèmes de communication, de compréhension. Plus de
communication, je pense »1380(*).
Parallèlement à ces rapports ponctuels
destinés à résoudre des situations
considérées comme urgentes, l'IGAS conduit une mission plus
générale, visant à réaliser un état des
lieux de l'organisation sanitaire des prisons françaises et à
formuler des propositions afin de « désenclaver la
médecine pénitentiaire » (Le Monde,
10/02/1984). Tout projet de réforme semble d'ailleurs suspendu à
ce rapport très attendu. En témoigne un échange de
courrier entre les ministères de la Santé et de la Justice. En
s'appuyant sur les conclusions du rapport sur l'Hôpital de Fresnes, le
garde des Sceaux propose à Edmond Hervé, en octobre 1983,
l'« assimilation de cet établissement ainsi que de
l'hôpital prisons des Baumettes à Marseille, à des
hôpitaux de la deuxième catégorie tout en tenant compte de
leur vocation carcérale »1381(*). Le vote dune réforme
hospitalière au printemps 1984 est proposé par le
ministère de la Justice comme échéance. Dans sa
réponse, le secrétaire d'Etat chargé de la Santé
donne son approbation au projet mais semble plus réservé quant au
calendrier proposé : « La mise au point des dispositifs
réglementaires relatifs à l'organisation des soins
nécessite des études et des concertations préalables, tout
particulièrement en ce qui concerne le statut des personnels
appelés à dispenser les soins. Dès que vos services auront
été en mesure d'y procéder, il sera certainement possible
de dégager des solutions concrètes, et mes services sont
également prêts à collaborer à leur
élaboration »1382(*). Une fois encore, la tutelle administrative
exercée par la DAP sur les soignants pénitentiaires fait obstacle
à une prise en charge hospitalière.
A partir de la visite de trente-trois établissements,
l'IGAS recense, dans un rapport de synthèse publié en mai 1984,
de façon très précise les dysfonctionnements de la
médecine pénitentiaire. Les données statistiques sont
jugées « imprécises et peu fiables », voire
parfois « aberrantes ». En 1980, 1.553 femmes auraient par
exemple subi un examen psychiatrique tandis que 2.205 auraient reçu un
traitement pour ce motif1383(*). Outre l'absence de prévention, les
inspecteurs notent le non-respect des horaires de service, le rôle
médical exagéré confié aux surveillants et aux
infirmières qui en découle, ainsi que les atteintes au secret
médical. La gestion des médicaments est considérée
comme « l'un des plus importants problèmes », en
raison du peu d'établissements disposant d'un pharmacien gérant
(une trentaine), de l'absence de contrôle et des mauvaises conditions de
préparation des médicaments. Le rapport s'interroge longuement
sur le statut des personnels sanitaires et notamment sur le manque
d'attractivité des postes proposés.
Rémunérés presque comme les attachés des
hôpitaux, c'est-à-dire assez faiblement (de l'ordre de 60 francs
de l'heure), « le recrutement des praticiens se fait par connaissance
ou par reprise de clientèle. Il n'y a généralement pas de
publication des postes ni aucune publicité » (p.108). Les
étudiants en médecine sont faiblement motivés pour exercer
en milieu pénitentiaire « où, quelque soit
l'intérêt du travail, l'interne ne reçoit pas de formation
réelle et n'acquiert pas de titre qui puisse lui servir
ultérieurement ». Le difficile recrutement des
infirmières s'explique par la faible rémunération mais
surtout des conditions de travail souvent difficiles1384(*). De nombreuses
infirmières sont amenées à
démissionner1385(*). « Presque seule femme dans une
population masculine, chargé d'une mission humanitaire, là
où la finalité est la répression des fautes et la
préoccupation majeure la sécurité, elle se sent souvent
isolée, mal acceptée, mal comprise », relèvent
les inspecteurs (p.122).
Constatant, en conclusion, que « mis à part
quelques exemples, on tombe assez fréquemment au-dessous du minimum
tolérable », le rapport propose une « banalisation
des structures » afin de « réintégrer au
maximum le dispositif dans les structures de soins banales » (p.131).
L'idée d'une suppression des services de soin pénitentiaires, qui
consisterait à « traiter intégralement les malades dans
les établissements hospitaliers habituels », bien que
considérée comme « la plus satisfaisante sur le plan de
l'égalisation des soins », est qualifiée
d'« utopique » du fait des problèmes de
sécurité et de garde (p.132). Deux hypothèses sont alors
proposées. La première, « la création
d'établissements publics à l'image des établissements
hospitaliers », est aussitôt écartée pour son
coût et sa lourdeur. Le « rattachement des unités
pénitentiaires à des hôpitaux publics existants dont elles
constitueraient alors une annexe », deuxième hypothèse,
bénéficie de la préférence des inspecteurs. Elle
n'est cependant proposée qu'à des « unités de
moyen séjour », telles que les
« infirmeries » de Fresnes et des Baumettes, le terme
hôpital leur étant désormais refusé, tandis que des
conventions pourraient, d'autre part, être signées avec des
hôpitaux pour les plus grands établissements afin d'avoir recours
à du personnel hospitalier. Ce dispositif est en revanche exclu pour les
prisons moins importantes, « où on peut se contenter d'une
infrastructure plus limitée. Le recours à des médecins
vacataires est de toute évidence la seule
formule » 1386(*) (p.146).
Au cours de leurs nombreuses visites, et de leurs
différents rapports, les inspecteurs de l'IGAS ont pu comprendre le
fonctionnement de la médecine pénitentiaire et en tirer quelques
conclusions. Ils ont tout d'abord relevé les nombreuses atteintes
à la déontologie médicale qu'implique la tutelle de
l'Administration pénitentiaire. Outre les atteintes au secret
médical, l'IGAS interroge le rôle pénitentiaire que sont
parfois amenés à exercer les praticiens, notamment en cas de
recours à la contention, pratique beaucoup moins fréquente
qu'auparavant mais encore présente dans quelques
établissements1387(*). Si cette mesure est jugée
« intolérable » par les inspecteurs, qui demandent
sa suppression et proposent la mise en place de chambres capitonnées,
c'est avant tout parce qu'elle « fait référence à une
décision médicale »1388(*). La surprise des
inspecteurs n'est d'ailleurs pas tant liée à l'existence de cette
pratique qu'au fait que les praticiens pénitentiaires semblent
l'accepter : « Curieusement d'ailleurs, beaucoup de
médecins ne sont pas choqués par la contention jugée comme
une nécessité, alors qu'elle n'est rien d'autre qu'une absence de
considération des individus ». Le fait que l'exercice en milieu
pénitentiaire, « notamment s'il se prolonge, [puisse] avoir une
influence néfaste et supprimer tout terme de référence
à un autre système qu'il paraît essentiel de maintenir
»1389(*), est d'ailleurs présenté comme
un argument important en faveur du
« décloisonnement » des structures médicales
pénitentiaires. En atteste une note adressée aux cabinets
Santé et Justice par le Chef de l'IGAS :
« De façon plus fondamentale doit
être posé le rôle du médecin dans les
établissements pénitentiaires. Trop souvent l'Administration
de ces établissements s'abrite derrière une décision
"médicale" qu'elle sollicite pour justifier des situations qu'elle
décide elle-même : il en est ainsi de la mise en contention
des détenus. C'est une mesure plus coercitive que médicale [...]
Cet exemple souligne bien la signification du décloisonnement de la
médecine pénitentiaire et doit nous conduire [...] à
délimiter le rôle de cette
médecine »1390(*).
Non rendu public, le rapport de synthèse de l'IGAS fut
d'ailleurs commenté par la presse essentiellement autour de
l'idée de décloisonnement. « Désenclaver la
médecine », titre La vie mutualiste d'avril 1984
tandis que Le Quotidien du médecin voit dans les propositions
de l'IGAS un moyen de « sortir la médecine
pénitentiaire de son "ghetto" », en accordant notamment la
« liberté pour le médecin d'exercer en milieu
carcéral et le droit pour le prisonnier de bénéficier de
la médecine "hors prison" ». « Surtout, il faudrait
éviter une médecine qui ne traiterait que les
détenus », déclare Michel Lucas1391(*). « Il n'y a
pas deux médecines : l'une pour la société civile,
l'autre pour le monde carcéral », proclame la directrice de
l'Administration pénitentiaire, qui voit dans l'organisation des CMPR
« un excellent modèle pour la réorganisation de la
médecine pénitentiaire »1392(*).
Si cette politique de
« décloisonnement » réalise un consensus au
sein de l'espace public, elle se heurte en revanche à des divergences
d'interprétation entre les ministères. Trois
éléments conduisent à un blocage de la proposition de
l'IGAS « que le service public hospitalier assure également
les soins aux détenus », qui a pourtant reçu l'accord
de la Direction des Hôpitaux1393(*). En premier lieu, le ministère de la
Santé conditionne la réalisation de conventions entre les
hôpitaux et les prisons à une réorganisation du statut des
personnels sanitaires et demande, pour cela, « une étude
approfondie en vue d'aboutir à la définition d'un statut
unifié [...] L'étude doit envisager également les
conditions de la participation du personnel pénitentiaire à
l'organisation des soins, la formation à ces tâches et la
reconnaissance d'une qualification »1394(*).
Le ministère de la Justice ne semble d'ailleurs pas, en
second lieu, disposé à se dessaisir du contrôle qu'il
exerce sur les médecins. Si la DAP est très favorable au
« décloisonnement », c'est notamment parce qu'elle y
voit un moyen de résoudre les problèmes auxquels elle se trouve
confrontée en matière d'hospitalisation des détenus. La
signature de convention avec des établissements hospitaliers
représente pour elle, en effet, l'opportunité d'assurer
« l'accueil et le traitement par l'hôpital le plus proche, des
détenus ne pouvant pas être soignés sur place, ni
dirigés sur l'Hôpital des prisons de
Fresnes »1395(*). Mal acceptés par les services de
police et les équipes hospitalières, les transferts de
détenus seraient ainsi facilités par la mise en place, dans
chaque région pénitentiaire, de services de sûreté
comme ceux déjà existant à Bordeaux, Marseille et Paris.
Le ministère de la Justice est en revanche plus réservé
quant à la création d'« unités de soins
médicaux », comme le propose l'IGAS, dont le
médecin-chef et le personnel médical et paramédical
disposeraient d'un statut hospitalier, échappant ainsi au contrôle
de la DAP1396(*).
Enfin, troisième source de blocage, le
« décloisonnement » se heurte à un
problème de crédits. La réforme du système de
financement est d'ailleurs présentée par l'IGAS comme allant de
pair avec la réforme de la protection sociale, au moins pour les
détenus placés dans des établissements à vocation
sanitaire comme Fresnes : « Il va de soi que la banalisation du
dispositif ne va pas sans une banalisation des modes de financement et le
retour au mode de protection sociale générale :
Sécurité sociale pour certains, aide médicale pour
d'autres »1397(*). Si la transformation de Fresnes en
établissement public hospitalier, vivement souhaitée par
l'Administration pénitentiaire1398(*), recueille l'assentiment de la Direction des
Hôpitaux, elle se heurte cependant au refus de la Direction de la
Sécurité sociale. C'est ce que constate en 1993 un bilan de la
mise en oeuvre des suggestions de l'IGAS : « Concernant le
financement par la Sécurité sociale, un groupe de travail
consacré à ce point fut institué mais n'aboutit pas, dans
les années qui suivirent le rapport, sur une intégration des
détenus dans le système de protection sociale de droit
commun »1399(*). C'est en raison d'une opposition de la DSS
que l'affiliation des détenus aurait été
écartée1400(*), si l'on en croit ce magistrat ayant
représenté la DAP au sein de ce groupe de travail :
« En 84-85, la volonté du
ministère de la Justice, c'était d'aligner l'hôpital de
Fresnes sur un hôpital lambda. Avec une seule spécificité,
c'est que tous les malades étant détenus, il y avait la
nécessité d'une sécurité... Et à
l'époque la Sécurité sociale a dit niet. Je m'en rappelle,
le directeur de la Sécurité sociale a dit niet. Ça pouvait
paraître scandaleux. C'était une goutte d'eau l'Hôpital de
Fresnes par rapport aux hôpitaux nationaux. Mais il y avait des gens
comme ça... c'étaient des énarques : "Non, ça
c'est nos budgets !" »1401(*).
La remarque finale de l'interviewé souligne une
nouvelle fois la difficile collaboration entre hauts fonctionnaires
n'appartenant pas au même corps. Magistrats de l'Administration
pénitentiaire et administrateurs civils peinent à s'accorder. Par
conséquent, « faute dans l'immédiat de pouvoir retenir
la solution du financement par la Sécurité sociale dont le
principe est loin d'être acquis et dont la négociation retarderait
considérablement la réforme envisagée », le
financement de la santé des détenus demeure à la charge du
ministère de la Justice1402(*).
Du fait de ces trois obstacles (problèmes statutaires
et déontologiques, réticences de la DAP à
déléguer la responsabilité des soins, difficultés
budgétaires), les propositions de l'IGAS « ne furent que
très partiellement mises en oeuvre » : « Le
recrutement, la gestion et la rémunération des personnels
continuèrent à être assurés par l'Administration
pénitentiaire. Le projet de comités de santé dans chaque
établissement ne recueillit pas l'assentiment des principaux acteurs et
ne fut pas mise en oeuvre [...] Aucune politique d'évaluation ne fut
véritablement mise en oeuvre »1403(*). Près d'un an
après l'annonce par Robert Badinter du
« décloisonnement » des services de santé aux
détenus, aucune transformation concrète n'a encore eu lieu :
« Vous avez dit réforme de la médecine
pénitentiaire ? [....] La médecine pénitentiaire
aurait changé de tutelle, passant de la Justice à la
Santé ? Il n'en est rien sur le terrain [...] La situation
sanitaire carcérale reste toujours l'otage de l'Administration des
prisons »1404(*). Pourtant la réforme de l'Hôpital
de Fresnes est en cours, notamment du fait de la présence du
médecin-coordinateur Pierre Espinoza. Celui-ci avait été
nommé en 1983 suite à la suppression du poste de
Médecin-inspecteur1405(*). Après plus d'un an passé
à observer le fonctionnement de la M.A de Fresnes où il exerce
également, il décide d'alerter le ministère de la Justice
sur l'urgence d'une réforme. Bien que convaincu qu'un transfert de
tutelle devrait concerner l'ensemble de la médecine
pénitentiaire, le Dr Espinoza ne propose alors que la réforme de
l'Hôpital de Fresnes qui concentre de nombreux problèmes :
« En septembre [1984], pendant trois jours, je
m'enferme dans mon bureau et je rédige un rapport pour dire que tant
qu'on envisage pas un statut à cette structure, ça n'irait
pas ! [...]Ma vie quotidienne en tant que médecin était
alors complètement invivable. Je me confrontais à toutes les
difficultés institutionnelles de la prison hôpital. En un an j'ai
compris à quel point c'était compliqué. Il fallait
là vraiment un changement structurel [...] Entre trois ou quatre statuts
d'infirmières très différents, des médecins pour la
plupart à temps très partiel... J'ai par exemple réussi
à faire arrêter de travailler un urologue qui était fou. Un
beau matin, il vient me voir. Il était dans une déchéance
physique majeure. Totalement alcoolisé ! [...] Il y en a un qui
était chef de service en même temps à l'hôpital de
Montfermeil ! Comment pouvait t-il en même temps être
médecin à Fresnes et chef de service à Montfermeil ?
Ben c'est simple, il arrivait le vendredi à 10h30 et il repartait
à 11h30 et le reste du temps il n'était pas là. Le second
médecin, il était davantage là mais il était
incompétent... [...] Alors y avait des détenus qui avaient
accès aux dossiers médicaux. Ils faisaient également la
réception des courriers des détenus voulant voir un
médecin [...] Dans le passé, il y avait eu des histoires. Il y
avait un détenu qui avait posé une demande de grâce
médicale en utilisant la copie d'un dossier médical d'un autre
patient. De plus on interdisait au médecin, quand un détenu
était extrait pour l'Hôpital, de donner le jour et l'heure. Sauf
que c'était écrit dans les dossiers médicaux qui
étaient dans les mains des détenus ! C'était
aberrant ! [...] Des surveillants étaient bombardés du jour
au lendemain infirmiers. C'était totalement illégal pour eux de
faire des injections ou de distribuer des médicaments. C'était
une multiplicité de dysfonctionnements [...] En plus, il n'y avait pas
de secrétaire médical. Il y avait des surveillants avec des
blouses blanches. Il y avait des détenus et moi je me suis
demandé à un moment s'il fallait continuer à travailler
dans ce système-là [...]
Le problème, c'est que le directeur de
l'Hôpital de Fresnes a à la fois une casquette de directeur
d'hôpital et de directeur de prison [...] En un an, j'ai compris à
quel point c'était compliqué. Il fallait là vraiment un
changement structurel ! J'ai écrit ce rapport que j'ai
envoyé au directeur de l'Administration pénitentiaire et au garde
des Sceaux [...] Le vrai problème était le changement de
tutelle. La première fois que j'ai proposé dans un rapport la
mise sous tutelle de l'Hôpital de Fresnes du ministère de la
Santé, c'était à la fin des années 85. Ça
s'est passé par un rapport qui est monté tout là-haut,
là-haut. Je pensais la même chose pour la prison de Fresnes mais
c'était beaucoup plus compliqué parce que les détenus dans
la prison ne sont pas des malades. Sauf, qu'ils sont dix fois plus malades que
la population générale. Il n'y avait pas de levier suffisamment
fort à ce moment-là pour pouvoir enclencher un transfert de
tutelle des infirmeries des prisons »1406(*).
Initialement prévu pour la réforme
hospitalière du printemps 1984, le changement de statut des infirmeries
de Fresnes et des Baumettes en établissement hospitalier ne prend forme
que durant le second semestre 1984. Un projet de règlement
intérieur est soumis à l'IGAS durant l'été 1984. Le
ministre de la Justice profite, le 17 décembre, du débat sur les
« diverses dispositions d'ordre social » pour
intégrer au Sénat deux amendements visant au
« décloisonnement de la médecine en milieu
carcéral »1407(*). L'article 66 de la loi du 3 janvier 1985,
venant modifier la loi hospitalière du 31 décembre 1970,
prévoit qu'« un ou plusieurs établissements
d'hospitalisation publics peuvent être spécifiquement
destinés à l'accueil des personnes
incarcérées », tandis que l'article 67 permet au
personnel paramédical déjà en place de prétendre au
statut hospitalier. Le décret n°85-1392 du 27 décembre 1985
place enfin l'hôpital de Fresnes sous la double tutelle de la
Chancellerie et du secrétariat d'Etat à la Santé, le
transformant ainsi en établissement public d'hospitalisation des
détenus. « Un petit pas, mais une première
avancée vers l'intégration et la mise à niveau de la
médecine carcérale dans le système "civil",
géré par l'Assistance publique », commente La
Croix en février 1986, à l'occasion de l'inauguration de
l'Hôpital : « Pour formelle qu'elle soit, la
cérémonie symbolise l'une des dernières grandes
réformes de Badinter (loi du 3 janvier 1985) qui vise à
intégrer la médecine pénitentiaire dans le système
hospitalier général » (LM, 21/02/1986).
« Notre ambition est d'assurer la même qualité de soin
que dans un hôpital général », déclare le
Dr Espinoza présentant le nouvel équipement (laboratoire
d'analyses, salle de radiologie, bloc opératoire, service
d'hémodialyse) et les nouvelles instances réglementaires (conseil
d'administration, commission médicale d'établissement, etc). Les
conditions dans lesquelles cette réforme fut adoptée,
racontées ici par la directrice de l'Administration
pénitentiaire, contrastent pourtant fortement avec la volonté de
réforme affichée alors par le ministère de la
Justice :
« Alors la Santé encore ne disait trop
rien. Ils n'étaient pas ravis mais enfin ils ne disaient trop rien. Mais
c'étaient les Finances qui ne voulaient pas qu'on crée une
nouvelle catégorie d'établissement public. Alors le cabinet
était intervenu. On avait préparé un texte pour mettre
dans un wagon de ces mesures que le conseil constitutionnel ne veut plus, vous
savez les petits ajouts dans les lois. Il fallait accrocher ce paragraphe dans
une loi de santé publique, une des lois sociales. Alors ça
commençait très mal car les Finances sont quand même plus
robustes que la Justice et la Santé. Et le texte était
très long... On avait été débarqué à
l'Assemblée nationale et le Sénat adorait à
l'époque les séances de nuit parce que c'était payé
double. Je reçois un coup de fil. On me dit : "Le texte passe ce
soir, probablement après 20 heures". Moi, j'avais été
au concert avec ma famille, je les avais mis au perchoir et le texte est
passé vers minuit ou une heure du matin. Il n'y avait personne des
Finances, on était tout seul. Je passe ma fiche et le matin, je vous dis
pas, ils étaient furax les Finances... Mais c'était passé.
Le problème, c'est que ce sont des petites choses et ça arrive
souvent quand on présente un texte qu'on perde des choses. Mais il est
passé. Je ne sais pas du tout ce qui se serait passé si les
Finances avaient envoyé quelqu'un... »1408(*).
Au-delà de cette apparente
« normalisation », l'organisation des soins en prisons
demeure frappée de nombreuses contraintes pénitentiaires comme en
témoigne l'Hôpital de Fresnes. « Avant d'être un
centre médical, l'hôpital de Fresnes est d'abord une
prison » souligne La Croix tandis que Le Monde
observe que « l'hôpital de Fresnes [...] se veut hôpital,
mais reste avant tout prison ». L'hôpital de Fresnes
n'échappe en effet pas à la tutelle pénitentiaire, le
décret du 27 décembre 1985 considérant que l'«
établissement [est] considéré comme un
établissement pénitentiaire ». Son directeur est,
certes, nommé par les ministères de la Justice et de la
Santé mais il s'agit d'un fonctionnaire de l'Administration
pénitentiaire. La commission médico-administrative est, d'autre
part, présidée par le directeur de l'Administration
pénitentiaire1409(*). Interrogée sur ce mode de
fonctionnement particulier, la directrice de l'Administration
pénitentiaire s'étonne : « Il faut être
réaliste. Evidemment, on peut dire "Fresnes est un hôpital comme
un autre", mais c'est impossible. C'est pour ça que le statut
était tout à fait spécial »1410(*).
La forte publicité consacrée aux premiers
rapports de l'IGAS traduit la légitimation dont en attend le
ministère de la Justice. En favorisant l'émergence d'un consensus
autour de la définition de la politique sanitaire en prison, l'IGAS
semble avoir contribué à faire taire le
« scandale » de la médecine pénitentiaire.
Rares sont d'ailleurs les articles de presse critiques à ce sujet
à partir de 1986. Pourtant, tout en légitimant au sein de
l'espace public le ministère de la Justice, les contrôles
effectués par les services de la Santé contribuent à la
mise à l'agenda administratif d'une réforme de la médecine
pénitentiaire en soulignant son état critique. En ouvrant les
portes des prisons aux inspecteurs de santé publique, le Conseiller
technique du garde des Sceaux espérait peut-être, comme le
suggère ce magistrat, développer un intérêt et une
préoccupation au sein du ministère de la Santé pour la
question carcérale, pouvant à terme déboucher sur une
réforme de plus grande envergure :
« Je pense qu'il y avait à
l'époque une arrière-pensée un peu politique [...] Sur le
plan pratique, l'objectif c'était de faire apparaître les
incohérences. Mais quand vous faites apparaître ces
incohérences, vous devez être en mesure de dire : "On a les
moyens pour y remédier !". Mais ces moyens, on savait bien qu'on
n'allait pas les avoir comme ça du jour au lendemain ! Alors
l'arrière pensée je crois de Jean Favard, c'est qu'il
espérait qu'au bout d'un certain temps... et il y avait cette
idée au ministère de la Justice, qu'elle soit tacite ou
explicite... c'était de passer le relais de la gestion au
ministère de la Santé »1411(*).
L'extension du contrôle aux services
déconcentrés de la Santé ou la création d'un
comité de coordination interministérielle en matière de
prise en charge médicale des détenus participent de cette
stratégie. Jusque-là non questionnées, les
spécificités carcérales se trouvent soudainement mises
à l'épreuve aux normes prévalant à
l'extérieur après le transfert de l'inspection médicale
aux services déconcentrés du ministère de la
Santé.
2. Surveiller et
conseiller : l'organisation des soins en prison sous le regard des
médecins inspecteurs de santé publique
En transférant le contrôle de la médecine
pénitentiaire à l'IGAS, le ministère de la Justice
souhaitait mettre fin à l'inspection interne, considérée
comme ambiguë. Bien que symbolique, cette mesure eut de nombreuses
répercussions sur les services de santé pénitentiaires, et
ce au niveau local par le biais des Directions départementales et
régionales des affaires sanitaires et sociales (DDASS et DRASS)
chargées, par décret du 30 janvier 1984, « de veiller
au respect des règles se rapportant à la santé et à
l'hygiène dans les prisons »1412(*). Les médecins
inspecteurs de santé publique (MISP)1413(*) doivent ainsi
dès 1985 effectuer une visite annuelle et en rendre compte dans un
rapport remis à la DGS, à l'IGAS ainsi qu'à la DRSP.
L'acceptation de cette nouvelle mission est rendue possible
par le bouleversement du secteur d'action des DDASS qui s'opère au
début des années quatre-vingt. Dans le cadre des lois de
décentralisation, plusieurs activités « à forte
valeur identitaire », telles la protection maternelle et infantile et
l'aide sociale à l'enfance, sont transférées aux Conseils
généraux1414(*). Ce transfert a facilité l'acceptation
de cette nouvelle mission de contrôle sanitaire, comme le relate un
magistrat chargé des questions de santé à la
DAP : « Les DDASS ayant vu leurs missions restreintes
étaient bien contentes de retrouver des compétences
supplémentaires avec la surveillance sanitaire des
prisons »1415(*). Cette réorganisation rend pourtant en
même temps plus difficile la bonne mise en oeuvre de ces contrôles.
Les DDASS ayant perdu environ les deux tiers de leurs moyens humains et
matériels, la mission en matière pénitentiaire est
très marginale dans le travail des MISP. A l'exception de quelques
médecins inspecteurs, beaucoup lui accordent une moindre attention, peu
de DDASS réalisant par exemple un rapport annuel. Ainsi,
quatre-vingt-cinq rapports (concernant cent quarante-deux
établissements) sont transmis en 1985, cinquante-six en 1986 (pour
quatre-vingt-huit prisons), trente-deux en 1987 (pour quarante et une
prisons)1416(*). En juin 1990, seuls douze MISP rendent un
rapport, justifiant un rappel des autres départements par la
DGS1417(*).
Cette diminution doit cependant être relativisée par le fait que,
comme le remarque la responsable du Bureau de l'organisation des soins à
la DGS, Marie-Joëlle Cano, « les départements qui n'ont
pas transmis de rapport en 1985, ou en 1986, ou en 1987 ne sont pas les
mêmes, ce qui signifie qu'une inspection a eu lieu dans presque tous les
départements au moins une année sur
deux »1418(*). Seuls cinq départements, dont Paris,
n'avaient en 1988 remis aucun rapport d'inspection depuis 1985.
Ces visites sont l'occasion pour beaucoup de MISP, et avec eux
la DGS dont ils relèvent, de découvrir pour la première
fois la réalité carcérale et sa médecine. A un
médecin inspecteur s'étonnant des conditions de
rémunération des chirurgiens-dentistes et par conséquent
de la difficulté à en recruter, la DGS répond que
« renseignement pris auprès du ministère de la Justice,
il s'avère que ces difficultés sont générales
à tous les établissements
pénitentiaires »1419(*). Le cas de ce médecin inspecteur, ayant
joué par la suite un rôle important dans la réforme de la
médecine pénitentiaire, est exemplaire de l'importance de
ces premiers contacts avec le monde carcéral :
« J'étais en poste dans le Haut-Rhin de
80 à 86 et j'ai bien en tête l'établissement
pénitentiaire de Colmar, qui se trouvait dans le centre de la ville,
avec des petites ruelles [...] Les relations avec le directeur de la prison
n'étaient pas vraiment faciles. Elles étaient même
franchement difficiles en ce sens que lorsque je venais suite à une
plainte, le directeur me faisait goûter le plateau des détenus...
C'était une sorte de brimade ! Et le médecin qui
était en poste faisait vraiment mal son travail. Il avait un certain
nombre de vacations, mais il ne les remplissait pas toutes. Et puis
c'était complètement déconnecté. Ils ne baignaient
pas du tout dans un réseau de soins. Donc, voilà !
C'était fait par un médecin de médecine
pénitentiaire. Enfin, un médecin libéral qui venait quand
il voulait... Et puis du personnel qui n'était pas qualifié.
C'était du personnel pénitentiaire qui était lié
d'une certaine façon au directeur de la prison. Et ça, ça
m'a vraiment sensibilisée aux problèmes de la médecine
pénitentiaire »1420(*).
Bien qu'irrégulières, les inspections des MISP
permettent d'apporter un regard neuf sur les services de soin aux
détenus, longtemps évalués à l'aune des seuls
critères pénitentiaires. Dans ses inspections, Solange Troisier
était ainsi plus soucieuse du nombre d'hospitalisations
extérieures, couteuses et problématiques pour des raisons de
garde, que de la bonne organisation des soins. Désormais, les prisons
sont considérées au regard des règles d'hygiène
imposées à l'ensemble des établissements collectifs. En
témoignent les commentaires établis par la DGS à partir
des rapports des MISP : « Les médecins inspecteurs notent
souvent les difficultés de respecter les normes d'hygiène dans
des locaux aussi vétustes. Certains proposent leur désaffection
[...] Dans la Région parisienne, il n'est pas rare de loger quatre
détenus dans des cellules de 7m2. Le médecin
inspecteur de Créteil note les conséquences, sur la santé
mentale des détenus, du surpeuplement [...] Dans une Maison
d'arrêt, la tuyauterie est en plomb ce qui cause un risque de saturnisme
pour les détenus qui boivent l'eau du robinet »1421(*). Mais surtout les
MISP évaluent sans concessions les conditions dans lesquels sont
soignés les détenus. Leurs rapports sont ainsi souvent critiques
à l'égard du personnel sanitaire. C'est notamment le cas de cette
inspection qui propose le remplacement d'un médecin travaillant depuis
1960 en M.A après avoir restitué les nombreux dysfonctionnements
qui lui sont imputables :
« La pièce appelée infirmerie ne
permet pas d'avoir une activité correcte : elle est insalubre
(très mal éclairée) [...] Elle sert de salle de repos aux
gardiens de jour comme de nuit [...] La table d'examen sert d'entrepôt
(casiers de médicaments, habits de détenus qui sont au "mitard")
et de toute façon ne pourrait permettre décemment d'examiner un
détenu [...] Un casier fermé à clef ; cette clef
était jusqu'à ma visite en possession des personnes de
l'administration (et en particulier des gardiens) en non en possession de
l'infirmière. Il contient notamment du : Théralène,
Nozinan, Haldol, des antibiotiques [...] La visite a lieu une fois par
semaine : 30 à 40 détenus vus dans l'heure, elle se fait
toujours porte ouverte, en présence d'un gardien, les détenus
attendent les uns derrière les autres [...] Tous les détenus qui
demandent à voir le médecin "défilent" devant lui au
même rythme que les entrants [moins d'une minute par personne].
Généralement des détenus ont une demande précise de
médicament : on accède très facilement à cette
demande pour "avoir la paix" »1422(*).
Porteurs de normes distinctes de celles du ministère de
la Justice, les MISP permettent au fur et à mesure de leurs visites
d'améliorer les conditions sanitaires, notamment au niveau de
l'hygiène. Dans son rapport annuel un inspecteur remarque ainsi que
« les mesures prises l'an passé visant à
améliorer l'hygiène générale de
l'établissement sont maintenues, ce qui permet d'éviter depuis
toute nouvelle prolifération de rats »1423(*). Beaucoup de MISP
semblent d'ailleurs privilégier le contrôle des conditions
sanitaires plutôt que la qualité des soins, ce que confirme cette
infirmière interrogée au sujet des contrôles de la
DDASS : « Y avait souvent une dame qui venait visiter et qui me
demandait tous les combien les couvertures étaient lavées. Mais
on les passait de l'un [détenu] à l'autre ! Y avait pas une
hygiène terrible, hein ! On... on pouvait pas faire grand
chose ! [...] Elle [MISP] était toujours... très
mécontente ! Et je la comprends. C'était par rapport
à l'hygiène surtout... »1424(*).
Au-delà des particularismes de leur formation, si
certains inspecteurs privilégient le contrôle de l'hygiène,
c'est peut-être parce qu'il est délicat pour eux de remettre en
cause la qualité des soins, sans que cela soit vécu par les
praticiens en question comme une atteinte à leur autonomie
professionnelle. En atteste la différence avec laquelle la visite des
MISP est vécue par les infirmiers et les médecins
pénitentiaires. Ces contrôles sont souvent perçus par le
personnel paramédical comme l'opportunité de faire valoir leurs
difficultés. Se déclarant « ravie » de la
mission confiée aux DDASS, une infirmière de M.A affirme
s'être toujours « bien entendue » avec les
différents MISP1425(*). Leurs rapports soulignent d'ailleurs parfois
la difficulté pour certaines infirmières à assumer leur
fonction1426(*). C'est ainsi que cet infirmier,
déclarant avoir souffert de solitude dans la M.A où il
était seul, estime que leurs visites ont permis une meilleure prise en
compte de certains problèmes : « De temps en temps, ils
venaient et on leur faisait part de nos difficultés parce qu'il y avait
quand même des choses qui n'étaient pas normales. Et ce qui fait
que petit à petit, ils se sont penchés sur nos
difficultés »1427(*).
Toute autre semble être la relation entre les services
d'inspection du ministère de la Santé et les médecins
pénitentiaires, qui souvent ne se rencontrent pas, hormis en cas de
plainte d'un détenu. En atteste le cas de ce généraliste
n'ayant jamais rencontré la MISP en plus de six ans :
« Oui, y avait un médecin de la DDASS qui venait de temps en
temps. Elle venait une ou deux fois par an voir si les dossiers étaient
bien tenus. Je ne la voyais jamais »1428(*). L'intervention des
MISP est néanmoins vécue par certains médecins, comme ce
praticien souvent en conflit avec la direction de l'établissement, comme
une ressource spécifique à l'égard de l'Administration :
« Quand j'avais une difficulté, c'est elle que j'appelais en
disant SOS »1429(*). C'est peut-être parce que le
contrôle des MISP apparaît intrusif que certains praticiens
regrettent la suppression du poste de Médecin-inspecteur. Ce
généraliste travaillant depuis le début des années
soixante à Clairvaux considère par exemple que cette
réforme s'est traduite par la perte d'un correspondant direct à
l'Administration centrale et par un plus grand isolement du praticien :
« Auparavant un Médecin Inspecteur de
l'Administration Pénitentiaire exerçait une tutelle peu
contraignante et positive dans ses effets ; placé auprès du
Directeur Général, il connaissait parfaitement les rouages
administratifs et plutôt que d'un contrôleur, jouait le rôle
d'un conseiller, souvent amical, sachant désamorcer les conflits entre
institution et médecin, défendant le point de vue de ce dernier,
aidant en véritable consultant aux choix difficiles (grèves de la
faim sévères, propositions de grâce médicale,
etc...). Il n'en est plus ainsi du médecin inspecteur de la
Santé : ignorant tout de l'Administration Pénitentiaire, peu
rompu aux problèmes carcéraux, sa tutelle s'exerce avec une
grande discrétion et sans aucune efficacité. Cette
réforme, supprimant l'inspection Médicale des prisons dans le but
louable de mieux garantir l'indépendance du médecin, n'eut pas
l'effet escompté, ce dernier se trouvant désormais seul
confronté à des impératifs non médicaux et à
l'autorité administrative »1430(*).
Outre le faible poids qu'ont les MISP auprès des
autorités pénitentiaires, les propos de ce praticien soulignent
que le contrôle des DDASS est souvent perçu comme une source
d'ennui pour les médecins pénitentiaires, effrayés par le
contrôle de leur activité. Un praticien exerçant depuis
1969 en milieu carcéral fait part ainsi à son directeur
régional « du malaise qui s'est installé dans ma
fonction, et, renseignements pris, dans celle aussi de tous les médecins
généralistes de la Région pénitentiaire »
lié à une « sourde révolution qui se manifeste
insidieusement au sein de la médecine pénitentiaire par
l'introduction de personnels de la DASS. Il s'agit là d'un partage de
l'autorité de tutelle, une perte de votre pouvoir - et de mon pouvoir
médical »1431(*). Ce praticien entend protester notamment
contre la mise en place de nouveaux dossiers médicaux « qui,
sous des apparences innocentes, a pour but de contrôler et de surveiller
le service médical et ses prescriptions. Pourquoi tant
d'inquisition ! Tant de paperasserie ! Pourquoi ne pas faire
confiance en l'homme ! ». Quelques mois plus tard, ce même
médecin justifie sa démission par le contrôle de la DDASS
considéré comme illégitime :
« Je ne peux accepter la mainmise sur la
Médecine pénitentiaire de la DDASS qui, d'après la
direction régionale aurait plus une mission d'assistance menée
par des professionnels de la santé qu'une mission de contrôle.
Qu'il y ait contrôle, je veux bien. Mais j'estime que mon
ancienneté et l'obtention du diplôme [de médecine
pénitentiaire] sont des facteurs qui me paraissent suffisamment
éloquents face à des médecins parachutés en milieu
carcéral et j'estime pouvoir me passer de leur
assistance ».
L'hostilité parfois exprimée à
l'égard des MISP tient peut-être à la mission de traitement
des plaintes qui leur est désormais impartie1432(*). Saisi par un
détenu ou un membre de sa famille, l'IGAS enjoint, selon la
procédure, le médecin inspecteur départemental de
procéder à une enquête en consultant le dossier
médical du patient mais surtout en rencontrant ce dernier. Au vu du
rapport du MISP, quelques fois après un long délai comme en
témoignent les nombreuses lettres de rappel envoyées aux
DDASS1433(*),
l'IGAS estime si la prise en charge médicale est suffisante ou si une
intervention est nécessaire. Le ministère de la Santé est
largement sollicité, ce dont atteste l'évolution du nombre de
plaintes1434(*). Le plus souvent, celles-ci sont relatives
à l'insuffisance des soins, notamment dentaires. Un détenu de la
M.A d'Ensisheim critique, par exemple, le « refus qui serait
opposé à [sa] demande de transfert au Centre hospitalier de
Mulhouse afin d'y subir des examens médicaux »1435(*). Le rôle
imparti à l'IGAS est néanmoins délicat puisqu'il lui faut
déterminer la frontière entre ce qui relève du
médical et du pénitentiaire. A un plaignant demandant une
permission de sortie en raison de sa condition médicale, le Chef de
l'IGAS, Michel Lucas, déclare ne pouvoir se prononcer sur les
« conséquences de l'état de santé d'un
détenu sur la détention
elle-même »1436(*).
Si, comme le remarque un membre de l'IGAS, les plaintes des
détenus ne sont pas souvent fondées, elles permettent
néanmoins de recueillir des informations susceptibles d'améliorer
leur prise en charge médicale1437(*). Suite aux rapports de plusieurs MISP, l'IGAS
attire ainsi l'attention de la DAP « sur le problème posé
par les délais de réalisation des prothèses dentaires par
le service spécialisé des prisons de
Fresnes »1438(*) ou encore sur l'absence de structures
adaptées à la prise en charge de « femmes
présentant des troubles mentaux graves » à la prison de
Montluc à Lyon1439(*). A l'occasion du décès d'un
détenu, un rapport de l'IGAS souligne les défauts d'organisation
d'un établissement où les deux infirmières étant en
congé, l'une en maladie et l'autre en maternité, « les
deux surveillants (sans qualification particulière) assuraient donc
seuls le service de l'infirmerie »1440(*). En outre,
« les médecins généralistes, en fonction l'un
depuis 1973 et l'autre depuis 1975, ne se sont rencontrés pour la
première fois que lors de la venue de la Mission IGAS ».
L'intrusion des médecins inspecteurs dans un
système d'organisation des soins jusque-là limité aux
seuls personnels pénitentiaires aboutit parfois à relever des
dysfonctionnements sans lien avec la plainte initiale. Saisi par un
détenu de Fleury-Mérogis ayant protesté de ne pas recevoir
les soins appropriés, le MISP remarque que ce dernier souffre
d'une« sérologie très positive au virus Lav » non
détecté et dont le médecin-chef de l'établissement
est aussitôt informé1441(*). Un autre MISP remarque suite à la
visite de la MC d'Yzeure que le détenu plaignant est
« correctement pris en charge médicalement » mais
qu'« il y a un problème important de prise en charge des
pathologies psychotiques dans ces établissements », auquel le
Chef de l'IGAS lui demande de remédier1442(*).
Dans de rares occasions, le contrôle du MISP aboutit
à la remise en cause du traitement prescrit par le médecin de
l'établissement. En témoigne cet échange de courriers
entre un médecin de l'Hôpital de Fresnes et le MISP du
Val-de-Marne1443(*). Au sujet d'un détenu s'étant
plaint de sa mauvaise prise en charge médicale, le médecin
inspecteur regrette « l'insuffisance d'informations » de
son dossier médical et demande au médecin pénitentiaire de
« veiller à la tenue régulière des observations
et à la réalisation d'examens » avant de s'interroger
sur le traitement appliqué au détenu. Dans sa réponse, le
praticien mis en cause conteste l'avis du MISP avant d'ajouter :
« Jusqu'à preuve du contraire, je pense être aussi
crédible que [le détenu] ». Le médecin en
question émet une réclamation auprès de l'IGAS accusant le
MISP d'avoir « émis des allégations fausses ou
outrageantes ».
Les critiques émises par les médecins
inspecteurs semblent d'autant plus mal vécues par les praticiens,
qu'elles renvoient souvent aux difficultés auxquelles ces derniers sont
confrontés. En atteste la réponse d'un dentiste, se voyant
reproché des délais trop longs, à un MISP :
« L'effectif en janvier 1981 était de 368 détenus en
moyenne et il est actuellement [en 1983] aux environs de 636 détenus. Je
n'ai toujours que deux bras. Pour vos informer des suggestions que j'envisage
pour remédier à cette situation, je vous informe que je remets ce
jour ma lettre de démission du poste de chirurgien dentiste de la Maison
d'arrêt »1444(*). Plusieurs praticiens reprochent aux services
d'inspection du ministère de la Santé de ne pas être assez
en lien avec les difficultés du milieu pénitentiaire. Le
médecin-chef de Fleury-Mérogis regrette, lors d'une interview,
l'impossibilité qui leur est faite de répondre aux exigences du
ministère de la Santé : « Le rapport fait il y a
deux ans ne correspondait pas à la réalité
carcérale : ses critiques ne tenaient pas compte de nos
difficultés. Ses solutions étaient impossibles à
réaliser »1445(*). Habitué aux procédures et aux
conventions hospitalières, les services du ministère de la
Santé tenteraient de transposer des normes considérées
comme « inadaptées » au milieu
carcéral :
« Quelles vous imaginez-vous être les
missions des médecins de l'IGAS ? [...] Parce que si ça fait
partie de leur attribution qu'il y ait bien deux clefs du placard à
toxique... [ton très ironique] Je me rappelle d'une inspection, enfin
d'un audit ! Ils m'avaient cherché des poux dans la tête
parce que les dossiers médicaux sont des chemises de carton bleu. Et ces
chemises de carton bleu étaient celles de l'Assistance
publique »1446(*)
« J'ai tellement pensé au départ
que c'était [le médecin inspecteur] un sinistre connard et un
incapable qui avait réussi les concours ou qu'on avait placé
là pour ça ! Dans son attitude... A un moment il demande
à visiter le quartier des femmes. Les femmes étaient sur la PHB.
Alors, je sais pas, mais un médecin inspecteur de l'IGAS qui vient
visiter des malades peut demander à voir l'infirmière ou des
choses comme ça... La seule chose qu'il a demandée, c'est si
à l'entrée on leur avait distribué des serviettes
hygiéniques ! Ce qui est un peu
cocasse... »1447(*)
Outre la dimension méticuleuse ou bureaucratique de ces
inspections, ces exemples traduisent la difficulté pour des
médecins libéraux, peu habitués au contrôle de leur
activité, à accepter de nouvelles normes professionnelles. C'est
ainsi que l'ancien médecin-chef des Baumettes décrit la
décision de l'IGAS de faire fermer le bloc opératoire de
l'établissement comme « irresponsable ». La
fermeture de cet équipement, qui contrevenait pourtant à de
nombreuses normes hospitalières, est vécue comme un acte de
mépris à l'égard des contraintes économiques
imposées aux praticiens par le ministère de la Justice :
« A l'époque, le médecin-chef qui
était Solange Troisier avait à l'esprit, et je pense que
c'était logique, puisque les détenus étaient
complètement pris en charge par l'Administration pénitentiaire.
Elle avait à l'esprit l'économie ! Comme toujours
hein ! [Rires] Economies signifiaient en pratique de soigner le maximum...
de soigner les gens en prison et d'éviter de recourir aux services
extérieurs [...] On avait un bloc opératoire qui était
performant, on avait fait venir des chirurgiens et des spécialistes qui
étaient reconnus. On avait une radiologie avec un radiologue
compétent... Et on a même fait des hernies discales hein !
[...] On n'a jamais eu de problèmes. Et je sais pas comment c'est
arrivé, si il y avait eu une plainte ou quoi, mais tout d'un coup on a
eu une inspection de l'IGAS. Bon à l'époque, il y avait dû
y avoir je sais pas trop quoi1448(*). Donc l'IGAS a débarqué et a
examiné tout le fonctionnement. Et en gros le problème, c'est que
nous n'avions pas de salle de réveil ! [Prend un ton ironique] Ah,
ah ! Très très gros problème ! On avait donc le
bloc opératoire, on avait donc trois ou quatre cellules, du personnel
infirmier réservé uniquement à la chirurgie... mais,
très très grave, pas de salle de réveil ! Or, c'est
vrai qu'à l'époque les salles de réveil étaient
obligatoires dans tout établissement opératoire. Donc, de
là, ils ont dit : "On ferme !"... "Mais"... "Monsieur, on
ferme !"... "Mais vous savez combien ça va coûter ?"...
"On veut pas le savoir ! C'est pas nos sous ! On ferme !"...
[Rires] Donc y a eu un blocage ce qui fait que ça a
entraîné un transfert systématique [à
l'hôpital civil] quelques soient les interventions. La radiologie, c'est
pareil ! Ils ont dit : "C'est vétuste... On
arrête !". Même si cela nous avait aidé pendant des
années à détecter des tuberculoses [...] Nous, je vous
dis, on avait essayé de fonder une structure performante sur Marseille
et on avait réussi. Qu'est ce qu'il s'est passé ?
Contrôle de l'IGAS ! "Monsieur il faut tout fermer !".
C'étaient des gens qui faisaient leur boulot. Je ne critique pas
l'inspection de l'IGAS mais je critique le manque de responsabilité
financière de ces fonctionnaires. L'argent public, ils s'en
foutent ! »1449(*).
Accusés de ne pas s'adapter aux
spécificités pénitentiaires, les services d'inspection du
ministère de la Santé ont pourtant, dès l'origine de leur
mission, été alertés sur les règles du milieu
carcéral. La circulaire prévoyant leur intervention
précisait ainsi que « les règles déontologiques
propres au corps médical et paramédical sont applicables en
milieu carcéral, toutefois des conditions particulières
d'organisation et de fonctionnement des établissements
pénitentiaires se traduisent par des dispositions réglementaires
dérogatoires au droit commun »1450(*). Sensibilisée
par la Chancellerie, du fait des réunions de coordination entre
ministères, l'IGAS semble soucieuse de respecter les contraintes
pénitentiaires. En atteste la réponse apportée par le Chef
de l'IGAS, Michel Lucas, à un MISP s'étonnant que, dans deux
établissements visités, « les examens médicaux
soient effectués systématiquement en présence de
l'infirmière et d'un surveillant, contrevenant ainsi au principe du
colloque singulier médecin-malade » :
« Certes ce principe doit être
respecté dans toute la mesure du possible et notamment lorsque le
patient le demande instamment. Toutefois, il ne faut jamais perdre de vue que
le milieu carcéral dans lequel est exercé l'art médical
comporte des risques pour les membres du personnel sanitaire et que toutes les
mesures doivent être envisagées pour les prévenir ou les
réduire »1451(*).
La volonté d'entretenir des relations de
« bon voisinage » entre administrations explique cette
prudence, tout affrontement étant minutieusement évité.
Mis en cause par le directeur de l'Hôpital de Fresnes au cours d'une
réunion interministérielle, les inspecteurs de l'IGAS
privilégient ainsi la voie administrative en demandant un droit de
réponse à leur direction :
« Les faits reprochés étaient de
nature à nous inciter à répondre aussitôt à
M. [...]. Si nous ne l'avons pas fait, c'est parce que nous avons estimé
que le comité n'était pas le lieu pour mener une telle discussion
et que nous ne voulions pas entrer dans une telle polémique. L'absence
de réaction immédiate de la part de l'IGAS nous fait craindre que
l'on puisse croire et notamment Monsieur le Directeur de l'Administration
Pénitentiaire, que nous acceptons tous les griefs portés à
l'encontre de ces rapports »1452(*).
Le souci de l'IGAS de ne pas attenter à l'autonomie de
l'Administration pénitentiaire afin d'entretenir des relations cordiales
explique que certains problèmes, telle que la dilution des
médicaments, pourtant relevés dès 1984 n'aient
jusqu'à la réforme de 1994 pas
évolué1453(*). Ce souci d'éviter toute confrontation
est peut-être à l'origine de l'impression d'impuissance que
regrette cette infirmière au sujet des contrôles de
l'IGAS :
« Et tous les rapports de l'IGAS, ils disaient
tout ce qu'on leur avait dit. Expliquez-moi pourquoi ça n'a jamais
changé ? Une fois, je leur ai dit : "Vous avez des rapports
qui dénoncent la dilution, les sous-effectifs, les problèmes de
secret médical, les médecins qui n'effectuent pas leur temps de
travail..." [...] Moi, je me souviens de leur avoir montré tout ce qui
n'allait pas. Ils mettaient tout dans leurs dossiers mais ça ne
changeait rien... Et ils me disaient : "Mais oui, mais oui, on le note...
Ça sera dans le rapport". Alors pourquoi cela n'a-t-il jamais
changé ? Vous voyez la puissance de la Pénitentiaire !
J'ai jamais pu avoir de réponse à cela... Pourquoi eux, en tant
qu'inspecteurs de Santé, n'ont jamais réussi à faire
changer les choses ? Alors comment une infirmière de Maison
d'arrêt peut changer quelque chose ? »1454(*).
Cette infirmière a occupé un rôle
spécifique dans l'organisation des soins puisqu'elle était membre
du Comité interministériel de coordination de la santé en
milieu carcéral. Plus souvent appelé Comité
Santé/Justice, il fut créé en 1984 afin d'opérer
une meilleure concertation entre administrations et d'amender progressivement
l'organisation générale des soins. S'inspirant de l'idée
de l'IGAS d'instaurer au sein de chaque établissement un comité
médical de concertation, Myriam Ezratty propose en juin 1984 à
Michel Lucas de mettre en place « une instance centrale de
coordination dont la première mission consisterait à planifier
les réformes proposées puis à en suivre la mise en oeuvre
notamment à travers les bilans périodiques transmis par les
comités médicaux »1455(*). Avec la suppression
du poste de Médecin-inspecteur, la DAP se trouve privée
subitement de conseiller médical. Elle s'adresse alors
fréquemment au médecin-coordinateur de Fresnes. « J'ai
été aussi quasiment Conseiller technique », s'exclame
le Dr Espinoza1456(*). « L'Administration et le cabinet lui
font confiance, l'écoutent [...] Pendant cette période là,
il joue un rôle important. Il est très
écouté », confirme Jean Favard1457(*). Pourtant, ajoute ce
dernier, cette situation n'est qu'intermédiaire : « Et
puis après l'IGAS a un peu pris le relais. On ne voulait pas non plus
recréer un Médecin-inspecteur ». Le Comité
Santé/Justice (CSJ) naît ainsi en partie du besoin
éprouvé par l'Administration pénitentiaire de recueillir
une expertise du ministère de la Santé sur des questions
techniques. Sa création est, d'autre part, liée à
l'intérêt éprouvé par Myriam Ezratty pour la
dimension sanitaire de la prise en charge des détenus, laquelle n'a
d'ailleurs jamais manqué une séance. « Je ne me suis
jamais fait remplacer [...] Pour moi, c'était l'occasion d'être
informée. C'est d'ailleurs pour ça que j'y allais»,
déclare la directrice de l'Administration
pénitentiaire1458(*). « Il est clair qu'elle avait une
culture de santé. Pendant toute cette période de 83 à 87,
il y a vraiment eu une ouverture sur les problèmes
sanitaires », confirme le médecin-coordinateur de
Fresnes1459(*).
Après s'être réuni quelques fois de
façon informelle dans la salle à manger du garde des Sceaux,
place Vendôme, le Comité prend une existence officielle par un
décret du 6 août 19851460(*). Présidé par le ministre de la
Justice1461(*), le Comité se réunit ainsi au
moins une fois par an afin d'« examiner toute question d'ordre
général se rapportant à la protection, à
l'amélioration de la santé des détenus et à
l'hygiène dans les établissements
pénitentiaires ». Il dispose également d'un rôle
de concertation entre les différents services ministériels et
peut, enfin, constituer des groupes de travail sur certains thèmes.
Outre l'Administration pénitentiaire, il rassemble théoriquement
l'IGAS, les directions du ministère de la Santé (Hôpitaux,
Santé, Pharmacie, Sécurité sociale) ainsi que des acteurs
de terrain (médecin-coordinateur de Fresnes, MISP des DDASS ou DRASS, un
chef d'établissement et une infirmière pénitentiaire).
Concrètement, le Comité s'est réuni à au moins dix
reprises d'octobre 1984 à juin 19861462(*).
Si la DAP est représentée de façon
constante par sa directrice ainsi que par plusieurs magistrats1463(*), les membres
siégeant au titre du ministère de la Santé sont plus
variables, à l'exception du Dr Tchériatchoukine, membre de
l'IGAS. Seule la Direction générale de la santé (DGS) est
à chaque reprise représentée par l'intermédiaire de
Marie-Joëlle Cano, responsable du Bureau de l'organisation des soins en
charge notamment des MISP. Les autres directions sont présentes de
façon ponctuelle en fonction de l'ordre du jour. Les intervenants de
terrain sont, enfin, très peu représentés, seul le
médecin-coordinateur de Fresnes, Pierre Espinoza, assistant à
toutes les réunions. Un médecin inspecteur départemental
ainsi qu'une infirmière de la M.A de Bois d'Arcy sont également
présents à diverses reprises. « C'était
plutôt des administratifs », se souvient le Dr
Espinoza1464(*).
Le Comité traite de problèmes précis,
soulevés le plus souvent au sein des rapports de l'IGAS ou des MISP. La
réunion du 17 décembre 1984 est ainsi consacrée à
la fermeture éventuelle de l'atelier de prothèses dentaires de
Fresnes ainsi qu'à celle de sa maternité1465(*). A partir de
problèmes spécifiques sont envisagées des transformations
générales de l'organisation des soins. Plus rarement, le CSJ est
également le lieu où sont abordées les questions
déontologiques. Au cours de la séance du 16 septembre 1985 est,
par exemple, décidé de ne pas instaurer un dépistage
systématique des détenus à la sérologie HIV,
pourtant réclamée par plusieurs médecins
pénitentiaires : « Il est constaté une certaine
propension chez certains médecins travaillant en milieu carcéral
de procéder à des dépistages revêtant un
caractère systématique notamment sur des toxicomanes entrant en
prison. Les tests sont inutiles du triple point de vue scientifique,
préventif et thérapeutique [...] En revanche les
inconvénients d'un tel dépistage sont évidents en
prison : violation du secret médical et risques de divulgation,
réaction de rejet et de mise à l'écart, moments de
panique, possibilités d'actes désespérés de
personnes fragiles, exploitation et déformation par les médias,
etc... qui contribuent à accroître les difficultés de
gestion pénitentiaire dans des établissements
surencombrées »1466(*).
Les comptes-rendus étant succincts, quatre ou cinq
pages résumant une demi-journée de travail, il est difficile
d'avoir une idée précise du déroulement des
séances. Interrogés sur le Comité Santé/Justice,
deux professionnels de santé ayant assisté aux réunions
présentent deux versions distinctes, renvoyant à leurs positions
respectives. N'étant pas confronté quotidiennement aux
difficultés présentes dans les établissements
pénitentiaires, le médecin-coordinateur, évoque pour sa
part un lieu de concertation permettant de faire avancer rapidement les
dossiers qu'il juge importants. A l'inverse, une infirmière de M.A
regrette que certains problèmes n'aient pas été
traités de manière plus frontale afin d'être résolus
plus rapidement :
« C'étaient des réunions
très libres car il y avait un ordre du jour mais la parole était
très libre. C'étaient des réunions qui étaient
à dominante sanitaire. Toujours dans l'esprit : "Comment peut-on
améliorer la prise en charge sanitaire des détenus ?".
Même si on n'oubliait pas la prison. On n'oubliait pas le fait que
c'était des détenus et qu'il fallait considérer l'aspect
sécuritaire mais le primo noves c'était quand même les
soins [...] Tout a été mis sur la table. Les problèmes de
pharmacie, de SMPR. Tous les grands thèmes ont été
discutés et débattus avec des représentants de la
Chancellerie, de l'Administration pénitentiaire, du Ministère de
la Santé, avec Yvette, moi-même et un médecin inspecteur de
Fleury-Mérogis. Et au cours de ces réunions des décisions
étaient prises sous la forme de circulaires »1467(*).
« Ce sont des questions [problèmes
déontologiques] qui n'ont jamais été abordées dans
le Comité Justice Santé où il était question de
thèmes précis. Il y a eu beaucoup de baratin. Par exemple, la
fois que j'y suis allée on parlait des dentistes parce qu'il n'y avait
plus de dentiste à Bois d'Arcy [...] Le choix des thèmes
était déterminé par un problème de santé
révélé dans un établissement. C'étaient
toujours des thèmes particuliers. On n'abordait pas les problèmes
généraux. Les réunions se déroulaient dans une
bonne ambiance. C'était sérieux mais on n'aboutissait pas
toujours. Mais y avait quand même quelque chose qui changeait. Ça
n'aboutissait pas à une décision administrative au niveau
national mais ça débouchait quand même toujours sur une
autre analyse. Alors bon, si les gens ne demandaient pas : "Alors,
où on en est ?", ça se perdait un peu. L'objectif
était de prendre des décisions pour un problème
soulevé. Mais ça ne débouchait pas toujours parce que si
c'était un problème de moyens, les administrateurs étaient
là et s'il n'y avait pas de sous...»1468(*)
Car en dépit des réunions et des rapports,
l'organisation des détenus change peu dans les différents
établissements. L'Inspection tente de parer aux situations les plus
pressées, tel l'Hôpital de Fresnes ou des Baumettes tandis que les
petites Maisons d'arrêt sont peu affectées par la réforme
de 1983, et ce même les établissements faisant l'objet d'un
contrôle de l'IGAS1469(*).
__________________________________________________
Jusque-là restée à l'écart des
transformations du monde médical, l'organisation des soins en prison
devient à partir de 1985 un objet de réflexion des services
centraux et déconcentrés du ministère de la Santé.
S'il contribue à relégitimer l'Administration
pénitentiaire en matière de santé, le transfert de la
mission de contrôle à l'IGAS marque la progressive disparition de
la frontière qui séparait la médecine carcérale du
reste du système de santé. Longtemps jugée à partir
de ses propres normes, l'organisation des soins en prison est désormais
évaluée, au moins partiellement, à l'aune des
critères de santé publique. Le bilan de la mise en oeuvre du
décret 26 janvier 1983, et plus largement de la volonté de
rupture dont font preuve les magistrats nouvellement arrivés en 1981,
attestent de la difficulté à transformer les règles
régissant un secteur d'action publique. La notion de path dependence
ou « dépendance au chemin emprunté »,
développée en économie et appliquée à la
science politique par Paul Pierson rend compte de cette inertie historique des
institutions1470(*).
A partir de l'exemple des systèmes de protection
sociale, Pierson met en évidence l'existence de cadres cognitifs et de
règles institutionnelles dont la transformation apparaît
difficile. Il en est ainsi, par exemple, de la règle informelle selon
laquelle les praticiens ne seraient pas l'objet de contrôles dans leur
temps de travail. L'éviction de l'anesthésiste et le maintien en
place du chirurgien de Fresnes, malgré ses erreurs, attesteraient
également d'une primauté des impératifs
pénitentiaires à l'égard des règles
déontologiques. L'organisation des soins en prisons demeure régie
par des règles tacites établies depuis les années
soixante. En dépit de tout volontarisme politique, leur remise en cause
apparaît difficile. C'est par exemple le cas de la contestation de la
règle de la non-application de l'abattement en matière de soins
dentaires qui se traduit par de nombreuses démissions de
praticiens1471(*).
En dépit d'une volonté politique de remettre en
cause les règles régissant jusque-là l'organisation des
soins, l'autonomie des soignants demeure limitée. En atteste le
licenciement d'un interne de l'Hôpital de Fresnes. Recruté en
octobre 1981, ce dernier change de service en décembre. Il fait
cependant l'objet en décembre 1982 d'un avis défavorable de du
médecin-chef auquel il n'est plus rattaché tandis que son chef de
service actuel le soutient. « L'avis du corps médical de
Fresnes est très partagé », remarque alors le Bureau
des personnels1472(*). Décision est néanmoins prise de
licencier cet interne. Après avoir consulté son dossier, ce
dernier proteste contre cette décision qu'il explique par son changement
de comportement à l'égard des placements au
« mitard » :
« La caractéristique essentielle des
éléments à ma charge dans ce dossier est qu'ils datent
tous de la fin de 1982 [...] J'ai en trois mois demandé quatorze fois la
suspension des mesures disciplinaires (pour des raisons de santé) sur
deux cent vingt-et-un prisonniers ayant séjourné au quartier
disciplinaire, demandes qui choquent et gênent les surveillants au point
qu'ils se soient plaints au directeur que je demande ces suspensions de
manière systématique. C'est ce rôle de "gêneur" que
j'assume depuis quelques trois mois, selon les dispositions très
sagement instituées par le législateur qui a conduit à
vous faire remettre le dossier de constitution récente et partial me
concernant »1473(*).
Preuve de sa bonne foi, cet interne fournit une attestation
favorable fournie par le médecin-chef de service dont il dépend.
Le Bureau des personnels demande alors à l'inspecteur Chemithe de
reconsidérer le dossier de l'intéressé dans lequel ne
figurait pas l'avis du médecin-chef tout en
« s'interroge[ant] » sur l'avis du premier chef de service
où l'interne n'est plus affecté depuis décembre
19811474(*).
Cet avis ne semble cependant pas suivi d'effet puisque Yvan Zakine avertit le
second médecin-chef qu'il n'était pas habilité à
transmettre à son interne « une attestation concernant sa
manière de servir, à l'insu de
l'administration »1475(*). Enfin, dans un courrier au Conseiller
technique du garde des Sceaux, la nouvelle Directrice de l'Administration
pénitentiaire précise qu'il ne lui semble pas souhaitable
d'annuler la décision de licenciement étant donné que cet
interne « n'a pas conscience des contraintes de la médecine
hospitalo-carcérale »1476(*).
Si certaines règles régissant l'organisation des
soins en prison demeurent inchangées on assiste néanmoins
à une progressive transformation des façons de faire, notamment
du fait de l'intervention des médecins inspecteurs. A l'encontre d'une
vision trop rationnelle et trop radicale du changement, Charles Lindblom
développa la notion d'« incrémentalisme »
désignant le fait que les politiques évoluent sur le mode des
petits pas1477(*). Confrontés à des situations
d'incertitude, les décideurs seraient placés face à des
alternatives restreintes entre lesquelles ils arbitreraient sur la base d'une
négociation. La décision finale ne traduirait ainsi pas tant un
choix en valeurs qu'un choix « contraint ». C'est ainsi
qu'il apparaît préférable pour les autorités
pénitentiaires d'avaliser le licenciement de cet interne qui, bien que
n'ayant pas démérité, remet en cause le fonctionnement de
la détention. Fortement indéterminées, ces
négociations peuvent cependant aboutir à une lente remise en
cause du système. C'est notamment le cas au sujet des interactions entre
l'Administration pénitentiaire et les services de contrôle du
ministère de la Santé. Si cette dernière ne peut imposer
d'emblée le respect de règles sanitaires identiques au monde
hospitalier, elle réussit néanmoins à mettre un terme aux
dysfonctionnements les plus flagrants.
Tandis que la réforme de la médecine
pénitentiaire achoppe sur des questions budgétaires ou
statutaires, la psychiatrie pénitentiaire achève son
autonomisation du ministère de la Justice amorcée en
19771478(*).
Un décret et un arrêté de 1986 ôtent
définitivement toute autorité à l'Administration
pénitentiaire dans le fonctionnement des infirmeries psychiatriques
désormais appelés Services médico-psychologiques
régionaux (SMPR)1479(*). La mise en perspective avec la réforme
de la psychiatrie carcérale, désormais totalement
intégrée au ministère de la Santé, permet de mettre
en avant trois facteurs explicatifs au blocage de la réforme de la
médecine pénitentiaire. L'intégration au milieu
hospitalier a tout d'abord offert aux psychiatres travaillant en prison
l'opportunité de développer une réflexion éthique
sur leur pratique dont les médecins pénitentiaires restent
dépourvus. Tandis que les premiers rejettent vigoureusement
l'idée d'une spécificité carcérale, certains
généralistes continuent, en second lieu, de défendre
l'existence d'une « médecine pénitentiaire ».
Cette nouvelle réforme, avant tout déontologique et statutaire,
n'implique enfin, troisième facteur, aucune dépense
supplémentaire pour le ministère de la Santé.
La question de l'organisation de la médecine
générale butte, à l'inverse, sur le problème du
financement des soins. Faute de prise en charge par la Sécurité
sociale, l'Administration pénitentiaire demeure incapable de
répondre aux attentes du ministère de la Santé. C'est pour
pallier cet obstacle financier que le nouveau ministre de la Justice, Albin
Chalandon, décide en 1986 de recourir à un nouvel acteur
extérieur : les entreprises privées. En prenant cette
décision, il ne pouvait imaginer que les socialistes, revenus au pouvoir
en 1988, seraient chargés de mettre en oeuvre cette privatisation
à laquelle ils sont hostiles. Les magistrats-militants alors en poste
à l'Administration pénitentiaire mirent à profit cette
réforme dans leur stratégie de décloisonnement de la
médecine pénitentiaire. C'est dans ces conditions que
l'organisation des soins en prison est pour la première fois le fait de
praticiens extérieurs.
Section 2 - La
délégation de la santé au secteur privé : la
fin d'un monopole pénitentiaire
« Les détenus ont bien de la
chance : il ne se passe pas de mois sans que Robert Badinter leur
prépare une loi ou leur mijote quelques décrets pour
améliorer la vie carcérale ou, mieux encore, la raccourcir [...]
Mais d'humanisation des prisons en adaptation des peines, ces mesures
amoindrissent singulièrement l'institution pénitentiaire [...] Il
s'agit [les mesures] d'un paquet fort bien ficelé dont l'emballage
cadeau serait constitué par l'amélioration de la vie
carcérale et cacherait une bombe à retardement. Comment appeler,
en effet, tous les articles destinés à faire sortir de la prison
la plupart des condamnés à de petites
peines ? »1480(*).
La défaite de la gauche lors des législatives de
mars 1986, et la cohabitation qui s'ensuit, marquent officiellement
l'achèvement de la politique de
« décloisonnement ». Critiquée sur sa gauche
(L'Humanité, 13/05/1986), la politique de l'ancien garde des
Sceaux fait l'objet d'un traitement médiatique très
sévère de la part du Figaro, à travers le
thème des prisons « quatre étoiles ». Un
journaliste rend compte de sa visite à la MC de Moulins en ces
termes : « Sing Sing ou Club Med ? [...] Ils s'habillent
comme ils veulent. Ils sont "libres" de 7h à 19h30. Ils peuvent louer la
TV (240 francs la couleur). Leurs repas sont dignes d'une honnête
auberge »1481(*). Seul Le Monde dresse un bilan
positif de l'« humanisation » du « chaudron des
prisons » entreprise par Robert Badinter, tout en soulignant les
difficultés auxquelles il fut confronté1482(*). Avec l'alternance,
une nouvelle philosophie pénale guide désormais l'action
publique. A l'encontre des réformes entreprises, Alain Peyrefitte
soutient que « la prison doit être humaine, mais privatrice des
libertés » (Figaro-Magazine, 18/05/1985).
Cette nouvelle politique s'accompagne d'un renouvellement des
idées s'accompagne d'un renouvellement des hommes à la tête
de l'Administration pénitentiaire. Tandis que la COSYPE est
désormais présentée comme un « lobby
anti-carcéral »1483(*) par un membre du cabinet du ministre de la
Justice, les membres du Syndicat de la magistrature en poste à
l'Administration pénitentiaire se voient proposés d'autres
affectations (LM, 2/02/1988). Dominique Matagrin, devenu Conseiller
technique du garde des Sceaux en 1986, incarne cette nouvelle philosophie
pénale. Magistrat à l'Administration pénitentiaire, il
participe en 1981 à la création de l'Association professionnelle
des magistrats (APM). Bien que se revendiquant « apolitique », cette
organisation rassemble des magistrats de droite hostiles à la politique
de Robert Badinter. Dès sa reconnaissance officielle, en avril 1982,
l'APM critique la suppression de la Cour de sûreté de l'Etat et
s'élève contre l'abolition de la peine de mort1484(*). Sous la conduite de
Raoul Béteille, ancien directeur des Affaires criminelles et des
grâces sous Alain Peyrefitte et rédacteur de la loi
Sécurité et liberté, l'APM s'oppose à la
réforme de l'instruction proposée par Robert Badinter en 1985, et
mène campagne contre « le laxisme actuel » du garde des Sceaux
qui, selon eux, « sacrifie chaque fois un peu plus les exigences
élémentaires de la sécurité dans les
prisons » (AFP, 9/08/1985). En 1986, ce syndicat recueille aux
élections professionnelles entre 13% et 15% des suffrages. L'APM
accède alors avec l'alternance à de nombreux postes de pouvoir.
Alexandre Benmakhlouf devient ainsi Conseiller pour la Justice auprès du
premier ministre, Jacques Chirac.
Dominique Matagrin, secrétaire général de
l'APM de 1989 à 1995, devenu Conseiller technique pour les prisons,
prend le contre-pied des thèses défendues jusqu'alors par la
COSYPE. « Pour lui la peine ça veut dire que ces gens ne sont
pas comme les autres. La prison pour lui, c'est la souffrance. L'idée
que les détenus ont les mêmes droits qu'à
l'extérieur, pour lui, c'est une absurdité », souligne
Alain Blanc du SM1485(*). Soucieux des impératifs
sécuritaires, le nouveau gouvernement décrit l'ouverture de
l'Administration pénitentiaire vers les autres ministères,
réalisée jusque-là, comme une menace allant à
l'encontre de l'institution :
« Dire que la prison n'est que la privation de
liberté et rien d'autre est une contradiction absolue [...] C'est
pourquoi les tentatives actuelles de "décloisonner" la prison,
c'est-à-dire de l'ouvrir sur le monde sans tenir compte de l'existence
des murs, est une vue de l'esprit. On proclame aujourd'hui qu'en prison, on
soignera, on enseignera, on travaillera, on se distraira "comme" à
l'extérieur. Qu'est ce que cela signifie ? Faire perdre son
autonomie et son existence propres à cet univers revient à le
supprimer »1486(*).
Signe de cette hostilité au décloisonnement,
entendu comme l'ouverture de l'institution carcérale à d'autres
administrations, le Comité Santé/Justice cesse dès lors
d'être réuni. « C'est un groupe que Chalandon avait mis
en sourdine parce que je crois parce qu'il était clair que
c'était une machine de guerre pour conduire à la réforme
», remarque Alain Blanc1487(*).
Au décloisonnement est opposée la
« modernisation » de l'Administration pénitentiaire,
nouveau paradigme de la politique carcérale. Pour lutter contre une
direction trop sclérosée, est proposée une privatisation
partielle de la prise en charge des détenus sous la forme de contrats de
partenariat. En 1988, lors de la nouvelle majorité de gauche, le
« Programme 13.000 »1488(*) va cependant
apparaître comme une étape supplémentaire dans le
décloisonnement de l'institution carcérale, notamment en
matière de soins. En effet, hostiles au principe d'une privatisation,
les magistrats du SM, chargés de mettre en oeuvre cette décision
adoptée pendant la cohabitation, vont considérablement renforcer
le cahier des charges des opérateurs afin d'améliorer la prise en
charge médicale des détenus (1). La mise en place des nouveaux
établissements sera l'opportunité de confronter l'ancienne
organisation des soins à de nouveaux principes. La survenue de certains
incidents témoignera de la persistance de certaines règles
régissant le système pénitentiaire, et ce
indépendamment de la majorité politique (2).
1. Le « Programme
13.000 » et la délégation de gestion à des
groupements privés : une forme de décloisonnement ?
« Les opérateurs privés,
détenteurs des moyens immobiliers et humains, des capitaux, seront en
position d'imposer leur volonté à l'Etat qui subira le chantage
à l'agitation carcérale et au chômage et sera contraint de
céder à leurs exigences de tous ordres : financier, de
fonctionnement, d'affectation des détenus. L'inflation carcérale
ne pourra dès lors que s'accélérer »1489(*).
Les propos alarmistes de ce membre du Syndicat de la
magistrature illustrent l'opposition que soulève l'idée du
nouveau garde des Sceaux dans un contexte de durcissement pénal et
pénitentiaire. A un moment où la question sécuritaire
domine les débats politiques, du fait de la recrudescence d'actes
terroristes, Jacques Chirac tente de donner une image de son gouvernement
allant à l'encontre du « laxisme » dont est
accusée la gauche1490(*). Robert Pandraud est nommé ministre
délégué à la Sécurité tandis que
Charles Pasqua, ministre de l'Intérieur, promet de
« terroriser les terroristes ». Le vote, en septembre 1986,
de quatre lois relatives à la sécurité confirme
l'orientation du gouvernement. La loi du 9 septembre 1986 fait passer de vingt
à trente ans la période maximale de sûreté, tandis
que les possibilités de réduction de peine sont amoindries. La
période est propice au déploiement des discours les plus
sécuritaires. Le vice-président du Sénat, Etienne Dailly,
demande par exemple la création, sur une île, d'un
« pénitencier spécial » où seraient
enfermés les criminels dangereux (Le Monde, 22/04/1986).
La nomination d'Albin Chalandon, surnommé le
« manageur », en tant que garde des Sceaux est
interprétée comme l'inauguration d'une politique carcérale
immobilière1491(*), et ce, à un moment où la
surpopulation (44.414 détenus pour une capacité de 32.500 au
1er juin 1986) est considérée comme la source de
nombreuses tensions dans les établissements. Avec une moyenne de 150%,
le taux d'occupation atteint 400% dans les grandes agglomérations comme
à Lyon et à Marseille, sujet dot s'alarme la presse de
droite1492(*). « La question pénitentiaire,
dès lors, se résume à des problèmes
d'équipement », observe Jean-Charles Froment1493(*). Dès sa
première conférence de presse, le ministre de la Justice annonce
qu'« avec de l'imagination, on peut trouver des solutions, recourir
à des capitaux privés » (LM, 8-9/06/1986).
S'inspirant du « modèle »
américain1494(*), Albin Chalandon propose non seulement de
faire construire ces établissements par des fonds privés, mais de
leur en déléguer également le fonctionnement. Beaucoup
voient dans ce recours au privé un écho avec le projet de
construction des autoroutes réalisées à l'aide de capitaux
privés1495(*). L'Humanité ironise sur les
« Chalandonnettes à barreaux » en
référence aux maisons à bas prix lancées par
l'ancien ministre du Logement1496(*).
En recourant aux entreprises privées, le garde des
Sceaux poursuit plusieurs objectifs. Il veut tout d'abord rénover le
parc immobilier pénitentiaire et fermer les établissements les
plus vétustes. Deuxièmement, Albin Chalandon souhaite augmenter
le nombre de places en prévision de l'augmentation de la population
pénale. Les 40.000 nouvelles places prévues descendent cependant
à 25.000 à la fin 1986, puis à 15.000 en
19871497(*).
Enfin, méfiant à l'égard de la gestion publique, le
ministre de la Justice désire mettre en concurrence les deux
systèmes espérant produire ainsi une émulation. Il
prévoit, pour cela, une « privatisation
intégrale » de toutes les différentes dimensions de la
prise en charge des détenus (direction, surveillance, travail,
réinsertion, santé, etc.). « La privatisation sera
intégrale ou ne sera pas », déclare Dominique Matagrin
(Lyon Figaro, 18/11/1986). Pour justifier l'urgence de sa
décision, le ministre n'hésite pas à s'indigner de
l'état des prisons : « Je vous assure que nous violons
souvent les droits de l'homme » (France-Soir,
20/11/1986) ; « Nos prisons sont abominables, ignobles,
indignes ! » (AFP) ; « La vie en prison est
à la limite du supportable », s'exclame Albin Chalandon
(Le journal Rhône Alpes, 21/02/1987).
Alors même que le gouvernement remet en cause la
politique économique socialiste, en annonçant en juillet 1986 la
privatisation de soixante-cinq entreprises, la proposition du ministre de la
Justice est à l'origine d'importantes controverses à l'automne
1986, aussi bien au sein de l'opposition que de la
majorité1498(*). Simone Veil se déclare choquée
par l'abandon au privé « d'une prérogative de puissance
publique »1499(*). Le ministre du Budget, Alain Juppé,
s'étonne de l'ampleur du projet qui devrait selon lui faire l'objet
d'une expérience pilote (Libération, 29/11/1986). De
nombreux intellectuels et hommes politiques y voient une menace au domaine
réservé de l'Etat1500(*). Solange Troisier est l'une des rares à
apporter son soutien à la politique d'Albin Chalandon (Le Quotidien
de Paris, 21/11/1986). Le projet suscite une vive opposition au sein de
l'Administration pénitentiaire où il est vécu, du fait
d'un fort attachement au service public, comme un
« traumatisme » selon un
journaliste-militant1501(*). Bien qu'hostiles, les syndicats demeurent
discrets en échange du départ de la directrice de
l'Administration pénitentiaire, Myriam Ezratty, obtenu en juillet
19861502(*).
La nomination d'un préfet, Arsène Lux, est
interprétée par Le Monde comme « le signe
d'une plus grande volonté répressive du gouvernement »
(4/07/1986), tandis que Le Figaro y voit « la volonté
de la Chancellerie de reprendre en main une administration qui, depuis cinq
ans, était abandonnée à elle-même par volonté
politique » (25/06/1986). La grève des écrous
lancée en novembre 1986 ne fut ainsi pas suivie
(Libération, 18/11/1986).
Face à ces critiques, un premier projet de loi est
reporté au printemps 1987. En lutte avec le ministère du Budget,
Albin Chalandon réussit, en menaçant de démissionner,
à obtenir du Premier ministre, en avril 1987, le déblocage de
quatre milliards et demi de francs destinés à la construction de
15.000 places de détention (France-Soir, 8/04/1987). La loi du
22 juin 1987 relative au service public pénitentiaire, appellation
destinée à apaiser les craintes, crée le Programme 15.000
comportant 29 établissements répartis entre quatre zones
géographiques. « Paradoxalement, la loi du 22 juin 1987 qui
devait n'être que le vecteur d'une logique pragmatique de type
managériale devint ainsi le texte de référence qui pose
les principes fondamentaux structurant l'univers
pénitentiaire »1503(*).
La privatisation n'est cependant pas totale. Entre le
« tout-privé » et « le tout
public », est adopté un mode de gestion mixte, dit encore
déléguée ou semi-privée. La surveillance, la
direction et le greffe demeurent du domaine du ministère de la Justice
tandis que l'hôtellerie, la restauration, la maintenance, le nettoyage,
le transport des détenus, la santé, le travail, la
réinsertion et la formation professionnelle sont concédés
aux groupements privés. Comme gage de sécurité, Dominique
Matagrin assure qu'une « épée de Damoclès sera
suspendue en permanence sur ces opérateurs privés »
à qui la délégation pourra être retirée.
En juillet 1987, un appel d'offres est
lancé1504(*). Il permet à des groupements
d'entreprise de BTP et des services de candidater en vue de la construction et
de la gestion, pendant dix ans, des établissements répartis sur
l'une des quatre zones géographiques délimitées. Sur
trente-deux candidatures, le jury sélectionna dix groupements admis
à concourir. Leurs propositions furent ensuite soumises en novembre 1987
à une commission technique composée de membres de
l'Administration pénitentiaire et d'architectes, avant que le jury ne
désigne en décembre les lauréats, tous filiales de grands
groupes du BTP ou des services : Dumez pour la zone Est, GEPSA (groupe
Suez) dans le Nord, GECEP (Grands Travaux du Midi) pour le Sud, SIGES (Sodexho)
dans l'Ouest. L'Etat rémunère les groupements au titre d'une
prestation globale constituée d'une partie fixe (amortissement des
équipements) et d'une partie variable (fonction du nombre de
journées de détention). Le contrôle des prestations est
assuré dans chaque prison par le directeur de l'établissement,
conservant un statut pénitentiaire.
En 1988, beaucoup pensent que la victoire de la gauche aux
présidentielles et aux législatives marque l'arrêt du
programme de privatisation. Lors de sa nomination au ministère de la
Justice, Pierre Arpaillange juge d'ailleurs
« énorme » le programme de construction entrepris
(LM, 20/05/1988). Le 15 septembre, l'annonce du gel du programme
suscite la colère des municipalités désireuses
d'accueillir un établissement sur leur terrain. Le ministère se
trouve, en outre, confronté à d'importants troubles au sein des
prisons. Le 13 septembre, 5.620 détenus organisent une grève des
plateaux repas, le « plus ample mouvement de l'histoire
pénitentiaire française », afin de réclamer la
suppression de l'isolement ainsi qu'une amélioration de leurs conditions
de détention (LM, 15/09/1988). Les syndicats
pénitentiaires reprochent au garde des Sceaux de s'être
entouré quasi-exclusivement de membres du Syndicat de la
magistrature1505(*) (LF, 7/10/1988). Jean-Pierre
Dinthillac, qui avait présenté sa démission en
février 1988 pour protester contre la mise à l'écart de
l'une de ses collaboratrices, est nommé directeur de l'Administration
pénitentiaire. La décision du garde des Sceaux de mettre fin
à l'isolement des terroristes incarcérés est
désapprouvée par le premier ministre, Michel Rocard, soucieux des
accusations de « libéralisme » formulées
à son encontre :
« En premier lieu [...] ce sont les portes des
prisons qui se sont ouvertes toutes grandes : moins 7000 détenus
entre le 1er mai et le 1er août [...] Certes,
l'amnistie et la grâce présidentielle sont passées par
là [...] Lorsque l'on sait, en outre, que, selon l'expression
imagée d'un membre du cabinet du garde des Sceaux, "on a rouvert le
robinet des permissions de sortie et des libérations conditionnelles",
on comprend pourquoi les détenus se montrent plutôt satisfaits de
leur nouveau ministre. Mais ce n'est pas tout. Après la
télévision dans les cellules, les délinquants et criminels
ont depuis peu l'autorisation d'avoir un réfrigérateur [...] Mais
ce n'est pas tout. La Chancellerie a à l'étude deux projets qui
répondent directement aux voeux de la population pénitentiaire.
Le premier, c'est l'installation de "chambres d'amour" dans les prisons [...]
Le second projet concerne la présence d'un avocat lorsqu'un
détenu passe au prétoire pour une mesure disciplinaire et fait
souffler un vent de révolte tant chez les surveillants que chez le
personnel de direction de la pénitentiaire, pour une fois
solidaires ». (LF, 12/08/1988).
En proie à de nombreuses critiques, et face au risque
de voir l'Etat payer de fortes indemnités aux entreprises contractantes,
Pierre Arpaillange décide de maintenir le projet de construction des
nouveaux établissements, dont le nombre de places est cependant
abaissé de 15.000 à 13.000 (Libération,
3-4/09/1988). Le ministre de la Justice annonce toutefois l'abandon du projet
des quartiers destinés aux toxicomanes, remplacés par des
antennes médicales pluridisciplinaires (LM, 4-5/09/1988). En
1991, la quasi-totalité du programme de construction est achevée.
Si l'idée d'une délégation de gestion au secteur
privé n'est pas abandonnée, elle est pourtant loin de recueillir
l'adhésion des membres de l'Administration centrale, largement acquis au
service public : « Pour nous, un certain nombre qui avions
travaillé avec Badinter, c'était impensable des prisons
privées. On était
révolté »1506(*).
Le transfert de la santé, domaine pourtant assez
polémique, n'est à aucun moment contesté au sein de
l'espace public. Les autorités de régulation du corps
médical y sont pourtant opposées. Consulté pour
rédiger un contrat-type des professionnels de santé des
établissements 13.000, le Conseil de l'Ordre est dans un premier temps
favorable avant de présenter subitement, lors d'une seconde
réunion, une « opposition de fond » :
« Le conseil national est tout à fait opposé au fait
qu'un contrat de travail puisse lier un praticien à une
société commerciale [...] Ses représentants
préféreraient que la santé soit retirée des
missions concédées et que sa gestion continue d'être
assurée directement par l'administration pénitentiaire. Tout au
plus, accepteraient-ils que le suivi médical et la dispensation des
soins soient confiés à une organisation caritative reconnue, type
Croix-Rouge »1507(*). Le président du Conseil de l'Ordre,
Louis René, intervient en ce sens auprès du Conseiller technique
du garde des Sceaux, Philippe Chemithe1508(*). La DGS partage d'ailleurs cette position
puisqu'elle estime que cette seconde solution « éviterait de
s'engager sur la voie nouvelle et dangereuse consistant à admettre le
salariat de médecins par des sociétés commerciales,
sociétés qui auraient de surcroît financièrement
intérêt à ce que les prestations ou en tous cas les
prescriptions soient les plus réduites
possibles »1509(*).
Tandis que la mission éducative est retirée au
dernier moment du cahier des charges, suite à l'intervention du
secrétaire général du SNEPAP auprès de Philippe
Chemithe, la fonction santé, beaucoup plus coûteuse, est
finalement maintenue. « J'ai été le voir [Chemithe] en
disant : "Il ne faut pas que les socio-éducatifs soient
donnés au privé parce que justement, ils font partie de l'essence
même de la peine". Il était d'accord là-dessus et ils ont
modifié le secteur de l'appel d'offre en excluant la partie
socio-éducative. Ça a été facile à obtenir.
Il faut dire que la santé, c'était pas une petite part du
marché alors que les socio-éducatifs ça coûtait
nettement moins cher »1510(*). Outre des motifs économiques, la
délégation de la santé n'apparaît pas, pour les
membres de l'Administration pénitentiaire, comme l'aspect le plus
choquant du « Programme 13.000 » . Considérant que
« c'était pas pour la santé que c'était le plus
révoltant », Alain Blanc alors responsable de la
sous-direction de la réinsertion estime qu'il s'agit d'« une
ouverture mais [...] pas une garantie »1511(*). Selon un conseiller
de Pierre Arpaillange, les établissements à gestion
semi-privée contribuèrent à remettre en cause
l'idée, déjà affaiblie, que la prise en charge sanitaire
des détenus relèverait du ministère de la
Justice :
« L'organisation de la santé en prison repose
non pas sur des médecins, comme la logique le veut, mais sur des
représentants de l'administration pénitentiaire :
magistrats, administrateurs civils et directeurs d'établissement.
Curieusement, il revient à cette institution, de financer, de structurer
et de gérer le dispositif des soins. Elle exerce un métier qui
n'est pas le sien et qui s'écarte des missions fondamentales qui lui
incombent, c'est à dire la garde et la préparation de la sortie
sans récidive, de détenus qui rencontrent des problèmes de
santé inquiétants »1512(*).
Fruit de la politique sécuritaire menée par un
gouvernement de droite, le « Programme 13.000 » est
pensé par la gauche comme une étape supplémentaire dans le
décloisonnement de la médecine pénitentiaire. Pour
s'assurer que les opérateurs privés s'acquittent bien de leur
mission, les responsables de la DAP imposent, comme le suggère ici un
magistrat du SM alors Conseiller technique du ministre de la Santé pour
les questions judiciaires, de nombreuses contraintes, en matière de
moyens, dans les clauses du cahier des charges1513(*) : « En 86,
ça a été très critiqué le fait que la
santé puisse passer au privé. Et c'est pour ça qu'à
l'époque Alain [Blanc], qui était à la
Pénitentiaire, avait rédigé des charges tellement lourdes
que c'était... »1514(*). C'est ce que confirme l'ancien sous-directeur
de la réinsertion : « Tout de suite on s'est dit :
"C'est le privé ? Et bien d'accord. Mais quitte à ce que ce
soit le privé, autant leur imposer des
ratios !" »1515(*). La DAP voit dans le « Programme 13.000
» l'opportunité de mettre en oeuvre certaines
préconisations du ministère de la Santé, comme par exemple
une distribution des psychotropes sous forme sèche, en lieu et place de
la dilution. « Il me semble opportun de prendre en compte les
propositions que l'IGAS avait présentées dans un rapport de 1986
et qui n'ont pu recevoir d'application jusqu'ici faute de personnels
qualifiés et en nombre suffisant » note ainsi le Directeur de
l'Administration pénitentiaire1516(*).
L'Administration pénitentiaire met également en
place à cette occasion de nombreux dispositifs de contrôle afin
d'assurer le respect du cahier des charges. Le médecin-coordinateur de
chaque établissement est ainsi chargé de transmettre chaque mois
un bilan de l'activité de l'infirmerie à la DAP. De nouveaux
outils de contrôle sont élaborés par le Bureau de l'Action
sanitaire et de la toxicomanie (GB3)1517(*), nouvellement créé au sein de
l'Administration pénitentiaire1518(*). Un rapport annuel, enfin, est
rédigé chaque année à l'aide des comptes-rendus
mensuels remis par les médecins coordinateurs de chaque
établissement. Pour la première fois s'amorce un système
de contrôle et de gestion de l'organisation des soins en prison.
« La gestion par le privé du travail, de la formation et
surtout de la santé va-t-elle enfin pouvoir permette à ces
secteurs de se développer ? », s'interroge La
Croix le 13 juillet 1990 à l'occasion de l'ouverture des premiers
établissements. Placée sous la responsabilité
d'entrepreneurs privés, l'organisation des soins en prison est l'objet
d'une opération de modernisation et de rationalisation, aussi bien du
fait des acteurs privés que publics.
2. La « boîte
noire » de la médecine pénitentiaire à
l'épreuve de la rationalisation de l'organisation des soins
« La première réforme bien avant
94 a consisté avec le fameux "Programme 13.000", d'abord, à
créer des services médicaux j'allais dire polyvalents [...]
Puisque ça a été décloisonné
complètement, on s'est dit : "On va mettre en place un vrai
service médical. Avec des médecins temps plein, un psychiatre, un
généraliste, des infirmiers. Et surtout un vrai service
pharmaceutique avec un pharmacien, des préparateurs en pharmacie qui
véritablement...". Voilà, c'est là où on a
essayé de remédier à toutes les lacunes du système
[...] On était beaucoup parti du rapport de l'IGAS. A partir des
préconisations qu'ils nous avaient faites » 1519(*).
La réforme de 1983 inaugure le droit de regard du
ministère de la Santé sur l'organisation des soins en prison.
Celui-ci reste cependant limité à un pouvoir de contrôle et
d'inspection. En dépit de l'existence du Comité
Santé/Justice, la médecine pénitentiaire repose encore sur
des principes formulés il y a bien longtemps. Bien que placée
sous la seule responsabilité du ministère de la Justice, la mise
en oeuvre du « Programme 13.000 » s'effectue d'emblée sous le
regard des services de la Santé, du fait des liens établis entre
administrations. En témoigne la rédaction du cahier des charges
ayant lieu entre 1987 et 19891520(*). Bien que n'ayant pas été saisi
formellement, ce que regrette la DGS, le ministère de la Santé
formule alors un certain nombre de recommandations sur le chapitre
« santé », « très court,
insuffisant et rédigé trop vite »1521(*). Pièce
spécifique pour le cabinet dentaire ou pour le stockage des
médicaments, infirmerie équipée de lits, dossiers
médicaux semblables à ceux de l'Assistance publique, concertation
avec les DDASS : le ministère de la Santé propose de
nombreuses modifications au projet1522(*). Même au niveau local, les DDASS
apportent leur contribution à la planification des nouveaux
établissements. Ayant pris connaissance du projet de l'équipe
médicale de la future M.A de Villepinte, le MISP de Seine-Saint-Denis
suggère une « intégration au système de
santé local pour faciliter l'accessibilité des détenus aux
équipements sanitaires et sociaux existants et favoriser la
continuité des soins », notamment avec les services de
psychiatrie et de toxicomanie ou avec l'établissement hospitalier
local1523(*).
Commentant le temps de présence médicale (1h30 par place et par
an), il recommande d'ajouter un temps supplémentaire « non
clinique » destiné à assurer les tâches
administratives.
La participation du ministère de la Santé
à la mise en place des nouveaux établissements est, d'autre part,
plus formelle dans le cadre de l'évaluation des candidatures
réalisée en novembre 1987. Le groupe santé-hygiène
formé à l'occasion est composé, outre un magistrat, d'une
infirmière pénitentiaire et d'un psychiatre SMPR, du Dr
Tchériatchoukine de l'IGAS, et de deux MISP. Ces derniers remarquent,
lors de l'évaluation, les carences du cahier des charges de l'appel
d'offre : « Il se fondait, en effet, essentiellement, sur le
fonctionnement actuel des établissements pénitentiaires sans
prévoir d'évolutivité des normes. Ce qui conduit à
une insuffisance grossière de personnel médical et
paramédical [...] Les locaux et matériels prévus
apparaissent peu réalistes, à la fois au plan des surfaces
nécessaires et du recours à des techniques
dépassées en particulier dans le domaine de la
radiologie »1524(*). Afin d'évaluer les projets, le groupe
rédige deux grilles de notation, l'une en matière de santé
et l'autre relative à l'hygiène. Les futurs établissements
sont jugés sur les critères des établissements de
santé les plus modernes.
La plupart des douze candidatures se révèlent
très fragiles, souvent
« bâclées »1525(*). Un projet
prévoit la mise en place d'un dépistage obligatoire du sida, un
autre annonce le transfert systématique des patients en hôpital
à la charge de l'Administration pénitentiaire. Beaucoup sont
qualifiés d'« irréalistes », l'un
prévoyant par exemple la présence d'un seul infirmier au lieu de
sept tandis qu'un autre envisage le recours à du personnel
bénévole. Ce travail d'évaluation permet également
de mettre à jour les propositions les plus innovantes en matière
de prise en charge médicale des détenus. Un projet prévoit
la présence d'un cardiologue ainsi qu'une formation pour tous les
personnels sanitaires, un autre annonce la présence d'un interne de
nuit1526(*).
Deux projets s'avèrent très satisfaisants dont celui de Dumez
jugé « remarquable, innovant et cohérent avec
l'ensemble du traitement pénal ». Il propose la mise en place
d'un coordinateur médical sur toute la zone. Les effectifs en personnel
dépassent « largement » le cahier des
charges1527(*). Enfin, il repose sur une collaboration avec
« Hôpitaux de Paris International », filiale de
l'Assistance publique de Paris.
Le ministère de la Santé est associé de
façon beaucoup plus étroite à la conception des nouveaux
établissements à partir de septembre 1988, date à laquelle
un groupe de travail est consacré à cette question au sein du
Comité Santé/Justice réactivé depuis peu. Outre un
magistrat, une infirmière et un médecin pénitentiaires, y
assistent un inspecteur de l'IGAS et plusieurs membres de la DGS, notamment du
Bureau 3A de la Sous-direction de l'organisation des soins. Au sein du groupe
de travail est mis en place un projet de « comité
santé » au sein de chaque établissement 13.000, devant
réunir le personnel médical de l'établissement, et d'une
« commission consultative médico-administrative »
réunissant les différentes administrations locales en charge de
la santé1528(*). La DGS s'avère, au cours des
négociations, très soucieuse du statut des personnels sanitaires.
En attestent les propos d'un membre du Bureau 3A retranscrits dans les notes
d'une réunion : « Le salariat crée un
problème de dépendance ; problème de la
liberté de prescription »1529(*).
Comme gage d'indépendance, le ministère de la
Santé réussit à obtenir l'élaboration d'un
contrat-type par le Conseil de l'Ordre censé « garantir
l'indépendance des praticiens face aux multiples interlocuteurs
(Justice, opérateurs privés, gestionnaires des questions
sanitaires) », avant que ce dernier ne se
rétracte1530(*). Le ministère de la Santé est,
d'autre part, très soucieux de la dotation en personnel sanitaire des
nouveaux établissements : « Il y a tout lieu de redouter que
le ministère de la Justice ne retienne qu'un personnel médical et
paramédical en nombre assez restreint dans les centres de
détention. Il faudra veiller à l'introduction de clauses
permettant le remplacement du personnel durant ses
congés »1531(*). Le ministère de la Santé se
heurte cependant aux réticences de l'Administration pénitentiaire
à communiquer le cahier des charges définitif fixant le nombre
d'heures allouées au personnel, document finalement transmis en
décembre 1988.
Sans détailler précisément le contenu de
chaque équipe médicale, précisons que le cahier des
charges impose pour les Centres pénitentiaires (CP) de six cents
détenus un généraliste temps plein, un mi-temps
psychiatre, un infirmier psychiatrique et quatre infirmiers1532(*). Les Maisons
d'arrêt (M.A) de six cents détenus, dotées initialement de
centres pour toxicomanes, sont mieux pourvues avec un généraliste
temps plein, un mi-temps psychiatre, deux infirmiers psychiatriques, quatre
infirmiers, un aide-soignant et deux psychologues. Les établissements
sont en outre dotés de secrétaires médicaux mettant ainsi
fin au recours aux détenus et aux surveillants-auxiliaires. Les
professionnels de santé pénitentiaires, jusque-là
isolés et surchargés de travail, cèdent le pas à
des équipes médicales structurées. Ce personnel
initialement défini selon la capacité théorique des
établissements est finalement calculé, à la demande du
ministère de la Santé, « en fonction du nombre
réel de détenus, ceci afin d'éviter les surcharges de
travail produites par la suroccupation des prisons »1533(*). Les nouveaux
établissements disposent, en outre, de locaux neufs et spacieux dont un
cabinet dentaire et une salle de radiologie.
Tous ces moyens semblent avoir été mis en place,
comme le souligne le rapport d'évaluation annuel de l'Administration
pénitentiaire de 1991 : « Il apparaît que les
moyens mis en place tant en personnel qu'en matériel, sensiblement
supérieurs à ceux dont sont généralement
dotés la plupart des établissements classiques, permettent dans
chaque établissement le fonctionnement d'un service médical de
qualité »1534(*). C'est particulièrement le cas dans la
zone Nord confiée à GEPSA où un projet médical fut
rédigé par un ancien urgentiste, le Dr Dominique Mynard, avec
l'aide du Dr Xavier Emmanuelli, médecin-chef à la prison de
Fleury-Mérogis. Une généraliste recrutée comme
médecin-coordinateur de la M.A de Villepinte, avant de devenir
directrice médicale de GEPSA, expose les conditions de travail
très favorables :
« Leur idée, c'était quand
même de faire faire un bond à la médecine
pénitentiaire, de faire évoluer les choses. Et je me suis rendue
compte qu'il y avait des moyens [...] Moi, je n'ai jamais été
limitée sur mes dépenses. Je peux même vous dire
qu'à l'époque où l'accès à la
trithérapie était limité à l'extérieur... Je
ne dis pas dans des prisons, je dis bien à l'extérieur... On
passait directement par les labos [...] On avait notre propre pharmacie
gérée par un pharmacien. On avait un préparateur en
pharmacie. Au début on avait un plein temps, puis après on a eu
un plein temps et demi. On passait commande auprès des laboratoires et
on avait des tarifs préférentiels [...] On avait un plein temps
et demi de médecin généraliste [au lieu d'un]. On avait
ajouté pour la qualité des soins un plein temps d'assistant
dentaire. On a rajouté un mi-temps de préparateur en pharmacie
[...] Au niveau des cabinets dentaires, on était au-delà des
normes. C'est-à-dire que pour la stérilisation, on avait mis un
appareil qui n'est, je crois, toujours pas obligatoire à
l'extérieur. C'était la souplesse du privé, il suffisait
de convaincre le patron que c'était utile et on
l'obtenait »1535(*).
Outre les moyens mis à disposition, le « Programme
13.000 » constitue sans nul doute une amélioration de la
qualité des soins du point de vue de la déontologie
médicale. Si la distribution des médicaments est désormais
confiée aux infirmières, c'est non seulement en raison des moyens
mis en place mais également du fait de la volonté des nouveaux
directeurs médicaux soucieux de l'éthique
médicale1536(*). De même dans l'objectif de
responsabiliser les patients, il est mis fin dans certaines zones, comme celle
gérée par GEPSA, à la forme diluée des
médicaments, rendant ainsi plus concrète la notion de
« responsabilité du patient vis-à-vis de son propre
corps »1537(*). L'instauration de nouvelles règles du
jeu s'explique par le fait que les médecins-chefs nouvellement
arrivés ignorent tout du système pénitentiaire et de sa
médecine dont ils souhaitent se distinguer. Le directeur médical
de GEPSA, le Dr Dominique Mynard, élabore une charte
déontologique qui stipule que « la dénomination
"médecine pénitentiaire" n'est pas conforme à
l'éthique médicale. Seules les contraintes imposées par
l'environnement pénitentiaire permettent d'identifier cette pratique
médicale particulière »1538(*). De même est
mis fin à l'usage selon lequel les praticiens assuraient le soin des
détenus, explique un cadre de GEPSA devenu Directeur
général : « Contractuellement ça
n'était pas dû et parce que, pour des raisons
déontologiques, ils considéraient que leurs patients
étaient des détenus et le fait de ne pas soigner le personnel
était un élément important pour pouvoir être en
confiance avec les patients et établir une relation médicale qui
ne soit pas perturbée par le contexte
carcéral »1539(*). L'utilisation des psychotropes dans un
objectif de maintien de l'ordre cède le pas, selon Madeleine Akrich et
Michel Callon, à une politique de
« démédicamentalisation » avec un recours
moindre à la pharmacopée1540(*).
Ce renouveau des pratiques professionnelles se heurte
néanmoins à plusieurs contraintes carcérales. En
dépit de la nouvelle dotation en personnel, les exigences
pénitentiaires rendent difficile la distribution individualisée
de tous les médicaments sous forme sèche, si l'on en croit cette
note du responsable médical de la zone Est :
« Effectivement le mélange est aberrant d'un point de vue
pharmaceutique et médical. Toutefois, il sera inévitable lorsque
les prisons auront leur effectif au complet en raison du problème
technique de préparation et de distribution »1541(*). L'autonomisation des
praticiens travaillant en prison se traduit par des tensions entre les
groupements privés et l'Administration pénitentiaire, du fait des
enjeux liés aux questions de santé. En témoigne le
directeur de GEPSA :
« C'est vrai que ça été la
question la plus délicate, et c'est là où il y a eu le
plus d'enjeux de pouvoir avec les directeurs d'établissements
pénitentiaires au moment de la mise en place. Parce que la santé
pouvait être dans certains cas un instrument parmi d'autres de
régulation de la détention ou une source d'information pour le
chef d'établissement. Il y avait sans doute certaines habitudes qui
étaient prises... La modernité exigeait que ça change
[...] Et donc certains directeurs auraient bien aimé parfois que le
médecin fasse un effort pour la paix sociale et quand il y a des
médecins qui ne voulaient pas la faire, on a eu des situations où
le ton est monté [...] Par exemple, le fait que le personnel insistait
pour avoir le signalement des détenus contagieux... Sachant que la
position des services médicaux c'était : "Je vous signale
les mesures de précautions qui sont à prendre mais jamais je ne
vous dirai si c'est la tuberculose ou la galle ou autre chose". En plus,
c'était au moment où il y avait toute une psychose sur le sida et
le VHC au début des années
quatre-vingt-dix »1542(*).
Certaines questions sensibles sont à l'origine
d'affrontements entre l'Administration et les praticiens. C'est par exemple le
cas des certificats médicaux de compatibilité avec le placement
en quartier disciplinaire. Soucieux d'apporter son soutien aux médecins
placés sous sa responsabilité, le directeur de GEPSA admet la
position inconfortable dans laquelle se trouve le praticien dans de telles
situations : « C'est vrai que par rapport au Code de déontologie et
par rapport à la relation entre le médecin et son patient, c'est
vrai que c'est gênant ! C'est gênant, parce qu'en
délivrant un certificat qui permet de mettre le type au mitard, le
médecin s'associe à une procédure qui est totalement
disciplinaire »1543(*). Si la plupart des altercations sont
réglées par le biais de rapports très fréquents
entre les directeurs pénitentiaires et les groupements privés,
ils peuvent parfois prendre une dimension plus importante.
C'est le cas à Villepinte où exerce depuis 1991
une généraliste, auparavant libérale, très
attachée au respect de l'éthique médicale et refusant de
signer les certificats médicaux de compatibilité ou de
procéder à des injections destinées à calmer
certains détenus agités1544(*). L'arrivée en 1993 d'un nouveau
directeur moins conciliant se traduit par un important blocage.
« C'était conflictuel partout, si ce n'est que dans cet
établissement ça a pris des proportions
démesurées », reconnaît le médecin en
question. Suite à des pressions (« Je crois que c'est
allé jusqu'au garde des Sceaux. Parce qu'ils voulaient absolument se
débarrasser de moi »), la direction de GEPSA propose au
praticien d'être affectée dans un autre établissement. Face
à son refus, on la menace de licenciement. Grâce à
l'intervention d'un JAP, elle apprend alors « qu'il était urgent de
ne rien faire », le directeur étant sur le point d'être
muté : « Et c'est effectivement ce qu'il s'est
passé. Quand je suis revenue, c'était encore l'ancien directeur
et puis un nouveau directeur est arrivé et avec lui les choses se sont
totalement apaisées ».
Dotés d'une autonomie accrue, les médecins
échappent très largement au contrôle de l'Administration
pénitentiaire1545(*). C'est ce dont atteste un incident survenu au
sujet du comportement d'un autre praticien du groupe GEPSA1546(*). Informé par
le directeur du CP de Longuenesse, le DRSP de Lille attire en juillet 1992
l'attention du directeur général de la société sur
le comportement du médecin-chef de l'établissement. Ce dernier
aurait, au cours d'une réunion, provoqué une
« altercation » au sujet de la libération de deux
détenus libérés sans que le service médical en soit
informé1547(*). Dans sa réponse à
l'Administration pénitentiaire, le DG fait valoir qu'il ne s'agit que
« d'un conflit de personnes ne mettant pas en cause le bon
fonctionnement du service médical. Il leur appartient donc de
régler ensemble ce problème, dont ni vous ni moi-même, nous
ne devrions avoir eu connaissance »1548(*). Plus qu'un conflit
de personnes, l'altercation serait en partie liée, selon une note
interne de la société, au refus des médecins de
« rédiger les certificats médicaux demandés par
le Chef d'établissement »1549(*). Un mois plus tard,
le directeur de l'Administration pénitentiaire intervient directement
auprès du PDG de GEPSA, auquel il fait part de « vives
préoccupations » quant au comportement du praticien et lui
demande de « bien vouloir faire procéder dans les meilleurs
délais au remplacement de ce praticien »1550(*). Le DG déclare
en retour être « très étonné par [cette]
requête », les problèmes de personnel étant de la
seule compétence du groupement privé. Le conflit s'aggrave
quelques mois plus tard quand, suite à la suppression du poste de
directeur santé au siège de GEPSA, le médecin-chef de
Longuenesse est nommé médecin-coordinateur de la zone Nord. Le
DAP décide en effet de refuser la demande d'habilitation du praticien en
raison de « manquements à certaines dispositions du Code de
procédure pénale »1551(*). Le DG de la
société émet alors un recours auprès de Philippe
Léger, directeur de cabinet du garde des Sceaux. Remarquant qu'au terme
du cahier des charges « la notification au co-contractant du refus ou
du retrait d'habilitation d'un agent est écrite : elle mentionne
les éléments de droit ou de fait qui motivent la décision
administrative » (CCATP article 38-2), le DG de GEPSA se demande
pourquoi l'Administration pénitentiaire n'a jamais effectué une
demande de retrait d'habilitation auparavant si celle-ci était
justifiée1552(*).
Cette altercation illustre la perte de contrôle, issue
du « Programme 13.000 », que l'Administration pénitentiaire
était habituée à exercer à l'égard des
praticiens. Le renouvellement du personnel et les nouvelles méthodes de
travail impliquent un dessaisissement de la DAP de certaines
prérogatives clefs dans le fonctionnement de la détention. C'est
notamment le cas de la distribution des médicaments qui permettait
éventuellement aux surveillants qui en étaient chargés
d'exercer des pressions à l'égard de certains
détenus1553(*). La décision de confier aux
infirmières la distribution des médicaments transforme les
rapports de pouvoir entre personnels sanitaires et surveillants. « De
maîtres du jeu, ils se transforment en simples gardes du
corps », soulignent deux sociologues dans leur étude du «
Programme 13.000 »1554(*).
L'apparition des établissements à gestion
semi-privée a permis un meilleur respect de la déontologie
médicale du fait de l'autonomie conférée au personnel
sanitaire au regard de la direction pénitentiaire. En revanche, il n'en
fut pas de même à l'égard des groupements gestionnaires,
plusieurs fois accusés d'avoir limité les prescriptions
médicamenteuses. L'attitude des opérateurs privés en
matière pharmaceutique varie fortement d'une région à une
autre. De même que dans la zone Nord, où l'accès au
médicament était facilité, un médecin ayant
travaillé à l'établissement de Luynes (zone Sud)
déclare ne s'être jamais heurté à des restrictions
budgétaires :
« Je peux pas vous donner de chiffres, mais dans
le système privé on n'était pas limité par le
catalogue de l'Assistance publique. L'Assistance Publique fonctionne à
partir d'un catalogue de médicaments qui sont remboursés par la
Sécurité sociale. On ne peut pas sortir de ce catalogue. Dans le
système privé, on pouvait prescrire des médicaments hors
nomenclature, c'est-à-dire des médicaments remboursés
à 20%, voire pas remboursés du tout. Donc, on avait un peu plus
de choix que dans le système public. On avait un accès
très facile aux médicaments »1555(*).
Toutefois certains opérateurs ont parfois
été amenés à limiter certaines prescriptions,
notamment en matière de traitements VIH du fait de leur coût. En
témoigne la lettre d'un MISP alertant l'IGAS au sujet des
problèmes survenus dans une M.A de la zone Sud suite à
l'arrivée d'un médecin hospitalier effectuant des prescriptions
coûteuses : « Le responsable privé estime qu'il ne
peut accepter une telle évolution financière liée à
une évolution des pratiques. Or, il est nécessaire que les
prescriptions soient effectivement suivies [...] Actuellement, le
médecin qui en a fait la demande n'a pas obtenu satisfaction. Dans
quelle mesure peut-on obliger le privé à faire une telle
acquisition et à délivrer les traitements puisque son
intérêt financier est plutôt de faciliter les
extractions ? »1556(*). C'est ce que confirme une étude
consacrée à la santé en prison au sujet d'un autre
établissement1557(*). Il s'agit là d'un « effet
pervers » du cahier des charges, en vertu duquel les journées
d'hospitalisation donnant lieu à un « acte lourd »
(K80 en chirurgie, B100 en biologie et Z50 en radiologie) étaient
à la charge de la DAP. Ces seuils étant bas, cela concernait la
quasi-totalité des hospitalisations, les opérateurs étant
ainsi incités à hospitaliser les détenus.
La mise sur le marché des traitements AZT, pris en
charge par les groupements privés dans la limite de 6% de la population
pénale, pose avec acuité la question de la rentabilité des
contrats. Cette charge financière aurait été accrue par
une pratique développée par la DAP consistant à affecter
les détenus malades vers les établissements 13.000 afin de leur
transférer délibérément ce
coût1558(*). C'est dans ce contexte que les Hôpitaux
de Paris international, prestataire de service en charge du secteur
médical pour la zone Est, se retire du marché de fonctionnement
en 19921559(*). La rentabilité quasi-nulle
apparaît moins problématique pour les groupements où la
prise en charge est globale, comme pour la zone Nord :
« On était déficitaire sur la
santé. Pas au début, bien sûr, mais on l'a
été avec l'histoire du VIH. On était déficitaire
mais ils gagnaient de l'argent sur autre chose. C'était compensé
par le travail par exemple. Mais ça faisait partie, pas des blagues,
mais des discussions en interne : "Tout est pour le médical !". Ils
avaient vraiment l'impression qu'on était privilégié. Et
j'avais des collègues qui me disaient :"Je bosse pour toi !".
Parce qu'effectivement, c'étaient les autres services qui comblaient les
pertes du médical. Ça devait être en 92/93 qu'on a eu les
trithérapies et c'est vrai qu'on n'a jamais été
limité sur les examens complémentaires [...] Mais il n'y a jamais
eu de tentative de limitation des soins... Jamais, jamais, jamais ! Il y avait
vraiment une volonté de bien faire, de bien soigner... Et de gagner
l'argent ailleurs, effectivement, pour faire fonctionner le
médical »1560(*).
Au final, la prise en charge de la santé par les
établissements à gestion semi-privée semble avoir permis,
malgré les pressions exercées dans quelques
établissements, une nette amélioration de la qualité de la
prise en charge médicale des détenus1561(*). Si ce système
a été considéré comme satisfaisant avant la
réforme de 1994, qu'il a en partie rendu possible, il n'en fut pas de
même lorsque le transfert au service public hospitalier est devenu
effectif. En dépit d'un rapport préconisant le maintien de cette
délégation, pouvant apparaître comme une émulation
avec la prise en charge hospitalière, les pouvoirs publics
décidèrent en 2001 d'étendre la loi de 1994 aux
établissements « 13.000 » afin
d'homogénéiser les services sanitaires en prison1562(*).
__________________________________________________
Pour reprendre les termes de Madeleine Akrich et de Michel
Callon, le « Programme 13.000 » se traduit par l'ouverture de la
« boîte noire » de l'organisation des soins en
prison1563(*). Pensé comme une alternative au
« décloisonnement » par le gouvernement de droite,
le recours aux opérateurs privés devient, du fait de l'alternance
de 1988, une étape supplémentaire dans la réorganisation
de la médecine pénitentiaire. Mais plus qu'une simple
amélioration de la qualité des soins, la délégation
de la santé à des groupements privés a constitué
une émulation pour l'ensemble de la médecine
pénitentiaire. « En plaçant très haut le niveau
de ses exigences contractuelles en matière de santé,
l'Administration pénitentiaire s'est implicitement engagée
à aligner l'ensemble de son système de soins sur les prestations
offertes dans les établissements 13.000. Dans le cas contraire,
l'inégalité créée entre les détenus serait
en effet inacceptable », conclut un rapport des élèves
de l'ENA sur la gestion mixte1564(*).
Opposés idéologiquement au projet de
« privatisation », les magistrats de l'Administration
pénitentiaire proches du Syndicat de la magistrature ambitionnent de
faire du « Programme 13.000 » un moyen permettant de transformer
l'ensemble des établissements par le biais d'une émulation entre
les deux systèmes1565(*). « Le choc du programme 13.000 va
ébranler tout le système pénitentiaire et le contraindre
sous peine de devoir gérer "des prisons à deux vitesses",
à entreprendre, une modernisation complète de ses structures et
de ses modes opératoires », note un rapport de
l'Administration pénitentiaire à ce sujet1566(*). C'est notamment le
cas en matière de santé, comme le confirme le compte-rendu d'une
réunion du groupe de travail Santé/Justice consacrée aux
prisons à gestion semi-privée : « Ces nouvelles
prisons ne doivent pas être une exception parmi les établissements
pénitentiaires, ce qui conduirait à des problèmes dans
l'avenir pour la répartition des détenus dans l'un ou l'autre
type d'établissement ; les autres établissements devront
à plus ou moins longue échéance avoir les mêmes
ratios de personnels »1567(*).
La disproportion de moyens en matière de santé
entre les établissements du parc classique et ceux à gestion
semi-privée est fragrante1568(*). Elle sera ainsi source de critique pour
l'Administration pénitentiaire. Un militant de la cause carcérale
s'étonne ainsi avant même l'ouverture des établissements
« 13.000 » de cette différence de traitement
imposée aux détenus : « Si tout cela est
réalisable aux coûts prévus, il est permis de se demander
pourquoi l'Etat ne généralise pas de tels moyens dans les autres
établissements »1569(*). Le nouveau dispositif de santé des prisons
à gestion mixte amène l'Administration pénitentiaire
à s'interroger sur les carences des établissements du parc
classique. En témoigne cette note interne datant de 1990 :
« La mise en place des établissements 13000 a permis un
recalage des ratios qui a été fait. Il existe des personnels
médicaux et infirmiers (dans le 13.000, il semble y en avoir trop).
Surpaye les médecins. Dans le programme classique, compte tenu du
13.000, il faut redéfinir les moyens en personnel infirmer et
médical. Amélioration de la rémunération des
personnels »1570(*).
Les effets du « Programme 13.000 » rendus
possibles par la mise en oeuvre qui en a été faite explique que
même des magistrats réticents à cette privatisation
s'accordent à reconnaître en entretien, mais pas toujours
publiquement, l'impact positif du « Programme 13.000 » sur l'ensemble
de l'organisation des soins :
« Alors les établissements "13.000" ont
eu des conséquences très positives parce que ça a fait
monter le niveau des normes en matière de santé. Ça a
vraiment permis de faire avancer les choses et c'était
prévisible. Comment l'Administration pouvait instaurer des normes pour
le privé et ne pas se les imposer à elle-même...
C'était évident que si l'Administration pénitentiaire
voulait conserver son contrôle, il fallait augmenter les
normes »1571(*).
« Pour autant, je pense que la fonction
santé a été bien assurée dans les prisons "13.000".
Donc je n'ai pas craché dans la soupe... Euh... je l'ai peut-être
fait une ou deux fois. Je n'ai pas pu m'en empêcher [rires] Ça a
dû m'arriver un jour dans un article de journal. J'ai dû
lâcher que je préférais que ce soit le service public
plutôt que les opérateurs privés... Mais pour autant
j'avais pensé qu'ils s'en sortaient plutôt pas
mal »1572(*).
Les propos de ce membre du Syndicat de la magistrature,
amené à jouer un rôle important dans la réforme,
traduisent la difficulté pour de nombreuses personnes ancrées
politiquement à gauche à reconnaître les bienfaits de la
réforme Chalendon. Symbole de la logique de privatisation voulue par la
droite et tant critiquée par la gauche, les établissements
« 13.000 » ont représenté un véritable
progrès en matière de prise en charge sanitaire qu'il
était pourtant difficile d'assumer pour ces magistrats. C'est pourquoi,
ils développèrent un contre-projet fondé sur le service
public hospitalier qui aboutit à la réforme de 1994.
L
a mise en oeuvre de la politique de décloisonnement
consacrée au début des années quatre-vingt se traduit par
une progressive remise en cause des règles qui régissaient
jusque-là l'exercice médical en prison. Le non-respect des
vacations, l'insuffisance des conditions matérielles ou la
non-qualification des personnels sont ainsi mis à l'index des services
d'inspection du ministère de la Santé. Suite à la
décision d'Albin Chalandon d'engager les prisons à gestion
semi-privée, le transfert de la prise en charge sanitaire des
détenus auprès d'opérateurs privés permet que
s'exerce pour la première fois une médecine
non-pénitentiaire, indépendante de l'Administration et disposant
des moyens nécessaires. Malgré cette autonomisation croissante
des services médicaux à l'égard des contraintes
carcérales, les médecins, notamment au sein des
établissements du parc classique, demeurent encore largement soumis au
respect des spécificités de l'exercice médical en milieu
pénitentiaires. En témoignent, par exemple, les conditions de
licenciement de quelques praticiens (Cf. Encadré).
UNE FRAGILE AUTONOMIE DES
PRATICIENS DURANT LES ANNEES QUATRE-VINGT : LE RENVOI POUR INSUBORDINATION
ADMINISTRATIVE
Les conditions dans lesquelles ont été
licenciés plusieurs médecins à la fin des années
quatre-vingt pour ne pas avoir respecté certaines contraintes
pénitentiaires attestent de la fragile autonomie dont disposent alors
les services de santé.
Exerçant depuis 1975 au Centre de détention
d'Eysses, Patrick semble donner satisfaction, bien qu'il refuse de signer
certains placements au quartier d'isolement1573(*). Son attitude se
modifie à l'été 1987 suite à la nomination d'un
nouveau chef d'établissement qui, comme le remarque le DRSP
« dans ce domaine comme sur d'autres plans, a dû
procéder à une remise en ordre de situations antérieures
fort contestables »1574(*). Le directeur retire, par exemple, à
tous les personnels de santé les clefs leur permettant d'accéder
aux cellules et impose la présence d'un surveillant durant la
consultation1575(*). Le surveillant-auxiliaire affecté
à l'infirmerie reproche alors au médecin de l'avoir
rabaissé face à des détenus, et de refuser
systématiquement de signer les placements au mitard dont il remet en
cause, en outre, l'utilisation : « De plus, devant le personnel
de surveillance en poste au Quartier des punis, il critique ouvertement le
placement des détenus affectés, deux par deux, dans les cellules,
alors que certaines d'entr'elles sont vides »1576(*). A ces reproches, le
directeur de l'établissement ajoute, dans une lettre adressée au
DRSP dans laquelle il demande le retrait de l'agrément du praticien,
« une augmentation des prescriptions d'examens radiologiques sans
avoir eu de demandes de la part des détenus » ainsi que la
prescription de « médicaments n'existant pas en stock et
devant faire l'objet d'achat particulier, alors que leur composition
médicamenteuse, leurs effets et posologie sont identiques à ceux
dont dispose la pharmacie de l'établissement »1577(*).
Avant de prononcer une sanction, la Direction de
l'Administration pénitentiaire décide en décembre 1987 de
saisir la DDASS Garonne afin de recueillir son avis sur ces dysfonctionnements.
Après enquête, le MISP ne remet pas en cause le comportement du
médecin pour « tous les faits de nature médicale
reprochés » et constate, de la part de la direction, une
« interprétation erronée de certaines situations du
fait de certains aspects techniques médicaux »1578(*). Tout en se
déclarant hostile au retrait de l'agrément, le MISP explique la
situation par une « incompatibilité d'humeur » entre
le praticien et le chef d'établissement :
« Le premier supportant très mal la
rigueur administrative du nouveau responsable, lequel reproche au
Médecin son individualité voire son "indiscipline" [...] Monsieur
le Docteur pense préjudiciable à la relation
médecin-patient la présence de plusieurs personnes au cours de
ses consultations médicales. C'est pourquoi, il a décidé
d'exclure les infirmières et l'Auxiliaire sanitaire [surveillant] de ses
consultations ».
Au même moment, le directeur de l'établissement
multiplie les avertissements, faisant remarquer que « la population
pénale profitant de la très grande "compréhension" de ce
médecin n'hésite pas à exhiber des certificats
médicaux cocasses : prescription d'un régime
"végétarien" le 16/11/1987 »1579(*). Dans un courrier
adressé à l'inspection pénitentiaire, ce même
directeur reproche au praticien d'« inspire[r] et [de] conseille[r]
certains détenus pour émettre des plaintes non fondées
à l'égard du service sanitaire et du fonctionnement de
l'établissement », et ce à partir des insinuations du
surveillant-auxiliaire : « Certains détenus viennent se porter
consultants auprès du médecin sans raisons médicales
apparentes et ceci peut-être pour d'autres fins, du moins nous pouvons le
supposer car l'infirmière comme moi-même nous sommes toujours
exclus des visites médicales »1580(*). Ces multiples griefs
semblent convaincre l'Inspecteur des services pénitentiaires, Philippe
Chemithe, qui demande le retrait d'agrément du praticien,
licencié en mai 19881581(*).
Un autre praticien exerçant à la M.A de Saintes
depuis 1972 est licencié en 1989 en raison de son attitude à
l'égard du personnel pénitentiaire. Dans un courrier
adressé au DRSP de Bordeaux, le directeur de l'établissement lui
reproche d'avoir refusé d'examiner un surveillant ayant
été « agressé » par un détenu,
en s'exclamant : « Vous m'emmerdez avec vos histoires
d'agressions »1582(*). Le surveillant a alors consulté son
médecin généraliste qui « a conclu à de
multiples contusions sans avis d'arrêt de
travail »1583(*). Un mois après, le directeur de la M.A
souligne, après avoir rappelé qu'« il s'agit là
d'une attitude tout à fait inacceptable venant d'un
Médecin », les multiples fautes qu'aurait
réalisé ce praticien depuis l'incident (retard dans le
contrôle des clichés radiologiques, détenu
libéré sans avoir pu bénéficier des soins) :
« Il faut ajouter à cela des abords assez distants, même
avec le personnel, les rapports sont pratiquement
inexistants »1584(*). Une procédure de licenciement est
alors engagée à l'encontre de ce praticien.
Ces deux exemples soulignent qu'en dépit d'une
politique globale de décloisonnement et les déclarations
publiques qui sont faites, le respect de l'autonomie médicale demeure
fragile dans plusieurs établissements. Certaines pratiques
subsistent : l'obligation pour le praticien d'effectuer des certificats
médicaux de non-contradiction avec la mise au quartier disciplinaire,
les consultations faites en présence de surveillants, les pressions afin
que le médecin délivre des arrêts de travail aux
surveillants ayant reçus des coups. Ces pratiques, variables selon les
établissements, attestent que la primauté des impératifs
pénitentiaires n'est pas fonction du clivage politique. Ils semblent
davantage dépendre de l'autonomisation d'une administration qui aurait
développé un système de valeurs propres où les
obligations de service prévalent sur la déontologie
médicale. La tutelle hiérarchique exercée par la
Pénitentiaire sur les soignants demeure une limite forte l'autonomie de
travail de ces derniers.
La progressive remise en cause des spécificités
carcérales ne fait, d'autre part, pas l'unanimité de certains
médecins pénitentiaires, notamment ceux travaillant depuis
longtemps en prison. En atteste le cas d'un praticien exerçant depuis
1968 à la M.A de Saintes et qui, suite à un contrôle de son
temps d'activité, a vu sa rémunération diminuer de 37% en
19871585(*).
Dans un courrier adressé à Albin Chalandon, ce
généraliste s'indigne d'avoir appris « que les
médecins étaient "pointés" comme de vulgaires
subalternes »1586(*). Après avoir mis en garde le ministre
face à la décision d'augmenter les consultations de
spécialistes, qui selon lui se traduiront par une hausse des extractions
médicales, le praticien regrette la disparition du
Médecin-inspecteur qui avait, selon lui, permis à la
médecine pénitentiaire de « faire un bond
énorme »: « Actuellement depuis la disgrâce
regrettée de Solange Troisier, le médecin de prison est assis
entre deux chaises. Je veux dire par là que sa position est très
inconfortable car il n'est pas bon d'avoir deux maîtres : celui qui
rémunère, c'est-à-dire votre ministère, et par
ailleurs celui envers qui le médecin est déontologiquement
responsable, c'est-à-dire la DDASS [...] Pour ma part, je me suis
toujours senti intégré dans la grande famille
pénitentiaire ». Ce praticien, titulaire de la médaille
pénitentiaire et ayant une identité professionnelle
carcérale très marquée, réaffirme quelques mois
plus tard au ministre de la Justice son souhait de voir l'organisation des
soins demeurer sous la tutelle de l'Administration
pénitentiaire1587(*). Outre des perspectives partisanes, le
médecin justifie sa position en faisant valoir le dérapage des
dépenses médicales auquel conduirait la politique de
décloisonnement :
« J'ose espérer que la Médecine
pénitentiaire reste partie intégrante du ministère de la
Justice et qu'en conséquence qu'elle vous intéresse. Or, nous,
médecins de prisons, nous en doutons [...] Nous avons perdu notre
pouvoir médical, notre pouvoir de décision, qui jusqu'en 1981,
relevait de notre Chef d'établissement et du Médecin inspecteur.
Le parti socialiste a remplacé celui-ci par un système
hiérarchisé, c'est-à-dire par une autre administration qui
ignorait tout des problèmes carcéraux, qui en fait encore
actuellement l'apprentissage et qui considère les problèmes
médicaux en prison d'une manière différente, rompant avec
la tradition et donnant l'impression de donner aux détenus de plus en
plus de libéralité dans le domaine médical, ce qui ne sera
pas sans conséquences financières. Pour ma part, j'ai
espéré les élections. Vous avez gagné... J'en
étais heureux... Mais bien vite déçu, car la politique
entreprise a été poursuivie. Ce n'est pas moi qui vous apprendrai
qu'on ne peut avoir deux patrons et dans notre cas : la Justice et la
Santé et il n'est pas tolérable qu'un Chef d'Etablissement se
voit dicter et contrôler par une autre administration.
Pour ma part, je dois appartenir à l'une ou
à l'autre. Ou bien, je reste dans la pénitentiaire et je continue
à soigner les détenus, comme je le fais depuis près de 20
ans, c'est-à-dire avec objectivité et en ménageant le
budget, les hospitalisations, les sorties et le règlement
intérieur. Ou bien, j'appartiens à la Santé et
relève de la DDASS et dans ce cas, je suis amené à traiter
les détenus avec une libéralité qui ne m'est pas
coutumière et qui risque, aux yeux des bénéficiaires,
d'être considérée comme une faiblesse et d'entraîner
une exagération de la demande avec des conséquences
financières. D'ailleurs, lors d'une dernière réunion, un
des médecins inspecteurs ne faisait-il pas remarquer que la
médecine pénitentiaire devait ressembler à la
médecine scolaire [...] Il est bien évident que si le
médecin de prison ne se sent pas soutenu par son Administration dont il
relève financièrement, il penchera vers la seconde solution qui
lui est proposée - une solution que je suis loin de récuser mis
que je considère comme une remise en question de la médecine
pénitentiaire, une révolution au sein de la prison, un partage de
l'autorité de tutelle, donc une perte de pouvoir et en définitif,
un signe de faiblesse. Je dois vous dire pour finir que je vous expose ici,
très simplement des idées personnelles, que je sais aussi
partagées par la plupart de mes vingt confrères de la
Région [pénitentiaire] avec qui j'ai eu des contacts depuis
plusieurs mois »1588(*).
Outre des motivations personnelles, comme sa baisse de
rémunération, le témoignage de ce praticien traduit
l'attachement qu'ont certains généralistes exerçant depuis
longtemps en milieu carcéral à ce que perdure une
« médecine pénitentiaire », dont l'existence
même en tant que discipline est alors vivement contestée.
Même si Solange Troisier poursuit alors ses enseignements en tant que
Professeur de médecine pénitentiaire, sa
spécificité est remise en cause. A la suite du rapport
général de l'IGAS de 1984, Jean-Yves Nau observe en effet
qu'« il ressort de ce constat que la médecine
pénitentiaire n'existe pas en tant que telle » (LM,
10/02/1984).
S'ils ne défendent pas l'idée d'une
spécialité médicale autonome, les représentants de
la DAP sont néanmoins soucieux d'une prise en compte des
spécificités carcérales par le corps médical. A un
journaliste se demandant si « la médecine pénitentiaire
ne pourrait pas s'ériger en spécialité médicale
à l'instar de la médecine du travail », Myriam Ezratty
répond qu'« il n'y a pas deux médecines : l'une
pour la société civile, et l'autre destinée au monde
carcéral. Cependant, poursuit-elle, l'exercice de la médecine en
prison présente certaines particularités [...] La pratique
quotidienne en prison se différencie des soins prodigués en
cabinet libéral, d'où le bénéfice d'un certain
enseignement complémentaire »1589(*). Le Dr Louis Albrand,
Conseiller technique auprès d'Albin Chalandon , remarque pour sa part
que « le médecin de prison est un médecin comme les
autres, mais il doit, bien sûr, adapter son activité aux
pathologies qu'il rencontre » (QDM, 26/05/1986).
Les praticiens travaillant en prison semblent partagés
quant à l'existence d'une médecine spécifique.
« Il faut dans tous les cas éviter une médecine des
détenus, qui d'ailleurs n'a jamais existé en soi puisqu'il n'y
jamais eu une pathologie carcérale bien définie »,
déclare le médecin-chef de Fleury-Mérogis (QDM,
24/10/1984). A l'inverse, une ancienne interne relève dans sa
thèse « la fâcheuse tendance qui voudrait faire
disparaître la spécificité de la Médecine
Pénitentiaire qui serait uniquement dispensée dans les
hôpitaux »1590(*). Elle regrette à ce titre le changement
d'appellation de l'unité d'hospitalisation pour détenus de
Clermont-Ferrand, qui de « service de Médecine
pénitentiaire » est devenue en 1981 « centre de
Soins et de consultations pour détenus ». Cette
déspécialisation va, selon elle, à l'encontre du
« caractère spécifique de ce genre de l'art
médical [qui] demeure dans les faits : déglutition
volontaire de corps étrangers, réactions psychosomatiques
à l'incarcération, tentatives de suicides, grèves de la
faim...»1591(*). Si cette thèse a été
soutenue à Lyon, c'est probablement parce que s'y développe au
milieu des années quatre-vingt un enseignement de médecine
pénitentiaire poursuivant l'entreprise de Solange Troisier.
L'équipe médicale lyonnaise présente
depuis les années soixante en milieu carcérale poursuit sa
stratégie d'implantation au sein du système
hospitalo-universitaire1592(*). En mars 1985, est ouvert à
l'hôpital Jules Courmont le premier service d'hospitalisation pour
détenus complètement intégré au système
hospitalier1593(*). Ce service de quinze lits, composé
d'un médecin, de huit infirmiers, de huit aides-soignantes et de quatre
auxiliaires de service, rattaché au service de médecine
légale du Pr Jacques Védrinne, est présenté par ses
concepteurs comme une nouvelle étape dans le
« décloisonnement » de la santé en prison
mais, surtout, comme un moyen supplémentaire dans la
professionnalisation de la médecine pénitentiaire. « Il
est important pour nous d'être rattaché à un centre
universitaire. Car il faut former des médecins à la
spécialité pénitentiaire », déclare
Pierre Barlet (La Croix, 15/12/1989).
Car parallèlement est créé en 1986 un
certificat de « médecine pénitentiaire » qui
devient en 1989 une capacité. Ce diplôme national traduit, selon
le Dr Gonin, une certaine consécration de l'exercice médical en
prison : « Ainsi, la médecine pénitentiaire a
été reconnue au même titre que la médecine
aérospatiale, l'alcoologie, la médecine du sport,
etc. »1594(*). Tout comme le diplôme
présidé par le Pr Troisier, cette capacité présente
des enseignements médicaux et juridiques, même si ces derniers
sont minoritaires (un tiers). Pourtant, c'est essentiellement l'aspect
juridique de l'exercice en milieu carcéral qui justifierait, selon ses
créateurs, la mise en place de cette spécialité. Le
docteur Gonin en souligne, par exemple, l'importance en matière de
constats de coups et blessures : « La connaissance des codes et
de la pratique médico-légale est essentielle pour travailler
sereinement et efficacement en détention »1595(*). Dans leur travail de
définition et d'appropriation de la médecine
pénitentiaire, les praticiens lyonnais présentent « la
médecine pénitentiaire [comme] une médecine sociale dans
la filiation d'Alexandre Lacassagne »1596(*). « Que
voulez-vous, cette discipline de la médecine légale a toujours
été attentive aux malheurs de la Cité »,
s'exclame Marcel Colin responsable de cette capacité. Le fait qu'une
thèse de médecine soutenue à cette époque par une
interne des prisons de Lyon développe une approche purement
criminologique sur les détenus témoigne de l'enchevêtrement
opéré à Lyon entre médecine pénitentiaire,
criminologie et médecine légale1597(*).
L'annexion de la médecine pénitentiaire à
la médecine légale n'est pas un phénomène nouveau.
Elle correspond, notamment à Lyon, aux premières tentatives
d'institutionnaliser l'exercice des soins en prison. « Le tournant
remonte à une trentaine d'années lorsque le Professeur Roche a
décidé de faire sortir les médecins légistes de la
"morgue" et de les intégrer à l'hôpital », note
un journaliste retraçant l'historique de l'« école
lyonnaise »1598(*). L'extension de cette discipline repose,
soulignent ceux qui en sont à l'origine, sur la définition
donnée par Alexandre Lacassagne, à savoir que « la
médecine légale a pour objet de mettre les connaissances
médicales au service de l'organisation et du fonctionnement du corps
social »1599(*). Pressentant la montée en puissance de
l'hôpital que consacre la réforme de 1968, le Professeur de
médecine légale Louis Roche tente dès le début des
années soixante de pallier l'absence de service clinique par une
diversification de leurs activités1600(*).
Dans la lignée d'Alexandre Lacassagne qui était
membre de la commission de surveillance des prisons de Lyon, l'investissement
en milieu carcéral est perçu à la fin des années
soixante pour le Pr Roche comme un moyen d'étendre le secteur de la
médecine légale. C'est cette dynamique que retrace le Dr
Gonin :
« La médecine légale, il l'a non
seulement fait revivre à Lyon mais aussi au niveau national. Il a
ressuscité la Société de médecine légale, il
a fait des élèves. Ce sont des choses un peu...commerciales. Et
puis surtout ce qui a été fondamental, au moins ici et un peu
ailleurs, c'est qu'il s'est dit que pour que la médecine légale
soit vivante, il ne pouvait pas rester uniquement dans l'institut de
médecine légale qui est réputé... faire des
autopsies quoi ! [...]Roche disait : "Mais les expertises se font de
plus en plus sur le vivant" [...] On pourrait dire qu'il a, à Lyon,
intégré la médecine pénitentiaire parce que tous
ceux qui allaient en prison étaient passés par là. Colin
avait beaucoup recruté. Mais Roche n'avait pas scindé la
médecine pénitentiaire du reste. Il voyait la médecine
pénitentiaire comme une expansion, comme une antenne de l'urgence
médicale, au sens de "Vous voyez, au final, les mêmes
gens" »1601(*).
La spécificité lyonnaise fut le fait, d'une
part, de constituer une équipe et, d'autre part, de disposer d'un
rattachement universitaire, comme le souligne l'un élèves de
Louis Roche :
« La chance que nous avons eue par rapport
à tous les collègues vacataires des établissements
pénitentiaires de France, c'est précisément ce
rattachement universitaire à travers la médecine légale
qui nous permettait à la fois de ne pas être seul et qui
permettait un partage d'expériences et un travail de recherche.
L'université était un support »1602(*).
Lui-même s'étant spécialisé
initialement dans l'anthropologie médico-légale1603(*), Georges Fully qui ne
bénéficiait d'aucun réseau universitaire avait
trouvé un appui précieux dans la médecine légale,
à travers Léon Dérobert dont il était
proche1604(*). C'est grâce à son aide qu'il
avait mis en place en 1965 une attestation de médecine
pénitentiaire, rattachée à la chaire de médecine
légale de la Faculté de Paris. Cette affiliation est poursuivie
par Solange Troisier qui n'hésite pas à souligner, comme ici lors
du congrès de 1978, que « la médecine
pénitentiaire s'intègre parmi les préoccupations
essentielles d'une médecine légale moderne »1605(*). Plus qu'une relation
de subordination, s'établit alors un rapport de coopération entre
ces deux disciplines médicales. Risquant de disparaître au sein du
milieu universitaire, faute d'activités cliniques, la médecine
légale est en effet depuis le début des années soixante
à la recherche de nouveaux débouchés. L'une des
hypothèses alors envisagée est d'intégrer cette
spécialité à la « médecine
sociale », comme en témoigne le projet d'un Diplôme
d'études spécialisées en médecine sociale, option
médecine légale, imaginé en 1984 par la DGS. Ce
débouché universitaire est également envisagé pour
la médecine pénitentiaire, parfois décrite par Solange
Troisier comme une « médecine
sociale »1606(*). La proposition faite lors du congrès
de médecine pénitentiaire de 1978 par Etienne Fournier,
Professeur de médecine légale proche du
Médecin-inspecteur, à Simone Veil de regrouper médecines
pénitentiaires et légales au sein d'« instituts
hospitalo-universitaires de Santé publique qui auraient la charge des
enseignements et des études prospectives de médecine
sociale », souligne une possible alliance entre ces deux
disciplines1607(*). Elle rejoint la proposition faite par un
membre de la faculté de Paris en 1981 de faire de la médecine
légale un « service public étatisé,
exercé par des fonctionnaires indépendants, non
rétribués à l'acte, inamovibles, au statut proche de celui
des magistrats »1608(*).
C'est par conséquent en reprenant à leur compte
l'affiliation de la médecine pénitentiaire à la
médecine légale que les praticiens lyonnais entendent faire de
Lyon la « capitale de la médecine
pénitentiaire », qu'ils tentent de faire perdurer en tant que
discipline (QDM, 7/10/1988). Ils soulignent d'ailleurs à
plusieurs reprises les spécificités carcérales. Il est
nécessaire de prendre en charge, souligne le Dr Barlet, « la
pathologie particulière du détenu » (Le
Progrès, 7/06/1985). « La pathologie carcérale n'a
plus de secrets pour lui : il l'a étudiée sur le terrain
pendant plus de vingt-cinq ans à la Maison d'arrêt des femmes de
Montluc et y a longuement réfléchi au sein de l'école de
criminologie de Lyon », note un journaliste au sujet du même
praticien (La Croix, 15/12/1989). « Si l'on en croit ce
médecin [le Pr Colin], les pathologies qui se développent le plus
en prison sont les grèves de la faim, les tentatives de suicide mais
surtout les amputations volontaires et les ingestions de corps
étrangers, qualifiées de "spécialité
carcérale" » (Lyon Figaro, 30/11/1989).
Cette survivance de la médecine pénitentiaire au
sein du milieu universitaire est notamment l'oeuvre de Solange Troisier qui,
bien que moins visible, n'en continue pas moins à promouvoir cette
spécialité dans le cadre de sa chaire universitaire. Elle dirige
ainsi au moins sept thèses durant les années quatre-vingt. L'une
d'entre elles, consacrée aux « automutilations en milieu
pénitentiaire », reçoit d'ailleurs en 1986 la
médaille d'argent de la Faculté de médecine
Lariboisière (QDM, 19/06/1986). L'ancien
Médecin-inspecteur continue, d'autre part, à jouer un rôle
important de promotion de la médecine carcérale de façon
mondiale par le biais du Conseil international des services médicaux
dans les prisons (CISMP), dont elle conserve la présidence lors du
troisième congrès tenu à Bristol en août
19881609(*).
Solange Troisier est reconduite une dernière fois à cette
fonction en octobre 19891610(*). Elle est également pendant un temps
réhabilitée par le garde des Sceaux, Albin Chalandon, qui lui
confie une mission sur le sida.
Car à mesure que l'exercice médical en milieu
carcéral se déspécialise, l'organisation des soins est
confrontée à l'épidémie. La relation
déjà établie avec les services du ministère de la
Santé va alors produire pleinement ses effets, l'IGAS servant une
nouvelle fois de conseiller médical au ministère de la
Justice rappelle Jean Favard : « Heureusement qu'on avait
déjà des liens avec l'IGAS qui nous a dit : "Attention, pas
de panique. Il faut faire ça, etc.". On a même demandé
à l'IGAS d'aller expliquer dans les structures ce qu'il en était.
Parce que si nous, on avait dit : "Circulez, y a rien...", ça
aurait été un peu suspect [...] Donc on a eu le
bénéfice immédiat du décloisonnement. Sinon, on ne
s'en serait pas sorti »1611(*). En soulignant les carences de la prise en
charge médicale des détenus, l'épidémie rappelle au
ministère de la Justice les nombres difficultés à
gérer l'organisation des soins en même temps qu'elle
légitime les partisans d'une médecine non pénitentiaire.
Le sida fut ainsi un puissant instrument de réforme au service de ceux
qui étaient favorables à un transfert de compétence au
ministère de la Santé.
CHAPITRE 6. LE SIDA, «REFORMATEUR» DE LA POLITIQUE
DE SANTE EN PRISON ?
« Avec le SIDA, le rôle sanitaire de la
prison apparaît désormais essentiel. Mais les autorités en
ont-elles conscience ? » (Journal international de
médecine, 28/02/1990).
Afin de rendre compte de la loi du 18 janvier 1994, beaucoup
d'acteurs soulignèrent le rôle essentiel joué par
l'épidémie de sida, qualifiée fréquemment de
« réformateur social ». C'est ainsi qu'un magistrat
de l'Administration pénitentiaire rend compte a posteriori de
cette réforme à laquelle il était très
favorable : « S'agissant de la capacité des institutions
à se réformer, j'ai acquis la conviction qu'une institution
évolue difficilement grâce à ses seules forces internes
[...] Il a fallu la conjonction de quelques médecins et magistrats
militants, mais aussi, pour reprendre la formule de Daniel Defert, le contexte
dramatisant du sida "réformateur social" pour que leurs administrations
de tutelle et les politiques se mobilisent »1612(*). En soulignant les
contradictions propres au monde carcéral, le sida aurait joué,
conclut également un groupe de chercheurs en psychologie sociale, un
rôle de « réformateur social » au sein de
l'institution carcérale1613(*). La formule se réfère à
l'intervention du président d'AIDES, à la 5ème
conférence internationale sur le sida en 1989, dans laquelle il
défendait l'idée que la personne atteinte par le VIH était
un « nouveau témoin des besoins, des urgences, médicales et
sociales [...] C'est lui le révélateur des crises. Il devient un
des acteurs privilégiés des transformations, un nouveau
réformateur social »1614(*).
Daniel Defert entend ainsi souligner le rôle incombant
aux malades dans la transformation de l'organisation des soins et de la prise
en charge de la maladie1615(*). Le rôle du sida comme
« réformateur social » défendu par les
partisans de la réorganisation des soins en prison laisse en revanche
difficilement apparaître les logiques concrètes grâce
auxquelles aurait été réformée la médecine
pénitentiaire. Du fait des nombreuses contraintes qui s'exercent aussi
bien pendant la détention qu'à sa sortie, aucune mobilisation de
détenus séropositifs n'a jamais existé1616(*). Les associations de
malades, pourtant actives, ne s'intéressèrent que tardivement
à la prise en charge en milieu carcéral. Quelques associations
comment à partir de 1989 à publier quelques articles relatifs aux
prisons, comme Arcat (Association pour la recherche, la communication et les
actions pour l'accès aux traitements)1617(*) ou Solidarité
Plus (AFP, 12/04/1990). Pourtant créée en 1984 et dotée
d'une lettre d'information dès 1990, l'association Aides ne consacre un
article à ce sujet qu'en 19971618(*). La faible place accordée par les
associations aux détenus séropositifs s'explique peut-être
par la volonté d'éviter une stigmatisation éventuelle des
prisonniers. La stratégie poursuivie par Aides notamment est à
l'inverse de responsabiliser tous les individus, quelle que soit leur
sexualité ou leur position sociale.
Faute de mobilisation de patients-détenus ou
d'associations, quels acteurs firent de l'épidémie un instrument
de réforme ? Sous la pression d'alertes lancées par quelques
médecins exerçant en prison, des magistrats du ministère
de la Justice firent du sida un argument en faveur de la mise en place d'une
nouvelle politique de santé en milieu carcéral,
réussissant ainsi à obtenir un engagement des services de la
Santé (Section 1). Confrontés à une aggravation de leurs
conditions de travail, notamment à cause de l'épidémie de
sida, quelques praticiens travaillant en milieu pénitentiaire
exercèrent également un rôle de
« réformateur » de l'organisation des soins en
oeuvrant en faveur d'une médecine libérée de sa tutelle
pénitentiaire. C'est sur ce segment de praticiens hostiles à
l'idée d'une médecine pénitentiaire spécifique que
les magistrats-militants de la DAP entamèrent la réforme qui
aboutit à la loi du 18 janvier 1994 (Section 2).
Section 1 - Mobilisation
administrative et naissance d'une politique publique de prise en charge du sida
en prison
La dimension la plus surprenante, pour celui qui étudie
la question de la prise en charge du sida en prison, est le laps de temps qui
s'est écoulé entre le moment où les risques de
contamination ont été connus des médecins travaillant en
milieu carcéral et la date à laquelle cette dimension fut
intégrée à la politique publique de lutte contre le sida
du ministère de la Santé. Entre 1985 et 1989 la gestion de
l'épidémie demeure limitée à quelques mesures
ponctuelles du ministère de la Justice. Dès 1985, des
études épidémiologiques soulignent pourtant la proportion
de séropositifs en détention. Lors d'une journée
d'étude sur les problèmes de santé en milieu
carcéral en février 1986, le Dr Kergoyan souligne que sur 500
entrants au CP de Fresnes, 147 utilisaient des stupéfiants (29,4%) dont
46% avaient une sérologie positive1619(*). Une étude
sérologique à la M.A de Bois d'Arcy révèle, en mars
1986, 41 tests positifs sur 73 toxicomanes testés (56%)1620(*). Une recherche
conduite à la M.A de Gradignan (Bordeaux) entre le 1er
juillet 1985 et le 30 septembre 1986, et dont les résultats ont fait
l'objet de plusieurs articles, permet de dénombrer 253 toxicomanes dont
plus de 50% étaient séropositifs1621(*). Celui qui l'a
réalisé conclut dans sa thèse : « Il est
justifié de considérer une partie de la population des prisons,
et en particulier les drogués HIV positifs utilisant la voie
intraveineuse, comme un groupe à risque quant au
développement du syndrome et à la transmission du virus
HIV »1622(*).
Bien que variable d'un établissement à un autre,
l'importance du sida en milieu carcéral est estimée dès
1985-1986. Pourtant, c'est seulement en 1989 qu'une politique
interministérielle de prise en charge du sida en prison apparaît
avec la circulaire Santé/Justice du 19 avril 1989 qui prévoit
l'intervention des praticiens hospitaliers en milieu carcéral. Durant
ces années d'intervalle, l'Administration pénitentiaire n'est
bien sûr pas restée immobile. Elle a adopté plusieurs
mesures dans le cadre d'une « politique
discrète »1623(*), dont l'origine provient autant du
désir du ministère de la Justice d'éviter toute
information trop alarmiste que du manque d'empressement du ministère de
la Santé à se saisir de cette question. En l'absence de
mobilisations associatives, comme ce fut le cas en faveur des malades
homosexuels ou toxicomanes1624(*), la mise en visibilité du sida en
prison fut l'oeuvre de quelques praticiens travaillant en milieu
carcéral qui exercèrent un rôle de « lanceur
d'alerte » (1). Une fois que les prisons furent reconnues comme
« milieu à risque », la politique discrète de
l'Administration pénitentiaire céda le pas à une politique
de santé publique définie en collaboration avec les
autorités sanitaires qui permit, en retour, une plus grande
sensibilisation des praticiens hospitaliers à la question de la prise en
charge médicale des détenus (2).
1. Le travail de mise en
visibilité de l'épidémie : les «lanceurs
d'alertes» face à la «politique discrète» de
l'Administration pénitentiaire
« Surpopulation, vétusté des
prisons, manque d'hygiène... le système pénitentiaire qui
croulait déjà sous les problèmes a vu arriver d'un oeil
affolé ce nouveau problème du SIDA. Ça faisait trop !
La réaction, d'abord, été une politique de
l'autruche : on ne veut pas voir, on ne veut pas savoir. C'est contre
cette politique de l'autruche que nous ramons depuis deux
ans »1625(*).
Dès 1985, des signaux d'alerte sont envoyés au
ministère de la Justice par certains praticiens exerçant en
milieu pénitentiaire. Le médecin-coordinateur de l'Hôpital
de Fresnes, lassé de ses responsabilités administratives, se
consacre durant cette période davantage à son activité
clinique. Responsable du service de soins intensifs, il établit la
corrélation entre plusieurs patients souffrants de troubles
spécifiques :
« En 85, j'avais été
sollicité par le CTS [centre de transfusion sanguine] de Versailles sur
les dons du sang et puis j'avais fait des stages sur le sida. Et puis j'avais
pas mal de patients qui avaient des ganglions donc j'avais l'oreille
attirée. Je commençais à flairer le truc. Et depuis
octobre 1984, je pensais faire des études et je me disais qu'on manquait
de personnel. J'avais deux étudiants prêts à faire une
thèse mais j'hésitais car on manquait de personnel. Tous mes
freins ont sauté au mois de mars [1985] quand j'ai appris qu'un des
infirmiers du Grand quartier était tombé malade et qu'il ne
restait plus qu'un seul infirmier [...] Juin 85. Moi, j'avais fait des
études en février, mars, avril. Il y avait à ce moment une
tension extrêmement forte liée à la surpopulation. Il y
avait des éléments de panique forts »1626(*).
Fort de ce travail, le Dr Espinoza envoie le 10 juin 1985, le
jour même où le Comité Santé/Justice évoque
la question du sida pour la première fois, une note d'information
à tous les médecins pénitentiaires pour les informer de la
conduite à tenir (Libération, 23/08/1985). Prudent, le
médecin-coordinateur de l'Hôpital de Fresnes joue un rôle de
« lanceur d'alerte » à l'égard des
autorités pénitentiaires, tout en refusant d'exposer le
problème au sein de l'espace public : « Moi, j'ai
fonctionné très scientifique et pas du tout vers les
médias parce que j'aurai pu faire la "une" des
médias »1627(*). Le cas d'un médecin éprouvant
le besoin d'informer les journaux sans pour autant dramatiser la situation
traduit le même souci de discrétion. Ce praticien du CMPR de
Rennes contacte en mai 1985 un journaliste de sa connaissance pour l'informer
de la découverte d'un détenu dépisté positif
à la prison de Saint Malo. Dans une lettre adressée à la
DGS, il se félicite de la prudence adoptée par le
journaliste : « Je pense être parvenu à
dédramatiser la situation aidé en cela par la
compréhension de Didier Eugène qui a toujours écrit des
articles très prudents et non alarmistes à propos de la
toxicomanie »1628(*). Alertée par le Dr Espinoza, Myriam
Ezratty organise le 1er juillet 1985 une réunion du
Comité de coordination sur les problèmes liés à
l'épidémie de sida dont l'ampleur semble en partie connue :
« Le dépistage systématique de tout arrivant à
la Maison d'arrêt de Bois-d'Arcy organisé par le centre de
transfusion de Versailles pour une période de 2 mois
révèle que 16% de détenus sont porteurs d'un anticorps
anti-LAV1629(*) contre un taux de 0,6% au maximum dans
différentes populations testées à
l'extérieur »1630(*). A ce moment, l'Administration
pénitentiaire s'interroge sur la conduite à adopter en
matière de gestion de l'épidémie : faut-il
séparer les « para-sida »1631(*) des autres
détenus ? Le dépistage doit-il être
systématique ou ne faut t-il le proposer qu'aux seuls toxicomanes ?
Cette maladie, enfin, est elle contagieuse et nécessite t'elle, dans ce
cas, l'usage systématique de protections (gants, masques,
combinaisons) ? La panique gagne à cette époque aussi bien
les détenus que les surveillants voire le personnel médical, et
confronte les soignants pénitentiaires à de nombreuses
difficultés1632(*).
Cette première phase où les risques semblent
connus mais uniquement dans quelques établissements s'achève
à l'été 1985 avec la décision de rendre obligatoire
le dépistage de tous les dons de sang, rendue effective le
1er août 1985. Jusqu'alors les conditions de l'organisation
des soins (manque de personnel, faibles possibilités de procéder
à des analyses) ne permettaient pas de mettre à jour l'existence
d'une forte séroprévalence dans les établissements de
moindre envergure. Les petites Maisons d'arrêt, où le
médecin n'intervient que quelques heures par semaine et où une
infirmière assure à elle seule le fonctionnement du service
médical, sont brutalement confrontées à
l'épidémie à l'occasion de la mise en place du
dépistage de tous les dons de sang. C'est notamment le cas à la
M.A de Pontoise, où la découverte du taux de
séropositivité, supérieur à 50%, est à
l'origine d'un mouvement de panique, comme le relate le médecin-adjoint
de l'établissement de l'époque :
« Il fallait savoir qu'il y avait des dons du
sang qui étaient faits spontanément par les détenus et une
ou deux fois par mois, il y avait le centre de transfusion de Pontoise qui
venait. Et à un moment donné, la loi a imposé de faire un
dépistage du sida pour chaque don, ce qui n'existait pas avant. Et je me
rappelle la première fois, les résultats sont arrivés une
dizaine de jours après. C'était la catastrophe ! Sur
vingt-cinq détenus, il y en avait quinze qui étaient
séropositifs. Alors panique... C'était en plein mois d'août
de l'année où les tests sont devenus obligatoires. Je m'en
souviens très bien parce que [mon collègue] était en
vacances, et c'est moi qui le remplaçais. C'était la panique.
Moi, je ne connaissais pas grand chose au fond. Le directeur, c'était la
panique aussi...»1633(*).
Confinée durant les premières semaines au
système carcéral, cette information est soudainement rendue
publique fin août par un nouveau lanceur d'alerte. Responsable du CMPR de
la M.A de Gradignan depuis 1979, Michel Bénézech apprend le 2
août 1985, suite au dépistage d'une collecte de sang
effectuée fin juillet dans son établissement, que six donneurs
(sur quatorze) sont séropositifs1634(*). Le 16 août, il fait placer ces
détenus à l'isolement total. Le 20, il prend contact avec le
journal Sud-Ouest afin, selon le préfet, « d'obtenir
une publication relative à la découverte des détenus dits
porteurs sains ». Devant le refus qui lui est signifié par le
quotidien régional, il prévient Le Lot et
Garonne et La Dépêche du Midi qui publie le mercredi
21 un article révélant l'information. « Ce même
jour, l'information ayant été rendue publique, le Docteur
Bénézech a fait une réunion de presse dans l'enceinte de
la prison avec quatre journalistes à 11 heures 30 et une prestation
télévisée à l'extérieur à FR3 et TF1
l'après midi ». L'information est reprise par de nombreux
journaux, parfois de manière alarmiste (« SIDA : quatre
morts en Gironde »1635(*), Sud-Ouest, 22/08/1985 ;
« Virus carcéral », LM, 24/08/1985) et parfois
de manière plus critique (« SIDA-psychose à la prison
de Gradignan », Libération, 22/08/1985 ;
« Sida : pas de panique », La
Dépêche du Midi, 22/08/1985).
La distinction entre informations raisonnées et
alarmistes est cependant trompeuse, comme le remarque Claudine Herzlich et
Janine Pierret dans leur étude du traitement médiatique de
l'épidémie : « A partir de l'été 1985, le
SIDA est devenu l'objet d'une rubrique quasi-quotidienne explicitement
dominée par la préoccupation d'informer pour dédramatiser.
Mais le développement de la peur est parallèle à celui de
l'information »1636(*). Tandis que le milieu carcéral
était jusqu'alors totalement resté à l'écart de la
polémique sur le sida, les détenus n'ayant, pas exemple, jamais
été cités comme « groupe à
risque », l'association entre la population carcérale et le
nouveau virus émerge pour la première fois dans l'espace
public1637(*). « La promiscuité,
l'homosexualité et la toxicomanie, tout concourt à faire de
l'univers carcéral un lieu à haut risque de SIDA »,
note Franck Nouchi (LM, 23/08/1985). « Il est probable que
les proportions les plus importantes de tests positifs seront relevées
dans la population carcérale », observe La
Dépêche du Midi, qui annonce la présence de quatre
porteurs du virus à la M.A de Carcassonne. Michel Bénézech
annonce que « le problème va bientôt se poser dans
toutes les prisons de France » (Libération,
22/08/1985).
Les syndicats pénitentiaires contribuent largement
à amplifier l'information. Jacques Viallettes, secrétaire
général du syndicat majoritaire FO pénitentiaire,
réclame dans un communiqué qu'un dépistage
systématique soit opéré chez tous les détenus et
que les « porteurs sains » (asymptomatiques) soient
isolés dans des « structures spécialisées »
(LF, 23/08/1985). Certains surveillants annoncent que plusieurs autres
cas ont été enregistrés à Fresnes ainsi qu'à
Fleury-Mérogis. Le lendemain, France-Soir annonce que neuf
détenus seraient séropositifs dans le seul département du
Nord-Pas-de-Calais et que certains auraient été
transférés vers un « hôpital au centre de la
France » : « L'inquiétude règne dans les
prisons du Nord » (France-Soir, 24/08/1985).
En dépit de l'alerte lancée par le responsable
du CMPR de la M.A de Bordeaux, relayée par les syndicats, l'association
entre le sida et le milieu carcéral peine à s'inscrire
durablement dans l'espace public. En témoigne la brusque disparition, au
sein de la presse, de cette question qui ne devient un sujet de
préoccupation publique qu'en 1987. Ce phénomène
s'explique, comme on en fait l'hypothèse, par la volonté
exprimée alors, aussi bien par les autorités que les
journalistes, de ne pas stigmatiser la population détenue. C'est ce dont
atteste, tout d'abord, l'importance accordée par certains journaux au
rôle des syndicats dans le déclenchement de la première
alerte pourtant lancée par le Dr Bénézech. Sans citer
à aucun moment son initiative, Libération explique
l'émergence de cette « affaire » par le seul
rôle des syndicats qui auraient découvert le « pot aux
roses » et auraient ébruité cette information
(22/08/1985). Plusieurs journalistes en déduisent une possible
instrumentalisation de cette information par les syndicats. Remarquant que FO
est majoritaire dans l'établissement de Gradignan, Le Monde
s'interroge pour savoir s'il s'agit d'une « affaire
politique », comme en attesteraient les propos du directeur de la
M.A, secrétaire national de la CFDT : « En dramatisant
à l'extrême, en mettant ce problème en exergue, on cherche
de bonnes excuses pour un retour de la sécurité, de l'ordre et de
la discipline à outrance dans les prisons [...] Je suis persuadé
que cette surenchère syndicale va se traduire par un ras-le-bol de la
manipulation » (LM, 24/08/1985). Dans un article
intitulé « Les gardiens jouent la psychose »,
Libération voit dans cette « affaire »
l'expression de revendications syndicales catégorielles :
« Ah les braves gens ! Ils avaient obtenu
par avance une augmentation de leurs effectifs [...] et l'intégration
salariale de leurs primes de risque [...] Les voilà qui tapent du poing
sur la table [...] Ils, ce sont les gardiens de prison Force ouvrière,
largement majoritaires dans la profession et jamais en retard d'une
revendication. Mais là, FO déconne purement et simplement, en se
joignant - volonté politique délibérée ou sous
information dramatiquement irresponsable - à l'hystérie
croissante en matière de SIDA » (Libération,
23/08/1985).
L'idée que les syndicats pénitentiaires,
discrédités depuis la dénonciation de la COSYPE, auraient
délibérément dramatisé l'information à des
fins corporatistes a contribué à reléguer au second plan
la prise en compte de la forte concentration de personnes séropositives,
et souvent toxicomanes, et à retarder ainsi leur prise en charge. Les
représentants du ministère de la Santé s'efforcent
d'ailleurs, au même moment, afin de dédramatiser la situation,
d'aller à l'encontre de cette représentation des détenus
comme « groupe à risque ». Le Conseiller technique
du ministre de la Santé déclare que l'étude du D
Bénézech ne saurait être considérée comme
représentative. Le Dr Brunet, considéré alors comme le
« M. Sida », souligne que « les résultats
de ces tests pratiqués en milieu carcéral ne sont pas
étonnants puisqu'ils ont été faits chez des toxicomanes
dont on sait depuis très longtemps qu'ils font partie des groupes
à risque » (LF, 23/08/1985). La volonté de ne
pas stigmatiser la population carcérale trouve son origine dans la
« psychose » apparue dans l'ensemble de la
société lors des premiers développements du sida. Les
premiers signes de panique à l'été 85 ont amené les
médias à dédramatiser, à juste titre, l'ampleur du
danger1638(*). Cette attitude est conforme à
l'« option moderne-libérale » adoptée par les
pouvoirs publics mais aussi par les médias afin de mettre fin aux
excès de dramatisation1639(*).
Le regard critique que développent à partir
d'août 1985 politiques, scientifiques et journalistes, sur les discours
tenus jusqu'à présent au sujet du sida contribue à
« neutraliser » les alertes alors lancées, comme
celle de Michel Bénézech. Si son intervention permet d'ouvrir une
fenêtre médiatique au cours de laquelle un lien entre sida et
prisons s'établit, celle-ci se referme aussitôt, toute
référence aux détenus étant dès lors absente
de la presse. Cette « auto-censure », destinée
à ne pas stigmatiser, est d'autant plus forte qu'il est au même
moment question du « contre-modèle
américain » où le niveau de crainte est à son
apogée. « Si environ 12 600 cas d'Américains
atteints du SIDA ont été recensés, ce ne sont pas moins de
1 à 2 millions de citoyens qui s'imaginent touchés par le virus
[...] Le cas de victimes du SIDA expulsés de leur logement,
licenciés de leur entreprise, jetés hors de prison ou
privées d'école se comptent par dizaines » (Le
Matin, 9/09/1985). Les journalistes s'indignent du traitement
réservé aux prisonniers étatsuniens. En atteste la photo
reproduite dans de nombreux journaux montrant un surveillant de prison
recouvert d'une tunique de protection, ne laissant apparaître que ses
yeux1640(*).
« Un bel exemple de parano anti-SIDA », commente
Libération le 23 août 1985. En l'absence de
Médecin-inspecteur, la question du sida est au ministère de la
Justice l'affaire de magistrats qui apparaissent désemparés. En
attestent les propos de Jean Favard :
« Ça a commencé vers août
85. On ne savait rien. Moi, j'avais une culture pénitentiaire mais le
sida... Personne ne savait ce que c'était. On parlait beaucoup à
ce moment-là de "porteurs sains". Alors porteurs sains, c'était
un peu rassurant. Et puis après on vous disait : "Il y en a 7 à
10% qui seront malades". Personnellement, je ne savais pas quoi
répondre. C'était pas très affolant dit comme
ça... »1641(*).
Si l'Administration pénitentiaire tient à ne pas
dramatiser la portée de l'épidémie en milieu
carcéral, c'est également en raison du contexte qui
caractérise les prisons françaises au printemps 1985. Depuis sa
nomination en tant que garde des Sceaux, Robert Badinter craignait ne
n'advienne une trop forte agitation dans les prisons. Cela avait pu être
évité par de nombreuses libérations qui avaient
ramené la population carcérale à 29.000 détenus au
1er octobre 1981. L'inflation carcérale reprend
cependant rapidement, ramenant le nombre de personnes incarcérées
à 34.600 au 1er janvier 1983, 38.600 en 1984 et 44.500 au
1er mars 19851642(*), provoquant de vives tensions dans les
établissements :
« La surpopulation avait atteint dans les
Maisons d'arrêt un niveau tel que nous étions à la merci du
moindre incident, tant les détenus avaient les nerfs à fleur de
peau. Les personnels pénitentiaires étaient eux aussi
exaspérés par ce climat de tension qui risquait de
dégénérer en affrontement. Mme Ezratty me faisait
chaque semaine un rapport sur la situation dans les grands
établissements pénitentiaires. Le plus terrible signe de la
détresse carcérale était le taux élevé de
suicides » 1643(*).
C'est dans ces conditions qu'éclate selon les termes de
Robert Badinter l'« orage pénitentiaire » à
savoir une série de mutineries dans les établissements
français, ainsi que la prise d'otage d'un surveillant. Au-delà
d'une fermeté de façade, le garde des Sceaux autorise quelques
mois plus tard l'introduction des premiers postes
télévisés dans les cellules afin d'apaiser les tensions.
C'est ce même climat de tension que rappelle Pierre Espinoza :
« On était quand même dans
l'ambiance où quelques mois plus tôt, l'infirmerie de la prison de
Fresnes avait brûlé. Il y avait une tension extrêmement
forte et donc on regardait à deux fois non pas sur les mesures à
prendre [...] mais sur la façon dont on le faisait »
1644(*).
Ce climat de tension et la volonté de
dédramatiser à tout prix amène l'Administration
pénitentiaire à effectuer un traitement discret de
l'épidémie. Dans une directive publiée le 20 août
1985, la Chancellerie recommande l'isolement des détenus positifs tout
en ajoutant que « rien ne justifie d'envisager le transfert des
détenus sur l'hôpital de Fresnes ou sur une quelconque structure
hospitalière des détenus qui, bien que porteurs d'anticorps, ne
manifestent aucun symptômes du SIDA » (Libération,
23/08/1985). Le 5 septembre, les ministères de la Santé et de la
Justice adressent aux autorités sanitaires et pénitentiaires une
lettre-circulaire accompagnée d'une fiche technique relative aux
infections à « virus LAV »
« destiné[e] à fournir une information objective et
à aider à dédramatiser les situations provoquées
par la mauvaise connaissance de cette maladie virale »1645(*). La fiche technique,
co-élaborée par le Dr Espinoza et la DGS, précise que le
« dépistage systématique des anti-corps anti-LAV
n'apparaît pas justifié » de même que
« l'utilisation d'équipement de type masque, blouse jetable,
gants de protection ». Elle exclut en outre l'isolement des
détenus et prend ainsi, note Renaud Crespin, le contre-pied du
modèle appliqué jusque-là en matière de
tuberculose1646(*). Signe de la politique discrète
menée par la DAP, cette circulaire n'est pas publiée au
Bulletin officiel du ministère de la Justice. Bien que
plus générale à la « promotion de la
santé en milieu carcéral », une circulaire
co-signée par l'Administration pénitentiaire et la DGS souligne
en novembre 1985 l'importance des protocoles d'accord entre DDASS et
établissements pénitentiaires afin d'assurer le dépistage
des primo-arrivants1647(*). L'Administration pénitentiaire
évite toute association entre le sida et le milieu carcéral.
Bien qu'elle n'ait pas permit d'établir une association
durable entre prison et sida au sein de l'espace public, l'alerte lancée
par le Dr Bénézech a probablement
accéléré le traitement administratif de la gestion de
l'épidémie en soumettant le ministère de la Justice
à une certaine pression. En témoigne la réaction que
suscitèrent les déclarations du médecin-chef du CMPR de
Bordeaux au sein de l'Administration pénitentiaire, comme le relate un
magistrat alors chargé des questions de santé :
« Il s'occupait des toxicos et ses études
épidémiologiques consistaient à montrer que bon nombre de
toxicos étaient séropositifs. Ça ne veut pas dire qu'ils
étaient malades ! Le problème, ça n'est pas qu'il ait
fait ça. Il se serait contenté de faire des publications
scientifiques, il n'y aurait eu aucun problème ! [...] Et
Bénézech avait convoqué la presse... Alors vous imaginez
le truc ! Alors, il s'est fait taper sur les doigts par son DDASS. Mme
Ezratty était furieuse. Ça pouvait entraîner des
mouvements. Des mouvements de détenus. Ça aurait pu être le
début d'une mutinerie. Alors, c'est vrai qu'on en voulait à
Bénézech. Avec son aspect médiatique et son envie de
toujours faire parler de lui ! On la connaissait la situation,
c'était pas la peine de faire tout ce raffut ! C'est ce genre
de personne un peu exhibitionniste qui aime bien qu'on parle de lui. Il aimait
publier mais ça je lui reproche pas. C'était pas le fait de
publier. Ça aurait été lu par les spécialistes,
c'est très bien. Mais faire du ramdam dans Sud Ouest... C'était
pas responsable ! »1648(*).
Bien que ce témoignage doive être
considéré avec prudence, puisqu'il est actuel, il semblerait
qu'à l'époque de la prise de parole du Dr Bénézech
que l'Administration pénitentiaire était déjà
consciente que le milieu carcéral concentrait une population à
risque, principalement toxicomane. Ainsi semble confirmée
l'hypothèse que cette direction ministérielle aurait
privilégié une « politique discrète »
afin de ne pas stigmatiser les détenus et de ne pas engendrer de
révolte. On va maintenant en souligner les effets.
La politique discrète menée par la Chancellerie
a eu pour principale conséquence un manque de cohérence entre les
pratiques des différents établissements. C'est notamment le cas
en matière de dépistage ou encore d'isolement.
Préconisé en juin 1985 par le médecin-coordinateur,
l'isolement est interdit à partir de septembre. Les propos de cette
infirmière exerçant à Fleury attestent du respect de cette
consigne. « Alors au début y avait un isolement... Mais
ça a pas duré, car il s'est avéré que le mode de
transmission n'était pas aussi simple »1649(*). Le respect de cette
règle apparaît en revanche plus délicat dans les
établissements de moindre envergure, peut-être parce que le poids
des syndicats y est plus important, si l'on en croit cette infirmière
travaillant à Bois d'Arcy où était pratiqué le
regroupement entre séropositifs : « Alors, on mettait une
cellule de trois HIV positifs. Vous imaginez ces gens là n'avaient plus
aucune possibilité d'avoir le moindre contact avec les autres...
C'était pire que la peste au
Moyen-âge ! »1650(*). C'est notamment pour éviter ce type de
pratiques, que décrit ici un interne dans sa thèse, que les
détenus malades sont le plus souvent hospitalisés à
Fresnes : « Le détenu a été isolé
dans une cellule pendant près d'un mois, n'ayant aucun droit de visite
ou de promenade, recevant du personnel portant des gants. Ce patient me montre
un papier officiel d'isolement médical, il n'était pas
signé »1651(*).
En dépit de quelques hésitations, le principe du
volontariat du dépistage des détenus fut rapidement
affirmé en France1652(*). Pourtant, peut-être en raison de la
mise à l'écart de la politique de santé publique du
ministère de la Santé, son respect fut difficilement
assuré. Certes les médecins certifient dans leurs études
demander le consentement, rarement refusé selon le
Dr Bénézech puisque sur 300 toxicomanes seuls deux auraient
refusé (LF, 13/02/1987). Plusieurs professionnels de
santé interrogés sur le consentement des patients hésitent
néanmoins. Ce médecin ayant réalisé en 1985 une
étude auprès des détenus toxicomanes n'est pas certain
qu'il ne se soit pas contenté alors d'une simple
« indication » : « Je ne sais même
plus si c'était un dépistage volontaire. On a dû leur dire
simplement dans le cadre de la visite... [...] J'ai sûrement dû
leur signaler qu'on leur faisait une prise de sang pour une sérologie
HIV »1653(*). Une infirmière travaillant à
Rouen précise que le dépistage était
« prescrit » par le médecin « en cas de
zona, et dans certains cas pour le Zaïre et les pays très
endémiques... »1654(*). Une autre infirmière observe que le
dépistage était volontaire avant d'ajouter : « Mais,
moi, je leur conseillais fortement ! »1655(*). Un infirmier
travaillant à la M.A de Caen précise que le dépistage ne
fut « obligatoire » qu'un bref laps de temps à son
arrivée... en 19881656(*). Cet interne de l'Hôpital de Fresnes
relève également en 1988 dans les dossiers médicaux de la
prison de Fresnes de multiples infractions au principe du
consentement :
« Observation n°3 : Monsieur A. Bruno
est adressé en consultation de gastroentérologie pour douleurs
abdominales. L'analyse du dossier médical montre un résultat
sérologique VIH positif avec une note du médecin signalant qu'il
ne faut pas communiquer le résultat au patient. L'interrogatoire
révèle que Monsieur A. avait refusé que soit
pratiqué le test proposé lors d'une consultation médicale.
L'entretien avec le médecin permet de constater que ce test a
été réalisé malgré le refus du patient [...]
Observation n°5 : Monsieur D, 27 ans, est incarcéré en
juin 87, condamné à dix-huit mois. Une sérologie VIH est
faite sans son accord pour un motif inconnu [...] Observation n°6 :
Monsieur H., toxicomane, vient de se faire incarcérer. Lors de sa visite
médicale d'entrée, l'interne lui demande s'il était suivi
correctement tous les six mois pour son infection VIH. Stupeur du
patient : "Quoi ? J'ai le SIDA mais on ne me l'a pas dit". Deux ans
auparavant, au cours d'une précédente incarcération de
trois mois, le patient avait subi un dépistage à VIH sans son
accord, il était séropositif. Monsieur H. est papa depuis un an
d'une petite fille bien portante... » 1657(*).
Ces différents exemples soulignent les
conséquences possibles, psychologiques et médicales, d'un
dépistage systématique opéré à l'insu des
patients, et sans que les résultats leur soient donnés. Toujours
selon ce même interne, sur un échantillon de cent trente
toxicomanes séropositifs, dans seule la moitié des cas (51,5%) le
test de dépistage aurait été prescrit à la demande
du patient. Une infirmière ayant réalisé un stage à
la M.A de Melun en 1991 note dans son mémoire de fin d'étude que
le dépistage des nouveaux arrivants y était
systématique1658(*). Parce que la médecine
pénitentiaire demeure gouvernée par certaines règles
spécifiques éloignées du monde
médical1659(*), certains professionnels de santé
exerçant en prison ont une faible observance des instructions
officielles ainsi que des règles éthiques,
considérées ici comme décalées ou inutiles. En
attestent les propos de ce praticien, alors médecin-chef des
Baumettes :
« Et il s'est posé beaucoup de questions
à l'époque. Il fallait que ce soit volontaire à
l'époque. On ne pouvait pas faire de dépistage
systématique. Alors qu'est-ce qu'il fallait faire et qu'est-ce qui a
été fait après ? Hein ? Mais c'est en fonction
de... Comment on appelle cet organisme ? L'éthique, là... Il
fallait pas le faire parce que fallait leur demander l'autorisation. Et puis
après, c'est venu doucement... Parce que quand on faisait le
dépistage, on s'est aperçu que les gens étaient bien
contents de savoir ce qu'il en était. C'était pour eux !
Parce que si la maladie s'aggrave... Et pour la famille ! Y avait un tas
d'avantages à dépister les
gens ! »1660(*).
Sans qu'on puisse l'affirmer avec certitude, il est possible
que la discrétion adoptée par l'Administration
pénitentiaire et l'absence de « politique publique »
ont contribué à favoriser certaines pratiques propres au milieu
carcéral, et notamment une faible prise en compte de la volonté
des patients.
L'interpellation du Dr Michel Bénézech est
insuffisante pour inscrire durablement la prison comme un lieu à risque.
Rappelé à l'ordre par le préfet ainsi que par sa direction
de tutelle, il cesse toute intervention dans les médias1661(*). Le responsable du
CMPR de Gradignan continue cependant d'exercer une fonction d'alerte en
diffusant les résultats des recherches qu'il mène dans son
établissement. Le 15 novembre 1985, il souligne lors d'une communication
à la Société de médecine du travail de Bordeaux la
prévalence de toxicomanes séropositifs incarcérés
et les risques de contamination entre détenus et à l'égard
du personnel1662(*). En février 1986, le Dr
Bénézech intervient devant la Société de
médecine légale et de criminologie où il tente de mettre
en évidence l'importance de l'épidémie. Si le milieu
carcéral représente selon lui « un réservoir de
virus (hépatite B, LAV, etc.) », c'est du fait de la
surreprésentation de nombreux groupes à risque en son sein :
« Le groupe à risque des toxicomanes à la seringue est
particulièrement préoccupant dans les Maisons d'arrêt de la
région parisienne et des grandes villes de province
puisque ces individus constituent 10 à 30% des détenus
incarcérés. Or, ces établissements
reçoivent aussi nombre d'homosexuels, de marginaux instables, de
prostitués des deux sexes. Il y a donc là une concentration
importante de sujets anti-LAV positifs »1663(*). Deux journalistes
rendent compte de cette étude de manière diamétralement
opposée. Estimant que « les données existantes [...] ne
peuvent en aucun cas tenir lieu d'échantillon représentatif de la
population carcérale française », Libération
estime, dans un article intitulé « le virus de
l'extrapolation », qu'« à l'intérieur comme
à l'extérieur des murs de la prison, les études
épidémio concernant les toxicos sont éminemment
difficiles », avant de regretter des « manoeuvres
arithmétiques souvent fallacieuses »1664(*). A l'inverse,
constatant que « 5 à 20% de tous les prisonniers
français sont contaminés par le virus », le Dr
Escoffier-Lambiotte remarque dans Le Monde que « le milieu
carcéral constitue donc un véritable réservoir de
contamination potentielle » avant de critiquer l'inaction de la
Chancellerie :
« Ce fait ne saurait être passé
sous silence. Il appelle à l'évidence à la mise en place
de mesures précises. Ces mesures ont été adoptées
à Bordeaux où l'on pratique systématiquement le
dépistage de la syphilis, des stigmates de l'hépatite B et du
SIDA [...] De telles mesures sont loin d'être adoptées dans
l'ensemble des prisons françaises [...] Cette attitude est,
hélas ! peu répandue dans les prisons françaises,
où le problème sanitaire que pose l'extension du SIDA est loin
d'être réglé. Les autorités responsables n'ont
d'ailleurs pris à ce jour aucune mesure précise à ce sujet
qu'elles préfèrent occulter alors que la situation est sans aucun
doute préoccupante et qu'il serait difficilement tolérable de la
laisser "se développer plus avant" » 1665(*).
La radicale différence de ton entre ces deux articles
s'explique par la relation que développe chacun des journalistes avec
l'épidémie. Soucieux de ne pas stigmatiser la question des
prisons, jugée très sensible à Libération,
Gilles Pial choisit de relativiser les résultats de cette
enquête. A l'inverse, le Dr Escoffier-Lambiotte, qui a déjà
critiqué par le passé certaines pratiques de l'Administration
pénitentiaire, notamment en matière de grève de la
faim1666(*),
s'avère beaucoup plus alarmiste1667(*). Les ministères de la Justice et de la
Santé réagissent aussitôt en précisant que de «
telles statistiques sont ininterprétables », faute de disposer d'un
système de veille épidémiologique, et qu'il est par
conséquent impossible « d'extrapoler ces résultats au plan
national ». Plus que la présence de séropositifs en
détention, qui apparaît difficilement réfutable, les
autorités récusent tout lien entre le sida et le milieu
pénitentiaire. Le même communiqué précise ainsi que
la proportion du nombre de détenus infectés « est
liée à la fréquence élevée de
séropositifs chez les toxicomanes et non aux conditions de vie dans les
prisons ». La séroprévalence en détention est
donc interprétée comme la conséquence de la forte
proportion de détenus toxicomanes, évitant ainsi que soit
établi un lien entre l'épidémie et l'institution
carcérale1668(*).
De son côté, le Dr Espinoza multiplie les
recherches épidémiologiques à l'Hôpital de Fresnes.
Il incite ses internes à intégrer le problème du sida dans
leur thèse. C'est par exemple le cas de Martine, devenue interne en 1984
dans le service des soins intensifs dirigé par le
médecin-coordinateur : « Moi, je faisais ma thèse
au début sur les toxicomanes par rapport aux hépatites. Et puis
on s'est dit qu'on pouvait rajouter l'infection HIV et on a eu la surprise de
découvrir qu'on avait 50% des toxicomanes qui étaient positifs.
Ce qui n'était pas connu ! A tel point qu'on a fait
revérifier nos tests »1669(*). Bien que plus prudent que son confrère
bordelais qu'il désapprouve, le Dr Espinoza n'en joue pas moins un
rôle d'alerte par la diffusion de chiffres
épidémiologiques. Libération fait état en
juin 1986 d'une « étude encore inédite menée
dans un hôpital pénitentiaire parisien » (4/06/1986) au
terme de laquelle sur 113 toxicomanes, tous
« volontaires », près de 55% déclarent
utiliser une seringue collective et 63% sont séropositifs1670(*). Le
médecin-coordinateur semble adopter au fil des mois une position plus
alarmiste, si l'on en croit les propos qu'il aurait tenus en novembre 1986,
à l'occasion d'une réunion organisée par l'association
AIDES1671(*) :
« Je suis revenu avec les recommandations de
l'OMS et donc j'ai organisé mon intervention de la façon
suivante : l'OMS dit ça... "En France, on n'applique pas
ça ! ". L'OMS dit [ceci]. "En France on fait ça" !
[Rires] Alors y avait Dinthillac [magistrat sous-directeur de la DAP] qui
faisait des bonds. Il était là pour représenter
l'Administration pénitentiaire et il m'a dit : "Mais c'est
scandaleux !" »1672(*).
Lors d'un colloque « Sida droit et
liberté » qui a lieu en décembre 1987 à Paris,
Pierre Espinoza tient une fois de plus des propos sur la gestion de
l'épidémie par le ministère de la Justice :
« Que devient le séropositif dans ce
cadre ? Le nécessaire accompagnement psychologique d'un
séropositif est impossible à assurer, de manière efficace,
pour tous, faute de moyens en personnel. Alors, de grâce, cessons de
discuter du problème de dépistage, car la vraie
réalité c'est la pénurie en personnel soignant. Cette
pénurie s'accentue dans certains établissements. Savez-vous que
nous disposons de moins d'infirmières au Centre pénitentiaire de
Fresnes (9 infirmières) qu'à la prison de Yaoundé (12
infirmières).
Faute d'infirmières, on habille des surveillants
avec une blouse blanche. Est-il raisonnable qu'ils puissent assurer des soins
de type infirmier (injections, distribution de médicaments) ?
Pourront-ils conserver le secret professionnel vis-à-vis du Directeur de
l'établissement s'il demande le résultat du test ? Et
parfois, des détenus exercent la fonction de secrétaire
médical »1673(*).
Le Dr Bénézech continue également de
diffuser le résultat de ses études. En janvier 1987, Le
Quotidien du médecin apprend que sur 300 dépistages
réalisés à Gradignan, 54% ont mis en évidence
l'anticorps HIV et 90% l'un des marqueurs de l'hépatite B1674(*). C'est une
communication des Dr Bénézech et Rager, du SMPR de Gradignan, et
du Pr Jacques Beylot du CHU de Bordeaux, présentée le 10
février 1987 à l'Académie de médecine, qui provoque
l'inscription du problème du sida en prison à l'agenda
public1675(*). En se référant à
plusieurs études épidémiologiques, indiquant notamment que
12,5% des entrants à Fresnes et 18,5% à Bois-d'Arcy sont
séropositifs, les intervenants dressent un « constat
alarmant » de l'état de l'épidémie en
détention1676(*). « Enfin quelques enquêtes
systématiques sur les entrants confirment le haut potentiel
épidémiologique des prisonniers des Maisons d'arrêt [...]
Le nombre de sujets contaminés par le virus du S.I.D.A est 50 à
200 fois plus élevé dans les Maisons d'arrêt des grandes
villes que dans la population générale française »,
observe Le Figaro1677(*). Outre la forte prévalence du sida en
milieu carcéral, cette communication est l'occasion de souligner les
risques de contamination intra-muros : « En prison, les
risques de contamination par le S.I.D.A ou l'hépatite B sont
démultipliés : emprunts de rasoirs ou de brosse à
dents, tatouages, relations homosexuelles, persistance de la toxicomanie et
échange de seringues, sans parler du surencombrement permanent des
cellules. Autre source de contamination, le sang répandu lors de
tentatives de suicides est souvent nettoyé à mains nues par les
détenus chargés du service général »
(LF, 13/02/1987). Le responsable du CMPR de Bordeaux remet alors en
cause la réaction adoptée par les autorités
pénitentiaires :
« "Malheureusement, ces dernières
années, une seule fiche technique relative aux infections à H.I.V
a été diffusée par la Chancellerie, en septembre 1985,
sous la pressions des médias, déplore le
Dr Bénézech, et les conseils qui y sont donnés nous
paraissent insuffisants". Ils ne présentent ni la
désinfection des cellules à dates régulières, ni le
port de gants de protection pour les surveillants ou les détenus
lorsqu'ils touchent du sang » (Le Figaro, 13/02/1987).
L'alerte lancée par le Dr Bénézech, qui
trouve quelques mois plus tard confirmation dans les propos du Dr Espinoza, qui
annonce « 400 à 500 [sida] d'ici cinq ans » dans les
prisons (Libération, 14/12/1987), marque un tournant dans la
représentation de l'épidémie de sida en prison. Longtemps
demeurée en marge, l'institution carcérale apparaît
désormais comme une des scènes privilégiées de
l'épidémie. Longtemps réfractaire à la
reconnaissance de ce risque, le journaliste Gilles Pial remarque peu de temps
après « la négligence avec laquelle les
autorités, belges ou françaises, traitent le problème du
Sida en milieu carcéral » : « L'univers
carcéral, qui abrite une grosse minorité de toxicomanes, reste
l'exemple du milieu "à risques" »1678(*)
(Libération, 4/05/1987).
D'autres acteurs condamnent publiquement la politique du
ministère de la Justice en la matière. Le Figaro publie
un long entretien avec le responsable du service de prise en charge des
détenus de Lyon, qui relativise la portée de
l'épidémie (une quarantaine de séropositifs sur 400
sérologies en deux ans), tout en soulignant « la politique de
l'autruche » adoptée jusque-là par
l'Administration1679(*). Au même moment, la prise en compte du
sida en prison est croissante au sein de la presse du fait des cas cliniques de
plus en plus lourds auxquels sont confrontés les soignants en
prison1680(*). « Un condamné à mort
est libéré », titre Le quotidien de Paris dans
un article commentant la libération d'un détenu malade à
qui fut refusé toute demande de mise en liberté provisoire
jusqu'au jour de son affaiblissement ultime1681(*). « Sida en
prison : la double condamnation », titre Libération
le 1er octobre 1987 suite à la mort d'un détenu
dont la séropositivité était connue. Le journaliste
spécialisé sur la question du sida à Libération
abandonne sa prudence initiale pour dénoncer « la prison
des séropositifs » :
« Le système pénitentiaire est
malade du Sida. Passées les premières phases de
comptabilité morbide (combien de séropositifs ? combien de
malades du sida ?), médecins des prisons et autorités
pénitentiaires ont désormais la maladie à gérer, et
d'infinies problématiques à résoudre [...] Le
problème du Sida demeure, en prison, une préoccupation
essentielle. En atteste le chiffre des toxicomanes qui ne cesse de
croître dans les différents bulletins
épidémiologiques produits par le bureau OMS de Paris.
Jusqu'à 63% de séropositifs sur une centaine de volontaires dans
une prison parisienne »1682(*).
Cette nouvelle médiatisation n'est pas sans
préoccuper le ministère de la Justice. En atteste une note
adressée par le Directeur de l'Administration pénitentiaire au
Conseiller technique du garde des Sceaux en réaction à la
publication de cet article de Libération : « Ce taux
(63%) reflète la situation de la région parisienne à un
moment donné mais il ne serait pas scientifiquement recevable de
l'extrapoler à l'ensemble des établissements
»1683(*). Traitée jusque-là de
façon discrète, la question du sida en prison est, à
l'été 1987, l'objet d'une politique publique et ce alors que la
lutte contre l'épidémie de VIH passe au niveau national sous la
responsabilité de l'Etat. Cette politique davantage volontariste de
l'Etat en matière de prise en charge du sida n'est pas sans lien avec la
politisation croissante du sida apparue sous l'effet des partis
extrémistes et, comme l'appelle Nicolas Dodier, du « retour du
spectre antilibéral »1684(*). Dans un contexte préélectoral,
les propos du président du Front National annonçant la mise en
place de « sidatoriums » à l'image des politiques
adoptées à Cuba ou en Bavière, provoquent un grand
émoi1685(*). Face à ces craintes, les
décideurs font de la politique du sida en prison un objectif.
Michèle Barzach tente ainsi, en vain, d'obtenir la distribution de
préservatifs en détention.
Un groupe de travail Santé/Justice est
créé à l'occasion. Il écarte l'idée d'un
dépistage systématique ainsi que la distribution de
préservatifs mais propose la mise en place de « liaisons
institutionnelles [...] entre les structures hospitalières et les
infirmeries des prisons » (QDM, 24/07/1987).
L'arrivée des premiers praticiens hospitaliers ne se concrétise
qu'en 1988 avec l'intervention des Centres d'information et de soin de
l'immunodéficience humaine (CISIH)1686(*). Plus de trois ans
auront été nécessaires à la reconnaissance
officielle par le ministère de la Justice de la
sur-représentation de l'épidémie de sida en prison et ce,
en partie, grâce notamment à la persévérance d'un
psychiatre1687(*). Pendant ce laps de temps les
établissements ont été contraints d'innover, les
directeurs et les médecins les plus volontaristes pratiquant une sorte
de « bricolage préventif » tandis que d'autres
demeuraient plus attentistes1688(*). L'intervention, à partir de 1988, des
praticiens hospitaliers en prison marque le déclin du régime
d'exception qui marquait jusque-là la gestion de
l'épidémie en milieu carcéral.
2. L'intervention des CISIH en
milieu carcéral : une ouverture de la prison vers l'Hôpital
ou de la Santé envers les prisons ?
Journaliste : « Jacques a trente ans, il
est malade du sida, lorsqu'il a été incarcéré en
septembre 1985, il se savait séropositif ; brutalement son
état de santé s'est dégradé, Jacques a alors
plusieurs fois demandé par lettre un médecin, mais comme il
l'écrit lui-même, depuis plusieurs fois dit-il c'est en vain.
Finalement son avocat obtient du juge d'instruction qu'un expert soit
nommé, nous sommes en mai 86, le Dr P. Arter consigne dans son
rapport les troubles de Jacques, demande un test de dépistage du sida,
et souhaite que le malade soit transféré à l'hôpital
de la prison.
Au-delà de cette affaire, sur le front du sida,
c'est l'état d'urgence dans les prisons françaises. Ils sont
8.000 toxicomanes à être incarcérés aujourd'hui.
Parmi eux, près des trois quarts sont séropositifs, et ils seront
500 malades atteints du sida à être diagnostiqués dans les
centrales dans les deux années qui viennent. Dès lors, certaines
questions deviennent incontournables : les prisons sont-elles
équipées pour prendre en charge sur les plans médical et
psychologique des malades aussi lourds ? Et versant économique,
l'Administration pénitentiaire peut-elle, vu l'absence de protection
sociale pour les détenus, assurer seule les frais occasionnés par
les traitements très chers. A titre d'exemple, les détenus
atteints du sida ne sont pas traités par l'AZT, le seul
médicament qui, à ce jour freine pourtant l'évolution du
sida »1689(*).
Interpellés par la presse, mais également par
les organisations internationales1690(*), les pouvoirs publics mettent progressivement
en place une politique publique de prise en charge des détenus
séropositifs. En atteste la circulaire Santé/Justice datée
du 1er février 1988 ayant pour objet « la
participation de l'Administration pénitentiaire à la politique
nationale de lutte contre le SIDA » publiée au Bulletin
officiel du ministère de la Justice, et ce contrairement à
celle de septembre 19851691(*). Y sont rappelées les principales
dispositions adoptées antérieurement (dépistage
volontaire, pas d'isolement) ainsi que la nécessité de mettre en
place des formations à destination des détenus et, surtout, des
surveillants. Fait nouveau, cette circulaire insiste sur la mise en place de
« liaisons institutionnelles [...] entre les établissements
pénitentiaires et les hôpitaux afin de faciliter l'accès
des détenus malades aux structures de soins hospitalières, et
l'organisation des consultations spécialisées au sein des
établissements pénitentiaires ». Cette idée,
encore vague, se précise dans le rapport sur le sida en prison
confié par Albin Chalandon à Solange Troisier, membre du Conseil
économique et social (LM, 12/02/1988).
Tout en considérant que la prison n'est pas
« sidatogène », l'ancien Médecin-inspecteur
évoque une moyenne de 6% de séropositifs avec des pointes
jusqu'à 13% dans de grands établissements comme
Fresnes1692(*). Elle s'oppose à la mise en place d'un
dépistage systématique, jugé inutile et trop coûteux
(20 millions de francs). Enfin, estimant que « la prison n'a pas les
moyens suffisants pour faire face à la prise en charge médicale
des détenus », Solange Troisier recommande « le
recours des services spécialisés des hôpitaux ».
En conclusion, elle préconise la mise en place de protocoles entre
chaque établissement et le centre hospitalier le plus proche
« afin d'organiser les modalités de consultations, d'examens
et de soins pour les détenus séropositifs
malades »1693(*).
Les conventions avec les établissements hospitaliers
visent à faciliter l'intervention de praticiens
spécialisés, à un moment où le sida engendre de
nombreux problèmes dans l'organisation des soins, dans les prisons
souvent dépourvues du matériel le plus
élémentaire1694(*). Les affections opportunistes liées au
développement de la maladie laissent craindre une augmentation du nombre
d'hospitalisations à la charge de l'Administration
pénitentiaire1695(*), comme le suggère Jean
Tchériatchoukine de l'IGAS : « Le nombre de détenus
[hospitalisés] est en augmentation, de plus avec la vague de SIDA, on
peut craindre que cette tendance ne s'accélère. Dans trois ou
quatre ans, des problèmes d'hospitalisation et de prise en charge des
malades à l'intérieur et à l'extérieur des prisons
vont se poser de façon plus aiguë qu'actuellement, si des
traitements et des vaccins opérants ne sont pas
découverts »1696(*). Pour éviter ces hospitalisations,
certains médecins tentent d'aménager les espaces médicaux
à leur disposition. C'est notamment le cas du nouveau
médecin-chef des Baumettes, très soucieux des économies
pouvant être réalisées, comme en atteste le projet de
réorganisation qu'il soumet à sa direction
régionale :
« En détention, à la PHB, un
aménagement particulier est déjà programmé. Il
concerné deux cellules spécialement équipées
à peu de frais pour accueillir deux malades en traitement pour Sida au
stade IV [le plus grave]. En effet, actuellement dans le service de M. le
Professeur Gastaut à l'Institut Paoli Calmettes, nous avons trois
malades qui y passent environ dix jours par mois [...] Nos infirmières
vont effectuer de petits stages dans des services spécialisés
habitués à ces thérapeutiques. Ainsi, l'hospitalisation
moyenne de dix jours pourra très facilement être réduite au
moins à six. Quatre jours d'hospitalisation en moins par malade, douze
jours par mois d'économisés »1697(*).
Saisi de la proposition du médecin-chef, le DAP
émet cependant des réserves sur les possibilités
réelles de prise en charge de détenus malades du sida :
« J'estime en effet que cette situation présente des risques
sérieux de dérapage [...] Il m'apparaît donc
prématuré de mettre en place un dispositif que nous n'avons pas
les moyens de contrôler »1698(*). Une politique
d'ouverture vers le dispositif hospitalier est privilégiée par le
ministère de la Justice, notamment par le biais de la création de
« consultations avancées ». Ces consultations sont
présentées, par une équipe de praticiens ayant mis en
place un tel dispositif, comme un moyen permettant de
« réduire considérablement les extractions inutiles,
qui mobilisent du personnel de surveillance, des moyens de transport, sans
compter les risques d'évasion »1699(*).
Pourtant, faute d'avoir envisagé le financement du
dispositif, la proposition de Solange Troisier de recourir aux hôpitaux
de proximité demeure un voeu pieu. Quelques accords locaux sont
néanmoins réalisés à l'initiative de
médecins-chefs volontaristes. C'est ainsi qu'une convention est
signée en mai 1988, à l'initiative du Dr Bénézech,
entre la M.A de Gradignan et le service de médecine interne du Pr
Beylot, qui assure gratuitement les consultations à raison de trois fois
par mois (Le Quotidien du médecin, 3/12/1987). Une autre
convention lie le service médical de Fleury-Mérogis,
dirigé par Xavier Emmanuelli, et le service du Pr Gentilini de la
Pitié-Salpêtrière. Le ministère de la Justice n'est
alors pas en mesure de prendre en charge ce dispositif jugé trop
coûteux. L'intervention de praticiens spécialisés a, en
effet, pour effet un recours accru aux nouveaux médicaments, souvent
hors de portée du budget de l'Administration pénitentiaire.
Le retour de la gauche au pouvoir accélère la
mise en place d'une politique publique en matière de prise en charge du
sida. Mise en sommeil depuis 1986, la commission Santé/Justice est
réactivée. Dès la première réunion, le 26
septembre 1988, il y est question de la prise en charge du sida1700(*). Un magistrat
chargé des questions de santé à la DAP souligne
d'emblée « la question des traitements (AZT) et de leur
coût ». Le médecin-chef de Fleury, Xavier Emmanuelli,
« insiste sur le coût du traitement par AZT (120 francs par
malade et par jour) sans compter la surveillance et les examens biologiques et
l'explosion budgétaire qui peut en résulter ». Il
ajoute que le regroupement des malades est, pour des raisons
organisationnelles, nécessaire, ce à quoi le directeur de
l'Administration pénitentiaire répond « qu'il est
impensable de transformer les établissements pénitentiaires en
centres de soins permanents ». Le Conseiller technique du ministre de
la Santé, Jean-Paul Jean, intervient alors pour souligner qu'à la
suite d'une visite de l'Hôpital de Fresnes avec le Pr Got, il a pu
constater que le regroupement des malades n'est pas souhaitable avant d'ajouter
qu'il est possible « d'envisager soit une dotation ad hoc
allouée à l'administration pénitentiaire soit la prise en
charge médicale supportée par l'assurance maladie ». Au
terme de la réunion est constitué un groupe de travail
spécifiquement consacré à la gestion du sida en prison.
L'idée d'une prise en charge des détenus
séropositifs par le secteur hospitalier se heurte à deux
difficultés, l'une financière et l'autre organisationnelle. Lors
d'une réunion regroupant les différentes directions du
ministère de la Santé, il est d'emblée souligné que
« la question de la couverture sociale des détenus est la
pierre d'achoppement pour une bonne prise en charge de la santé en
milieu carcéral »1701(*). Les représentants de la Santé
proposent que les actions de prévention et de dépistage
réalisées par des médecins de l'Administration
pénitentiaire soient financées sur les fonds DGS tandis que les
consultations de médecins hospitaliers soient prises en charge par la
Direction des hôpitaux. Ils s'opposent en revanche à la
proposition du Conseiller technique de Claude Evin, Jean-Paul Jean, que
« tous les frais engendrés par l'hospitalisation des
détenus malades du SIDA » soient à la charge du
ministère de la Santé, en faisant remarquer « le gros
risque de dérive vers une hospitalisation quasi-générale
de tous les malades du SIDA ». La Direction de la
sécurité sociale est quant à elle opposée au second
volet de ce dispositif, à savoir l'intervention de médecins
hospitaliers. Un accord est néanmoins conclu grâce à
l'intervention de Jean-Paul Jean :
« C'est un arbitrage entre la DGS et la
Sécurité sociale, pour faire prendre en charge par le
ministère de la Santé le coût du dépistage des
détenus. J'avais rendu l'arbitrage avec l'accord de mon ministre [...]
Ils n'osaient pas trop s'opposer. Sur le sida, on a toujours eu les moyens.
Ça n'a pas été un arbitrage d'une violence
absolue »1702(*).
Un second problème subsiste néanmoins. Si le
principe d'une intervention hospitalière en milieu carcéral est
adopté, reste à savoir qui acceptera d'effectuer ce travail, les
praticiens hospitaliers étant réfractaires à l'idée
d'intervenir en prison. Sur la proposition de Gabriel Bez, chargé de la
mission sida à la Direction des hôpitaux, les Centres
d'information et de soins de l'immunodéficience humaine (CISIH),
structures créées en 1988 en tant que pièce
maîtresse de la lutte contre le sida, sont finalement chargés de
cette mission1703(*) :
« Il y avait Gabriel Bez qui était
chargé de mission sur le sida à la Direction des hôpitaux.
Tout seul. Il avait un bureau de six mètres carrés, tout seul, et
il gérait tous les budgets sur le sida. Il gérait des centaines
de millions de francs quasiment tout seul. Il est venu me voir un jour en me
disant : "Voilà, j'ai une idée, je vous apporte un
projet de circulaire". Et c'était la circulaire sur les CISIH
»1704(*).
La circulaire du 19 avril 1989 instaure à titre
expérimental l'intervention de sept CISIH dans huit
établissements carcéraux1705(*). Le coût des consultations est à
la charge de l'hôpital tandis que les hospitalisations demeurent de la
responsabilité de l'Administration pénitentiaire. Ainsi, comme le
déclare Jean-Paul Jean lors d'une réunion du Comité
Santé/Justice, « contrairement à ce qui avait
été envisagé un moment, la charge financière des
hospitalisations de détenus séropositifs ne sera pas prise en
compte par son Département, dans l'ignorance des coûts qu'elles
peuvent représenter »1706(*). Ce dispositif n'est en outre que
« transitoire » à l'année 1989,
précise Jean-Baptiste Brunet de la DGS, puisqu'il est
« destiné à régler les problèmes urgents
et aider l'administration pénitentiaire à passer un cap
difficile ». L'apparition des premières consultations
hospitalières en milieu carcéral pour la prise en charge du sida
apparaît ainsi comme le fruit d'une négociation sur le fil,
où les arguments de « santé publique » sont
tempérés par les arguments budgétaires. La circulaire du
19 avril 1989 est d'ailleurs signée, sur l'insistance de son Conseiller
technique, par Claude Evin lui-même afin d'en assurer
l'effectivité.
Le dispositif, d'abord expérimental, est étendu
en 1990 à cinq autres établissements puis, en 1991, à cinq
établissements supplémentaires, portant leur total à
dix-huit1707(*). Contrairement aux craintes, il semble avoir
reçu, à quelques exceptions1708(*), un accueil favorable
des praticiens hospitaliers, au point que le médecin-chef des Baumettes
s'étonne de la facilité avec laquelle il obtint leur accord :
« Ce qu'il faut savoir, c'est que tous les gens auxquels on s'est
adressé ont tous accepté avec une facilité qui m'a
déconcerté. Ça les
intéressait ! »1709(*). Cet intérêt n'est probablement
pas sans lien avec l'importance que les prisons avaient dans la
réalisation d'études épidémiologiques à un
moment où se développait un nouveau champ de recherche
scientifique à partir du sida, comme le souligne un médecin de
Fleury-Mérogis :
« Les prisons étaient une
réserve.... Moi, je me rappelle, à l'époque j'avais une
nièce qui venait faire sa thèse sur le sida. Elle venait en
prison parce que c'est là où il y avait le plus de sidéens
sous la main ! Vous faisiez une recherche sur le sida, vous aviez tout ce
que vous vouliez ! »1710(*).
Le médecin-chef de Fleury-Mérogis, Xavier
Emmanuelli rend compte de la convention dont il fut à l'origine avec le
service du Pr Gentilini, outre les liens personnels, par le profil
épidémiologique spécifique aux prisons :
« C'était un monde qu'ils ne connaissaient pas !
C'étaient les premiers... De voir le sida avec toxicomanie. Maintenant
ça parait tellement naturel mais à l'époque,
c'était un territoire qu'on connaissait très
peu »1711(*). Ceux qui furent à l'origine de la
circulaire n'étaient d'ailleurs pas sans méconnaître cette
dimension qui faciliterait, selon eux, sa mise en oeuvre. « Cela
permettait aux centres de référence de leur donner une population
intéressante, "captive" comme on dit, et donc il y avait un
intérêt pour eux », observe Jean Favard1712(*). Deux professionnels
de santé des Baumettes expliquent de la même manière
l'empressement du Pr Jean-Albert Gastaut, chef du service d'hématologie
à l'Institut Paoli Calmettes, à intervenir personnellement en
milieu carcéral :
« Je crois qu'il avait compris que de toute
manière, il allait y trouver énormément de cas.
C'était un terrain intéressant pour lui. Y avait un grand
intérêt médical pour ses recherches [...] C'était
assez intéressant parce que c'est une population bien ciblée
déjà, qui restait, qu'on pouvait suivre... Alors que sur une
population extérieure, la plupart du temps, surtout pour les
toxicomanes, la plupart du temps, c'est pas facile de les
suivre »1713(*).
« Ben, je pense que déjà,
c'était un grand pool de malades de cette pathologie... Euh...
C'était à la fois un pool de malades et un pool de malades qui
étaient fixes. Je pense que parmi les malades du sida, il y avait
beaucoup de toxicomanes, et ce sont des gens qui ont une vie
complètement dissolue et donc une population qui est difficile à
suivre. En prison, on peut les cibler. Les revoir en consultation et donc voir
l'évolution. C'est un point qui devait l'intéresser
aussi »1714(*).
L'intervention de médecins hospitaliers en milieu
carcéral a d'importantes retombées sur le fonctionnement des
services médicaux pénitentiaires. Elle permet tout d'abord
d'apporter une information qui faisait jusque-là défaut à
des praticiens souvent coupés du milieu hospitalier en pointe de la
recherche. A son arrivée aux Baumettes, le Pr Gastaut organise une
formation à destination du personnel pénitentiaire et infirmier.
Une infirmière des Baumettes explique comment elle a pu
bénéficier d'« une semaine de formation au
CISIH »1715(*). Un praticien du même
établissement prépare un diplôme de spécialisation
sur le sida, devenant ainsi attaché du Pr Gastaut1716(*). Le Pr Pierre
Dellamonica, chef du service des maladies infectieuses de l'hôpital de
Nice, anime quant à lui personnellement des séances de
prévention à destination des surveillants (Quotidien de
Paris, 6/10/1987). Les deux consultations assurées par semaine par
ces praticiens hospitaliers permettent, en outre, aux médecins de prison
de se décharger de problèmes pour lesquels ils reconnaissent
souvent ne pas être compétents, comme le souligne ce
généraliste : « C'était très bien
parce que c'était une pathologie qu'on n'avait pas étudiée
au concours. On avait de bonnes relations [avec les médecins du CISIH]
et on pouvait les appeler. Donc quand on estimait qu'un malade relevait du
spécialiste, on lui faisait un petit mot et on l'inscrivait à la
consultation »1717(*). Recontextualisée dans le cadre d'une
médecine pénitentiaire peu perméable aux mutations du
monde médical, on comprend que l'intervention de praticiens hospitaliers
spécialisés fut perçue par certains médecins
travaillant en prison comme une opportunité, voire une
libération. En témoigne la manière dont ce praticien
décrit sa rencontre avec le responsable du service des maladies
infectieuses de la Pitié-Salpêtrière : « Je
me souviens de ce premier rendez-vous. Je ne les connaissais pas encore et on
leur avait dit : "Aidez-nous !" »1718(*).
Outre une meilleure information et une amélioration du
service médical et de la prise en charge des détenus, la venue de
ces praticiens hospitaliers apporte un regard neuf sur les carences de
l'organisation des soins en prison. C'est ce que constate aujourd'hui Jean-Paul
Jean : « C'est là où les médecins qui sont
entrés en prison ont vu... La pauvreté quoi ! Les moyens...
Je me rappelle que j'allais à Bordeaux, j'allais à
Aix-en-Provence et à chaque fois je rencontrais les médecins qui
travaillaient sur le sida à l'époque et on a vu des
problèmes énormes »1719(*). Certains praticiens
hospitaliers, particulièrement motivés, exercent alors un
rôle de lanceur d'alerte auprès de l'Administration
pénitentiaire. Le Pr Gastaut, intervenant personnellement, interpelle
ainsi dans un courrier le directeur des prisons des Baumettes sur la
difficulté à exercer en détention1720(*) : « La
porte reste ouverte en permanence du fait de la présence et du passage
à peu près incessant des gardiens et aussi des détenus
[...] La pièce n'est pas fermée à clef et les dossiers
restent dans des casiers ouverts, ce qui est pour le moins gênant
étant donné des informations qui y
figurent »1721(*). Un praticien hospitalier intervenant à
la M.A de Bordeaux souligne dans un courrier envoyé à la DAP les
difficultés auxquelles se heurte son intervention : « Le
secret médical est difficile à respecter même avec la
meilleure volonté, ne serait-ce que chez les malades sous AZT ;
l'hospitalisation reste une étape difficile à respecter dans des
structures mal adaptées ; à la sortie d'un détenu, il
apparaît souvent une rupture de suivi »1722(*). Les publications
étant nombreuses sur le sujet à cette époque, ces
médecins hospitaliers bénéficient de relais pour diffuser
leurs observations. Dans un numéro spécial consacré
à l'infection, une praticienne de Cochin effectuant des vacations
à La Santé décrit longuement ses conditions de travail
ainsi que la réalité carcérale à laquelle elle se
retrouve confrontée :
« La confidentialité et le secret
médical ne sont pas du tout assurés [...] Le manque de personnel
soignant a pour conséquence que ce sont les surveillants qui distribuent
les médicaments. Bien que formés et informés, ils ne se
sentent pas tenus au secret médical et tout le quartier sait très
vite si tel ou tel est séropositif ou non. Par ailleurs certaines
pratiques, quoique totalement illégales, sont tolérées en
prison : il y a des pastilles rouges sur les dossiers médicaux de
patients séropositifs [...] Enfin, et c'est plus grave, certains
services, dont celui des cuisines, exigent une sérologie HIV avant
d'autoriser les détenus qui demandent à y travailler, ce qui est
on ne peut plus illégal. Ceci a entre autres conséquences que
certains détenus séropositifs préfèrent refuser de
suivre les traitements dont ils pourraient bénéficier, en
particulier l'AZT, pour ne pas risquer d'être exclus et montrés du
doigt par leurs codétenus [...] Les détenus ne sont certes pas
des anges mais ce sont des personnes qui ont droit aux mêmes
égards que n'importe quelle autre personne et les prisons de
France-patrie-des-droits-de-l'homme sont une honte »1723(*).
Ce regard hospitalier est également porté par le
Pr Got dans le rapport sur le sida dont il est chargé par Claude Evin
à l'été 1987. Il décide, suite à la visite
de l'Hôpital de Fresnes, d'y évoquer la question des prisons, tant
sa surprise fut grande, comme le relate le Conseiller technique du ministre de
la Santé qui l'avait accompagné : « Il
était effaré par l'absence totale de moyens de
prévention ! Mais pas uniquement concernant le sida... Il s'est
étonné que les détenus puissent boire de la bière
ou encore qu'il n'y ait pas d'appareils de radiologie. Il n'y avait pas un seul
appareil de radiologie à la Maison d'arrêt de Fresnes qui est une
des plus grandes de France ! Et puis sur les préservatifs, tout
ça... »1724(*). Dans son rapport, Claude Got note la
nécessité d'appliquer au milieu carcéral les mêmes
règles que celles qui régissent l'ensemble du système
sanitaire mais surtout de modifier en profondeur l'organisation des
soins :
« Le problème n'est
pas : le SIDA et la prison, mais d'abord : organisation du
système de soins dans les prisons [...] Le problème de la
santé dans les prisons est d'abord le développement de prisons
adaptées à leurs tâches avec des systèmes de soins
dignes de ce nom. Certaines prisons françaises ne sont pas plus capables
de prendre en charge les toxicomanes séropositifs que de soigner les
dents des prisonniers »1725(*).
La publication du rapport Got, fin janvier 1989, permet
d'ouvrir une fenêtre médiatique sur le problème de
l'organisation des soins en détention. Le Figaro remarque
qu'« on bute encore sur la situation dramatique de la médecine
pénitentiaire [...] Le Sida a agi comme un révélateur de
la misère médicale dans les prisons » (LF,
07/02/1989). « Là, tout reste à faire. Misère
des prisons, marginalisation des toxicos, dénuement des "sans
Sécu" », note Marie-Ange Adler (L'Evènement du
jeudi, 2-8/02/1989). « Le nombre, de plus en plus
élevé, de toxicomanes atteints du Sida qui seront amenés
à séjourner en prison dans les prochaines années,
n'oblige-t-il pas à repenser le fonctionnement de la médecine
pénitentiaire ? », s'interroge enfin Franck Nouchi
(LM, 24/05/1989).
La mise à l'agenda de la prise en charge sanitaire du
sida en prison fut alors probablement facilitée par la publication
croissante de témoignages sur le sort de détenus malades.
Libération décrit l'« agonie » d'un
malade condamné à une peine de six mois et
décédé en détention1726(*) ou encore les
conditions de vie d'un sidéen de 25 ans incarcéré à
Fresnes : « L'hygiène carcérale, Stéphane
la décrit en bafouillant [...] Pas d'hygiène, pas plus de soins.
Les "fioles" de tranquillisants tiennent lieu de traitements, ils font oublier
fièvres et douleur [...] "On ne m'a jamais proposé d'AZT, le seul
médicament efficace actuellement" [...] Dimanche, terrassé par la
fièvre, Stéphane a pu après trois heures d'attente
rencontrer le médecin de garde »1727(*). Un journaliste
souligne l'« absurdité » de vouloir soigner de tels
malades en détention : « Un règlement
carcéral, aussi nécessaire soit-il, paraît
dérisoire, voire absurde, devant cette maladie
mortelle »1728(*).
La circulaire du 19 avril 1989 instaurant l'intervention des
CISIH en détention est fréquemment décrite comme un moment
important dans l'histoire du « décloisonnement » de
la médecine pénitentiaire. Repliée sur elle-même,
l'Administration aurait alors été contrainte d'ouvrir ses portes
à des praticiens extérieurs auprès desquels elle ne
disposait d'aucune influence. On a cependant trop souvent occulté
l'ouverture du système de santé français vers les prisons
qu'impliquait également ce dispositif. Considérant que la prise
en charge médicale des détenus relevait de la Chancellerie, les
responsables hospitaliers et administratifs ont longtemps été
réfractaires à exercer en milieu carcéral. A partir de
1988, l'arrivée de praticiens hospitaliers parfois
réputés, le rapport établi par un spécialiste de
santé publique ainsi que la médiatisation croissante des
difficultés éprouvées par la DAP favorisent la prise en
compte des prisons dans la politique de santé publique. C'est ainsi
qu'à partir de juin 1988 le service de statistiques du ministère
de la Santé recense dans une enquête nationale « un jour
donné » le nombre de patients porteurs du VIH connus par les
services médicaux pénitentiaires.
La circulaire Santé/Justice du 17 mai 1989
définissant les « mesures de prévention
préconisées dans l'institution pénitentiaire dans le cadre
du plan national de lute contre le sida » témoigne de cette
préoccupation croissante du ministère de la Santé pour la
santé des détenus. Afin de « promouvoir une
véritable politique de prévention dans les établissements
pénitentiaires », le texte précise les conditions de
réalisation du dépistage dont le coût est pris
conjointement en charge par le ministère de la Santé (à
hauteur de 30%) et par l'Administration pénitentiaire (70%). La
circulaire prévoit, d'autre part, que soit remis à tous les
sortants des préservatifs et que ceux-ci soient également «
disponibles auprès du service médical de l'établissement
pour les détenus qui en font la demande »1729(*). Evoquant
l'épidémie de sida, le Dr Pierre Espinoza confirme que
« c'est un moment où il y a eu des liens forts avec les
hôpitaux »1730(*). Enfin, le 28 mai 1990, un protocole est
signé entre l'ENAP et l'Agence française de lutte contre le sida
afin d'assurer la sensibilisation des surveillants dès leur formation
initiale1731(*). En dépit de ces interactions
croissantes entre les autorités sanitaires et pénitentiaires, le
ministère de la Santé n'intègre pas pleinement la question
de la prise en charge médicale des détenus. En atteste l'analyse
de la communication du ministre de la Santé en matière de lutte
contre le sida (Cf. Encadré). Au sein du système
politico-administratif français la santé des détenus
relève encore pleinement du ministère de la Justice.
LA DIFFICILE PRISE EN COMPTE DES
DETENUS, DANS LA POLITIQUE DE COMMUNICATION DU MINISTRE DE LA SANTE
CONCERNANT LE SIDA
La communication en matière de politique de lutte
contre le sida atteste la difficulté pour le ministère de la
Santé d'« assumer » cette prise en compte, voire
prise en charge, des détenus, officiellement placés sous la
responsabilité de la Chancellerie. La question carcérale est dans
un premier temps quasi-absente de la présentation officielle du
ministère de la Santé. Dans sa déclaration du 3 octobre
1988 en conseil des ministres, Claude Evin précise seulement que
« certains groupes particulièrement exposés (les
prostituées, les toxicomanes, les détenus...) doivent faire
l'objet d'actions de prévention spécifiques »1732(*). Lors de sa
présentation le 15 novembre 1989 du plan de lutte contre le sida, le
ministre de la Santé ne fait toujours pas mention des conventions
hôpital-prison qui figuraient pourtant dans le projet
rédigé par son Conseiller technique1733(*). Le dossier de presse
« Un an de lutte contre le sida. 1988-1989 » ne fait,
enfin, aucune référence aux prisons. Ce faible affichage
politique traduit la difficulté pour une administration à
intégrer des préoccupations qui lui ont presque toujours
été étrangères.
Le nouveau dispositif et ses implications ont probablement
favorisé une progressive prise en compte de la question sanitaire en
prison par les services du ministère de la Santé comme en
témoigne l'évolution de la communication ministérielle sur
ce sujet. Le « Bilan de deux années de lutte contre le
sida » rendu public fin 1990 présente ainsi pour la
première fois les mesures développées en milieu
carcéral, dont le déblocage d'un budget supplémentaire de
5,5 millions de francs. Témoigne également de l'engagement
croissant du ministère de la Santé la composition du
Comité interministériel Santé/Justice1734(*). Auparavant
sous-représenté au regard de la Chancellerie, seule l'IGAS et la
DGS y assistaient systématiquement et les chefs de service
étaient rarement présents, le ministère de la Santé
y occupe désormais une place au moins équivalente à celle
du ministère de la Justice. Quatre ou cinq membres de la DGS sont
présents, dont son sous-directeur, Mme Pierre. Enfin, figurent deux
membres de la DH. Le Comité est d'ailleurs dorénavant
coprésidé par Michel Lucas, Chef de l'IGAS. Si les CISIH ont sans
aucun doute marqué une première ouverture de l'Administration
pénitentiaire aux praticiens hospitaliers, ils ont également
favorisé une sensibilisation du ministère de la Santé
à la prise en charge médicale des détenus.
__________________________________________________
Dans quelle mesure l'épidémie de sida peut-elle
être considérée comme un
« réformateur » de l'organisation des soins en
prison ? Maladie pour laquelle l'Administration pénitentiaire a
tenté pendant un temps de mener une politique discrète, et ce de
manière essentiellement interne, le sida a constitué un argument
de réforme pour les membres du ministère de la Justice
désireux de faire évoluer la prise en charge médicale des
détenus. « L'expression de Daniel Defert du sida comme
réformateur social... C'était ça ! Pour
débloquer les dossiers, personne ne résistait »,
s'exclame le Conseiller technique de Claude Evin1735(*). C'est à
partir des difficultés éprouvées par l'Administration
pénitentiaire que ces réformateurs ont plaidé en faveur
d'un rapprochement entre les deux ministères. La difficile gestion de
l'épidémie par les établissements semble alors achever de
convaincre certains décideurs publics. Une note de la directrice de
cabinet de Pierre Arpaillange, Noëlle Lenoir, au cabinet du Premier
ministre souligne lors de la mise en place des CISH, outre le coût des
traitements pour la DAP (41 millions de francs en 1989)1736(*),
l'inadéquation entre l'organisation des soins et les besoins liés
à la prise en charge de l'épidémie :
« L'engagement de l'Administration
pénitentiaire dans une politique de prévention lourde mobilisant
des moyens très onéreux pose le problème de sa mission
à l'égard de la santé des détenus. La mise en
oeuvre d'un objectif sanitaire de cette importance excède, à
l'évidence, les moyens voire la compétence de la seule
Administration pénitentiaire [...] Le suivi des détenu
séro-positifs ne manquera pas de provoquer un surcroît de travail
que les médecins et les infirmiers auront les plus grandes
difficultés à assumer. Or, le budget 1989, malgré les
demandes qui ont été faites en ce sens, ne prévoit pas
d'accroitre sensiblement le nombre de personnels soignants en
prison »1737(*)
Car effectivement l'intervention de praticiens hospitaliers ne
résout pas les problèmes de gestion de l'épidémie
en détention. A l'inverse, la création des CISIH rend visible
certains problèmes propres à l'organisation des soins en prison,
tel le difficile respect du secret médical. La présence de
praticiens spécifiques rendait, en effet, plus aisé
l'identification des détenus séropositifs, comme le soulignent ce
médecin et cet infirmier ayant exercé en M.A :
« Mais il fallait faire attention, parce que du
coup ça étiquetait les gens notamment auprès de la
détention. Car quand les médecins de la Pitié arrivaient,
et quand on demandait les détenus en détention, tout le monde
savait qu'ils allaient à la consultation de la Pitié et donc
qu'ils étaient VIH. Ça a posé un problème...
Ça a donné lieu à des refus de prise en
charge »1738(*).
« Comme il y a avait un spécialiste du
sida qui venait, on pouvait tout de suite repérer les détenus qui
étaient malades ou qui étaient séropositifs... Comme
c'était les surveillants qui les emmenaient en consultation, tout de
suite ils les montraient du doigt »1739(*).
La gestion de l'épidémie de sida en prison se
traduit par de nombreux problèmes éthiques, dont le secret
médical. Elle confronte les professionnels de santé
exerçant en détention à de nouvelles difficultés
auxquelles ils sont mal préparés. Elle contribue à
aggraver leurs conditions de travail. L'épidémie de sida remet en
cause l'équilibre précaire sur lequel était fondé
le fonctionnement de chaque infirmerie pénitentiaire et contraint
à en transformer les règles. Le renouvellement d'une partie des
praticiens en place et l'intervention d'hospitaliers favorise l'affirmation
d'une médecine autonome, dégagée de la tutelle
pénitentiaire.
Section 2 - Une nouvelle
conception des soins en prison ? L'affirmation d'une médecine
non-pénitentiaire
Deux facteurs contribuent entre le milieu et la fin des
années quatre-vingt à une remise en cause des règles
régissant l'organisation du service médical pénitentiaire
et à l'essor d'une nouvelle conception des soins : une
insatisfaction croissante des soignants pénitentiaires d'une part et le
renouvellement des praticiens en poste d'autre part. Beaucoup de praticiens
observent, tout d'abord, une dégradation de leurs conditions d'exercice.
La surpopulation croissante se traduit notamment par une augmentation de leur
charge de travail. C'est ainsi que le médecin de la M.A de Poitiers,
exerçant depuis moins d'un an, justifie en 1985 sa
démission : « En raison de difficultés internes et
administratives, étant donné la très forte augmentation du
nombre de consultations, la fréquence des appels en dehors de celles-ci,
les tâches d'hygiène, de surveillance, de visite des locaux, de
prévention qu'on nous demande d'exercer en plus, je ne pense pas pouvoir
exercer ce travail avec la rigueur nécessaire »1740(*).
Le développement du sida et l'émergence de
maladies opportunistes se traduisent, seconde source d'insatisfaction
professionnelle, par une hausse des hospitalisations civiles, que
l'Administration pénitentiaire n'est pas toujours en mesure d'assurer.
C'est ce que confirme l'avertissement adressé par un directeur
d'établissement à la DAP : « Le docteur se plaint
que les consultations [hospitalières] qu'il prescrit ne sont pas
toujours effectuées dans les délais raisonnables, voire qu'elles
sont purement et simplement annulées. C'est tout à fait exact. En
effet, nous n'avons pas les moyens matériels et humains pour assurer
toutes les consultations demandées »1741(*).
Enfin, les professionnels de santé se trouvent avec le
développement du sida progressivement confrontés à des cas
cliniques lourds, comme en témoigne ce médecin ayant connu toutes
les différentes phases de l'épidémie : « On a vu
arriver des gens... On a commencé à comprendre qu'on ne pouvait
pas les soigner. On basculait tout à coup d'une population de gens quand
même majoritairement jeunes et plutôt en bonne santé, et
même si certains étaient négligés, à des gens
quand même gravement malades... »1742(*). C'est cette
transformation née de la rencontre entre le sida et la toxicomanie que
résume Xavier Emmanuelli, alors médecin-chef à
Fleury-Mérogis :
« C'était l'épidémie dans
l'épidémie. Et ça a complètement changé le
point de vue de la prison, si vous voulez, sur la clientèle qu'elle
n'avait pas l'habitude de voir. On ne se trouvait plus dans la même
perspective. Le détenu moyen était un homme jeune, entre
vingt-cinq et trente-cinq ans qui était un peu frustre mais qui n'avait
pas de problème de santé majeur. Et il suffisait d'avoir des
soins d'une infirmière et les médecins se contentaient de faire
des vacations. C'étaient plaies, bosses, bobos. C'était ça
l'essentiel de la pathologie ! Au fond, c'étaient des gens en bonne
santé... sans quoi ils n'auraient pas pu faire leurs
délits ! Et puis là, [...] changement de perspective. Des
toxicomanes avec des lésions, organiques et
psychiques » 1743(*).
Ce mouvement de professionnalisation de l'exercice
médical en prison est, en second lieu, en partie lié au
renouvellement progressif des médecins qui s'opère au cours des
années quatre-vingt. La mise en place d'un contrôle de
l'assiduité depuis 1983 a en effet pour conséquence la
démission de nombreux praticiens1744(*), souvent en poste depuis longtemps, et leur
remplacement par des médecins plus jeunes. Ce renouvellement
était d'ailleurs l'un des objectifs de ce contrôle de
l'assiduité, si l'on en croit cette note adressée par le
directeur du Bureau des personnels, François Antonioni, au DAP au sujet
de la réorganisation des infirmeries : « De telles
mesures, par des contrôles plus précis et plus fréquents,
rajeuniraient le "corps" des médecins pénitentiaires en excluant
ceux qui, bénéficiant d'une clientèle extérieure
assurée, n'offrent plus aux soins des détenus la même
disponibilité, n'apportent plus à la pratique de leur art le
même souci de qualité et se montrent moins vigilants sur le
respect pourtant nécessaire des règles
déontologiques »1745(*).
Ces contrôles ont en effet eu pour conséquence la
démission de nombreux praticiens, souvent en poste depuis longtemps, et
leur remplacement par des médecins plus jeunes. En 1985, douze
généralistes voient leur fonction supprimée et vingt-huit
(17)1746(*)
cessent leur fonction tandis que trente-deux sont
recrutés1747(*). On compte en 1986 vingt-neuf départs
(25) contre seize embauches. En 1987, vingt-deux départs (15) et
vingt-quatre recrutements. En 1988, vingt-et-un départs (15) et
vingt-sept embauches. En 1989, vingt-et-un départs (7) contre sept
recrutements. Sans qu'on puisse prendre en compte la démission de
personnes venant d'être récemment embauchées, le
départ en quatre ans, de cent vingt-deux praticiens et l'embauche de
cent six généralistes assure un renouvellement de plus des deux
tiers des médecins exerçant en prison. Plusieurs de ces nouveaux
praticiens, pour lesquels le milieu carcéral est une découverte,
sont surpris du manque de moyens à leur disposition. C'est par exemple
le cas de Françoise qui après deux ans d'activité en
Côte d'Ivoire accepte un poste à la M.A de La Santé
où elle est très rapidement déçue par ce qu'elle
découvre : « Je suis restée un mois
là-bas... Je trouvais ça bizarre la façon dont ils
travaillaient là-bas ! [...] Je trouvais que sa médecine [au
médecin-chef] était un peu restreinte »1748(*).
Intéressée par le milieu carcéral, elle décide de
postuler à la M.A de Bois d'Arcy où elle tente de modifier
certaines pratiques qui lui déplaisent :
« On travaillait dans l'urgence [...] C'est les
surveillants qui faisaient les radios. On avait des détenus qui
préparaient les médicaments [...] J'ai toujours dit que
c'était anormal que les infirmières fassent de l'exercice
illégal de la médecine, que les surveillants soient
présents [...] On était très peu payé et au
départ on m'avait dit : "Houai, tu as tant d'heures dans ton
contrat mais de toute façon, t'es tellement mal payée que t'en
fais que le tiers !". Mais après le médecin-chef est parti,
donc je me suis retrouvée responsable du service. Il y a eu d'autres
médecins qui ont été embauchés et moi je leur
disais : "Ecoutez, c'est à prendre ou à laisser mais
j'estime qu'on est payé pour faire tant d'heures et il faut les
faire !"».
Hélène, devenue interne à Fleury en 1983,
est également surprise à son arrivée par le manque de
moyens et la difficulté à préserver le secret
médical : « C'était par exemple l'absence
d'électrocardiogramme par infirmerie. C'était quand même
beaucoup de questions de procédure qualité, comme par exemple par
rapport au secret médical. Les armoires à dossiers qui ne
fermaient pas forcément à clef. Des trousses d'urgence qui
étaient un peu aléatoires »1749(*). D'autres supportent
difficilement les contraintes pénitentiaires qui pèsent alors sur
l'organisation des soins. C'est le cas de Martine qui devient en 1984 interne
à l'Hôpital de Fresnes. Considérant que la médecine
« pénitentiaire » n'existe pas (« on fait
de la même médecine que les autres »), elle
découvre dès son premier jour de garde les contraintes
imposées par l'Administration pénitentiaire, qu'elle n'a depuis
cessé de dénoncer :
« Quand je suis arrivée, mon premier
patient, c'était un gitan qui faisait 1m90 et 110kg et qui avait une
anémie assez sévère, à cinq grammes. C'était
un samedi après-midi et ma réaction a été de
dire : "Il faut le transfuser !". Et j'ai eu des gens d'un
enthousiasme... très relatif. Pas du tout emballés ! [...]
Quand je suis arrivée, j'ai vite vu qu'il y avait une lourdeur du
système et un retard dans la prise en charge lié aux contraintes
judiciaires [...] A chaque fois que vous devez faire un examen
complémentaire et qu'on vous répond qu'il aura lieu dans trois
semaines... C'est à ce niveau là où des médecins
acceptaient plus facilement la contrainte. Moi, j'ai toujours refusé
d'accepter le retard mais ça demandait une dépense
d'énergie énorme. Avant, rien n'était
programmé ! Les gens attendaient dans leurs lits pendant deux voire
trois semaines... Ce n'était pas trop grave pour le patient mais, moi,
je n'acceptais pas. Quand un patient a une suspicion de tumeur il faut avoir la
confirmation dans la semaine ! Moi, j'ai vu des médecins qui
étaient beaucoup plus tolérants par rapport à ça.
En tous cas ils étaient plus dans la fatalité d'un système
qui leur imposait ça [...] Moi, je ne l'ai jamais accepté !
Je le disais. J'ai écrit ! J'ai écrit ! J'ai fait des
certificats pour dire que c'était
indispensable »1750(*).
La plus grande tolérance des médecins depuis
longtemps en poste évoquée par Martine confirme le regard nouveau
apporté par les praticiens récemment embauchés. Dans un
contexte de durcissement des conditions de travail, ces nouveaux praticiens se
comportent de manière différenciée. A l'encontre de la
réaction de démission ou de protestation adoptées par
certains médecins, apparaît une association de professionnels de
santé travaillant en prison. Ces
« médecins-réformateurs » plaident, notamment
à partir de l'épidémie de sida, en faveur d'une
autonomisation à l'égard de la DAP. On assiste ainsi à
l'émergence d'un segment de médecins pénitentiaires ne se
reconnaissant pas dans cette appellation et désireux, à ce titre,
d'être rattachés au ministère de la Santé (1).
L'arrivée de médecins-chefs souhaitant réformer le
fonctionnement du service médical de leur établissement participe
à l'affirmation d'une médecine identique à celle
exercée à l'extérieur, et ce, à l'encontre de la
« médecine pénitentiaire » toujours plus
contestée (2).
1. De la démission à
la mobilisation collective : l'émergence d'une association des
professionnels de santé exerçant en milieu carcéral
Confrontés à de fortes contraintes, les
professionnels de santé travaillant en milieu carcéral adoptent
des réactions distinctes. Certains, parfois après avoir averti
l'Administration, préfèrent démissionner. C'est le cas
d'un généraliste exerçant à la M.A d'Evreux depuis
1986 qui explique son départ par une
« rémunération dérisoire » mais
surtout « des manquements au bon fonctionnement du service
médical de cet établissement » dont il aurait
déjà fait mention de manière orale et écrite :
« L'émergence de sujets poly infectés en particulier
par le virus du s.i.d.a nécessite des moyens pratiques corrects pour les
prendre en charge (entres autres : pas de psychiatres à la Maison
d'Arrêt d'Evreux depuis plus d'un an). J'ai le regret de vous redire que
j'ai des doutes sérieux sur la bonne préservation du secret
médical et sur l'utilisation de la pharmacie de la Maison
d'arrêt »1751(*). Rappelé à l'ordre par
l'Administration pour non-respect de ses horaires, le médecin de la M.A
de Beauvais annonce également en 1988 sa démission qu'il justifie
par la faible rémunération (« Il s'agit d'un poste de
Médecine générale à responsabilité et
à hauts risques honteusement
rémunéré »), ainsi que par le durcissement
des conditions de travail :
« Mais il y a plus gave encore : depuis
plusieurs mois, les conditions sanitaires de cet établissement ne sont
plus acceptables : entassement littéral des détenus, pas de
soins dentaires depuis trois mois pendant l'installation du nouveau fauteuil,
les extractions pour consultations sont quasi-impossibles1752(*), il faut supplier au
téléphone pour obtenir un transfert à l'Hôpital de
Fresnes. Une grande partie des prescriptions sont faites par
l'infirmière en l'absence du médecin ! Pour toutes ces
raisons, j'estime que ma dignité d'homme et de médecin
m'empêche de travailler dans ces conditions »1753(*).
Outre le manque de moyens matériels, ces
généralistes dénoncent les problèmes
déontologiques qui en découlent. Plusieurs démissions de
praticiens semblent être liées à une moindre acceptation de
la tutelle pénitentiaire et des contraintes qu'elle implique. Ainsi, un
médecin intervenant en milieu carcéral depuis 1974, et
exerçant à la M.A de Bois d'Arcy, décide de quitter ses
fonctions en 1988, après avoir alerté l'Administration centrale
à plusieurs reprises. Il souligne dans sa lettre de démission un
« climat de suspicion » ainsi que des « actes
délibérés de malveillance » à
l'égard de l'ensemble de l'équipe médicale1754(*). Le
généraliste de l'établissement du Mans adresse
également sa démission en 1989 après que des pressions
aient été exercées par le personnel de surveillance
à son encontre :
« C'est avec écoeurement que j'ai appris
que quelques personnes avaient insinué que je trahissais la confiance
que l'Administration pénitentiaire était en droit d'attendre de
moi [...] Début janvier un surveillant recevait un coup de poing durant
son travail. Il m'appela alors en urgence ( !). Je ne pus constater que
quelque rougeur. Il me demanda un arrêt de travail que je ne jugeais pas
nécessaire. Dans l'après midi, le détenu était
condamné à 15 jours. Peine jugée beaucoup trop faible par
le fameux surveillant qui me sollicitait à nouveau pour un arrêt
de travail de complaisance. L'échange de propos fut vif, car je lui
faisais part de toute mon indignation devant de tels procédés. Il
était évident qu'à ce moment là, j'étais de
l'"autre côté"... »1755(*)
Confrontés à des difficultés similaires,
d'autres professionnels de santé adoptent une position plus
revendicative, se heurtant ainsi rapidement à l'Administration
pénitentiaire. C'est le cas de Florent qui après avoir
exercé douze ans à l'hôpital devient infirmier à la
M.A de Caen, parce qu'il avait « envie de changer » et
qu'il était fatigué du rythme hospitalier :
« Donc, je me suis trouvé du jour au lendemain seul dans une
infirmerie toute petite, avec peu de matériel, peu de moyens... Tout
seul avec une population de cinq cents
détenus »1756(*). Il comprend très vite les
règles régissant le fonctionnement de l'infirmerie : le
rôle disproportionné du surveillant-auxiliaire amené
à « faire des soins » et toujours présent
pendant les consultations, la préparation et la distribution des
médicaments par le personnel de surveillance, l'usage de la
« fiole », la faible présence du médecin qui
visite « une cinquantaine » de détenus par
matinée (« C'était l'abattage quoi ! »)
et prescrit larga manu des psychotropes (« Ça avait
l'air de lui plaire. Il trouvait ça très
bien ! »).
Choqué par ce qu'il découvre, Florent tente de
modifier le fonctionnement en vigueur : « J'ai voulu changer
tout ça à mon arrivée. Sauf que ça fonctionnait
comme ça depuis des années et tout de suite, j'ai eu un peu de
réticence de la part des surveillants qui tout de suite se sont
rebellés ». Cet infirmier décide d'aller à la
rencontre des détenus dans les cellules1757(*), de faire des visites
au quartier disciplinaire et d'apporter des préservatifs à
l'infirmerie. A force d'insister, il obtient un changement d'attitude de la
part des surveillants affectés à l'infirmerie : « Alors
progressivement, ils se sont arrêtés de faire des soins.
Progressivement, ils ont compris qu'ils étaient là pour
surveiller. Et même, je suis arrivé à les faire sortir [du
cabinet médical] quand il y avait des soins ou des entretiens vraiment
confidentiels ». La venue d'un jeune médecin plus
compréhensif l'incite à poursuivre son travail de transformation.
Il tente de faire cesser la dilution des psychotropes : « Alors
là, ça a été une révolution ! Ça
a été une levée de boucliers de la part des
surveillants ». Parallèlement, Florent s'insurge contre les
« maltraitances » dont sont victimes les détenus. Il
tente d'informer, en vain, la direction de l'établissement et se heurte
au rôle stratégique qu'occupent les surveillants en
détention:
« Parce qu'y a des surveillants qui essayaient
de pousser à bout des détenus pour qu'ensuite ils puissent
déclencher des rapports d'incident ou des choses comme ça... Pour
emmener les détenus au mitard par exemple. Ils mettaient des bombes
lacrymogènes dans le mitard quelques fois pour les faire taire... Enfin,
c'étaient vraiment des choses qui étaient inacceptables !
[...] Alors pareil, quand j'ai essayé de dénoncer ce genre de
pratiques, j'ai eu tous les surveillants sur le dos. Et c'est à la suite
de ça d'ailleurs, que l'après midi je ne pouvais voir aucun
détenu [en consultation]. C'était vraiment très
difficile ».
A l'image de cet infirmier, plusieurs professionnels
sanitaires travaillant en prison se trouvent à la fin des années
quatre-vingt confrontés à des obstacles qui rendent l'exercice de
leur profession difficile. Désireux de bénéficier de
soutiens extérieurs mais aussi de dépasser le stade du conflit
individuel, certains s'organisent collectivement. C'est notamment le cas de
Florent qui devient délégué syndical à la
CFDT : « La solitude était très pesante. Et donc j'ai
cherché à me rapprocher de mes collègues. Parce que dans
toutes les prisons, c'était un peu ça. Dans toutes les petites
prisons, on était vraiment isolé [...] Tout ça a fait que
je me suis syndiqué et que j'ai pris des responsabilités
syndicales ». Avec l'aide du secrétaire général
de la CFDT Justice, il met en place des réunions à Paris
regroupant ponctuellement entre dix et quinze infirmiers de plusieurs M.A de
province (Lille, Lyon, Toulouse, Bordeaux, etc.). Ces rencontres sont
l'occasion de débattre entre collègues de « tous les
problèmes qu'on rencontrait au quotidien » : vacances,
primes mais aussi « aspects éthiques ».
L'idée qu'il serait « plus judicieux d'être
rattaché au ministère de la Santé » fait
consensus parmi les participants.
Bien que restreinte, puisqu'elle ne s'adresse qu'aux
infirmier(e)s ayant un statut pénitentiaire et syndiqué(e)s
à la CFDT1758(*), cette mobilisation traduit un besoin parmi
les professionnels de santé d'élaborer une réflexion
collective sur leur pratique. En l'absence de congrès, les
professionnels du soin exerçant en prison ne disposent en effet d'aucune
instance de concertation. C'est de ce besoin que naît en 1986
l'Association des personnels soignant des prisonniers (APSP)1759(*) à l'initiative
du médecin-chef de l'Hôpital des prisons de Fresnes.
Confronté à de nombreuses questions éthiques, comme par
exemple le fait de savoir s'il faut soigner un détenu dialysé en
milieu carcéral ou le libérer pour raison de santé ou
quelle réaction adopter face à une grève de la faim, le Dr
Espinoza réunit quelques médecins et infirmières des
principaux établissements dans cette association, dont les statuts sont
déposés en février 1986, afin de « mieux faire
entendre la voix des soignants auprès des autorités de
tutelle ». Sans jamais remettre en cause l'institution
pénitentiaire, l'association est présentée comme un moyen
« de rompre l'isolement et d'aider chacun en faisant appel à
la réglementation en vigueur » et par le biais d'une
réflexion commune :
« Pour rompre l'isolement du médecin, de
l'infirmière, du soignant nous devons COMMUNIQUER, échanger nos
expériences, expliquer nos difficultés, proposer des solutions
[...] Nous souhaitons travailler dans un esprit de dialogue constructif, en
particulier à l'égard des autorités de tutelle. Le
médecin, le soignant en prison sont des témoins de cette vie
carcérale qui conduit à de nombreux débats
médiatiques. Nous désirons être efficaces dans nos actions,
il faut donc choisir des modalités de travail qui excluent la recherche
du sensationnel et permettent l'expression des difficultés quotidienne
de chacun pour proposer des solutions
adaptées »1760(*).
Née d'un renouvellement du corps des professionnels de
santé exerçant en milieu carcéral, l'APSP participe
à l'émergence d'un segment de soignants hostiles à
l'idée d'une médecine pénitentiaire spécifique et
favorables, par conséquent, à un transfert de tutelle
auprès du ministère de la Santé, et ce de deux
manières. L'association contribue, d'une part, à
l'élaboration d'une identité professionnelle commune et elle
accélère, d'autre part, la mise sur agenda de la question de la
prise en charge médicale des détenus. Destinée avant tout
à rassembler les infirmières et médecins intervenant en
milieu pénitentiaire, l'APSP contribue tout d'abord à
créer du lien entre des professionnels isolés. Une journée
d'étude et d'information sur les problèmes de santé en
milieu carcéral est organisée en février 1986 à la
Pitié Salpetrière par le Dr Espinoza1761(*). Vingt-sept
médecins et vingt infirmières participent à un
« colloque national de réflexion sur les soins en milieu
pénitentiaire »1762(*), tenu à Paris en janvier 1988, au cours
duquel sont présentées les principales difficultés des
soignants pénitentiaires1763(*). En l'absence de formation commune ou encore
de congrès nationaux, interrompus après la suppression du poste
de Médecin-inspecteur, les rencontres organisées par l'APSP
rencontrent un vif succès auprès des différents soignants
selon cette interne ayant participé à la création de
l'association :
« On essayait aussi de faire des réunions
entre médecins de toute la France. On en avait fait une à
l'Hôtel Dieu. Et tout le monde avait débarqué parce que
tout le monde était demandeur ! Parce que nous, à
l'hôpital [de Fresnes], on est nombreux et puis on a un poids
médical mais ça se passait pas comme ça dans les autres
prisons... Les médecins étaient souvent isolés [...] Quand
il y avait des réunions, les gens étaient
demandeurs ! »1764(*).
Toujours dans un objectif de concertation, un bulletin de
liaison est créé. Le premier numéro diffusé en mars
1988 est consacré au sida. Cette publication, dont seuls trois
numéros paraissent, est destinée à rompre l'isolement,
notamment après que des infirmières et des médecins aient
signalé ne pas avoir eu connaissance de plusieurs circulaires qui leur
étaient destinées. « L'APSP se propose dans le cadre de
ce bulletin de liaison d'effectuer auprès des praticiens un recensement
des circulaires médicales qui leur sont
parvenues »1765(*). Le bulletin se présente comme un
ensemble de « fiches pratiques », rédigées
essentiellement par des médecins de Fresnes, et destinées
à répondre aux problèmes survenus dans la pratique
quotidienne : le responsable du SMPR de Fresnes détaille dans la
« page du médicament » les différentes
classes de psychotropes et leur usage ; le Dr Espinoza présente une
étude sur l'hospitalisation des grévistes de la faim et leur
évolution ; un chirurgien de Fresnes expose la réaction
à adopter en cas d'ingestion de corps étranger. Sans qu'on
connaisse l'incidence de cette publication, l'APSP traduit le besoin
d'homogénéiser et de standardiser des pratiques médicales
jusque-là éparses.
Au-delà de cette fonction informative, l'association
contribue à promouvoir l'émergence d'une identité commune
entre praticiens « pénitentiaires ».
« C'était vraiment le début d'une prise de conscience
des médecins », déclare la responsable du bulletin de
liaison1766(*). Se développe au sein de l'association
une représentation « militante » des médecins
travaillant en milieu carcéral. Les difficiles conditions de travail et
la faible rémunération sont autant d'arguments dans la
défense de cette définition. « Il est bien souvent
ignoré et méconnu, son image est quelqu'un de peu présent,
voire d'incompétent. Il en est de même pour les
infirmières. Ces militants d'un système obsolète doivent
être reconnus », écrit le
Dr Espinoza1767(*). Le courrier d'un généraliste
exerçant depuis 1985 à la M.A de Périgueux adressé
au courrier des lecteurs du Quotidien du médecin, et
reproduit dans le bulletin, témoigne également d'une conception
militante de la médecine en prison. Malgré les nombreuses
difficultés auxquels ils se trouvent confrontées, les
médecins exerçant en institution carcérale,
incarnés ici par l'usage du « nous », sont
présentés en tant que les acteurs du changement :
« Malgré cette situation [...] mes
confrères et moi-même sommes très motivés pour que
cette Médecine soit une vraie Médecine, et nous compensons la
grave insuffisance de nos moyens par un enthousiasme que je vous prie
d'indiquer à vos lecteurs. Débordés et sous-payés,
nous le sommes sans aucun doute ; découragés, je ne le crois
pas »1768(*).
Outre ce travail interne, l'APSP joue d'autre part un
rôle d'alerte en faveur de la prise en charge médicale des
détenus, non seulement envers les autorités mais également
au sein de l'espace public. La création de l'association a tout d'abord
rendu possible l'obtention de financements afin de réaliser plusieurs
études épidémiologiques en milieu carcéral qui
mettent en évidence sa forte séroprévalence au VIH. Elles
permettent également de souligner l'état de santé des
détenus, jusqu'alors peu mis en chiffres comme le rappelle Pierre
Espinoza :
« Alors, cette association a été
le support qui a notamment permis de faire plusieurs études. Une
première étude sur le dépistage du sida en prison, une
autre étude sur la prévalence en milieu pénitentiaire qui
avait été faite en envoyant une lettre à l'ensemble des
médecins pénitentiaires de France qui a permis de sortir un
premier chiffre de prévalence de séropositivité qui
était de 6% [...] pour moi cette association a été un
support, c'est-à-dire un moyen pour sortir des données
chiffrées, des propositions et des suggestions. J'avais obtenu deux
contrats de recherche financés par la DGS [...] J'ai crée cette
association qui était pour moi un support me permettant d'avoir de
l'argent qui me permettait de faire des travaux de recherche [...] L'APSP a
vraiment permis de dresser cette analyse. J'ai obtenu des crédits du
ministère de la Santé pour effectuer ces travaux de santé
publique. Mon sentiment était qu'il fallait apporter une clarté
sur cette question de la santé en prison pour pouvoir aller plus loin.
La première étape a été de faire ces travaux pour
pouvoir dire la réalité. Parce que c'est en disant la
réalité qu'on pouvait aller plus loin. Donc 85 les
premières études. 86, des crédits qui arrivent et j'ai pu
recruter un médecin qui a réalisé une étude sur le
dépistage du VIH en prison et on a pu analyser les risques de
contamination en milieu carcéral [...] Le but était de
présenter un tableau descriptif de la santé en prison. Donc deux
rapports ont été faits. Un rapport sur les toxicomanes en prison,
avec l'évolution depuis la vente libre de seringues, et un autre rapport
sur la contamination en milieu carcéral. On avait monté un petit
questionnaire qu'on avait mis dans une urne sur les comportements sexuels des
détenus. Tout ceci a fait l'objet de communications lors du
congrès mondial du sida à Montréal [...] Pour moi, cette
période était une période de démonstration et
d'analyse afin de démontrer à la fois le poids sanitaire qui
incombait au ministère de la Justice et l'énormité de ces
questions » 1769(*).
Ces études épidémiologiques nourrissent
le constat de carence dressé par l'association qui permet lui-même
d'accélérer la prise en charge administrative de l'organisation
des soins en prison. Une note de synthèse, établie à
l'occasion du colloque de 1988, est envoyée aux différentes
autorités pénitentiaire et sanitaire, dont le Conseil de l'Ordre
des médecins. Elle met en avant de nombreux dysfonctionnements de
l'organisation des soins :
« L'archivage des dossiers et leur circulation
doivent être sous la seule responsabilité du personnel
médical (médecins et infirmières) doté des moyens
idoines (classeurs, armoires, enveloppes closes). Dans le même objectif
de préservation du secret médical les documents
médico-administratifs ne devraient pas comporter de rubrique
diagnostique ou thérapeutique.
La multiplicité des tâches, la pénurie
en personnel conduisent à un glissement de la fonction du médecin
vers l'infirmière, vers l'aide-soignant, vers le surveillant auxiliaire,
vers le surveillant de la détention voire le détenu
classé. Cette situation conduit à ce que les actions de soin
soient parfois prises en charge par du personnel non qualifié, n'ayant
aucune compétence dans les actes thérapeutiques qu'il effectue.
Exemples : distribution d'anticoagulants, injections intramusculaires,
points de sutures réalisés par des surveillants - prescription
médicamenteuse par des infirmières, voire des surveillants sans
contrôle du médecin -entorse traitée par le détenu
qui assume les fonctions de secrétaire médical [...]
Le rapport de l'IGAS sur les médicaments n'a pas
été publié [...] Nous constatons que la prescription du
médicament qui est un acte médical se fait, en dehors de la
responsabilité du médecin. Le glissement de cette fonction
thérapeutique vers l'infirmière, vers la gradé de nuit
crée les conditions d'un usage non adapté ou abusif du
médicament. Que dire du rôle des détenus qui aident le
personnel à diluer des médicaments : cette situation est en
totale contradiction avec le principe de la dilution qui a pour objectif
d'éviter le trafic de médicaments par les détenus [...]
Que faire la nuit en l'absence d'infirmière, de médecin ?
Peut-on laisser une boîte d'urgence à la disposition du
gradé responsable ? Une réponse des autorités
administratives à toutes ces questions est indispensable car la
responsabilité des médecins et infirmières se trouve
engagée dans l'usage des médicaments en milieu
pénitentiaire [...]
La fréquence des constatations de coups et
blessures pose des problèmes éthiques et
déontologiques [...]
Le personnel soignant actuellement ne suffit pas aux soins
curatifs. Comment alors envisager d'engager des campagnes d'information, de
vaccination, d'éducation pour la santé en milieu
pénitentiaire ? Comment par exemple parler d'hygiène
bucco-dentaire quand les soins dentaires minimums ne sont pas
assurés ? [...]
L'article D.380 prévoit que : "Les
détenus malades bénéficient gratuitement des
soins qui leur sont nécessaires...". Divers exemples ont
été signalés par des participants témoignant d'un
non-respect de cette réglementation : -refus de prendre en charge
le coût d'une sérologie VIH de dépistage demandée
par un patient au médecin. L'examen a été payé par
le détenu - refus de prendre en charge un test de confirmation VIH par
Western Blot dans le cadre d'une séropositivité
»1770(*).
Au terme du colloque, les membres de l'APSP formulent
plusieurs propositions, dont la « mise en conformité des
infirmeries », la rédaction d'un statut des personnels
sanitaires ou l'envoi d'une note administrative aux chefs
d'établissement rappelant l'importance du secret médical.
L'association exerce également une fonction d'alerte au sein de l'espace
public par le biais des déclarations du Dr Espinoza ou d'autres membres
de l'APSP. C'est essentiellement au sein de la presse médicale que
certains médecins témoignent de la difficile prise en charge
médicale des détenus. « Globalement l'accès aux
soins, l'existence et le suivi de soins appropriés, le respect des lois
comme le code de la santé publique, du travail, de procédure
pénale... sont massivement non-respectés », observe un
interne de Fresnes membre de l'association1771(*). Ce même
praticien décrit dans un autre article cette « médecine
à risque » dont la tutelle administrative est
présentée comme responsable de nombreux retards de prise en
charge : « C'est ainsi qu'il n'est pas rare de voir arriver
à Fresnes des fractures de membres (mains, poignets, coudes... !),
des plaies chirurgicales surinfectées datant de 15 jours ou plus, des
cancers notamment de testicules, évoluant depuis des
mois... »1772(*).
Grâce à l'audience dont elle
bénéficie au sein des revues médicales, l'APSP offre la
possibilité à des médecins mécontents de pouvoir
témoigner de leur quotidien auprès de leurs confrères.
« A la M.A de Bois-d'Arcy, l'équipe médicale dispose
seulement de 45 minutes de vacation de médecin par détenu et par
an, au lieu des 90 recommandées par l'Inspection des Affaires
sociales », déclare Françoise au Quotidien du
médecin qui relaie activement les propos de
l'association1773(*). Dans un article intitulé
« Quand les médecins de prison
témoignent... », ce journal spécialisé publie de
larges extraits du bulletin de l'APSP faisant état des atteintes au
secret médical, des conditions de prescription des médicaments et
des problèmes liés à la prise en charge du sida (QDM,
18/11/1988). Un numéro spécial du
Généraliste, émaillé du témoignages
de plusieurs praticiens, décrit les carences de l'organisation
des soins en prison : « Un détenu qui souhaite voir un
médecin doit écrire une lettre, transmise ou non par les
surveillants ou les infirmières, qui ont le devoir d'écarter les
simulateurs. Il peut donc s'écouler jusqu'à six semaines entre la
date de demande et celle de la consultation... »1774(*). A partir d'une
interview avec le Dr Espinoza, Tonus publie un article
extrêmement virulent à l'égard de la prise en charge
médicale des détenus :
« Si l'on juge une société
à la façon dont elle traite ses prisonniers, la médecine
française devrait rougir de la médiocrité des soins
donnés dans les prisons [...] Lorsque la Justice décide un
enfermement, elle ne condamne pas pour autant un prisonnier à être
privé de soins. Pourtant, malheur au condamné qui est par
ailleurs diabétique, toxicomane, tuberculeux, sidéen ou qui
souffre d'un ulcère à l'estomac [...] Il devra le plus souvent se
battre avec l'administration pour obtenir la visite d'un médecin, pour
faire respecter un régime alimentaire, pour recevoir les
médicaments qu'impose son état, pour être
hospitalisé dans un hôpital civil »1775(*).
Signe du malaise qui parcourt alors les praticiens travaillant
en milieu carcéral, deux internes de l'Hôpital de Fresnes,
représentants des internes à la CME de l'établissement,
rédigent fin 1987 un document relatif au respect du secret
médical, remis dans un premier temps aux principaux responsables
administratifs avant d'être publié partiellement dans la presse
spécialisée1776(*). Les deux internes y notent le
« hiatus » entre le devoir imposé au praticien et la
situation de Fresnes : il ne serait ainsi « pas rare »
que le surveillant ouvre le dossier médical du détenu,
après la consultation, et qu'il « émette des
commentaires sur les informations qu'il y trouve » ; il serait
« extrêmement difficile » d'arriver à examiner
le détenu en tête-à-tête ; les
surveillants-auxiliaires sont fréquemment amenés à
« remplacer » les infirmiers en sous nombre :
« Les pouvoirs publics sont-ils animés d'une réelle
volonté de pallier les carences actuelles ? Ou bien le
médecin exerçant en milieu carcéral devra t-il continuer
à évoluer dans une zone de non-droit ? ».
Mais au-delà de la difficulté des détenus
à recevoir des soins convenables, les médecins entendent
dénoncer la pénibilité de leur travail. « M.G
[médecin généraliste] vacataire dans les prisons. Mission
impossible », titre un article du Généraliste
décrivant longuement les différentes tâches
assignées au praticien pénitentiaire. « Il doit en
premier assurer le bilan médical de tous les entrants : à
raison de 10 minutes par entrant, on estime à 13.300 heures par an le
temps que devraient passer les médecins pour examiner les 80.000
entrants en prison... »1777(*). A cela s'ajoute la visite des détenus
devant être transférés ou de ceux placés à
l'isolement, des prisonniers grévistes de la faim ou de ceux
désirant travailler, le soin au personnel ainsi qu'une mission
d'hygiène. « Alors, face à toutes ces missions que nous
ne pouvons assurer, on pare au plus pressé », déclare
Françoise de l'APSP dans le même article. Un interne de Fresnes
regrette les pressions auxquelles doit faire face le praticien exerçant
en prison, notamment à l'occasion des certificats médicaux de
placement au quartier disciplinaire « le faisant ainsi participer à
une fonction répressive qui n'est pas la sienne » :
« Le médecin qui ne collabore pas explicitement avec
l'administration est perçu comme "hostile", voire "complice" du
détenu »1778(*). Le magazine Tonus dépeint une
image similaire des médecins travaillant en prison :
« Une heure de présence médicale
par prisonnier et par an pour assurer l'examen systématique des
entrants, le suivi des malades, la réponse aux urgences, la prise en
charge des toxicomanes et des sidéens, l'hygiène
générale de la prison, le suivi du personnel
pénitentiaire, le remplissage de multiples certificats, fiches et
dossiers, l'élaboration des bilans sanitaires, c'est le tour de force
que doivent accomplir chaque jour des milliers de généralistes
vacataires. Débordés, découragés,
sous-payés, ils ne peuvent faire face à la demande et se tournent
vers les infirmières qui, elles-mêmes, se tournent vers les
surveillants, voire vers les détenus pour assurer le
minimum1779(*) » (Tonus,
7/06/1988).
Lors de leurs prises de parole au sein de l'espace public, les
praticiens intervenant en milieu pénitentiaire soulèvent
fréquemment la question de leur faible rémunération. Au vu
de la charge qui leur incombe note Le généraliste,
« on comprend que les médecins se démotivent, quand on
sait enfin qu'ils sont payés 69 francs (bruts) la vacation ».
La faible rémunération qui, selon un interne de Fresnes,
« ne couvre même pas les frais de
téléphone », apparaît en effet comme un motif
récurent de plainte des praticiens pénitentiaires1780(*). Dans un courrier
publié dans une revue médicale, un médecin exerçant
en M.A tourne en dérision sa
« rémunération », incapable de couvrir ses
frais de déplacement : « La médecine carcérale
est déjà une activité bénévole, il ne faut
quand même pas qu'elle soit une activité
onéreuse » (Tonus, 13/06/1988). Souffrant de
pénibles conditions de travail, mal rémunérés, les
généralistes pénitentiaires sont présentés
comme de « véritables militants animés pour la plupart
d'entre eux d'une réelle volonté de faire évoluer tout le
système de soins » (Le généraliste,
6/12/1988). « Quand on sait qu'un spécialiste reçoit
170 francs pour une matinée, on peut parler de vocation »,
déclare un praticien anonymement (QDM, 7/10/1988).
Ainsi face aux difficiles conditions de travail émerge
à la fin des années quatre-vingt un segment de praticiens
pénitentiaires désireux d'affirmer les conditions de leur
autonomie de travail. Leur association, l'APSP, se distingue nettement des
mobilisations déjà étudiées, comme le GMP ou le
GMQP. Leur action se limite tout d'abord à la seule question sanitaire,
les autres dimensions de la prise en charge des détenus n'étant
jamais abordées. Ce segment apparaît ainsi nettement moins
politisé que celui des internes apparu durant les
« années 68 », beaucoup plus prompts à
souligner les enjeux de pouvoir liés à leur pratique
médicale. Adoptant une démarche de collaboration plutôt que
de contestation, l'APSP exerce d'autre part une action de lobbying
auprès des autorités judicaires et pénitentiaires.
Mais surtout, troisième différence, l'APSP
demeure un regroupement ponctuel où la dimension collective
apparaît fragile. L'association semble en effet avoir été
très personnalisée autour du Dr Espinoza qui en est à
l'origine. Bien que disposant d'une importante influence auprès de la
DAP, celui-ci est dépourvu de toute fonction officielle en dehors de son
titre de chef de service à l'Hôpital de Fresnes. Il exerce
cependant implicitement un rôle de Conseiller technique sur les questions
médicales, notamment auprès de Mme Ezratty : « Ma base
stratégique était l'Hôpital mais pendant toute cette
période, j'avais un peu un rôle de conseiller auprès de
l'Administration » 1781(*). C'est justement l'une des craintes de Jean
Favard : « Le danger, c'était de commencer à mettre un
truc sur Espinoza qui au final aurait été le nouveau Troisier.
Alors ça non ! »1782(*). Médecin-coordinateur de
l'Hôpital de Fresnes, Pierre Espinoza tente d'autre part de s'imposer
officieusement comme son directeur, selon un magistrat de la DAP :
« Le problème d'Espinoza, c'est qu'il voulait être
directeur médical. Comme dans l'armée où les directeurs
sont des médecins »1783(*).
En 1986, lors du changement de statut de l'Hôpital, le
Dr Espinoza devient un praticien hospitalier chef de service parmi tant
d'autres et ne dispose plus de son statut de médecin-coordinateur. En
outre, il perd avec l'alternance toute influence auprès du
ministère de la Justice. C'est peut-être pour retrouver la
position longtemps occupée officieusement qu'au terme d'un colloque
organisé en 1988, les participants demandent dans une motion finale,
à l'initiative du Dr Espinoza, « la création d'un poste
de Conseiller technique auprès de la Chancellerie [...] pour
résoudre certains problèmes qui restent sans solution à
l'échelon local »1784(*). La présidence de l'APSP et la
visibilité médiatique que cela lui confrère participent
ainsi à l'essor de la carrière du
médecin-coordinateur1785(*). L'association lui permet notamment d'obtenir
des crédits afin de financer ses recherches1786(*), comme le souligne
cette interne alors proche d'Espinoza : « En fait, cette
association avait l'utilité d'être une interface pour avoir des
subventions pour faire des études. C'était l'un des buts, je
pense »1787(*). Loin d'être anecdotique, cette
dimension instrumentale de l'association rend en partie compte de sa
disparition. C'est en effet en raison de luttes entre médecins que
l'APSP aurait disparu à la fin des années quatre-vingt, si l'on
en croit le récit d'un médecin intervenant depuis 1984 en M.A et
ayant participé à l'association :
« La rencontre initiale avait été
très enrichissante et avait permis de nous rendre compte des
énormes disparités de statut, de mode d'exercice...
Malheureusement ceci fut sans lendemain, je crois qu'une querelle de personnes
entre les rares médecins plein-temps de la pénitentiaire en a
été la cause »1788(*).
Bien qu'éphémère, l'APSP témoigne
de l'émergence, rendue possible par le renouvellement des postes
opéré au milieu des années quatre-vingt, d'un segment de
praticiens hostiles à l'idée que la médecine
pénitentiaire soit quelque chose de spécifique. Pour eux, parce
qu'il s'agit avant tout d'être soignant, la médecine ne peut se
soumettre à certains impératifs pénitentiaires.
Confrontés aux difficultés liées à la gestion de
l'épidémie, les praticiens nouvellement arrivés vivent
avec difficulté les contraintes qui régissent l'organisation des
soins du fait de sa tutelle pénitentiaire. C'est dans le cadre de cette
transformation que sont nommés à des postes de
responsabilité quelques praticiens qui entreprennent de réformer
la « médecine pénitentiaire ». Ces
médecins-chefs réformateurs vont exercer un rôle crucial de
porte-parole de ce segment de praticiens pénitentiaires au début
des années quatre-vingt-dix.
2. L'arrivée de
médecins-chefs réformateurs : une même médecine
entre le dedans et le dehors ?
Au milieu des années quatre-vingt, l'Administration
pénitentiaire prend progressivement conscience, au vu du faible taux
d'assiduité des praticiens, que le régime de vacations sous
lequel sont placés les généralistes est insatisfaisant.
Décision est prise de nommer à la tête des principaux
établissements (Fleury-Mérogis, Fresnes et Marseille bien que
plus tardivement) des médecins-chefs exerçant à temps
plein ou à mi-temps. Exerçant jusqu'alors à temps partiel,
les médecins-chefs n'étaient en effet pas en mesure d'assurer
correctement le fonctionnement des infirmeries, en contrôlant par exemple
l'assiduité des praticiens. En créant des postes de
médecins-chefs stables et reconnus, l'Administration espère,
souligne un magistrat de la DAP ayant procédé à ces
embauches, pallier les dysfonctionnements les plus importants de l'organisation
des soins :
« C'est-à-dire que dans ces grandes
Maisons d'arrêt, on voulait un point fixe. Un point fixe, ça
voulait dire un médecin qui ne soit pas vacataire et qui puisse avoir
une rémunération correcte [...] Et c'est vrai qu'à partir
du moment, où [le médecin-chef] était là, [il]
commençait à voir les dysfonctionnements. Et puis, ne serait-ce
que pouvoir tenir des réunions. Tenir des réunions avec les chefs
d'établissements ou avec sa propre équipe. C'était
impossible pour les fameux médecins. C'étaient des passages
éclairs [...] On restait dans l'ancien système. Mais un
système rénové. Et puis la présence d'un
médecin-coordinateur permettait de faire le ménage si je puis
dire... entre ceux qui assuraient leurs vacations et puis les fumistes. Et
ça permettait de redistribuer un peu les vacations»1789(*).
C'est dans le cadre de cette rénovation que Jacqueline
Tuffelli est nommée en 1986 médecin-chef des prisons de Fresnes
ou encore que Xavier Emmanuelli devient médecin-chef de
Fleury-Mérogis en 1988. Ces médecins, bien que n'appartenant pas
au milieu hospitalier proprement dit, tentent d'instaurer de nouvelles
règles du jeu afin de rapprocher la médecine
pénitentiaire, dont ils refusent l'appellation, de la pratique
médicale en milieu libre. Ils militent pour une nouvelle organisation
des soins et participent à ce titre à la réforme de
1994.
En 1986, le Centre pénitentiaire de Fresnes, dont le
fonctionnement reposait jusqu'alors uniquement sur la présence de
personnel infirmier et de quelques internes de garde, se restructure suite
à l'autonomisation de l'Hôpital de Fresnes.
L'établissement, qui accueille alors près de 3.500
détenus, doit désormais se doter d'un médecin-chef.
Après avoir effectué des remplacements dans des quartiers
d'Ile-de-France difficiles, Jacqueline Tuffelli, qui souhaitait depuis
plusieurs mois travailler en milieu carcéral, accepte la direction du
service médical avec l'adoubement du directeur qui lui laisse
« carte blanche »1790(*). Elle est aussitôt surprise par le
fonctionnement de l'infirmerie, même si elle ne « s'attendai[t]
pas à ce que ce soit l'Hôpital américain » :
« Il y avait un vieil infirmier, un vieil
infirmier au sens où il était près de la retraite et puis
ensuite, il avait effectué une grande partie de sa carrière comme
infirmier à Fresnes. Il s'occupait de tout ! Il était
assisté d'un surveillant-chef pénitentiaire qui faisait fonction
d'infirmier. Et à eux deux, [prend un ton grave] et à eux deux...
C'est eux qui s'occupaient de la santé en prison [...] Ce qu'on peut
dire, c'est que franchement, en gros, les soins étaient donnés
majoritairement et par le personnel pénitentiaire, et par les
détenus. Bien sûr les diagnostics étaient faits par un
médecin mais c'est les surveillants qui organisaient les consultations
et qui faisaient parfois les injections. C'étaient eux qui parfois
faisaient des soins [...] Avant, c'est une chose incroyable... Il y avait des
détenus qui assistaient aux consultations comme secrétaires.
C'était incroyable ! C'était quelque chose d'absolument
invraisemblable ! ».
La nouvelle médecin-chef modifie aussitôt
certaines dispositions : elle décentralise la gestion des dossiers
médicaux au niveau de chaque unité de détention et
instaure la visite quotidienne au quartier disciplinaire, seulement
bi-hebdomadaire dans le CPP. Elle multiplie les extractions en milieu
hospitalier et tente surtout de limiter le recours aux détenus en
obtenant du directeur de Fresnes l'embauche de nouveaux personnels sanitaires,
souvent obtenus au prix de lourds efforts :
« Et tout ça a progressivement disparu.
On a sorti les détenus des consultations. Progressivement, on a
gagné du terrain, je dirais. Mais on a gagné du terrain petit
à petit parce que pendant qu'on éloignait, d'une part, les
détenus et, d'autre part, les surveillants du service médical, il
fallait en même temps les remplacer par du personnel médical.
Alors pendant longtemps... Au fil de ces dix-sept ans, ça a
été une longue politique de recrutement. C'était la
bagarre année après année ! On peut pas dire qu'on a
obtenu ça facilement... ».
Conscient de ces problèmes, le directeur de
l'établissement réussit à obtenir l'affectation de deux
infirmières détachées de l'Assistance publique.
Interviewées, elles confirment les nombreuses transformations que le
nouveau médecin-chef a introduites dans le fonctionnement du service
médical. « Tout a été mis en route à son
arrivée. Elle a fait un travail formidable », s'exclame cette
infirmière qui souhaitait alors « quitter le milieu
hospitalier pour voir autre chose »1791(*). « Mme
Tuffelli est arrivée à Fresnes et a commencé à tout
réorganiser [...] On a vu petit à petit les dossiers être
fermés dans les placards et les [détenus] classés
disparaître. Elle avait vraiment une grande force de caractère. Il
fallait être très costaud avec la
Pénitentiaire », confirme Laurence qui à la sortie de
l'école d'infirmière est arrivée à Fresnes car elle
ne « voulai[t] pas être à
l'hôpital »1792(*). Malgré sa ténacité, le
Dr Tuffelli se heurte à plusieurs contraintes qui rendent difficile
la remise en cause de règles en place depuis fort longtemps. La mise
à disposition de préservatifs, lancée à son
initiative, prend rapidement fin. La distribution des psychotropes sous forme
de fioles demeure en l'état faute de personnels suffisants :
« C'était complètement idiot mais... Mais
c'était comme ça ! Oui, c'était comme
ça ! [...] Pour supprimer tout ça, il fallait une pharmacie
sur place, des infirmières qui distribuent. Bref, toute une organisation
qu'on n'avait pas avant... »1793(*).
Au-delà des transformations dans le fonctionnement de
l'infirmerie, limitées par le manque de moyens, le nouveau
médecin-chef se distingue surtout par l'autonomie qu'elle d'adopte
à l'égard de l'Administration pénitentiaire. Elle essaie
ainsi, au fur et à mesure, d'instaurer un respect mutuel des missions et
du « champ d'action » de chacun, en refusant toute
immixtion des surveillants dans l'organisation médicale et,
réciproquement, en s'empêchant de « donner un avis sur
la façon dont on gardait les détenus » :
« Je n'intervenais que lorsqu'il y avait une atteinte à la
personne ou alors que ça n'allait pas du tout sur le plan
médical. Tant que ça se passait dans les cadres de
l'Administration pénitentiaire, c'est-à-dire du règlement,
alors là, je ne me mêlais pas de savoir ce qu'ils
faisaient »1794(*). Le médecin-chef accorde notamment une
importance particulière au choix des surveillants affectés
à l'infirmerie afin d'assurer le respect du secret médical, comme
le rappelle ici une infirmière :
« C'est vrai qu'un surveillant qui
n'était pas au service médical et qui souhaitait avoir des
informations, son collègue qui était au service médical
pouvait très bien les lui donner. C'est vrai que Mme Tuffelli
était très à cheval là-dessus. Quand quelqu'un de
la Pénitentiaire était nommé pour travailler avec nous au
service médical, elle les recevait avant et leur disait bien quel
était leur rôle et qu'il fallait bien garder la
confidentialité par rapport à des choses qu'ils pouvaient
entendre »1795(*).
Les certificats médicaux sont un bon exemple de cette
tentative d'autonomiser le médical du pénitentiaire. Outre
qu'elle attache beaucoup d'importance à ce que l'Administration ne
puisse pas contester ses décisions de retirer un détenu du
quartier disciplinaire pour raison médicale, Jacqueline Tuffelli donne
pour consigne à tout le personnel sanitaire de ne pas délivrer de
certificats de compatibilité avec le
« mitard » : « C'est comme si on nous
demandait un certificat médical pour attester que l'état de
santé d'une personne est compatible avec l'incarcération et
qu'elle peut donc bien aller en prison. Ça n'a pas de sens ! C'est
une décision de justice ». « Elle a été
toujours très à cheval là-dessus », confirme une
infirmière1796(*). Les consignes strictes du médecin-chef
et la mise en place de réunions entre praticiens permettent
progressivement d'homogénéiser la pratique des différents
médecins1797(*). En témoigne ce
généraliste arrivé à Fresnes en 1990 :
« Jacqueline Tuffelli nous briefait toujours sur
les certificats. Parce que c'est vrai qu'on nous demande des certificats pour
tout et c'est vrai qu'au début quand on vient d'arriver, on ne sait pas.
Et donc, il y avait des choses qu'il ne fallait pas faire [...] Ça
permettait d'avoir une pratique plus ou moins homogène. Par exemple, par
rapport aux quartiers disciplinaires on refusait les certificats d'aptitude. Au
début, on ne se voyait pas entre médecins et, ensuite, on a fait
une réunion deux fois par an pour essayer de voir ce que faisaient les
autres. Avant, c'était un combat de chaque instant pour conserver son
territoire »1798(*).
Par le biais de conflits quotidiens, le Dr Tuffelli arrive
progressivement à faire valoir son autorité, faisant du service
médical du Centre pénitentiaire de Fresnes l'un des plus
remarqués de France1799(*). Un phénomène de transformation
apparemment similaire survient à Fleury-Mérogis en 1988,
où l'Administration pénitentiaire décide de remplacer
l'actuel médecin-chef qui avait été mis en cause dans un
rapport de l'IGAS en 19851800(*). Dans la synthèse du rapport
adressée au garde des Sceaux, le Chef de l'IGAS avait repris les
conclusions des inspecteurs préconisant « la mise à
disposition par convention avec le Centre Hospitalier d'Evry d'un
médecin qui garderait quelques activités hospitalières
»1801(*). Plutôt qu'une convention, une petite
annonce est alors publiée dans un journal médical à
laquelle répond Xavier Emmanuelli, médecin urgentiste connu pour
son engagement humanitaire, qui vient alors d'achever son mandat de
vice-président de MSF1802(*). « Ce qui m'intéressait
c'était la toxicomanie et le sida. J'ai fait des pieds et des mains pour
rentrer en prison », déclare-t-il lors de
l'entretien1803(*). Il ne s'agit pourtant pas de sa
première expérience en milieu carcéral. Se
décrivant lui-même comme un « bébé
Huguenard », du nom du chef de service de l'Hôpital Henri
Mondor où il était attaché, Xavier Emmanuelli était
intervenu en tant qu'anesthésiste au début des années
soixante-dix à l'Hôpital de Fresnes. Cette première
sensibilisation à la question des prisons fut probablement un atout,
comme il le souligne: « Lorsque j'ai voulu aller à Fleury, je
savais où j'allais. Je savais où j'allais et pourquoi j'y allais.
C'est peut-être ça qui m'a donné le recul, c'est que je n'y
ai pas été par défaut mais avec beaucoup
d'intérêt clinique ».
Très vite pourtant, le Dr Emmanuelli se heurte à
l'animosité de l'équipe médicale en place et tout
particulièrement de l'ancien médecin-chef, Jean-Charles Bertin,
désormais placé sous les ordres du prestigieux médecin
humanitaire. Cette animosité traduit, selon un
médecin proche de Xavier Emmanuelli, autant une rivalité
personnelle qu'une différence de point de vue quant aux pratiques
professionnelles : « Je me souviens Bertin, il était
furibard ! Parce qu'Emmanuelli était déjà quelqu'un assez
connu [...] Je pense que c'était un tout petit peu de l'ordre de la
rivalité personnelle et puis il faut dire quand même que quand
Xavier est arrivé il a commencé à tout
bouleverser... »1804(*). Un autre praticien de Fleury-Mérogis
tempère cette différence entre les deux médecins-chefs.
Selon lui, Jean-Charles Bertin était surtout moins
« idéaliste », en raison de son expérience,
que son collègue fraîchement arrivé, comme en atteste
l'exemple de la distribution des médicaments :
« Les psychotropes étaient donnés
dilués pour éviter les intoxications médicamenteuses.
C'est vrai que ça pose un problème car tous les
médicaments étaient mélangés. Le docteur Emmanuelli
avait souhaité qu'on arrête et la Pénitentiaire avait
refusé. Les psychiatres voulaient qu'on donne sous forme sèche.
Emmanuelli avait appuyé cette demande. Bertin avait déjà
fait cette demande et il savait que l'Administration s'était
déjà opposée. Donc là, vous voyez par exemple,
Emmanuelli avait dit : "On va tenter" et Jean-Charles Bertin avait
dû répondre : "Ça ne sert à rien". Il y en
avait un qui avait plus d'entrain et l'autre était plus
blasé... »1805(*).
Travaillant depuis treize ans en milieu pénitentiaire,
le Dr Bertin est un médecin largement adapté aux règles
pénitentiaires. A son arrivée, Xavier Emmanuelli s'avère
choqué par plusieurs pratiques, comme par exemple l'usage de la
dilution : « Ma soeur qui était pharmacienne, je lui ai
demandé de voir quels étaient les principes actifs qui restaient
une fois que c'était dilué. Bien sûr, c'est pas la
même chose sous la forme diluée que sous forme de comprimé
parce que les molécules font une hydrolyse et il y a moins de principe
actif »1806(*). Il s'interroge également sur la forte
prescription de psychotropes (« Philosophiquement, on n'était
pas là pour atténuer la peine ») ainsi que sur les
atteintes au secret médical : « D'autant plus qu'au
début, les gens séropositifs avaient une pastille rouge sur leur
dossier... [baisse le ton] de manière à les
identifier ». Il remet en question plus globalement le statut des
praticiens, notamment à l'égard des autorités
pénitentiaires :
« J'étais un peu perplexe parce que le
personnel médical appartenait à la Pénitentiaire et
était noté par la Pénitentiaire. C'est dire que vous
pouvez donner une note. Elle était corrigée et revue par le
directeur de la prison qui était lui-même supervisé par la
direction régionale. Donc, vous n'aviez aucun moyen pour
contrôler. Elles [les infirmières] se considéraient
d'ailleurs elles-mêmes comme pénitentiaires »
1807(*).
Le Dr Emmanuelli tente d'apporter certaines modifications. Il
instaure une infirmière-chef afin de mieux coordonner les
différentes infirmières « car elles n'avaient pas du
tout cette notion là ». Il essaie, d'autre part, de
remédier à l'isolement dont souffre le personnel en
établissant des rencontres conviviales entre médecins, tel que le
rappelle ce médecin alors en poste à Fleury :
« C'était une fois par mois où on établissait le
tableau de garde. Alors d'habitude, on se réunissait dans la chambre
où on dormait et puis il avait organisé ça autour d'un
repas au mess. Donc c'était plus convivial. On parlait plus des
problèmes »1808(*). Pour contrer les craintes suscitées
par l'épidémie de sida auprès des surveillants, le nouveau
médecin-chef favorise la création d'une association, Fleury
Santé, dont l'objectif est de former les personnels ou de mettre en
place des supports à destination des détenus tel un film de
prévention. En dépit de son volontarisme, Xavier Emmanuelli se
heurte à certains blocages. Il est notamment confronté à
une vive opposition des syndicats :
« Il y a eu des bagarres pour imposer ces
connaissances. J'ai encore des tracts incendiaires de syndicats... Parce que
moi, je voulais former les surveillants et il y avait une résistance
parce qu'ils disaient : "Nous, on est surveillants. On n'est pas
auxiliaires de santé". Mais ils l'étaient dans les faits. Et il y
a donc eu des bagarres »1809(*).
Contrairement à l'exemple de Fresnes, il semblerait que
peu de transformations aient objectivement eu lieu au final à
Fleury-Mérogis1810(*). Ainsi, l'usage des fioles ou le recours aux
surveillants-auxiliaires perdurent. S'il ne peut les interdire, Xavier
Emmanuelli prend ses distances avec certaines pratiques propres au milieu
pénitentiaire. C'est ainsi qu'il se désolidarise du rôle
médical joué par les infirmières. Ces critiques sont
probablement à l'origine du ressentiment éprouvé par cette
infirmière alors en poste à Fleury-Mérogis : «
Il ne nous considérait pas ! Il était là juste pour
diriger [...] Il nous avait appelé des "infirmières d'hospice" et
forcement on avait réagi. Et pour se racheter, il nous avait toutes
invitées pour manger à Evry à midi, pour essayer de... Il
était resté seul [rires] Personne n'avait voulu accepter son
invitation »1811(*). Le Dr Emmanuelli est surtout accusé
d'être trop loin de la clinique et d'exercer une fonction essentiellement
administrative. Davantage homme de réflexion que de terrain, le
médecin-chef de Fleury se dédie alors principalement
« à faire progresser l'idée qu'on devait être
rattaché au ministère de la
Santé »1812(*). « L'essentiel de mon
activité a quand même été de rattacher tout le
système sanitaire à la Santé », affirme-t-il non
sans fierté.
Plus idéaliste que le précédent
médecin-chef, Xavier Emmanuelli questionne les pratiques en vigueur. En
s'inspirant du côté « pragmatique » du Dr
Bertin et l'aspect plus « théorique » du nouveau
médecin-chef, il est possible selon un praticien de Fleury de
« prendre en compte les contraintes liées à
l'incarcération et obtenir une médecine plus
responsable »1813(*). Le Dr Emmanuelli apporte un regard
extérieur sur le fonctionnement largement autarcique du service
médical : « Les médecins n'étaient pas
tellement impliqués. Parce que c'étaient des vacataires. Ils
étaient dans la routine de la prison. Moi, j'avais un regard neuf parce
que j'étais urgentiste »1814(*). Le nouveau
médecin-chef s'engage en faveur d'une plus grande collaboration avec les
services du ministère de la Santé. A son arrivée, il
demande à ce que le dépistage des MST, jusqu'alors
effectué par un laboratoire privé, soit pris en charge par la
DDASS. Grâce au Pr Gentilini, chef de service à la
Pitié-Salpêtrière, Xavier Emmanuelli obtient par ailleurs
la signature d'une convention permettant l'intervention de praticiens
hospitaliers dans la prise en charge du sida. « Je me rappelle du
premier rendez-vous chez Gentilini où Xavier a dit : "Et bien, on
va faire venir des médecins extérieurs... Et hospitaliers. Et
surtout hospitaliers !". C'est-à-dire des gens de qualité.
Il fallait quand même qu'on fasse venir des gens de l'Assistance publique
de Paris pour voir comment il fallait faire », souligne ce
médecin alors en poste à Fleury1815(*).
Chacun à leur façon, Jacqueline Tuffelli et
Xavier Emmanuelli, peuvent être considérés comme des
précurseurs de la réorganisation des soins en prison. Femme de
terrain, la première tente d'imposer son autorité médicale
à l'égard de la Pénitentiaire, avec l'accord du directeur
de Fresnes. Davantage théoricien, le Dr Emmanuelli développe une
réflexion sur la place du médecin en situation
d'incarcération qui, si elle ne transforme pas radicalement les
pratiques, ouvre la voie à une réforme globale de l'organisation
des soins.
__________________________________________________
En dépit de leurs modestes conséquences, la
constitution de l'APSP ainsi que l'arrivée de médecins-chefs
volontaristes temps-plein au milieu des années quatre-vingt symbolisent
un tournant dans l'histoire de l'organisation des soins en prison. Elles sont
le signe, tout d'abord, d'une prise de conscience croissante au sein du
ministère de la Justice qu'une réforme du statut des
médecins est nécessaire. La mise en place de médecins
titulaires souligne, en effet, avec acuité le nécessaire abandon
du principe de la vacation, selon celui qui était en charge de la
réglementation sanitaire à la DAP :
« Pourquoi ces médecins vacataires
n'étaient pas en mesure de gérer, de résoudre les
problèmes récurrents ? Parce que quand vous êtes
vacataire, vous passez très très vite. Tandis que quand vous avez
un médecin à temps plein ou à 80%, vous avez un
médecin qui va mettre à plat les vrais problèmes, qui va
peut-être réorienter le rôle chacun. Vous voyez !
Ça n'est pas un problème individuel. Si Emmanuelli, on lui avait
donné des vacations à la Maison d'arrêt de Moulins, il
aurait été comme les autres [...] Voilà, ce qu'on voulait,
c'était quelqu'un qui puisse vraiment organiser le service, et sortir de
tous ces vacataires ! »1816(*).
Ces transformations traduisent, d'autre part, un rejet
croissant de la part des généralistes exerçant en milieu
carcéral de certaines pratiques issues de la tutelle
pénitentiaire. Ces médecins-chefs s'inscrivent pleinement dans le
segment, évoqué précédemment, de praticiens
porteurs d'une nouvelle représentation de l'exercice médical en
milieu carcéral. Tous ces médecins ont d'ailleurs comme point de
commun de réfuter avec virulence le terme de « médecine
pénitentiaire ». « Pour moi, ça ne veut
absolument rien dire car que vous soyez en prison ou dehors les symptômes
et les signes cliniques sont absolument les mêmes ! »,
s'exclame Jacqueline Tuffelli1817(*). Le médecin-chef de
Fleury-Mérogis semble encore plus opposé à cette
appellation. « Il n'y a pas à proprement parler de
médecine pénitentiaire. C'est un concept qui a disparu dans les
années 1982-19831818(*). On peut, si l'on veut la caractériser,
écrire de cette pratique que c'est une médecine en
"environnement" pénitentiaire. La sémantique a son
importance », affirme dans une tribune Xavier Emmanuelli
(Quotidien du médecin, 20/04/1989).
Beaucoup de médecins arrivés à cette
même période partagent ce constat. Le rejet d'une appellation
synonyme d'une médecine soumise aux impératifs
pénitentiaires traduit l'amorce d'un segment de praticiens souhaitant
faire prévaloir les obligations déontologiques sur les
règles pénitentiaires tout comme Georges Fully avait tenté
de le faire à partir des années soixante, dans un contexte
cependant très différent. Cependant, contrairement au premier
Médecin-inspecteur, ces praticiens ne sont plus porteurs d'une vision de
la médecine pénitentiaire en tant que discipline
spécifique. Ils entendent ainsi se démarquer de la
représentation de la médecine pénitentiaire telle qu'elle
s'est progressivement construite au cours des années soixante-dix. De
scandale en scandale, cette pratique médicale, et la discipline que
Solange Troisier a tenté d'ériger à partir d'elle, est
devenue stigmatisante. La médecine pénitentiaire disqualifie ceux
qui l'exercent et les expose au risque d'être accusés d'être
des sous-médecins. Le seul moyen pour ces praticiens de revaloriser leur
pratique et leur statut et d'obtenir leur rattachement au ministère de
la Santé. Cette revendication rencontre la volonté
réformatrice de quelques magistrats-militants de l'Administration
pénitentiaire se revendiquant de la politique de
« décloisonnement » menée par Robert
Badinter.
S
i le sida peut-être considéré comme un
élément de réforme de l'organisation des soins en prison,
ce n'est pas en raison d'un pouvoir intrinsèquement réformateur
de l'épidémie. Des acteurs s'en sont emparés afin d'en
faire un argument dans leur tentative de transformation de la prise en charge
sanitaire des détenus. Ce sont, dans un premier temps, quelques acteurs
administratifs qui se servirent du sida afin d'accélérer le
rapprochement entre les ministères de la Justice et de la Santé.
L'épidémie servit d'argument, ensuite, à des
médecins-réformateurs soucieux d'autonomiser l'exercice
médical en milieu carcéral. Ce segment de praticiens
arrivés durant les années quatre-vingt est porteur d'une vision
alternative de la médecine pénitentiaire à celle qu'avait
rendue célèbre Solange Troisier. Ces médecins
tentèrent de mettre en oeuvre un exercice affranchi des
impératifs pénitentiaires et semblable à n'importe quelle
autre pratique médicale. Le sida fut utilisé par les ces
praticiens comme un argument de poids dans la réforme de l'organisation
des soins.
Les médecins-chefs réformateurs arrivés
à la fin des années quatre-vingt exercèrent un rôle
de porte-paroles du segment de praticiens nouvellement apparu. C'est
particulièrement le cas des Dr Emmanuelli et Espinoza, de manière
cependant très distincte. Le premier privilégie en effet les
revues scientifiques ou médicales. Il publie ainsi des études
documentées, s'appuyant souvent sur les travaux
épidémiologiques réalisés par ses internes de
l'Hôpital de Fresnes, à partir desquels il souligne
l'incapacité des services médicaux pénitentiaires à
faire face au « défi » de l'épidémie.
Au-delà du VIH, il tente d'intéresser les milieux médicaux
et associatifs, et de lutte contre le sida, à une approche plus globale
de la prise en charge des détenus qui vient légitimer une
réforme de l'organisation des soins :
« Le taux de séropositivité pour
le virus de l'immunodéficience humaine VIH en milieu carcéral est
20 à 30 fois plus élevé que dans la population
générale. Ce constat pose le problème de l'accès
aux soins de cette population [...] Le médecin n'a pas l'obligation de
résultat mais les moyens dont il dispose pour assurer le suivi de 10
à 15% de séropositifs dans les grandes Maisons d'arrêt en
zone urbaine sont-ils suffisants ? [...] La prise en charge des
séropositifs induit une prise en charge qui menace à terme
d'aggraver la pénurie des services médicaux des prisons [...]
Les détenus, de manière plus générale les
toxicomanes séropositifs ou sidéens, seront-ils exclus de ces
traitements de l'AZT, pour des raisons liées à leur
marginalisation sociale, aux difficultés d'organisation du soin dans
cette population. Sida et pauvreté constituent un défi pour nos
institutions »1819(*)
« La création d'antennes Cisih dans sept
prisons témoigne de ce mouvement d'ouverture et de liaison avec
l'extérieur. L'extension, le développement de la collaboration
hôpitaux-prisons répondra-t-elle aux besoins, à la charge
sanitaire réelle du sida en prison ? Cette tendance à
l'ouverture sera-t-elle poursuivie dans le secteur de la médecine
générale ? [...] Le sida est un redoutable
révélateur des dysfonctionnements institutionnels... et la prison
est actuellement, d'une certaine manière, une réponse
institutionnelle au problème sida-toxicomanie dans la Cité [...]
Ce constat justifie l'objectif d'un transfert de tutelle vers le
ministère de la santé »1820(*).
« Quand les prisons
réintégreront-elles la Cité ? Les détenus en
France ne peuvent bénéficier des prestations de la
Sécurité sociale, on touche ici du doigt les raisons d'un tel
état de fait : le nerf de la guerre n'est-il pas
l'argent ? »1821(*).
« Peut-on parler d'hygiène bucco-dentaire
lorsque le lavabo collectif sert à nettoyer certes les dents, mais aussi
les assiettes, la peau et le linge ? ou que les draps ne sont
changés qu'une fois par moi ? Peut-on dans ce contexte, parler
raisonnablement du VIH, des préservatifs, ou se polariser sur le sida en
oubliant l'hépatite ou la tuberculose ? [...] Il faut continuer
à décloisonner la prison et se faire aider par l'intervention de
médecins extérieurs. Pragmatique et compétent, le
médecin généraliste de la prison ne peut la plupart du
temps solutionner que les difficultés locales et quotidiennes. Il est
bien souvent ignoré et méconnu, son image est celle de quelqu'un
de peu présent, de peu payé, voire d'incompétent. Il en
est de même pour les infirmières. Ces militants d'un
système obsolète doivent être reconnus, et associés
aux actions de santé publique, car ils disposent d'un savoir-faire
indiscutable »1822(*).
A l'inverse, Xavier Emmanuelli privilégie les journaux
grand public au sein desquels il multiplie les déclarations alarmistes
appelant à des mesures urgentes :
« Trente pour cent de notre population
pénale est infectée par le virus [...] Il faut alerter l'opinion
publique et les ministères de la Santé et de la Justice [...] Le
problème "Sida-prisons" dépasse ce que l'on pouvait imaginer
[...] Nous ne pourrons faire face au fléau si une prise de conscience
immédiate n'a pas lieu [...] Si l'on ne prend pas des mesures
immédiates, le Sida va exploser dans les prisons françaises
surpeuplées. Et c'est notre société dans sa
totalité qui devra s'en défendre en exerçant des mesures
totalitaires d'exclusion auxquelles personne n'échappera »,
déclare le médecin-chef de Fleury-Mérogis
(VSD, 24-30/08/1989).
« Désormais, les séropositifs ne
sont plus isolés. Ils sont actuellement 900 sur 5000 à
Fleury-Mérogis [...]"Et, souligne le docteur Xavier Emmanuelli, quand on
sait que 10% seulement des séropositifs ont développé un
sida, on sait aussi que l'épidémie est devant nous, et qu'il va y
avoir un problème diabolique" » (Libération,
30/11/1991).
A partir du sida sont dénoncées les nombreuses
carences affectant la prise en charge des détenus. Mais c'est
progressivement une nouvelle organisation des soins que défendent
certains praticiens, comme ici le Dr Espinoza : « Doubler ou
même tripler les effectifs de médecins et d'infirmières
pénitentiaires, doubler les rémunérations permettrait sans
doute d'accomplir d'importants progrès. Mais c'est tout l'organisation
de la santé en milieu carcéral qu'il faudrait
repenser » (Tonus, 13/06/1988). Le coût
économique de la prise en charge de la maladie est souvent
présenté comme un argument récurrent en faveur d'une
réforme. « Le problème au départ est un
problème budgétaire. Car le budget de la Justice qui est de 1%
est un des budgets les plus faibles. Et dans ce même budget, celui de
l'administration pénitentiaire est un parent pauvre. Et pour finir, les
sommes consacrées à la santé sont dérisoires !
En réalité, il n'y a aucune ligne budgétaire pour faire
face à ce problème du SIDA en milieu carcéral. Or le
dépistage coûte cher », souligne le Dr Barlet de
Lyon1823(*).
« Aujourd'hui encore, l'administration pénitentiaire
comptabilise les frais médicaux à quelques francs par jour alors
qu'un test de dépistage vaut 100 francs et qu'il est suivi d'un examen
de confirmation (300 francs) puis d'un bilan immunitaire (de 300 à 500
francs) s'il s'avère positif », relève Xavier
Emmanuelli (VSD, 24-30/08/1989). C'est au nom de cet argument
économique que le médecin-chef de Fleury-Mérogis plaide en
faveur d'un rapprochement avec le ministère de la Santé :
« Praticien exerçant en prison, ce n'est
pas l'Administration pénitentiaire que j'interpelle, mais bien le
ministère de la Santé, en lui demandant instamment de prendre
d'urgence les mesures qui s'imposent. Sur ce point, il n'y a pas
d'ambiguïté, les problèmes de santé relèvent
bien de ses attributions et, si l'on veut schématiquement résumer
la situation, le mot d'ordre que je préconiserais serait : "Sortez
le VIH du cadre de la pénitentiaire et prenez vos responsabilités
[...] Où sont les projets ? Où sont les budgets ?
Pourquoi l'administration de la Santé est elle silencieuse et
impénétrable ?" » (Le Quotidien du
médecin, 20/04/1989).
L'argument économique prend d'autant plus de poids
qu'un meilleur dépistage des séropositifs et la mise à
disposition de l'AZT se traduisent à la fin des années
quatre-vingt par une explosion du budget de l'Administration
pénitentiaire. « On prescrivait comme on voulait. Ça
représentait des sommes énormes », déclare une
infirmière des Baumettes où le nombre de cas de sida était
parmi les plus élevés1824(*). « C'était l'AZT. Et
ça coûtait extrêmement cher à l'Administration
pénitentiaire », confirme une autre infirmière en poste
à Pontoise1825(*). L'incapacité de l'Administration
pénitentiaire à faire face à cette charge
financière constitue un nouvel argument en faveur d'une réforme
de l'organisation des soins. Au 31 mai 1989, le nombre de détenus
séropositifs en milieu pénitentiaire (2.348) avoisine le nombre
de personnes contaminées par le virus VIH dans l'ensemble des
hôpitaux français (2.565) : « On imagine alors
quelle est la charge sanitaire pour les prisons. En termes de chiffres, c'est
comparable. C'est très lourd », conclut le Dr
Espinoza1826(*).
La charge économique que représente le sida est
un sujet de préoccupation pour le ministère de la Justice.
Établissant le bilan budgétaire de 1988 à 1989,
l'Administration pénitentiaire s'alarme de « la dérive
des dépenses médicales » :
« L'augmentation de la masse des frais de pharmacie (+3.734.068
francs par rapport à 1988) est d'autant plus importante qu'elle
intervient dans une conjoncture de réduction de la population
pénale. Le coût journalier moyen en métropole enregistre
ainsi une hausse de 17% (2,69 en 1989 contre 2,30 en
1988) »1827(*). Le vice-président du Haut
comité de la santé publique (HCSP) qui eut un rôle moteur
au moment de la réforme confirme le poids démesuré des
dépenses médicales : « Les prisons étaient
le lieu où l'on distribuait le plus de traitements antiviral. On en
était au début. Et le coût était énorme. Donc
tout d'un coup, le budget médicaments explosait. Et donc au total, ils
[la DAP] ne pouvaient plus suivre »1828(*). La part des
dépenses médicales dans le budget de la DAP passe de 5,9% en 1986
à 7,5% en 19901829(*). C'est à partir de ces arguments qu'un
projet de prise en charge par la Sécurité sociale est
envisagé dès la fin des années quatre-vingt par les
services du ministère de la Santé. Le risque d'une perte de
contrôle des personnels sanitaires qui s'ensuivrait aurait bloqué
le projet1830(*), d'après le Conseiller technique de
Claude Evin :
« Le ministère de la Justice ne voulait
pas perdre ses pouvoirs. J'avais fait faire une expertise par la Direction de
la Sécurité sociale avec mon collègue Pierre Louis Bras,
qui était au cabinet, et qui a été par la suite Directeur
de la Sécurité sociale, sur la question de la possibilité
du transfèrement [...] J'avais demandé à la Sécu de
travailler sur un modèle où, en gros, la Sécurité
sociale paierait les frais de Sécu et la Pénitentiaire paierait
le tiers payant. Je crois que c'était ça l'hypothèse. Eux,
ils n'avaient pas très envie. Ils voulaient, mes amis de la Justice,
être patrons chez eux. C'est-à-dire qu'ils voulaient bien disposer
d'un appui du ministère de la Santé mais ils voulaient rester
maîtres chez eux et ils avaient très peur d'une médecine
autonome en prison [...] Ils voulaient à la fois qu'on [la Santé]
paye et qu'on n'ait pas une partie du pouvoir, des prérogatives.
Ça, c'est la Justice. On est habitué à ça... Moi,
je leur disais que les payeurs ils veulent avoir une partie du pouvoir... la
Justice est habituée à taxer des gens extérieurs. On [la
Santé] avait déjà payé sur les dépistages.
Est-ce qu'on pouvait l'étendre à l'ensemble du système
sans rien réformer ? Et là on a eu un désaccord. On a
discuté mais...»1831(*).
Comme on peut le voir, si l'idée de
décloisonnement a permis une nouvelle représentation de la
prison, elle n'a pas non plus mis fin à une certaine conception de
l'organisation du pouvoir propre à l'Administration
pénitentiaire. Si celle-ci est convaincue qu'elle ne peut plus
gérer à elle seule la santé des détenus, notamment
pour des raisons financières, elle ne souhaite pas pour autant perdre
tout contrôle dans l'organisation des soins et notamment dans la gestion
des personnels. La peur du dessaisissement semble alors l'emporter. Ces
réticences vont finalement pouvoir être levées au
début des années quatre-vingt-dix grâce à une
alliance entre les magistrats-militants issu du Syndicat de la magistrature et
le segment de praticiens apparu dans les années quatre-vingt
défavorable à une médecine pénitentiaire
spécifique.
CONCLUSION DE LA DEUXIEME PARTIE
La première configuration, allant de 1970 à
1981, marquait un temps d'affirmation de la médecine
pénitentiaire en tant que nouvelle spécialité
médicale. Le second Médecin-inspecteur, Solange Troisier,
poursuivait ainsi le travail initié par Georges Fully mais dans un but
nouveau. Il s'agissait pour elle de réhabiliter un secteur d'action
public discrédité, soumis à de nombreuses critiques et
où les démissions étaient fréquentes, ainsi que de
faire prévaloir le Code de procédure pénale sur celui de
déontologie médicale. La seconde configuration est quant à
elle avant tout caractérisée par le rejet de cette histoire de la
médecine pénitentiaire. Les magistrats issus du Syndicat de la
magistrature ainsi que certains professionnels regroupés dans une
communauté épistémique, baptisée COSYPE,
participèrent ainsi au démantèlement de l'oeuvre de
Solange Troisier. Il s'agissait pour eux de déspécialiser
l'organisation des soins en prison dans le cadre de la politique de
décloisonnement, afin de le rapprocher le plus possible de l'exercice
médical en milieu libre.
Cette politique aboutit en 1984 à la suppression de
l'inspection médicale interne à l'Administration
pénitentiaire et au transfert de cette compétence à l'IGAS
ainsi qu'aux DDASS. Cette réforme produisit des effets notables mais
elle ne permit cependant pas de mettre fin à une certaine autonomie de
fonctionnement de la médecine pénitentiaire. Celle-ci demeurait
gouvernée par des règles spécifiques et ses praticiens
étaient rétifs à tout contrôle trop contraignant. De
même, le projet de transfert de tutelle au ministère de la
Santé se heurta, une fois encore, aux réticences de la Direction
de la Sécurité sociale.
La question sanitaire prit une autre ampleur avec le
développement du sida qui alourdit la charge de travail des soignants.
Affectés par ces changements, les praticiens nouvellement arrivés
dans les années quatre-vingt formèrent un segment professionnel
spécifique porteur d'une nouvelle représentation de la
médecine pénitentiaire. Prenant le contre-pied des idées
auparavant prônées par Solange Troisier, ils défendirent,
notamment au sein de l'association l'APSP, l'image d'une médecine non
spécifique guidée par les seules exigences déontologiques.
Même si leurs effets furent modestes, les entreprises de réforme
ayant eu lieu dans les établissements de Fleury-Mérogis et de
Fresnes attestent de la transformation opérée dans la profession
de médecin pénitentiaire mais aussi dans l'Administration
elle-même. L'organisation des soins en prison est analysée
à la fin des années quatre-vingt comme un système
présentant de nombreux dysfonctionnements (absentéisme, violation
du secret médical, etc.) demandant à être
réformé.
A l'inverse des années soixante-dix, cette seconde
configuration réformatrice laisse peu de place aux variables
professionnelle et institutionnelle. La médecine pénitentiaire
apparait affaiblie d'une part en tant que profession et d'autre part en tant
que discipline. Le groupe professionnel des médecins exerçant en
prison est tout d'abord divisé du fait de l'émergence d'un
nouveau segment professionnel. En effet, l'important renouvellement
opéré au sein du corps médical au milieu des années
quatre-vingt, suite au contrôle des temps de travail, a permis
l'arrivée de jeunes praticiens qui ne se reconnaissent pas dans
l'appellation de « médecine pénitentiaire »
et qui se revendiquent exclusivement du Code de déontologie.
Déjà durant les années soixante-dix, un segment d'internes
protestataires était apparu. Pour contester leur hiérarchie
pénitentiaire, ces derniers avaient eu recours à la grève,
à la démission ou à la dénonciation de leurs
conditions de travail. Il s'agissait toutefois d'internes qui se situaient
à la marge du système et n'avaient d'autres moyens de faire
valoir leurs revendications. A l'inverse, la plupart des médecins
titulaires étaient à cette époque demeurés
silencieux soit par « apathie », soit par loyauté
à l'égard de l'Administration pénitentiaire.
Dorénavant, les médecins pénitentiaires sont
divisés.
En second lieu, la médecine pénitentiaire
apparait affaiblie en tant que discipline. Ce nouveau segment de praticiens
récuse tout d'abord l'idée d'un exercice médical
spécifique qui justifierait sa mise à l'écart du reste du
système de santé. Cet affaiblissement s'explique, d'autre part,
par la marginalisation que subit Solange Troisier. Bien que poursuivant ses
enseignements, cette dernière perd son poste de
Médecin-inspecteur qui lui permettait d'exercer un contrôle
important sur l'ensemble de ce groupe professionnel. Avec la suppression de son
poste, a lieu en 1983 le dernier congrès de médecine
pénitentiaire. L'implication de Solange Troisier dans le procès
des grâces médicales, même si elle est finalement
acquittée, accentue sa mise à l'écart1832(*). Avec la disparation
de son principal représentant, cette discipline médicale perd de
sa vigueur1833(*). Se diffuse alors l'idée que la
médecine pénitentiaire n'est pas quelque chose de
spécifique et que rien ne justifie que l'organisation des soins en
prison soit régie par des règles propres.
Cette division au sein de la médecine
pénitentiaire en tant que profession est également visible au
niveau de la variable institutionnelle. Dans la première configuration,
le Médecin-inspecteur exerçait une forte emprise sur
l'organisation des soins. Ce rôle-clef perd de l'influence après
1981 avec l'alternance et disparait dès 1983. Il est remplacé par
un magistrat qui dispose d'une légitimité moindre dans la gestion
du corps médical, laissant ainsi aux praticiens en place davantage de
marge de manoeuvre. Ce magistrat doit, en outre, composer avec d'autres
institutions. Au rôle quasi-monolithique détenu par Solange
Troisier se substitue désormais un partage du pouvoir entre plusieurs
instances. L'inspecteur Philippe Chemithe assure une fonction de
contrôle, notamment sur les horaires des praticiens. Mais surtout
l'Inspection générale des affaires sociales et les
médecins inspecteurs de santé publique représentent
désormais des contre-pouvoirs importants à l'Administration
pénitentiaire ainsi qu'aux praticiens travaillant en détention.
Les « établissements 13.000 » à gestion
mixte imposent même au ministère de la Justice de composer avec
des acteurs totalement étrangers aux règles du système
administratif français. La décision en matière
d'organisation des soins est ainsi désormais co-produite entre ces
différents acteurs institutionnels1834(*).
Si les facteurs professionnels et institutionnels perdent de
leur importance, les facteurs politiques et cognitifs jouent en revanche
pleinement durant cette seconde configuration.
Dans la première période, aucun acteur politique
ne s'était engagé en faveur d'une réforme de la
médecine pénitentiaire. L'autorité dont disposait Solange
Troisier demeurait ainsi sans réel contrepoids. L'alternance de 1981 est
à l'inverse marquée par un engagement de Robert Badinter en
faveur d'une transformation de la prison et de sa médecine. Son
Conseiller technique, Jean Favard, dispose de toute sa confiance. Ce dernier
profite de sa connaissance de l'Administration pénitentiaire et de sa
longévité (il reste cinq années en poste) pour
entreprendre de nombreuses réformes. Si ces dernières n'ont pas
révolutionné l'institution carcérale et ont
engendré des déceptions, elles ont néanmoins
favorisé une nouvelle représentation de la prison incarnée
par des mesures modestes mais lourdes de signification, comme par exemple
l'instauration de parloirs sans séparations. Convaincu que la
médecine pénitentiaire n'existe pas en tant que discipline, le
garde des Sceaux a joué en outre un rôle fondamental dans la
suppression du poste de Médecin-inspecteur. Cet engagement politique fut
également, d'une toute autre manière cependant, celui d'Albin
Chalendon en faveur des « établissements 13.000 »
dont on a noté les répercussions pour l'Administration
pénitentiaire, notamment en terme d'organisation sanitaire.
Enfin, le facteur cognitif fut probablement le plus important
durant la seconde configuration. Bien qu'apparue dans les années
soixante-dix, l'idée de décloisonnement a peu joué durant
la première période. Cette notion souffrait alors de
définitions polysémiques mais surtout restait cantonné
à des acteurs extérieurs à la prise de décision
(essentiellement associatifs et médicaux). Enfin, si elle fut
esquissée par Valéry Giscard d'Estaing dans le début de
son mandat, l'idée de décloisonnement se heurta par la suite
à la politique sécuritaire d'Alain Peyrefitte. L'alternance 1981
fut à cet égard fondamentale en permettant à des
magistrats porteurs de cette représentation de l'incarcération
d'arriver à des postes hauts placés. Elle permit ainsi la
reconnaissance de la COSYPE, créée explicitement afin d'offrir
des contre-propositions à la politique d'Alain Peyrefitte. Il semble
s'être établi entre cette Coordination syndicale et les
décideurs en matière de politique carcérale une situation
originale de coproduction de l'action publique, proche de celle décrite
par Pierre Muller et Bruno Jobert.
En lien avec l'apparition de l'approche
« néocorporatiste »1835(*), Pierre Muller et Bruno
Jobert ont mis en évidence un modèle de régulation
sectorielle où prédominent les
« médiateurs »1836(*). L'élaboration d'une politique publique
suppose trois conditions1837(*). Il faut que se dégage une relation de
leadership professionnel qui fait qu'une catégorie sociale
prend la direction d'un secteur spécifique, en cherchant à le
modeler en fonction de ses intérêts. Il est nécessaire
qu'un acteur administratif revendique avec succès l'exclusivité
du domaine concerné, et donc qu'il détienne l'expertise
légitime. Il faut, enfin, que les deux formes de leadership se
superposent suffisamment pour aboutir à une coproduction de l'action
publique et, pour cela, que leurs visions respectives du secteur à
réguler soient compatibles.
Ce modèle correspond en partie au cas d'espèce.
Bien que ne représentant pas tant une profession qu'un secteur, la
COSYPE bénéficie d'une légitimité importante
après l'alternance. Elle apparaît alors comme un réel
contrepoids aux syndicats pénitentiaires traditionnels et
bénéficie d'une bonne couverture médiatique, par exemple
lors du congrès organisé en novembre 1982. S'établit entre
le garde des Sceaux et cette Coordination une relation de confiance qui repose
notamment sur le partage d'une même vision commune de l'institution
carcérale que l'on a qualifiée de
« décloisonnement ». Cette coproduction de l'action
publique entre deux acteurs fut renforcée par le rôle-clef dont
disposèrent le Conseiller technique Jean Favard puis la DAP Myriam
Ezratty. Le fait que tous deux aient appartenu auparavant au Syndicat de la
magistrature, qui lui-même était représenté à
la COSYPE par Alain Blanc, a probablement favorisé cette convergence de
vue quant à politique à adopter en la matière.
Ainsi, si les alternances politiques sont des moments
importants de transformation de l'action publique, ce n'est pas seulement en
raison du volontarisme politique mais aussi du fait du renouvellement des
hommes qui a alors lieu. La politique carcérale de Robert Badinter a eu,
on l'a souligné, des effets limités sur les conditions de
détention en raison d'une pluralité d'obstacles (manque de
crédits, opposition des syndicats et acharnement de certains
médias). Cependant, l'arrivée de magistrats membres du Syndicat
de la magistrature à des postes décisionnels a marqué une
rupture importante. L'action publique est ainsi tout autant le produit de
grandes orientations politiques que de décisions quotidiennes
adoptées par ceux qui les mettent en oeuvre.
L'idée de décloisonnement ne produit cependant
pas tous ses effets durant cette seconde configuration. Le projet, qui en
découle, d'une médecine dotée d'un statut non
pénitentiaire se heurte à certains obstacles, tels un
problème de financement ou une inertie de certaines règles
pénitentiaires. La formation d'un segment de praticiens favorables
à un transfert et hostiles à une spécialisation de la
médecine pénitentiaire représente un allié de poids
dans la volonté des magistrats-militants affectés à la DAP
de réformer l'organisation des soins. Confrontés à la
difficile gestion du sida, ces magistrats engagent dès 1990 une nouvelle
tentative de réforme. Celle-ci va déboucher sur l'adoption d'un
décret en 1993 qui sera repris sous la forme d'une loi en 1994. On
retracera les conditions d'adoption du transfert de tutelle au début des
années quatre-vingt-dix, sous la forme d'un prologue, avant d'apporter
des éléments de conclusion plus généraux sur ce
travail de thèse.
PROLOGUE A LA CONCLUSION : LA REFORME DE 1994 COMME
SUCCES D'UNE MOBILISATION DE MAGISTRATS-MILITANTS ET DE PRATICIENS
REFORMATEURS
Le début des années quatre-vingt-dix est
marqué par une aggravation des conditions de santé des
détenus, principalement du fait de l'épidémie de sida. En
effet, alors que la plupart des détenus séropositifs sont encore
au stade asymptomatique dans les années quatre-vingt, 10% des 4.600
détenus séropositifs incarcérés ont
développé en 1990 un stade sida. Les conséquences de
l'épidémie demeurent ainsi entières pour les années
à venir, notamment d'un point de vue budgétaire, comme le
relève une note de la DGS :
« Pour 1993, la Direction de l'Administration
pénitentiaire a demandé un budget de 37 millions de francs pour
faire face au coût des soins engendrés par l'infection par le VIH
et le Sida (AZT, Bactrim, etc...). Cette somme ne comprend ni le coût des
hospitalisations, ni le coût des tests de dépistage (70% du test)
ni les équipements nécessaires (aérosols par exemple)
[...] L'Administration pourra-t-elle seule faire face à ces
dépenses ? Il est permis d'en douter compte-tenu de l'ampleur de la
tâche et du peu de moyens dont dispose le ministère de la Justice.
On sait ici que la question du changement de tutelle, si souvent
évoqué recouvre avant tout le problème de la prise en
charge financière de la santé des
détenus »1838(*).
Pourtant, la tutelle de l'organisation des soins ne semble
alors pas perçue comme un problème public appelant une
réponse politique. La publication d'une recherche
épidémiologique, reprise en partie dans un ouvrage à
succès, donne lieu à plusieurs articles de presse1839(*). Tous accordent une
grande importance à l'état de santé des détenus ou
au manque de moyens auquel fut confronté le Dr Gonin durant ses trente
années de pratique. Pourtant, aucun de ces articles ne mentionne la
proposition faite par le Dr Gonin d'opérer un transfert de cette
compétence auprès du ministère de la
Santé :
« Pour satisfaire à sa mission, la
médecine pénitentiaire ne peut plus être une
médecine à part, enclavée dans une administration qui n'a
pas pour rôle de garantir la protection médicale. Elle doit
trouver sa place au sein de la Santé, et non plus de la Justice. Elle
est déjà sous le contrôle de ce ministère. La voie
de la normalisation est ouverte »1840(*).
Ainsi les seuls enjeux sanitaires sont insuffisants pour
expliquer le transfert de tutelle qui a lieu au début des années
quatre-vingt-dix. Ce n'est pas parce que les politiques, les médias ou
l'opinion auraient soudainement « pris conscience » des
carences de la prise en charge médicale des détenus que cette
réforme a eu lieu. La réforme fut rendue possible par la
mobilisation de quelques acteurs administratifs-militants en poste à
l'Administration pénitentiaire. Ces derniers firent de l'état
sanitaire des prisons un argument de poids dans leur projet, militant, de
transformation de la prison. L'appui de quelques médecins issus du
segment apparu dans les années quatre-vingt défavorable à
une médecine pénitentiaire spécifique ainsi que d'un
nouvel acteur dans le secteur des politiques sanitaires, le Haut comité
pour la santé publique (HCSP), permirent à ces magistrats
d'aboutir en mars 1993 à un décret puis à une loi en
19941841(*).
Trouver une alternative au
« 13.000 » : des premières conventions à
une réforme globale de la prise en charge sanitaire des
détenus
En 1990, la Direction centrale de l'Administration
pénitentiaire connaît une réforme importante de ses
services. Tandis que la prise en charge sanitaire des détenus
était auparavant répartie entre plusieurs services, un Bureau lui
est désormais spécifiquement consacré1842(*). D'après Alain
Blanc, en charge de la Sous-direction de la réinsertion, la
création de cette structure était le signe d'une volonté
de réforme :
« Moi, j'ai participé à la
définition du second organigramme dans lequel il y avait un Bureau qui
apparaissait indispensable en prévision de la réforme de la
santé comme étant l'interlocuteur de la Direction
générale de la santé et de la Direction des hôpitaux
[...] Il était très clair qu'il fallait créer un Bureau
dans la Sous-direction de la réinsertion qui soit l'interlocuteur du
ministère de la Santé et qui assure le suivi dans le cadre de la
réforme »1843(*).
Pour diriger le Bureau de l'action sanitaire est nommée
une magistrate auparavant en poste au Bureau du travail, Michèle Colin,
qui est amenée à jouer un rôle décisif dans la
réforme. Interrogée sur les motivations qui l'ont amenée
à prendre la tête de ce Bureau et à conduire la
réforme de l'organisation des soins en prison, cette magistrate met en
avant une approche « militante » : « J'avais des
motivations idéologiques extrêmement fortes... Militantes !
Voilà ! Ma position était une position militante. Partir du
constat que les détenus étaient mal soignés en milieu
carcéral. C'était le Moyen-âge ! Le
Moyen-âge ! Vous alliez dans des infirmeries totalement
délabrées, minables ! » 1844(*). Tout comme son
sous-directeur, Alain Blanc, membre fondateur de la COSYPE, Michèle
Colin est convaincue par l'idée de
« décloisonnement » grâce à laquelle
elle explique a posteriori la réforme de l'organisation des
soins :
« L'administration abandonne donc un peu de son
fantasme de toute puissance et le Ministère de la Justice, car c'est lui
qui a porté ce discours, reconnaît qu'elle n'est ni omnisciente ni
omnipotente dans la prise en charge des détenus et qu'il y a des choses
qu'elle ne sait pas faire et qu'elle doit déléguer à
d'autres services publics plus compétents en la matière [...]
Cette politique du décloisonnement peut sembler un peu philosophique
comme approche, c'est pourtant ce discours-là qui a porté la
réforme. J'ai été présente en milieu
pénitentiaire pendant un certain nombre d'années, et j'ai bien vu
comment cette position philosophique a porté ses fruits très
rapidement »1845(*).
L'un des dossiers qu'est amenée à gérer
l'équipe de Michèle Colin est la mise en oeuvre des premiers
établissements à gestion semi-privée, dits
« 13.000 », voulus par Albin Chalandon1846(*). Bien que consciente
des avancées réalisées en termes de moyens, celle qui
dirige le Bureau de l'action sanitaire est très défavorable
à une prise en charge exercée par le privé :
« J'ai toujours pensé que le service public de la Santé
était plutôt remarquable et que les hôpitaux fonctionnaient
de manière tout à fait satisfaisante. Et puis mon choix,
c'était que les personnes incarcérées aient accès
aux services publics exactement dans les mêmes conditions que n'importe
qui ». Parce que le « 13.000 » incarne une
logique de privatisation à laquelle elle est opposée,
Michèle Colin imagine une prise en charge sanitaire alternative pour les
trois établissements retirés du programme sous la forme de
conventions entre ces établissements pénitentiaires et
l'hôpital public de proximité : « Il fallait que la
santé aille en prison, aille aux détenus. Il fallait briser cette
omerta et que les établissements hospitaliers s'installent en prison
»1847(*).
Le Centre pénitentiaire de Laon est le premier à
bénéficier d'une telle convention. A l'occasion de la mise en
service de son infirmerie hospitalière en février 1992,
Michèle Colin déclare souhaiter
« généraliser cette expérience aux autres
centres pénitentiaires »1848(*). Car
parallèlement, l'équipe de Michèle Colin nourrit le projet
d'un changement de tutelle de la santé en milieu carcéral. S'il
est partagé par son sous-directeur, Alain Blanc, ce projet se serait
heurté à une certaine « frilosité » du
Directeur de l'Administration pénitentiaire, Jean-Claude Karsenty. Ce
dernier fut nommé en octobre 1990 en raison de la bonne image dont il
bénéficie auprès des syndicats pénitentiaires. En
effet, suite à d'importantes grèves survenues en
19881849(*)
et à plusieurs évasions de détenus, un rapport est
confié à l'Inspection générale des Finances ainsi
qu'à l'Inspection générale de l'administration
représentée par Jean-Claude Karsenty. Les conclusions de ce
dernier déplaisent au garde des Sceaux, Pierre Arpaillange, qui ne
publie en mai 1990 qu'une « synthèse
édulcorée » du rapport provoquant la colère des
syndicats ayant trouvé un défenseur en Jean-Claude
Karsenty1850(*). Ainsi, lors de sa nomination, le nouveau
Directeur est présenté par la presse comme le
« monsieur anti-évasions »1851(*).
Si les syndicats ne manifestent pas de forte opposition
à son égard, ce dernier est en revanche mal perçu par les
magistrats en place à la DAP : « C'était une
direction qui était relativement.... libérale, humaniste etc. Ils
étaient un peu inquiets. Parce que chaque fois qu'on a un préfet
ou un inspecteur général, c'est là qu'on serre la
vis »1852(*). S'il est davantage préoccupé
des questions sécuritaires et de la gestion des établissements,
Jean-Claude Karsenty est néanmoins favorable à ce que
l'Administration soit déchargée de la question sanitaire. Il
aurait acquis cette conviction en tant que président de la MILT (Mission
interministérielle de lutte contre la toxicomanie) lors de sa
création en 1985 où il avait supervisé la création
des Antennes toxicomanie rattachées aux SMPR1853(*). Le scandale des
grâces médicales ou la délégation au
« 13.000 », à laquelle il est pourtant assez
réticent, achèvent de le convaincre du nécessaire
recentrage de la DAP sur sa mission sécuritaire : « A partir
de là, j'en ai tiré l'argument : "On laisse tomber ce qu'on
ne sait pas faire et on se concentre sur ce qu'on fait bien !". Parce
qu'en même temps, il s'agissait de mettre l'accent sur nos
priorités et notamment la sécurité »
1854(*).
Pour accélérer la mise à l'agenda de la
réforme, Michèle Colin et Alain Blanc ont l'idée
d'organiser un colloque sur la question de la prise en charge sanitaire des
détenus. « Et donc dès ce moment-là, j'ai
parlé de transfert et ça a un peu effrayé mon directeur
[J.C Karsenty] et le directeur de la Santé [DGS, Jean-François
Girard]. Voyant que les choses patinaient un petit peu, avec mon service et
avec mon sous-directeur [A. Blanc] on a décidé de faire un
colloque pour faire connaître le problème de la santé en
milieu carcéral », observe Michèle Colin1855(*).
Cette « rencontre » entre praticiens,
survenue les 4 et 5 avril 1992, permit l'inscription de la réforme de la
médecine pénitentiaire à l'agenda décisionnel. A
cette occasion, certains soignants, issus du segment de praticiens apparu
durant les années quatre-vingt, se livrent à une critique
virulente des conditions dans lesquelles ils exercent, du point de vue de la
déontologie médicale ou des moyens. Dans une intervention
commune, Xavier Emmanuelli et Pierre Espinoza plaident pour un rattachement de
la santé auprès de son ministère de tutelle,
justifié selon eux par la menace du sida.
Grâce à la présence de nombreux
journalistes, ces journées sont l'occasion d'apporter à la
connaissance du public les principaux dysfonctionnements de la médecine
pénitentiaire1856(*). Contrairement aux congrès des années
soixante-dix où la DAP tentait de limiter toute
contestation1857(*), les propos critiques des soignants peuvent
être vus non pas comme une marque de défiance à
l'égard de l'institution carcérale mais comme le produit d'une
stratégie d'autocritique initiée par l'Administration
pénitentiaire elle-même. Le dispositif choisi (groupes de travail
entre soignants, absence des syndicats les plus virulents, supports papiers et
vidéos tenant des propos incisifs à l'égard du
fonctionnement de la médecine pénitentiaire1858(*), présence de
nombreux journalistes1859(*)) favorisait en effet une mise en avant des
dysfonctionnements de l'organisation des soins. D'ailleurs en clôture du
congrès, Jean-Claude Karsenty et Myriam Ezratty plaidèrent pour
un transfert de tutelle auprès du ministère de la
Santé.
L'objectif du congrès, intitulé
« Soigner autrement », était bien de mettre fin
à l'ancienne organisation de soins, comme en atteste une note de
préparation : « Le congrès doit déboucher
sur une conférence de presse largement relayée par les vecteurs
médiatiques qui permettra de "liquider" le concept de
médecine pénitentiaire »1860(*). Ainsi, loin
d'être une menace, le regard critique des professionnels de santé
est une ressource à l'égard du projet de réforme
poursuivi, accréditant l'idée que l'Administration
pénitentiaire ne serait pas légitime en matière
d'organisation des soins. L'objectif poursuivi par le Bureau de l'action
sanitaire est en effet d'« intéresser » les services
du ministère de la Santé rendant ainsi possible l'inscription de
la réforme de l'organisation des soins sur l'agenda décisionnel.
La mise sur agenda, un phénomène immergé
dans le secteur administratif
Interpellée par la DAP, la DGS refuse de s'associer
à l'organisation du congrès. Le ministre de la Santé est
cependant représenté par Guy Nicolas, vice-président du
Haut comité de la santé publique (HCSP). L'objectif de ce
colloque était d'arriver à capter l'attention des acteurs
administratifs ou politiques, notamment par une bonne couverture
médiatique. Pourtant, les organisateurs auraient évité
délibérément la venue de toute personnalité
politique en choisissant d'organiser cet évènement durant la
période de transition entre le gouvernement d'Edith Cresson et celui de
Pierre Bérégovoy suite aux élections régionales et
cantonales de mars 19921861(*). C'est ce que rapporte le vice-président du
Haut comité :
« Et c'est justement parce qu'on avait ce
changement de ministre, provoquant un vide de trois ou quatre jours, qu'on a
organisé ce colloque. Bruno Durieux ne pouvait pas prendre la parole car
il n'était plus responsable, et Bernard Kouchner ne l'était pas
encore »1862(*).
Cette tentative de tenir à distance
délibérément les acteurs politiques peut être
interprétée, comme on en fait l'hypothèse, comme la
tentative de porter la réforme par un biais purement administratif en
évitant ainsi qu'un ministre puisse tenter de s'approprier la
réforme. Ce choix traduirait alors une stratégie de
« non politisation » de la question de l'organisation des
soins en prison. Les organisateurs de ce congrès souhaitaient capter
l'attention des acteurs politiques, et par ce biais les services du
ministère de la Santé, sans les laisser s'approprier cette
réforme. « Il fallait culpabiliser les pouvoirs publics et les
affoler ! "Soigner autrement" ! Démontrer ce qu'il en
était et le mettre sur la place publique », observe Alain
Blanc, sous-directeur de la DAP, qui avait laissé carte-blanche à
Michèle Colin dans l'organisation de ce congrès.
Cette stratégie semble avoir fonctionné puisque
la DGS manifeste aussitôt son intérêt. Le 4 avril au soir,
Jean-François Girard contacte Jean-Paul Jean, Conseiller technique au
cabinet du garde des Sceaux, Michel Vauzelle, à la demande du
nouveau ministre de la Santé : « Je me souviens très
bien que le soir du colloque, j'ai reçu un coup de fil à la
maison de Jean-François Girard qui me dit : "On m'a dit beaucoup
beaucoup de bien de ce colloque". Visiblement, il avait eu un message de
Kouchner. "Il faut faire quelque chose. Moi, je suis prêt à faire
un truc, etc. »1863(*). Par ailleurs, Guy Nicolas prend rendez-vous avec
Didier Tabuteau, directeur de cabinet de Bernard Kouchner, qu'il avait connu
auparavant au cabinet de Claude Evin.
Une première réunion a lieu entre le Directeur
Général de la Santé et le Directeur de l'Administration
pénitentiaire le 30 avril 1992 au terme de laquelle une collaboration
entre services est jugée préférable au transfert de
responsabilité de la prise en charge sanitaire des
détenus1864(*).
La prudence de la DGS s'explique alors par des raisons essentiellement
économiques. Une note de la DGS élaborée en vue de la
rencontre du 30 avril souligne que « le premier problème [des
mesures envisagées] reste celui de leur
coût »1865(*). Si la question économique prend tant
d'importance, c'est parce que l'affiliation des détenus à
l'Assurance maladie est lors de la réunion du 30 avril
« considérée comme devant être examinée
ultérieurement compte-tenu de sa complexité et des enjeux qu'elle
représenterait en termes aussi bien économiques que
politiques »1866(*). Faute d'accord sur la question budgétaire,
tout transfert apparaît impossible : la démarche
administrative, en l'absence de décision politique, ne peut aboutir
qu'à une impasse.
Un groupe de travail Santé/Justice créé
au lendemain du colloque du 4 avril 1992 aboutit également à une
impasse. Le groupe se heurte à la difficulté de définir la
mission qui lui a été confiée, en l'absence de demande
officielle provenant des ministres1867(*). Initialement absente des débats, la
question du coût de la prise en charge des détenus s'avère
finalement être l'un des principaux enjeux des réunions.
Conscients des attentes des professionnels de santé intervenant en
détention, en termes de revalorisation de leur
rémunération ainsi que de leurs équipements, les
représentants de la DGS envisagent, en l'absence de nouveau financement,
un échec d'une éventuelle réforme1868(*). L'opposition entre les
deux directions est clairement résumée dans ce compte-rendu de
réunion :
« L'Administration pénitentiaire
veut séparer la question du transfert de tutelle (vers la Santé)
et celle de la protection sociale (financement des dépenses de
santé des détenus par l'assurance maladie) [...] La
dimension budgétaire apparaît ici centrale dans
l'opportunité d'un transfert ou d'un partage de la tutelle de
l'organisation des soins en prison [...] Il convient de refuser de dissocier ce
problème de tutelle de celui du financement »1869(*).
Si elle refuse l'éventualité d'un transfert
à court-terme, la DGS propose néanmoins en contrepartie des
mesures plus modestes, susceptibles d'amorcer un rapprochement entre les deux
administrations1870(*). Le ministère de la Santé
écarte ainsi toute réforme globale à court terme mais
propose quelques mesures coûteuses mais également symboliques
à une époque où la lutte contre le sida apparaît
comme la principale priorité de la politique de santé. Cette
solution de demi-mesure s'explique par la délicate position dans
laquelle se situe le ministère de la Santé. Il lui est, en effet,
difficile d'opter en faveur d'un statu quo sur la question de la
santé des détenus, labellisée comme un
« problème de santé publique »1871(*). Ainsi la formulation de
propositions constructives au ministère de la Justice permet à la
DGS d'écarter, au moins pour un temps, la question du transfert de
tutelle.
Les réunions du groupe Santé/Justice laissent
clairement apparaître la difficulté à concilier les
objectifs de chaque service ministériel. L'Administration
pénitentiaire oriente les discussions en faveur d'un transfert de
tutelle sans que la question de la protection sociale des détenus soit
posée. Cette occultation de la dimension budgétaire contribue
à accroître les inquiétudes de la DGS. Celle-ci tente de
concilier la volonté, apparue clairement lors du congrès d'avril
1992, de faire progresser l'état de santé des détenus avec
sa crainte de s'engager dans une démarche aux conséquences
imprévisibles. Ce blocage est, d'après nous, essentiellement
lié au mode de saisine et de traitement du projet de réforme,
jusque-là immergé dans le secteur administratif. Les services de
la Santé et de la Justice collaborent cependant dans des perspectives
différentes puisque tandis que les premiers souhaitent amorcer une
collaboration, les seconds souhaitent aboutir à un transfert de
tutelle. Cette perspective dépasse la marge de manoeuvre dont dispose
les cadres de l'avenue de Ségur. Faute de commande politique claire, les
services administratifs peinent à trouver un terrain d'entente. Seul le
recours aux décideurs politiques, via leur cabinet ministériel,
peut permettre de dépasser cette impasse.
Le nécessaire recours à la volonté
politique via les cabinets ministériels
Afin d'accélérer le projet de réforme, le
Conseiller technique du garde des Sceaux, Jean-Paul Jean, et par ailleurs
compagnon de Michèle Colin, prend l'initiative d'organiser une rencontre
avec le directeur de cabinet du ministre de la Santé, Didier Tabuteau,
qu'il avait connu au cabinet de Claude Evin. La réunion entre les deux
directeurs de cabinet a lieu le 12 juin. Y assiste également
Danièle Jourdain-Menninger, directrice de l'organisation des soins que
Jean-Paul Jean avait recrutée dans le cabinet Evin1872(*).
Dans le conflit qui oppose la DGS et la DAP, le relevé
de décision tranche en faveur de l'Administration pénitentiaire.
Le transfert de tutelle, et plus précisément le rattachement des
établissements pénitentiaires aux hôpitaux publics, est
présenté comme l'objectif « à terme »
tout en repoussant la question de son financement : « Se posera
dans un second temps la question du transfert du budget "santé" de
l'Administration pénitentiaire, par voie de dotation de l'Etat, à
la sécurité sociale, pour que la médecine en milieu
carcéral passe dans le régime de droit
commun »1873(*).
La prise en compte du régime de protection sociale des
détenus, et ainsi l'implication de la DSS dans les négociations,
retarderait une réforme envisagée à court-terme, comme en
atteste la référence aux prochaines élections
législatives : « C'est un dossier auquel les deux ministres
tiennent, et sur lequel on peut aboutir avant mars 1993 ». Pourtant
la DGS ne cesse ses avertissements. Quelques jours
après cette réunion, une note de la Sous-direction de
l'organisation des soins alerte Didier Tabuteau, directeur de cabinet
Santé, sur la nécessité de prendre en compte la dimension
financière de la question et, pour cela, de travailler en concertation
avec le ministère des Affaires sociales jusqu'alors absent des
négociations1874(*):
« Le transfert du budget "santé" de
l'Administration pénitentiaire, par voie de dotation de l'Etat, à
la Sécurité sociale, même si elle ne doit intervenir que
dans un second temps, implique l'accord de Monsieur le Ministre des Affaires
Sociales et de l'Intégration. Il paraît donc difficile que ces
deux points soient mentionnés dans une note commune, fût-ce
à titre de programme de travail, sans que le Cabinet de Monsieur Teulade
en soit informé »1875(*).
Si la réunion entre les cabinets Santé/Justice
du 12 juin ne résout pas la question du financement de la
réforme, elle acte cependant la forme de coopération avec le
secteur hospitalier : « A terme, il s'agit d'aboutir, comme pour
les SMPR, à la création d'un secteur systématique (par la
loi ou le décret) d'un secteur de médecine générale
en milieu pénitentiaire, dans la carte hospitalière, en faisant
correspondre un service hospitalier à chaque lieu de
détention »1876(*). Un calendrier et une méthode sont
également fixés avec précision.
Conformément à cette demande, une note de
synthèse sur la question de la santé en prison est établie
le 6 juillet par les trois directions ministérielles1877(*). Quelques jours plus
tard, dans une lettre de mission commune, les ministres de la Santé,
Bernard Kouchner, de la Justice, Michel Vauzelle, et des Affaires sociales,
René Teulade, chargent le HCSP d'un rapport sur cette
question1878(*). Bien
qu'il ne soit pas fait explicitement référence au transfert, la
mission du HCSP est pourtant bien de fournir une expertise venant
légitimer le changement de tutelle.
Le rapport Chodorge du Haut comité de la
santé publique : les conditions de production d'une expertise
légitimante
Une personne extérieure au HCSP est choisie pour
présider la mission : Gilbert Chodorge, un directeur
d'hôpital proche de Gérard Vincent qui connaît bien la
Direction des hôpitaux (DH) où il a travaillé sept
ans1879(*).
Initialement restreint, le groupe de travail s'étoffe au fil des travaux
de la commission qui s'étalent entre septembre et janvier 1993.
Etrangement, celle-ci ne comporte aucun représentant du ministère
de la Santé, à l'exception de Guy Nicolas, alors que les membres
de la DAP sont très présents (quatre des sept membres actifs de
la commission). Ainsi, tous ceux qui sont réticents à
l'idée d'un transfert de tutelle sont écartés de la
mission. Les trois médecins pénitentiaires qui en sont membres,
récemment arrivés, réfutent l'appellation de
« médecine pénitentiaire »1880(*). Un infirmier
psychiatrique est appelé à participer à la commission
alors même qu'il vient d'arriver en poste depuis quelques mois et qu'il
ne connait pas le milieu carcéral1881(*). Tous les soignants
amenés à participer aux travaux appartiennent ainsi au segment de
praticiens arrivés durant les années quatre-vingt et hostiles
à une médecine pénitentiaire spécifique.
L'objet de la commission n'est par conséquent pas tant
d'évaluer la pertinence d'une réorganisation des soins que de
légitimer une décision déjà prise. C'est ce que
souligne un des membres de la mission Chodorge : « Le transfert
était déjà décidé. Il n'a fait que confirmer
ce qui avait été décidé. Ce n'était pas du
tout un rapport sur l'opportunité du
transfert »1882(*). Destiné à convaincre, le
rapport adopte une tonalité alarmiste. En l'absence de statistiques
fiables sur la santé des détenus1883(*), il multiplie les
chiffres approximatifs, qui seront repris par la presse1884(*). Celui qui est alors
Conseiller technique au cabinet du ministre de la Justice observe que certaines
statistiques, notamment en matière de troubles psychiatriques1885(*), étaient
« discutables », tout en justifiant néanmoins cette
stratégie : « N'empêche que c'est exactement ce qu'il
fallait ! Un rapport sec et nerveux qui donnait les
éléments. C'est exactement ce qu'il
fallait ! »1886(*).
La mission Chodorge aboutit à un pré-rapport
diffusé à tous les services concernés en décembre
1992 en prévision d'une réunion entre les cabinets des
ministères de la Santé et de la Justice. En préparation de
cette réunion, la Sous directrice de l'organisation des soins à
la DGS demande confirmation à Jean-François Girard d'une position
conditionnant l'intervention d'équipes hospitalières à la
prise en charge par la Sécurité sociale : « Un
transfert global de responsabilité au "profit" du Ministère de la
Santé n'est pas dissociable de la résolution du problème
du financement »1887(*). Au cours de la réunion du 22
décembre 1992, où tous les services sont
représentés à l'exception de la Direction de la
sécurité sociale1888(*), est adoptée l'idée d'une prise
en charge hospitalière soumise néanmoins à un arbitrage du
Premier ministre prévu pour le mois de janvier1889(*). Probablement autant par
conviction idéologique que par stratégie politique, il est
convenu que la réforme soit adoptée dans les derniers jours du
gouvernement de Pierre Bérégovoy. La forme que prend alors la
réforme du fait de l'urgence des législatives s'avérera
insuffisante et donnera lieu à un projet de loi du nouveau gouvernement,
grâce à l'engagement notamment de Simone Veil.
L'adoption de la réforme : du décret du 27
mars 1993 et la loi du 18 janvier 1994
Le rapport Chodorge est officiellement rendu public le 9
février 1992. La presse reprend à son compte les chiffres du
rapport permettant de dresser un « constat accablant de la situation
sanitaire dans les établissements pénitentiaires »
(LM, 10/02/1993). Les ministres concernés annoncent les mesures
proposées dans le rapport, à savoir la signature de conventions
avec les hôpitaux et la prise en charge par l'Assurance maladie de tous
les détenus. L'Etat prend à sa charge les cotisations
personnelles des détenus n'ayant plus de droits tandis que les
départements paient le ticket modérateur.
Contrairement à ce qui avait été
prévu, il est décidé, en prévision des
législatives de mars 1993 pour lesquelles les prévisions
donnaient les socialistes perdants, de réformer la médecine
pénitentiaire sous forme de décret. Le 27 mars 1993, dernier jour
du gouvernement Bérégovoy, le gouvernement publie ainsi un
décret qui transfère les activités de soin en milieu
carcéral du ministère de la Justice au ministère de la
Santé1890(*).
Outre le faible risque de contentieux, adopter la réforme sous cette
forme permettait, selon Guy Nicolas, de lier le prochain gouvernement pour
lequel il aurait été difficile de ne pas donner suite à
une mesure considérée comme nécessaire :
« Il fallait marquer le coup. Et Bernard
Kouchner voulait marquer son nom sur ce décret. Et je crois qu'il l'a
bien fait. Et comme ça, on a gagné du temps. Par que le ministre
suivant devait soit faire la loi, soit supprimer le décret. Ce qui
était très difficile à faire. Alors que les médias
avaient tous applaudi en disant "enfin", ça aurait sans doute
été mal perçu de supprimer ce décret. Moi, j'ai eu
des contacts très directs avec le cabinet de Simone Veil. C'est elle qui
a fait passer la loi. Il fallait rendre le décret caduque, ce qui est
une démarche un peu lourde. Elle s'est emparée du
texte » 1891(*).
Le gouvernement d'Edouard Balladur est en effet
composé, outre Pierre Méhaignerie à la Justice, de Simone
Veil, ministre d'Etat des Affaires sociales, de la Santé et de la ville,
dont on a déjà évoqué l'intérêt pour
la prise en charge sanitaire des détenus. Censé être mis en
oeuvre dès le 1er juillet 1993, le décret se heurte
à un problème de base légale que mettent en avant
plusieurs administrations de Santé pour demander la suspension ou
l'abrogation du décret. « La fragilité juridique du
dispositif ne peut que renforcer la mauvaise volonté des caisses
d'assurance- maladie et de la fédération hospitalière de
France, hostiles à la réforme », rappelle le Conseiller
technique du ministère de la Santé chargé du
dossier1892(*). En outre, le ministre
délégué à la Santé, Philippe Douste-Blazy,
semble moins empressé que Simone Veil à porter le projet de
réforme.
Le ministre délégué à la
Santé semble en effet soucieux des conséquences
budgétaires de cette réforme. Ainsi, lors de la réunion
d'arbitrage qui se tient au Secrétariat général du
gouvernement, un conflit oppose le ministère de Douste-Blazy et celui de
la Justice : « Le ministère délégué
à la Santé évalue le coût de la réforme pour
l'assurance maladie à environ 230MF dans l'hypothèse où
l'on constaterait une rentrée normale des cotisations. Le
ministère de la Justice conteste ces coûts. Il estime en effet que
la réforme résultant du décret entraînerait un
surcoût de 110MF pour l'assurance maladie et de 90MF pour
l'administration pénitentiaire »1893(*). Il est finalement
décidé que de ne pas abroger le décret mais de le
suspendre et que des « dispositions relatives à la protection
sociales des détenus et de leurs ayants-droits seront
insérés dans le projet de loi relatif à la situation
sanitaire et à la santé publique ». Ainsi,
malgré les risques d'une inflation budgétaire1894(*), le cabinet du
Premier ministre tranche en faveur d'une réforme de la médecine
pénitentiaire.
Simone Veil présente ce projet de loi relatif à
« la santé publique et à la protection
sociale » le mercredi 6 octobre 1993 en conseil des ministres. Le
projet est adopté et devint la loi n°94-43 du 18 janvier 1994,
publiée au Journal Officiel du 19 janvier 1994.
Sans minimiser l'importance des mobilisations de plusieurs
décideurs administratifs et politiques, la facilité avec laquelle
fut adoptée la réforme de l'organisation des soins, surtout dans
son volet relatif à la protection sociale, contraste avec les nombreuses
oppositions que cette question avait soulevées jusqu'alors. Cette
absence de forte opposition fut rendue possible, selon nous, par la
catégorisation qui a progressivement été faite par les
partisans de cette réforme en tant que réponse à un
problème de santé publique. Il est à cet égard
indispensable de souligner le rôle joué par le scandale des
collectes de sang contaminé en milieu carcéral qui éclate
durant cette période.
La catégorisation de la prise en charge des
détenus en tant que problème de santé publique et le
rôle du scandale des collectes de sang contaminé en prison
L'analyse des politiques publiques a déjà mis en
avant la nécessité de catégoriser ou de labelliser un
phénomène en tant que problème public afin de le mettre
à l'agenda décisionnel. Ce phénomène est
particulièrement observable lorsqu'une politique est menée sur un
secteur social précis, observe Guillaume Payen selon lequel « toute
nouvelle politique destinée à un domaine limité de la
société s'attache, pour être adoptée par les
autorités centrales, à faire la preuve rhétorique qu'elle
s'inscrit dans la politique générale du moment où qu'elle
répond à des valeurs et des besoins plus globaux (en faisant
référence, par exemple, à un intérêt
général abstrait) »1895(*). En catégorisant la santé des
détenus comme un problème de santé publique, il s'agissait
de conférer à ce sujet la légitimité que
représentaient, et ce de manière croissante, les problèmes
de santé publique1896(*). Ce travail de
« labellisation » fut l'oeuvre de plusieurs acteurs :
médicaux, bien sûr, mais aussi administratifs, politiques,
journalistiques et associatifs et militants.
Plusieurs médecins pénitentiaires ont
contribué à analyser l'organisation des soins en détention
comme un problème de santé publique, et ce de diverses
façons. Michel Bénézech et Pierre Espinoza ont
multiplié les études épidémiologiques et les
alertes médiatiques depuis le milieu des années quatre-vingt en
lien avec l'épidémie de sida1897(*). On y retrouve
souvent un même raisonnement : parce qu'elle est un problème
de santé publique, la santé des détenus doit être
placée sous la responsabilité du ministère de la
santé1898(*). Le médecin-coordinateur de
l'Hôpital de Fresnes multiplie les propos alarmistes dans les grands
quotidiens afin de demander l'adoption, puis la mise en oeuvre rapide, de la
réforme : « Il faut tirer le signal d'alarme. Si ce
transfert n'est pas structuré dans les mois à venir, on risque de
se réveiller trop tard » (La Croix, 18/03/1993).
Cette catégorisation est également le fait de
l'Administration pénitentiaire. « J'ai écrit des notes
extrêmement alarmistes que j'ai transmis à ma direction et qui ont
été transmises par le cabinet [Justice] au cabinet
Santé », rappelle Michèle Colin1899(*). Effectivement, par
le biais de notes et de réunions, le Bureau de l'action sanitaire de la
DAP développe un argumentaire de santé publique. Au cours d'une
réunion Santé/Justice, « l'Administration
pénitentiaire considère que la santé des détenus
est un problème de santé publique qui devrait être pris en
charge par les services publics de santé [...] au nom de la
"citoyenneté du détenu" »1900(*). Ce passage du
compte-rendu de réunion trouvé dans les archives de la DGS a
été souligné et l'on peut lire en marge : « Ces
deux arguments sont indiscutables ». Dans une note transmise aux
cabinets du ministre des Affaires sociales, du ministre chargé de la
Santé et du Premier ministre Michèle Colin rappelle que la
santé des détenus représente « un enjeu de
sécurité sanitaire » mais aussi « un
enjeu politique non négligeable » :
« Les détenus passent en moyenne 6 mois
et demi en établissement pénitentiaire (délai qui se
réduit à 3 mois en Maison d'arrêt). Cela
génère un risque certain de propagation de maladies
transmissibles à l'extérieur de la prison (VIH et tuberculose),
comme au sein des prisons (vis-à-vis tant des autres détenus que
des surveillants) dans des conditions de surpopulation importantes. Cette
situation est de nature à générer des troubles et tensions
en milieu carcéral [...] Le développement de la toxicomanie, de
la flambée de l'épidémie VIH, la recrudescence de la
tuberculose, et plus récemment l'affaire du sang contaminé ont
attiré l'attention de la Presse sur les problèmes de santé
de la population pénale »1901(*).
Le même argumentaire fut utilisé lors des
débats parlementaires, comme le rappelle le Sous-directeur de
l'Administration pénitentiaire :
« On a dit priorité à la
santé publique et on a fait comprendre la menace que cela
représentait. On a carrément prononcé des gros mots. On a
dit : "Le sida est une bombe et si l'on veut désamorcer la bombe,
il faut mener une politique de santé publique qui atteint les sujets qui
sont dangereux. Si on veut diminuer le taux de contamination, il faut soigner
et par conséquent mener une politique de santé publique". Tout
ça c'était dans les notes qu'on faisait au sujet des
débats parlementaires à l'Assemblée
nationale »1902(*).
Ce travail de catégorisation fut facilité par
trois faits qui ont favorisé au même moment cette prise en compte
de la santé des détenus en tant que problème de
« santé publique ».
Le Conseil national du sida, présidé par
Françoise héritier-Augé, rend tout d'abord un rapport en
mars 1993 sur la gestion de l'épidémie en prison, et qui aboutit
à l'idée d'un transfert de tutelle1903(*). « Selon
une étude du Conseil national du sida, la médecine
pénitentiaire devrait passer sous contrôle "exclusif" du
ministère de la Santé », titre Le Monde
(13/03/1993).
D'autre part, survient en 1993 dans l'ensemble de la France
une recrudescence de l'épidémie de tuberculose,
déclarée urgence mondiale par l'OMS1904(*). De par la population
précaire qu'elles accueillent, les prisons seraient fortement
touchées par l'épidémie. Le rapport Chodorge fait
état, sans citer de données précises, de « trois
fois plus de tuberculoses dépistées en milieu carcéral
qu'à l'extérieur », constat largement repris par les
médias. Ces derniers s'inquiètent en effet de la
« menace virale » que représente le milieu
carcéral à l'occasion de l'alerte lancée par le Pr Albert
Hirsch, considéré comme à l'origine de la loi Evin sur le
tabac et alors membre du HCSP :
« "Si, par malheur, survenaient chez nous, comme
aux Etats-Unis, des épidémies de tuberculose à germes
multirésistants, elles auraient, je le crains, les prisons pour point de
départ", dit le Professeur Albert Hirsch, chef de service de pneumologie
à l'hôpital Saint-Louis. "Il est scandaleux, poursuit-il, que
depuis des années, ait été abandonnée la radio
systématique de dépistage, qui était naguère
obligatoire lors de la mise sous écrou. Les tuberculeux, maintenant, y
sont dépistés seulement quand la maladie est évidente".
Les prisons sont de véritables culots de
centrifugation pour les BK, avec leur population de marginaux, de toxicomanes,
souvent porteurs en même temps du virus du sida. La contamination
s'étend dans les cellules et menace tout autant le personnel
pénitentiaire. Le séjour moyen dans les prisons est de trois
mois. Quand les condamnés sortent, ou bien ils n'ont pas
été dépistés ou bien ils ont été mis
sous traitement ; mais c'est précisément cette
catégorie-là de sujets qui se soumettent le plus mal à
l'observance rigoureuse du traitement nécessaire pendant six
mois »1905(*).
Si le rapport du CNS et l'épidémie de
tuberculoses ont participé à une meilleure prise en compte de la
santé des détenus en tant que problème de santé
publique, le scandale des collectes de sang contaminé par le VIH en
prison est venu achever de légitimer le projet de réforme entre
1992 et 1994. En effet, alors que le procès du premier volet bat
son plein1906(*), ce qui deviendra le
« 3ème volet du scandale du sang
contaminé » émerge dans l'espace médiatique en
avril 1992, soit quelques jours après le congrès
« Soigner autrement »1907(*). Une controverse
médiatique s'engage aussitôt au sujet des collectes en prison mais
s'achève avec l'annonce d'une d'enquête conjointe de l'IGAS et de
l'Inspection générale des services judiciaires (IGSJ). A la
parution du rapport en novembre 1992, une nouvelle controverse s'engage sur les
responsabilités de chaque administration. La réaction
très rapide des autorités politiques réussit
néanmoins à circonscrire le débat.
Bien qu'il ait été assez peu question des
services médicaux pénitentiaires au sein des
médias1908(*), le scandale des collectes de sang en prison
fut l'occasion de soulever la question de l'organisation des soins en milieu
carcéral. Il fut d'ailleurs question d'une réorganisation des
soins en prison. Mettant en avant le « manque
de fric » dont souffre la médecine pénitentiaire,
le Dr Emmanuelli défend ainsi dans une tribune un transfert de tutelle
auprès du ministère de la Santé. Sans évoquer
explicitement un transfert de tutelle, les inspecteurs de l'IGSJ et de l'IGAS
proposent d'ailleurs en conclusion de leur rapport de poursuivre la politique
initiée sous Robert Badinter : « Il y a lieu de mener à
son terme le décloisonnement entrepris pour résoudre, notamment,
le problème actuel du chevauchement des compétences, de placer
auprès d'elle un médecin qui puisse la conseiller au quotidien et
de prévoir des moyens médicaux suffisants » (p.190). Cette
volonté de réforme fut, par ailleurs, clairement affichée
par le Garde des Sceaux, Michel Vauzelle, lors de la de la publication du
rapport :
« J'en tirerai cependant des conséquences
quant à l'organisation de l'administration pénitentiaire mais
dans le cadre plus global de la santé en prison [...] Je compte bien en
ce domaine laisser une trace de mon passage en proposant des mesures avec mon
collègues de la santé. Il faut ainsi donner aux détenus
une meilleure sécurité dans le domaine sanitaire : plus de
moyens, développement des accords avec les établissements
hospitaliers pour une meilleure qualité de soins et une médecine
préventive comparable à celle de tout citoyen (bilan de
santé des entrants en matière de sida, de tuberculose,
d'hépatite) [...] Mais tout cela demande des moyens
considérables »1909(*).
L'apparition de ce scandale a représenté une
ressource supplémentaire pour les partisans de la réforme. En
atteste par exemple un compte-rendu de réunion entre les cabinets
Santé et Justice qui précise que les collectes de sang doivent,
dans un document annonçant la réforme, être
décrites, au même titre que le nombre de séropositifs et de
sidéens incarcérés, comme des « problèmes
lourds qui rendent inéluctable une
réforme »1910(*). Dans un document adressé à la
DSS, Michèle Colin présente la réforme comme
« un enjeu politique non négligeable » :
« Le développement de la toxicomanie, de la flambée de
l'épidémie VIH, la recrudescence de la tuberculose, et plus
récemment l'affaire du sang contaminé ont attiré
l'attention de la Presse sur les problèmes de santé de la
population pénale »1911(*).
Le scandale des collectes qui se déploie en 1992 fut
ainsi mis à profit comme un argument par les partisans de la
réforme, que ceux-ci soient des médecins comme Xavier Emmanuelli
ou Pierre Espinoza1912(*) ou par les magistrats réformateurs en
place à la DAP, tels Alain Blanc et Michèle Colin:
« Y avait en plus tout le débat des
collectes de sang. Comme on venait de traverser ce truc qui était assez
violent on a profité du truc en quelque sorte. On justifiait cette
réforme par le risque potentiel que les détenus
représentaient pour le reste de la population. C'était
imparable ! Totalement implacable ! La logique de santé
publique pure de protection de la population est une logique totalement
incontestable »1913(*)
« Le ministère de la Santé
était à l'époque marqué par l'histoire du sang
contaminé. Et c'est un peu horrible de se dire ça mais on a
profité un peu de la situation... Il y avait une brèche et on a
beaucoup joué là-dessus. Je reconnais moi-même avoir
beaucoup joué là-dessus. C'est à dire qu'on leur disait
que s'ils ne se chargeaient pas de la santé des détenus, s'ils ne
s'occupaient pas de ce qui leur revenait, on retomberait extrêmement vite
sur un gros scandale qui les mettrait en cause. Car la balle était dans
leur camp [...] Il n'y aurait pas eu le scandale du sang contaminé, il
n'y aurait pas eu de transfert »1914(*).
Le rapport du Conseil national du sida,
l'épidémie de tuberculoses mais surtout le scandale des collectes
de sang ont favorisé la catégorisation des détenus en tant
que problème de santé publique. Jusque-là perçu
comme d'ordre pénitentiaire, et relevant à ce titre du
ministère de la Justice, ce problème est désormais
analysé en tant que problème de santé intéressant
l'ensemble de la collectivité et devant ainsi être traité
par le ministère de la Santé. On peut ainsi voir ce travail de
« labellisation » comme une stratégie
d'intéressement des services de l'avenue de Ségur. Jusqu'au
début des années quatre-vingt-dix, en dépit du transfert
de l'inspection et du Comité Santé/Justice, la prise en charge
sanitaire des détenus est perçu par le ministère de la
Santé comme un problème d'ordre pénitentiaire ne relevant
pas de leur compétence. La publication de l'étude
épidémiologique du Dr Gonin, les notes alarmistes du Bureau de
l'action sanitaire de la DAP ou encore le congrès d'avril 1992
achèvent de convaincre les services de la Santé qu'il s'agit
là d'un problème de santé publique qui réclame
à ce titre leur implication. Ce travail de labellisation est l'un des
facteurs qui a favorisé la conjonction entre les différentes
variables explicatives dont est née la loi du 18 janvier 1994.
La réforme de la médecine
pénitentiaire comme convergence des variables politiques,
professionnelles, cognitives et institutionnelles
La facilité avec laquelle la réforme de la
médecine pénitentiaire a été adoptée entre
1992 et 1993 contraste avec les nombreuses tentatives opérées
depuis le début des années soixante-dix. On peut rendre compte de
cette réussite à partir de la conjonction d'une pluralité
de facteurs qu'éclaire la configuration réformatrice. Durant
cette troisième période, toutes les variables semblent avoir
oeuvré dans une même direction, et ce contrairement aux
précédents configurations.
Certains acteurs politiques ont tout d'abord été
relativement engagés en faveur du transfert de l'organisation des soins
au ministère de la Santé et surtout aucun ne s'y est
opposé. Bien qu'elle ait eu pour origine des acteurs administratifs de
la DAP, la réforme a tout d'abord bénéficié du
soutien de Bernard Kouchner et de Michel Vauzelle. L'engagement de Simone Veil
a, d'autre part, permis que l'alternance de 1993 n'interrompe pas la
réforme initiée. En effet, si le décret invalide n'avait
pas été repris sous la forme d'une loi, il est possible que
celui-ci n'ait jamais été appliqué. Sans être
prépondérante, la variable politique a ainsi participé
à la réforme.
Il en est de même de la variable professionnelle. Au
début des années quatre-vingt-dix, la médecine
pénitentiaire semble avoir en tant que discipline perdu toute
reconnaissance au sein du secteur médical. Cet affaiblissement de la
médecine pénitentiaire en tant que spécialité
médicale explique peut-être que lors de la réforme aucun
praticien ne se soit opposé à un transfert auprès du
service public hospitalier. La mise à l'écart du reste du
système de santé, qu'impliquait la définition d'une
médecine pénitentiaire, est justement ce que refusent les
réformateurs. Les rares médecins encore convaincus que l'exercice
médical en détention doit rester sous la tutelle du
ministère de la Justice ont ainsi perdu toute légitimité
face au segment apparu durant les années quatre-vingt, favorable
à un transfert de tutelle, qui apparaît désormais
dominant1915(*). Ainsi, la réforme n'est pas seulement
l'oeuvre de magistrats-militants. Ces derniers s'appuient, ce qui faisait
défaut en 1981, sur un groupe de praticiens hostiles à une
spécialisation de la médecine pénitentiaire et favorables
au transfert de tutelle au ministère de la Santé. Le colloque
d'avril 1992 en est le meilleur exemple.
Les membres de ce segment médical sont tous porteurs
d'une représentation de l'incarcération proche de l'idée
de décloisonnement : l'emprisonnement n'est pas perçu comme
une privation de droits mais, à l'inverse, comme l'accès à
un ensemble de services, médicaux mais aussi culturels ou
éducatifs, qui sont autant de facteurs de réinsertion des
détenus. Bien qu'apparue dans les années soixante-dix, la notion
de décloisonnement ne produit ainsi tous ses effets qu'au début
des années quatre-vingt-dix. Celle-ci semble à cette
période encore guider l'action des magistrats de la DAP qui s'y
réfèrent volontiers. C'est notamment le cas de la Chef de Bureau
de l'action sanitaire dont il faut souligner l'importance. Si celle-ci fut si
importante dans l'avènement de cette réforme, ce n'est pas
seulement en raison de son engagement militant en faveur de celle-ci mais
également par la position institutionnelle qu'elle occupe.
Ainsi, le facteur institutionnel est probablement celui qui
fut le plus déterminant, même s'il n'aurait pu à lui seul
permettre une réforme d'une telle ampleur. En effet, durant les
années quatre-vingt l'organisation des soins en prison est
profondément divisée après la suppression du poste de
Médecin-inspecteur. La régulation de la médecine
pénitentiaire est alors le fait d'une pluralité d'acteurs parfois
divergents : le magistrat chargé de la réglementation
sanitaire, celui chargé du recrutement des personnels, l'inspecteur des
services pénitentiaires, le médecin-coordinateur de Fresnes qui
occupe un rôle officieux de conseiller médical de
l'Administration, l'IGAS et les DRASS/DDASS ainsi que dans une moindre mesure
la DGS. Même si ces différents acteurs se réunissent
périodiquement au sein du Comité Santé/Justice, personne
ne coordonne de manière durable leurs interventions. Cet
éclatement de la tutelle exercée sur la médecine
pénitentiaire fut probablement l'une des causes, outre la gestion
discrète du sida par la DAP, de la poursuite des collectes de sang en
prison après l'été 1985 alors que les risques
étaient connus.
La création d'un Bureau de l'action sanitaire fin 1990
marque à cet égard une étape charnière. Le pilotage
par un magistrat, assisté d'un directeur d'hôpital, de
l'organisation des soins rend possible la réforme. Bien sûr, la
variable cognitive fut là aussi fondamentale. C'est parce qu'elle
était convaincue que la prison devait être pensée sur le
mode du décloisonnement, et donc à partir d'un nécessaire
partage du pouvoir en détention avec d'autres autorités de
tutelle, que la magistrate chargée de ce Bureau a initié une
dynamique de réforme. Celle-ci n'aurait pu probablement aboutir sans
l'appui de son sous-directeur ou encore de son conjoint, Conseiller technique
auprès du garde des Sceaux. Le sida et le scandale du sang
contaminés ont représenté des ressources fondamentales
dans cette stratégie de réforme.
Ainsi, si tous les facteurs n'ont pas pesé de la
même manière dans la dynamique qui a s'est
développée entre 1991 et 1994, aucun n'a toutefois fait obstacle
au projet de réforme comme ce fut le cas auparavant. Dans les
années soixante-dix, le Médecin-inspecteur avait
développé le projet d'une médecine pénitentiaire
spécifique qui rendait impossible son transfert au ministère de
la Santé. Après l'alternance, la Direction de la
Sécurité sociale s'était opposée à une
affiliation des détenus à laquelle était
conditionné le transfert de tutelle. L'Administration
pénitentiaire cherchait en outre à cette époque à
opérer un partage des responsabilités en matière
médicale avec de nouveaux acteurs, aboutissant à une absence de
réel pilotage en matière d'action sanitaire.
Ainsi, la réforme de la médecine
pénitentiaire fut essentiellement l'oeuvre d'acteurs administratifs mais
ceux-ci n'auraient pu aboutir sans une configuration politique et
professionnelle qui leur était favorable.
La sociogenèse de la réforme de l'organisation
des soins en prison permet ainsi de rompre avec l'idée que la loi du 18
janvier 1994 serait le seul fait de la volonté politique. Elle n'est pas
non plus issue de la prise de conscience selon laquelle la prise en charge
sanitaires des détenus serait un « enjeu de santé
publique »1916(*). Ainsi le transfert de tutelle au service
public hospitalier ne peut être considéré, comme le fait
Olivier Obrecht, devenu médecin-chef de Fleury-Mérogis
après la réforme, comme une « évidence
conceptuelle »1917(*). La santé des détenus n'a
été considérée comme un problème de
santé publique qu'au terme d'un travail de labellisation et
d'intéressement opéré par certains praticiens et
magistrats placés à la DAP. Cette mobilisation en faveur de la
réforme s'intègre pour ces derniers dans une tentative plus large
de transformation de la prison. Ce détour par le passé permet de
mieux comprendre l'origine de la loi de 1994 mais également la mise en
oeuvre de celle-ci.
CONCLUSION
Robert Badinter : « La
santé des détenus est un problème constant qui a fait des
progrès considérables. Nous sommes arrivés avec des
difficultés inouïes à mettre fin à ce que l'on a
appelé "la médecine pénitentiaire", qui était une
médecine de sous-hommes »1918(*).
Au terme de ce travail, les propos de Robert Badinter
cités en ouverture de cette thèse prennent tout leur sens.
Certes, le transfert de tutelle a été adopté entre 1992 et
1993 sans grande résistance. Cette facilité a permis aux
réformateurs d'affirmer que « tout s'est passé en 1992
» ou encore que « contrairement à ce qu'il est dit, une
révolution peut se dérouler en quelques mois ». Ce regard
sur la réforme tend cependant à gommer une grande partie de ses
conditions de possibilité et ainsi de sa signification. Si elle
répond, certes, à une situation sanitaire qualifiée
parfois de « dramatique » ou
d'« urgence », la loi du 18 janvier 1994 ne peut être
comprise si elle n'est pas restituée sur un temps plus long qui est
celui des transformations qui ont affecté la prison et sa
médecine.
La réforme de l'organisation des soins ne
désigne ainsi pas tant le moment où la loi fut adoptée que
la séquence historique ponctuée de réussites et
d'échecs dont cette dernière marque l'aboutissement. Cette
conception de la réforme s'inscrit ainsi pleinement dans le courant de
sociohistoire de l'analyse des politiques publiques1919(*). La loi du 18 janvier
1994 ne prend tout son sens que si elle est pensée au regard des
transformations qu'a connues l'organisation des soins en prison depuis au moins
le début des années soixante-dix.
Ce détour par le passé n'a pas pour seul
intérêt de mieux connaître l'histoire. Il permet
également d'éclairer sous un jour nouveau le présent. La
sociohistoire de la réforme de l'organisation des soins en prison permet
ainsi de mieux comprendre la mise en oeuvre de la loi du 18 janvier 1994. On
avait, en effet, pu observer au cours du DEA que la réforme
s'était traduite par une opposition accrue entre les institutions
carcérales et hospitalières, pouvant être
préjudiciable à la prise en charge sanitaire des détenus.
Il est possible, au terme de ce travail, d'analyser ce phénomène
comme un effet non désiré issu de la démarche des
réformateurs. Leur volonté de rompre avec la confusion des
fonctions de soin et de surveillance qu'a pu incarner parfois la
médecine pénitentiaire a ainsi contribué à une
délimitation trop stricte des missions de soin et de garde.
Après avoir souligné dans quelle mesure le
regard sociohistorique permet de mieux comprendre la mise en oeuvre de la
réforme, on tentera de dégager quel est l'apport plus
général de cette thèse aux sciences sociales. En
matière de sociologie des professions médicales tout d'abord, ce
travail a tenté d'analyser la manière dont se transforment les
spécialités médicales. Parce qu'elle s'exerce dans un
milieu non-médical, la médecine pénitentiaire nous est
apparu comme un exemple privilégié de spécialisation dont
on ne peut rendre compte uniquement à partir de la seule logique
médicale. En matière de sociologie carcérale, en second
lieu, on a tenté de démontrer que l'analyse de la prison et de
ses réformes passe nécessairement par une sociologie politique de
ses acteurs. Faute d'intégrer une telle dimension à l'analyse,
les études consacrées aux politiques carcérales
présentent le risque d'aboutir à une vision idéologique
des réformes, perçues uniquement en tant que vecteurs de
« progrès » ou de
« régression » de la condition
pénitentiaire.
La mise en oeuvre de la loi du 18 janvier 1994 : une
délimitation trop stricte des missions de soin et de garde ?
La seule logique sanitaire échoue à rendre
compte de la loi du 18 janvier 1994. Si ceux qui en furent à l'oeuvre
étaient, certes, préoccupés de l'état sanitaire des
détenus, c'est néanmoins à partir d'une position
militante, presque idéologique, qu'ils s'engagèrent en faveur
d'une réforme. La quasi-totalité des décideurs
rencontrés concernant cette période, et dans une moindre mesure
certains praticiens engagés dans la réforme, sont porteurs d'une
vision de la prise en charge des détenus fondée sur l'idée
de service public. Parce que l'institution carcérale relève du
pouvoir régalien, qui ne peut être confié à des
opérateurs privés, l'organisation des soins en prison ne peut
dépendre, selon eux, que du service public hospitalier auquel tous les
interviewés se sont déclarés être attachés.
En outre, la principale préoccupation des magistrats réformateurs
était de rompre avec le passé de la « médecine
pénitentiaire », apparue comme stigmatisante au fil de
nombreux scandales.
Doté d'une forte légitimité,
l'hôpital public était à leurs yeux le plus à
même de mettre fin à cette immixtion des fonctions de soin et de
garde. Ce choix s'est cependant traduit dans les faits par une
délimitation très stricte de ces deux missions, parfois
préjudiciable à la prise en charge des détenus. C'est ce
que relève Noémie Bienvenu dans sa comparaison entre la
réforme française et celle qui fut adoptée en des termes
voisins en Angleterre et au pays de Galle entre 2004 et 20061920(*). D'après elle,
tandis que le cas français se caractérise par une
« intégration stricte de l'organisation des soins en
prisons dans le service public de santé », l'Angleterre et le
pays de Galles auraient privilégié un « partenariat
souple ». Ils ont ainsi laissé la possibilité aux
anciens médecins pénitentiaires (Medical officers) de
continuer à exercer tandis que des infirmiers auraient conservé
le statut pénitentiaire afin de faciliter le dialogue entre les deux
équipes.
Cette analyse rejoint les observations que l'on avait pu faire
durant le DEA de la mise en oeuvre de la loi du 18 janvier 1994 dans les
prisons de Lyon. S'il est indéniable que la réforme a permis une
rapide amélioration de la prise en charge sanitaire des détenus,
notamment en raison des nouveaux moyens budgétaires, le choix du service
public hospitalier a donné lieu à certains problèmes. On
relèvera, dans un premier temps, que la réforme s'est traduite
par une difficile coopération entre le monde hospitalier et
l'institution carcérale, avant de souligner les problèmes
rencontrés au sein des Unités de consultation et de soins
ambulatoires (UCSA) situés en détention.
L'un des enjeux de la loi était de rapprocher les
institutions hospitalières et carcérales dont les relations
étaient souvent conflictuelles1921(*). Les réformateurs imaginèrent
ainsi une contractualisation entre établissements. Si les hôpitaux
de rattachement furent fixés par le législateur, on leur laissa
en revanche le choix du service chargé de cette
attribution1922(*). Dans les faits cependant, peu de praticiens
hospitaliers furent volontaires selon la responsable du Bureau de l'action
sanitaire pour la région pénitentiaire Rhône-Alpes:
« La loi de 1994 a été
imposée aux hôpitaux. Ça, il faut le savoir et donc les
chefs de service n'étaient pas du tout volontaires pour prendre en
charge cette mission [...] Ça a été imposé à
un chef de service. Ce qui était une très mauvaise chose puisque
après il y a eu des conséquences » 1923(*).
Même lorsqu'ils sont volontaires, certains chefs de
service seraient moins animés par un réel souci pour le milieu
carcéral que par la volonté de développer leur service.
Alors que se multiplient les restrictions budgétaires dans le secteur
hospitalier, certains y verraient un moyen afin de doter leur service de
nouveaux ETP qui parfois sont « détournés »
au profit du service de rattachement : « Il peut y avoir des
détournements d'attribution de financement [...] Les postes, par
exemple, ont été attribués initialement à l'UCSA et
le poste se retrouve créé dans le service situé à
l'hôpital.... » 1924(*).
Les conséquences de ce désintérêt
sont, en outre, multiples. Il en découle, par exemple, un manque de
dialogue entre l'UCSA et son service de rattachement1925(*) ou un manque
d'implication de la structure hospitalière ce qui peut
démoraliser le personnel qui y travaille. Le sentiment d'isolement qui
en résulte contribue à reproduire la coupure entre la prison et
le reste du système sanitaire à laquelle la loi du 18 janvier
1994 avait tenté de mettre fin :
« Il semblerait qu'il y ait des
résistances très importantes à Grenoble [...] Le chef de
service de Grenoble ne s'implique pas [...] Et puis il y a les personnels de
l'UCSA qui ne se sentent pas écoutés, qui ne se sentent pas
soutenus car si le chef de service ne vient jamais à
l'UCSA... » 1926(*).
Ce manque d'implication des chefs de services est d'autant
plus dommageable que les directeurs d'hôpitaux se
désintéressent le plus souvent d'une médecine qu'ils
n'estiment pas relever des missions hospitalières. C'est ce que relevait
en 2003 le médecin de la DRASS Rhône-Alpes chargée de ce
dossier. Pour elle, le peu d'importance qu'accordent les directeurs
hospitaliers à la prise en charge des détenus est comparable
à leur désintérêt pour l'interruption volontaire de
grossesse dont elle était également chargée :
« Pour beaucoup de directeurs hospitaliers, c'est la dernière
roue du carrosse car les établissements hospitaliers n'ont pas
été demandeurs et ça n'est pas un service qui fait une
médecine qui est valorisée et personne ne se bat pour s'en
occuper »1927(*). Celle qui pilotait la gestion sanitaire pour
l'Administration pénitentiaire dans la région
Rhône-Alpes observait également en 2003 que certains
directeurs hospitaliers ignoraient ce qu'était la loi du 18 janvier
1994 :
« Des fois, j'ai affaire à des directeurs
d'hôpitaux qui ne savent pas ce que c'est et je trouve ça un peu
étonnant [...] Là aussi, encore, ce n'est pas dans la culture
hospitalière, si vous voulez. La loi n'est pas encore très bien
connue » 1928(*).
A cette faible prise en compte de la prise en charge sanitaire
des détenus par l'institution hospitalière à qui fut
confiée cette mission, s'ajoute en second lieu le
désintérêt par les soignants eux-mêmes
affectés. Ce désintérêt pour le milieu
carcéral concerne particulièrement les praticiens
hospitaliers1929(*), de nombreux postes restant ainsi vacants.
C'est ce que relevait en 2003 celle qui pilotait la gestion sanitaire pour
l'Administration pénitentiaire dans la région
Rhône-Alpes : « Aujourd'hui encore, dix ans après
la loi, j'entends encore des directeurs d'hôpitaux qui me disent :
"On ne trouve personne pour aller travailler en prison, ils ne veulent pas y
aller" »1930(*).
Dans sa thèse consacrée aux soignants en prison,
Bruno Milly remarque que les principales motivations évoquées par
les praticiens ayant fait ce choix sont d'ordre stratégique (choix
géographique, promotion hiérarchique, service de jour, etc.) et
la décision de travailler en prison est ainsi souvent un choix
désenchanté1931(*). Ce désintérêt s'explique
en partie par le type de médecine qui s'exerce en milieu
carcéral : il s'agit d'une médecine généraliste,
proche d'un dispensaire, très éloignée par
conséquent des critères de réussite hospitaliers. On peut
à cet égard relever de manière plus
générale, comme le fait Isabelle Parizot au sujet des personnes
défavorisées, l'inadéquation entre la logique
hospitalière et la prise en charge des troubles dont souffre
généralement la population exclue:
« La mission de soin de l'hôpital
universitaire, conjointe à ses missions d'enseignement et de recherche,
s'est polarisée autour des pathologies qui suscitent un
intérêt scientifique, donnant lieu à une
spécialisation toujours plus importante. Les "maladies ordinaires" [...]
se trouvent reléguées notamment à la médecine de
ville. Cette répartition informelle au sein du système sanitaire
entrave la prise en charge des "pauvres" et des "exclus" pour qui
l'hôpital reste un lieu important de recours aux
soins »1932(*).
Faute de volontaires, certains postes demeurent vacants, ce
qui se traduit par une hausse des extractions médicales ou la
sous-utilisation du matériel mis à disposition1933(*) ou encore par un
important turn over, notamment en ophtalmologie et en dermatologie,
préjudiciable à la continuité des soins1934(*).
Outre ce manque d'intérêt, les praticiens
hospitaliers intervenant en prison sont parfois animés par un souci de
se démarquer à chaque instant de l'institution carcérale
dans laquelle ils interviennent et à laquelle ils ont peur d'être
assimilés. C'est ce qu'ont pu constater Marie-Hélène
Lechien1935(*) ou Marc Bessin dans leurs analyses respectives
de la loi du 18 janvier 1994 : « Tout se passe en fait comme si
le service médical ne faisait déjà plus partie de la
prison »1936(*). Alors que la réforme avait pour
but de faciliter le travail de coordination entre les différents
acteurs, jusque-là impossible faute de temps médical suffisant,
il semblerait que les soignants soient souvent davantage isolés au sein
dans l'établissement qu'auparavant.
Ainsi, la loi du 18 janvier 1994 semble avoir accentué
l'opposition entre les soignants et le corps des magistrats. Soucieux de
l'autonomie que leur confère leur statut, certains praticiens
hospitaliers regrettent de devoir subir les décisions, jugées
arbitraires, des magistrats sans pouvoir être consultés. C'est le
cas, par exemple, lors des « visites médicales
immédiates » qui imposent au médecin de se rendre
d'urgence à l'établissement pénitentiaire1937(*). Les praticiens
considèrent que ces demandes sont trop fréquentes et souvent
non-justifiées :
« C'est plus ou moins motivé car en fait
ils [les magistrats] se couvrent. Ils exigent un certificat médical par
un médecin [...] Et s'il y avait un peu plus d'esprit critique de la
part des magistrats vis-à-vis de leur demandes, je pense que les choses
seraient meilleures »1938(*).
Les Services pénitentiaires d'insertion et de probation
(SPIP) sont désormais souvent les seuls à assurer le lien entre
les soignants et les magistrats. La coordination entre les UCSA et les SPIP est
d'ailleurs cruciale dans la prise en charge des détenus : elle peut
améliorer la coordination de la prise en charge de la toxicomanie ou
encore faciliter la préparation de la sortie (notamment quand
l'état de santé des détenus justifie un suivi à
l'extérieur, par exemple pour des troubles mentaux). Il apparaît
cependant que la coopération entre les services sociaux et le personnel
soignant est généralement très insuffisante, comme le
constate un rapport IGAS-IGSJ : « Pourtant, rares sont les
établissements pénitentiaires où ce travail en
réseau s'effectue véritablement, les logiques de territoire
jouant souvent à leur maximum »1939(*). Il semblerait que la réforme de 1994 n'ait
pas favorisé le rapprochement entre les deux services contrairement
à l'objectif souhaité mais ait, à l'inverse,
accentué le repli de chaque personnel sur ses compétences
respectives.
C'est ce qu'on a pu observer aux M.A de Lyon lors du DEA. Des
réunions communes ont certes lieu entre les deux services mais celles-ci
sont davantage des réunions institutionnelles entre cadres que des
rencontres entre personnels. Mais surtout la mise en rapport entre le personnel
soignant et les agents des services sociaux relève davantage de cas
ponctuels que d'une procédure systématique de prise en charge des
détenus :
« Si le détenu les sollicite pour une
question d'hébergement, alors j'imagine que le médecin va leur
répondre que ce n'est pas son rôle et il va leur dire de
s'adresser à nous [...] Mais si le détenu fait les demandes
adaptées et ne pose pas des questions relatives à
l'hébergement ou à la famille, s'il adresse uniquement une
demande médicale aux médecins alors il n'y aura pas
forcément de suivi »1940(*).
Cet isolement du service médical à
l'égard des autres intervenants pénitentiaires est d'autant plus
manifeste à l'égard du personnel de surveillance. Certes la loi
du 18 janvier 1994 a mis fin à une certaine confusion dont le meilleur
symbole étaient les surveillants auxiliaires portant la blouse blanche.
Elle aurait ainsi rendu possible une « clarification des
rôles » facilitant le recentrage de la Pénitentiaire sur
la mission de garde1941(*). Ce faisant, comme le relevait un ancien
médecin pénitentiaire devenu praticien hospitalier, elle a
amplifié l'écart symbolique entre ces deux missions :
« La création des UCSA a introduit dans les
prisons un îlot de richesse dans un océan de pauvreté [...]
On a créé deux missions parallèles, une mission noble,
habituellement reconnue comme telle, qui est la mission de soins, et une
mission mercenaire qui est celle de sécurité. Cela ne peut que
conduire à un affrontement » 1942(*).
La loi du 18 janvier 1994 aurait ainsi accentué les
oppositions entre les personnels pénitentiaires et sanitaires.
Marie-Hélène Lechien constate en effet que l'arrivée
du personnel hospitalier « réactive des systèmes
d'opposition durables [...] entre des missions sécuritaires et
répressives - ici celles des personnels pénitentiaires - et des
missions plus "humaines", celles des soignants qui portent
secours à des personnes
incarcérées »1943(*). Cette opposition entre les services se
traduirait par des tensions quotidiennes, les soignants reprochant
fréquemment aux surveillants de faire obstruction aux soins notamment
à travers les retards durant les consultations1944(*). Soucieux de leur
autonomie, les praticiens n'hésitent plus comme auparavant à
demander la libération d'un détenu placé au quartier
disciplinaire ou à refuser de communiquer l'affection d'un
détenu. Les soignants sont alors suspectés, sous couvert du
secret médical, de privilégier le détenu plutôt que
le surveillant, comme en atteste ce tract :
« Le 2 février 1998, un détenu,
placé depuis quelques jours en isolement médical, pour suspicion
de tuberculose suivant une radio de dépistage, a pu assister à la
grande efficacité du docteur suprême affecté au D4. En
effet, ce grand manitou, assuré de sa compétence et de son
autonomie, a jugé nécessaire d'enlever cet isolement. Bien mal
lui en a pris, puisque plusieurs heures plus tard, celui-ci s'est aperçu
de son erreur et a aussitôt replacé le détenu en isolement
médical, sans juger utile d'informer ou de rassurer les personnels des
risques qu'il a pu faire encourir. Bravo et merci docteur, bravo pour votre
haute compétence et merci surtout pour votre courage, puisque aucun
personnel de surveillance n'a été averti dans cette affaire
»1945(*).
Pourtant, un psychiatre ayant exercé depuis les
années quatre-vingt considère que dans les faits le pouvoir dont
disposent désormais les praticiens a décru : « Les
médecins n'ont plus le pouvoir qu'ils avaient avant [...] Les
médecins faisaient des certificats pour tout. [...] Le médecin
avait le pouvoir de dire que l'état de santé de monsieur untel
suppose qu'il bénéficie de tel
privilège »1946(*). Il semblerait par conséquent que la
représentation du pouvoir médical ne soit plus la même.
Longtemps perçu comme extérieur à la détention,
puisque simplement de passage, le praticien exerçant désormais
à plein-temps est considéré comme un contre-pouvoir
menaçant à l'égard de l'autorité
pénitentiaire. Le choix du service public hospitalier semble avoir
accentué cette opposition entre les missions de soin et de surveillance.
Bien qu'il n'ait pas été possible de le
vérifier, plusieurs praticiens ont évoqué des
établissements où les cadres hospitaliers refuseraient de
communiquer systématiquement toute information à la direction
pénitentiaire. En retour, cette dernière ferait de même,
refusant par exemple d'indiquer la date de transfert d'un détenu,
rendant ainsi difficile toute continuité des soins. Une conception
très stricte du secret médical n'est pas sans conséquences
dans le suivi des détenus, notamment en matière de
prévention du suicide. Chaque service s'approprie les informations qu'il
a en sa possession, rendant tout dialogue impossible. Là aussi,
Noémie Bienvenu observe une différence entre les cas
français et anglais ou gallois :
« Le partenariat initié en Angleterre et
au pays de Galles constituerait donc le meilleur modèle
d'intégration en permettant une compréhension et une acceptation
de la culture de l'autre [...] La prison et son personnel restent en quelque
sorte impliqués dans la mission de soins. Cela se démontre
notamment par la position qu'occupent les surveillants de prison face à
la santé des détenus. Les surveillants des prisons anglaises et
galloises sont dans l'obligation d'évaluer le risque suicidaire et la
probabilité d'automutilation de chaque détenu et d'informer le
personnel médical des résultats de cette évaluation. Au
contraire, les surveillants des prisons françaises sont totalement
exclus de la mission de santé, à l'exception toutefois de la
transmission des demandes de soins au personnel médical. L'IGAS estime
que ce manque de concertation des différents acteurs dans les prisons
françaises nuit à une prévention efficace des
suicides » 1947(*).
Ainsi, si le service public hospitalier français est
réputé pour sa compétence et son organisation, il n'en
présente pas moins un mode de fonctionnement peu souple. Il était
ainsi probable que la création de services hospitaliers dans les murs
mêmes de l'institution carcérale aboutisse à certains
conflits ou pour le moins à des effets désirés,
préjudiciables à la prise en charge des détenus. Pourtant,
le détour par le passé proposé dans cette thèse
permet de rendre intelligible le choix qui fut fait. En effet, au terme de
cette thèse, il apparaît aisé de comprendre la
volonté du législateur français de distinguer si nettement
les missions de soin et de surveillance. Pour cela, le choix du service public
hospitalier, doté d'une forte légitimité, est apparu comme
une évidence aux réformateurs. Le militantisme qui a
caractérisé la réforme de la médecine
pénitentiaire, et ce au moins depuis 1981, explique cette volonté
d'opérer une coupure nette entre la mission de soin et la mission de
garde. S'il a permis de mettre fin à certaines ambiguïtés
propres à la « médecine
pénitentiaire », ce militantisme a cependant manqué de
pragmatisme et en découlent aujourd'hui certains dysfonctionnements qui
viennent d'être esquissés. Il apparait ainsi légitime de se
demander si on n'assisterait pas aujourd'hui à un retour de
balancier à l'égard du passé. A une immixtion des
pouvoirs disciplinaires et sanitaires (qu'a pu incarner parfois la
médecine pénitentiaire) ne succède t'il pas un
cloisonnement trop strict ?
Ces observations ne doivent cependant pas préjuger des
transformations qui ont lieu actuellement au sein des praticiens
exerçant dans les UCSA. Conscients de leur faible prise en compte au
sein de l'institution hospitalière, ces derniers se sont progressivement
organisés en réseau donnant lieu à des congrès de
manière périodique. En février 2013 s'est ainsi
déroulé à Montpellier le 10ème
Congrès national des UCSA. Des organisations représentatives se
sont également formées : outre l'Association des secteurs de
psychiatrie en milieu pénitentiaire (ASPMP), ont été
créés le Collège des soignants intervenant en prison
(CSIP) ainsi que le Syndicat des médecins exerçant en prison
(Smep). Ces organisations sont en voie de structuration et ne subsisterait
aujourd'hui plus que l'Association des Professionnels de Santé
Exerçant en Prison (APSEP) ainsi que le Syndicat des Praticiens
Exerçant En Prison (SPEEP). Bien qu'elles disposent d'une faible
audience médiatique, ces organisations ont plusieurs fois rappelé
l'indépendance des praticiens hospitaliers à l'égard de
l'autorité pénitentiaire1948(*).
Par ailleurs, de nouvelles réformes ont
été adoptées depuis la loi du 18 janvier 1994 afin de
répondre aux problèmes les plus criants. La prise en charge des
troubles mentaux est considérée comme le plus urgent depuis le
milieu des années quatre-vingt-dix1949(*). Les SMPR ayant une
vocation régionale peinent, faute de moyens, à répondre
à cet afflux de détenus présentant des troubles
psychiatriques sur l'ensemble de leur ressort. La disparité de moyens
est ainsi très forte entre les établissements1950(*). Outre une
proposition de loi toujours en cours d'examen visant à réduire
d'un tiers la peine encourue par les personnes atteintes de troubles mentaux,
des structures d'hospitalisation spécifiques furent créées
par la loi Perben du 9 septembre 2002 d'orientation et de programmation pour la
Justice. Ces Unités hospitalières spécialement
aménagées (UHSA), très critiquées par certains
psychiatres qui y voient « la renaissance de
l'Asile-Prison »1951(*), ont ouvert dans quelques hôpitaux
psychiatriques1952(*).
La sociogenèse de la réforme de l'organisation
des soins en prison permet ainsi d'envisager sous un jour nouveau les
observations formulées durant le DEA. Le manque de pragmatisme qui
semble avoir caractérisé la mise en oeuvre du transfert de
tutelle peut s'expliquer par le fait que cette réforme n'ait pas tant eu
pour origine les professionnels concernés que des magistrats-militants
occupant des fonctions de direction au ministère de la Justice. Afin de
rompre avec l'image d'une médecine pénitentiaire compromise, ils
souhaitèrent confier cette mission à une institution dotée
d'une forte autonomie. A la confusion entre les missions de soin et de garde
succéda une forte défiance, parfois source de dysfonctionnement
dans la prise en charge sanitaire des détenus.
Un tel scénario n'est certes pas figé. C'est
ainsi qu'Isabelle Chauvin propose dans son analyse de la réforme un
scénario d'apprentissage mutuel, la loi du 18 janvier 1994 permettant,
selon elle, un renouveau des relations entre l'organisation hospitalière
et l'institution carcérale1953(*). La santé permettrait de modifier
imperceptiblement la culture de chaque intervenant, et ainsi de rapprocher
leurs organisations respectives. L'enjeu de la réforme serait, à
terme, une transformation de la prison et de l'hôpital. L'institution
pénitentiaire peut ainsi progressivement s'ouvrir aux intervenants
extérieurs, accélérant ainsi le processus de
décloisonnement. Elle peut surtout s'ouvrir à une nouvelle
conception de la prise en charge des détenus davantage orientée
vers la prévention et la réinsertion. L'hôpital, partenaire
essentiel de la réforme, ne doit cependant pas rester en marge de ces
transformations. Celui-ci est pour l'instant inadapté, à certains
égards, aux exigences que requière le soin des
détenus : les patriciens hospitaliers demeurent réticents
à intervenir en milieu pénitentiaire, les contraintes
carcérales sont souvent mal comprises des équipes
hospitalières, le traitement « organiciste » de la
maladie convient mal à des patients-détenus qui sont avant tout
à la demande d'un dialogue. L'ouverture de la prison sur l'hôpital
constitue une ouverture potentielle de l'hôpital en faveur des personnes
défavorisées : « L'hôpital pourrait y gagner
également une expérience de l'ouverture sur la Cité, en
coopération avec les équipes soignantes sociales de la ville. Il
pourrait également mieux jouer son rôle dans la continuité
des soins entre l'avant hôpital, l'hôpital et l'après
hôpital. Il pourrait, enfin, mieux faire participer le patient aux
décisions qui le concernent »1954(*). Ainsi, comme le rappelle
Olivier Obrecht « le service public hospitalier doit s'organiser pour
être service de tous, sans exception »1955(*).
Le détour par le passé qu'a opéré
cette thèse permet ainsi d'envisager la loi du 18 janvier 1994, et la
nouvelle organisation des soins qui en découle, non pas tant comme un
acquis à conserver que comme un enjeu pour le futur. Au-delà du
cas d'espèce, ce travail interroge de façon plus
générale la manière dont se transforment les
spécialités médicales. Parce qu'elle s'exerce dans un
milieu non-médical, la médecine pénitentiaire constitue un
exemple privilégié de spécialisation dont on ne peut
rendre compte uniquement à partir de la seule logique
médicale.
Le projet d'une « médecine
pénitentiaire » au croisement d'une double dynamique
médicale et carcérale
Médecine aérospatiale, angiologie,
gérontologie, traitement de la douleur, foetopathologie... Les
études médicales se sont profondément complexifiées
depuis une trentaine d'années. Cette spécialisation, au sens
large du terme, résulte en partie d'un travail de mobilisation de la
part des professionnels concernés comme l'a mis en évidence la
sociologie des professions. L'arrêté du 26 avril 2007 consacrant
la Capacité d'acupuncture ou l'arrêté du 21 avril 2004
instituant le Diplôme d'études spécialisées
complémentaire qualifiant (DESC II) en gériatrie attestent sans
nul doute du « succès » du « travail de
légitimation » opéré par des médecins
engagés dans une nouvelle pratique. « Ce groupe doit alors
convaincre le milieu médical qu'il y possède une place
spécifique », observe Isabelle Baszanger1956(*).
La sociologie des professions fut utile pour analyser le
travail de légitimation interne et externe effectué par les
médecins pénitentiaires afin d'être reconnus par leurs
pairs. On a ainsi montré comment Georges Fully puis Solange Troisier ont
oeuvré à délimiter une identité de praticien
pénitentiaire . Par le biais d'articles scientifiques et de
congrès, les deux Médecins-inspecteurs ont tenté de mettre
en évidence l'existence d'une « pathologie
carcérale » ainsi que le rôle spécifique
attribué au médecin en prison. Parce qu'il est seul apte à
traiter de certains troubles propres au milieu carcéral, comme la
simulation ou la grève de la faim, mais aussi parce qu'il dispose d'une
position très particulière entre le détenu et
l'Administration, le médecin pénitentiaire devrait disposer du
monopole de l'exercice médical en prison. Il doit pour cela, estiment
Georges Fully et Solange Troisier, bénéficier d'une formation
permettant de délimiter certains standards de pratique homogènes
à tous les praticiens : que faire face à une grève de
la faim ? Comment rédiger un certificat médical de coups et
blessures ? Quels doivent être les rapports du médecin avec
le Juge d'application des peines ? A partir de quel moment l'état
de santé d'un détenu doit-il être jugé incompatible
avec des mesures disciplinaires, voie avec la
détention elle-même?
Les réponses à ces questions dépassent
cependant largement le seul domaine médical et relèvent ainsi
tout autant de la médecine que de la politique carcérale. Ainsi
la spécialisation médicale ne peut être réduite
à un phénomène relevant seulement des praticiens. En cela,
l'analyse d'une spécialisation médicale suppose « de
sortir des problématiques n'abordant la médecine qu'à
partir des seuls médecins pour intégrer dans l'analyse non
seulement les auxiliaires médicaux, sans qui le pouvoir médical
ne serait pas ce qu'il est, mais tous ceux qui - scientifiques,
ingénieurs, religieux, agents de l'État, administratifs, notables
- sont investis dans le champ et entretiennent avec les médecins des
relations de collaboration et de concurrence »1957(*).
C'est pourquoi si les Médecins-inspecteurs
exercèrent un rôle-clef, la dynamique de reconnaissance de la
médecine pénitentiaire fut également l'oeuvre d'autres
acteurs. On a tenté de souligner, en dépit de sources parfois
lacunaires, le rôle exercé par certains magistrats de
l'Administration pénitentiaire dans ce travail. Mais surtout, on s'est
attelé à mettre en évidence les enjeux non-médicaux
de cette dynamique de spécialisation médicale. De la
définition de cette activité découlent de nombreuses
conséquences sur la régulation d'un établissement
pénitentiaire. C'est pourquoi, la spécialisation médicale
n'est pas un phénomène univoque d'autonomisation. Elle est
l'usage de stratégies différenciées, manifestes en
l'espèce en raison des profils très distincts entre les deux
Médecins-inspecteurs.
Ancien résistant, marqué par l'expérience
de la déportation, Georges Fully témoigne d'une
représentation militante de son rôle de Médecin-inspecteur.
Au service des détenus, il tente d'assurer aux praticiens les conditions
de leur autonomie professionnelle. A l'inverse, auparavant dotée
d'importantes responsabilités politiques et fortement inscrite dans des
jeux de pouvoir, Solange Troisier assume une vision plus politisée de
son rôle. Son action vise moins à autonomiser l'action des
soignants de l'Administration pénitentiaire que du ministère de
la Santé. En faisant prévaloir les exigences
pénitentiaires sur celles de nature déontologique, le second
Médecin-inspecteur place ainsi son action au service du ministère
de la Justice dont le médecin n'est selon elle qu'un auxiliaire. La
délimitation d'une discipline médicale vise, d'une part, à
réhabiliter un secteur d'action publique contesté et, d'autre
part, à conserver la main sur un domaine qui demeure ainsi à
l'écart du contrôle des autorités sanitaires.
La spécialisation de la médecine
pénitentiaire ne peut ainsi être comprise qu'au croisement de deux
dynamiques, médicale et carcérale, qui apparaissent
inextricables.
Faute d'articuler ces deux dimensions, on ne pourrait
comprendre d'ailleurs la disparition de la médecine
pénitentiaire. Certes la condamnation de celle-ci fut le fait notamment
de praticiens hostiles à une médecine spécifique aux
détenus. Sont intervenus, tour à tour, un segment d'internes
protestataires durant les années soixante-dix puis un segment de
médecins désireux d'être rattachés au
ministère de la Santé au milieu des années quatre-vingt.
Cette mobilisation des praticiens ne fut pourtant pas, comme on l'a vu, le
principal facteur de réforme de la médecine pénitentiaire.
Aussi bien en 1981 qu'au début des années quatre-vingt-dix, c'est
principalement l'engagement de magistrats-militants affectés à la
Direction de l'Administration pénitentiaire qui a permis d'engager des
réformes. Cette importance des acteurs non-médicaux amène
à adopter une nouvelle représentation de l'institution
pénitentiaire accordant autant d'importance aux dispositifs
institutionnels qu'aux acteurs qui les matérialisent.
L'institution pénitentiaire et ses réformes au
prisme de ses acteurs
La lecture foucaldienne faite par Robert Castel du concept de
« total institution » développé par
Erving Goffman a contribué, d'après nous, à orienter
davantage la sociologie carcérale sur le sens des réformes
plutôt que sur leur origine, leur ôtant ainsi toute
historicité. La conception de la réforme carcérale
développée par Surveiller et punir a également
favorisé une approche où les acteurs apparaissent secondaires au
regard de la rationalité de l'institution qui est, selon Michel
Foucault, de gérer les illégalismes. Pour ce spécialiste
de l'histoire des idées, ainsi que pour Robert Castel, l'institution
surdétermine le comportement des individus, dont l'analyse est ainsi
reléguée au second plan.
Une institution peut-elle être pensée en dehors
des acteurs qui la composent ? Ce travail de thèse est partie de
l'idée que la réalité sociale doit être comprise par
les jeux qui s'exercent entre, d'une part, les dispositifs de pouvoir et,
d'autre part, les stratégies et les idées qui animent les
acteurs. On a ainsi tenté de montrer que l'évolution de
l'organisation des soins en prison était autant le fait de facteurs
institutionnels (poids du Médecin-inspecteur, autonomie de la DAP) que
de stratégies personnelles (par exemple de Solange Troisier) ou encore
de croyances portées par ceux qui constituent la prison. L'institution
carcérale n'est pas uniquement, ce à quoi conduirait une
application trop stricte de la pensée de Michel Foucault, un ensemble de
règlements, de procédures et de pratiques. On ne peut rendre
compte de la prison qu'au croisement d'un ensemble de dispositifs concrets
ainsi que d'acteurs qui les mettent en oeuvre et les transforment.
C'est pourquoi l'analyse des politiques carcérales
suppose, comme toute analyse de politiques publiques, une sociologie de ses
acteurs. Celle-ci doit attentive non seulement à leurs
intérêts respectifs mais aussi aux croyances qui les animent. Sans
exagérer le rôle de ces dernières, on a pu observer que les
professionnels de la prison sont animés par une certaine
représentation de cette institution. Celle-ci semble avoir
considérablement évolué depuis les années soixante.
La dénonciation de la coupure entre la prison et le reste de la
Cité, qui fut l'oeuvre des militants de la cause carcérale, a
abouti à l'idée de
« décloisonnement ». Après avoir fortement
variée selon les acteurs en présence, la signification de ce
terme semble s'être stabilisée avec l'alternance de 1981 lorsque
des acteurs militants ont acquis des positions de pouvoir au sein de
l'Administration pénitentiaire. C'est à partir de l'idée
de décloisonnement qu'ils ont tenté de réformer les
différentes dimensions de la prise en charge des détenus
(médicale mais aussi culturelle, éducative, etc.). C'est toujours
en se fondant sur cette même idée que des magistrats entreprirent
au début des années quatre-vingt-dix une réforme qui
aboutit à la loi du 18 janvier 1994.
Il nous semble ainsi souhaitable d'adopter une approche moins
restrictive de la prison et de ses réformes. Tant du fait de l'influence
de Michel Foucault que de la lecture castelienne de l'oeuvre de Goffman, la
sociologie carcérale a beaucoup privilégié la question du
sens de ces réformes : la prison est-elle encore une institution
totale ? La prison contribue t'elle encore à la mise à
l'écart des déviances ? Si ces questions sont heuristiques,
elles ne doivent pas pour autant reléguer au second plan la question du
« comment » : comment ces réformes se
traduisent-elles ? Qui les mettent en oeuvre? Comment évolue au
cours du temps un même dispositif en fonction de ceux qui
l'appliquent ? Il serait à ce titre intéressant de dresser
une sociologie plus fine des acteurs pénitentiaires (surveillants,
éducateurs, enseignants, soignants, directeurs, magistrats, etc.),
notamment à travers une approche diachronique1958(*).
Ce regard plus sociologique, et ainsi moins
idéologique, sur la prison aurait peut-être pour
conséquence de souligner que la prison évolue en dehors des
moments de réforme souvent privilégiés dans l'analyse.
Elle peut permettre de relativiser l'importance du volontarisme politique dans
la transformation de la prison. Si celui-ci est parfois un vecteur de
transformation de la prison1959(*), l'institution carcérale évolue
également par petites touches, du fait notamment du renouvellement des
hommes en place. L'intervention d'internes davantage politisés suite aux
« années 68 », l'arrivée d'une nouvelle
génération de praticiens au début des années
quatre-vingt ou de magistrats membres du Syndicat de la magistrature à
la DAP sont autant d'exemples de ce mode d'évolution de la prison. Loin
des effets d'annonce, des commissions parlementaires et des lois
pénitentiaires, l'institution carcérale se transforme par le
renouvellement de ceux qui y travaillent1960(*).
Peut-être la prison se transforme-t'elle autant, voire
davantage, ainsi que suite à des coups de boutoirs spectaculaires que
retiennent le plus souvent les médias ? En matière de
santé en milieu carcéral, ces derniers ont surtout
conservé à l'esprit, aujourd'hui encore, le livre fracassant
publié par Véronique Vasseur1961(*). Certains lui ont
même attribué, à tort bien sûr, la réforme de
la médecine pénitentiaire. Interrogés sur son ouvrage, les
médecins rencontrés se sont montrés très
partagés. Tout en soulignant son côté peu vraisemblable, et
sensationnel, destiné à plaire à un large public, la
plupart ont cependant considéré qu'il était
préférable que ce livre ait été publié du
fait de la médiatisation de la prison qu'il a rendue possible. Il
apparaît très difficile d'en percevoir tous les
effets1962(*).
Quelque soit le bien fondé de cette prise de
parole1963(*), cette exemple atteste qu'au-delà d'un
certain niveau il serait légitime, voire nécessaire, de
témoigner à l'extérieur de certaines pratiques
jugées « scandaleuses ». L'obligation de
réserve qui s'impose aux fonctionnaires en vertu de la jurisprudence
administrative peut cependant parfois être un obstacle à un tel
témoignage1964(*). Ce devoir de témoigner apparaît
bien sûr d'autant plus fondamental au sein des institutions
fermées, telle que la prison, caractérisées par leur
autonomisation à l'égard du social. C'est ce degré de
fermeture qui rend d'autant plus nécessaire de penser les conditions
permettant un réel contrôle de l'institution carcérale.
Un contrôle indépendant des conditions de
détention comme étape supplémentaire dans le
décloisonnement l'institution carcérale
La prison est une institution dont le principal trait
distinctif est son degré de fermeture. Pourtant, on l'a vu au cours de
cette thèse, loin de l'image d'une institution immobile, les conditions
de détention se sont considérablement transformées depuis
les années soixante-dix. La prison n'en demeure certes pas moins une
institution totale. Le jour où elle ne tentera plus d'exercer cette
emprise sur les détenus, elle ne sera alors plus une prison et sera
consacrée une nouvelle institution que certains appellent de leurs
voeux. Poussée dans ses extrêmes, l'idée de
« décloisonnement », retracée dans cette
thèse, n'est d'ailleurs peut-être pas moins une forme
d'abolitionnisme progressif de l'institution carcérale.
La coupure qui caractérise la prison ne s'observe pas
uniquement dans les conditions de détention mais également dans
l'organisation même de l'Administration pénitentiaire. Pendant
longtemps, cette administration centrale fut ainsi pilotée par des
cadres propres à la Pénitentiaire ou quelques magistrats qui
entretenaient peu de liens avec les administrateurs civils des autres
ministères. On a pu également observer cette coupure par la
faible capacité de cette Administration à s'exposer
médiatiquement. Son souci de discrétion a conduit la
Pénitentiaire à une gestion interne de certains problèmes,
comme ce fut le cas en matière de sida. Si elles se
réfèrent à un passé révolu, ces remarques
n'en conservent pas moins une certaine pertinence aujourd'hui.
Cette tendance au repli qui caractérise
l'Administration pénitentiaire rend d'autant plus indispensable que les
conditions de détention soient contrôlées1965(*). Apparaissent
dès lors primordiales les modalités de ce contrôle. Sans
jeter l'opprobre sur de nombreux praticiens qui ont exercé dignement
leur fonction, on a pu relever au cours de cette thèse certaines
dérives qui ont contribué à jeter le discrédit sur
la médecine pénitentiaire : usage disciplinaire de la
ceinture de contention, visites médicales éclaires faute de
respect des temps de travail, rôle exagéré
conféré à des surveillants, voire à des
détenus, ou encore maintien en place de certains praticiens
défaillants. Ces pratiques auraient peut-être pu être
évitées à l'aide d'un contrôle médical
indépendant. Le second Médecin-inspecteur, Solange Troisier,
n'assurait pas à l'évidence cette fonction. Rattachée au
directeur de l'Administration-pénitentiaire, elle disposait d'une
conception très politique de son rôle. Son principal objectif
était d'ériger une spécialité médicale
nouvelle dont elle aurait pris la tête. Ses visites
d'établissement étaient surtout l'occasion, comme on l'a vu, de
convaincre les praticiens à ses propres idées (valorisation de
cette discipline) ou aux impératifs pénitentiaires (baisse du
nombre d'hospitalisations civiles). Deux conditions ont favorisé cette
dérive.
Les conditions de nomination du Médecin-inspecteur
étaient, tout d'abord, en contradiction avec l'importance de sa mission.
Outre qu'il était seul à pouvoir contrôler les conditions
de prise en charge sanitaire des détenus faute d'intervention du
ministère de la Santé, le Médecin-inspecteur
exerçait d'un pouvoir d'injonction sur ses collègues
exerçant en détention lors de situations conflictuelles :
grèves de la faim ou révoltes de détenu. Pour ces raisons,
il aurait du être nommé selon une procédure
collégiale devant faire l'objet d'un contrôle politique des
différents partis. Pourtant, le Médecin-inspecteur était
nommé en Conseil des ministres sans aucun contrôle des chambres
parlementaires et son choix apparaissait purement discrétionnaire. On
l'a vu, c'est probablement sa proximité avec Mme Messmer, et plus
largement avec les réseaux politiques dans lesquels elle était
intégrée, qui a permis à Solange Troisier d'être
nommée en septembre 1973 par Pierre Messmer, alors Premier ministre.
Le choix d'un Médecin-inspecteur trop politisé a
eu d'autant plus de conséquences que celui-ci exerçait ses
fonctions de manière indéterminée puisque la
décision relevait du seul pouvoir exécutif. Pour qu'un
contrôle soit réalisé de manière
indépendante, il apparaît nécessaire que celui qui l'exerce
soit nommé pour une période limitée et non-reconductible.
C'est parce que Solange Troisier pouvait espérer conserver son poste de
façon indéterminée, qu'elle a investi la médecine
pénitentiaire comme un secteur dont elle pouvait devenir la
« patronne ». Plutôt qu'un rôle d'inspection et
de contrôle, elle a ainsi davantage exercé une fonction de
leader d'un groupe professionnel.
Au regard de ces deux conditions nécessaires au respect
d'un contrôle indépendant des prisons, on peut se féliciter
de la création en 2007 du Contrôleur général des
lieux de privation de liberté sous la forme d'une Autorité
administrative indépendante1966(*). Nommé par décret du
Président de la République, en raison de ses compétences
et de ses connaissances professionnelles, après avis de la commission
compétente de chaque assemblée, pour une durée de six ans,
non renouvelable, le Contrôleur ne peut exercer un emploi public, une
activité professionnelle ou un mandat électif. Ces conditions
semblent favorables à assurer son indépendance. Le premier
Contrôleur nommé, Jean-Marie Delarue, fut d'ailleurs salué
par tous les acteurs du secteur pour sa compétence et son
indépendance. Bien que dépourvu d'un pouvoir d'injonction et
doté de moyens limités1967(*), les recommandations qu'il a effectuées
ont bénéficié d'importantes retombées
médiatiques.
L'institution d'un contrôle indépendant des
conditions de détention semble s'inscrire dans la dynamique de
décloisonnement initié dans les années soixante-dix. Elle
part du même refus de considérer la prison comme un lieu devant
être tenu à l'écart de la société. C'est dans
cette même direction que devait s'inscrire la loi n°2009-1436 du 24
novembre 2009 dite loi pénitentiaire, qui consacre dans le chapitre III
de son titre Ier les droits et devoirs reconnus aux personnes
détenues. Son ainsi consacrés le droit au maintien des liens
familiaux grâce à l'amélioration des visites et à
une plus grande facilité d'usage du téléphone ou encore le
droit au travail et le droit à la formation. Ce texte peut sembler
novateur en ce qu'il regroupe en un seul et même document les normes
pénitentiaires, et ce conformément à la demande
formulée en 2000 par Guy Canivet dans son rapport sur les conditions de
contrôle des prisons1968(*). En dépit de quelques progrès,
cette loi serait cependant décevante, traduisant même selon
Martine Herzog-Evans une régression en la matière1969(*). Les droits
proclamés seraient vidés de tout contenu tant les justifications
permettant d'y déroger seraient larges. Ainsi, le droit à
l'information pourrait être limité dès lors que des
publications contiendraient « des propos ou signes injurieux ou
diffamatoires à l'encontre des agents et collaborateurs du service
public pénitentiaire ainsi que des personnes détenues ».
Les déceptions liées à cette loi, et
à l'inverse l'oeuvre du Contrôleur général, viennent
rappeler que le décloisonnement, et plus généralement
l'amélioration des droits des détenus, n'est pas un processus
linéaire qui avancerait conformément à la marche de
l'Histoire. La transformation de l'institution carcérale est l'oeuvre
d'individus porteurs d'une certaine représentation de
l'incarcération et du sens de la peine. A partir de leurs positions
variés (militant associatif, surveillant, directeur
d'établissement, visiteur de détenus, chargé
d'administration centrale, etc.), ils tentent d'infléchir les conditions
de détention dans un sens ou dans un autre. C'est à cette
sociologie politique des acteurs de la prison, et de ses réformes, que
ce travail de thèse a tenté de contribuer.
SOURCES ECRITES
Les sources primaires écrites sont
présentées selon leur nature ou origine. Ont tout d'abord
été détaillées les archives des ministères
de la Santé et de la Justice consultées après autorisation
des services ou, le plus souvent, dérogation (I). Dans une
deuxième section sont présentées les archives
radio-télévisées consultées à l'Institut
national de l'audiovisuel (INA) (II). Dans la troisième section sont
référencées les archives du juge Etienne Bloch,
consultées à l'Institut d'histoire du temps présent (IHTP)
après accord de son conservateur, Fabrice d'Almeida (III). Les archives
relatives à la Coordination syndicale pénale (COSYPE)
consultées au Syndicat national des éducateurs
pénitentiaires (SNEPAP), grâce Philippe Pottier, sont
détaillées dans une quatrième partie (IV). Puis sont
référencés les articles de la presse quotidienne
généraliste et spécialisée sont dans une
cinquième partie (V). Enfin, les sources documentaires ayant fait
l'objet d'une publication sont présentés, à l'instar de la
bibliographie, de façon thématique (VI). Y figurent tout d'abord
les textes ayant trait à la politique ou à l'actualité
pénitentiaires. Sont ensuite présentés les articles
relatifs à l'organisation des soins en prison. Une troisième
sous-partie comporte des textes portant sur des sujets plus épars
(médecine légale, sida, etc.).
1.
ARCHIVES DES MINISTERES JUSTICE ET SANTE
Ø Archives internes non versées de
l'Administration pénitentiaire consultées après
autorisation des services (sous-direction PMJ de la DAP) :
DAP, « Note sur les médecins »,
1975. Document dactylographié, 21 pages.
Lettre du ministre de la Santé au garde des Sceaux du
29/04/1975, 4 pages.
« La médecine en milieu
pénitentiaire », cours de l'ENAP, 22/11/1978.
Note de Philippe Chemithe, chef de l'inspection des servies
pénitentiaires, au Directeur de l'Administration pénitentiaire du
3 mars 1983.
Lettre de la DAP, Myriam Ezratty, au Chef de l'IGAS du
18/09/1984. Dossier C3 Inspections médicales.
P.V du Comité de coordination de la santé en
milieu carcéral du 17/12/1984, 5 pages. Archives internes DAP.
P.V du Comité de coordination de la santé en
milieu carcéral du 16/09/1985, 4 pages. Archives internes DAP.
La circulaire n°25 de Myriam Ezratty adressée aux
directeurs régionaux et directeurs d'établissements
pénitentiaires le 27/09/1985 limite à trois ans renouvelables la
durée des fonctions de médecine pénitentiaire (Archives
internes DAP)
Procès-verbal du Comité de coordination de la
santé en milieu carcéral, 1/07/1985.
REYNES, TALON, Conditions de décès d'un
détenu au centre de détention de Caen, 01/1986. Dossier C3
Inspection médicale.
Lettre du médecin-chef des Baumettes au DRSP de
Marseille datée 29/09/1987.
Note du DAP sur le rapport du médecin-chef des
Baumettes datée du 17/11/1987.
P.V du Comité de coordination de la santé en
milieu carcéral. Réunion du 26/09/1988.
P.V du Comité de coordination de la santé en
milieu carcéral. Réunion du 23/03/1989.
Lettre de la section des affaires économiques de la DAP
aux sous directeurs sur le bilan de la gestion 1988 et 1989 datée du
24/08/1990.
Compte-rendu manuscrit de la réunion sur les
dépenses de santé du 13/03/1991, 6 pages.
Lettre de J.-C. Karsenty, DAP, à M. Jean-Baptiste
Lebrun datée du 13/12/1991. Archives internes DAP.
Ø Archives non versées de la Direction
générale de la santé (DGS) et consultées au
ministère de la Santé après autorisation des services
:
Lettre du Dr Du Couedic à Mme Akoun de la DGS
daté du 31/05/1985.
Lettre du préfet de Gironde au cabinet du
ministère de la Santé et transmis à la DGS le 10/09/1985.
Courrier de la Sous direction de l'organisation des soins
(Bureau 3A) de la DGS au MISP de Haute-Marne daté du 25/09/1985.
DGS, « Note sur le contrôle exercé par
les médecins inspecteurs de la santé dans les
établissements pénitentiaires pour l'année
1985 », document dactylographie, 5 pages, 8/08/1986.
Note de la DGS à Monsieur le Chef de l'IGAS
datée du 29/09/1987.
Lettre du ministère de la Santé au garde des
Sceaux datée du 13/11/1987.
Avis du Médecin inspecteur de la santé sur le
projet de M.A de 600 places à Villepinte daté du 12/11/1987.
Compte-rendu de la session d'information du 10 décembre
1987 « Soins et hygiène en milieu carcéral »,
24 pages ronéotypée.
Compte rendu de la DDASS de L'Essonne sur la Commission
d'appel d'offre pour les prisons privées. 16/01/1988.
Compte rendu du troisième congrès mondial du
CISMP tenu à Bristol en 08/1988 par le service des Affaires Sociales de
l'Ambassade de France à Londres.
DGS, compte rendu du groupe de travail relatif au
fonctionnement du service médical des nouveaux établissements
pénitentiaire du programme « 13.000 » du 7/10/1988.
Document manuscrit.
DGS, compte rendu du groupe de travail relatif au
fonctionnement du service médical des nouveaux établissements
pénitentiaire du programme « 13.000 » du 18/10/1988.
Document manuscrit.
DGS, compte rendu du groupe de travail relatif au
fonctionnement du service médical des nouveaux établissements
pénitentiaire du programme « 13.000 » du 8/11/1988.
Document manuscrit.
DGS, prises de notes manuscrites lors de la réunion du
8/11/1988 du groupe de travail relatif au fonctionnement médical des
prisons « 13.000 ».
Note DGS au Conseiller technique du ministre de la
Santé datée du 20/01/1989.
Bulletin de l'APSP n°1, document de 8 pages
ronéotypé.
Bulletin de l'APSP n°2-3, document de 38 pages
ronéotypé.
Bulletin de l'APSP n°4, document de 30 pages
ronéotypé.
DGS, prises de notes manuscrites lors de la réunion du
27/01/1989 du groupe de travail relatif au fonctionnement médical des
prisons « 13.000 ».
DGS, compte rendu du groupe de travail relatif au
fonctionnement du service médical des nouveaux établissements
pénitentiaire du programme « 13.000 » du 24/03/1989
Document manuscrit.
Lettre de la DGS au garde des Sceaux du 19/04/1989.
DASS Moselle, « Rapport d'inspection du
Médecin inspecteur de la santé », 3 pages, 6/08/1990.
Lettre de la DGS au Bureau GB3 de la DAP datée du
18/09/1990.
DGS, « Circulaire relative au contrôle
exercé par les médecins inspecteurs de la santé dans les
établissements pénitentiaires ».
DGS/SDOS, « Note pour Monsieur le Directeur
Général de la Santé sur la situation actuelle des soins en
milieu carcéral », 27/04/1992, document dactylographié,
9 pages.
DGS/SDOS, « Compte rendu
de la réunion du 30 avril 1992 entre le Directeur général
de la santé et le Directeur de l'administration
pénitentiaire ».
DGS/bureau « 3S »/Mme Khodoss,
« Note de problématique. Santé en milieu
pénitentiaire. Question du « transfert de
tutelle » », 18/05/1992, 4 p.
DGS/ Bureau « 3S »/ Mme Khodoss,
« Note sur le repérage des besoins de santé en milieu
carcéral », 05/1992.
DAP, « Compte rendu de la réunion du 14 mai
1992 », 2 pages.
AP/SDR, « Note du sous-directeur de la
réinsertion adressée au directeur de l'AP en vue de
préparer la réunion du 14 mai », 7/05/1992.
DGS/SDOS/ Mme Clark, « Compte rendu de la
réunion du 27 mai 1992 », 3p.
DGS/SDOS « Note à destination de M. Tabuteau,
directeur de cabinet du ministre de la santé », 3/06/1992.
DGS, « Compte rendu de la réunion du 12/06
des cabinets Santé-Justice », 2p.
DH-DGS/3S/57, « Note à destination de M.
Tabuteau, directeur de cabinet du ministre de la santé »,
14/06/1992.
DGS/3S/ Mme Khodoss, « Note à l'attention de
M. Tabuteau, directeur de cabinet du Ministre de la Santé. Relevé
de décisions de la réunion du 12 juin 1992 entre les cabinets du
Garde des Sceaux et du Ministre de la Santé », 17/06/1992
DGS-DH-DAP, « Note aux ministres de la santé
et de la Justice. La santé des personnes détenus et la
médecine en milieu pénitentiaire », 6/07/1992, p.7.
DGS/SDOS, Mme Flamme, « Note pour Monsieur le
Directeur Général de la Santé sur la situation actuelle
des soins en milieu carcéral », 27/07/1992.
PIERRET Jeannine, « Notes de son intervention sur le
pré-rapport relatif à l'amélioration de la prise en charge
sanitaire des détenus », 23/11/1992, p.3.
DGS/3S, « Note à l'attention de M.
Girard » datée du 13/12/1992.
Cabinet du ministre de la Santé,
« Réunion du 22 décembre 1992. Médecine
pénitentiaire » daté du 11/01/1993.
Texte de présentation de la réforme de Mme Colin
(D.A.P) à M. Rey (D.S.S), juin 1993.
Ø Archives
en cours de versement consultées au ministère de la Santé
après dérogation :
IGAS/2002/001 Carton n°4 : Archives de Michel
Lucas, Chef de l'IGAS :
APSP, Actes du colloque national de réflexion sur les
soins en milieu pénitentiaire. Paris. 29/30 Janvier 1988, document
dactylographié, 19 pages (IGAS/2002/001).
Lettre de T. Roquel au Chef de l'IGAS Lucas,
« Réunion destinée à fixer les choix de la
politique en matière de lutte contre le SIDA en milieu
carcéral », 23/01/1989, 4 pages.
Lettre de la DAP à l'IGAS et la Direction de la
Pharmacie, « Projet de circulaire sur la délivrance des
médicaments dans les établissements pénitentiaires du
programme 13.000 », 29/06/1990.
Lettre de Roquel, Delomenie et Guirriec à Michel Lucas
datée du 2/11/1990.
HCSP/2006/001 Dossier n°4 : La santé en
milieu carcéral
Lettre d'un médecin travaillant en Maison d'arrêt
adressée au Haut comité à la santé publique et
datée du 25/03/1993.
DGS/3A, « Note à Mme Godard, sous-directeur
de la prévention générale et de l'environnement (Bureau
1C) », 22/10/1992.
DSS/2004/008. Art.14 : protection sociale des
détenus. Assurance maladie
Compte rendu de la réunion du groupe de travail
chargé d'étudier la protection sociale du détenu et de sa
famille, 5/12/1973.
Compte-rendu de la réunion interministérielle du
29/10/1974 à l'Hôtel Matignon sous la présidence de M.
Toubon consacrée à l'application des décisions
gouvernementales relatives à l'amélioration de la condition
pénitentiaire.
Débats parlementaires à l'Assemblée
nationale. Séance du 22 mai 1975, p.3090.
Débats parlementaires au Sénat. Séance du
18 juin 1975, pp.1756-1757.
Ø Archives du Centre des archives contemporaines (CAC)
de Fontainebleau consultées sur dérogation :
Les archives consultées au CAC sont
présentées selon leur numéro de versement. On a
indiqué à chaque reprise le nom de la direction (DAP, IGAS, DGS)
ainsi que le descriptif du carton.
-19830701. DAP. Art 481. Dossiers de carrière des
personnels de l'Administration pénitentiaire ayant cessé leurs
fonctions dans les années 1973-1979 : personnels
spéciaux
Lettre du médecin de M.A de Pau au médecin-chef
de l'Hôpital des prisons de Fresnes datée du 12/05/1959.
Note de l'Administration pénitentiaire au directeur de
cabinet du garde des Sceaux datée du 29/10/1959.
DAP, « Note sur les attributions et le rôle du
Médecin inspecteur de l'Administration pénitentiaire »,
24/02/1961.
Lettre d'Edmond Michelet au Directeur du budget datée
du 20/11/1962.
Lettre du médecin-chef de la M.A de Vannes au ministre
de la Justice datée du 10/10/1973.
Lettre de Raymond Marcellin à Jean Taittinger
datée du 22/10/1973.
Rapport du directeur de la M.A de Nice au DAP datée du
30/10/1973.
Lettre de Solange Troisier au DAP datée du
19/02/1974.
Lettre de Solange Troisier à M. Bonny datée du
25/12/1974.
Lettre de Yvonne Lalle à Solange Troisier datée
du 29/01/1975.
Lettre de Solange Troisier au DAP au sujet du
médecin-chef de la M.A de Nice datée du 4/03/1975.
Lettre de Solange Troisier à Melle Lalle, chef du
Bureau des personnels, datée du 18/12/1975.
Lettre de Solange Troisier à Yvonne Lalle datée
du 9/03/1976.
Lettre de Solange Troisier à Yvonne Lalle datée
du 9/05/1976.
Lettre de Yvonne Lalle à Solange Troisier datée
du 13/08/1976.
Lettre de Solange Troisier à M. Erbes datée du
22/09/1976.
Lettre du Directeur des prisons de Fresnes au Bureau du
personnel datée du 26/05/1978.
-19830701. DAP. Art.482. Dossiers de carrière des
personnels de l'Administration pénitentiaire ayant cessé leurs
fonctions dans les années 1973-1979 :
Lettre du médecin de la M.A d'Angers à la DAP
datée du 12/05/1967.Note de Solange Lettre de Jacques Petit,
médecin-chef de l'Hôpital de Fresnes, à Solange Troisier
datée du 7/12/1973.
Troisier adressée à M. Erbès datée
du 21.02/1975.
Lettre de démission d'un interne des prisons de Fresnes
datée du 5/09/1977.
Lettre du chef de la M.A de Bastia au DRSP de Marseille
datée du 11/02/1979.
Lettre de Solange Troisier à Mme Lalle datée du
9/05/1979.
-19830701. DAP. Art.483. Dossiers de carrière des
personnels de l'Administration pénitentiaire ayant cessé leurs
fonctions dans les années 1973-1979 :
Lettre du DRSP de Dijon au Bureau des personnels datée
du 13/11/1970 (CAC. 19830701. Art.483).
Lettre du Dr Pivert au Médecin-inspecteur datée
du 22/06/1972
Rapport du surveillant-chef au directeur de la M.A de Dijon
daté du 28/06/1972.
Rapport du chef de la M.A de Dijon au DRSP daté du
29/06/1972.
Lettre du DAP, Henri le Corno, au DRSP de Dijon datée
du 16/09/1972.
Lettre du DAP, Henri le Corno, au Conseil départemental
de Ordre des médecins des Côtes d'Or datée du
16/09/1972.
Lettre du DRSP de Dijon au cabinet du DAP datée du
21/09/1972.
Lettre du Dr Pivert au DRSP de Dijon datée du
6/11/1972.
Lettre de Georges Beljean, DAP, à l'avocat du Dr Pivert
datée du 7/06/1973
Note de Georges Beljean, DAP, pour le directeur de cabinet du
garde des Sceaux datée du 7/07/1973.
Lettre du DAP, Henri le Corno, au Dr Pivert datée du
22/10/1973.
-19910611. Ministère de la Santé. Art 1.
Archives de Bruno Varet, Conseiller technique de Claude Evin, en matière
de politique gouvernementale de lutte contre le S.I.D.A
« Discours de M. Claude Evin. Plan national de lutte
contre le sida ».
-19940511. DAP. Art 87. Dossiers de carrière des
médecins de l'Administration pénitentiaire ayant cessé
leurs fonctions entre 1981-1989 :
Compte rendu de visite de Solange Troisier à la M.A de
Nice du 28 /09/1977, document 2 pages daté du 6/10/1977.
Lettre du Directeur régional des services
pénitentiaires de Marseille au Bureau des personnels de l'Administration
pénitentiaire du 8/11/1979.
Lettre du Bureau du personnel à P. Chemithe
datée du 7/03/1983.
Lettre du Chef des services d'inspection au Bureau du
personnel datée du 24/03/1983.
Lettre du directeur au médecin
généraliste d'un Centre de détention datée du
21/11/1983.
Lettre de la DAP au médecin généraliste
de la M.A de Nice datée du 1/12/1983.
Note du Bureau des méthodes et de la réinsertion
à l'attention du Bureau des personnels datée du 3/01/1984.
Lettre de démission du médecin de Bois-d'Arcy au
directeur de la M.A datée du 20/01/1987.
-19940511. DAP. Art 88. Dossiers de carrière des
médecins de l'Administration pénitentiaire ayant cessé
leurs fonctions entre 1981-1989 :
Note du Bureau des personnels adressée au DAP
datée du 17/12/1982.
Lettre de l'interne de l'Hôpital de Fresnes au DAP
datée du 19/01/1983.
Lettre du Bureau des personnels à l'inspecteur Chemithe
datée du 11/02/1983.
Lettre du DAP Zakine au directeur de l'Hôpital Fresnes
du 25/02/1983.
Lettre de la DAP Ezratty au Conseiller technique Jean Favard
datée du 8/06/1983.
Lettre du médecin de la M.A de Poitiers au directeur de
l'établissement datée du 18/12/1985.
-19940511. DAP. Art 89. Dossiers de carrière des
médecins de l'Administration pénitentiaire ayant cessé
leurs fonctions entre 1981-1989 :
Lettre du directeur du CD de la réunion au Bureau du
personnel datée du 3/05/1984.
Lettre du médecin de la M.A de Châlons-sur-Marne
au Bureau du personnel datée du 8/05/1985.
Lettre de démission du médecin de la M.A
d'Evreux au DRSP de Lille datée du 28/07/1988.
-199405111. DAP. Art.90. Dossiers de carrière des
médecins de l'Administration pénitentiaire ayant cessé
leurs fonctions entre 1981-1989 :
Note de M. Daeschler à M. Bonney datée du
14/06/1968.
Lettre du directeur de l'Administration pénitentiaire
au docteur Hivert du 2/04/1973.
Lettre du DRSP de Dijon au DAP du 19/02/1973.
Relevés manuels des dates et heures de visite du
médecin de la M.A de Vesoul.
Note du surveillant-chef de la M.A de Vesoul au Bureau du
personnel datée du 17/01/1980.
Lettre du médecin de la M.A de Chalons sur Saône
au Bureau du personnel datée du 23/12/1980.
Lettre du DRSP de Lyon au Bureau du personnel datée du
9/10/1983.
Lettre manuscrite du médecin de la M.A de Saintes
à Albin Chalandon datée du 20/04/1986, 7 pages.
Lettre manuscrite du médecin de la M.A de Loos au DRSP
de Lille datée du 11/11/1986, trois pages.
Lettre manuscrite du médecin de la M.A de Saintes
à Albin Chalandon datée du 11/11/1986, six pages.
Lettre du directeur de la M.A Saint Etienne à la DAP,
« Doléances du Médecin chef de
l'établissement », datée du 7/02/1987.
-19940511. DAP. Art.91. Dossiers de carrière des
médecins de l'Administration pénitentiaire ayant cessé
leurs fonctions entre 1981-1989 :
Lettre du dentiste de la M.A d'Amiens au MISP Picardie
datée du 21/12/1987.
Lettre du garde des Sceaux au Procureur général
de la Cour d'appel de Toulouse du 25/09/1971.
Rapport du Procureur général près la Cour
d'appel de Paris du 13/05/1985 au garde des Sceaux. CAC.
-19940511. DAP. Art.92. Dossiers de carrière des
médecins de l'Administration pénitentiaire ayant cessé
leurs fonctions entre 1981-1989 :
Compte rendu de visite de Solange Troisier de la M.A de
Bonneville daté du 17 mai 1974, 4 pages.
Lettre du docteur Perdrot au directeur des prisons de Fresnes
du 7/04/1983.
Lettre du DRSP de Lille au médecin du CD de Loos
datée du 4/02/1987.
Lettre du chef de la M.A de Saintes au DRSP de Bordeaux
datée du 28/10/1987.
Lettre du chef de la M.A de Saintes au DRSP de Bordeaux
datée du 23/11/1987.
Lettre de démission du médecin de la M.A de
Beauvais au directeur de l'établissement datée du 22/04/1988.
-19940511. DAP. Art.95. Dossiers de carrière des
médecins de l'Administration pénitentiaire ayant cessé
leurs fonctions entre 1981-1989 :
Lettre de René Pleven à Lucien Jégou,
médecin-chef de La Santé, du 5/08/1972.
Rapport du Dr Hergothe au DAP, Christian Dablanc, du
29/10/1979.
Note du Bureau des méthodes et de la réinsertion
sociale au DAP, Christian Dablanc, datée du 15/01/1980.
Note du Bureau des méthodes et de la réinsertion
sociale au DAP, Christian Dablanc, datée du 23/12/1980
Lettre du DAP, Christian Dablanc, au Dr Hergothe datée
du 4/03/1981.
Lettre du DAP, Christian Dablanc, au Dr Hergothe datée
du 7/07/1981.
Note de Jean Favard à l'attention du DAP, Yvan Zakine,
du 21/05/1982.
Lettre du DRSP de Strasbourg au DAP, Yvan Zakine, datée
du 13/10/1982.
Rapport du directeur de la Maison centrale d'Ensisheim au DRSP
de Strasbourg, datée du 29/10/1982.
Note du Chef du Bureau du personnel à l'attention du
DAP du 5/11/1982.
-19940511. DAP. Art. 96. Dossiers de carrière des
médecins de l'Administration pénitentiaire ayant cessé
leurs fonctions entre 1981-1989 :
Note de Solange Troisier au DAP concernant le service
médical de la MA de Metz datée du 19/04/1979.
Note du Médecin-inspecteur au Bureau des personnels
datée du 29/07/1982.
Note de service du DRSP de Strasbourg à la DAP
datée du 6/05/1983.
Note de P. Chemithe au Chef du Bureau du personnel
datée du 19/06/1983.
Lettre de démission du médecin de la M.A
Dunkerque au DRSP Lille datée du 20/11/1985.
Lettre du surveillant auxiliaire sanitaire au directeur du C.D
d'Eysses datée du 28/08/1987.
Note du directeur du C.D d'Eysses au DRSP de Bordeaux
datée du 16/09/1987.
Lettre du MISP Garonne à la DAP datée du
22/01/1988.
Note du DRSP Bordeaux à la DAP datée du
8/02/1988.
Note du directeur du C.D d'Eysses à la DAP du
28/01/1988.
Note du directeur du C.D d'Eysses à l'Inspection des
services pénitentiaires datée du 23/03/1988.
Note du service d'Inspection de la DAP au Chef du Bureau du
personnel et des statuts du 1/04/1988.
-19940511. DAP. Art. 97. Dossiers de carrière des
médecins de l'Administration pénitentiaire ayant cessé
leurs fonctions entre 1981-1989 :
Lettre du médecin de la M.C de Clairvaux au DRSP de
Lyon datée du 29/10/1968.
Lettre du préfet des Landes au DAP datée du
12/07/1969.
Lettre du médecin de Mont de Marsan au DRSP de Bordeaux
datée du 7/05/1973.
Compte rendu de visite de Solange Troisier de la M.C de
Clairvaux daté du 17/12/1973, 5 pages.
Lettre du Procureur général de Pau au
surveillant-chef de l'établissement datée du 16/08/1976.
Lettre du Procureur général de Pau au
surveillant-chef de l'établissement datée du 27/01/1982.
Note du Chef du Bureau des personnels, Antonioni, au DAP
datée du 8/07/1985.
Rapport du MISP des Landes sur la M.A de Mont de Marsan
daté du 5/08/1985, 9 pages.
Note de service de Boulanger au DRSP Toulouse datée du
30/10/1985.
Note de P. Chemithe au chef du bureau des personnels
datée du 30/10/1985.
-19940511. DAP. Art. 98. Dossiers de carrière des
médecins de l'Administration pénitentiaire ayant cessé
leurs fonctions entre 1981-1989 :
Note de Philippe Chemithe au DAP datée du
12/11/1982.
Note du bureau des personnels à l'attention de la DAP
datée du 9/05/1983.
-19940511. DAP. Art. 99. Dossiers de carrière des
médecins de l'Administration pénitentiaire ayant cessé
leurs fonctions entre 1981-1989 :
Lettre du médecin de la M.A de Montpellier au DRSP de
Toulouse datée du 27/02/1984
-19950151. DGS. Art.6. Archives de Jacques Roux, Directeur
général de la santé :
Lettre du Groupe interministériel de médecine
légale adressée au Pr Roux, DGS datée du 3/03/1982.
MANGIN Gilbert, CECCALDI Pierre, « Rapport à
Monsieur le Garde des Sceaux sur la situation de la médecine
légale en France », 37/09/1983, 6 pages.
Courrier du garde des Sceaux à Edmond Hervé,
secrétaire d'Etat chargé de la Santé, du 18 octobre
1983.
Courrier d'Edmond Hervé à Robert Badinter, garde
des Sceaux, daté du 17/11/1983.
Michel Lucas, « Note relative à la
médecine pénitentiaire », 15/12/1983, 5 pages.
DAP, « Note sur la prise en charge
hospitalière des détenus », document interne du Bureau
des Méthodes de Réinsertion Sociale et de la
Réglementation, 2/04/1984, 10 pages.
DGS, « Note sur l'organisation de la médecine
pénitentiaire », document non daté.
Note du ministre de la Justice, Robert Badinter, aux services
de la Santé sur la « situation de la médecine
légale » et datée du 3/04/1984
Courrier de Myriam Ezratty à Jacques Roux, Directeur
général de la santé, du 11/04/1984.
Lettre des ministères de la Santé et de la
Justice aux DDASS, DRASS, directeurs et médecins d'établissements
pénitentiaires du 5/09/1985 accompagnée d'une « fiche
technique ».
-19950229. IGAS. Art.1. Mission « contrôle
sanitaire des établissements pénitentiaires » de
l'Inspection générale des affaires sanitaires et sociales.
Minutier chronologique (1986-1988) :
Lettre du Chef de l'IGAS, Michel Lucas, à un
détenu plaignant, le 17/04/1986.
Note du MISP de l'Allier au Chef de l'IGAS, Michel Lucas,
datée du 27/08/1986.
Lettre du chef de l'IGAS au médecin-chef de
Fleury-Mérogis datée du 2/09/1986.
Lettre du Chef de l'IGAS, Michel Lucas, au DAP, Arsène
Lux, datée du 10/09/1986.
Lettre du Chef de l'IGAS, Michel Lucas, à Jean-Pierre
Dinthillac datée du 6/11/1986.
Lettre Chef de l'IGAS, Michel Lucas, au MISP
Hautes-Pyrénées, datée du 16/06/1988.
-19950229. IGAS. Art.2. Mission « contrôle
sanitaire des établissements pénitentiaires » de
l'Inspection générale des affaires sanitaires et sociales.
Minutier chronologique (1989-1991) :
Note de T. Roquel et J. Tchériatchoukine à M.
Lucas, Chef de l'IGAS, datée du 5/09/1990.
Lettre d'un MISP à l'IGAS du 12/08/1991.
-19950466. Art.44. Cabinet de Pierre Méhaignerie,
ministre de la Justice de 1993 à 1995 : Administration
pénitentiaire :
Lettre de la DRSP de Lille à M. Schmelck, DG de GEPSA,
datée du 30/07/1992.
Lettre de J. Schmelck, DG de GEPSA, au DRSP de Lille du
25/08/1992.
Lettre de J.C Karsenty, DAP, à J. Gabriel, PDG de
GEPSA, datée du 9/11/1992.
Note interne de la société GEPSA du directeur
général délégué datée du
18/02/1993.
Note de B. Prévost, DAP, à M. Caillibotte,
Conseiller technique du garde des Sceaux, datée du 14/12/1993.
Courrier de Pierre Méhaignerie à Edouard
Balladur daté du 17/08/1993.
-19960136. DAP. Art.3 (extrait : A.441) :
inspection médicale,1960-1969
Lettre du garde des Sceaux, Robert Lecourt, au
Président de la CRF datée du 21/12/1957.
-19960136. DAP Art 99. Dossiers K 362 et K
363. Mesures à prendre en cas de grèves de la
faim :
Note du DAP, Charles Germain, au Directeur des Affaires
Criminelles et des Grâces au sujet d'un détenu ayant refusé
de s'alimenter datée du 14/03/1950
Ordre des médecins, « Compte-rendu de la 28e
session », Bulletin de l'Ordre des médecins, 1953.
Note de la Direction des Affaires Criminelles et des
Grâces au Directeur de l'Administration Pénitentiaire donnant avis
sur l'avis du Conseil de l'Ordre datée du 31/03/1953
DE ROUFFACH Adam Frantz, « Le psychiatre des
établissements pénitentiaires face aux grévistes de la
faim », allocution au onzième congrès des
médecins aliénistes et neurologues, juillet 1953. Document
ronéotypé de 5 pages.
Bureau de la détention, « Note concernant
l'alimentation forcée des grévistes de la faim »,
13/07/1976.
FULLY Georges, « La grève de la faim en
milieu carcéral », Cours de médecine
pénitentiaire à la Faculté de médecine de Paris,
cours n°29, 1968-1969, 10 pages.
Note de Georges Fully au responsable du Bureau d'application
des peines, M. Amathieu, « De l'emploi des méthodes de force
dans les grèves de la faim », 1/02/1968.
Lettre du responsable du Bureau d'application des peines, M.
Amathieu, au directeur de cabinet du garde des Sceaux, 21/07/1967.
FULLY Georges, « Les grèves de la faim en
milieu pénitentiaire », document de 7 pages, 10/05/1960.
ALBERT-WEIL Jean, « La grève de la faim en
milieu pénitentiaire. Le rôle du médecin et les
enseignements à tirer », document ronéotypé de
12 pages.
MERGER Robert, « Quelle doit être la conduite
d'un médecin devant une personne faisant la grève de la
faim ? », document ronéotypé, 16 pages
-19960136. DAP. Art. 112. M 0 :
Généralités :
Bureau des méthodes et de la réglementation,
« Note sur la situation sanitaire dans les établissements
pénitentiaires », 05/1976, 17 pages.
-19960136. DAP. Art. 112. M 11 : Personnel
sanitaire :
DAP, « Note sur l'organisation des services
médicaux en prison à l'attention de M. Darmon, Conseiller
technique auprès du garde des Sceaux en vue de l'entretien avec le Dr
Petit », 1/10/1973.
Lettre du Dr Petit au Médecin-inspecteur G. Fully,
28/03/1966.
Note du Médecin-inspecteur G. Fully au directeur de
l'Administration pénitentiaire pour le « projet de
budget 1967 », 10/02/1966.
Lettre de démission de Mme Pelou,
infirmière-chef au Médecin-inspecteur G. Fully, 17/03/1966.
-19960136. DAP. Art.123. Dossier M.456. Hospitalisations
civiles :
Note du 27/10/1962 adressée par le responsable du
Bureau de la détention au Directeur régional des services
pénitentiaires de Lille.
-19960136. DAP. Art 132. Dossier M. 654. Groupe
multiprofessionnel sur les questions pénitentiaires (1975-1980)
Lettre du Procureur général près de la
Cour d'appel de Lyon à M. Nicot, sous directeur de la DAP, datée
du 5/12/1974.
-19960279. DAP. Art.19 (extrait) : dossier
n°62 : infirmières, 1945-1951.
Lettre du DRSP de Marseille adressée au
2ème bureau de l'application des peines de la DAP
datée du 27/07/1945
Lettre de la CRF au Bureau de l'application des peines de la
DAP datée du 14/08/1947.
Lettre du Bureau de l'application des peines de la DAP
à la CRF datée du 7/11/1947.
Lettre de la CRF à la DAP transmettant les rapports des
infirmières de l'année 1950 et datée du
28/05/1951.
-19960279. DAP. Art.22. Dossier n°72 :
commission de la santé publique
Lettre du directeur du service sanitaire des prisons de la CRF
au Bureau de l'application des peines datée du 19/10/1945.
Note pour le bureau du personnel destinée à
servir de base à une demande additionnelle de crédit (budgets
1946) du Bureau de l'application des peines.
-19960279, art. 112 (E4580). M11. Personnel
sanitaire :
Lettre du Dr Petit à Georges Fully datée du 28
mars 1966
Lettre de démission de Mme Pelou,
infirmière-chef de l'Hôpital de Fresnes, datée du 17 mars
1966
Lettre de G. Fully au DAP datée du 31 mars 1966
-19960279. DAP. Art. 120. Dossier M.321. Pharmaciens
gérants :
Note adressée le 20 janvier 1950 aux directeurs
d'établissements soulève la question de l'absentéisme des
pharmaciens gérant
-19960279. DAP. Art. 120. Dossier M. 322. Distribution des
médicaments :
Compte rendu de la réunion du 14/11/1974 de la
Commission de surveillance de la M.A de Tours remis au Bureau de l'application
des peines de la DAP par le directeur de la M.A. Document dactylographié
de 4 pages.
Rapport d'inspection de Solange Troisier relatif à la
mort d'un détenu en août 1974 à la M.A de Quimper,
5/09/1974. Document dactylographié.
Lettre du médecin-chef de La Santé au directeur
de l'établissement et à Solange Troisier, 1/07/1974.
-19960279. DAP. Art.121. Dossier M.404. Mesures en vue
d'éviter les abus d'hospitalisation :
Circulaire Justice, Intérieur, Armées,
Santé du 6/10/1961 sur l'« hospitalisation et la conduite
à une consultation dans un service hospitalier des détenus de la
catégorie A ».
Note du 16/01/1962 du Bureau de l'application des peines au
DAP au sujet d'« hospitalisations abusives de détenus
activistes » à la M.A de Bayonne.
-19970394. DAP. Art 14. Dossier « Groupe
d'intervention dans les prisons » :
GIP TOULOUSE, « Savez vous ce qu'il se passe
à la prison Saint Michel ? », tract
ronéotypé, une page RV.
GIP, « 1er mai 1970- 1er mai 1971.
Fleury-Mérogis. Prison modèle ? », tract
ronéotypé, une page RV.
-19980160. DAP. Art.25. Evénements de Toul :
DAP, « Rapport de la commission d'enquête sur
les événements de la maison centrale de Toul », p.5.
-200010085. Art. 118 : archives d'Alain Peyrefitte,
ministre de la Justice : Groupes de travail, séminaires, conseil
supérieur de la magistrature, notes aux membres du cabinet, budget,
audience, 1977-1981 :
Projet de discours du ministre A. Peyrefitte pour le
congrès de médecine pénitentiaire du 23/11/1978
annoté : trois pages.
Programme officiel du congrès de médecine
pénitentiaire de novembre 1978.
-20020055. Art.1 : Minutier chronologique de Jean
Favard, Conseiller technique auprès de Robert Badinter chargé des
questions pénitentiaires :
Lettre du garde des Sceaux au ministre de la Culture
datée du 19/11/1981. (CAC. 20020055. Art.1
Lettre de Robert Badinter à Jack Ralite, ministre de la
Santé, du 2/12/1982.
Lettre du 21/10/1981 d'André Braunschweig à Yvan
Zakine.
Note de Jean Favard à l'attention de Robert Badinter du
7/10/1981.
Lettre de Jean Favard à Robert Badinter du
29/08/1981.
Lettre de Jean Favard à Yvan Zakine datée du
21/05/1982.
-20020140. IGAS. Art.13 : Rapport Deloménie
sur les médicaments.
MYNARD, « Administration des médicaments en
milieu pénitentiaire : une évolution possible »,
document de travail GEPSA, 18/07/1990.
Lettre du directeur de Hôpitaux de Paris International
à M. De Véricourt, PDG de Dumez, du 24/08/1990.
2.
INSTITUT NATIONAL DE L'AUDIOVISUEL (INA)
« Au-delà des barreaux »,
1ère chaîne, 22/10/1965, 15 minutes.
« Actualité en question »,
1ère chaîne, 13/01/1972.
« Marcel Diennet, ancien médecin à
Fresnes », France Inter, 17H, 27/04/1972, 58 minutes.
« Les suicides dans les prisons », France
Inter, 02/11/1972, 16 minutes.
« Les journées de médecine
pénitentiaire, à Strasbourg », France Inter, JT 19H,
02/12/1972.
« Solange Troisier », France Inter,
14/01/1974, 57 minutes.
« La médecine dans les prisons »,
France Inter, 13H, 13/11/1975, 10 minutes.
« Agret Mme Troisier », JA2 20h,
17/03/1976, 1 min 45.
« Médecins des prisons : 1ère
partie », 1ère chaîne, 17/03/1976, 55 minutes.
« Médecins des prisons : 2ème
partie », 1ère chaîne, 24/03/1976, 1 heure.
« La médecine
pénitentiaire », JT 13H, TF1, 31/01/1977.
« Dijon, capitale de la médecine
pénitentiaire », JT 20H, Antenne 2, 24/11/1978.
« Professeur Huguenard », JT Antenne 2,
20h, 5/10/1982.
3. ARCHIVES ETIENNE BLOCH
DEPOSEES A L'INSTITUT D'HISTOIRE DU TEMPS PRESENT (IHTP)
ARC.3017-13. IV-1 : Enquêtes sur les
prisons.
Union des Jeunes Avocats de Lyon : « Prisons de
Lyon », brochure ronéotypée, Imprimerie Offset
Vendôme, Lyon, 16 pages.
BLOCH Etienne, Texte sur la responsabilité du juge, non
daté, 10 pages.
ARC 3017-13. IV-9-10 Enseignement.
« Programme des journées médicales
pénitentiaires », document dactylographié, deux pages.
ARC 3017-14 IV-17 Mutineries
Cahier de doléances des détenus de la prison de
Lyon daté du 8 avril 1973, dix pages manuscrites (
ARC 3017-15. IV-23 : La réforme de
1975.
BLOCH Etienne, « La réforme
pénitentiaire », mai 1975, 7 ff. dact.
ARC 3017-15. IV-25 : Syndicats pénitentiaires.
SNEPAP/CTJ, « Forum prison et
communication », 1er octobre 1977, feuille RV.
« La pratique des personnels
pénitentiaires », 1er octobre 1977, feuille RV.
ARC 3017-14 IV-26 : Cahiers de revendication.
Copie d'un « Cahier de réclamations de
Loos », document manuscrit, 3 pages.
Lettre de revendication de l'ADDD au ministre de la Justice
datée du 18/05/1973, 4 pages.
ARC 3017-15. IV-27 : Le Groupe d'Information sur les
Prisons.
Lettre de M. Bauchaud, secrétaire national du SNEPAP au
président de l'association des JAP datée du 21/10/1971.
ARC 3017-15. IV-28 : Groupe
Multiprofessionnel.
BLOCH Etienne, « Le syndicat de la magistrature et
la prison », Bulletin du GMP.
ARC 3017-15. IV-29 : Politique
pénitentiaire.
« Journée d'études à
l'école d'administration pénitentiaire », 4 pages.
ARC 3017-14 IV-35 : Les violences.
Dossier de douze pages comportant toutes les révoltes
de détenus entre 1968 et 1973.
4. ARCHIVES DU SYNDICAT NATIONAL
DES EDUCATEURS PENITENTIAIRES (SNEPAP)
ANEP, « Situation de l'enseignement dans les
prisons », 4 pages, non daté.
Note de Jacques Laurens de deux pages datée du
4/10/1982.
Les brochures de présentation du colloque annoncent
ainsi en couverture sa présence.
Compte-rendu de la commission
« Santé » réunie lors du congrès du
6/11/1982, document dactylographié, non daté, six pages.
Compte-rendu de la commission
« Santé » réunie lors du congrès du
6/11/1982, document dactylographié, non daté, sept pages.
5. PRESSE D'INFORMATION
GENERALISTE ET MEDICALE PAR ORRDRE CHRONOLOGIQUE
1970 : Guérin Alain,
« Du bricolage charitable... », L'Humanité,
1/04/1970 ; « Le Secours rouge : notre combat sert à
tous les prisonniers », Le Monde, 2/09/1970 ; Le Monde,
3/09/1970 ; Lottin André,« En faisant la grève de
la faim, 29 détenus gauchistes veulent obtenir le régime
politique et mettent en cause les conditions de détention »,
La Croix, 5/09/1970 ; « Le régime de
détention des gauchistes », Le Monde,
24/09/1970 ; « Lettre de prison. Un détenu
accuse », Témoignage chrétien, 18/10/1970 ;
Vernant Jean-Pierre, « Comment on traite un
"maoïste" », Le Monde, 20/11/1970 ; « Le scandale
des prisons », La Croix, 26-28/12/1970.
1971 : Clerc Jean-Pierre,
« Grève de la faim dans plusieurs prisons », Le
Monde, 22/01/1971 ;; « Plusieurs personnalités
demandent l'octroi du régime spécial aux prisonniers politiques
», Le Monde, 27/01/1971 ; « René Pleven
reçoit une délégation de quatre
universitaires », Le Monde, 6/02/1971 ; Dufrenne Mikel, «Un
cri », Le Monde, 9/02/1971 ; « Les prises de position
en faveur des détenus gauchistes », Le Monde,
9/02/1971 ; « Poursuite de la grève de la faim
à la Sorbonne », Le Monde, 6/02/1971 ; « Les onze
grévistes de la faim de la chapelle Saint-Bernard continuent leur
grève », Le Monde, 11/02/1971 ;
«« La misère des prisons », L'Express,
12-18/04/1971 ; « Dans la presse hebdomadaire. Un régime
indéfendable : celui des prisons », Le Monde,
21-22/02/1971 ; « Un détenu blesse grièvement un
surveillant avec un pistolet reçu dans un colis », Le
Monde, 29/07/1971 ; Castaing Michel, « Le drame de
Clairvaux », Le Monde, 23/09/1971 ; Galley Robert,
« Légitime défense ! », Le
Monde, 26-27/09/1971 ; Achard Maurice, « Clairvaux : un jeu
terrible », Combat, 23/09/1971 ; « Clairvaux : le
drame des prisons », Combat, 23/09/1971 ; Le Monde,
23/09/1971 ; L'Aurore, 24/09/1971 ; Dupiré Gabriel,
« La tragédie de Clairvaux. Une vraie réforme
pénitentiaire exige des hommes et des crédits », La
Croix, 26/09/1971 ; « En marge du drame de Clairvaux. Un
régime pénitentiaire plus strict contribuerait à diminuer
la criminalité », Aspects de la France,
7/10/1971 ; « L'affaire Caro », Le Nouvel
Observateur, 4/10/1971 ; « Les prisons de
Pleven », Tribune socialiste, 18/10/1972 ;
L'Aurore, 15/10/1971 ; « René Pleven supprime les
colis de vivres aux détenus », Le Monde,
19/11/1971 ; « Manifestation de détenus à la
maison centrale de Poissy », Le Monde, 25/11/1971 ;
« Grève de la faim pour protester contre la suppression des colis
de Noël décidée par René Pleven », Le
Monde, 28/11/1971 ; Horeau Louis-Marie, « Noël
à la prison », Combat, 1/12/1971 ; Dayant Charles,
« Lettre ouverte à René Pleven », Le Nouvel
Observateur, 6/12/1971 ; Gabriel Dupré, « Pour Noël,
les détenus pourront recevoir des colis mais pas directement de leur
famille », La Croix, 9/12/1971 ; « Une
réforme vieille dans des locaux vétuste », Le Monde,
11/12/1971 ; « René Pleven et les chiffres »,
Le Nouvel Observateur, 13/12/1971 ; « Une
démission de la Justice », Le Monde,
15/12/1971 ; La Cause du peuple, 18/12/1971 ;
« Après les mutineries de Toul », Le Monde,
19/12/1971 ; L'Est Républicain, 19/12/1971 ; Kaupp
Katia-D, « Le "malentendu" de Toul », Le Nouvel
Observateur, 20/12/1971 ; L'Express, 20/12/1971 ;
« Toul : le témoignage du médecin
psychiatre », Combat, 21/12/1971 ;
« Prisons : si Pleven voulait vraiment savoir... »,
Politique Hebdo, 23/12/1971 ; « Je puis
affirmer... », Le Nouvel Observateur, 27/12/1971 ;
« Je somme tous ceux qui me liront, je les prie de ne pas rester
indifférents... de s'engager », Le Monde,
26-27/12/1971 ; Porge Erik, « Dans les asiles
aussi... », Le Monde, 31/12/1971.
1972 : Vincent Claude,
« Prisons françaises : les trois-quarts doivent
être démoli », France Soir, 11/01/1972 ;
« Les premières réactions », Le
Monde, 11/01/1972 ; Durandet Christian, « Un gardien de
Toul parle », L'Aurore, 11/01/1972. Combat,
12/01/1972 ; « Les personnels pénitentiaires : la
commission nous rend justice », La Croix, 12/01/1972 ;
« M. René Pleven annonce que des crédits seront
dégagés pour améliorer la situation dans les
prisons », Le Monde, 13/01/1972 ; « Les
prisons en accusation », Témoignage chrétien,
13/01/1972 ; Denis Perier-Daville, « La mutinerie de Nancy
va-t-elle compromettre la réforme du régime
pénitentiaire ? », LF, 17/01/1972 ; Allier
Irène, « Prisons : une première
victoire », L'Express, 17/01/1972 ; Kaupp Kattia,
Giesbert Franz Olivier, « Les prisons de Pleven », Le
Nouvel Observateur, 17/01/1972 ; « Le conseil des ministres a
approuvé un ensemble de mesures concernant le régime
pénitentiaire», Le Monde, 20/01/1972 ; « La
crise de l'Administration pénitentiaire », Le Monde,
21/01/1972 ; Manvey Jean-V., « Prisons. Les médecins
témoignent », L'Express, 24-30/01/1972 ; La
Croix, 24/02/1972 ; Domenach Jean-Marie, « Rendre aux
détenus et à leur famille conscience de leur
dignité », La Croix, 24/02/1972 ;« La
révision du régime pénitentiaire », Le
Monde, 3/03/1972 ; Le Monde, 24/03/1972 ;
Théolleyre Jean-Marc, « Il faut mettre fin au mystère
que l'administration entretient sur ce qui se passe dans les
prisons », Le Monde, 30/03/1972 ; « Comment
on vit, comment on meurt en prison », L'Express, 10/04/1972 ;
« Protestations contre "Le petit paradis" », Le Monde,
9/05/1972 ; « Le procès des révoltes de Nancy
sera-t-il celui d'un régime pénitentiaire
inadapté ? », LF, 8/06/1972 ;
« Une opération politique. Enjeu d'un combat »,
La Cause du Peuple, 24/05/1972 ; « Le procès des
mutins de la prison de Nancy a été celui du système
pénitentiaire », France Soir, 10/06/1972 ;
Boucher Philippe, « Le projet de M. Pleven modifie sur quelques
points le régime pénitentiaire », Le Monde,
23/06/1972 ; Wintzerieth J., « Malaise aussi à la
prison de Dijon », La dépêche,
26/08/1972 ; Wintzerieth J., « Tout ne va pas pour le mieux
à la prison de Dijon », La dépêche,
25/08/1972 ; « Un seul homme, en fait, à l'origine des
incidents journaliers à la prison », Le bien public,
26/08/1972 : Vincent Claude, « Encore un suicide dans une
prison », France Soir, 27/10/1972 ; Sery Patrick, « De
quoi meurent les prisonniers ? », Le Nouvel
Observateur, 30/10/1972 ; Andrade Beatrix, « Prisons. Une
tentative de suicide par jour », L'Express,
30/10/1972 ; « Prisons : le suicide, ultime moyen
d'expression du détenu », LF, 2/11/1972 ;
« Prisons : l'épidémie de suicides
continue », L'Aurore, 3/11/1972 ; « Encore trois
suicides dans les prisons, à la Santé, à Pau et à
Dijon », France Soir, 3/11/1972 ; « "Nous
pourrions sauver des détenus désespérés mais nous
manquons de moyens" confie un médecin des prisons »,
France Soir, 4/11/1972 ; Kunstle Marc, Remaud Jacques,
« Les médecins des prisons : des détenus
désespérés », France Soir, 4/11/1972 ;
Deleuze Gilles, « Suicide et prison », Le Monde,
8/11/1972 ; « L'opinion d'un ancien médecin à La
Santé », Le Monde, 8/11/1972 ; Le
Point, 12/11/1972 ; Boucher Philippe, « Le suicide dans les
prisons : une accusation, un appel ? », Le Monde,
24/11/1972 ; « Démissionnaires, trois médecins de
la prison de La Santé s'expliquent », LF, 30/11/1972 ;
« Au congrès de la médecine pénitentiaire de
Strasbourg », Le Monde, 3-4/12/1972 ; Hahn Jean-Claude,
« Réunis à Strasbourg, les médecins de prison
veulent appliquer la « déontologie du monde libre »
aux détenus », Le Monde, 5/12/1972 ; Berger
Francoise, « Les journées de la médecine
pénitentiaire », LF, 4/12/1972 ;
« Etouffer et couvrir », Le Monde,
6/12/1972 ; L'Express, 11/12/1972 ; « Combattre le
droit en tant que "vérité établie" », Le
Monde, 26/12/1972.
1973 : Témoignage
Chrétien, 22/02/1973 ; Théolleyre Jean-Marc,
« La situation dans les prisons est rappelée aux candidats du
Rhône par un groupe de « travailleurs de la
détention » », Le Monde, 27/02/1973 ;
« Dans l'Administration pénitentiaire. Les internes en
médecine sont en grève », Le Monde, 28/02/1973 ;
Boucher Philippe, « De l'argent », Le Monde,
08/06/1973 ; Le Monde, 15/06/1973 ; « Le docteur
Georges Fully a été victime d'un attentat », Le
Monde, 22/06/1973 ; « Après la mort du docteur
Georges Fully », Le Monde, 24-25/06/1973 ;
« Les suicides dans les prisons françaises. La révolte
ou la mort », Libération, 25/06/1973 ; Cornu
Francis, « Nouveau médecin-inspecteur de l'administration
pénitentiaire », Le Monde, 28/09/1973 ;
« Melun : Révolte. Les détenus criaient :
aidez nous ! », Libération, 27-28/10/1973.
1974 : « Melun : nouvelle
révolte de détenus », Libération,
9/01/1974 ; Cambio Sam et un interne des prisons, « Prisons. Une
répression nouvelle : la camisole chimique »,
Libération, 6/02/1974 ;
« Incarcéré, Antoine Lamanna risque l'infirmité
à cause d'un juge d'instruction », Libération,
20/02/1974 ; « A Fleury-Mérogis, un prévenu meurt pour
des raisons plus que douteuses... », Libération,
27/02/1974 ; Boucher Philippe, « M Lecanuet saisit le
gouvernement d'un projet de réforme de la condition
pénitentiaire », Le Monde, 09/03/1974 ; Millet
Gilles, « Soumettre les prisons au contrôle de
tous », Libération, 13/03/1974 ; Le Nouvel
Observateur, 17/03/1975 ; « Manifestation devant le
ministère de la Justice à propos de la mort de Patrick
Mirval », Le Monde, 21/03/1974 ;
« Manifestation du 22 mars du C.A.P devant le ministère de la
Justice », Le Monde, 21/03/1974 ; « Depuis
1945 dans les prisons on ne vote pas », Libération,
16/05/1974 ; « Le sadisme d'un médecin va-t-il finir par
assassiner un détenu qui en sait trop ? »,
Libération, 22/05/1974 ; « Le
psychopathe-délinquant entre deux institutions », Le
Monde, 23/05/1974 ; « Michel Henge est en train de crever.
Un juge sera-t-il complice d'assassinat ? »,
Libération, 30/05/1974 ; « Après la mort
de Gilles Delhotal. Une lettre des internes en médecine de
Fleury-Mérogis », Libération, 8/06/1974 ;
« Prison. Après la lettre des internes de
Fleury-mérogis », Libération, 12/06/1974 ;
L'Humanité, 15/06/1974 ; « L'affaire Michel Henge. Les
internes de Fleury-Merogis et leurs chefs répondent à une
information précise », Libération,
24/06/1974 ; « Mutinerie à la centrale de Nîmes
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Philippe, « Réforme au ministère de la Justice
» Le Monde, 6/07/1974 ; « Mutinerie à la
Maison d'arrêt de Valence » Le Monde, 14-15/07/1974 ;
« Mutinerie à la centrale de Clairvaux» Le Monde,
21-22/07/1974 ; « Mouvement important à la Maison
centrale de Caen le 24 juillet » Le Monde, 26/07/1974 ;
« Emeute le 25 Juillet. La centrale de Loos-les Lille est totalement
dévastée », Le Monde, 27/07/1974 ;
« La petite phrase de Giscard », L'Aurore,
27/07/1974 ; « Justice : la peine, c'est la
détention », Le Monde, 27/07/1974 ; Boucher
Philippe, « Des `missions d'urgence' sont créées pour
conseiller le personnel pénitentiaire », Le Monde,
31/07/1974 ; « Prisons : le gouvernement passe enfin
à l'action », Le Quotidien de Paris,
31/07/1974 ; « La crise pénitentiaire est devenue la
principale préoccupation du gouvernement », Le Monde,
1/08/1974 ; Castaing Michel, « l'opération
« porte ouvertes » à loos-lès-Lille.
« Des gens qui votent » », Le Monde,
7/08/1974 ; Boucher Philippe, « Un triple camouflet »,
Le Monde, 2/08/1974 ; « Le point de vue d'une
éducatrice en prévention », Le Monde,
8/08/1974 ; Boucher Philippe, « Après l'adoption de la
réforme pénale et pénitentiaire. Plus que des promesses,
des engagements », Le Monde, 9/08/1974 ;
« Décisions et projets », Le Monde,
09/08/1974 ; La Croix, 9/08/1974 ; Boucher Philippe,
« Après sa visite aux prisons de Lyon », Le
Monde, 13/08/1974 ; « Giscard a choisi une réforme
sans changement », Libération, 17-18/08/1974 ;
« Centrale de Melun. Visite surprise de Mme H. Dorlhac », Le
Monde, 30/08/1974 ; « Dimanche, le sort de la France aurait
pu dépendre de 20.000 détenus »,
Libération, 19/09/1974 : « Un nouveau tarif pour
les médecins des prisons », Le Quotidien du
médecin, 4-5/10/1974 ; « Le récent
décès d'un détenu est tenu pour suspect par le
Comité d'action des prisonniers », Le Monde,
29/10/1974 ; « Le procureur de la République affirme
que la mort de M. Renaud est naturelle», Le Monde, 31/10/1974.
1975 : « Les détenus et
leurs familles bénéficieront des assurances maladie et
maternité », Le Monde, 31/01/1975 ;
« Le statut du détenu : une décision de justice ne
doit pas créer des injustices », La Croix,
31/01/1975 ; Le Monde, 1/03/1975 ; Boucher Philippe,
« Le régime pénitentiaire est modifié par une
répartition nouvelle des établissements », Le Monde,
30/04/1975 ; Le Quotidien du médecin,
16/9/1975 ; « "Camisole chimique" à La Santé ? Une
thèse sur l'abus des tranquillisants en milieu
carcéral », Le Monde, 13/11/1975 ;
« La sous-médecine pénitentiaire », Le
Monde, 24/12/1975 ; « Détenus et
prévenus : la protection sociale accrue », Le Monde,
27/11/1975 ; « Sortir la médecine de
prison », Le Point, 15/12/1975.
1976 : « Mourir en
prison », Libération, 26/03/1976 ;
« Pour une rage de dents à la prison de la
Santé », Libération, 18/06/1976 ;
« Lettre d'un détenu sur la médecine de
prison », Libération, 29/06/1976.
1977 : « Création d'une
chaire de médecine pénitentiaire », Le Monde,
05/02/1977 ; La Croix, 6/02/1977 ; Cornu Francis,
« Vieillard et « chroniques » en prison »,
Le Monde, 19/02/1977 ; Le Monde, 22/02/1977 ;
« Protestation du personnel éducatif », Le Monde,
4/03/1977 ; « Le droit de vote des prisonniers »,
Le Monde, 13-14/03/1977 ; « Suspension provisoire d'un
médecin de l'administration pénitentiaire », Le
Monde, 21/03/1977 ; « Des détenus
célèbres achetaient leur liberté », Le matin
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certificats médicaux de complaisance » ;
L'Humanité, 7/04/1977 ; Bole-Richard Michel,
« L'enquête sur le meurtre de Jean de Broglie. L'audition du
docteur Azerad a pris fin après quarante-huit heures de garde à
vue », Le Monde, 8/04/1977 ; « Le C.A.P demande la
grâce médicale de « mémé »
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rapport sur la situation sanitaire en prison »,
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mondial de Honolulu », Le Monde, 1/09/1977 ;
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1/09/1977 ; « Qu'est qu'un éducateur de
prison ? », Le Monde, 29/09/1977 ; « Les
prisons-Asiles », Libération, 4/10/1977 ; Savoullian
Nicole, « Profession : éducateur. Lieu de travail :
prison », Libération,
5/10/1977 ;« Cinq éducateurs de prison en conseil de
discipline », Le Monde, 8/10/1977 ;
« Réactions après la mutation de cinq éducateurs
des prisons », Le Monde, 15/10/1977 ;
« Heureusement qu'on est bien soigné en prison... »,
Libération, 15-16/10/1977 ; « Le rapport annuel
de la DAP », Le Monde, 12/11/1977.
1978 : « "La privation de
sexualité fait partie de la peine" déclare Solange
Troisier », Le Quotidien du médecin,
21/03/1978 ; « Prions Dieu pour ne pas tomber gravement
malade à la prison de Rouen », Libération,
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« Peyrefitte : "Les détenus ont un droit imprescriptible
à la santé" », LF, 24/11/1978 ; Le
Quotidien du médecin, 24/11/1978 ; Libération,
25-26/11/1978 ; « Les psychiatres pénitentiaires
s'interrogent sur les risques d'une normalisation "excessive" des
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1979 : Le Quotidien du
médecin, 11/09/1979 ; Soyer J.C, « Il faut oser
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« Mort suspecte d'un détenu », Le Matin,
14/08/1980 ; Elkrief Ruth, « Mort suspecte d'un jeune homme
en prison », Le Monde, 19/08/1980 ; Raffy Serge,
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« Toutes les portes des prisons de France se sont ouvertes hier pour
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« Huit organisations réclament le « strict
respect » des droits des détenus », Le
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d'Asclépios », Le Quotidien du médecin,
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Frot Dominique, « Prisons : montée des revendications de
chaque côté des barreaux », Libération,
28/04/1982 ; « Nancy. Grève de la faim d'une centaine de
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grogne des syndicats de surveillants. Semaine "portes fermées" dans les
prisons », Le Monde, 10/04/1982 ; Bole-Richard,
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médecin, 21/04/1982 ; « Le personnel
pénitentiaire organise un mouvement d'ampleur national le 10 mai,
après l'échec de la réunion de concertation », Le
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syndicats », Libération, 8-9/05/1982 ;
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des éducateurs dénoncent le "lobby
pénitentiaire" », Libération,
22/09/1982 ; « Un détenu meurt des suites d'une
opération pratiquée en prison »,
Libération, 6/10/1982 ; « Polémiques
entre médecins après le décès d'un
détenu », Le Monde 7/10/1982 ; Darriulat Jean,
« Un médecin part en guerre contre l'hôpital des
prisons », Le Matin, 8 /10/1982 ; Groussard Daniel,
« le secret du trafic des grâces médicales des Baumettes
sur Bande magnétique ? », Libération,
21/10/1982 ; Derogy Jacques, « Marseille : la prison
connection. Subordination de témoins, prétendu trafic de
grâces médicales : la prison des Baumettes est le
théatre d'un scandale : un de plus... »,
L'Express, 22/10/1982 ; Varène Claude, « Un
détenus refuse les soins à l'hôpital de
Fresnes », Le Matin, 25/10/1982 ; Groussard Daniel,
Maigné Jacques, « Trafic de grâces
médicales : on cherche témoin à charge...»,
Libération, 28/10/1982 ; « La médecine
pénitentiaire est salement malade », Le Canard
enchaîné, 3/11/1982 ; Varène Claude,
« Prisons : le difficile changement », Le Matin,
8/11/1982 ; Varène Claude, « Le personnel
médical veut dépendre du ministère de la
Santé », Le Matin, 8/11/1982 ; Millet Gilles,
« Après le 10 mai, les prisons restent les prisons »,
Libération, 8/11/1982 ; « L'Ordre : le
médecin pénitentiaire reste soumis au Code de déontologie
», Le Quotidien du médecin, 9/11/1982 ; P.P.,
« Prisons : nouvelle "bavure" à l'hôpital de
Fresnes », Libération, 9/11/1982 ; Casteret
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Le Quotidien du médecin, 9/11/1982 ; « La
médecine pénitentiaire est une médecine en miettes »,
Le Quotidien du médecin, 10/11/1982. ; Savigneau Josyane,
« Prisons : le "changement" tarde », Le
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bistouri », L'Express, 19/11/1982 ; Harang
Jean-Baptiste, Frot Dominique, « Les syndicats pénitentiaires
ne sont plus hostiles à toute réforme»,
Libération, 13/12/1982 ; Millet Gilles,
« Prison : la Chancellerie présente son catalogue de
réformes », Libération, 13/12/1982 ; Millet
Gilles, « Badinter n'a pas retenu toutes les propositions de la
commission d'enquête », Libération,
14/12/1982 ; Savigneau Josiane, « A petits pas », Le
Monde, 15/12/1982 ; Savigneau Josiane, « La vie quotidienne
des détenus va être améliorée », Le
Monde, 15/12/1982 ; Conan Eric, « Une véritable
médecine pour les détenus »,
Libération, 15/12/1982 ; Laimé Marc,
« Jours fébriles à Fleury »,
Libération, 17/12/1982 ; « Grèves de la faim
en prison : l'acte médical peut-il être violent ?
», Le Quotidien du médecin, 21/12/1982.
1983 : D.F, « 41
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Libération, 17/01/1983 ; « 41 détenus en
révolte contre la lenteur des réformes se tailladent les
veines », Le Monde, 18/01/1983 ; Maigne Jacques,
« Marseille : 300 détenus sur les toits pour des parloirs
libres », Libération, 20/01/1983 ;
« Après Fleury-Mérogis les Baumettes, une certaine
agitation règne dans les prisons », Le Monde,
21/01/1983 ; Derogy Jacques, « Le racket des Baumettes. Le
rafiquant de drogue Robert kechichian avait "acheté" un faux cancer pour
être remis en liberté. Le scandale des grâces
rebondit », L'Express, 21/01/1983 ; Boucher Philippe,
« La parole donnée », Le Monde,
21/01/1983 ; « L'agitation dans les prisons
s'étend », Le Monde, 22/01/1983 ; Maigne
Jacques, « Prisons, la troisième manifestation des Baumettes
tourne mal », Libération, 24/01/1983 ; Frot
Dominique, « Huit jours de manifestations contre une réforme
jugée trop étriquée », Libération,
24/01/1983 ; Boucher Philippe, « La contagion de
l'impatience », Le Monde, 25/01/1983 ; Frot Dominique,
« Prisons : la Chancellerie a choisi la répression
», Libération, 25/01/1983 ; « Les raisons
d'une révolte. Mesures immédiates et promesses sous
condition », Le Monde, 26/01/1983 ; Kroes Claude,
« La filière des Baumettes »,
L'Humanité, 26/01/1983 ; « Baumettes : le
dossier des "grâces médicales". Dans la prison de Marseille, des
escroqueries et peut-être une affaire de trafic d'influence »,
LF, 26/01/1983; « La fédération CGT : les
conseillers de M. Badinter doivent démissionner », Le
Monde, 26/01/1983 ; R.T., « Humaniser les prisons »,
Témoignage chrétien, 31/01/1983 ; Roy Philippe,
« Les médecins des prisons à la Santé : ce
qu'ils en pensent», QDM, 31/01/1983 ; Maigne Jacques,
« Marseille : l'affaire du trafic de grâces
médicales se meurt....», Libération,
3/02/1983 ; « Des surveillants de prison menacent de boycotter
la réforme », Le Monde, 4/02/1983 ; Delsol
Catherine, « Prisons : la révolte des gardiens »,
LF, 4/02/1983 ; Frot Dominique, « Réforme des
prisons : les syndicats ne font pas de cadeaux »,
Libération, 4/02/1983 ; Ehrel Catherine, « "Il
n'y a pas de bonnes prisons" », Libération,
25/04/1983 ; Carmouze Patrick, « Coup de torchon à
Fresnes. En licenciant l'anesthésiste et en mutant le chirurgien-chef,
l'inspection des Affaires sociales veut mettre un terme à la
polémique sur la mort de trois détenus », Le
Quotidien de Paris, 7/09/1983 ; Kahn Annette,
« Grâces médicales. Un dossier explosif. Ces
étranges événements dont on reparle... », Le
Quotidien de Paris, 12-13/02/1983; De Muizon François,
« Le juge d'instruction remonte la filière », Le
Matin, 19/02/1983; Maigne Jacques, « Grâces
médicales : l'édifiante autopsie de l'affaire Kechichian
», Libération, 27/02/1983 ; Groussard Daniel,
« Trafic de grâces médicales : deux experts
marseillais inculpés, dont un incarcéré »,
Libération, 9/03/1983 ; Raoux François,
« Grâces médicales. L'enquête "mouille" beaucoup
de monde », Le Quotidien de Paris, 10/03/1983 ;
Carmouze Patrice, « Des médecins complices malgré
eux ?», Le Quotidien du médecin, 10/03/1983 ;
« Une carrière médicale et politique »,
Le Monde, 18/03/1983 ; Cherki Pauline, « Evasions sur
ordonnances », Le Nouvel Observateur, 26/03/1983 ;
Groussard Daniel, « Grâces médicales : Solange
Troisier inculpée », Libération, 17/03/1983 ;
Kroes Claude, « Inculpation au sommet »,
L'Humanité, 17/03/1983 ; Delsol Catherine, « Grâces
médicales : inculpation au sommet », LF,
17/03/1983 ; Nau Jean-Yves, « Une carrière
médicale et politique », Le Monde, 18/03/1983 ;
Delsol Catherine, « Grâces médicales : Solange Troisier
nie tout... », LF, 18/03/1983 ; Carmouze Patrice,
« Le Dr Solange Troisier : je n'ai fait que mon métier»,
Le Quotidien du médecin, 18/03/1983 ; Derogy Jacques,
« Les prisons malades de leur médecine »,
L'Express, 18-24/03/1983 ; Fournier Etienne, « Ne tirez
pas sur le légiste », Le Quotidien du médecin,
29/03/1983. ; Horeau Louis-Marie, « Trafic de grâces
médicales ou permissions de sortie. Les miracles des
Lourdes.... », Le canard enchaîné,
30/03/1983 ; « Grâces médicales : Solange
Troisier dément le "Canard" », Libération,
30/03/1983 ; « L'affaire des
« grâces » médicales. Le témoignage
d'un médecin parisien contredit les déclarations de Mme
Troisier », Le Monde, 02/04/1983 ; Carmouze Patrick,
« « Grâces médicales » :
spéculations sur une demande d'avis thérapeutique », Le
Quotidien du médecin, 7/04/1983 ; Conan Eric,
« Nouveau décès à l'hôpital des
prisons », Libération, 6/04/1983 ;
« Décès suspect à l'hôpital de
Fresnes », L'Humanité, 7/04/1983 ; Nau
Jean-Yves, « A l'hôpital des prisons de Fresnes. Un jeune
détenu meurt après une intervention chirurgicale »,
Le Monde, 7/04/1983 ; Carmouze Patrick, « Hôpital
de Fresnes : le chirurgien se rebiffe », Le Quotidien du
médecin, 7/04/1983 ; Conan Eric, « La
médecine pénitentiaire en instance de réforme »,
Libération, 7/04/1983 ; Conan Eric, « Le
chirurgien-chef de Fresnes met en cause l'administration pénitentiaire
», Libération, 7/04/1983 ; Derogy Jacques,
« Juge Michel : mort sur ordonnance », L'Express,
8-14/04/1983 ;« Remaniement au ministère de la Justice
», Libération, 12/04/1983 ; Le Gendre Bertrand,
« La réorganisation du ministère de la Justice »,
Le Monde, 13/04/1983 ; Logeart Agathe,
« L'hôpital de Fresnes à nouveau dans le
collimateur », Le Matin, 29/04/1983 ; « S.
Troisier porte plainte contre Gisselbrecht devant le conseil de l'Ordre.
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au « délire de fuite » »,
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« Grève des écrous des surveillants de prison »,
Le Monde, 15/06/1983 ; Carmouze Patrice, « Grâces
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Paris, 17/06/1983 ; Carmouze Patrice, « Les faiblesses de
l'accusation », Le Quotidien du médecin,
17/06/1983 ; Le Gendre Bertrand, « M. Mitterrand ne
« méconnaît pas » les difficultés des
surveillants de prison », Le Monde, 18/06/1983 ; Le Gendre
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« Qui a peur de Solange Troisier ? », L'Express,
22/07/1983 ; Delsol Catherine, « Justice : la polémique
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à la formation des surveillants », Le Matin,
14/08/1983 ; « Permissions de sortie : Badinter doit
s'expliquer », Le Quotidien de Paris, 17/08/1983 ; «
Badinter s'entête... », LF, 18/08/1983 ; Bole-Richard
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médicales » devant le tribunal correctionnel en septembre
», Le Monde, 19/08/1983 ; Delsol Catherine, «
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Mariotti restent en prison », Libération, 4/10/198 ;
Maigne Jacques, « Cinq inculpés pour une
« évasion » par grâce médicale»,
Libération, 24/10/1983 ; Carmouze Patrick « Et
si la maladie de Kechichian était réelle ? », Le
Quotidien du médecin, 24/10/1983 ; Maigne Jacques,
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sale quart d'heure de Solange Troisier », Libération,
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« La surpopulation rend impossible l'humanisation des prisons »,
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des Sceaux prisonnier », Libération, 12/05/1985;
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« Fleury-Mérogis, un interne de garde de nuit pour 4.600
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« Test du SIDA positif pour six détenus de Gradignan »,
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« Contaminés... par la peur du sida »,
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« Prisons : la grande peur des gardiens »,
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plusieurs détenus auraient été
transférés », France-Soir, 24/08/1985 ;
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24/08/1985 ; Lacharme Mireille, « Un congrès
"spécial taulards" », LF, 22/11/1985 ;
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« Prisons : Arpaillange révise à la baisse le
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présenté par M. Arpaillange se démarque du projet
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« La médecine pénitentiaire en crise d'identité
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l'information volée », L'Evénement du jeudi,
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1993 : « Prisons : foyers
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11/03/1993 ; FOLLEA Laurence, « Selon une étude du
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passer sous contrôle « exclusif » du ministère
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Lionel, « Tuberculose en prison. Une cellule prévention
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25/06/1993 ; AFP, « L'USP dénonce la
« passivité » des pouvoirs publics devant la
montée de la tuberculose dans les prisons », 11/08/1993 ;
Folléa Laurence, « Un projet de loi à l'automne sur la
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16/08/1993 ; Gomez Marianne, « Les prisonniers, des malades
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ministres. Des mesures devraient permettre d'améliorer la protection
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18-24/03/1994.
6. SOURCES IMPRIMEES (CLASSEMENT
PAR SUJET)
Politique
pénitentiaire, actualité des prisons :
A. Textes officiels et rapports
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prisons, Paris, Rapport de la commission d'enquête de
l'Assemblé Nationale, Rapport n°2521, 2000.
ECOLE NATIONALE D'ADMINISTRATION, La gestion de nouveaux
établissements pénitentiaires dans le contexte du programme
pluriannuel pour la Justice, Bilan de la promotion rené Char,
séminaire décembre 1994.
MINISTERE DE LA JUSTICE, Rapport présenté
à Monsieur le garde des Sceaux par la commission d'étude de la
vie quotidienne dans les prisons, 1982.
SENAT, Prisons : une humiliation pour la
République. Rapport de la mission d'enquête sur les conditions de
détention dans les établissements pénitentiaires en
France, 2 volumes, 2000.
B. Articles et ouvrages
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pénitentiaire », Justice. Journal du syndicat de la
magistrature, n°33, 1974, pp.3-8.
« L'exécution de la peine privative de
liberté et les droits de l'individu », Revue de sciences
criminelles et de droit pénal comparé, 1975, n°3,
pp.741-751.
« 13 Place Vendôme : restructuration et
répression », Justice. Journal du syndicat de la
magistrature, n°82, 1981, pp.39-41
« Administration pénitentiaire. La remise en
cause d'une puissance sans partage », Justice. Journal du
syndicat de la magistrature, n°90, 1982, pp.43-44.
« Le citoyen détenu. Le droit à la
dignité humaine », Justice. Journal du syndicat de la
magistrature, n°108, 1986, pp.4-6.
ABECASSIS Alain, La culture en milieu carcéral.
Eduquer en prison, utopie ou réalité ?, mémoire
de fin d'études, Sciences Po Paris, 1979.
ACTES, « Les personnels de l'Administration
pénitentiaire : du répressif à l'éducatif ou
les multiples rôles solidaires d'un fonctionnement
totalitaire », Actes, n°13-14, printemps 1977,
pp.13-17.
AGRET Roland, Et si vous saviez ! : la prison au
quotidien, Paris, Plon, 1987.
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Michelle, Le Groupe d'information sur les prisons : archives d'une lutte,
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BADINTER Robert, Les épines et les roses,
Paris, LGF/le livre de Poche, 2012.
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BUFFARD Simone, « Y a-t-il une évolution de
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BUFFARD Simone, Le froid pénitentiaire, Paris,
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SOURCES ORALES
On présente ici les principales caractéristiques
des personnes interviewées. On distingue, d'une part, les entretiens
effectués auprès de soignants (médecins, psychiatres,
infirmières, etc.) soit 52 interviews, et d'autre part ceux
réalisés auprès des de
« décideurs » (Chefs de Bureau, directeurs
d'administration, membres de cabinets ministériels) soit 20 interviews.
On a enfin réalisé 4 entretiens avec des personnels des
établissements « 13.000 ».
1. ENTRETIENS AVEC DES SOIGNANTS
De nombreux entretiens ont dans un premier temps
été effectués auprès de soignants ayant
travaillé en milieu carcéral entre les années soixante-dix
jusqu'au début des années quatre-vingt-dix afin de pouvoir
restituer leurs conditions de travail et notamment les principales
difficultés auxquelles ils pouvaient être confrontées. Les
grands établissements pénitentiaires, en Ile-de-France (Fresnes,
Fleury, La Santé) ou en province (Marseille), sont nettement mieux
représentés que les petites et moyennes M.A.
52 entretiens ont été réalisés
avec des soignants dont 30 médecins somatiques
(généralistes et spécialistes) et 14
infirmièr(e)s. Du point de vue des professions, on a
privilégié les entretiens auprès de médecins
généralistes qui, bien qu'assurant une faible présence en
détention, reposent au coeur du projet de la prise en charge
médicale des détenus.
Les entretiens avec les soignants ont été
réalisés majoritairement (30 entretiens) dans les très
grands établissements (11 à Fresnes, 7 à Fleury, 4
à La Santé, 8 à Marseille). 22 entretiens ont donc
été réalisés dans des établissements de
moindre ampleur. Cet écart s'explique par plusieurs raisons. Soulignons,
tout d'abord, que ces quelques grands établissements représentent
l'essentiel de la population carcérale (notamment en termes de flux).
C'est également dans ces établissements que la
spécialisation de la médecine pénitentiaire a
été la plus importante. C'est particulièrement le cas de
l'Hôpital de Fresnes. La moindre représentation des autres M.A
s'explique, enfin, par des raisons géographiques ou encore par la
difficulté à retrouver des praticiens pour qui cette
activité était marginale et qui ne l'ont exercé que
quelques années.
Les entretiens avec les soignants ont été
répartis dans un tableau selon la taille de l'établissement et la
période d'intervention. On peut constater que la période des
années soixante-dix est bien sûr la période la plus
difficile à traiter par le moyen de l'entretien.
REPARTITION DES SOIGNANTS INTERVIEWES SELON L'ETABLISSEMENT ET
LA PERIODE
|
70-80
|
81-88
|
89-94
|
Total
|
Médecins
|
6
|
15
|
21
|
30
|
Hôpital de Fresnes
|
|
Hervé ; Espinoza ; Martine ;
Paulette ; Jean-Michel
|
Hervé ; Paulette ; Martine ;
Espinoza ; Guillaume ; Sylvie
|
9
|
Très grandes M.A (Fresnes, La Santé, Fleury,
Baumettes)
|
Bernard ; Yvan ; Lazarus ; Pierre-Yves
|
Valentin; Bernard ; Hélène ;
|
Tuffelli ; Valentin ; Hélène ;
René ; Ludovic ; Laurent ; Virginie ; Vasseur ;
Julien ; Galinier
|
14
|
Moyens et petits établissements (Lyon, Bois d'Arcy,
Pontoise, Rouen, Besançon)
|
Bruno ; Gonin ; Barlet
|
Michel ; Françoise ; Gonin ;
Barlet ; Julien ; Jérôme ; Claude
|
Françoise ; Gonin ; Barlet ; Claude
|
7
|
Psy
|
4
|
4
|
2
|
6
|
psychiatres et psychologues
|
Buffard ; Henri; Luc; Gilles
|
Buffard ; Henri; Luc; Gilles
|
Henri; Lucie
|
|
Infirmières
|
2
|
11
|
12
|
14
|
Très grandes M.A (Fresnes, La Santé, Fleury,
Baumettes)
|
Monique ; Lise ;
|
Monique ; Lise ; Thérèse ;
Henriette ; Evelyne ; Brigitte ; Claudine : Laurence
|
Monique ; Lise ; Thérèse ;
Henriette ; Evelyne ; Brigitte ; Claudine : Laurence
|
8
|
Moyennes et petites M.A (Lyon, Bois d'Arcy, Pontoise, Rouen,
Besançon)
|
|
Anne ; Yvette ; Christine
|
Christine ; Julie ; Florent ;
Jérôme
|
6
|
Autres personnels
|
|
Yann
|
Bérengère ; Yann
|
2
|
TOTAL SOIGNANTS
|
|
|
|
52
|
A. Médecins somatiques
(généralistes et spécialistes)
1) Daniel Gonin, psychiatre effectuant des
psychothérapies de groupe en prison depuis 1962 puis exerçant en
tant que généraliste à la M.A de Lyon de 1967 à
1989, membre du GMPQ. Aujourd'hui en retraite. Entretiens
réalisés les 25/02/2008, 10/03/2008, 26/03/2008. Durées :
2H ; 2H ; 2H.
2) Pierre Barlet, médecin aux prisons de Lyon depuis
1966 puis responsable du service de prise en charge des détenus de
l'hôpital Lyon Sud depuis 1985. Aujourd'hui en retraite. Entretiens
réalisés les 18/04/2003, 30/04/2008. Durées :
2H15 ; 2H.
3) Bruno, médecin généraliste à la
Maison d'Arrêt de Besançon de 1969 à 1980. Aujourd'hui en
retraite. Entretien réalisé le 17 janvier 2006 à la Gare
de Lyon (Paris). Durée : 2H.
4) Antoine Lazarus, interne puis médecin vacataire
à Fleury-Mérogis de 1970 à 1976, fondateur du GMP.
Aujourd'hui Professeur de santé publique et de médecine sociale
au CHU de Bobigny et à Paris 13. Entretiens réalisés les
10/11/2007 et 11/06/2008. Durées : 2H00 et 2H00.
5) Julien, infirmier à
Fresnes de 1974 à 1976 puis interne à La Santé de 1977
à 1978 puis médecin à Bois d'Arcy de 1981 à
1987 ; aujourd'hui généraliste à
Châtenay-Malabry. Entretien réalisé le 16/01/2008 à
mon domicile (Paris). Durée : 3H.
6) Bernard, médecin aux Baumettes depuis 1975 puis
médecin-chef de 1983 à 1985 de la PHB. Exerce aujourd'hui en
libéral et en clinique privée. Entretien réalisé le
22 février 2006 dans un café à La Ciotat.
Durée : 2H20.
7) Pierre-Yves, interne à
Fresnes en 1976-1977 puis médecin-chef de l'UCSA de la Maison
d'arrêt et du centre de détention de Nantes depuis 1995. Entretien
réalisé le 2 juin 2005 dans un café du
13ème arrondissement de Paris. Durée : 1h10.
8) Yvan, interne à Fleury-Mérogis de 1979
à 1980 ; aujourd'hui médecin libéral. Entretien
réalisé le 14/02/2008 à son cabinet (Paris).
Durée : 1H30.
9) Jérôme, médecin-chef adjoint de la M.A
des Baumettes depuis 1979 puis médecin-chef par intérim de
1982 à 1983. Exerce aujourd'hui en libéral à Marseille.
Entretien réalisé le 24 février 2006 à son cabinet.
Durée : 1H50.
10) Jean-Michel, chirurgien-orthopédiste à
l'Hôpital de Fresnes de 1979 à 1988. Exercice aujourd'hui en
clinique privée. Entretien réalisé le 9 décembre
2005 à son domicile à Bourg la Reine (Hauts de Seine).
Durée : 2H40.
11) Claude, généraliste à la M.A de
Pontoise de 1979 à 1991. Exercice aujourd'hui en libéral à
Pontoise. Entretien réalisé le 12 janvier 2006 à son
cabinet à Pontoise (Val d'Oise). Durée : 1H10.
12) Hervé, médecin O.R.L à
l'Hôpital de Fresnes de 1981 jusqu'en 2004. Aujourd'hui en retraite.
Entretien réalisé le 13 février 2006 à son domicile
(Paris). Durée : 2H25.
13) Valentin, interne puis généraliste à
l'hôpital de Fresnes de 1982 à 1986 puis à la Maison
d'arrêt pour femmes (M.A.F) de Fresnes de 1986 à 1995. Exercice
aujourd'hui en libéral à Anthony. Entretien effectué 4
janvier 2006 à son cabinet médical à Antony (Hauts de
Seine). Durée : 2H.
14) Pierre Espinoza, chef de service de l'Unité de
soins intensifs de l'Hôpital de Fresnes de janvier 1983 à
septembre 1991. Exerce aujourd'hui à l'Hôpital Européen
Georges Pompidou. Entretiens réalisés le 16 mai et le 31 mai 2006
et dans son bureau. Durées: 1H45 et 2H00.
15) Hélène, interne puis médecin
généraliste à Fleury-Mérogis de 1983 à 2000.
Exerce aujourd'hui en tant que chef de service en psychiatrie à Etampes
(Essonne). Entretien réalisé le 8 décembre 2005 dans un
restaurant près de son domicile (Paris). Durée : 2H40.
16) Martine, interne à l'Hôpital de Fresnes de
1984 à 1986 puis médecin et chef de service en médecine
interne à l'Hôpital de Fresnes jusqu'à l'entretien.
Entretien réalisé le 5 avril 2006 dans son bureau.
Durée : 2H.
17) Paulette, médecin anesthésiste
réanimateur à l'hôpital de Fresnes de 1984 à 2000.
Aujourd'hui en retraite. Entretien réalisé le 10 janvier 2006
à son domicile à Sèvres (Hauts de Seine).
Durée : 2H20.
18) Jacqueline Tuffelli, médecin-chef de la Maison
d'arrêt de Fresnes de 1986 à 2003, membre du Rapport du Haut
comité à la Santé publique. Aujourd'hui Conseiller
technique au Centre d'action sociale de la ville de Paris. Entretien
réalisé les 20 et 22 juin 2005 dans son bureau (Paris).
Durée : 5H00.
19) Françoise, généraliste à la
M.A de Bois d'Arcy de 1986 à 1996 puis médecin au Centre de
Jeunes détenus de Fleury-Mérogis depuis 1996. Entretien
réalisé le 13/01/2006 à son domicile à
Créteil (Val-de-Marne). Durée : 3H.
20) René, chirurgien et
médecin-chef des Baumettes de janvier 1987 à 1991 ;
aujourd'hui en retraite. Entretien réalisé le 20 février
2006 à son domicile à Marseille. Durée : 2H.
21) Ludovic, médecin généraliste à
Fleury-Mérogis de 1988 jusqu'en 1999. Exerce aujourd'hui en
libéral à Morçon-sur-Orge. Interview
réalisée le 12 janvier 2006 dans un café à Paris.
Durée : 2H10.
22) Xavier Emmanuelli, médecin-chef de
Fleury-Mérogis de 1988 à 1992. Entretien réalisé le
11/02/2008 dans son bureau au SAMU Social de Paris (Paris). Durée :
1H.
23) Laurent,
généraliste, médecin-adjoint aux Baumettes de 1990
à 1997. Exerce aujourd'hui en tant que médecin du travail
auprès du ministère de la Justice. Entretien
réalisé le 20 février 2006 au Palais de Justice de
Marseille. Durée : 2H30.
24) Virginie, médecin à la M.A de Fresnes depuis
1990 et médecin-chef de l'UCSA de la M.A de Fresnes depuis 2000 et
jusqu'à l'entretien. Entretien réalisé le 30 juin 2005
à la Maison d'arrêt pour femmes (M.A.F) de Fresnes.
Durée : 2H10.
25) Véronique Vasseur, médecin à la
prison de La Santé à partir de 1992 puis médecin-chef de
1993 à septembre 2000. Exerce aujourd'hui à la Polyclinique de
l'hôpital Saint-Antoine. Entretien réalisé le 7 juillet
2005 dans un café en face de l'hôpital Saint-Antoine (Paris
12ème). Durée : 1H40.
26) Julien, médecin généraliste aux
Baumettes de 1992 à 1996 puis médecin à la prison pour
mineurs de Luynes de 1996 à 1999 puis médecin-chef de la prison
de Salon de Provence de 1999 à 2000 et médecin aux Baumettes
depuis 2001. Entretien réalisé le 21 février 2006 dans un
café à Marseille. Durée : 1H40.
27) Anne Galinier, ancienne chef de clinique,
médecin-chef de la Maison d'arrêt des Baumettes depuis mars
1992 ; membre du Rapport du Haut Comité de la Santé
Publique. Entretien réalisé le 28 mars 2005 par
téléphone (enregistré grâce à Skype).
Durée : 1H40.
28) Guillaume, médecin à l'hôpital de
Fresnes de 1992 à 1995 puis médecin à l'UCSA de Fleury de
95 à 2000, aujourd'hui rédacteur en chef adjoint au près
de la revue de l'Institut national de recherche et de sécurité
pour la prévention des maladies professionnelles et des accidents du
travail (INRS). Entretien réalisé le 16 mars 2006 et le
20/04/2006 dans un café place de la Bastille (Paris).
Durée : 1H45 et 2H00.
29) Sylvie, médecin du service des soins intensifs et
de réanimation à l'Hôpital de Fresnes de 1992 à 2000
puis médecin-chef de la prison de la Santé depuis novembre 2000.
Entretien réalisé le 11 avril 2006 dans un café proche de
la prison de la Santé. Durée : 2H30.
30) Nathalie, médecin
vacataire à la M.A de Fresnes depuis 1996 en démission lors de
l'entretien. Entretien réalisé le mardi 7 juin à
l'occasion d'une réunion GMP Paris 6ème.
Durée : 40 minutes.
B. Psychiatres et
psychologues
1) Simone Buffard, psychologue de 1961 à 1984 aux
prisons de Lyon ; aujourd'hui en retraite. Entretien réalisé
le 16 février 2006 à son domicile (La Mulatière, 69).
Durée : 3h00.
2) Cyril, interne en psychiatrie à la
prison-hôpital des Baumettes de mai 1971 à décembre 1973,
exerce aujourd'hui en cabinet à Marseille. Entretien
réalisé le 23 février 2006 à son domicile à
Marseille. Durée : 2h00.
3) Henri, psychiatre de la maison centrale de Poissy de 1972
à 1977 puis médecin-chef du SMPR de Fresnes jusqu'en 1999.
Aujourd'hui en retraite. Entretien réalisé le 6 mai 2006 à
son domicile (Neuilly sur Seine), durée 3h15.
4) Luc, interne aux prisons de Lyon de 1974 à 1975 puis
assistant en psychiatrie au CMPR de 1977 jusqu'en 1984. Aujourd'hui praticien
hospitalier à l'hôpital psychiatrique du Vinatier. Entretien
réalisé le 25/02/2008 dans son bureau (Lyon). Durée :
2H.
5) Gilles, psychiatre aux prisons de Fresnes de 1975 à
2002 ; aujourd'hui en retraite. Entretien réalisé le 20
janvier 2006 à son domicile (Epinay-sur-orge). Durée : 2h40.
6) Lucie, membre de la Direction Générale de la
Santé (DGS) de 1985 à 1988, médecin-chef Service
médico-psychologique régional (SMPR) de Rouen de 1989 à
1996, membre de la DGS de 1994 à 1996 puis médecin-chef SMPR de
Fleury-Mérogis depuis 1996. Entretien réalisé les 2
février et 5 mai 2006 à son domicile (Paris). Durée :
4h et 2h45.
C. Infirmier(e)s
1) Monique, infirmière panseuse-chef à
l'Hôpital central des prisons de Fresnes de 1954 à 1990 ;
aujourd'hui en retraite. Entretien réalisé le 28 juin 2005 au
domicile de l'interviewée à Villejuif (Val-de-Marne).
Durée : 2H30.
2) Lise, infirmière pénitentiaire à la
prison des Baumettes de 1979 à 1997 ; aujourd'hui infirmière
pour la médecine du travail auprès de l'Administration
pénitentiaire à Marseille. Entretien réalisé le 23
février 2006 sur son lieu de travail aux Baumettes. Durée :
3H00.
3) Anne, infirmière Croix-Rouge à la Maison
d'arrêt de Pontoise (Val d'Oise) à temps plein de 12/1980 à
1990. En retraite. Entretien réalisé le 5
janvier à son domicile à Saint-Ouen l'Aumône (Val d'Oise).
Durée : 2H.
4) Yvette, infirmière chef de la Maison d'arrêt
de Bois d'Arcy de 1980 à 1998; a participé au Comité
Santé/Justice de 1984 à 1988. Entretien réalisé le
31 mars et le 4 mai à son domicile à Plaisir Grignon
(Hauts-de-Seine). Durée : 3Het 3H.
5) Thérèse, infirmière religieuse de
l'Assistance publique détachée aux Baumettes de 1980 à
1992 ; aujourd'hui en retraite. Entretien réalisé le 21
février 2006 à l'école religieuse Sainte Trinité de
Marseille. Durée : 2H40.
6) Henriette, infirmière bénévole
Croix-Rouge à la Maison d'arrêt de La Santé de 1980
à 1995 ; aujourd'hui en retraite. Entretien réalisé
le 1er juillet 2005 dans café à Paris.
Durée : 1H30.
7) Evelyne, infirmière pénitentiaire au quartier
femmes de Fleury-Mérogis de 1983 à 1985 puis au service de
consultations externes de Fresnes de 1985 à 1986 puis au quartier D2
à Fleury-Mérogis de 1987 à 1993 ; aujourd'hui en
retraite. Entretien réalisé le 8 février 2006 dans un
café à Rouen. Durée : 2H30.
8) Brigitte, infirmière pénitentiaire de 1984
à 1995 à la Prison Hôpital des Baumettes (P.H.B) ;
travaille aujourd'hui à l'Ecole de police de Marseille. Entretien
réalisé le 21 février 2006 sur son lieu de travail
à Marseille Durée : 2H15.
9) Christine, infirmière à la Maison
d'arrêt de Rouen depuis août 1984. Entretien réalisé
le 8 février 2006 à son domicile à Rouen.
Durée : 2H45.
10) Claudine, infirmière de l'Assistance publique
détachée à la Maison d'arrêt de Fresnes depuis 1986.
Entretien réalisé le 15 décembre 2005 au domaine de
Fresnes. Durée : 1H40.
11) Laurence, infirmière de l'Assistance publique
détachée à la M.A de Fresnes depuis 1986 jusqu'à
l'entretien. Entretien réalisé le 30 juin 2005 au Grand Quartier
(M.A.F) de Fresnes Durée : 1H10. Entretien non enregistré.
12) Julie, infirmière Croix-Rouge à la Maison
d'arrêt de Pontoise de 1987 à 1990 puis infirmière à
Poissy de 1990 à 1992 ; aujourd'hui en retraite. Entretien
réalisé le 31 janvier 2005 à Baillet en France (Val
d'Oise). Durée : 2H.
13) Florent, infirmier pénitentiaire à la Maison
d'arrêt de Caen de 1988 jusqu'à 1995 ; aujourd'hui infirmier
à la P.J.J. Entretien réalisé le 25 janvier 2007 par
téléphone (enregistré grâce à Skype).
Durée : 1H20.
14) Jérôme, cadre infirmier du Service
médico-psychologique régional (SMPR) de Loos lès Lille
depuis 1992, membre du rapport du Haut Comité de la Santé
Publique. Entretien réalisé le 14 février 2007 au
téléphone. Durée : 1H.
D. Pharmacie
1) Yann, préparateur en pharmacie depuis 1977 à
l'Hôpital de Fresnes. Entretien réalisé le 15
décembre 2005 à l'Hôpital de Fresnes. Durée :
1H50.
2) Bérengère, pharmacienne à
l'Hôpital de Fresnes de 1989 à 1994 puis depuis 1997, responsable
la Commission Médicale d'Etablissement. Entretien réalisé
le 15 décembre 2005 dans son bureau à l'Hôpital de Fresnes.
Durée : 1H40.
2. ENTRETIENS AVEC DES DECIDEURS
Le second type d'entretien effectué porte sur la
réforme de 1994 elle-même et ses principaux acteurs. Vingt
entretiens ont été réalisés mais seulement seize si
on tient compte des doublons, certains étant aussi des soignants.
Ceux-ci ont été relevés essentiellement à travers
les documents administratifs ainsi que de façon incrémentale
à travers la méthode réputationelle. On a tenté
d'interviewer des personnes relevant de chaque institution qui est intervenue
à un moment dans la réforme aussi bien du côté
pénitentiaire (9 personnes de la Direction de l'Administration
pénitentiaire, 2 personnes du cabinet du ministère de la Justice)
que du côté sanitaire (5 personnes du Haut comité à
la santé publique, 1 personne de la DGS, 2 personnes de la DH, 1
personne du cabinet du ministère de la Santé). Globalement 20
entretiens ont été réalisés avec des
décideurs, 16 cependant si l'on retire les doublons (certains
décideurs étant également des soignants). Tous les
entretiens ont été négociés facilement en
dépit du manque de temps de professionnels qui occupent souvent des
positions importantes. Outre qu'il s'agit souvent de personnes ayant
déjà été amenées à accorder des
entretiens, notamment pour la presse, cette facilité d'accès
s'explique parfois par l'opportunité qui leur est faite de valoriser
leur participation à la réforme de l'organisation des soins.
A. Administration
pénitentiaire
1) Philippe Pottier, éducateur pénitentiaire
depuis 1975, secrétaire général du SNEPAP de 1978 à
1988 et fondateur de la COSYPE. Aujourd'hui adjoint au sous-directeur de
l'Administration pénitentiaire. Entretien réalisé le
27/12/2007 dans un restaurant à Paris. Durée : 2H.
2) Jacques, magistrat à la direction de la DAP
chargé des questions de santé de 1982 à 1989 ;
aujourd'hui substitut à la Cour d'Appel de Paris. Entretien
réalisé le 11/01/2008 à la Cour d'Appel de Paris.
Durée : 3H30.
3) Myriam Ezratty, magistrate et directrice de la DAP d'avril
1983 à juillet 1986, aujourd'hui président honoraire de la cour
d'appel de Paris. Entretien réalisé le 8/02/2008 à son
domicile à Paris. Durée : 3H30.
4) Alain Blanc, magistrat, directeur de la Sous-direction de
la réinsertion à l'Administration pénitentiaire de 1985
à 1995. Aujourd'hui Président de la Cour d'Assises de Seine Saint
Denis. Entretien réalisé le 19 avril 2007 à son domicile
(Saint-Mandé). Durée : 3H.
5) Dominique Matagrin, magistrat à la DAP depuis 1980
puis Conseiller technique du garde des Sceaux de 1986 à 1988 ;
aujourd'hui directeur de la Commission régionale de conciliation et
d'indemnisation des accidents médicaux de Rhône-Alpes. Entretien
réalisé le 25/02/2008, dans son bureau à Lyon.
Durée : 2H30.
6) Yvan Zakine, magistrat et directeur de la DAP de juillet
1981 à avril 1983, aujourd'hui président de Chambre honoraire
à la Cour de cassation, médiateur au Centre de médiation
et d'arbitrage de Paris. Entretien réalisé le 20/03/2008 à
son bureau (Paris). Durée : 3H00.
7) Jean-Claude Karsenty, magistrat et directeur de la DAP
d'octobre 1990 à juin 1993. Entretien réalisé le 24 mai
2007 dans un café à Paris. Durée : 2H.
8) Michèle Colin, magistrate, chef de Bureau de
l'action sanitaire et de la lutte contre la toxicomanie à la direction
de l'Administration Pénitentiaire de juillet 1990 à janvier
1994 ; aujourd'hui juge aux affaires familiales au TGI de Paris. Entretien
réalisé le 6 janvier 2006 dans son bureau au Palais de Justice de
Paris. Durée : 1H50.
9) Serge Haguenauer et Claire Sebant, dirigeants de la
société de communication « Participe
présent » ayant organisé le colloque du 4 avril 1992
« Soigner absolument ». Entretien réalisé le
24 avril 2006 à leur domicile à Paris. Durée :
1H30.
B. Ministère de la
Santé
1) (déjà cité) Lucie, membre de la
Direction Générale de la Santé (DGS) de 1985 à
1988, médecin-chef Service médico-psychologique régional
(SMPR) de Rouen de 1989 à 1996, membre de la DGS de 1994 à 1996
puis médecin-chef SMPR de Fleury-Mérogis depuis 1996. Entretien
réalisé les 2 février et 5 mai 2006 à son domicile
(Paris). Durées : 4h et 2H45.
2) Rousseau Elisabeth, médecin-inspecteur,
chargée de mission à la Direction de l'Hospitalisation et de
l'organisation des Soins (DHOS) d'août 1993 jusqu'en septembre
2003 ; travaille aujourd'hui à la Direction Générale
de la Santé (DGS). Entretien réalisé le 10 juin 2005 dans
son bureau au ministère de la Santé. Duré : 2H30.
C. Haut comité à la
santé publique (HCSP)
1) Guy Nicolas, vice-président du Haut Comité
à la Santé Publique et co-auteur du Rapport ; aujourd'hui
directeur adjoint à la Direction de l'Hospitalisation et de
l'organisation des Soins (DHOS). Entretien réalisé le 15 juin
2005 dans son bureau au ministère de la Santé.
Durée : 2H20.
2) Guérin Geneviève, secrétaire
général du Haut Comité à la Santé Publique.
Entretien réalisé le mercredi 25 mai 2005 dans son bureau au
ministère de la Santé. Durée : 1H.
3) Danièle Fuchs, médecin inspecteur de
santé publique, chargée de mission à la Direction des
Hôpitaux de 1987 à 1991, puis médecin inspecteur à
la DDASS du Val-de-Marne jusqu'en 2001, membre du rapport du Haut comité
à la santé publique. Aujourd'hui en retraite. Entretien
réalisé le 24 mai 2006 dans un café (Bibliothèque
Nationale François Mitterrand) Durée : 1H45.
4) (Déjà cité) Jacqueline Tuffelli,
médecin-chef de la Maison d'arrêt de Fresnes de 1986 à
2003, membre du Rapport du Haut comité à la Santé
publique; aujourd'hui Conseiller technique au Centre d'Action sociale de la
ville de Paris. Entretien réalisé les 20 et 22 juin 2005 dans son
bureau à Paris. Durée : 5H00.
5) (Déjà cité)
Denis,
cadre infirmier du Service médico-psychologique régional (SMPR)
de Loos-lès-Lille, membre du rapport du Haut comité de la
santé publique. Entretien réalisé le 14 février
2007 au téléphone. Durée : 1H.
D. Cabinets
ministériels
1) Favard Jean, magistrat à la DAP de 1970 à
1975 puis Conseiller technique du ministre de la Justice de 1981 à
1986 ; aujourd'hui président de la fondation d'Aguesseau. Entretien
réalisé le 10 janvier 2008 au siège de la fondation
d'Aguesseau (Paris). Durée : 3H00.
2)
Jean Debeaupuis, Conseiller technique puis directeur-adjoint de Cabinet du
ministre des Affaires sociales, Jean-Louis Bianco puis René Teulade de
1991 à 1992. Entretien réalisé le 27 juin 2005 au
siège de l'IGAS à Paris. Durée : 1h30.
3) Jean Jean-Paul, magistrat, Conseiller technique sur les
questions judiciaires au Cabinet du ministre de la Solidarité, de la
Santé et de la protection sociale, Claude Evin, de mai 1988 à mai
1991 puis Conseiller technique au Cabinet des
ministres de la Justice Henri Nallet puis Michel Vauzelle de mai 1991 à
avril 1992 ; aujourd'hui substitut général près de la Cour
d'appel de Paris. Entretien réalisé le 6 juillet 2005 dans son
bureau de la Cour d'appel. Durée : 2H00.
3.
PROTAGONISTES DES PRISONS A GESTION MIXTE
Quatre entretiens enfin ont été
réalisés avec des personnes ayant eu à gérer la
question sanitaire dans les prisons 13.000 à gestion mixte afin de mieux
comprendre la spécificité de ce dispositif, notamment à
partir de l'exemple de la M.A de Villepinte.
1) Dorothée, médecin-chef
à la M.A de Villepinte de 1991 à 1997 ; directeur
médical de la zone Nord. Aujourd'hui chargée de mission à
la MILDT sur le dossier « prison ». Entretien
réalisé le 17 juin 2005 dans un café à Paris.
Durée : 2H50.
2) Hervé Du Bost-Martin, cadre de GEPSA devenu DG en
1995, société co-contractante dans le cadre du programme
« 13.000 ». Entretien réalisé le 24 juin
2005, siège de la société GEPSA à Reuil-Malmaison.
Durée : 2H20.
3) Ludovic, médecin-chef à la M.A de Villepinte
depuis 1997. Entretien réalisé le 1er juin 2005
à la M.A de Villepinte. Durée : 2H.
4) (Déjà cité) Julien, médecin
généraliste aux Baumettes de 1992 à 1996 puis
médecin à la prison pour mineurs de Luynes de 1996 à 1999
puis médecin-chef de la prison de Salon de Provence de 1999 à
2000 et médecin aux Baumettes depuis 2001. Entretien
réalisé le 21 février 2006 dans un café à
Marseille. Durée : 1H40.
BIBLIOGRAPHIE
Cette bibliographie comprend exclusivement les ouvrages et
articles de recherche cités dans la thèse. Elle est
organisée de façon thématique. Une première section
est consacrée aux travaux généraux de sciences sociales,
notamment en sociologie et en science politique, utilisés pour la
construction du cadre d'analyse (I). Elle est suivie d'une section relative
à la littérature consacrée à l'institution
pénitentiaire, tant d'un point de vue sociologique qu'historique (II).
La troisième section comporte des textes portant sur des sujets plus
épars (Syndicat de la magistrature, épidémie de sida,
etc.) (III).
1.
SOCIOLOGIE, THEORIE POLITIQUE ET POLITIQUES PUBLIQUES
BAJOIT Guy, « Exit, voice, loyalty... and apathy.
Les réactions individuelles au mécontentement »,
Revue française de sociologie, 1988, XXIX, pp.325-345.
BASZANGER Isabelle, « Emergence d'un groupe
professionnel et travail de légitimation. Le cas des médecins de
la douleur », Revue française de sociologie, XXI,
1990, pp.257-282.
BERGERON Henri, L'Etat et la toxicomanie. Histoire d'une
singularité française, PUF;
coll. « Sociologies », Paris, 1999.
BEZES Philippe, CHAUVIERE Michel, CHEVALLIER Jacques, DE
MONTRICHER Nicole et OCQUETEAU Frédéric (dir.),
L'État à l'épreuve des sciences
sociales. La fonction recherche dans les
administrations sous la Ve République. Paris, La
Découverte, 2005.
BEZES Philippe, Gouverner l'administration. Une sociologie
des politiques de la réforme administrative en France (1962-1997),
thèse de science politique dirigée par Jacques Lagroye, IEP de
Paris, 2002.
BRISSONNEAU Christophe, LE NOE Olivier,
« Construction d'un problème public autour du dopage et
reconnaissance d'une spécialité médicale »,
Sociologie du travail, N°48, 2006, pp.487-508.
BUCHER Rue, STRAUSS Anselm, « La dynamique des
professions » dans STRAUSS Anselm, La trame de la
négociation. Sociologie qualitative et interactionnisme, Paris,
L'Harmattan, coll. « Logiques sociales », 1992,
pp.67-86.
CARDON Dominique, HEURTIN Jean-Philippe, LEMIEUX Cyril,
« Vertus et limites de la prise de parole en public. Entretien avec
Albert Hirschman », Politix, 1995, vol. 8, n° 31, pp.
20-29.
CHAMPAGNE Patrick, MARCHETTI Dominique,
« L'information médiatique sous contrainte. A propos du
« scandale du sang contaminé » »,
Actes de la recherche en sciences sociales, n°101-102, 1994,
p.43. pp.40-62.
CHAPOULIE Jean-Michel, « Sur l'analyse sociologique
des groupes professionnels », Revue française de
sociologie, XIV, 1973, p.94. pp86-114.
CHATEAUREYNAUD Francis, TORNY Didier, Les Sombres
précurseurs, une sociologie pragmatique de l'alerte et du
risque, Paris, Éditions de
l'École des Hautes Études en Sciences Sociales,
Paris, 1999.
CHEVALLIER Jean-Jacques, CARCASSONNE Guy, DUHAMEL Olivier,
La Ve République. Histoire des institutions et des régimes
politiques de la France, Paris, Armand Colin, 2001.
COHEN Michael, MARCH James, OLSEN Johan, « Le
modèle du "garbage can" dans les anarchies organisées »
dans March James, Décisions et organisations, Paris,
Editions d'Organisation, 1991, pp.163-204
CROZIER Michel, FRIEDBERG Erhard, L'acteur et le
système, Paris, Seuil, 1977,
DE BLIC Damien, « Quand l'événement
prend forme. Constitution du « scandale politico-financier » comme
puissance mobilisatrice », intervention au Congrès de
l'Association Française de Science Politique 2007.
DE BLIC Damien, LEMIEUX Cyril, « Le scandale comme
épreuve. Eléments de sociologie pragmatique »,
Politix, n°71, 2005, pp.9-38.
DELOYE Yves, VOUTAT Bernard, Faire de la science
politique, Paris, Belin, coll « Socio-histoires »,
2002
DUBAR Claude, TRIPIER Pierre, Sociologie des
professions, Paris, Armand Colin, 2003.
DUMONS Bruno, POLLET Gilles, L'Etat et les retraites.
Genèse d'une politique, Paris, Belin, 1994, 480 p.
FELSTINER William L. F, RICHARD L. Abel, SARAT Austin,
« L'émergence et la transformation des litiges :
réaliser, reprocher, réclamer », Politix,
n°16, 1991, pp.41-54.
FREIDSON Eliot, La profession médicale, Paris,
Payot, 1984 (1970).
GARRIGOU Alain, « Le scandale politique comme
mobilisation », dans Chazel François (dir.), Action
collective et mouvements sociaux, Paris, PUF, 1993, pp. 183-191.
HAAS Peter, « Introduction : Epistemic
communities and international policy coordination »,
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HIRSCHMAN Albert, Défection et prise de parole.
Théorie et applications, Paris, Fayard, 1995.
JOBERT Bruno, MULLER Pierre, L'Etat en action,
Presses Universitaires de France, Paris, 1987.
KEELER John, Réformer. Les conditions du changement
politique, Paris, PUF, 1994.
KINGDOM John W., Agendas, Alternatives and Public
Policies, Boston, Little, Brown and Co, 1984.
JAMOUS Haroun, Contribution à une sociologie de la
décision : la réforme des études médicales et
des structures hospitalières. Paris, Copédith, 1968.
JOBERT Bruno, MULLER Pierre, L'Etat en action, politiques
publiques et corporatisme, Presses Universitaires de France, Paris,
1987.
JÖNSSON Alexandra,
« Incrémentalisme » dans Boussaguet L.,
Jacquot S., Ravinet P. (dir.), Dictionnaire des politiques publiques,
Paris, Presses de Sciences Po, 2004, pp.259-266.
KEELER John, Réformer. Les conditions du changement
politique, Paris, PUF, 1994.
LABORIER Pascale, « Historicité et sociologie
de l'action publique », dans Laborier P., Trom D.,
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p.432.
LAGROYE Jaques, « Les processus de
politisation », dans Lagroye Jacques (dir.), La
politisation, Paris, Belin.
MULLER Pierre, « L'analyse cognitive des politiques
publiques : vers une sociologie politique de l'action publique »,
Revue française de science politique, 50 (2), 2000,
pp.189-207.
MULLER Pierre, SUREL Yves, L'analyse des politiques
publiques, Montchrestien, Paris, 1998.
MULLER Pierre, Les politiques publiques, Que sais
je ?, Paris, 1990.
OFFERLE M., « De l'histoire en science politique.
L'histoire des politistes », dans Fravre P., Legrave J.-B. (dir.),
Enseigner la science politique, Paris, l'Harmattan, 1998 ?.
PALIER Bruno, SUREL Yves, « Les "trois I" et
l'analyse de l'Etat en action », Revue française de
science politique, 55 (1), 2005, pp. 7-32.
PALIER Bruno, « Path dependence (Dépendance
au chemin emprunté) », dans Boussaguet L., Jacquot
S., Ravinet P. (dir.), Dictionnaire des politiques publiques, Paris,
Presses de Sciences Po, 2004, pp.318-325.
PARADEISE Catherine, « Rhétorique
professionnelle et expertise », Sociologie du travail, 37
(1), 1985, pp.17-31.
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pp.25-41.
ANNEXESANNEXE 1 :
PRESENTATION DE L'ADMINISTRATION PENITENTIAIRE
1. Services de l'administration centrale
La Direction de l'Administration pénitentiaire (DAP)
est l'une des six directions du ministère de la Justice, les autres
étant : la Direction des Affaires civiles et du Sceau
chargée des projets de réforme et de la tutelle des professions
judiciaires, la Direction des Affaires criminelles et des grâces
chargée des projets de réforme en matière de droit
pénal et de la tenue du casier judiciaire, la Direction des Services
judiciaires chargée du bon fonctionnement des juridictions judiciaires,
la Protection judiciaire de la jeunesse chargée de la Justice des
mineurs et enfin la Direction de l'Administration générale et de
l'équipement supprimée en 2008 avec la création d'un
Secrétariat général.
L'Administration pénitentiaire est l'une des directions
les moins bien considérée, les trois premières
étant les plus « nobles »1970(*). Faute d'être
pourvus en agents d'administration centrale, les postes de la DAP sont
essentiellement tenus par des personnels détachés des services
pénitentiaires extérieurs. L'Administration pénitentiaire
est organisée sous la forme d'une direction de gestion, chaque Bureau
étant chargé d'un secteur bien délimité, la
direction assurant la cohérence de l'ensemble.
Bien qu'elle ait connu plusieurs
réorganisations1971(*), la DAP a pendant longtemps été
composée, outre l'Inspection générale, de deux
Sous-directions. La sous-direction du personnel et des affaires administratives
gère les moyens humains et financiers nécessaires à
l'action de l'Administration. La Sous-direction de l'exécution des
peines est quant à elle chargée du fonctionnement
général des établissements. Elle comprend trois bureaux.
Le Bureau de l'individualisation et des régimes de détention,
considéré comme l'un des plus importants de la DAP, est
responsable de l'affectation et du transfèrement des détenus
entre établissements, des incidents individuels et collectifs, du
traitement des requêtes de la population pénale et des plans de
sécurité. Le Bureau des méthodes et de la
réglementation organise la vie quotidienne des détenus, notamment
en matière d'assistance sociale, de sport, d'éducation, de
travail et de santé.
En 1978 est créée une troisième
Sous-direction, celle de la « réinsertion sociale »
dont le terme apparaît pour la première fois, qui comporte un
Bureau de la réglementation, un Bureau du travail et de la formation
professionnelle et un Bureau du milieu ouvert. Ce dernier, chargé de la
probation et de l'assistance aux libérés, est transformé
en une Sous-direction autonome en 1988. La Sous-direction de la
réinsertion sociale est alors fusionnée avec celle de
l'exécution des peines, comme si la mission de réinsertion
était dès lors pleinement intégrée à la DAP
et ne nécessitait plus une structure administrative autonome.
L'arrêté du 6 juin 1990 réorganise en
profondeur l'Administration pénitentiaire afin de mieux unifier les
ressources entre le milieu ouvert et le milieu fermé. Elle consacre
quatre Sous-direction : la sous direction des ressources humaines, la
sous-direction de l'exécution des décisions judiciaires, la
sous-direction des affaires administratives qui assure l'évaluation et
la programmation des besoins budgétaires et la sous-direction de la
réinsertion. Cette dernière comprend un Bureau de l'insertion
sociale et de la participation communautaire (action sociale et
éducative, culture, assistance spirituelle, sports et loisirs), un
Bureau du travail, de l'emploi, de l'enseignement et de la formation
professionnelle et enfin un Bureau spécifiquement consacré
à prise en charge médicale des détenus : le Bureau de
l'action sanitaire et de la lutte contre la toxicomanie (GB3) qui fut à
l'origine de la réforme.
La Direction de l'Administration pénitentiaire a connu
une réorganisation importante de ses services en 1998 qui n'est pas
présentée ici.
2. Services déconcentrés
pénitentiaires
Il existe plusieurs types d'établissements
pénitentiaires selon le régime de détention et les
catégories de condamnation. Ils sont classés en deux grandes
catégories : les Maisons d'arrêt et les établissements pour
peine
Les Maisons d'arrêt reçoivent
les personnes prévenues en détention provisoire (personnes
détenues en attente de jugement ou dont la condamnation n'est pas
définitive) ainsi que les personnes condamnées dont la peine ou
le reliquat de peine n'excède pas deux ans.
Les établissements pour peine sont
divisés en maisons centrales destinés aux longues peines, centres
de détention davantage orientées vers la réinsertion,
centres de semi-liberté, en fonction du type de population pénale
qu'ils accueillent.
Les centres pénitentiaires enfin sont des
établissements mixtes qui comprennent au moins deux quartiers
différents (Maison d'arrêt, centre de détention et/ou
maison centrale).
ANNEXE 2 : CHRONOLOGIE DE
1945 à 1994
On a souhaité présenter ici les principaux
événements de 1945 jusqu'à 1994.
Cette chronologie n'est, par conséquent, pas exhaustive
mais vise à fournir des points de comparaison.
Cette chronologie a été découpée
en deux parties distinctes : d'une part les événements ayant
affecté l'Administration pénitentiaire et le fonctionnement des
établissements en général, et d'autre part les
transformations de l'action sanitaire en détention.
PENITENTIAIRE
1944
Août: Rattachement de l'Administration
pénitentiaire au ministère de la Justice.
Septembre: Paul Amor est nommé Directeur
général des services.
1945
Mai: La commission de réforme des institutions
pénitentiaires françaises formule quatorze principes, plus
connus sous le nom de réforme Amor.
Octobre: Un dispositif de formation du personnel est
établi à Fresnes.
1946
Mars: La population carcérale atteint 67.200
détenus et commence à décroître.
1947
Octobre: Eugène-Turkey, sous-directeur aux affaires
criminelles, est nommé directeur de l'Administration
pénitentiaire.
1948
Février: Charles Germain, magistrat, est nommé
directeur de l'Administration pénitentiaire.
1949
Ø Création d'un corps des éducateurs.
SANITAIRE
1945
Février: Paul Amor invite à organiser un service
dentaire dans chaque établissement.
Mai: une circulaire du 30 mai établit
(théoriquement) une infirmière rémunérée par
la CRF dans chaque établissement.
Juillet: la Direction de la Santé demande à ce
que les Inspecteurs de la Santé puissent avoir accès aux
prisons.
Décembre: une commission interministérielle
réunit les membres de l'AP et du ministère de la Santé.
1946
Ø 30 infirmières pénitentiaires temps
plein tandis que 157 établissements bénéficient du
détachement gratuit des infirmières de la CRF.
Mars: circulaire du 6/03/1946 rappelant aux soignants leurs
obligations.
Septembre: un médecin-inspecteur du ministère de
la Santé est mis à disposition de la DAP.
1947
Ø La CRF subit une réduction des crédits
contraignant la DAP à payer les infirmières à la
vacation.
Février: le président du Conseil des
médecins, le Pr Piedelièvre, demande une amélioration de
l'état sanitaire des prisons.
1948
Ø Les Directeurs départementaux de la
Santé sont chargés, en concertation avec le préfet, de
mettre en place les soins anti-vénériens des détenus.
1950
Ø Ouverture de Château-Thierry, un
établissement spécialisé dans le soin « aux
détenus qui ont été jugés partiellement
irresponsables en raison de leur état mental »
1954
Décembre : André Touren, magistrat, est
nommé directeur de l'Administration pénitentiaire.
1955
Importante grève des surveillants de prison.
1956
La population carcérale atteint 19.540, chiffre le plus
bas jamais atteint, on observe une hausse soudaine du fait de la guerre
d'Algérie.
1957
Janvier: Robert Lhez, magistrat, est nommé DAP.
Importante grève des surveillants de prison.
Juillet: les détenus algériens du FLN de la
Santé, parmi lesquels Ahmed Ben Bella, se mutinent.
1958
Juin-Juillet: Grève de la faim à Fresnes qui
s'étend en juillet à une vingtaine d'établissements
pénitentiaires.
Décembre: Le Code de procédure pénale est
promulgué instituant le JAP.
1959
Juin-Juillet: grève de la faim à Fresnes en vue
de l'obtention du statut de détenu politique qui s'étend à
une vingtaine d'établissements.
Décembre: Pierre Orvain, magistrat, ancien
déporté, devient DAP et assouplit les conditions de
détention (régime des parloirs, introduction de la presse et des
colis CRF).
1953
Mars : le Dr Adam décide de nourrir de force quatre
détenus nord-africains qui réclamaient de meilleures conditions
de détention.
Avril: le président du Conseil de l'ordre, le
Pr Piedelièvre, déclare que « le médecin
est libre de décider s'il faut alimenter de force un détenu qui
fait la grève de la faim » et que « le
médecin doit agir en conscience ».
1954
Ø Un hôpital est mis en service aux Baumettes.
Ø Marcel Colin ouvre une Annexe psychiatrique dans les
M.A de Lyon.
1956
Novembre: L'accès aux soins en matière
d'équipement (dentaires et lunettes) est considérablement
simplifié par une circulaire qui supprime la demande d'autorisation de
l'administration centrale.
1957
Octobre: Le 28ème congrès
international de médecine légale à Lyon est
consacré aux Annexes psychiatriques des prisons.
1958
Mai: Création d'un centre antialcoolique auprès
des prisons de Lyon.
Décembre: L'article D.390 du nouveau CPP établi
que « si un détenu se livre à une grève de la faim
prolongée, il peut être procédé à son
alimentation forcée mais seulement sur décision et sous
surveillance médicale et lorsque ses jours risquent d'être mis en
danger ».
1961
Novembre: Robert Schmelck est nommé DAP.
1962
Mars: La signature des accords d'Evian,, et le décret
d'amnistie des infractions commises au titre de l'insurrection
algérienne permet la libération de 5.451 détenus.
1963
Septembre: l'évasion de deux membres de l'OAS inaugure
une politique carcérale plus axée sur la sécurité.
1964
Ø La construction de Fleury-Mérogis,
achevé en mai 1968, traduit la politique de
« modernisation » entamée par la DAP.
Mai: L'adjudant Marc Robin, membre de l'OAS
incarcéré à Saint-Martin de Ré, s'échappe de
l'hôpital civil de La Rochelle.
Juillet: Raymond Morice, préfet, est nommé
DAP.
1965
Juillet: La « semaine sanglante » de la
maison centrale de Nîmes en juillet 1965.
1967
Création de la catégorie des
« détenus particulièrement signalés »
(DPS).
1968
Janvier: Maurice Le Corno, préfet, est nommé
directeur de l'Administration pénitentiaire.
1969
Avril : circulaire ramène la durée de
punition de cellule de 90 à 45 jours, abolit le retrait « des
fournitures de couchage » pour la nuit, la coupe de cheveux à
ras et l'occlusion toute la journée de la fenêtre par un volet.
1960
Janvier: Le Dr Fully est nommé
Médecin-inspecteur de la DAP.
Octobre: Le 1er congrès de criminologie se
tient à Lyon sous la direction des Pr Roche et Colin et du Dr Locard.
1961
Ø Paul Hivert ouvre une Annexe psychiatrique à
la M.A de la Santé.
Novembre: le Dr Fully adresse une lettre à tous les
médecins leur rappelant que leur « indépendance doit
être totale vis-à-vis du détenu malade » lors des
grèves de la faim.
1963
Avril: première rencontre relative à la
médecine pénitentiaire.
Juin: un congrès réunissant médecins et
magistrats de l'AP se déroule à Paris au sujet d'une
réforme de la médecine pénitentiaire.
1965
Juillet: avec l'aide du Pr Léon Dérobert, un
arrêté créé à la faculté de
médecine de Paris une attestation d'études relatives à la
médecine pénitentiaire.
1967
Septembre: création des Centres
médico-psychologiques régionaux (CMPR) mais cela reste
très théorique.
1968
Novembre: Des journées de médecine
pénitentiaire ont lieu à Fleury-Mérogis après cinq
années d'interruption.
1969
Mars: La responsabilité de la DAP est engagée
pour la première fois dans un défaut de soins après la
mort d'un détenu.
PENITENTIAIRE
1970
Mai: le ministre de l'Intérieur interdit la Gauche
prolétarienne. Plusieurs centaines de ses militants maoïstes sont
incarcérés.
Septembre: des militants de la Gauche Prolétarienne
incarcérés, parmi lesquels Alain Geismar, déclenchent une
grève de la faim.
1971
Janvier-février: succès de la nouvelle
grève de la faim des maoïstes incarcérés.
Février: Parution du manifeste du Groupe d'Information
sur les Prisons.
Juillet: un surveillant est blessé mortellement
à la prison de Lyon.
Août: Apparition de la presse quotidienne dans les
prisons
Septembre: une infirmière et un surveillant sont
égorgés par deux détenus dans leur tentative
d'évasion de Clairvaux
Novembre : le garde des Sceaux annonce la suppression des
colis de Noël déclenchant des grèves de la faim à
Poissy et à La Santé.
Décembre: une mutinerie très
médiatisée éclate à la Centrale de Toul (Nancy).
1972
Janvier : publication du rapport de la Commission
d'enquête sur la révolte de Toul présidée par Robert
Schmelck.
Juin: s'organise à Lyon un groupe de professionnels de
la détention, le GMQP.
Juillet : création du Comité d'action des
prisonniers (C.A.P) par l'ancien détenu Serge Livrozet.
Novembre : la DAP met en place une notice d'information
sur les droits et devoirs des détenus.
SANITAIRE
1970
Septembre : les 3ème journées de
médecine pénitentiaire ont lieu à Marseille.
1972
Ø Charles Dayant publie J'étais
médecin à la santé
Juillet : adoption d'un premier règlement des
médecins de prison mais qui connaît peu d'effets.
Septembre: un décret créé la Commission
d'application des peines (CAP) dont les psychiatres et les
généralistes sont membres
Octobre : polémique sur le nombre de suicides.
Novembre : trois internes de La Santé
démissionnent et communiquent à la presse.
Décembre : 4ème journées
de médecine pénitentiaire à Strasbourg.
1973
Ø Création du Groupe multiprofessionnel pour les
prisons par Antoine Lazarus à Paris et du Groupe multiprofessionnel pour
les questions pénitentiaires à Lyon par Axel Lochen.
Février: à l'occasion des législatives,
le GMQP fait parvenir à chaque candidat du Rhône une lettre
ouverte dénonçant le « scandale des
prisons ».
Mars: Georges Beljean, magistrat membre du Syndicat de la
magistrature, est nommé DAP.
Avril: à l'occasion de la révolte des
détenus de la M.A de Saint-Paul, le GMQP publie un communiqué
dénonçant les conditions de détention.
Juin: assouplissement des conditions de détention
1974
Février : mort de Patrick Mirval à
Fleury-Mérogis.
Juillet: des mouvements de révoltes collectifs se
déclenchent dans plus de 10 établissements pénitentiaires.
Valery Giscard d'Estaing déclare que « la peine, c'est la
détention... ce n'est pas plus que la détention ».
Août: une circulaire libéralise le régime
pénitentiaire : fin des limitations de correspondance, utilisation des
transistors, abandon du port du costume pénal, assouplissement des
parloirs, droit des détenus à se marier et à laisser
pousser leur barbe, cheveux et moustache.
1975
Mai: Un décret réorganise les
établissements pénitentiaires et créé les QHS
Juillet: une loi créé les peines de
substitution, accroît les possibilités de prononcer des mises en
libération conditionnelles et étend le champ d'application du
sursis avec mise à l'épreuve.
Décembre: attribution du droit de vote à toutes
les personnes placées en détention provisoire et à tous
les détenus purgeant une peine n'entraînant pas une
incapacité électorale
1973
Ø Publication par M. Diennet d'un livre racontant son
expérience d'interne à Fresnes, Le petit paradis.
Février: 25 internes initient une grève pour
protester contre leurs conditions de travail.
Juin : assassinat de Georges Fully.
Septembre: Solange Troisier est nommée
Médecin-inspecteur.
1974
Février: revalorisation mes médecins et des
internes, le nombre d'internes passant de 26 en 1973 à 34 en 1976
Juillet : 13 psychiatres se réunissent à
Paris pour réfléchir à leurs conditions de travail.
Novembre : projet de réforme de la médecine
pénitentiaire ajourné.
1975
Janvier: loi affiliant les détenus et leurs ayant-droit
aux assurances maladie et maternité de la Sécurité
sociale.
Septembre : revalorisation des praticiens.
Novembre : médiatisation des travaux de
François Martzloff sur la « psychiatrisation » des
détenus.
Décembre : 2ème Journées
européennes de médecine pénitentiaire à
Bordeaux.
1976
Mai 1976 : création du Groupement étudiant
national d'enseignement aux personnes incarcérées (GENEPI).
1978
Mai : suite à l'évasion de Jacques Mesrine
et de François Besse, P.Aymard est remplacé par le préfet
Christian Dablanc.
Novembre : loi établissant les peines de
sûreté ou restreignant les pouvoirs du JAP.
1980
Avril : le C.A.P se dissout du fait de dissensions
internes.
1977
Janvier: création d'une chaire de médecine
pénitentiaire au CHU Lariboisière Saint-Louis (Paris VII)
rattachée à celle de médecine légale.
Mars: circulaire santé-justice du 28/03/1977
créant les CMPR dont le personnel est à la charge des DDASS. 17
sont créés.
Août: Solange Troisier créé le Conseil
international pour les services médicaux dans les prisons (CISMP), dont
elle devient la présidente
Octobre : revalorisation des médecins.
1978
Décembre: première assemblée à
Dijon du CISMP
1979
Juin : le code de déontologie médicale vise
pour la première fois le milieu carcéral.
Septembre: élaboration lors du 2ème
congrès du CISMP à Athènes, d'un serment professionnel, la
Charte d'Athènes.
1980
La chaire de médecine chaire de médecine
pénitentiaire au CHU Lariboisière Saint-Louis (Paris VII) devient
autonome.
PENITENTIAIRE
1981
Mai: élection de François Mitterrand à la
présidence de la République
Juin: premiers mouvements de révolte au sein des
prisons françaises
Juillet: le garde des Sceaux, Robert Badinter, annonce
l'abrogation de la peine capitale, de la loi Sécurité et
liberté ou encore de la Cour de sûreté.
Juillet: Ivan Zakine est nommé DAP.
Octobre : 29.000 détenus en France.
1982
Avril: protestation de détenus et importantes
grèves de surveillants.
Septembre: un regroupement de neuf associations et
organisation syndicales, la COSYPE (Coordination Syndicale pénale),
dénonce le « lobby pénitentiaire ».
Novembre: la COSYPE établit un sombre premier bilan de
la politique pénitentiaire de Robert Badinter.
Décembre: ensemble de mesures dont des activités
socioculturelles ou sportives, l'utilisation du téléphone, la
suppression de la tenue pénale, l'abolition de l'interdiction de fumer
à titre de sanction disciplinaire et le retrait des séparations
dans les parloirs.
1983
Janvier: 35.000 détenus en France. Révoltes de
détenus en faveur d'une « réforme radicale des
prisons ». 41 détenus de Fleury se taillent les veines.
Février: mouvements de protestation des syndicats
pénitentiaires contre la libéralisation.
Avril: Myriam Ezratty, directrice de l'Education
surveillée, est nommée DAP.
Juin : Le travail d'intérêt
général est créé.
SANITAIRE
1981
Janvier: 6 détenus corses grévistes de la faim
à Fresnes sont placés sous perfusion contre leur
volonté.
Août: incident à l'Hôpital de Fresnes
auquel est lié Solange Troisier.
Novembre : congrès de médecine
pénitentiaire où Robert Badinter n'est pas
représenté.
1982
Mars: le médecin-chef de Fleury-Mérogis est
inculpé d'homicide par imprudence pour avoir considéré
comme simulateur un détenu déclarant souffrir d'épilepsie,
décédé en novembre 1980.
Octobre: Suite à la mort d'un détenu
opéré à Fresnes puis transféré avec du
retard à l'hôpital, une polémique éclate entre
Pierre Huguenard et le médecin-chef de l'Hôpital de Fresnes qui
dénonce ses conditions de travail.
Octobre: un détenu meurt à Fresnes alors qu'un
médecin demandait son transfert.
Novembre: à l'occasion du congrès de la Cosype
des médecins présents au colloque ont réclament un
changement de tutelle.
1983
Janvier: le décret du 26/01/1983, supprime le poste de
Médecin-inspecteur et donne une première mission à
l'IGAS.
Mars : inculpation de S. Troisier dans le cadre du scandale
des grâces médicales.
Avril: un détenu opéré à
l'hôpital de Fresnes décède.
Août: deuxième congrès mondial de
médecine pénitentiaire.
Novembre : grève des internes de Fresnes et
démission de 4 internes de Fleury-Mérogis.
Condamnation de Solange Troisier dans le procès des
grâces médicales.
1984
Janvier : environ 38.000 détenus dans les prisons
françaises.
Octobre: mouvement de grève de la faim de 635
détenus, en soutien à la grève menée par les
membres d'« Action directe ».
Novembre : environ 43.000 détenus dans les prisons
françaises.
1985
Ø La télévision est autorisée dans
les cellules.
Janvier: mutinerie de grande ampleur à la M.A de
Fleury-Mérogis
Mars : environ 45.000 détenus dans les prisons
françaises.
Mai: mutineries aux prisons de Lyon et de
Fleury-Mérogis
1986
Mars : J. Chirac devient premier ministre et Albin
Chalandon le nouveau garde des sceaux.
Avril: Dès sa première conférence de
presse, Albin Chalandon, déclare qu' « avec de
l'imagination, on peut trouver des solutions recourir à des capitaux
privés ».
Juillet: Arsène Lux, préfet, est nommé
directeur de l'Administration pénitentiaire.
Septembre: Albin Chalandon annonce le « un
changement complet de philosophie » à l'égard des
toxicomanes et notamment une application strict de la loi de 1970 qui
considère que « l'usager est d'abord un
délinquant ». Il est prévu la création de 1600
places dans les prisons conçues spécialement pour
désintoxiquer les délinquants de force.
1984
Janvier :
Ø fermeture du bloc opératoire des Baumettes
suite à un rapport de l'IGAS.
Ø Mission de contrôle des établissements
est confiée aux MISP des DDASS
Février : relaxe de Solange Troisier.
Mai: rapport de synthèse de l'IGAS sur l'état de la
médecine pénitentiaire française
Octobre: Le comité interministériel de
coordination de la santé en prison est institué puis
consacré par décret du 6/08/1985.
1985
Mars: ouverture du premier service d'hospitalisation pour
détenus à Lyon sous statut uniquement de la Santé.
Juin: note d'information du médecin-chef où il
précise que le dépistage des détenus ne lui parait pas
nécessaire mais que l'isolement individuel semble
préférable.
Juin : création d'un service d'hospitalisation des
détenus à Lyon.
Juillet: six détenus sont révélés
séropositifs à la prison de Gradignan à l'occasion d'une
collecte de sang effectuée sur quatorze détenus.
Août :
Ø le dépistage de tous les dons du sang est
rendu obligatoire.
Ø Décret officialisant le Comité
santé justice
Décembre : décret du 27/12/1985 place
l'Hôpital de Fresnes sous la double tutelle de la Chancellerie et du
secrétariat d'Etat à la Santé.
1986
Février:
Ø Selon le responsable du SMPR de Bordeaux plus de la
moitié des détenus toxicomanes sont contaminés par le
SIDA, soit « 5 à 20% de tous les prisonniers
français ».
Ø Création de l'Association des personnels
soignant des prisonniers (APSP).
Mars: décret prévoyant la création de
services psychiatriques (SMPR) ayant un statut purement hospitalier.
1987
Juin: Albin Chalandon lance "le programme 15.0000" de 29
établissements à « gestion mixte ».
Juillet: des mouvements de protestation de détenus ont
lieu dans toute la France.
Août: François Bonnelle remplace Arsène
Lux en tant que DAP.
Novembre: grande mutinerie à la M.A de
Châteauroux.
1988
Septembre: le garde des Sceaux Pierre Arpaillange maintient le
programme des prisons à gestion semi-privée, revu à 13.000
places, et supprime le projet de quartiers de détention pour
toxicomanes.
Septembre-Octobre: un mouvement de protestation des gardiens
s'amplifie face à la fermeté de Pierre Arpaillange et s'enlise
début octobre.
Octobre: Fançois Bonnelle est remplacé en
octobre 1988 par Jean-Pierre Dinthillac, ancien sous directeur de la DAP.
Décembre: l'Association professionnelle des magistrats
(APM) se réunit en assemblée générale le 13
décembre 1988 où fut violemment critiquée
« l'OPA sans vergogne » du SM sur le ministère de la
Justice.
1987
Février: le médecin-chef de Bordeaux
présente une communication à l'Académie de médecine
dressant un constat alarmant de l'épidémie de sida en
détention.
Octobre: le docteur Benezech met en place une consultation
« avancée » de médecine interne en
matière de dépistage et soin du sida par un accord passé
avec le directeur de la maison d'arrêt de Gradignian et Jacques Beylot
(CHU de Bordeaux).
Novembre: l'OMS proposa un plan de lutte contre le sida en
milieu carcéral.
Décembre: la DAP annonce la mise en place de
préservatifs en détention.
1988
Février:
Ø circulaire Santé Justice du 1/02/1988 relative
à la participation de l'Administration pénitentiaire à la
politique nationale de lutte contre le SIDA évoque des liaisons
institutionnelles avec les hôpitaux
Août : 3ème congrès du
Conseil international des services médicaux dans les prisons (CISMP)
à Bristol présidé par S. Troisier
Novembre: la commission santé-justice, mise en sommeil
entre 1986 et 1988 est réactivée.
PENITENTIAIRE
1989
Janvier: Bonnemaison remet au garde des Sceaux les travaux de
la mission qu'il présidait, sorte de cahiers de doléances des
gardiens de prison.
1990
Mai : la censure du rapport IGA-IGF sur la
sécurité dans les prisons suscite la colère des syndicats
pénitentiaires.
Juillet: ouverture des premiers établissements
« 13.000 »
Octobre: Nallet devient ministre de la justice et Jean-Claude
Karsenty est nommé directeur de l'AP.
1991
Septembre: nouvelle protestation des surveillants de prison.
Novembre: un ensemble de professionnels et de militants
publient un plaidoyer dans Le monde en faveur d'un « observatoire
international des prisons »
1992
Mai: les directeurs de prison F.O protestent contre les «
incohérences de la politique pénitentiaire ».
1993
Juin: arrivée de Simone Veil à la Santé
et de Pierre Méhaignerie à la Chancellerie. Bernard
Prévost, préfet de la Nièvre, est nommé DAP.
SANITAIRE
1989
Avril: une circulaire du ministère de la Santé
instaure des contrats ont entre 7 centres d'information et de soins de
l'immunodéficience humaine (CISIH) et 8 M.A.
Mai : circulaire prévoyant la mise à
disposition de préservatifs.
Juin: rencontre entre médecins et magistrats au
siège de la DAP au sujet des libérations pour sidéens.
1991
Concertation interministérielle depuis 1991 associant
l'IGAS, DHS, DH, Direction de la pharmacie et du médicament, AP.
Septembre: Daniel Gonin publie La santé
incarcérée aux éditions de l'Archipel.
1992
Février: signature d'une convention de la prison de
Laon avec un établissement hospitalier.
Avril: un colloque consacré à la santé en
prison réunit 300 professionnels à Paris.
Juin: signature d'une convention de la prison de
Châteauroux avec un établissement hospitalier.
Juin: les infirmières exerçant en milieu
pénitentiaire, qui sont alors au nombre de 340, décident de se
constituer en collectif au sein de la Coordination nationale infirmière
afin de mieux défendre leurs droits.
Septembre: signature d'une convention de la prison de
Saint-Quentin-Fallavier avec un établissement hospitalier.
1993
Mars : décret adoptant le transfert de tutelle.
1994
Janvier: loi 94-43 qui confie l'organisation des soins en
milieu pénitentiaire aux hôpitaux publics.
ANNEXE 3 : EVOLUTION DU
NOMBRE DE MEDECINS EN MILIEU PENITENTIAIRE
Faute d'archives comptabilisant le nombre de soignants en
milieu carcéral, on a tenté de restituer de façon
lacunaire cette évolution. Le nombre de praticiens est cependant parfois
douteux, les psychiatres étant parfois comptabilisés et d'autres
fois non.
1964 : 247 médecins dont 187
généralistes, 31 spécialistes et 29
psychiatres1972(*).
1966 : 271 (?) médecins dont 216
généralistes, 55 spécialistes (psychiatres ?)- 65
infirmières contractuelle et 135 de la Croix Rouge1973(*).
1968 : 216 médecin
généralistes1974(*).
1973 : 285 médecins dont 201
généralistes, 55 spécialistes, 29
psychiatres1975(*).
1976 : 290 médecins dont 206
généralistes, 45 spécialistes et 26
psychiatres1976(*).
1976 : 314 médecins dont 201
généralistes, 84 spécialistes et 29
psychiatres1977(*).
1978 : 261 médecins dont 182
généralistes, 54 spécialistes et 25
psychiatres1978(*).
1980 : 251 médecins dont 165
généralistes, 66 spécialistes, 20 psychiatres - 263
infirmières dont 103 pénitentiaires, 134 Croix-Rouge et 18
Assistance publique1979(*).
1983 : 212 généralistes,
54 spécialistes, 23 psychiatres (hors CMPR), 181 dentistes, 35 internes,
339 infirmières (dont 158 Croix Rouge), 45 surveillants aides-soignants
et 52 surveillants auxilliaires sanitaires1980(*).
1985 : 278 médecins dont 206
généralistes, 46 spécialistes et 26
psychiatres1981(*).
1987 : 272 médecins dont 203
généralistes et 69 spécialistes- 140 infirmières
pénitentiaires, 177 infirmières Croix Rouge1982(*).
1988 : 280 médecins dont 210
généralistes et 70 spécialistes - 140 infirmières
pénitentiaires et 170 infirmières Croix Rouge
Française. 1983(*)
1990 : 180 médecins
généralistes soit 49 postes ETP, 280 infirmières en
ETP1984(*)
ANNEXE 4 : THESES DE MEDECINE SOMATIQUE CONSACREES AU
MILIEU CARCERAL DEPUIS LA LIBERATION
On a tenté ici de recenser toutes les thèses
soutenues en France et traitant spécifiquement du milieu
carcéral. On a exclut les travaux consacrés à la
psychiatrie pour ne retenir que ceux qui relevaient de la médecine
somatique. Cette analyse repose sur les index des thèses de
médecine soutenues en France (depuis 1950) ainsi que les fichiers
manuels (depuis la Libération) présents à la
Bibliothèque interuniversitaire de médecine (BIUM) à
Paris. Malgré le fait que cette recherche ne prétende pas avoir
recensé toutes les thèses portant sur le milieu
pénitentiaire, en l'absence d'un fichier centralisant toutes les
thèses françaises de médecine depuis la Libération,
elle donne un aperçu de l'évolution de la médecine
pénitentiaire dans le secteur universitaire français.
1956 : Murat Roger, De quelques
automutilations dans les prisons, Paris.
1958 : Grun Victor, La
simulation médicale en milieu pénitentiaire, Paris.
1959 : Goix Paul, De quelques
incidences de l'incarcération sur la pathologie, Paris.
1960 : Berland Jacques, Exercice
médical dans les pénitenciers modernes, Paris.
1963 : Decaudin Marie
Thérèse, Les parasitoses intestinales en milieu
pénitentiaire, Paris.
1964 : Bertaud Claude, Les
ulcères duodénaux en milieu pénitentiaire et leur
traitement chirurgical, Paris.
1965 : Barthaud J., Contribution
à l'étude de la tuberculose au sanatorium de Liancourt,
Paris.
1968 : Papelard Alain, Histoire de
la médecine pénitentiaire en France, Paris [Derobert]
1970 : Grand Serge, La
morbidité en milieu carcéral et sa prise en charge par la
Sécurité sociale, Lyon ; Gouzy Jean, Contribution
à la connaissance de la surveillance des prisons. « Le
complexe de la Pénitentiaire, Lyon ; Milczarek Georges,
Contribution à l'étude des examens systématiques en
milieu carcéral, Créteil [Derobert]
1971 : Magerand Claude, Le syndrome
dépressif et anxieux chez des malades atteints de cardiopathie en milieu
pénitentiaire, Paris [Bourguignon].
1973 : Hervé Solange, Etude
psycho-sociale d'une population de candidats au poste de gardien de
prison, Broussais-Hôtel Dieu [Flavigny]; Ferreri Maurice,
Contribution à l'étude des troubles fonctionnels de la
sphère oro-digestive et des troubles du comportements alimentaires en
milieu carcéral, Créteil [Bourguignon].
1974 : Deslauriers Michel, Aspects
actuels de la médecine dans une prison modèle :
Fleury-Mérogis, Saint-Antoine [Ceccaldi] ; Ducloy Michel,
Les détenus et leur prise en charge par la Sécurité
sociale, Lille ; Lemouton Jean-François, Corps
étrangers digestifs sous-diaphragmatiques ingérés
volontairement en milieu carcéral, Paris VI
Salpêtrière [Sicard]
1975 : Boudot de la Motte Eric, Les
grèves de la faim en milieu carcéral, Paris 11
[Bouvier] ; Josserand Serge, Psychosomatique et prison,
Lyon ; Proust Alain, Le syndrome de Lasthénie de Ferjol chez
l'homme en milieu carcéral, Paris 6
Pitié-Salpêtrière.
1976 : Auberger Jean-Paul, Le
travail de l'interne en milieu pénitentiaire, Lyon ; Arnaud
Claude, Organisation de la médecine pénitentiaire en
France, Lyon ; Jousse, Cas d'un jeune drogué
condamné à de la prison ferme, Rennes.
1977 : Barrois Eric, Corps
étrangers intrathoraciques chez l'homme en milieu carcéral :
à propos de deux cas, Paris Sud [Bouvier] ; Duhamel Marc,
Les complications tardives des auto-mutilations des membres en milieu
carcéral, Paris 6 broussais ; Lhomme François, Les
ingestions volontaires de corps étrangers et les grèves de la
faim à la Maison d'arrêt de Briey, Nancy ; Martin
Jacques, Les conduites suicidaires au service de médecine
pénitentiaire, Clermont-Ferrand ; Tasso Vincent, Analyse
du fonctionnement sur service médical de la prison modèle de
Fleury-Mérogis, Paris 6 Saint-Antoine [Khan] ;Valette
Jean-Pierre, Essai de compréhension de l'univers
carcéral, Montpellier.
1978 : Moyal Nadine, Ingestions
volontaires de corps étrangers en milieu pénitentiaire,
Dijon ; Schmitt Jean-Noël, La médecine
carcérale, Créteil [Chevreau].
1979 : Béthemont Vincent,
L'exercice de la médecine générale à la Maison
d'arrêt Saint-Paul, Lyon ; Krien Bernard, La consommation
chirurgicale en milieu carcéral, Bichat-Beaujon [Boutelier] ;
Roussel Brice, Paroles de détenus. Enquête sur la
médecine avant et pendant la détention [Fournier] ;
Salvetti Antoine, Dix ans d'activité dans le service de chirurgie de
l'Hôpital Central des prisons de Fresnes, Cochin Port-Royal ;
Waultier Elisabeth, L'hospitalisation des détenus, Rouen
[Fournier/Troisier].
1980 : Géron Yvan, Rôle
médico-social du médecin pénitentiaire, Paris 6
Broussais [Troisier] ; Gouhier Michèle, Etude de la gamma G.T.
en milieu carcéral, Tours [Weill].
1981 : Alquier Gilles,
L'hypertension artérielle à l'Hôpital Central de
Fresnes, Paris 11 Sud ; Galtié Dominique, La
médecine en milieu carcéral : à propos d'une enquête
menée dans les prisons de Limoges et de Gueret, Limoges ;
Lalondrelle Joël, Travail de l'interne à la Maison
d'arrêt de la santé et aspects de la médecine en milieu
carcéral, Cochin Port-Royal [Troisier] ; Treton De Vaujas De
Langan Arnault, Alcoolisme, délinquance et malinsertion sociale chez
deux cents détenus de la prison de Fresnes, Lariboisière
Saint-Louis [Troisier].
1982 : Delorme Jacques, La
pathologie des urgences en milieu carcéral, Paris 6
Pitié-Salpêtrière.
1983 : Arcioni Anne Philippot,
Aspects de la gynécologie de la grossesse et de son environnement en
milieu carcéral, Nancy ; Froger Christiane, L'automutilant
en milieu carcéral. Approche psycho-dynamique, Lyon ; Gronier
Mathieu, L'unité de soins "détenus" du centre hospitalier de
Nice : étude a propos de 320 observations, Nice ; Millerand
Alexandre, Toxicomanie et prison ?, Paris 5 Ouest ; Perron
Jean-Luc, Les simulateurs dans la population masculine d'un service de
sûreté, Paris 5 Cochin ; Lemarié Yvon, Les
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L'hospitalisation des détenus à l'unité de
l'hôpital Pasteur : aspects pathologiques et
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féminine, Aix-Marseille.
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Pitié-Salpêtrière, [Troisier].
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ANNEXE 5 : LA CREATION DU POSTE DE MEDECIN-INSPECTEUR
DES PRISONS DANS LE CONTEXTE DE LA GUERRE D'ALGERIE
Les « événements
d'Algérie » et les tensions sociales qui leur sont
associées achèvent, comme précise Claude Faugeron, la
dissociation entre réformateurs
« idéalistes » et gestionnaires de la
prison1985(*). On assiste tout d'abord à une
inversion de tendance de l'évolution du nombre de détenus. Alors
que les effectifs avaient chuté, passant de 62.033 détenus en
1946 à 19.540 en 1956, on observe une hausse soudaine, d'abord
modérée (elle est de 12% entre 1957 et 1958, passant de 20.231
à 23.360 détenus) puis très accentuée à
partir de 1958 où l'on assiste à une augmentation annuelle de
22%. Les mouvements indépendantistes algériens, du Front de
libération national (FLN) et du Mouvement national algérien (MNA)
dans une moindre mesure, remplissent les prisons. Une multiplication des
mutineries en détention s'ensuit. Le FLN dispose alors d'une forte
influence au sein des établissements où les détenus
algériens se seraient dotés d'une organisation propre en
matières sociale et sanitaire, formant une sorte
d'« administration parallèle »1986(*). C'est alors que
se ressent le besoin de mieux structurer le service de santé aux
détenus selon un magistrat alors affecté à la DAP
:
« Donc on a été confronté
en plus à la nécessité d'organiser en détention des
soins. C'était une population beaucoup plus consciente de ses droits que
le détenu de base... Bon c'est un peu méchant ce que je vais dire
mais le détenu de base, délinquant, il subit la détention
alors que les autres en faisaient une arme de combat politique, en
disant : "On est malade. Il faut nous soigner. On a des droits". Et
à l'époque, il y avait les généraux putschistes des
barricades, il y avait des gens qui n'étaient pas des détenus de
base comme l'escroc ou le pickpocket, qui eux s'accommodaient des exigences
carcérales. Et là, on a vu apparaître des revendications et
des exigences de soins [...] Vous avez deux pôles de problèmes qui
sont consécutifs à la guerre d'Algérie. Vous avez les
problèmes de santé et les problèmes d'éducation.
C'est dans le même temps qu'on a vu se développer en
détention, les études et notamment les études
supérieures. J'ai le souvenir, pour l'avoir organisé, du premier
centre universitaire en prison pour des détenus OAS qui étaient
en cours d'étude à l'université d'Alger et qui avaient
fait le coup de poing des barricades et qui se sont retrouvés à
La Santé. Qu'est-ce qu'on fait ? Ces gens-là allaient
ressortir. Et c'est pourquoi on avait organisé avec l'Université
de Paris un centre d'examen en détention » 1987(*).
Edmond Michelet, ancien directeur de l'Administration
pénitentiaire, est nommé garde des Sceaux en janvier 1959. Son
passé de déporté l'amène à adopter une
politique de détente à l'égard des détenus.
« J'aime autant vous prévenir, moi, je suis du
côté de ceux qu'on enferme », déclare-t-il alors
devant un aréopage de magistrats et de fonctionnaires de la
DAP1988(*).
Il nomme à la tête de l'Administration pénitentiaire un
magistrat réputé pour son libéralisme, ancien
déporté de Dachau, Pierre Orvain. Plusieurs assouplissements au
régime d'exécution des peines sont adoptés :
possibilité de lire la presse et de recevoir des colis de la
Croix-Rouge, régime des parloirs. L'Administration engage en 1962 une
nouvelle politique en faveur des personnels avec la revalorisation des statuts
de surveillants et d'éducateurs. L'innovation la plus importante est
l'arrivée d'un personnel extérieur à l'Administration
pénitentiaire : les instituteurs, mis à disposition par
l'Education nationale1989(*). L'apparition du Juge d'application des peines
(JAP) en détention, qu'inaugure le Code de procédure
pénale (CPP) de 1958, renforce l'ouverture d'une brèche entre le
dedans et le dehors. Désormais, comme le souligne Claude Faugeron,
« la ligne de clivage ne passe plus seulement entre
l'intérieur et l'extérieur mais, à l'intérieur de
la prison, entre personnels à missions
différentes »1990(*).
C'est dans ce contexte qu'Edmond Michelet nomme en 1960
Georges Fully, avec lequel il fut déporté à Dachau, en
tant que Médecin-inspecteur des prisons françaises, et ce
à la demande des Dr A. Marsault et A. Bohn tous deux également
anciens de Dachau1991(*). Directement rattaché auprès du
DAP, il dispose d'une grande importance. Bien au-delà d'un rôle
strict de contrôle, Georges Fully est amené, grâce à
ses relations « permanentes et quotidiennes » avec les
différents services de l'Administration pénitentiaire, à
exercer la fonction d'une « sorte de dirigeant d'un service de
santé pénitentiaire devant la plupart des problèmes qui se
posent sur le plan médical » selon les termes d'un rapport
d'activité de la DAP : «Très rapidement, les services
intéressés de l'administration centrale se sont adressés
à lui pour l'organisation générale des services
médicaux, le recrutement du personnel, les problèmes
d'équipement, les questions d'ordre thérapeutique, les transferts
pour raison médicale, la mise sur pied des institutions nouvelles
(centres médico-psychologiques, établissements pour psychopathes,
infirmeries spécialisées) »1992(*). Probablement, parce
qu'il fut confronté lui-même à la question de
l'incarcération, mais aussi en raison de sa personnalité, Fully
s'investit pleinement dans sa nouvelle tâche. C'est ce que rappelle un
magistrat l'ayant connu à cette époque :
« Edmond Michelet est le premier garde des
Sceaux à s'être vraiment préoccupé de la condition
des détenus. C'était un chrétien social, très
engagé, très croyant, très engagé sur ce
plan-là. Il a eu l'idée de créer ce poste. Il s'agissait,
d'une part, de contrôler le fonctionnement, la façon dont
étaient dispensés les soins dans les établissements
pénitentiaires et aussi en arrière-plan, non avoué
à l'époque parce qu'on tâtonnait à peine, de voir
comment assurer non seulement la qualité des soins mais un service
médical permanant [...] Alors Fully lui, il était sur le terrain.
Il allait toujours par monts et par veaux d'abord à mettre en place des
services médicaux et infirmiers cohérents et satisfaisants. Sa
vision, c'était d'avoir quelque chose le mieux possible et capable de
dispenser des soins de qualité. C'était un peu la quadrature du
cercle mais il s'y est attaché avec beaucoup de volonté. Et
souvent il me disait : "Tout ça c'est du rab". "Du rab par rapport
à ce que je n'ai pas eu. J'ai failli y laisser ma peau dans les camps
donc... ". Il avait une vie très active. Il faisait le rallye de
Monté Carlo, il skiait comme un fou... Et il avait un côté
chaleureux et il a rallié à lui tout un groupe de
médecins, qui pour certains d'entre eux avaient été
prisonniers de guerre, il amené tout un ensemble de médecins. Qui
avaient amené peu ou prou la privation de liberté à
s'intéresser aux prisons [...] Fully il essayait de convaincre,
c'était l'apôtre de l'humanisation des prisons. Il avait un peu
cette auréole de son passé. Les gens le connaissaient, le
respectaient beaucoup, les Pénitentiaires le respectaient beaucoup. Il
avait été jeune résistant, jeune déporté.
Ils avaient incontestablement beaucoup de respect pour lui [...] Il
était gaulliste. Il était le compagnon de Michelet et c'est ce
qui apparaissait en premier. Il avait été mis là par
Michelet, puis il a été maintenu [...] Il était
très écouté. Il était surtout très en
symbiose avec le directeur qui était Schmelck. Ils étaient
très proches, même sur le plan personnel. Ils chassaient ensemble.
Ils étaient très sportifs. Ils allaient tous les deux à la
chasse au sanglier » 1993(*).
Hostile à la création d'établissements
spécialisés (il s'oppose au centre antialcoolique
créé à Lyon en 19581994(*)), Georges Fully
désire avant tout mieux doter les infirmeries pénitentiaires et
former un corps de médecins pénitentiaires. Outre une
revalorisation de leurs émoluments, il tente de donner vie à une
nouvelle spécialité médicale par le biais de publications
scientifiques ou de journées d'études1995(*). Il se
rapproche pour cela de l'école de criminologie lyonnaise composée
notamment de médecins-légistes. Fully est alors proche du Pr
Marcel Colin, qui dirige la chaire de psychiatrie à Lyon où il a
réussi à crééer un service de santé à
Lyon relativement bien intégré au service
hospitalo-universitaire. Le Médecin-inspecteur partage avec celui-ci un
même souci pour la question de l'enfermement1996(*). Le Dr Gonin des
prisons de Lyon décrit leur engagement commun durant la guerre
d'Algérie :
« Le Pr Colin a fait partie du mouvement de
résistance « Témoignage chrétien ».
Diffusion de journaux. C'était en 44. Il a connu Fully qui a
été déporté à dix-sept ans qui était
inspecteur général de l'Administration pénitentiaire [...]
Colin et Fully avaient été envoyés en mission dans les
prisons algériennes pour constater les exactions. Du coup, ils ont
été aussi voir les détenus FLN ou MNA qui étaient
incarcérés à Saint-Paul. Ils étaient autour de 150
à ce moment-là. Ils sont arrivés en prison au moment du
conflit algérien. On ne peut pas dire qu'ils étaient pour le FLN
mais ils n'étaient pas pour ceux qui maintenaient la présence
française en Algérie. Donc il y a eu aussi des sympathisants ou
des amis qui eux sympathisaient ou protégeaient le FLN. A ce
moment-là, on a vu, moi je n'y étais pas, on a vu l'état
des prisons, en particulier lyonnaises. Fully qui était
sensibilisé à la détention ne pouvait pas supporter
l'état des prisons à ce moment-là [...] Il n'était
pas médecin légiste mais était intéressé par
la médecine légale. Il n'a jamais fait d'autopsie. Il n'a pas eu
la formation que nous avons tous eu, classique. Sa formation a plus
été une formation psycho-sociale, politique aussi. Dans le sens
de la gauche, résistant, voulant une démocratie active. Je ne
crois pas qu'il était dans un parti »1997(*).
En dépit de son volontarisme, l'action de Georges Fully
se heurte au peu de moyens mis à sa disposition. En témoignent
les courriers au ton alamiste par lesquels le Médecin-inspecteur relaie
les doléances des soignants en haut lieu. « La situation
actuelle devient de plus en plus difficile et peut être
considérée sans exagération comme dramatique »,
relève Georges Fully dans une note au DAP pour le budget de
19671998(*). Transmettant la lettre de
démission de l'infirmière-chef de l'Hôpital de Fresnes
(« Ma vie familiale étant incompatible avec les 11 ou 12
heures de présence à l'hôpital, je vous donne, et cette
fois irrévocablement, ma démission »1999(*)) et la lettre de
plainte de son médecin-chef (« Voilà quinze jours nous
avons eu une chaude alerte avec le réveil d'un opéré non
surveillé par manque de personnel. C'est miracle que
l'anesthésiste et le chirurgien aient récupéré ce
malade »2000(*)), le Médecin-inspecteur met en avant
tout son poids afin d'obtenir davantage de moyens :
« Nous allons au-devant de catastrophes si des
mesures ne sont pas prises d'urgence. Ces lenteurs administratives deviennent
intolérables et si l'urgence du problème médical n'est pas
enfin comprise il faut accepter l'éventualité de
conséquences aussi inévitables que tragiques [...] Je ne dispose
personnellement d'aucun pourvoir de décision et d'aucun moyen
d'exécution. Le découragement a cette fois gagné tout le
personnel médical, y compris
moi-même »2001(*).
Bien que disposant d'une autorité morale certaine au
sein de l'Administration pénitentiaire, Georges Fully semble avoir
été confronté au manque de moyens mis à sa
disposition. D'autre part, ne disposant pas d'importantes ressources dans le
secteur médical et universitaire, il échoue, contrairement
à celle qui lui succède, Solange Troisier, à doter la
médecine pénitentiaire d'une véritable reconnaissance en
tant que spécialité médicale.
ANNEXE 6 : LA DEFENSE PAR GEORGES FULLY DE L'AUTONOMIE
DES MEDECINS PENITENTIAIRES EN MATIERE DE GREVES DE LA FAIM
Apparue dès les années trente, la question de
l'attitude du médecin pénitentiaire face à une
grève de la faim prend beaucoup d'importance à la fin des
années cinquante dans le cadre de la guerre d'Algérie. Alors que
se multiplient les grèves de la faim pour raisons politiques,
l'alimentation forcée des détenus est légalisée en
19582002(*).
Jusque-là restés en retrait des débats pourtant vifs au
sein du milieu psychiatrique, certains médecins se désolidarisent
pour la première fois de l'Administration pénitentiaire. En juin
1959, confronté à la première grève collective de
grande ampleur (près de deux milles détenus), un chef de service
à l'hôpital de Fresnes, Jean Albert Weil, s'oppose aux
méthodes préconisées par le ministère de la
Justice. Il obtient ainsi le rétablissement de l'eau et refuse
l'alimentation forcée des détenus :
« La France allait-elle transformer Fresnes en
une sorte de Buchenwald ? [...] Les mesures violentes de coercition,
d'alimentation forcée à la sonde, sont donc
délibérément à proscrire, même s'il s'agit de
sauver un individu en danger de mort »2003(*).
Dans les recommandations qu'il rédige à
destination de ses confrères, le Dr Weil souligne la primauté du
principe du consentement du patient : « Le médecin doit
obtenir l'acquiescement du sujet aux mesures thérapeutiques
proposées [...] L'instinct d'un homme qui se noie est de saisir la
perche qu'on lui tend même s'il s'est au préalable
précipité dans l'eau. Nous avons le devoir absolu de traiter les
"grévistes de la faim" lorsqu'ils sont en danger, mais sans violence,
sans conflit brutal »2004(*).
Cette position est reprise par le Médecin-inspecteur
qui diffuse, quelques mois après son arrivée au ministère
de la Justice, une note précisant que les grévistes doivent
« toujours avoir de l'eau à volonté »
et que leur cellule doit être « convenablement
chauffée », s'élevant ainsi contre certaines
méthodes alors utilisées par la DAP2005(*). En novembre 1961, en
réaction à la dimension internationale du problème
posé par la grève de plusieurs milliers d'algériens dont
cinq membres du Gouvernement provisoire de la république
algérienne2006(*), le ministère de la Justice exhorte les
médecins pénitentiaires à pratiquer l'alimentation
forcée de façon à intimider les
détenus2007(*). Georges Fully adresse alors le 13 novembre
1961 une lettre à tous les praticiens leur rappelant que
« c'est au médecin et à lui seul de juger de la
conduite à tenir. Son indépendance doit être totale
vis-à-vis du détenu malade. Je vous demande d'appliquer sans
réserve les règles de la déontologie médicale,
laissant à la conscience du médecin sa totale liberté
d'appréciation »2008(*).
Le développement d'un enseignement de médecine
pénitentiaire, via la création en 1965 d'une attestation
d'études, est également conçu par Georges Fully comme de
défendre l'autonomie fonctionnelle des praticiens en prison. Il y
défend, en effet, la vision d'une médecine occupant une position
spécifique entre les demandes contradictoires émanant des
détenus et de l'Administration pénitentiaire :
« Le médecin reste maître de la situation. Nul ne peut,
en vertu de cet article D.390 [du CPP] se permettre de prendre des initiatives
intempestives qui ne seraient pas approuvées par le médecin de
l'établissement. Il ne peut être procédé à
l'alimentation forcée que sur décision
médicale »2009(*).
L'Administration pénitentiaire, dépourvue
d'autres moyens afin de faire cesser la grève, s'alarme du refus
croissant des médecins de procéder à l'alimentation
forcée des grévistes. Dans une note adressée au directeur
de cabinet du garde des Sceaux, le responsable du Bureau d'application des
peines soulève le cas d'un détenu remis en liberté
après que ni l'Hôpital de Fresnes ni l'Hôpital public n'ait
voulu prendre en charge sa grève de la faim :
« Le personnel de l'hôpital de Fresnes se
refuse, en effet lui aussi à procéder, hors le cas
d'inconscience, à l'alimentation forcée des grévistes de
la faim. L'Administration ne possède aucun moyen pour l'obliger à
modifier son attitude [...] Il est à craindre que cette décision
produise de fâcheuses conséquences sur le plan
pénitentiaire, en incitant [le prévenu] ainsi que ses
codétenus, à recourir ultérieurement à la
grève de la faim pour tenter de triompher dans leurs
revendications »2010(*).
L'importance des enjeux liés à cette question
explique qu'en dépit des nombreuses déclarations d'autonomie, les
médecins semblent souvent soumis à l'injonction du
ministère de la Justice. En atteste une note de Georges Fully au sujet
d'un détenu nord africain auquel une injection de sérum
glucosé fut pratiquée de force par le médecin d'une
M.A : « L'attitude qui a été observée dans
ce cas est évidemment conforme aux meilleurs traditions
pénitentiaires qui restent encore chères à une grande
partie de notre personnel responsable en exercice [...] De toutes
manières ce sont les fonctionnaires de l'administration
pénitentiaire qui se prononcent sur l'opportunité de recourir
à l'alimentation forcée »2011(*).
En dépit de ses effets limités, le premier
Médecin-inspecteur oeuvre lors des grèves de la faim des
détenus algériens au début des années soixante
à mieux faire respecter l'autonomie des praticiens
pénitentiaires. La spécialisation de l'activité
médicale exercée en prison n'a d'autre but pour lui que de
favoriser cette reconnaissance de l'importance du rôle de ces derniers.
Tout autre sera la stratégie développée par le second
Médecin-inspecteur. Pour Solange Troisier, affirmer la
spécificité de la médecine pénitentiaire revient
à faire prévaloir les exigences du Code de procédure
pénale sur celles du Code de déontologie. Sa position
l'amènera à plusieurs reprises à mettre fin de
façon autoritaire à certaines grèves de la faim et ce
à l'encontre de la volonté du patient-détenu. Ses
interventions lui vaudront la réprobation de la presse et de certaines
autorités médicales2012(*).
ANNEXE 7 : LA CRÉATION DES CMPR EN 1967 : UN
DÉBUT DE RECONNAISSANCE DE LA PSYCHIATRIE PÉNITENTIAIRE
Les psychiatres sont amenés à intervenir en
prison pour la première fois dans les années trente afin
d'exercer, conformément aux vues du mouvement de la défense
sociale, un rôle criminologique, à l'instar des
« laboratoires d'anthropologie criminelle »
créés en Belgique2013(*). L'expérience menée à
Paris est alors de courte durée. Des Annexes psychiatriques ouvrent
leurs portes au début des années cinquante après la
réforme Amor qui leur confère un rôle important dans
l'amendement et le reclassement du condamné. Il s'agit alors, rappelle
le magistrat Jacques Voulet sous-directeur de la DAP, de transformer à
terme les Maisons d'arrêt en « véritables centres
d'observation » afin d'individualiser au mieux la
peine2014(*).
Dans les faits la réforme est décevante : les rares Annexes
en fonctionnement sont réduites à un « rôle de
signalement à l'autorité judicaire et de statistiques
nosologiques »2015(*) : le dépistage n'a pas tant pour
but de soigner que de catégoriser et de comptabiliser les
« anormaux ».
Le courant de la « défense sociale
nouvelle » développé par Marc Ancel à la fin des
années cinquante relance le rôle conféré aux
psychiatres dans le traitement des détenus. Selon cette théorie,
la meilleure protection de la société consiste à
réadapter des délinquants en leur faisant recouvrer le sens de
leur responsabilité sociale. Sous la houlette du juge d'application des
peines, mis en place en 1958, le psychiatre devient un élément
clef de cette visée réadaptative, le traitement
médical étant intégré pleinement au traitement
pénal : « On demande alors au psychiatre pénitentiaire
de donner des appréciations sur la personnalité des
détenus qu'il a en charge et sur leur dangerosité potentielle,
particulièrement en ce qui concerne les permissions ou les
libérations conditionnelles »2016(*).
C'est dans ce contexte que se développe l'école
criminologique de Lyon mais surtout l'Annexe psychiatrique de La Santé
placée en 1961, à la demande de Georges Fully, sous la direction
du Dr Paul Hivert. Son service, qui se réduit alors à une ou deux
vacations hebdomadaires d'un seul médecin dépourvu de tout
interne ou infirmière, s'étoffe rapidement2017(*). Grâce à
l'appui du service d'hygiène mentale de la Seine, du directeur de la
Maison d'arrêt et du sous-directeur de l'Administration
pénitentiiare, André Perdriau, une équipe médicale
constituée de sept attachés mi-temps et de trois psychologues
vacataires temps-plein est mise en place dès 1964. Le service
psychiatrique de La Santé passe de 12 à 90 lits lui permettant
d' « hospitaliser » des détenus venant de toute
la France. Le Dr Hivert déclare a posteriori avoir
tenté alors d'assurer l'indépendance de son équipe
à l'égard de l'institution carcérale,
« évitant d'apparaître comme un auxiliaire de
l'Administration dans ce cadre répressif »2018(*), alors même que
l'Annexe était « perçue comme un lieu d'exclusion
où l'on place le "fou" »2019(*). Un magistrat de la
DAP rappelle que la croissance de l'Annexe avait été
réalisée sans véritable reconnaissance institutionnelle:
« Ça c'était fait à partir
de bric et de broc. Y avait des vacations pénitentiaires et puis des
vacations qui venaient de la DDASS... En disant que c'est de la
prévention psychiatrique. On avait quelques moyens financiers qu'on
avait regroupés autour du Dr Hivert. Mais je vous dis, c'était
fait de bric et de broc. A un moment on avait même mis à sa
disposition des personnels éducatifs ! »2020(*).
Secteur en voie de spécialisation, la psychiatrie
pénitentiaire tente alors de convaincre des opportunités
thérapeutiques qu'offre le milieu carcéral, mettant notamment en
avant le risque de « psychiatrisation » des détenus,
entendue comme leur possible prise en charge par l'hôpital psychiatrique.
L'internement des détenus vers un établissement psychiatrique
devrait ainsi selon certains psychiatres pénitentiaires être
réservé aux « malades mentaux
caractérisés » : « Le changement d'état de
prisonnier en malade peut être un facteur néfaste. Se
considérant alors comme malades, puisqu'ils sont hospitalisés,
ils ne se sentent plus responsables »2021(*).
Décidés à faire reconnaître l'utilité de leur
présence en détention, les psychiatres intervenant en prison
mettent alors en avant leur mission criminologique. Outre le Centre national
d'orientation (CNO) de Fresnes, les consultations en établissement
pénitentiaire sont présentées par le Dr Hivert comme
l'opportunité de traiter les anormaux et pas seulement de les
dépister, faisant des Annexes psychiatriques des « centres de
criminologie clinique » nécessairement en lien avec le
secteur hospitalier :
« L'équipe médico-psychologique et
sociale est la mieux placée, par son contact avec le délinquant,
pour tenter une approche criminologique, surtout en Maison d'arrêt [...]
Le service médico-psychologique doit orienter son travail vers
l'observation clinique, l'étude des facteurs criminogènes et la
recherche de méthodes de traitement du délinquant [...] Dans
cette perspective, l'articulation avec les différentes institutions
hospitalières et universitaires intéressées doit
s'organiser, en particulier avec les hôpitaux psychiatriques et la chaire
de médecine légale. Un tel centre de criminologie clinique peut
devenir, au stade de l'instruction l'auxiliaire indispensable dans
l'étude profonde de la personnalité du
délinquant »2022(*).
De la même façon, prenant l'exemple de la prison
de Rebbibia à Rome dont le co-directeur est psychiatre, le Professeur de
psychiatrie de la faculté de Tours remarque la nécessité
de revaloriser la place du psychiatre afin que ce dernier puisse
« occuper sa place dans le "collectif soignant" que veut devenir le
milieu pénitentiaire »2023(*). Les psychiatres pénitentiaires doivent
également faire face aux réticences de leurs collègues
hospitaliers. A l'encontre du directeur de la revue L'évolution
psychiatrique, Henri Ey, qui considérait « que les
pervers n'avaient rien à faire dans les hôpitaux », les
psychiatres pénitentiaires rappellent à leurs collègues la
nécessité d'être présent en
détention :
« Face à ce
désintérêt pour le sort des détenus, quelques
collègues lancent un cri d'alarme. Paul Broussole fait paraître en
février 66 un article dans l'"information psychiatrique",
intitulé : "La révolution criminologique doit-elle se faire
sans le psychiatre ? " [...] Il semble avoir été entendu
puisqu'en novembre de la même année, apparait un numéro
spécial de la Revue sur "Traitement du délinquant et institutions
psychiatriques". Il fourmille d'informations de prises de positions
émanant de juristes et de psychiatres lyonnais. Il se termine par un
article de Marcel Colin, psychiatre des prisons de Lyon, sur les
"Méthodes de traitement en criminologie" posant ainsi le problème
de la délinquance comme pathologie »2024(*).
La reconnaissance des psychiatres pénitentiaires se
concrétise par la circulaire du ministère de la Justice du
30/09/1967 qui transforme les Annexes psychiatriques, alors au nombre de six,
en Centres médico-psychologiques régionaux (CMPR). Cette
dénomination se démarque alors volontairement de
l'« étiquette psychiatrique », jugée trop
répressive, tandis que le mot « centre »
apparaît « moins pénitentiaire » que celui de
« quartier » proposé par
l'Administration2025(*).
Au-delà d'une apparente consécration de la
psychiatrie en prison (« Le service psychiatrique des
établissements pénitentiaires joue un rôle
particulièrement important » souligne la circulaire), le
nouveau dispositif demeure néanmoins fortement marqué par les
contraintes pénitentiaires. Le CMPR est ainsi placé sous
l'autorité conjointe du chef d'établissement et du Directeur
régional des services pénitentiaires (art.7), le psychiatre,
nommé par le ministère de la Justice, ne disposant que d'une
autorité purement médicale (art.8). Là aussi, un certain
flou demeure cependant puisque l'article 9 stipule que le chef
d'établissement « est habilité à trancher les
difficultés relatives à la compétence des personnels
médicaux ou administratifs ». Le respect du secret
médical demeure en outre secondaire, les médecins devant
« donner connaissance au chef d'établissement des indications
nécessaires à l'application du régime pénitentiaire
du détenu et de toute mesure particulière qui s'avérerait
nécessaire » (art.12). C'est enfin au chef
d'établissement que revient toute décision quant à
l'admission ou la sortie d'un détenu de l'infirmerie (art.21), le
psychiatre étant dans une situation de « subordination
hiérarchique »2026(*). Les innovations présentes dans le
texte sont enfin largement restreintes dans leur application. Ainsi, si la
notion de soin apparaît, la demande du patient est inexistante. De
même, le souci d'une première recherche scientifique demeure
limité par l'autorisation préalable de l'Administration
pénitentiaire en vue de toute publication (art.38).
Elaborée sans aucune concertation avec le
ministère de la Santé, cette circulaire de 1967 traduit ainsi
davantage une volonté des psychiatres d'échapper à la
tutelle pénitentiaire que la reconnaissance d'une réelle
autonomie. Ce texte demeure d'ailleurs dans les faits très peu
appliqué. A l'exception de Lyon et de La Santé, très peu
d'établissements sont dotés au début des années
soixante-dix d'un CMPR. Les soins psychiatriques sont alors le plus souvent
assurés par un seul praticien libéral vacataire.
ANNEXE 8 : LE DISCRÉDIT COMME RÉPERTOIRE
D'ACTION D'UN DIRECTEUR À L'ENCONTRE D'UN PRATICIEN
RÉCALCITRANT
Durant l'été 1972 la presse locale dijonnaise
fait état d'un « malaise » à la M.A de Dijon
lié à un incident médical survenu auparavant.
« Tout a commencé, semble t-il il y a environ deux mois. Un
jeune détenu d'une vingtaine d'années, était gravement
malade. Que se passa t-il exactement ? Les soins furent ils trop lents,
les normes de sécurité trop rigides pour un transfert rapide
à l'extérieur Toujours est-il que le jeune homme
décéda dans un des centres hospitaliers de Dijon »,
note La dépêche2027(*). Ce décès n'aurait pas
défrayé la chronique si les détenus n'avaient pas quelques
jours après provoqué une mutinerie remarque un autre quotidien
local : « Le 28 juin dernier, au cours de la promenade
quotidienne, les détenus s'en prennent aux surveillants qui les
accompagnent, car, disent-ils, ils entendent protester contre la qualité
des soins du médecin attaché à l'établissement. Et
pour cause : à leurs yeux, un camarade en exécution de peine
transporté d'urgence à l'hôpital, vient de
décéder [...] Le calme ayant été rapidement
rétabli, le directeur de l'administration pénitentiaire,
reçoit peu après une trentaine de lettres des détenus, le
mettant en garde qu'ils agiraient si les soins n'étaient pas de
meilleure qualité » (Le bien public, 26/08/1972).
« Là encore, sans être trop affirmatifs, nous pensons
savoir que le médecin fut alors révoqué purement et
simplement. En fait, cet incident est grave et prouve bien un certain
malaise », note La dépêche. Cette information
est rapportée dans les jours suivants par plusieurs quotidiens
nationaux2028(*).
La difficulté pour les journalistes à
enquêter sur les prisons explique la dimension rapidement prise par une
information que personne n'a confirmée, la DAP n'ayant publié
dans un premier temps aucun communiqué. Les faits, tels qu'ils
apparaissent dans le dossier de carrière du médecin en question,
s'avèrent pourtant sensiblement différents de ceux relatés
par la presse2029(*). En réponse à
« l'animosité croissante des détenus contre le
médecin », le directeur régional décida,
après avis de Georges Fully et de l'inspecteur pénitentiaire
Roger Bouyssic, et avec l'accord du médecin, de prononcer la suspension
provisoire du praticien et ce afin de protéger ce dernier2030(*). « Je n'ai
pas caché au docteur mon souci sur cette tension et mon souhait de la
voir s'atténuer dans les meilleurs délais, en attirant son
attention sur la situation particulièrement inconfortable dans laquelle
il allait se trouver. Très affecté, le Docteur Pivert en a
convenu et a reconnu qu'il serait souhaitable de stopper ses visites
jusqu'à son retour de congés fin septembre »,
écrit le Directeur régional des services pénitentiaires de
Dijon2031(*).
Peu de temps après, une enquête du Médecin-inspecteur
relève l'absence de faute professionnelle du praticien qui aurait bien
examiné le détenu plaignant et l'aurait fait hospitaliser
d'urgence. Dans son rapport, Georges Fully explique le mouvement de
révolte des détenus par l'émotion suscitée par la
mort de leur codétenu alimentée par le comportement adopté
habituellement par le praticien à l'égard des malades :
« Il lui est reproché également
d'être trop préoccupé par des problèmes d'asepsie.
"Il ne serre jamais une main" disent-ils. "Il se nettoie les mains
à l'alcool dès qu'il nous touche -Il ouvre les portes en appuyant
sur le loquet avec le coude - Il a peur des microbes. On a l'impression qu'on
le dégoûte parce qu'on est détenu". Il m'a semblé
que ces précautions excessives correspondent à une certaine
réalité. Le Dr Pivert interrogé sur ce point n'a pas
contesté, en me disant, qu'il avait pour habitude d'observer des
règles strictes d'hygiène. Il s'en est justifié en
m'expliquant qu'il avait conservé ces habitudes d'asepsie car il avait
exercé longtemps dans un service de maladies contagieuses alors qu'il
était interne. Toutefois la réaction de certains détenus
s'explique par le fait qu'ils vivent cette attitude comme discriminatoire
à leur égard »2032(*).
Le Médecin-inspecteur note en revanche dans son rapport
que tous les détenus ayant signés les lettres de plainte qui
avaient été remises au directeur déclarent ne rien avoir
à reprocher au praticien, si ce n'est une attitude distante. Plusieurs
affirment que le surveillant-chef de la M.A « aurait insisté
auprès d'eux pour qu'ils écrivent nombreux et qu'il aurait
même exprimé quelques commentaires désobligeants à
l'égard du Dr Pivert ». Les griefs formulés à
l'encontre du médecin seraient, si l'on en croit Georges Fully,
directement liés à l'animosité que le directeur de la M.A
éprouvait pour le Dr Pivert. Il reprochait notamment à ce
dernier « d'être trop généreux en matière
de distribution de régimes et de médicaments envers certains
détenus » tandis que le praticien accusait le chef
d'établissement « de ne pas respecter le secret professionnel,
qu'il s'empare des dossiers médicaux sans son accord ou celui de
l'infirmière et avec la plus totale désinvolture, qu'il
étale complaisamment les diagnostics des malades dans des notes
adressées à des instances administratives
extérieures ».
Deux faits confirment cette version qui dédouane le
médecin des reproches qui lui ont été adressés. Ce
dernier semblait tout d'abord très investi dans sa mission. Ainsi deux
années auparavant, le DRSP le félicitait pour sa
« conscience professionnelle » du fait qu'il consacre
à la M.A de Dijon, ce qui est inhabituel, « un temps nettement
supérieur à celui des vacations qui lui sont
allouées »2033(*). Signe de son intérêt pour la
santé des détenus, ce praticien félicitait quelques jours
auparavant cette affaire le Médecin-inspecteur de son
« intervention compréhensive en faveur du détenu Henri
qui a obtenu sa grâce ces jours ci. Ce malade est hospitalisé au
centre [hospitalier] et cette libération sera un adoucissement de ses
souffrances »2034(*).
En outre, l'attitude de la direction de l'établissement
à l'égard du praticien confirme l'hypothèse d'une
instrumentalisation de la colère des détenus. Le jour même
de l'incident, le surveillant-chef écrit au directeur avoir entendu les
détenus dans leurs revendications et leur avoir déclaré
« que cette manifestation ne pouvait leur donner satisfaction dans
l'immédiat, que le renvoi du Dr Pivert ne pourrait se faire de but en
blanc »2035(*).
Enfin dans son rapport, le directeur de la M.A remarquait le
lendemain qu'« étant donné l'animosité presque
générale manifestée contre le docteur Pivert par la
population pénale, je ne crois pas qu'il soit souhaitable qu'il continue
à exercer dans l'établissement »2036(*). La propension de la
direction de l'établissement à acquiescer aux plaintes
formulées par les détenus est trop inhabituelle pour ne pas
être dénuée d'arrière-pensées.
Signe de discrédit pour les journalistes,
l'éviction de ce praticien traduit aussi la toute-puissance dont
disposent les directeurs d'établissement à l'égard du
personnel soignant. Bien que très spécifique, cet exemple
amène à s'interroger sur les rapports de force dans lesquels
s'insèrent ces critique de l'organisation des soins et leur
éventuelle instrumentalisation.
ANNEXE 9 : « LE FROID
PÉNITENTIAIRE » : LE NÉCESSAIRE TÉMOIGNAGE
D'UNE PSYCHOLOGUE CONFRONTÉE A L'INERTIE PÉNITENTIAIRE
Simone Buffard est psychologue à Lyon dans les
années cinquante2037(*). Elle a un grand intérêt pour la
criminologie et a pour ami Louis Roche, Professeur de médecine
légale. Il lui propose en 1961 d'effectuer des expertises à la
M.A de Lyon auprès des
« relégués »2038(*). Arrêtée
durant l'occupation, sans être incarcérée, elle est
sensible à la question de l'enfermement : « C'est vrai
que pour moi la prison ça représentait quelque chose de plus
inquiétant que peut-être pour quelqu'un qui n'aurait pas connu la
guerre ». Simone Buffard est alors en poste à l'hôpital
et suit des formations sur les psychothérapies de groupe alors en plein
développement. Daniel Gonin, médecin aux M.A de Lyon, lui propose
de mettre en place avec lui un tel dispositif en détention ce qui
l'amène à intervenir une fois par semaine à la prison.
Elle est alors la première psychologue à intervenir en
France : « On ne savait pas cependant comment la
rémunérer. Et finalement on l'a payé avec l'indice qui
correspondait au jardinier. Parce qu'à Lyon sur le béton on n'en
avait pas besoin. Et donc ça l'amusait d'être
considérée comme jardinière
[rires] »2039(*).
Entre 8 et 10 détenus sont réunis dans une
pièce en l'absence de surveillants pour discuter librement. Les
thérapeutes se heurtent cependant à toutes sortes de
résistances de la part de l'Administration : « Cela se
manifesta au plan matériel par une suite de mesures
contradictoires : tantôt la porte de la salle de réunion
était agrémentée d'une vitre ou percée de trous,
puis rebouchée, tantôt elle était battante, puis
fermée à double tour ; on demandait innocemment aux
détenus si les réunions étaient intéressantes, ou
bien on oubliait qu'ils faisaient partie du groupe »2040(*). L'un des effets
attendus de ces groupes par la direction pénitentiaire est une
diminution de l'agressivité des détenus. « Eux ce
qu'ils voulaient en somme, c'est que les agités [ne] le soient plus, que
les violents le soient plus... En clair, que nous contribuions à la
tranquillité de la prison ! », observe aujourd'hui Daniel
Gonin. Simone Buffard réalise assez rapidement que ces groupes ne
peuvent avoir le même but qu'en milieu hospitalier car ses
« interventions se placent dans un milieu non pas neutre et encore
moins soignant, mais antithérapeutique »2041(*).
Parallèlement à ces groupes de
psychothérapie en détention, Simone Buffard attache beaucoup
d'importance à disposer de nombreuses autres activités en dehors
de la prison : elle travaille au service des urgences à Lyon du Pr
Roche, elle enseigne dans le cadre du certificat de criminologie ainsi
qu'à l'école de la magistrature. Mai 68 lui apparaît comme
« quelque chose de très positif » notamment à
la faculté de médecine où elle s'occupe de
« réunions improvisées ». Appartenant aux
jeunesses socialistes puis trotskiste, elle prend cependant ses distances
à l'égard de ce qui lui semble être
exagéré : « Y avait des choses pas bonnes non
plus. Je suis, bien que je ne sois pas juriste, extrêmement partisane de
la loi. Je pense que sans la loi c'est la jungle ». Appartenant
à la gauche laïque, militante des droits de l'homme (elle fut
pendant longtemps membre d'Amnesty international) elle suit avec
intérêt les mobilisations des militants de la cause
carcérale. Son expérience de la prison l'a cependant amené
à rompre avec une vision plus politique de la détention, faisant
des détenus uniquement des opprimés :
« Par contre ce que j'ai appris... J'en avais
beaucoup parlé avec Hochmann [autre praticien travaillant en
détention] qui avait le même point de vue. On avait eu tous les
deux l'illusion au moment où on pénétrait dans ce monde
trop dur et même cruel... On avait l'illusion que la plupart des
délinquants étaient en révolte contre la
société. C'était le fameux mythe soixante-huitard qui
était déjà présent bien avant Mai 68. Et puis on
s'est aperçu que les gens qui étaient en prison étaient
des profiteurs. Qu'ils n'étaient pas du tout révolutionnaires...
Au contraire ! Dont le seul but dans la vie était de profiter des
autres... Ça nous avait fait une grosse douche ».
Simone Buffard lit alors avec attention les ouvrages de Michel
Foucault qui lui semblent en partie « visionnaires » et en
adéquation avec ses propres problématiques, même si elle ne
partage pas ses conclusions qui lui paraissent « extrêmement
simplistes ». Elle fait également à cette époque
la connaissance par hasard de Jean-Marie Domenach qu'elle considère
comme trop idéaliste : « J'ai l'impression qu'il
était un peu sur l'idée que les délinquants étaient
des opprimés de la société et qu'ils étaient en
révolte sur la société ». Ce dernier l'encourage
alors à écrire un ouvrage sur le monde carcéral se basant
sur son expérience de psychothérapeute et l'aide à le
publier au Seuil. La proposition la convint par « désir de
changer les choses » : « Je me disais que c'est pas
possible d'avoir une expérience et de pas l'utiliser [...]
C'était vraiment dans un souci d'efficacité ».
Son livre, Le froid pénitentiaire,
parait en 1973 et connaît une bonne diffusion médiatique
durant les révoltes de 19742042(*). Elle est l'invitée de
l'émission de Jacques Chancel et L'Express publie de larges
extraits de son ouvrage. Simone Buffard n'y développe pas un violent
réquisitoire contre l'Administration pénitentiaire. Sur un ton
relativement froid, proche de la clinique, elle décrit, sans jamais
recourir au registre de la scandalisation, les effets de l'incarcération
sur le corps mais aussi les difficultés auxquelles se heurtent les
soignants. Elle expose également ses interrogations quant à la
signification de son intervention en milieu carcéral qu'elle justifie
par son rôle de témoin. Le froid pénitentiaire est
peut-être ainsi moins un acte militant que le nécessaire
témoignage d'un professionnel dont la conscience est tiraillée
entre des obligations inconciliables :
« La question que nous pouvons nous poser comme
cliniciens, et que certains d'entre nous ont résolu par le
départ, est celle du sens de notre travail dans la prison - et
même dans tout le service pénal. Qu'est que nous voulons faire et
qu'est-ce que nous faisons réellement ? Notre présence
est-elle utile ? Ou bien servons-nous d'alibi ou de caution à un
système bloqué ou fondamentalement mauvais ? Si je savais la
réponse, je n'aurai pas écrit ce livre. Il est trop simple
de se contenter des résultats individuels dont j'ai pu faire état
et de se donner bonne conscience avec le sentiment du devoir accompli et la
gloire de quelques guérisons. Mais quitter ce service public si
démuni, n'est-ce pas l'appauvrir encore et laisser sans recours la
souffrance des hommes ? Il y a des moments et des lieux où le doute
n'est plus permis [...] Je voudrais au contraire ouvrir cette marmite, car
comment espérer changer une réalité inconnue ou
cachée ? Le premier devoir de ceux qui vivent au centre de cette
réalité est d'en témoigner devant l'ensemble de la
Cité »2043(*).
Bien que spécifique, cet exemple présente les
difficultés auxquelles sont confrontés certains soignants
pénitentiaires et la façon dont ils tentent d'y faire face :
le témoignage est ainsi pour quelques uns une façon de justifier
leur présence en milieu carcéral, malgré les doutes quant
à leur utilité.
ANNEXE 10 : LES MOUVEMENTS DE REMISE EN CAUSE DE LA
PSYCHIATRIE INSTITUTIONNELLE DEPUIS LA LIBERATION
Au cours des années soixante et soixante-dix
s'opère un vaste mouvement de redéfinition de ce qui est
considéré comme normal et comme pathologique à tel point
qu'il est rare de désigner quelqu'un de « fou » sans
utiliser de guillemets2044(*). Outre la philosophie et la psychanalyse, ce
mouvement affecte considérablement la psychiatrie notamment asilaire.
La « révolution psychiatrique de 1945 », à
savoir la réflexion critique qui émerge au lendemain de la
Seconde Guerre mondiale, demeure selon Marcel Jaeger théorique et se
conclut par la création d'unités pour « malades
difficiles » semblables à l'institution
carcérale2045(*). D'autres considèrent à
l'inverse qu'elle permit une certaine « humanisation » des
hôpitaux psychiatriques : la circulaire 148 du 21/08/1952 permet aux
femmes de déroger à la robe de bure jusque-là obligatoire
et de garder leur alliance. Elle préconise de rendre les lieux de vie
attrayants notamment grâce à la radio et la
télévision et supprime pour les infirmiers l'uniforme de gardien.
Malgré ces améliorations, « l'hôpital
psychiatrique est considéré comme une annexe de la
prison », rappelle Jean Ayme qui deviendra président du
syndicat des psychiatres des hôpitaux2046(*).
Un mouvement interne à la profession psychiatrique
visant à rompre l' « enfermement » des
aliénés aboutit à la fin des années cinquante
à la politique dite « de secteur », dont le principe
essentiel est, selon la circulaire du 15 mars 1960, « de
séparer le moins possible le malade de sa famille et de son
milieu »2047(*). La nouvelle législation produit
cependant peu d'effets : le régime d'exception demeure en vigueur
tandis que les structures psychiatriques sont surencombrées.
« Quant à la politique de secteur, elle reste, dix ans
après sa définition, toujours à l'état de
projet », observe Marcel Jaeger dans son histoire de la
psychiatrie2048(*). Ce psychiatre alors étudiant dans les
années soixante atteste des conditions de vie qui caractérisent
alors certains hôpitaux psychiatriques :
« Je fais partie de la dernière
génération des médecins qui ont connu les fous
enchaînés dans les hôpitaux. Ma première garde
d'externe, j'avais dix-huit ans. C'était à la Timone. On m'a
appelé dans une cellule dans laquelle il y avait de la paille par terre.
Un type était en train de se vider de son sang et il est mort
d'ailleurs. Moi, j'ai connu l'infirmerie qui était une grande salle
commune avec les lits aliénés, le plancher, une rigole et tous
les infirmières qui passaient au jet parce que des types
s'étaient chiés dessus toute la nuit... C'était en train
de changer mais ça existait encore »2049(*).
C'est dans ce contexte que se développe le courant de
l'antipsychiatrie qui trouve ses origines dans des travaux américains
(Thomas Szaas) mais surtout anglais (David Cooper et Ronald D. Laing) et
italiens (Franco Basaglia) dont les ouvrages sont traduits en France au
début des années soixante-dix2050(*). Les thèses de
l'antipsychiatrie rencontrent un vif succès auprès des jeunes
psychiatres2051(*) mais surtout au sein des groupes se rattachant
au mouvement communautaire. De nombreuses réflexions, dont les
professionnels de la santé mentale sont parfois parties prenantes,
émergent alors quant à la participation des psychiatres à
un ordre institutionnel de nature répressive dont l'internement
d'opposants politiques au régime soviétique devient le
symbole2052(*).
La subordination administrative des professionnels de
santé est débattue à l'occasion du licenciement d'un
psychiatre, Guy Caro, travaillant dans un hôpital dont la direction
désapprouve les méthodes : « Dans un
établissement psychiatrique, la priorité doit-elle être
accordée à l'administration ou à la
médecine ? », s'interroge un journaliste à
l'occasion de l'« affaire Caro »2053(*). La liberté de
parole à l'égard de la hiérarchie apparaît alors
comme une condition de reconnaissance de la psychiatrie en institution
fermée. Des professionnels de la santé mentale prennent la parole
publiquement afin d'incriminer le rôle de l'institution asilaire. Un
jeune psychiatre très politisé publie ainsi après quelques
années d'expérience un pamphlet dans lequel il condamne la
psychiatrie asilaire, comparant l'hôpital du Vinatier de Lyon à un
« camp de concentration »2054(*). Des infirmiers des
hôpitaux psychiatriques se regroupent en 1973 au sein de l'Association
pour l'étude du rôle et le la formation de l'infirmier
psychiatrique (AERLIP) afin de réfléchir à « la
fonction sociale de la psychiatrie ». Les témoignages
individuels d'infirmiers se multiplient2055(*). La critique la plus radicale provient alors
des « psychiatrisés » eux-mêmes
rassemblés au sein du Groupe information asiles (GIA)2056(*). Connu initialement
pour sa dénonciation des internements et du « scandale des
asiles », le GIA s'organise progressivement à Paris sous la
forme de « contre-secteurs », sorte de « groupes
d'auto-défense » des ex-internés. A la
différence des autres mouvements, c'est donc l'ensemble du savoir
psychiatrique que condamne le GIA.
Quelqu'en soient les formes, le secteur psychiatrique est
traversé depuis le début des années soixante par un
mouvement de remise en cause extrêmement critique à l'égard
des institutions, rendant ainsi d'autant plus probable le refus de
l'autorité exercée par l'Administration pénitentiaire. La
réflexion, souvent politisée, développée à
l'égard de l'hôpital psychiatrique est facilement transposable
à la prison, rendant d'autant plus probable sa contestation. En
attestent les propos de ce psychologue :
« Il y a donc au coeur même de
l'antipsychiatrie une prise de conscience politique selon laquelle le
fou est un exclu, un marginal, un tenu à l'écart moins pour
des raisons d'histoire personnelle ou institutionnelle (argument psy
classique) que pour des raisons qui tiennent avant tout à
l'organisation de telle ou telle société ; le fond du
problème est politique. S'il ya des fous à l'asile dans
des conditions de violence et de répression c'est que la
société est elle-même violente et répressive :
cette violence exprime le rapport de force qu'elle a établi entre
elle et ses fous par le biais de la lutte des classes. Les hôpitaux
psychiatriques représentent dans ce cas là des milieu
d'incarcération et de répression psychiatriques ; ses
personnels soignants ne sont que le relais de cette mise au pas du malade
mental, en somme des gardiens de prison qui se parent de la fonction
médicale pour justifier leur présence »2057(*).
On fait l'hypothèse que l'émergence de cette
culture protestataire au sein du secteur psychiatrique apparue lors de la
remise en cause de l'institution asilaire a favorisé une plus grande
autonomie des psychiatres pénitentiaires à l'égard de la
DAP.
ANNEXE 11 : LES EFFETS DE MAI 68 SUR LES
ÉTUDIANTS DE MÉDECINE FRANÇAIS
Bien que rarement évoquée dans les descriptions
des événements de Mai 68, la mobilisation des étudiants de
médecine à Paris se caractérise tout d'abord par sa
longueur : bien que commencée tardivement par l'occupation de la
Faculté de médecine rue des Saint-Père le 13 mai, la
mobilisation s'achève en septembre et peut se décomposer en trois
temps2058(*).
Tout d'abord se met en place un important dispositif constitué d'un
Comité d'action (C.A) élu dès le 17 mai ainsi que de
quatorze commissions de travail et qui s'achève le 12 juin par la
levée des barricades ; dans une seconde période, le
mouvement perd en dynamisme, même s'il demeure capable de mobiliser 1.500
personnes le 8 août à la Pitié sur le thème de la
répression, et ce parce que les étudiants de médecine sont
contraints, en raison de leurs stages, de rester à Paris pendant
l'été. Cette seconde période qui s'achève fin
août est celle où le C.A tente de mettre en place une
stratégie afin de réformer les études médicales, en
multipliant notamment les contacts avec le ministre de l'Education nationale,
Edgar Faure. Enfin, la troisième période de la mobilisation,
jusqu'à mi-septembre, est celle de l'affrontement à travers le
boycott des examens.
Outre sa durée, la mobilisation des étudiants de
médecine est inédite par la forte saillance des enjeux politiques
qu'elle revêt. Comme il ressort d'une étude coordonnée par
Jean-Claude Passeron en 1964, les étudiants de médecine sont
nettement moins politisés que ceux de sciences humaines2059(*). Selon cette
enquête par questionnaire, 2,7% des étudiants de
1ère et 2ème année de
médecine parisiens militeraient et 8, 3% seraient adhérents
à un parti politique alors qu'on compte à la même
époque en Faculté de lettres 21% de militants et 55%
d'adhérents. Passeron souligne la grande docilité dont font
preuve les étudiants de médecine (« Dans leur ensemble,
ils ne semblent pas sérieusement contester l'enseignement qu'ils
reçoivent ») en dépit de certains « rituels
désuets » qui sont encore en vigueur comme le port de la
cravate aux T.P d'anatomie, celui des boutons de manchettes à certains
oraux ou encore l'interdiction faite aux étudiants d'utiliser
l'ascenseur2060(*).
La Faculté de médecine a cependant connu une
certaine politisation à la fin des années cinquante qui s'est
traduite par un renversement de tendance syndicale. L'unique syndicat,
l'Association générale des étudiants en médecine de
Paris (AGEMP), auquel adhérent 90% des étudiants en raison de son
caractère obligatoire pour accéder aux polycopiés, passe
de 1956 à 1964 des « majos » aux
« minos ». Ces derniers, moins corporatistes, se situent au
croisement du catholicisme de gauche, du PSU et de l'Union des étudiants
communistes (UEC) et sont élus sur la base de leur refus de
l'Algérie française. Leurs revendications très proches de
la réforme Debré de 1958, qui vise par la création des CHU
à rapprocher recherche, enseignement et soins, leur valent cependant
d'être accusés par les « majos » de
défendre la nationalisation du système de santé ce qui les
conduit à perdre le contrôle de l'AGEMP en 1964. Les
événements de Mai marquent à cet égard une rupture
puisqu'ils contribuent à raviver l'engagement politique des
étudiants en médecine qui avait fortement décrue depuis
quelques années. En renouant avec l'esprit critique
développé par les « minos », Mai 68 participe
ainsi à la remise en cause de la médecine telle qu'elle
était définie jusqu'alors.
La réforme des études médicales de 1958
est demeurée jusqu'alors sans grands effets en raison de l'opposition
des grands patrons. Ces derniers, détenteurs d'un savoir clinique qui ne
peut être remis en cause, voient d'un mauvais oeil la modernisation de la
médecine susceptible de briser la relation pyramidale qui s'était
établi dans les hôpitaux. Cette rigidité des études
médicales s'exprime à travers le peu de place qui est
accordée aux nouveaux venus du fait de la massification de
l'enseignement universitaire. La faculté de médecine rue des
Saint-Père reçoit en 1968 12.000 étudiants dans des locaux
construits pour en accueillir 3.000 ou 4.000. La sélection y est
draconienne puisque seuls 40% des étudiants de 2ème
année sont admis à être « externes » et
donc pouvoir avoir une relation clinique avec les patients, les 60% de
stagiaires étant condamnés à demeurer dans une position
d'observateur tout en subissant de nombreuses humiliations :
« Dans les meilleurs services, il arrive parfois que les patrons
convoquent les parents de l'externe ! », souligne J-P.
Aubert2061(*).
Au vu des nombreux archaïsmes qui caractérisent
les études médicales à cette époque, on comprend
qu'a posteriori les principaux acteurs des événements de
Mai considèrent que l'apport majeur de 68 à l'égard de la
médecine ne réside pas tant dans la réforme des
études médicales que dans la révolution culturelle qu'elle
a rendue possible. Telle est la position du Pr Jean-Philippe Derenne,
cofondateur du Centre national des jeunes médecins en 1965 et leader du
C.A :
« La faculté de médecine est celle
où le mouvement était le plus profond, car il avait atteint les
étudiants de plein fouet. Tout le reste, Livre blanc, réforme des
études, organisation de la faculté, étaient tout à
fait secondaires. C'étaient des sous produits possibles à court
terme. Mais, ce qui permettait ces sous-produits, était un mouvement de
fond [...] Médecine a fait un mouvement de 180 degrés [...] Ce
qui était révolutionnaire est que les étudiants en
médecine ont été prêts à tout entendre, y
compris les propos les plus extrémistes... Il était venu des
milliers d'étudiants qui étaient beaucoup plus favorables
à l'aspect le plus dur, le plus avancé, le plus politisé
des propos qu'ils ne l'avaient jamais été auparavant à des
propos cent fois plus anodins [...] Ce qui a permis que les choses
changent, c'est qu'en mai 68, toute une génération a fait une
expérimentation politique. Elle s'est retrouvée en opposition, ou
tout simplement, en discussion avec ce qui était naturel de
penser »2062(*).
L'impact de cette remise en cause des formes traditionnelles
de la médecine s'exprime à différents degrés :
elle semble, même si elle est rejetée par ses fondateurs, avoir
participé à la naissance de la médecine
humanitaire2063(*) : Bernard Kouchner, membre de l'UEC au
milieu des années soixante et ayant participé aux réunions
du C.A, publie à son retour du Biafra une tribune dans Le
Monde, et ce en contradiction avec les principes de neutralité du
Comité international de la Croix-Rouge (CICR) qui l'avait envoyé
en mission, qui préfigure la création du Groupe d'intervention
médico-chirurgical d'urgence (GIMCU) puis de Médecins sans
frontières (MSF)2064(*). Cette défiance à l'égard
des autorités établies s'exprime, d'autre part, à travers
la contestation du Conseil de l'Ordre des médecins auquel certains
médecins refusent de cotiser.
Un autre effet de Mai 68 sur la médecine est le soutien
du Groupe d'information santé (GIS) au Mouvement de libération
des femmes en faveur de l'abrogation de la loi de 1920 sur l'avortement.
Créé en 1972, le GIS rassemble quelques centaines de jeunes
médecins maoïstes, dont beaucoup d'étudiants, qui mirent en
oeuvre une méthode d'avortement par aspiration en tant
qu' « acte médical banal »2065(*). En février
1973, ils publient un manifeste, en complément à celui
« des 343 », dans lequel 331 médecins reconnaissent
avoir pratiqué des avortements et, en avril 1973, ils effectuent un
avortement en public à l'hôpital Saint-Antoine à Paris. Ils
contestent ainsi non seulement la position du Conseil de l'Ordre mais
également le monopole moral défendu par le reste du corps
médical sur cette question, qualifiant pour cela l'avortement
d' « acte simple »2066(*). C'est cette remise
en cause des formes d'autorité, observable également en
matière de médecine du travail, dont témoignent les
trajectoires de certains jeunes médecins pénitentiaires.
ANNEXE 12 : LA RÉFORME AMOR DE 1945 ET LE
MODÈLE DU « TOUT-CARCÉRAL »
Plus politique qu'administrative, la réforme
carcérale de 1945 avait pour fonction, souligne Monique Seylier,
« de conforter l'autorité morale de l'Etat dans un domaine -
celui de l'enfermement - que les camps d'extermination nazis avaient
discrédité »2067(*). En dépit de la confusion qui affecte
alors le système pénitentiaire français
(désorganisation administrative issue du rattachement au
secrétariat d'Etat à l'Intérieur, nouveaux personnels de
direction, accroissement de la population carcérale, conditions de
détention exécrables), le contexte semble propice à une
telle réforme2068(*). En effet, alors que les tribunaux d'exception
et la question des condamnés pour faits de collaboration occupent les
esprits, les administrateurs en charge de la réforme
bénéficient d'une grande marge de manoeuvre en raison de
l'instabilité qui frappe le ministère de la Justice (seize gardes
des Sceaux se succèdent de 1945 à 1958). La définition de
la politique pénitentiaire dépend ainsi pour l'essentiel des
responsables de cette administration2069(*).
Une commission présidée par le directeur de
l'Administration pénitentiaire, Paul Amor, est chargée par un
arrêté du 9 décembre 1944 « d'étudier,
d'élaborer et de soumettre au garde des Sceaux les réformes
relatives à l'Administration pénitentiaire ». Son
activité s'avère confuse jusqu'à ce que Paul Amor nomme
Pierre Cannat secrétaire de la commission. Magistrat marqué par
un humanisme chrétien, celui-ci se montre réticent aux
théories de la « défense sociale » qui
mettaient en avant l'idée de dangerosité du
délinquant. Fidèle aux principes défendus
par les représentants de l'utopie philanthropique de la première
Restauration comme Charles Lucas, Pierre Cannat soutient qu'il est possible
d'obtenir l'amendement du condamné par sa rééducation
morale comme le reflète le premier des quatorze principes
réformateurs auxquels aboutit la commission : « La peine
privative de liberté a pour but essentiel l'amendement et le
reclassement social du condamné »2070(*). Dans cet objectif
d'amendement, certains traitements imposés aux détenus sont
supprimés telle la « salle de discipline », la tonte
obligatoire des cheveux ou le port des sabots. Des activités en commun
sont parfois organisées (sport, radio).
Outre cette idée d'amendement, Pierre Cannat
réussit à imposer le modèle du
« tout-carcéral ». Celui-ci postule qu'il est
possible de réaliser le rachat du condamné à l'aide du
seul dispositif pénitentiaire et notamment à partir du
régime progressif selon lequel le détenu suit un parcours graduel
allant de la phase d'observation jusqu'à la semi-liberté,
précédant sa libération2071(*). Cette tâche de
rééducation morale des détenus est confiée à
un corps d'éducateurs et, faute de personnels suffisants, aux
infirmières-assistantes sociales de la Croix-Rouge.
Ainsi, si selon les concepteurs de la réforme, les
« prisons doivent être organisées de manière
à "récupérer" le plus possible d'hommes utiles à la
Société »2072(*) ou si « le but de la peine est
l'amendement du coupable et son reclassement social »2073(*), cet objectif de
réconciliation entre le détenu et la société se
déroule dans le cadre confiné du milieu carcéral :
« Le but de la peine est de profiter de l'état de souffrance
de l'enfermé pour parvenir à
l'amendement »2074(*). La coupure entre le délinquant et la
société est ainsi pensée comme la condition de
possibilité de sa réintégration future. C'est justement
cette coupure que les militants de la cause carcérale remettent cause
durant les années soixante-dix, afin de réinscrire le
détenu au coeur de la Cité.
ANNEXE 13 : LE MOUVEMENT DE CONTESTATION DU DROIT DES
« ANNÉES 68 » FACE AUX PRISONS ET LA JUDICIARISATION
DE LA DETENTION
« Le monde judiciaire est depuis quelques
années l'une des institutions les plus contestées »,
observe Le Monde en décembre 19722075(*). C'est dans le cadre
des « années 68 » qu'émergent les premiers
groupes de contestation du droit2076(*) : le Syndicat de la magistrature (SM) et
le Mouvement d'action judiciaire (MAJ). Créé en 1968, le MAJ est
un mouvement rassemblant entre cent et deux cents « "travailleurs du
droit" (avocats, magistrats, personnel des tribunaux, enseignants,
étudiants, éducateurs, assistantes sociales, etc.) qui ont choisi
de remettre en cause l'institution judiciaire »2077(*). En avril 1970 se
constitue un Comité national de liaison justice regroupant dix-sept
organisations de magistrats et de fonctionnaires du ministère de la
Justice, dont le SM et l'Union fédérale des magistrats.
L'Association critique du droit développe quant à elle au coeur
de l'université un mouvement de réflexion sur l'enseignement des
sciences juridiques en tentant d'inaugurer une alternative à
l'enseignement traditionnel du droit.
La création du Syndicat des avocats de France (SAF) en
1974 marque l'engagement des avocats en faveur de la défense, souligne
l'un de ses membres, des « droits élémentaires face aux
institutions répressives que sont la police, la Justice,
l'administration sous ses aspects contraignants (hôpitaux psychiatriques,
internements administratifs et assignations à résidence,
punitions militaires et détention dans le cadre de
l'armée...) » 2078(*). Tout comme pour le Syndicat de la
magistrature, « le choix du terme Syndicat constitue en
lui-même une prise de position radicale, tendant à la fois
à désacraliser le monde de la Justice pour le rapprocher de celui
des travailleurs, et contribuer à contrecarrer les réifications
corporatistes de la profession »2079(*). Enfin, des revues
apparaissent comme Procès en 1978 ou Actes
créées en 1974 afin d'« aider les justiciables à
reprendre le contrôle de la machine judiciaire » et participer
à la « remise en cause des "auxiliaires de
justice" ». Outre la publication de décisions de justice
favorables aux luttes en cours, la revue devient « un lieu central
d'expression des différentes mouvances issues de la critique juridique
et judiciaires qui émerge alors »2080(*).
Longtemps perçu comme un instrument neutre des rapports
sociaux, le droit est désormais investi en tant que nouveau champ de
lutte politique, comme en atteste l'éditorial du premier numéro
d'Actes : « La loi et le décret ne sont en rien des
manifestations de la volonté générale mais apparaissent
comme les instruments privilégiés du Pouvoir [...] Il
apparaît de plus en plus clairement que le Droit est devenu un nouveau
terrain de luttes et qu'il ne s'agit pas de laisser le pouvoir y manoeuvrer
seul » (n°1, 12-01/1974). « Le droit n'exprime pas la
volonté de tous les citoyens [...] Le droit n'est pas neutre, ni dans
son contenu ni dans son application. Dès lors, toute pratique judiciaire
ne peut être que politique car elle implique, consciemment ou non, des
choix », déclare un avocat membre de la Ligue des droits de
l'homme et du MAJ dans son guide des droits des détenus2081(*).
Ces associations de contestation du droit investissent
largement la question carcérale. En septembre 1971, le Comité
national de liaison justice met en cause le « manque de
moyens » de l'Administration pénitentiaire :
« Clairvaux est la conséquence de la crise du système
judiciaire français tout entier » (LM, 24/09/1971).
Le MAJ, dont l'un des objectifs est la « défense des droits
essentiels de la personne [...] plus particulièrement auprès des
prisonniers », participe avec le GIP à la contestation de la
prison. En avril 1972, l'Union des Jeunes avocats lyonnais dénonce le
« scandale des prisons » en publiant une brochure
présentant les conditions de détention dans les prisons de Lyon
(L'Humanité, 10/05/1972). En 1974, un groupe d'avocats membres
du MAJ incrimine dans une lettre ouverte le silence de leur ordre professionnel
suite aux révoltes de détenus et remet aux juges d'instruction
une demande de mise en liberté fondée sur le non-respect
« des services minimums d'hygiène et de nourriture »
(LM, 7/08/1974). Dans le cadre de cette réflexion critique sur
la prison, certains avocats, comme Jean-Marc Varaut, soutiennent l'attribution
de droits aux détenus : « Les détenus ne sont pas
sujets de droits reconnus et garantis. Il est nécessaire aujourd'hui de
déclarer les droits des détenus ; les droits de l'homme et
du citoyen détenu »2082(*).
Mais ce sont surtout les magistrats, notamment du fait du
Syndicat de la magistrature, qui se retrouve à l'avant garde du combat
en faveur des détenus2083(*). Pendant longtemps les magistrats n'ont
éprouvé que peu d'intérêt pour les prisons
françaises. En témoigne, certes de façon anecdotique le
fait que celle qui deviendra plus tard Directrice de l'Administration
pénitentiaire ne réalise pas pour convenance personnelle à
la fin de sa formation de magistrat le stage d'un mois en milieu
carcéral pourtant obligatoire2084(*). Les propos de celui qui deviendra
également Directeur de l'administration pénitentiaire attestent
de la faible considération dont jouit l'institution carcérale
dans la hiérarchie du corps judiciaire :
« Quand je suis rentré dans la
magistrature, en 1962, j'étais tout jeune substitut à Argentan et
j'avais envie de me rapprocher de Paris. Et quand vous avez seulement deux ans
d'exercice, vous devez passer à la Chancellerie. Alors j'ai dit oui pour
des raisons familiales. Et donc j'arrive à la Chancellerie et on me
dit : "Vous êtes affecté à la Direction de
l'Administration pénitentiaire". Bon. Je ne peux pas dire que j'ai
été enchanté d'une telle affectation et j'ai
été reçu par André Perdriau, qui était
sous-directeur de la détention et qui était magistrat
lui-même. Il m'a reçu en entretien, un homme très amusant,
et me dit : "J'imagine que vous n'avez pas été
enchanté d'être affecté à l'Administration
pénitentiaire". "Honnêtement, non". "Je pense que tous les jeunes
magistrats qui arrivent à la Chancellerie, et il ajoute, comme
moi-même d'ailleurs il y a un certain nombre d'années, vous
rêvez sans doute d'une direction plus noble". Je lui dis :
"Oui !". "Ecoutez, vous faites un an chez nous. Vous vous faites à
cette idée. Dans un an, si vous dites que vous êtes allergique
à la matière, ce que je comprendrais fort bien, je m'arrangerais
pour vous faire affecter ailleurs". Et il a ajouté malicieusement :
"En revanche, je vous préviens, si vous me dites que vous restez avec
nous, cela voudra dire que vous aurez attrapé le virus, et je vous
préviens, vous l'aurez jusqu'à la fin de vos jours ! " Et
ça a été le cas. Je suis resté dans cette direction
comme magistrat de base jusqu'en 1970 »2085(*).
C'est sous l'influence de cette politisation du droit que des
magistrats-militants, notamment au sein du Syndicat de la magistrature
(SM)2086(*),
vont s'intéresser à la question des prisons, s'interrogeant par
exemple sur le rôle du juge à l'égard des prisons. En
attestent ces réflexions d'Etienne Bloch, juge de l'application des
peines, et membre du SM : « Le juge est responsable de ses actes
[...] Le juge ne peut plus se désintéresser de ce qui se passe
avant qu'il ne soit saisi, et c'est le problème des rapports de la
police et de la Justice, ni de ce qui se passe après la condamnation, et
dans un premier temps, c'est toute la question du contrôle de
l'exécution des peines, et demain sans doute, dans un deuxième
temps, celui de la participation du juge à l'application de la
peine »2087(*). En décembre 1971, le SM publie une
lettre au garde des Sceaux dans laquelle les magistrats demandent la
reconnaissance de certains droits précis en faveur des
détenus : « Si les devoirs et obligations du
détenu sont définis avec précision, la simple lecture d'un
"règlement intérieur" montre que ses droits sont
généralement imprécis et que leur violation est quasi
dépourvue de sanctions efficaces »2088(*). C'est ainsi
dans le cadre du mouvement de contestation apparu dans le secteur juridique
qu'une nouvelle représentation du juge, et avec lui de la peine, serait
apparue :
« Pendant longtemps, la prison pour la
majorité des juges est restée quelque chose d'impalpable qui
était presque une fiction. Envoyer un homme ou une femme en prison
était souvent le résultat d'une décision
réfléchie, mais une fois le jugement prononcé, le juge
considérait sa mission achevée. Ce qui se passait de l'autre
côté des murs ne le concernait pas. A chacun son rôle,
à la Justice de condamner à l'emprisonnement, à
l'administration pénitentiaire de se préoccuper des
détenus et de réglementer leur sort, ou comme on dit aujourd'hui
la condition pénitentiaire. Il a fallu le syndicat de la magistrature
pour faire comprendre aux magistrats que leur rôle ne s'arrête pas
aux portes de la prison, que ce qu'elle est est autant fonction de ceux que les
juges y envoient, que de ceux qui la gardent »2089(*).
Le mouvement de politisation du droit apparu dans le cadre des
« années 68 » fut ainsi à l'origine d'un plus
grand engagement des juristes en matière de conditions de
détention. La prison devient un objet de réflexion, voire de
lutte, pour des professionnels du droit qui s'étaient longtemps
arrêtés au moment où l'individu était
condamné. C'est dans le cadre de ce mouvement que vont progressivement
être reconnus le maintien de certains droits aux détenus,
l'institution carcérale cessant d'être une zone d'ombre
coupée du reste du système judiciaire.
ANNEXE 14: L'« AFFAIRE MIRVAL » OU LA
CONTESTATION D'UN INTERNE MILITANT
Jeune médecin ayant joué un rôle important
en mai et juin 1968 dans la réforme des études médicales,
Antoine Lazarus est interne depuis mars 1971 à la prison de
Fleury-Mérogis2090(*). En tant qu'intervenant en prison, il
s'interroge « après Toul » sur le comportement
à adopter face à des pratiques qu'il réprouve. Antoine
Lazarus entreprend de condamner les abus de l'Administration
pénitentiaire d'abord au sein des congrès de médecine
pénitentiaire puis par le biais du Bulletin du GMP. C'est
particulièrement le cas lors de l'« affaire
Mirval ».
Le 22 février 1974, Patrick Mirval, délinquant
d'origine antillaise incarcéré à Fleury-Mérogis,
meurt lors de son transfert au quartier disciplinaire2091(*). L'interne de garde,
Antoine Lazarus, refuse de certifier la version des surveillants selon laquelle
le détenu serait mort après s'être débattu. Il
précise dans son certificat que « l'examen du corps ne permet
pas d'évoquer une cause courante de
décès »2092(*). Dans ses déclarations à la
presse, il met indirectement en cause le personnel pénitentiaire :
« J'ai été appelé avec vingt minutes de retard.
Le temps, sans doute, que les gardiens se concertent sur la version à
adopter. Si j'étais intervenu plus tôt, j'aurais peut-être
pu le sauver » (Le Nouvel Observateur, 17/03/1974). Une
information judiciaire est ouverte pour rechercher les causes du
décès. Une forte mobilisation des familles de détenus et
des associations s'enclenche afin que la vérité soit faite sur ce
que beaucoup considèrent être un passage à
tabac2093(*).
Le juge d'instruction multiplie les expertises médicales. Tandis que les
premières mentionnent des ecchymoses, des lésions et des
hématomes, les suivantes édulcorent progressivement la version
des faits pour finalement démontrer que Mirval est « le seul
responsable de sa propre mort »2094(*). L'instruction
débouche sur une ordonnance de non-lieu rendue le 7 mars 1977. L'affaire
Mirval illustre deux phénomènes. Elle fut tout d'abord
dénoncée comme un exemple de l'« incroyable collusion
entre les autorités pénitentiaires, juridiques et
médicales »2095(*) notamment du fait des expertises à
répétition qui ont, selon l'expression de Pierre Vidal-Naquet,
« peu à peu nettoyé le crime »2096(*).
Mais l'affaire Mirval marque également le refus de la
part d'un médecin de toute complicité avec l'Administration.
Outre qu'il fut celui par lequel l'« affaire » a
commencé, en refusant de certifier la version de l'Administration
pénitentiaire, Antoine Lazarus a également joué un
rôle important dans la médiatisation de la mort de Mirval. Il
participa au nom du GMP à une conférence de presse, au
côté du SM, du SAF, du MAJ, du C.A.P et à laquelle fut
également représenté le Syndicat des internes des prisons,
et publia dans le Bulletin pour la première fois les expertises
médicales dans leur intégralité (Bulletin du GMP,
n°1-2, 03-04/1975). Interrogé dans un documentaire
télé sur son activité en prison, Antoine Lazarus souligne
« l'aspect politique de la chose » : « Si
vous voulez, moi, je dis que c'est une lutte pour les minorités
d'être ici. Si vous considérerez que c'est une lutte de travailler
en prison ». A partir de l'exemple des grèves de la faim, il
tente de souligner le difficile positionnement du médecin à
l'égard du détenu : « Ou bien j'aide le type
à faire sa grève et je vais contre disons les pressions
administratives ou bien je vais avec les pressions administratives et je lui
conseille d'arrêter sa grève : "Mais non, vous allez vous
abîmer la santé ! Il faut arrêter la grève tout
de suite... Dans tous les cas ça ne sert à
rien !" »2097(*). Après son licenciement, en octobre
1976, Antoine Lazarus publie plusieurs articles où il attaque la
dépendance des médecins à l'Administration
pénitentiaire, comme en attestent ces deux extraits :
« La médecine pénitentiaire
doit-elle participer dans une équipe médico-sociale au projet de
réinsertion ou bien faire une médecine dans laquelle sans faire
asseoir le consultant elle distribue des médicaments au coup par coup
sur des symptômes [...] Par sa présence ou son intervention
au moment d'un conflit, le médecin va médicaliser la situation
[...] Certains d'entre nous se posent sur le fond la question de savoir s'il
vaut mieux un tabassage qu'une piqûre calmante ; le mitard ou des
tests psychologiques et une étiquette psychiatrique
»2098(*).
« Leur action [aux médecins
pénitentiaires] est destinée à faciliter la bonne marche
des établissements beaucoup plus qu'à apporter le
bénéfice de leurs soins aux détenus qui les
reçoivent. Après l'évasion et l'émeute, le suicide
est la forme la plus dure d'agression que le détenu fait subir à
l'institution. Pêle-mêle médecins généralistes
de garde, psychiatres sont employés à le débusquer
à le prévenir [...] Le savoir apporté par le
médecin contribue donc à affirmer pour ne pas dire à
améliorer la machine à punir dans son projet [...] Dans la
médecine pénitentiaire, on ne doit dire à aucun moment que
le médecin est embauché par une institution dont le but
avoué est une répression punitive sur ses administrés dont
elle assure l'entière assistance »2099(*).
Au-delà de la personne d'Antoine Lazarus, dont on a
déjà souligné la trajectoire, l'affaire Mirval est un
moment important où s'est organisée une réponse collective
de la part des militants de la cause carcérale au ministère de la
Justice. Elle a permis de rendre visible un ensemble de liens unissant les
associations. C'est de cette prise de conscience que toute mobilisation, si
elle veut produire des effets durables, doit être collective qu'est en
partie née la Coordination syndicale pénale (COSYPE) à la
fin des années soixante-dix2100(*).
ANNEXE 15 : L'INFLUENCE INDIRECTE DE MAI 68 SUR DEUX
INTERNES PENITENTIAIRES
A l'écart des spécificités du parcours
d'Antoine Lazarus, Mai 68 a influencé indirectement des jeunes internes
pénitentiaires n'ayant pas pris part directement aux
événements mais pour lesquels cet épisode est un
repère symbolique. C'est le cas de cet interne en psychiatrie ayant
commencé à travailler aux prisons de Lyon en 19742101(*). Il est rapidement
surpris par certaines règles spécifiques au milieu
pénitentiaire, comme l'usage de la
« fiole »2102(*) préparée plusieurs heures, voire
plusieurs jours à l'avance : « C'est vrai que beaucoup de
choses reposaient sur les surveillants. Ils distribuaient les
médicaments [...] On leur filait leur bouteille pour la nuit, tout
était mélangé là-dedans... enfin... On peut dire
tout ce qu'on voudra, sur le plan galénique, on était en en
dehors de toute règle de prescription habituelle ».
Dans sa thèse, ce praticien remarque les résistances
qu'oppose l'institution à ce que les détenus
bénéficient d'un suivi durable : « On voit
là un paradoxe : l'administration pénitentiaire soucieuse de
montrer tous les cas suspects résidant dans l'établissement, mais
indifférente à leur sort, dès que le transfert a
été décidé »2103(*). Cet interne est
ainsi en proie à d'importants doutes quant la portée
thérapeutique que revêt son intervention :
« On avait des demandes de médicaments
pour dormir. On était toujours confronté à cette
difficulté là.... à accepter le monde de la prison quoi...
Et ça passait surtout par des demandes de somnifères [baisse le
ton et ralenti son propos] Et il n'était pas toujours facile de
résister à cela... [...] Enfin, pour eux il aurait fallu
être anesthésié [...] Mais c'est vrai que la plupart du
temps on a l'impression d'être réduit à cette espèce
de distribution, de prescription quoi. On avait un rôle de prescripteurs
[...] Plus d'une fois c'est vrai qu'on se dit :"Mais qu'est ce qu'on
cautionne ? Qu'est ce qu'on cautionne ?" [...] Et ce que je leur
apportais quelque chose ? [Silence] Oui, je crois que je leur apportais
quelque chose. Que ce soit, comment dire dans une dimension franchement
thérapeutique, j'en suis moins sûr. On ne fait pas de
psychothérapie en prison ».
Tenté à plusieurs reprises de
démissionner, cet interne trouve un important soutien à travers
un groupe lyonnais de professionnels du milieu pénitentiaire servant de
lieu d'échange, le GMQP2104(*). Il multiplie également les
témoignages publics par le biais des groupes locaux d'Amnesty
international. Ce rôle de témoignage n'est, d'après lui,
pas détachable de la conception qu'il a de sa profession de
psychiatre : « Je crois que quand on est professionnel
là-dedans, il y a un côté militant ». C'est ce
même rôle de « professionnel-militant » qu'il
pense aujourd'hui incarner dans le secteur de la géronto-psychiatrie,
très faiblement reconnu en France. Faisant référence aux
ouvrages de Michel Foucault, cet interne n'a pas directement participé
aux événements de Mai 68, durant lesquels il avait 20 ans,
même s'il établit un lien avec sa trajectoire :
« Je fais partie de cette génération qui n'est pas
post-68 mais dans la fin de la queue de la comète. Mais, justement...
là où ça se construit, où la pensée
s'organise... Où il y a peut-être une espèce d'application
de ce qui a été secouée dans cette période
là ».
Pour lui, cette confrontation avec l'acquis de Mai 68 s'est
exprimée de deux façons. D'une part, par des échanges
qu'il a eus avec des amis étudiants à Sciences Po Lyon. D'autre
part, par sa rencontre avec le milieu asilaire, lorsqu'il devient en 1970
externe à l'hôpital Saint-Jean de Dieu où il
découvre « l'histoire de l'asile du siècle
précèdent » : « Ce qui s'est
déroulé m'a amené à aller voir ailleurs, où
ça se jouait, où la confrontation sociale, on va dire, se jouait
d'une façon plus ou moins violente. Donc aux urgences et puis ensuite la
prison quoi ! C'est comme ça que j'y suis allé quoi !
Ça m'a amené à aller aux marges ! ».
A l'inverse de cet interne pour qui la contestation de Mai 68
semble avoir influencé le choix d'aller exercer en milieu
carcéral, Christian a commencé à travailler en prison
dès le début de ses études de médecine en 1974,
alors en tant qu'infirmier, « par tradition familiale »,
son père étant directeur de la M.A de Fresnes. Il accorde pour
cela beaucoup d'importance aux mutineries, même son père
étant « personnellement assez favorable à ce que les
choses évoluent » : « Je pense que ça a
été salutaire pour la vie carcérale. Je crois que
c'était nécessaire »2105(*).
Après quelques années, il devient interne
à La Santé où il est rapidement choqué du
« mépris » du personnel médical à
l'égard des demandes des détenus :
« C'est-à-dire qu'on a vite fait de catégoriser les
gens sen simulateurs, en baratineurs [...]"Vous savez on en a
déjà entendu parler de celui-là !". Et puis on le
revoit pas pendant un mois, des petites mesures comme ça de
rétorsion ou de rejet, ça c'étaient des choses
fréquentes de la part de certaines personnes ». Il est surtout
confronté à la mauvaise foi de certains surveillants avec
lesquels il connaît des altercations au sujet de la sortie du mitard ou
des hospitalisations d'urgence qui lui valent ce qu'il considère
être des mesures de rétorsion à son égard :
« C'étaient des petites choses mais on
vous demande de vous déplacer à trois heures du matin pour une
bricole. Bon... Et à côté de ça, quand on demande
à ce qu'une surveillance particulière soit faite pour un
détenu, comme par hasard la surveillance n'est pas faite. Et puis quand
vous êtes dans votre chambre d'interne, à l'autre bout de la
détention, on peut vous raconter n'importe quoi, vous ne saurez jamais
ce qu'il s'est passé. Donc des fois, les gens ne vont pas bien... et
puis des fois ils meurent. Et quand vous avez l'impression qu'on vous a
sollicité juste trop tard pour que vous puissiez ne rien faire... c'est
un peu chaud ! Et ça, ça arrive, c'est sûr !
[...] J'ai le souvenir d'avoir tenté de ranimer au bouche à
bouche quelqu'un à La Santé. Euh... je pense que j'ai
été appelé juste trop tard. J'en suis
convaincu ! ».
Après avoir tenté d'alerter l'Administration
pénitentiaire à plusieurs reprises, il démissionne,
constatant « que des actes délibérés de
malveillance ont été commis à l'encontre de certaines
personnes du service médical, visant à déconsidérer
leur exercice professionnel ; que la pratique de la langue de bois exclut
toute possibilité de confiance indispensable à des relations
professionnelles normales entre le service médical et l'encadrement
administratif à la M.A »2106(*). Si son envie de
travailler en milieu carcéral ne peut être imputé à
Mai 68, sa remise en cause de la hiérarchie et son appréhension
globale de la santé des détenus ne semblent pas sans lien avec la
« remise en question des pouvoirs établis » que
représente à ses yeux les événements de Mai et dont
il conserve un souvenir très personnel :
« Ça avait pris une forme un peu
particulière pour moi. C'est une anecdote. J'étais en
première et j'avais redoublé ma première. Et j'ai eu deux
ans de suite le même prof de français, qui était une femme
sûrement proche de l'âge de la retraite. Et curieusement...
Curieusement parce que c'est assez rare de voir des gens accepter une telle
remise en question. C'était quelqu'un qui était absolument rigide
la première année. Qui assénait ses trucs, il fallait se
plier, on n'avait pas le droit de l'ouvrir... Et Mai 68 est passé. Je
suppose qu'elle a réfléchi... Et l'année suivante, elle a
complètement bouleversé sa façon de procéder.
C'était dans l'échange, dans la stimulation... On a établi
des règles communes. J'ai l'impression que ça a permis à
des personnes de s'ouvrir à d'autres modes de fonctionnement.
Personnellement, au plan familial, j'ai l'impression que ça s'est
également passé comme ça aussi [...] Cet espèce de
besoin de penser les choses de façon actuelle. Je pense que c'est un
mouvement qui a autorisé des personnes qui fonctionnaient sur des
habitudes et que ça les a autorisé à envisager autre chose
dans leur façon de procéder. Mai 68 je l'ai vécu comme
ça ».
Ce dernier exemple, apparemment anodin, souligne
réappropriations et effets que la période de Mai 68 a pu avoir
sur les praticiens exerçant en prison. Bien sur établir une
relation de causalité stricte apparaît impossible, à
l'exception de quelques individus comme Antoine Lazarus, tant les
éléments biographiques s'entremêlent. C'est pourquoi, il
est préférable d'évoquer l'influence indirecte, dont on ne
peut mesurer l'importance exacte, qu'ont eue les « années
68 » sur la trajectoire de ces praticiens.
ANNEXE 16 : LES CRAINTES DE LA PENITENTIAIRE FACE A UN
REGARD MEDICAL EXTERIEUR : LES PREMIERES INFIRMIERES CROIX-ROUGE EN
DETENTION
A la Libération, les soins aux détenus sont
essentiellement le fait de médecins et infirmiers eux-mêmes
incarcérés. C'est pourquoi la circulaire du garde des Sceaux du
30 mai 1945 créant une infirmerie dans chaque établissement via
l'aide de la Croix rouge française (CRF) est différemment
appréciée par les directeurs pénitentiaires selon les
établissements2107(*). Tandis que le responsable des Baumettes
estime que « la présence d'une infirmière de la Croix
Rouge à cet établissement ne se fait pas sentir actuellement, en
raison du grand nombre de médecins détenus qui sont actuellement
employés à l'infirmerie », le surveillant-chef de la
M.A de Nice considère avec l'accord du médecin que le personnel
en place est suffisant: « Afin d'éviter tout trafic, il pense
qu'il y a lieu d'éviter autant que possible que des personnes
étrangères à l'Administration pénètrent dans
l'Etablissement »2108(*).
Face à ces réticences, l'Administration
pénitentiaire impose parfois, quand elle le juge nécessaire,
l'intervention d'infirmières de la CRF sans l'accord du chef
d'établissement2109(*). Cet embryon de dispositif soignant se heurte
cependant à des problèmes budgétaires. Une forte
diminution des crédits de la CRF à compter de 1948 oblige
l'Administration pénitentiaire de rémunérer à la
vacation ces infirmières2110(*). La DAP demande même parfois que les
infirmières CRF interviennent à titre bénévole. Si
l'Administration est progressivement amenée à vouloir constituer
un corps spécifique d'infirmières ayant un statut
pénitentiaire2111(*) c'est, outre cette raison budgétaire,
parce qu'elle supporte mal la présence de personnels extérieurs
dans ses murs.
Déjà lors de l'élaboration de la
circulaire du 30 mai 1945 prévoyant la collaboration de la CRF, le
directeur du service sanitaire des prisons de la CRF, le Dr Duhamel,
interrogé sur le statut des infirmières, estimait qu'il est
« inutile de rajouter quoi que ce soit à cet accord, qui
pourrait placer ces infirmières sous une autre autorité que la
nôtre »2112(*). Le statut des infirmières est
abordé en 1946 au cours d'une réunion au cours de laquelle le
Directeur Paul Amor évoque la proposition que toute l'organisation du
sanatorium de Liancourt soit sous la responsabilité de la CRF,
« l'Administration Pénitentiaire se contentant de payer les
dépenses »2113(*). Jean Pinatel, Inspecteur des services
administratifs, rétorque alors que la DAP « détient une
partie importante de la puissance publique. Il lui est impossible de la
déléguer à un organisme privé. Il faut que tout le
fonctionnement du sanatorium reste sous son contrôle ».
La question de l'autonomie hiérarchique de ces
infirmières est renouvelée à mesure que celles-ci rendent
compte de leur activité en détention auprès du
siège de la CRF2114(*). La lettre de transmission de la CRF adressant
à la DAP les rapports de l'année 1950 comporte ainsi une
inscription manuscrite qui atteste de la préoccupation de
l'Administration pénitentiaire : « M. Cannat. Je me
demande s'il est normal que la Croix Rouge -organisme privé - puisse
poser des questionnaires à un infirmier sur des questions qui ne sont
pas en rapport avec leur service. Il y a même des
imprimés ! »2115(*). Dans sa réponse adressée au
directeur de la CRF, le Directeur de la Pénitentiaire rappelle les
limites de la mission confiée à cette association :
« Certains de ces rapports sont
rédigés sur des imprimés et font état des effectifs
des détenus, du régime alimentaire, de l'état sanitaire,
du travail pénal, etc. [...] Il me parait donc préférable
qu'à l'avenir les infirmières et assistantes sociales de la Croix
Rouge en fonction dans les prisons se bornent à indiquer dans leurs
rapports ce qui a trait au seul fonctionnement de leur service. Ce serait
d'ailleurs de nature à éviter des conflits entre ces personnes et
les chefs d'établissements »2116(*).
Ce même problème de la présence d'un
regard extérieur à l'Administration pénitentiaire se pose
à la même époque du fait de l'aide apportée par le
ministère de la Santé publique. Celui-ci accepte à la
demande du ministère de la Justice de prendre en charge le
dépistage de la tuberculose2117(*) ainsi que la lutte contre les maladies
vénériennes2118(*). En contrepartie, le ministère de la
Santé publique demande à ce que les Inspecteurs de la
Santé puissent avoir accès aux prisons2119(*), ce à quoi
semblent hostiles les magistrats de l'Administration pénitentiaire.
M. Cannat précise au cours d'une réunion que ces inspections
« pourraient donner lieu à des conflits avec les
médecins-chefs des établissements pénitentiaires » et
qu'il n'est « d'aucune utilité pour l'Administration
Pénitentiaire de recevoir des rapports supplémentaires concernant
l'état sanitaire des prisons »2120(*). Un modus
vivendi est cependant trouvé durant la réunion :
l'intervention des médecins inspecteurs est tolérée
à condition que celle-ci ait pour but de soutenir l'Administration.
« Il y a surtout lieu d'agir sur place et de rendre compte
après » résume alors Paul Amor. Une circulaire souligne
ainsi que ces « visites » devront être faites
« non dans un esprit de contrôle technique, mais dans le but de
réaliser pratiquement, et en complète coopération, les
améliorations nécessaires dans ce qui concerne la
salubrité des locaux, l'état sanitaire des détenus,
l'organisation des Infirmeries et la fourniture du matériel et des
médicaments nécessaires »2121(*).
Peut-être afin de limiter le risque d'une inspection
externe trop critique, le ministère de la Justice entame des «
pourparlers » avec le ministère de la Santé Publique en vue
du détachement à la DAP d'un médecin qui aura le titre de
« Médecin Inspecteur
Général »2122(*). En septembre 1946, un
médecin-inspecteur est mis à disposition de l'Administration
pénitentiaire. Mais la collaboration se heurte très rapidement
à l'opposition manifeste des chefs d'établissement et
l'inspecteur médical cesse ses fonctions. A partir de 1949, l'Inspection
générale de l'administration, rattaché au ministère
de l'Intérieur, intègre à ses visites des
établissements pénitentiaires une dimension sanitaire rendant
inutile tout contrôle extérieur. La mise en place à la fin
des années cinquante d'un Médecin-inspecteur ayant un statut
pénitentiaire met fin à tout projet de contrôle
extérieur2123(*). C'est dans ces conditions qu'est nommé
Georges Fully.
ANNEXE 17 : LES HOSPITALISATIONS CIVILES : CAUSE ET
OBSTACLE AU « DÉCLOISONNEMENT TOTAL » DE LA
MÉDECINE PÉNITENTIAIRE
Les hospitalisations ont depuis longtemps posé de
nombreuses difficultés à l'Administration pénitentiaire.
C'est néanmoins au début des années soixante, dans le
cadre de la guerre d'Algérie, que ce phénomène prend
davantage d'ampleur avec les évasions d'« activistes »
hospitalisés, comme en atteste une circulaire adressée le 6
octobre 1961 aux préfets et aux Directeurs régionaux des services
pénitentiaires (DRSP) : « Plusieurs détenus
incarcérés pour des faits d'atteinte à la
sûreté de l'Etat ont réussi à s'évader au
cours de leur hospitalisation [...] L'hospitalisation, c'est à dire
l'envoi d'un détenu dans un service hospitalier non
pénitentiaire, ne doit donc être que tout à fait
exceptionnelle [...] Les extractions pour consultation ou soins dans un service
hospitalier non pénitentiaires doivent également être
réduites dans toute la mesure du possible »2124(*). Pour lutter contre
les « hospitalisations abusives », des rappels à
l'ordre sont adressés aux directeurs d'établissement, seuls aptes
à habiliter ces « extractions »2125(*). Constatant le
« nombre élevé » d'hospitalisations à
la M.A de Châlons-sur-Marne, le responsable du Bureau de la
détention enjoint le DRSP de Lille d'« appeler l'attention du
médecin sur les inconvénients à procéder à
des hospitalisations qui ne seraient pas absolument
indispensables »2126(*).
En cas de blocage persistant, la situation est portée
à la connaissance du directeur de l'Administration pénitentiaire,
témoignant ainsi de l'importance accordée à ce
problème. Le Bureau de l'application des peines alerte ainsi dans une
note du 16 janvier 1962 le DAP au sujet d'« hospitalisations abusives
de détenus activistes » à la M.A de Bayonne :
« Je croyais devoir appeler à nouveau votre attention sur la
situation qui se prolonge et s'amplifie à un point tel qu'elle devient
dangereuse, et qu'elle constitue en tous cas un scandale. Je ne suis pas
médecin mais je peux affirmer que, pour qu'un détenu soit
hospitalisé à Bayonne, il faut et il suffit qu'il s'agisse d'un
activiste »2127(*). Pour limiter les hospitalisations
coûteuses, le ministère de la Justice privilégie les
procédures d'admission à l'Hôpital de
Fresnes2128(*). Ces dernières ne sont cependant pas
sans poser problèmes, du fait de son encombrement mais surtout des
distances à parcourir. Lors du premier congrès de médecine
pénitentiaires, les praticiens estiment ainsi « plus
intéressant de créer des quartiers pénitentiaires dans les
hôpitaux régionaux disposant de toute l'infrastructure technique
d'un hôpital moderne »2129(*).
Le problème devient plus aigu au milieu des
années soixante-dix. Outre les problèmes de garde, les
« hospitalisations civiles », qui représentent en
1977 60% des hospitalisations de détenus (le reste étant
réalisé dans les « hôpitaux
pénitentiaires » de Fresnes et des Baumettes), soit environ
3.000 par an, présentent l'inconvénient d'être
coûteuses pour le ministère de la Justice2130(*). L'attitude de
l'Administration pénitentiaire à l'égard des praticiens se
durcit, notamment sous l'action de Solange Troisier désireuse de faire
assimiler les contraintes pénitentiaires aux médecins
placés sous sa responsabilité. Lors du congrès de 1975,
elle déclare, en s'adressant à un représentant du
ministère de l'Intérieur, « [s]'engager, dans la mesure
de nos possibilités, à restreindre nos hospitalisations en milieu
ouvert en favorisant celles-ci en milieu
pénitentiaire » : « Naturellement,
hospitalisation implique surveillante et sécurité. Et nous avons
à l'heure actuelle, un peu dans tous ces hôpitaux de la
région parisienne, des détenus envoyés sans discrimination
autre qu'un "copinage" ou qu'une place vacante. Dès qu'un détenu
est hospitalisé, cela implique au minimum 6 agents de police
mobilisés dans des conditions désagréables pour eux et
pour le personnel médical. Et je sais, Monsieur le préfet, que,
comme tous vos collègues, vous ne nous aimez guère avec nos
détenus envahissants »2131(*).
Son activité de recherche et d'enseignement lui
permettent de rappeler aux praticiens les exigences de l'Administration
pénitentiaire. Une thèse soutenue sous sa direction rappelle
ainsi que « l'hospitalisation en milieu libre ne peut être que
l'exception et n'a lieu qu'en cas de nécessité absolue [...] Ne
pas hospitaliser en milieu civil, c'est éviter la friction entre police
et médecins, c'est respecter la santé du détenu tout en
évitant les problèmes de sécurité et de la garde
à vue »2132(*).
Les inspections de Solange Troisier sont également
l'occasion de noter la bonne observance des médecins du règlement
en la matière. Dans un rapport sur la M.A de Nice, elle se
félicite de l'attitude du médecin-chef dont elle propose
l'augmentation : « Les hospitalisations ont diminué de
¾. Le Dr X est en effet un excellent praticien, conscient et
responsable »2133(*). A l'inverse elle demande le licenciement du
médecin de la M.A de Bastia accusé de trop prescrire
d'hospitalisation du fait de l'absence de cabinet dentaire et d'appareil de
radioscopie2134(*). « Il ne fait que des
stupidités. J'avais demandé son remplacement et c'est vraiment
urgent », demande Solange Troisier à la responsable du Bureau
du personnel2135(*). Les efforts du Médecin-inspecteur
semblent porter leurs fruits comme en témoigne la baisse du nombre
d'hospitalisations, observée par exemple à Clermont-Ferrand, due
principalement à une plus grande orientation des détenus vers
l'Hôpital de Fresnes2136(*).
Ainsi, si le coût et les contraintes en matière
d'hospitalisations constituent l'un des arguments évoqués en
faveur du « décloisonnement » de la médecine
pénitentiaire, ils représentent également l'une des
raisons pour lesquelles l'Administration pénitentiaire demeure
désireuse de conserver le contrôle en matière de
santé, repoussant le projet d'un « décloisonnement
total ».
ANNEXE 18 : LE REGARD DÉSENCHANTÉ D'UN
INTERNE EN PSYCHIATRIE SUR L'UTILITÉ DE SA PRÉSENCE EN MILIEU
CARCÉRAL
Philippe Bacquias a travaillé un an en 1976 comme
interne au CMPR de la M.A deFleury qui est alors très bien doté
en personnel puisqu'on y trouve un médecin-chef, le Dr Jacques
Mérot, un adjoint, quatre internes, des infirmières
diplômées et des aides-soignants. Malgré ces conditions de
travail favorables qui lui permettent de réaliser des consultations de
quarante-cinq minutes alors que la plupart de ses collègues disposent de
moins d'un quart d'heure, le Dr Philippe Bacquias livre dans sa thèse un
regard pessimiste sur l'intervention des psychiatres en milieu
carcéral2137(*). En voici quelques extraits :
« Si cette expérience démontre
l'aspect essentiellement répressif du projet pénitentiaire actuel
de cette Maison d'Arrêt, inscrit dans ses structures mêmes, ainsi
que l'effet à l'évidence nocif sur l'évolution du
délinquant de l'incarcération dans de telles conditions, elle
nous interroge sur la validité d'un désir thérapeutique,
et ses modalités de mise en oeuvre, dans une institution qui globalement
le refuse [...] En pratique, nous avons une trentaine de détenus en
permanence, bien connus de nous, "liés" à la consultation et
suivis régulièrement avec une fréquence variable [...]
Nous tentions de permettre que s'exprime librement l'anxiété
durant un entretien suffisamment long (3/4 heure). Nous pouvions constater
d'ailleurs, au cours de celui-ci, une sédation notable de l'angoisse
[...] Mais derrière une plainte, nous voulions souvent faire
éclore une autre demande, rattacher le symptôme à une
souffrance plus globale et lui donner un sens qui s'inscrirait dans l'Histoire
et la personnalité de notre interlocuteur, permettre au demandeur de
parler de ce que, nous n'en doutions pas, il ne demanderait qu'à dire.
Ce n'était qu'illusion, désir d'appliquer un schéma connu
et surtout méconnaissance de la situation carcérale [...]
Qu'est-ce qu'un entretien par semaine dans un monde
où l'on est affronté à sa solitude plus de 21h sur 24 dans
une ambiance hostile ? Il est certain que nos entretiens, qui tentaient de
"sortir" artificiellement la discussion de son cadre carcéral en
explorant un passé que l'on obligeait notre interlocuteur à
prendre en compte, avec l'élaboration d'un présent et d'un futur,
ne pouvaient que se heurter à un échec [...] Les écueils
sont évidents : notre position institutionnelle empêche toute
relation "transférentielle" ; la demande du détenu n'est pas
a priori une souffrance de malade. Son "symptôme" n'est pas
immédiatement lié à un processus morbide, mais à la
situation carcérale elle-même, et ne renvoie qu'à elle
[...] Notre activité nous paraît peu thérapeutique au sens
d'un traitement sur le fond qui pourrait éventuellement permettre
à certains, dont la délinquance s'intègre à une
problématique qui les submerge, d'en prendre conscience. Notre
activité nous apparait dispersée, ponctuelle, purement
symptomatique, agissant à un niveau superficiel. Nous avons le sentiment
d'"assister" le détenu dans une lutte contre son effondrement, en
assistant impuissants à sa dégradation et au renforcement,
parfois évident, d'attitudes et de conduites qui le ramèneront
tôt ou tard en détention [...]
Nous voudrions tenter de cerner le malaise qui fut le
nôtre en permanence dans le rôle que nous tenions et, à
travers, la critique de celui-ci, interroger la fonction du psychiatre.
L'institution carcérale attend du psychiatre qu'il joue le rôle
classique d'"auxiliaire de justice" [...] Ce qui a amené l'implantation
du service psychiatrique à Fleury-Mérogis, c'est la survenue de
problèmes ou d'incidents qui, par leur nature, leur abondance ou leur
nouveauté, ne semblaient plus pouvoir être résolus par
l'institution carcérale. L'administration vit ainsi dans la hantise des
suicides et de leur répercussion dans l'opinion publique. Le psychiatre
devra, de par sa compétence, dépister les "suicidaires" et
prévenir les suicides. S'ils surviennent, il en endossera la
responsabilité : "Si le psychiatre n'avait rien vu, ce n'est pas
nous qui.....". Mais cela semble surtout avoir une importance purement
formelle : on ne se demande pas si le psychiatre sait ou
peut vraiment. L'important est d'être "couvert" ;
phénomène que l'on retrouve actuellement ailleurs : ainsi,
l'interne de médecine qui se refuse à laisser sortir de son
service une "TS" tant qu'"elle n'a pas vu le psychiatre". L'important semble
être de vouloir se dégager de toute responsabilité morale
et administrative, en invoquant la toute-puissance magique d'un personnage qui
permettra d'annuler l'angoisse de l'affrontement de la mort. Les moyens mis
à la disposition du psychiatre sont d'ailleurs limités :
placement en cellule triplée [trois codétenus], mise au travail,
transfert au CMPR. Chacun continue de croire, sans y croire, que le seul fait
d'"être vu" par le psychiatre constitue une garantie réelle,
puisque la garantie formelle est acquise. D'où l'"urgence" des demandes
venant de l'administration et la priorité qui lui est donnée
[...]
Le psychiatre n'est pas sollicité uniquement dans
une perspective de dépistage des "suicidaires" : il l'est
également pour tous les "cas problèmes" (agités, violents,
revendicants en tous genres) [...] La formule "demandez au psychiatre !"
nous apparaissait alors comme une dérobade. Cela peut ressembler parfois
à un déplacement implicite de l'agressivité et de la
revendication des détenus vers le psychiatre. Ainsi, devrions-nous
prendre à notre compte la souffrance, la violence et la mort qu'une
institution ne peut plus voir survenir ni assumer, bien qu'elle veuille
continuer d'exercer une attitude purement répressive [...] Le
psychiatre, dont certains pourraient croire le pouvoir impressionnant, n'est en
fait qu'"tête couronnée qui ne règne pas". Placé en
pivot entre deux groupes, nous ne sommes qu'un rouage que chacun essaye de
faire tourner à son avantage [...] Notre désir de
délimiter un espace psychothérapeutique s'est
révélé un échec. Est-il possible de faire coexister
un désir thérapeutique dans une institution
répressive ? ».
Ces propos attestent, de façon claire et mesurée
et a priori en dehors de toute perspective politique, des doutes qui
agitent certains psychiatres quant à l'utilité de leur
intervention en milieu carcéral. Ils permettent surtout de questionner
l'ambigüité de la position de ces professionnels coincés
entre leur mission de soignant, la fonction légitimante qui en est fait
par la Pénitentiaire et l'instrumentalisation qu'en ont certains
détenus.
ANNEXE 19 : L'OBSTACLE RÉCURRENT DE LA
RÉMUNÉRATION DANS LE PROJET DE LA CRÉATION D'UN CORPS DES
SOIGNANTS PÉNITENTIAIRES
Dès la Libération, l'Administration se heurte
à de fortes contraintes budgétaires dans sa tentative de
constituer un corps médical pénitentiaire. La faiblesse des
rémunérations est notamment à l'origine de « grandes
difficultés dans le recrutement des infirmières
»2138(*), dont le nombre évolue peu (soixante
sept contractuelles en 1958 contre trente en 1946)2139(*). Le ministère
de la Justice a alors largement recours aux infirmières vacataires de la
Croix Rouge (deux cent une en 1950). La difficulté à embaucher
des infirmières pénitentiaires s'aggrave durant les années
soixante comme en atteste le rapport d'activité de 1965 :
« Le recrutement de ces personnels souffre énormément
des conditions pécuniaires qui leur sont offertes, surtout lorsqu'on les
compare à celles en vigueur dans le secteur public ou semi-public. C'est
ainsi qu'une dizaine de postes n'ont pas pu être pourvus faute de
candidats »2140(*).
Aux problèmes de recrutement s'ajoutent plusieurs
démissions d'infirmières mécontentes aussi bien de leur
salaire que de leurs conditions de travail2141(*). Dans une lettre
adressée au Médecin-inspecteur, le médecin-chef de
l'Hôpital de Fresnes souligne les répercussions du sous-effectif
au sein de ses services : « Mme Bienvenu, notre panseuse offre
également sa démission car elle ne peut faire face seule aux
exigences des chirurgiens en salle d'opération [...] Voilà quinze
jours nous avons eu une chaude alerte avec le réveil d'un
opéré non surveillé par manque de personnel. C'est un
miracle que l'anesthésiste et le chirurgien aient
récupéré ce malade [...] Toutes ces doléances
revêtent à mes yeux une importance telle que si satisfaction ne
m'était pas donnée je me verrais contraint d'abandonner
moi-même la direction des services »2142(*). Pour faire face au
manque de personnel, la DAP est une fois de plus contrainte de recourir aux
services de la Croix-Rouge française qui facture ses prestations de
façon beaucoup plus onéreuse2143(*). Le ministère
de la Justice envisage alors, d'une part, d'assimiler les infirmières
pénitentiaires, jusque-là considérées comme celles
de dispensaires, à celles employées dans les
établissements hospitaliers et, d'autre part, d'obtenir la
création du grade d'infirmière-chef.
Le problème touche avec autant d'acuité les
médecins pénitentiaires qui, par la voix de leur syndicat,
conteste et fait annuler, par un recours auprès du Conseil d'Etat,
certaines dispositions de l'arrêté du 31 janvier 1962 fixant le
prix des rémunérations allouées aux praticiens. Constatant
le « malaise ressenti par le corps médical »,
l'Administration remarque que « les rémunérations
allouées aux praticiens demeurent très insuffisantes et il n'a
pu, cette année encore, être procédé qu'à des
réajustements de détail en faveur des médecins les moins
favorisés »2144(*). Les rapports d'activité confirment
l'importance que les services pénitentiaires consacrent aux questions de
la rémunération et du sous-effectif : « L'effectif du
personnel sanitaire doit être augmenté rapidement et ce personnel
doit bénéficier d'un statut comparable à celui existant
dans les autres formations sanitaires nationales. Si ces conditions ne sont pas
remplies, le service de santé des prisons va au devant d'une crise grave
qu'il faut éviter à tout prix sous peine de porter atteinte
à l'esprit même de la réforme pénitentiaire
»2145(*). Le ton alarmiste des notes adressées
par le Médecin-inspecteur à sa hiérarchie témoigne
également de la mesure du problème :
« La situation actuelle devient de plus en plus
difficile et peut être considérée sans exagération
comme dramatique. La pénurie de nos moyens actuels, tant en ce qui
concerne la rémunération du personnel médical que
l'augmentation en nombre du personnel infirmier est telle que les soins sont
difficilement assurés et que la vie même des détenus est en
danger dans certains cas. De plus, le mécontentement qui existe
déjà depuis longtemps chez les médecins
pénitentiaires va grandissant. Le rythme des démissions
s'accroît, le recrutement est très difficile et il n'est pas exclu
de penser à un prochain mouvement revendicatif qui pourrait se faire
sous la forme d'une grève des soins »2146(*).
En dépit de ces alertes, la rémunération
des médecins évolue peu puisque l'arrêté du
31/01/1962 susmentionné n'est modifié qu'en 1974
(arrêté du 1/02/1974), date à laquelle le prix des
vacations est aligné sur celui des médecins des services de
prévention auquel se réfèrent les autres administrations
pour des activités relevant de la médecine du
travail2147(*). Malgré deux nouvelles revalorisations
(arrêtés du 1/09/1975, 20/10/1977), les difficultés de
recrutement persistent, comme le constate une note de l'Administration
pénitentiaire qui envisage de réformer leur mode de
traitement : « Si la revalorisation périodique constitue
un progrès sensible, il n'en demeure pas moins vrai que les taux
actuellement en vigueur sont nettement insuffisants compte tenu de l'importance
des tâches qui sont dévolues aux médecins en milieu
pénitentiaire. [...] Il est donc de la plus haute importance que soit
revalorisée leur rémunération en s'orientant vers la mise
en place d'une nouvelle échelle de tarifs applicables à une
médecine de soins et non plus
préventive »2148(*).
Les autres professions médicales demeurent largement
sous-payées comme le souligne une thèse de médecine
carcérale. Les pharmaciens touchent une « indemnité
forfaitaire annuelle dérisoire » comprise entre 1.500 et 3.100
francs par an, somme revalorisée de 65% en 19782149(*). Les
chirurgiens-dentistes, payés selon un mode très complexe,
« font presque du bénévolat »2150(*). Malgré une
revalorisation de 46% en 1973, les internes de première et de
deuxième année perçoivent 1.960 francs par mois pour 140
heures, soit un salaire horaire de 13,80 francs de l'heure (contre 16 francs
pour une femme de ménage à la même époque). Enfin,
les infirmières pénitentiaires titulaires ont un salaire de 2.795
F par mois pour un temps plein, demeurant sous-payées de 30 à 40%
par rapport à leurs collègues hospitalières2151(*) ce qui explique en
partie que le nombre de postes vacants passe de quinze en 1973 (sur cent quatre
postes) à trente cinq en 1975 (sur cent dix-huit postes)2152(*). Le sous-effectif
constant s'explique essentiellement par les mauvaises conditions de travail du
personnel infirmier (contraintes pénitentiaires, charge de travail
considérable, absence de collègues, peu de contacts avec le
médecin) qui se traduisent par de nombreuses démissions :
« Le recrutement des infirmières est sans doute l'un des plus
difficiles à résoudre pour l'administration pénitentiaire.
Normalement le recrutement se fait par concours [...] Mais en 1975 seulement
trois postes ont été pourvus de cette façon alors que la
même année 23 infirmières ont cessé leur fonction
dont 18 par démission »2153(*).
Le nombre d'infirmières cessant leur fonction (pour
cause de démission, départ à la retraite ou
décès) est en effet loin d'être compensé par le
recrutement interne ou externe, comme en témoigne la comparaison, chaque
année, du nombre de départs et d'embauches : on compte en
1975, quatre recrutements contre quinze départs ; en 1976, quatorze
embauches contre vingt-trois départs ; en 1977, dix recrutements
contre quinze démissions; vingt-et-une démissions contre
zéro embauche en 1978 où le concours n'a pas lieu ; en
1979, seize recrutements contre trente-deux départs ; en 1979,
treize embauches contre vingt-et-une démissions2154(*). Pour pallier les
difficultés de recrutement, l'Administration a largement recours aux
infirmières de la Croix-Rouge (cent quarante trois en 1975) dans les
établissements trop petits pour employer du personnel à plein
temps ainsi qu'à l'Assistance publique qui accepte de détacher
des infirmières à l'Hôpital de Fresnes. Les difficiles
conditions de travail et la faiblesse des rémunérations au regard
du monde extérieur expliquent alors largement que, comme le remarque un
médecin, le personnel sanitaire travaillant en prison « a souvent
l'impression que l'Administration Pénitentiaire se moque de
lui »2155(*).
ANNEXE 20 : ASCLÉPIOS AU SERVICE DE THÉMIS
OU LA POSITION CONTROVERSÉE DE SOLANGE TROISIER EN MATIÈRE DE
GRÈVES DE LA FAIM
Bien qu'ancienne, la question des grèves de la faim
s'était posée avec acuité au début des
années soixante en lien avec les événements de la guerre
d'Algérie. Georges Fully avait alors tenté de faire respecter,
souvent en vain, l'indépendance des praticiens2156(*). Au fur et à
mesure que le corps médical pénitentiaire s'autonomise,
l'Administration semble cependant de plus en plus hésitante à
influencer directement les médecins dans leur pratique comme cela avait
été fait. Au cours des années soixante-dix, période
où les grèves de la faim pour raisons politiques se multiplient,
l'idée de contraindre par la loi les médecins à intervenir
est ainsi jugée trop rigide : « Tout projet tendant
à rendre l'alimentation forcée obligatoire risquerait
d'être considéré comme une grave atteinte à la
liberté d'appréciation des médecins dans l'administration
des soins, liberté à laquelle le corps médical est
particulièrement attaché. Il est peu probable que celui-ci se
soumette facilement à la nouvelle législation envisagée et
il est vraisemblable qu'il pourrait trouver de bonnes raisons
thérapeutiques ou autres pour ne pas appliquer la loi dans de nombreux
cas »2157(*).
Le ministère de la Justice intervient alors dans la
conduite des médecins de manière plus indirecte par
l'intermédiaire de son nouveau Médecin-inspecteur qui tente
d'infléchir le débat médical. En effet si tous les
médecins s'accordent sur l'idée que faire cesser la grève
de la faim demeure leur principal objectif, d'abord par la persuasion puis en
dernier recours par l'usage de la force2158(*), la question du moment de cette intervention
fait débat. La position la plus respectueuse du consentement du patient,
c'est à lorsque l'individu tombe dans le coma, est consacrée par
la « convention de Tokyo » adoptée par
l'Assemblée médicale mondiale en octobre 19752159(*). Cette position, qui
revient à rendre possible l'utilisation des grèves de la faim
comme moyen de pression, est contestée par la Chancellerie alors
même qu'un détenu décède pour la première
fois en France du fait de sa grève de la faim (LM, 16/03/1976).
L'Administration pénitentiaire envisage alors de faire
signer un contrat à tous les praticiens les engageant à recourir
à l'alimentation forcée « dès lors que le
détenu présentera des troubles métaboliques même
s'il n'a pas perdu conscience »2160(*). Le ministère
de la Justice défend cette position interventionniste à partir de
l'idée que l'objectif du médecin serait
d'« éviter les accidents graves et en particulier
l'encéphalopathie carentielle dont les conséquences peuvent
être mortelles ou laisser des séquelles
irréversibles »2161(*). Cette définition plus large de
l'intervention du médecin est, d'autre part, défendue par Solange
Troisier, notamment lors du congrès de 1978 : « Souvent
le détenu n'est amené en réanimation qu'en état de
coma. Je me demande si c'est la bonne attitude à avoir, s'il ne faudrait
pas agir plus tôt »2162(*). C'est toujours au nom de la protection du
détenu qu'elle théorise le rôle coercitif du
médecin : « Si nous imposons un acte médical (si
la santé du détenu l'exige), c'est pour donner un moyen au
détenu qui ne veut pas perdre la face devant ses codétenus de
cesser la grève de la faim » (LM, 15/01/1981).
Face à l'écart entre la position adoptée
par les médecins français et la convention internationale de
Tokyo, l'Académie de médecine interpelle en 1977 le garde des
Sceaux sur « ce que doit être la conduite du médecin
devant une personne saine d'esprit faisant la grève de la
faim ». Elle lui remet un rapport issu d'un groupe de travail
dirigé par Robert Merger qui critique vivement la position du
Médecin-inspecteur de l'Administration pénitentiaire :
« Solange Troisier a cette particularité de se
placer au-dessus des tendances professionnelles [...] Elle [a] le devoir
d'alimenter le gréviste par perfusions dès que sa conscience
s'est assoupie [...] Comment admettre qu'une personne, parce quelle n'a plus sa
conscience, donnerait son consentement alors qu'elle l'a constamment
refusé auparavant ?»2163(*).
A contre-courant des déclarations où elle
prétend respecter la volonté du patient, l'attitude du
Médecin-inspecteur semble motivée par des considérations
d'ordre pénitentiaires, voire politiques, comme elle l'écrit
elle-même au sujet de la transfusion effectuée à un
détenu contre son gré : « Il était minuit
et le garde des Sceaux avait reçu d'innombrables coups de
téléphone de personnalités pour que
j'intervienne »2164(*). L'attitude de Solange Troisier est l'objet de
nombreuses critiques, notamment de la part de journalistes médicaux tels
que Claudine Escoffier-Lambiotte, Jean-Yves Nau ou Anne-Marie Casteret.
Une polémique éclate en 1981 après que
six autonomistes corses devant comparaître devant la cour de
sûreté de l'Etat aient été transférés
à Fresnes où « l'administration pénitentiaire a
décidé de placer ceux dont l'état de santé est le
plus préoccupant sous perfusion, contre leur volonté, et de leur
administrer des soins intensifs »2165(*). Deux
grévistes portent alors plainte contre les services de santé de
l'Administration pénitentiaire et dénoncent à la presse
« les pressions morales les plus insidieuses, les contraintes, les
perfusions effectuées de force, l'intransigeance de l'administration
médico-pénitentiaire » exercées à leur
encontre (LM, 10/01/1981). Alors que les détenus annoncent la
fin de leur grève (LM, 16/01/1981), la polémique quant
au rôle des services médicaux lors des grèves de la faim
est relancée par la publication d'une interview du Dr Daniel Forget,
médecin-chef de l'hôpital des prisons de Fresnes, par Le
Parisien, puis reprise par le magazine médical
Tonus, où il déclare s'être
« désolidarisé » de la décision de
Solange Troisier d'alimenter de force les grévistes2166(*).
Cet événement marque le point de départ
d'une polémique quant au rôle des praticiens pénitentiaires
confrontés à une grève de la faim, favorisée par
les grèves fortement médiatisées de Bobby Sands en Irlande
et de Sigdur Debus en Allemagne. Alors que le Conseil de l'Ordre marque une
certaine approbation2167(*), certains journalistes médicaux
s'attaquent à Solange Troisier, dont selon Jean-Yves Nau les
« positions en la matière ne sont d'ailleurs un mystère
pour personne » (LM, 15/01/1981). Ces journalistes
s'accordent notamment pour critiquer l'interprétation que le
Médecin-inspecteur donne de la déontologie médicale
appliquée au milieu carcéral :
« "Une décision
-répète-elle - qui a été prise dans le respect du
Code de déontologie". Mais de quelle déontologie
parle-t-on ? [...] Car le Code est flou. Son article 7
précise : "La volonté du malade doit être
respectée dans toute la mesure du possible". De quoi laisser le champ
libre à toutes les interprétations. A celle du Dr Forget qui y
voit une incitation au respect de l'autre, à celle de l'administration
pénitentiaire qui y voit une invite à l'intervention. La
liberté du médecin est décidemment une notion hybride. La
machine judiciaire, tel un ordinateur, digère savamment les principes
naïfs de la déontologie pour les programmer à sa guise dans
le "code" choisi »2168(*).
Cette indétermination résulte selon le
Dr Escoffier-Lambiotte « de contradictions maladroitement
entretenues par les milieux judiciaires »2169(*). Une autre
journaliste médicale, Anne-Marie Casteret, regrette également
l'interprétation qui est faite par les médecins
pénitentiaires de la réglementation en vigueur :
« Il parait, en effet, que l'attitude médicale n'est pas
clairement établie et que, pour le moment, les médecins de
l'hôpital des prison "naviguent à vue" entre l'article 7 du Code
de déontologie, l'article 63 du Code pénal de non-assistance
à personne en danger, et l'article D.390 du CPP [...] Mettre en
contradiction des trois articles, n'est ce pas une position un peu facile,
permettant toutes les interprétations... et tous les
abus ? [...] Peut-on en toute bonne, foi, estimer qu'un bilan
biologique ou une perfusion exécutés sous contention soient des
actes qui puissent être qualifiés de
thérapeutiques ? »2170(*).
Pour la première fois, des journalistes mettent en
avant la violence faite à certains détenus au nom de la
déontologie médicale. Anne-Marie Casteret cite ainsi les extraits
d'une lettre d'un détenu ayant été perfusé contre
son gré2171(*). Au final se pose la question de l'autonomie
de la médecine pénitentiaire à l'égard de son
autorité de tutelle. Jean-Yves Nau interprète ainsi le
démenti apporté par le Dr Forget (qui précise le lendemain
de son interview que « le refus, par un gréviste de la faim,
d'un bilan biologique ou d'une thérapeutique médicalement
justifiée par une altération de son état clinique et
métabolique justifie le recours éventuel à la
contrainte »), comme une marque de pression de la part des
« autorités hiérarchiques » : « Y
a-t-il plus belle image d'une médecine au service de la
Justice ?»2172(*). C'est également dans le sens d'une
plus grande autonomie des services médicaux pénitentiaires que
Louis René, président de la section d'éthique du Conseil
national de l'Ordre, écrit que « ce n'est jamais en raison
d'une injonction de l'administration pénitentiaire que le médecin
prend sa décision ; il s'y résout dans sa conscience de
médecin »2173(*). C'est ce rôle de la médecine
pénitentiaire qu'interroge un psychiatre dans un article où la
position de Solange Troisier est présentée comme « le
triomphe de la tradition » :
« Le rôle du médecin est toujours
défini comme devant faire cesser la grève et si possible, ce que
le Dr Troisier se vente d'avoir en partie réussie, d'empêcher leur
survenue. Quelle belle chose que la prévention lorsqu'elle vise à
normaliser les individus et à les adapter à l'institution ! [...]
Dans le cadre déterminé du contrôle social, elle tient bien
à se différencier de l'Administration pénitentiaire pour,
bien sûr, participer à la même politique : faire cesser
les grèves de la faim par des moyens allant de la persuasion à la
coercition, mais en toute indépendance »2174(*).
Parce qu'elles confrontent les praticiens à des
injonctions contradictoires (respecter la volonté du patient ou la
demande de l'Administration qui les rémunère), les grèves
de la faim sont des moments importants de mise à l'épreuve de la
déontologie des soignants. Elles permettent de rendre visible les
oppositions entre segments de médecins pénitentiaires,
c'est-à-dire entre ceux pour qui est un auxiliaire de Justice et doit
à ce titre mettre fin à la grève et ceux pour qui le
respect de la volonté du patient prime sur toute autre chose. Les
positions controversées de Solange Troisier en la matière
accentuent durant les années soixante-dix la critique qui est faite de
la médecine pénitentiaire et son assimilation au pouvoir
politique.
ANNEXE 21 : ENTRE OPPORTUNISME ET ADHÉSION
IDÉOLOGIQUE, LA JUSTIFICATION DE LA MÉDECINE
PÉNITENTIAIRE PAR UN INTERNE
Interne à Fleury-Mérogis de 1979 à 1981,
Yvan illustre la position de certains internes adoptant les vues
défendues par le Médecin-inspecteur. Dans sa thèse
dirigée par Solange Troisier, il développe, en effet, une image
du médecin pénitentiaire ayant pleinement intégré
les contraintes propres au milieu carcéral2175(*). Constatant que les
praticiens exerçant en prison doivent « prendre conscience
qu'ils participent de fait, au fonctionnement d'un service public »
et que par conséquent ils doivent connaître « les
obligations vis-à-vis de l'Administration qui les utilise », il
conclut que les différentes tâches administratives, telle que la
rédaction des certificats médicaux, « sont tout
à fait fondées » :
« Il s'avère que le médecin
pénitentiaire a un rôle à tenir dans l'institution
pénitentiaire et qu'il doit tenir compte du milieu dans lequel il
exerce. Car si en tant que médecin nous sommes très
attachés à la notion de médecine libérale [...]
nous ne sommes pas seulement, comme à l'extérieur celui qui
prescrit, mais aussi celui qui dispense des faveurs, celui qui agit comme
médiateur ou celui qui sanctionne »2176(*).
La reprise des principales idées défendues par
Solange Troisier ne peut être interprétée comme le signe
d'une totale adhésion idéologique. Lors de l'entretien, cet
interne explique qu'il suffisait, pour satisfaire sa directrice de
thèse, de citer « à chaque page » ses
idées. Il semble d'ailleurs aujourd'hui dubitatif quant à
l'existence d'une spécificité pénitentiaire qu'il
défendait dans sa thèse : « Mais les
pathologies... les tentatives de suicides, y en a partout. Les coupures aussi.
Les grévistes de la faim, dans le fond. Donc finalement la pathologie
recoupe un peu celle qui... »2177(*). Si cet interne a accepté ce poste
à Fleury-Mérogis, c'est d'ailleurs moins par intérêt
médical que parce qu'il lui permettait de concilier, du fait de l'emploi
du temps, sa passion pour le sport.
Pourtant, outre un certain opportunisme, le positionnement de
ce médecin s'explique également par ses convictions propres. Tout
au long de l'entretien, ce dernier évoque à de nombreuses
reprises l'instrumentalisation dont le médecin serait l'objet de la part
des détenus. En témoigne dans ses propos le registre lexical
récurent de l'(in)vraisemblance. Les toxicomanes appelaient, selon lui,
l'interne « à n'importe quelle heure de la nuit parce que soit
disant ils sont en état de manque ». Certains détenus
sont soupçonnés, pour atténuer leur responsabilité
pénale avant le jugement, de faire « des crises entre
guillemets de démence ». Le praticien, qui évoque le
jour où il avait été appelé « pour un
détenu qui soi-disant n'allait pas bien », semble assez
attentif à ce qu'il considère être de la simulation,
notamment de la part des toxicomanes ou à l'occasion des
« crises d'épilepsie simulées ». Il
était particulièrement attentif, en revanche, aux
« vraies grèves de la faim » dont il était
chargé et qu'il envoyait systématiquement à Fresnes au
bout d'une dizaine de jours pour perfusion. Il distingue d'ailleurs les
« vraies tentatives de suicides », très rares, des
cas où le détenu se « coupait » de
façon superficielle afin d'attirer l'attention : « Alors
j'ai appris... enfin j'aimais bien faire de la couture donc j'en ai
fait ».
Le rôle joué par le personnel de surveillance
travaillant à l'infirmerie en blouse blanche ne semble pas, en outre,
avoir dérangé cet interne : « Non ça
m'avait pas... C'était pas choquant quoi ! ».
Interrogé sur les possibles atteintes au secret que cela pouvait
entraîner, il estime qu'« il n'y pas eu de violation du secret
médical à Fleury », avant d'ajouter :
« Je pense que si un détenu, enfin à l'époque
ça commençait à peine, a le sida, je pense qu'il vaut
mieux que tout le monde le sache. S'il est tuberculeux aussi ». La
pratique de la « fiole » l'a certes « un peu
étonné » à son arrivée mais cela
était, à ses yeux sans conséquences sur les
médicaments distribués « car quand vous l'avalez de
toute façon il se passe la même chose dans
l'estomac... ». Yvan évoque surtout à de nombreuses
reprises les problèmes causés par les détenus.
« Les toxicos étaient vraiment emmerdants à
gérer parce que eux ils vous appellent n'importe quel jour ».
Les « politiques », auxquels de nombreuses faveurs sont
accordés, sont également « un peu emmerdants à
gérer ». Les grévistes de la faim « prennent
quand même un peu en otage » le médecin et
l'Administration, « sachant que d'après ce que je savais ils
arrivaient toujours à obtenir quelque chose du juge. C'était
quand même un moyen de pression ». Les annotations du cahier de
transmission entre les gardes (« J'ai été
emmerdé à trois heures du matin par tel
détenu » ; « Fais attention à tel
détenu parce qu'il réclame systématiquement cela. Je l'ai
vu, il n'a rien ») étaient d'ailleurs selon lui utiles, face
aux détenus les plus demandeurs, afin de ne pas être trop
dérangé d'urgence la nuit : « Des fois on pouvait
s'arranger uniquement avec des appels. Notamment quand le détenu avait
déjà fait parler de lui, on pouvait dire [au surveillant] :
"Bon ben regardez, mon confrère est venu et il n'a rien" ».
Mis à part les « coupures », cet interne regrette
surtout les cas de crise où il était appelé à
intervenir :
« Les seules choses qui étaient un peu
fortes, c'était quand un détenu qui faisait, entre guillemets,
une crise de démence et qu'ils étaient... Donc on était
appelé parce qu'il avait tout cassé ou qu'il voulait tout casser.
Et c'étaient souvent des malabars. Les gardiens essayaient de le
maîtriser. Et il fallait qu'on arrive à lui faire avaler un
comprimé et quand c'était pas le cas, lui piquer la fesse pour le
détendre. Mais, moi, j'ai jamais eu de problèmes avec les
détenus ».
La mise en avant de relations cordiales avec les
détenus contraste avec la scène de violence décrite
auparavant et plus généralement avec les nombreux jugements
péjoratifs portés à l'encontre des détenus. Car
outre le « stress », c'est surtout la progressive
intolérance qu'il développe au milieu carcéral qui
l'amène à vouloir arrêter : « J'ai
commencé avec ce côté : "Ces pauvres prisonniers". Et
puis au bout de deux ans, vous vous dites que ce ne sont quand même pas
des anges ». Considérant que « la prison a valeur
d'exemple » il est surpris, notamment chez les jeunes
délinquants, de constater que certains « étaient
là comme des poissons dans l'eau ! » : « Et
puis je me suis rendu compte que certains étaient peut-être mieux
là qu'ailleurs quoi ! Je veux pas faire de politique ... Mais
logés, nourris, blanchis ». Comparant les détenus avec
la misère existante à l'extérieur, il estime que les
détenus « sont finalement dans une structure meilleure que
certains en France ». Yvan semble d'ailleurs avoir été
un jour choqué de voir les détenus regroupés dans une
salle pour un concert de pop : « Y avait une ambiance du fou de
dieu. C'était à la fois irréel et à la fois... Bon,
tant mieux ! Il faut bien les occuper... ».
Si cet interne acceptait que sa pratique médicale soit
soumise à certaines contraintes administratives, c'est ainsi tout autant
par opportunisme que par adhésion idéologique. Le jugement assez
positif porté sur la qualité des soins à l'époque,
n'est-il ainsi pas à mettre en lien avec ses observations quant aux
particularités de la population carcérale ?
« Vous avez quand même une population
très hétérogène. Mais une population... Il n'y a
pas que des intellectuels... Vous avez énormément de populations
immigrées, mais alors énormément. Bon, ils ne comptent pas
immigrés par ce qu'ils ont la carte d'identité
française... Mais moi, l'image que je me rappelle, ce sont des cours de
promenade où j'avais l'impression d'être au Maghreb ou en Afrique
noire. C'est l'image qui m'est restée. Alors ne me faites pas dire qu'il
n'y avait pas de blancs ! ».
ANNEXE 22 : DE LA CURIOSITÉ À LA
RÉVOLTE, PARCOURS D'UN INTERNE LYONNAIS
Beaucoup de praticiens exerçant en milieu
carcéral éprouvent un malaise vis-à-vis de certaines de
leurs fonctions. Très peu contestent cependant de manière
radicale l'autorité pénitentiaire. Les démissions
enregistrées durant les années soixante-dix sont par exemple,
pour la plupart, motivées par des considérations d'ordre
matérielle ou personnelle (déménagement, charge de
travail, etc.). Les contraintes structurelles (faible
rémunération, temps limité, etc.) favorise, comme il a
été noté, une certaine « apathie ».
Font néanmoins exception à cette règle les internes plus
prompts à démissionner pour raison de conscience professionnelle.
C'est par exemple le cas de cet autre interne travaillant
à Fresnes depuis le 1er juillet 1977 et qui justifie son
départ quelques mois plus tard par « l'impossibilité de
[s]'adapter au milieu carcéral et à la médecine que l'on
tente d'y exercer »2178(*) ou encore d'un autre interne de Fresnes qui
après avoir annoncé sa démission expose une affiche dans
la salle de garde appelant les autres internes à s'organiser
« collectivement »2179(*). Bien que spécifique, le cas de cet
interne ayant exercé un an à la M.A de Lyon, reconstitué
à partir de sa thèse de médecine, témoigne de la
difficulté pour certains jeunes médecins à accepter
l'identité professionnelle qui leur est assignée :
« Je suis entré dans la prison Saint-Paul, poussé par
les nécessités du choix de fin d'étude et aussi
fasciné par ce monde. Une fois installé, je suis passé de
la fascination à l'intérêt, de l'intérêt
à la révolte et de la révolte à la
réflexion. Cette thèse est le reflet de cette
démarche »2180(*).
Ce médecin n'entend pas dénoncer les conditions
matérielles dans lesquelles sont soignés les détenus qui
s'apparentent, selon lui, à celles d'un dispensaire de
ville2181(*) : une scopie, un ECG permettent
d'effectuer les diagnostics, des consultations de spécialistes ont lieu
régulièrement, « tous les médicaments
essentiels » sont à disposition, quelques lits d'infirmerie
permettent d'accorder le repos aux malades chroniques tandis que les
détenus les plus souffrants sont hospitalisés au service pour
détenu de l'Antiquaille. Enfin, les conditions de consultation sont
décrites comme convenables puisque le colloque singulier a lieu dans un
bureau propre au service médical : « L'exercice de la
médecine à la Maison d'arrêt de Saint-Paul est donc
directement comparable à l'exercice de la médecine pour des
patients libres [...] La situation matérielle des médecins [...]
est semblable à la situation de n'importe quel médecin. Il n'est
plus limité dans ses possibilités à la distribution du
cachet d'aspirine » (p.13). C'est par conséquent uniquement le
rôle conféré au praticien que critique
sévèrement cet interne. Celui-ci serait chargé, selon lui,
d'appréhender sous la forme de symptômes et de traduire dans des
termes médicaux une souffrance (le « mal vivre »)
que les praticiens refuseraient, par commodité, de prendre en
considération autrement que par le médicament :
« Pour le médecin des prisons, il est
éprouvant d'écouter ce discours car il ne peut conduire
qu'à une critique et une remise en cause de l'enfermement ;
position difficile lorsqu'on est seul face au pouvoir administratif.
Démarche qui explique beaucoup de choses : les consultations
rapides, où le détenu n'a pas même le temps de parler, car
pour le médecin ce discours est dangereux [...] A ce discours profond
où il est question de la désagrégation lente d'un individu
la médecine oppose une fin de non recevoir [...] Les maux de tête
qui surviennent le soir, l'insomnie qui vient lorsque "l'on pense trop",
l'estomac qui souffre chaque fois que la porte s'ouvre et les malaises que l'on
prend juste après le parloir avec sa femme, tout cela est codé,
censuré, pour rentrer dans la nosographie médicale [...] Ce que
l'autre exprime en souffrance n'est pas entendu. Il n'y a pas de place dans le
discours médical pour les raisons qui font que quelqu'un ne peut plus
dormir » (pp.25-26).
La forme extrême de cette mise à l'écart
de la souffrance des détenus serait incarnée, selon cet interne,
par le rejet des « simulateurs » dont le
« dépistage » s'apparente à une forme
d'« élimination ». Si la plupart des praticiens
témoignent, notamment lors des congrès, tant de «
zèle » à en assurer le repérage c'est, selon
lui, parce qu'en bafouant les règles de la nosographie médicale
« cet homme est dangereux pour le médecin » (p.27).
Vincent Bethmont cite comme exemple le cas d'un jeune détenu
traité pour des lombalgies intenses qu'il aperçoit jouer à
saute-mouton dans la cour : « Le lendemain, il revient en
consultation, et exhibe son dos douloureux, que je lui dis ne pas vouloir
examiner, ce qu'il prend très mal, et brutalement il vomit tout. La
justice, la famille qui l'abandonne, la cellule où il étouffe,
les nuits trop silencieuses, le besoin de sortir, de voir du monde, d'aller
à l'infirmerie se promener... Depuis il n'a plus reparlé de son
dos » (p.28).
A l'encontre d'une médecine trop technique, cet interne
défend la valeur thérapeutique de la relation que le praticien
peut nouer avec son patient : la main qui palpe « prend valeur
de relation » ; la poigné de main qui salue devient
médicament. En feignant de pratiquer une médecine identique
à celle qui serait exercée à l'extérieur, le
praticien justifierait la détention qui, malgré ses effets
« pathogènes », doit demeurer
« aseptisée » : « Ce qui m'a mis mal
à l'aise c'est que celui qui est responsable des méfaits de
l'enfermement est absent dans les lieux ou s'exprime le détenu, ou
plutôt que le médecin est vraiment placé entre l'oppresseur
et l'opprimé pour éviter à celui qui a le pouvoir de
répondre de ce qu'il crée » (p.34). Les visites
bihebdomadaires que le praticien est tenu d'effectuer au quartier disciplinaire
sont, écrit Vincent Bethmont, symptomatique de l'utilité de la
médecine pour l'Administration : « La médecine
doit prévenir la mort » (p.42). Cette charge est ressentie par
ce jeune interne avec une violence particulièrement forte :
« Il [le médecin] ne peut que constater
que tous subissent une lente désagrégation [...] Certains n'en
sortent pas indemnes et passent parfois directement des isolés au
service psychiatrique, totalement dépersonnalisés, ailleurs [...]
On ne peut passer sous silence et ne pas discuter du rôle que joue la
médecine dans cette situation [...] Il me fallait signer qu'ils
supportaient cela ? Alors que j'étais intimement persuadé du
contraire. Pourquoi la médecine se donne-t-elle le droit de se taire sur
les exagérations du pouvoir ? Il y a dans ces moments une
véritable démonstration des relations entre les deux ordres qui
règnent en prison : l'ordre judiciaire et l'ordre médical.
Le deuxième soutenant et cautionnant le premier [...] Autrement dit le
pouvoir peut créer n'importe quel type d'enfermement, du moment qu'il
existe un médecin pour assurer que c'est dans les limites du
"supportable". A l'extrême cela ressemble aux séances de torture
où le médecin intervient pour remonter un peu le torturé
et assurer que la séance peut continuer » (p.45).
Les mauvaises conditions de détention et leur effet
« pathogène » sur la santé des détenus
serait un autre exemple de la caution apportée par la médecine
à l'Administration pénitentiaire. Troubles visuels, constipation
aigüe, claustrophobie et crises d'étouffement sont autant de
symptômes liés à l'incarcération que le
médecin est pourtant chargé de relever lors de sa visite.
« Dans l'univers carcéral la médecine fixe une fois de
plus les normes du supportable [...] De "science" destinée à
permettre un mieux-être à chaque individu, elle devient "science"
permettant de définir une norme minimale, dans la mesure où elle
cautionne ce qu'offre l'administration aux détenus », remarque
cet interne (pp.51-52). Le pouvoir et la charge conférés au
médecin traduisent, selon lui, une
« médicalisation » croissante de la vie
carcérale : « La confrontation du médecin et du
détenu risque de n'aboutir qu'à la création d'un plus
grand nombre de "malades" » (p.61).
La réaction adoptée par l'Administration
pénitentiaire en cas de tentative de suicide témoignerait de
cette médicalisation. Tandis que « les véritables
interpellés sont la Justice et l'administration
pénitentiaire », la médecine a pour fonction
« la canalisation du désir d'expression » :
« Le placement du suicidant sous l'autorité médicale
permet à celui à qui s'adresse le détenu de se boucher les
oreilles » (p.69). Notons que cette critique radicale
s'intègre chez cet interne dans une remise en cause plus globale du
rôle social de la médecine : « Le monde
pénitentiaire fait l'effet d'une loupe, les rôles de la
médecine y apparaissent clairement » (p.73). La
difficulté à prendre en compte la souffrance des patients est,
selon cet interne, la même à l'extérieur où
« il n'est pas sûr, non plus, que le médecin
généraliste qui distribue anxiolytiques antidépresseurs et
arrêts de travail sans écouter l'autre, l'aide
beaucoup » (p.27). Le médecin du travail se
« tait » d'ailleurs comme le fait le médecin en
prison. De même que le praticien cautionne l'isolement,
l'« hygiéniste avalise les "cages à poule" construites
en guise de logement » (p.52). En prison comme ailleurs, la
médecine se réduit trop souvent, dénonce cet interne,
à la prescription de « normes » :
« Qu'il s'agisse de normes esthétiques
pour le corps humain, qui fait que celui qui a un nez tordu peut avoir recours
à la chirurgie esthétique, ou de norme concernant l'habillement,
le port de chaussures à talons. N'est ce pas elle aussi qui
décide quand quelqu'un est trop gros et lui fait vivre un enfer pour lui
faire retrouver une taille normale ? En prison, une fois de plus tout se
grossit. La norme est encore plus rigide, plus triste, et le rôle
normalisateur et extincteur de la médecine ne se cache pas, il
s'écrit noir sur blanc sous forme de certificat [...] Le cas du
dissident soviétique qui devient un "fou" n'est que la caricature de ce
qui se passe chez nous [....] Il ne s'agit pas d'un "laisser-aller" de la
médecine, il ne s'agit que d'une de ses possibles
applications » (p.66).
Bien qu'on ne puisse les rapprocher de caractéristiques
sociales, faute de connaître les éléments biographiques,
ces réflexions attestent du regard critique portées par certains
internes sur le rôle social conféré à la
médecine en prison. Elles traduisent l'existence de lignes de fractures
au sein des praticiens exerçant en milieu carcéral qui ne forment
pas un groupe professionnel homogène, ces divisions rendant
problèmatique toute définition d'une spécialité
médicale.
ANNEXE 23 : LA STRATÉGIE DÉNONCIATRICE DE
LIBÉRATION : LE CAS « MICHEL HENGE »
En retraçant la polémique entourant le
décès d'un détenu dans les colonnes de
Libération, on souhaite ici montrer le rôle que le
journal fondé par Sartre a exercé dans la dénonciation de
la médecine pénitentiaire mais aussi les limites de cette
dénonciation.
En mai 1974, Libération rapporte la situation
d'un prévenu incarcéré à Fleury, Michel Henge,
souffrant de troubles cardiaques graves mais qui ne
bénéficieraient pas de soins adéquats en dépit de
ses diverses demandes2182(*). Malgré les avis médicaux
extérieurs attestant l'urgence d'une opération, le
médecin-chef de Fleury-Mérogis se serait opposé à
plusieurs reprises à son hospitalisation. Plus qu'une faute
professionnelle, Libération voit dans ce refus une
décision d'ordre « politique » : « Michel
Henge n'est pas un détenu comme les autres. Il savait et était
prêt à en témoigner que Patrick Mirval avait
été étranglé. Enfin, il était le voisin,
à l'infirmerie de Fleury-Mérogis, de Gilles Delhothal lorsque
celui-ci agonisait [...] Quelle tentation de faire disparaître un
témoin aussi gênant et aussi résolu ». Michel
Henge aurait assisté selon Libération
« à l'agonie de Gilles Delothal », un
détenu mort un mois auparavant, officiellement d'une hémorragie
cérébrale, et qu'un médecin de Fleury-Mérogis
aurait refusé d'aider (LM, 24/05/1974).
Après la publication d'un nouvel article dans
Libération2183(*), les internes de Fleury-Mérogis font
parvenir une lettre démentant ces accusations et que le journal
publie2184(*). Dans ce courrier non signé, les
internes démentent la plupart des affirmations concernant la mort de
Gilles Delhotal « dans les limites de ce qui leur est autorisé
par l'article 378 du Code pénal [régissant le secret
professionnel] ». Ils regrettent d'autre part « le
discrédit [...] ainsi jeté sur le personnel d'une
administration » et que « sur de tels sujets
Libération écrive n'importe quoi, pourvu que cela soit
contre la Prison ». Quelques jours plus tard, le journal
présente ses excuses envers le médecin mis en cause et publie,
d'autre part, une réponse aux internes. Au-delà du cas de Michel
Hengé, dont il est assez peu question, l'article dénonce
l'attitude des internes, accusés de se retrancher derrière
« le refuge que constitue l'article 378 du Code
pénal » : « Est-ce que l'article 378 est plus
important que la "non-assistance de personne en danger de mort"? Si oui, cela
signifie que le fric à venir est plus important que la vie de malades et
nous saurons un peu mieux encore ce qu'est la médecine
pénitentiaire, telle que la conçoivent ceux qui la
pratiquent »2185(*). Le quotidien reproche aux internes, et plus
largement à la médecine pénitentiaire, le rapport de
collusion qu'ils entretiennent avec l'Administration
pénitentiaire :
« Que les internes de la "prison modèle"
fassent leur travail, rien ne nous permet de le mettre en doute actuellement.
Mais ils ne font que leur travail, et c'est grave [...] Vous regrettez que soit
discrédité "le personnel d'une administration". Vous la
cautionnez donc, depuis les petites brimades jusqu'aux meurtres. Nous ne
l'oublierons pas » (Libération).
Pour répondre aux accusations de « mauvais
journalisme » des internes, Libération publie le
lendemain une lettre de l'association de détenus de
Fleury-Mérogis, CO RE IN (Comité de résistance interne),
témoignant de l'organisation des soins2186(*). En réaction
à la « lettre où des médecins prônent une
certaine autosatisfaction abjecte », l'association formule une liste
de quinze reproches à l'encontre des médecins
pénitentiaires qui « ne soignent pas des êtres humains
mais des détenus ». Le principal grief formulé
aux praticiens est la connivence entretenue avec l'Administration
pénitentiaire. C'est ainsi qu'on peut lire :
« Vis-à-vis de la pénitentiaire ils n'ont qu'un
devoir : lui obéir » ; « Ces messieurs, en
accord avec l'administration, matraquent les détenus à coup de
calmants » ; « C'est eux qui décident de la
contention ("camisole de force" pour les nerveux) » ;
« Face aux accidents du travail répétés en
raison de l'ignorance totale des règles de sécurité,
jamais ils n'ont montré leur désaccord » ;
« Ils apposent leur signature sur les listes des repas alors que
ceux-ci sont inacceptables en quantité et en
qualité » ; « Jamais on ne les a entendus
dénoncer les matraquages incessants et les meurtres commis ».
Le second type de grief serait le manque de
considération dont les médecins font preuve à
l'égard des détenus : « Tous les consultants sont
à leurs yeux des voyous » ; « Seuls les
blessés graves ont un petit intérêt. Les autres font du
"cinéma" comme ils disent » ; « Jamais ils
n'ont de gentillesse devant les cas de détresse (un peu de
pitié parfois) » ; « La
médecine est raciste à l'égard des Algériens
(mépris, mauvais soins...) » ; « La nuit il est
quasiment impossible d'avoir des soins malgré une permanence
obligatoire » ; « Les grévistes de la faim sont
délaissés jusqu'au 7ème jour » ;
« En dehors d'une signature en bas d'une "feuille de suicide" ils ne
font pas grand chose alors qu'ils n'ignorent pas le dépérissement
de l'individu en raison de l'isolement ».
Enfin, le troisième type de grief est le peu
d'attention portée aux soins qui transparaissait également, mais
de manière moins explicite, dans les autres critiques :
« Les infirmières distribuent des cachets sans aucune
consultation médicale » ; « Les soins dentaires
sont exécutés de façon ignoble sans hygiène
élémentaire ».
Subordonnée, méprisante et incompétente,
la description qui est faite de la médecine pénitentiaire est
sans appel. Face au manque de considération dont ils seraient l'objet,
les détenus précisent que « la médecine est bien
heureuse de trouver des donneurs de sang dans les prisons ».
La dénonciation du décès Michel Henge est
dans un dernier temps l'oeuvre d'un médecin acceptant de
témoigner de façon anonyme. Ses propos permettent, selon le
journal, « d'avoir une idée encore plus précise de ce que
l'on ose appeler "la médecine
pénitentiaire" »2187(*). Il met notamment en cause les internes,
accusés « de faire du ramping » devant le
médecin-chef, mais surtout le Médecin-inspecteur accusée
d'avoir « couvert » la décision de ne pas soigner
Michel Henge, ce dont attestent les expressions « valets de
Troisier » ou « Troisier et ses boys ».
Le cas de Michel Henge est exemplaire de la posture
dénonciatrice adoptée par Libération à
l'égard de l'organisation des soins en prison qui se fait ainsi
fréquemment le relais des propos de détenus. Le journal
fondé par Sartre y voit même une « affaire ».
Pourtant, ces critiques demeurent dans les seules colonnes de ce journal, aucun
autre média ne faisant référence au décès de
ce détenu qui ne peut ainsi se transformer en
« affaire ». Ceci aurait supposé que l'information
soit reprise, multipliée, amplifiée. Si ce ne fut pas le cas,
c'est peut-être parce que Libération apparaît alors
trop politisé pour que cette information soit jugée suffisamment
crédible par les autres journalistes concernant un secteur où
tout recoupement apparaît difficile.
ANNEXE 24 : ENTRE CRITIQUE RADICALE ET RÉFORME
PRAGMATIQUE, LE SYNDICAT DE LA MAGISTRATURE FACE À LA QUESTION
PÉNITENTIAIRE
La création du Syndicat de la magistrature (SM), le 8
juin 1968, doit être recontextualisée dans les transformations qui
affectent le secteur judiciaire depuis la fin des années cinquante. La
prééminence de l'exécutif que consacre la
Vème République, et la dévalorisation du
pouvoir législatif, que symbolise le recours accru aux
règlements, sont tout d'abord perçues par la magistrature comme
les signes d'une « justice conjoncturelle »2188(*). Certains magistrats
refusent, en second lieu, les résistances administratives
opposées à leur action, et ce, alors même qu'on assiste
à un accroissement des domaines d'intervention du juge. Le Juge
d'application des peines (JAP), institué en 1958, illustre la
contradiction entre le rôle social conféré aux magistrats
et la difficulté à faire valoir leur autorité. En
témoigne l'un des fondateurs du SM : « Le magistrat
débutant des années 1967-1970 découvre ainsi avec
ahurissement [...] que les affaires de violence lorsqu'elles concernent des
policiers ou du personnel pénitentiaire débouchent rarement,
même lorsque les violences ont été constatées par un
juge, et que ce juge a pu personnellement en informer les directeurs des
affaires criminelles et de l'administration pénitentiaire ainsi que le
ministre lui-même »2189(*). « Le juge de l'application des
peines serait un intrus dans le monde fermé des prisons »,
écrit un conseiller à la Cour de cassation dans la revue du
SM2190(*).
La « crise de la magistrature », selon
l'expression de Jean-Pierre Mounier, s'expliquerait également,
troisième facteur, par la nouvelle position des magistrats dans la
structure sociale. A une magistrature de propriétaires et de rentiers
succède une magistrature de cadres issus de la fonction publique. La
longueur des carrières et la faiblesse des rémunérations
se traduisent par une « crise de recrutement » et une
interrogation éthique, propice aux remises en cause :
« Un corps dont la cohésion était faite de certitudes
immuables fait place à un groupe professionnel qui s'interroge, se
scinde et connaît des oppositions internes. On passe progressivement d'un
corps judiciaire à un secteur judiciaire »2191(*).
S'il recrute beaucoup de ses adhérents sur les bancs de
l'Ecole nationale de la magistrature, le syndicat compte également de
nombreux magistrats aux carrières bloquées ou
dévalorisées et désireux de contester la hiérarchie
du corps judiciaire2192(*). Tandis que les gardiens de l'orthodoxie
tentent au sein de l'Union fédérale des magistrats (UFM) de
mettre fin à la dégradation sociale et économique de la
magistrature, d'autres proposent de remettre en cause les fondements de l'ordre
judiciaire. Issus pour beaucoup de familles de magistrats refusant
l'allégeance de la magistrature au pouvoir politique, que symbolisent le
régime de Vichy ou la guerre d'Algérie, les fondateurs du SM,
parmi lesquels Dominique Charvet, Louis Joinet, Pierre Lyon-Caen et Claude
Parodi, défendent de nouveaux standards de définition de la
profession : « Nous pouvons nous demander si les réflexes
professionnels enseignés jusqu'ici aux magistrats sont encore valables
et s'il n'est pas temps pour eux d'en changer et d'adopter une nouvelle
éthique » (Justice, 09/1969). En rupture avec l'UFM,
le SM défend une conception politique de la Justice, plus proche des
justiciables : « Le juge n'est pas neutre. Sa décision
n'est pas dépourvue de tout engagement, c'est au contraire un acte
politique et que nous entendons politiser afin que la politique entre
ouvertement au prétoire »2193(*).
Durant les années soixante-dix, le SM tente de mettre
en application son discours syndical, notamment par la mise en cause publique
des décisions, des normes institutionnelles et du fonctionnement de la
Justice sur de nombreux sujets. Le Syndicat agit alors comme un catalyseur du
fait des liens transversaux qu'il noue entre les divers mouvements
sociaux2194(*). La question pénitentiaire occupe une
place importante au sein du SM. Il en est déjà largement question
lors de la première journée nationale de juin 1970. En 1971, le
Syndicat envoie de nombreux courriers au garde des Sceaux auquel il demande un
statut des droits des détenus. Ecarté des commissions de
réforme installées par René Pleven, le SM consacre
plusieurs réunions aux prisons aussi bien au niveau local que national
« sans toutefois arrêter une position
définitive »2195(*). Il propose, entre autres, le rattachement des
éducateurs au JAP ainsi que la création d'une
« Direction de l'action sociale », autonome de
l'Administration pénitentiaire. Les numéros consacrés au
thème des prisons par la revue Justice témoignent de
l'intérêt du Syndicat pour la question
carcérale2196(*).
L'engagement du SM en faveur de la question carcérale
s'explique par au moins deux raisons. Ce syndicat fut lancé tout d'abord
à l'initiative de jeunes auditeurs de justice qui prennent conscience de
l'état des prisons à la fin des années soixante au cours
de leur stage pénitentiaire : « Dès 1969,
paraissent dans divers journaux des interviews de syndiqués qui exposent
le problème des établissements du ressort de leur juridiction. Un
article paru dans France soir à l'initiative de la section de
Pontoise fait mouche. C'est la colère de la hiérarchie qui
ordonne une enquête et brandit la menace. Il n'est pas question que
s'instaure un débat public sur la prison » (Justice,
n°64, 1978).
Le positionnement du SM en faveur des prisons est, d'autre
part, le fait d'au moins deux de ses membres, François Colcombet et
Etienne Bloch. Le premier, substitut à Lyon, préside le Syndicat
de la magistrature en 1973 et participe activement aux réunions du
GMQP2197(*).
Fils du cofondateur des Annales, le second est juge au TGI de
Sarreguemines. « Profondément marqué par son
expérience de détention à Miranda en 1943 [et
désireux] d'améliorer les conditions de détention des
prisonniers »2198(*), Etienne Bloch décide d'exercer comme
JAP au TGI de Versailles, activité sur laquelle il porte un regard
pessimiste : « A l'intérieur de la prison, le juge de
l'application des peines est un homme seul. Le directeur voit en lui un homme
prêt à lui disputer le pouvoir [...] Comme tout corps
étranger, la structure pénitentiaire tend à
l'expulser [...] L'ambiguïté dramatique des fonctions de juge
de l'application des peines est que chacun attend beaucoup de lui alors qu'il
ne peut pas grand-chose »2199(*). Intéressé par le GIP et l'ADDD,
comme en attestent ses archives personnelles, il participe aux réunions
du GMP à Paris. Son attitude trop militante lui vaut d'être en
forte opposition avec la DAP :
« Et puis finalement, le résultat de tout
cela, c'est que l'Administration... Ils sont pas fous ! Dans ces moments
là, soit ils vous virent... Parce qu'à ce moment là,
c'était l'Administration pénitentiaire qui donnait son accord
pour qu'un juge d'application des peines soit nommé pour trois ans et
donc y avait la possibilité... Et je me rappelle très bien voir
M. Lecorno revenir en disant... Parce qu'au Conseil supérieur de la
magistrature, à l'époque, il n'y avait même pas
d'élus [du SM]... Rien du tout ! Je me rappelle de son expression.
Il est arrivé en disant : « C'est passé comme une
lettre à la poste ! ». On expédie un juge comme
ça. Mais c'est passé comme une lettre à la poste d'autant
plus facilement que Bloch avait cette attitude » 2200(*).
Si l'intérêt des membres du SM pour les prisons
est certain, leur position est néanmoins divergente concernant
l'attitude à adopter à l'égard de l'Administration
pénitentiaire. Certains, tels Yvan Zakine ou Jean Favard,
considèrent que les magistrats doivent participer de l'intérieur
à la transformation de l'institution tandis que d'autres, et notamment
François Colcombet mais surtout Etienne Bloch, craignent que cette
participation fasse perdre aux magistrats leur liberté de parole. On
comprend dans ces conditions que les rares magistrats membres du SM alors en
poste à l'Administration pénitentiaire au début des
années soixante-dix souffrent d'une position peu confortable :
« Je n'étais pas le seul, nous
étions quelques-uns... qui travaillions à l'Administration
pénitentiaire et nous étions un peu suspects d'être un peu
des jaunes, un peu complaisants avec l'Administration pénitentiaire. On
était dedans, on connaissait quelles étaient les
difficultés et donc nous n'étions pas toujours d'accord dans les
débats. On trouvait qu'ils exagéraient un peu. Des motions un peu
trop infondées, etc. Et du coup, on était dans une position
très inconfortable puisque vis-à-vis de la direction on
était des rouges et vis-à-vis des rouges on était des
jaunes ! [Rires] Donc ce ne sont pas des couleurs très
agréables à porter » 2201(*).
La survenue d'un incident lors du congrès de 1972 met
« en lumière la difficulté profonde des syndiqués
à aborder sans angoisse une question pourtant si proche et quotidienne.
Au vaste mouvement de refus du monde pénitentiaire, les juges
allaient-ils ajouter le refus de vouloir parler des prisons, alors qu'ils en
sont les pourvoyeurs ? », s'interroge François
Colcombet2202(*). Le thème des prisons est même
envisagé pour le congrès de 1973 avant d'être finalement
écarté (LM, 22/05/1973). « Trop difficile et
trop risqué pour l'unité », remarque Jean Favard qui
désapprouvait alors fortement la virulence d'Etienne Bloch :
« Lui, il considérait qu'il fallait
détruire la prison, qu'il fallait... Et ho ! Il n'examinait
même pas les dossiers et ses avis pour les libérations
conditionnelles étaient systématiques. Je trouvais ça
exagéré [...] Et c'était pareil pour les permissions de
sortie. Il voulait faire voter une motion au Syndicat disant que le directeur
avait donné des ordres aux juges d'application des peines. Et ho !
C'était quand même pas ça. Bon, il y avait des nuances
à apporter... Moi, je me suis levé, j'ai dit que c'était
pas comme ça que ça c'était
passé »2203(*).
Tandis que Jean Favard défend une autre conception au
sein du Syndicat de la magistrature, Yvan Zakine pour sa part
démissionne du SM, estimant que celui-ci est davantage au service d'un
projet partisan que syndical :
« Comme j'étais déjà sous
Peyrefitte, j'avais été considéré comme suspect.
D'ailleurs, vous aviez un long article du Syndicat de la magistrature qui
faisait le tour du spoil system et qui disait : "Il y en a un, de
l'Education surveillée, qui prend du galon, qui a survécu...".
Parce qu'il se trouve que j'ai fait partie du groupe fondateur du Syndicat de
la magistrature [...] J'ai pris mes distances parce que j'avais une
assemblée générale au cours de laquelle certains avaient
fustigé l'Administration pénitentiaire. Mais on était
encore avec les post soixante-huitards. Donc "il est interdit d'interdire", "la
prison, c'est le bagne". Il y avait eu une motion d'une irresponsabilité
totale. Moi, je n'y étais pas mais j'avais eu écho de
l'intervention de Jean Favard qui avait tenté d'endiguer ce mouvement
anti-pénitentiaire. Parce que c'était un préfet qui
était à la tête de la Pénitentiaire [Christian
Dablanc]. Donc, c'était le diable. Donc, j'ai envoyé une lettre
de démission en disant que je déplorais la motion qui avait
été prise [...] Ça m'avait fait mesurer le danger de
prendre des décisions sans en mesurer la portée. J'ai dit :
"Aujourd'hui, c'est la Pénitentiaire et demain ça sera autre
chose". Autrement dit, cette irresponsabilité dans l'extrémisme
m'a choqué et m'a fait percevoir... [...] Personnellement, ça me
choquait tellement ce gauchisme qui ne disait pas son nom, cet
extrémisme »2204(*).
La question pénitentiaire passe progressivement
à partir de 1975 au second plan, ce que confirme le peu d'articles
consacrés à ce thème dans Justice. C'est
uniquement à la fin des années soixante-dix qu'il redevient
progressivement à l'ordre du jour du SM. « Le silence
prolongé du Syndicat de la magistrature sur la prison ne veut pas dire
qu'il l'a oubliée », prévient alors Etienne
Bloch2205(*).
Avec l'alternance se trouve réactivé avec plus de vigueur le
dilemme auquel sont confrontés tous les professionnels-militants :
est-il préférable de participer à l'institution
critiquée, quitte à perdre sa liberté de parole, ou
vaut-il mieux demeurer spectateur au risque d'être privé de tout
moyen d'action direct ?
ANNEXE 25 : LA POLITIQUE SÉCURITAIRE D'ALAIN
PEYREFITTE ET LA MULTIPLICATION DES PRESSIONS ENVERS LES PROFESSIONNELS
PÉNITENTIAIRES
Les éducateurs travaillant en milieu fermé ont
été, comme cela a été précisé
auparavant, parmi les premiers à se désolidariser de
l'institution carcérale du fait, entre autre, de la culture
protestataire qui marque ce corps professionnel. Leur mécontentement
s'exprime en mars 1977 sous une forme collective lorsque le SNEPAP,
rattaché à la Fédération de l'éducation
nationale (FEN), réclame un statut paritaire avec les membres de
l'Education civile afin de ne plus dépendre du ministère de la
Justice (LM, 4/03/1977). Très minoritaires au sein de
l'Administration pénitentiaire, on en compte alors 80 pour 35.000
détenus, les éducateurs souffrent de conditions de travail
difficiles :
« Maintenus dans une situation marginale,
présents dans très peu d'établissements (une vingtaine sur
180), isolés, les éducateurs demeurent dans les prisons des
intrus, suspectés a priori, incompris [...] On veut les encadrer de
très près en leur imposant une hiérarchie calquée
sur celle des établissements pénitentiaires. Peu à peu, on
fait des comités de probation des instruments de strict contrôle
social d'où l'imagination sera absente. La centralisation est
poussée à l'extrême : toutes les orientations sont
définies au ministère à Paris »2206(*).
Les heurts sont dès lors fréquents entre les
éducateurs et leur autorité de tutelle. A l'automne 1977, cinq
éducateurs de Fleury-Mérogis sont convoqués devant la
commission de discipline pour avoir permis à deux détenus de
correspondre entre eux malgré l'avis défavorable du juge (LM,
29/09/1977). Le jour de leur audition, des membres du SNEPAP, du SM ainsi
que du Syndicat national des instituteurs condamnent lors d'une manifestation
« le refus constant de l'administration de reconnaître aux
éducateurs la place qui leur revient dans l'institution
pénitentiaire » (LM, 8/10/1977). En réponse
à la mutation des quatre éducateurs et au licenciement d'un
autre, les quinze éducateurs de Fleury-Mérogis entament une
grève afin de dénoncer le fonctionnement opaque du conseil de
discipline (Le Matin, 17/10/1977). Au cours d'un forum
« prison et communication », organisé à cette
occasion, et qui réunit des professionnels et des militants de la cause
carcérale, la question du rôle des intervenants est largement
débattue, notamment en matière médicale :
« Le personnel médical et paramédical enfermé
dans les différentes spécialités, sans aucune relation
avec le corps socio-éducatif, demeure complice silencieux de
l'illégalité qui règne dans les prisons
»2207(*). Déterminés à
« transformer la présence passive, complice, non
impliquée des différents intervenants carcéraux, en
présence engagée, lucide et libératrice, par des
solidarités réelles avec les couches populaires dominées
par cet univers de répression », les professionnels
rédigent un appel en faveur d'un nouveau positionnement à
l'égard de l'institution pénitentiaire :
« Nous, éducateurs, avocats, magistrats,
visiteurs de prison, médecins [...] dénonçons
l'institution pénitentiaire, institution de mépris et
d'humiliation, où fait rage l'arbitraire d'une administration qui ne
respecte même pas sa propre légalité, et bafoue les droits
les plus élémentaires de la personne humaine. Nous
dénonçons les atteintes à la communication, les pratiques
d'isolement, les privations affectives aux conséquences dramatiques, les
dizaines de suicides qui en résultent chaque année, et dont
l'administration pénitentiaire porte seule la responsabilité.
Pour briser le secret et l'enfermement de ces institutions de mort, nous,
travailleurs de la Justice et de l'institution pénitentiaire, anciens
détenus et parents et amis de prisonniers, affirmons : le droit
à la communication, droit inaliénable de l'homme, doit être
consacré pour tout détenu »2208(*).
La tension est croissante entre éducateurs et
autorités pénitentiaires, et ce, dans un contexte de durcissement
des conditions de détention. La circulaire du 20 juin 1978 crée
une brigade de sécurité destinée à intervenir dans
les établissements ; la loi du 22 novembre 1978 instaure une
« période de sûreté » et limite les
pouvoirs du JAP. Le service socio-éducatif de Fleury-Mérogis
déclare déplorer en mars 1978 que « le mitard devienne
trop souvent le substitut de l'infirmerie et constater l'absence de toute
structure médicale en cas d'urgence, l'inertie du personnel
médical, voire son incompétence » (Journal des
prisonniers, 04/1978). Les mesures disciplinaires se multiplient :
une éducatrice de Fresnes est mutée « dans
l'intérêt du service » en avril 1978, un
éducateur de Fleury-Mérogis connaît le même sort en
juin 1978 tandis qu'un éducateur est menacé d'exclusion en
octobre 1979 (LM, 19/10/1979).
La répétition d'événements
similaires amène la presse à poser la question de la place des
éducateurs en détention. « Sept sanctions pour un
effectif total de quatre-vingt éducateurs [...] voilà qui
pourrait bien dépasser le cadre des simples conflits de personnes
auxquels certains aimeraient ramener l'affaire », observe le
Monde2209(*).
Décrivant leurs difficiles conditions de travail, le journaliste
constate que « la tâche dont on voudrait parfois les charger,
consistant à "adapter" le détenu à la prison est
rejetée par tous ». « Il est donc maintenant clair
que l'éducateur de prison, comme le médecin, le psychiatre, le
psychologue, le Valium, les promesses de carottes et les menaces de
bâton, sont au service du pouvoir absolu de la direction de la prison
», affirme un communiqué du C.A.P (Journal des
prisonniers, 10/11/1977). « On voudrait nous cantonner dans un
rôle de gardiennage ou d'intermédiaire entre les détenus et
leurs avocats [...] On anéantit totalement la personnalité du
détenu », déclarent Philipe Pottier et Patrick Frison
de Fleury dans Libération qui publie à l'occasion
l'extrait d'un rapport établi par un chef de bâtiment sur un
éducateur sanctionné :
« D'une manière générale,
je crois que M. Sanson ne soit incapable d'accepter l'institution et ses
règles, il semble vouloir s'opposer systématiquement pour ne pas
dire cyniquement. Peut-être s'agit il d'un caractère très
particulier, d'un mélange d'utopie fumeuse, de paranoïa
réformatrice, d'idéalisme béat ou tout simplement de la
contradiction systématique d'un opposant
caractériel... » (Libération, 5/10/1977).
Les éducateurs ne sont pas les seuls concernés
par ces mesures disciplinaires. En juin 1978, un visiteur de prison est pour la
première fois inculpé de « remise
irrégulière à un détenu » (LM,
21/06/1978). Quelques jours plus tard, un instituteur enseignant en prison est
inculpé pour le même motif (LM, 1/07/1978). Des visiteurs
témoignant de leur activité condamnent une
« atmosphère de suspicion », notamment depuis
l'évasion de Mesrine : « Tout se durcit. L'affaire Mesrine a
ses retombées : l'Administration essaie de se décharger de
ses responsabilités sur le dos des
intervenants »2210(*). Les tensions s'accroissent au début
des années quatre-vingt à mesure que la sécurité
est renforcée au sein des établissements. Des éducateurs
protestent contre la mise en place de portiques de détection à
Fleury-Mérogis. Certains refusent de se soumettre aux contrôles
(LM, 6/05/1980). En mars 1981 les enseignants des M.A de La
Santé, Fresnes, Fleury-Mérogis et Bois d'Arcy entament une
grève pour protester contre le renvoi de trois Professeurs
détachés de l'Education nationale (Le Matin,
24/03/1981). Disposant tous d'une longue ancienneté et de bons
états de service, ils déclarent avoir été
licenciés en raison de leur appartenance au GMP « qui remet en
question la doctrine sacro-sainte du secret ».
En avril 1981, suite à la sanction de deux nouveaux
éducateurs souhaitant exercer leur droit de grève, le SNEPAP
appelle à une semaine d'action pour protester contre
l'« autoritarisme » de l'administration
pénitentiaire dénoncé également par la FEN
(LM, 5-6/04/1981). Les membres du syndicat des éducateurs sont
divisés quant à la position à adopter à
l'égard de l'institution carcérale. Certains estiment qu'il est
préférable de se dégager de la tutelle
pénitentiaire tandis que d'autres, comme Philippe Pottier, élu
secrétaire général en 1978, pensent
préférable de rester dans l'Administration. Avançant le
risque de voir le corps des éducateurs supprimé, ce dernier
justifie leur présence, et ce, en dépit des difficultés
rencontrées : « Si l'on veut que cela change, il
faut qu'un maximum de personnes puissent rentrer dans les prisons,
témoigner de ce qu'elles y voient, en parler. Celui qui
travaille en prison est légitimé par cette présence, nous
avons tous pu en faire l'expérience : sa parole a beaucoup plus de
poids que celle venant du dehors et qui ne pourra pas s'appuyer sur une
expérience réelle. A ce niveau, la présence des
travailleurs sociaux est essentielle : ils peuvent dire la prison
»2211(*). C'est sous son influence que l'idée de
demeurer au sein de l'Administration pénitentiaire devient
progressivement majoritaire puisqu'elle recueille 80% des suffrages lors des
congrès du SNEPAP de 1979 et 1980. C'est cette volonté de
transformer les choses de l'intérieur que manifeste Philippe
Pottier2212(*) :
« Quand je suis arrivé au SNEPAP, il y
avait une discussion en interne. Une partie des gens était pour sortir
de la prison. Par exemple être rattaché au Juge d'application des
peines. Et moi, j'étais pour une position totalement inverse.
C'est-à-dire que si on faisait ça, ça permettait
peut-être de se protéger, de se mettre du "bon côté"
mais c'était plus la peine d'espérer d'avoir la moindre influence
sur l'institution. D'où ce débat. Moi, je défendais
fortement l'idée qu'il fallait être dedans. D'ailleurs, moi, quand
je suis arrivé, il y avait l'idée d'être rattaché
à l'Education surveillée. Et c'était un des points
d'ailleurs qui a fait que j'avais hésité à rentrer au
Bureau national. Car je n'étais pas d'accord avec cette position qui
avait tendance à être majoritaire à ce moment-là. Je
suis quand même rentré au Bureau national et finalement cette
position est devenue minoritaire à force [...] Donc, effectivement, il y
a eu ce basculement. En 74/76, il y avait plutôt une position de retrait
par rapport à l'Administration pénitentiaire. Et puis
après, en 77/78, le débat est clos en 80 [...] C'est vrai que je
suis rentré dans l'Administration pénitentiaire dans une
idée un peu militante. Et rentrer dedans dans une optique un peu
militante pour après dire "On va ailleurs", c'était un peu
louche »2213(*).
La politique sécuritaire d'Alain Peyrefitte où
prime le risque de l'évasion rentre ainsi en contradiction forte avec
l'idée de décloisonnement inaugurée par Valéry
Giscard d'Estaing. En effet, elle soumet les professionnels travaillant en
prison à de nombreuses pressions et les incite à élaborer
une action collective qui aboutit à la formation de la Coordination
syndicale pénale (COSYPE).
ANNEXE 26 : LE « SCANDALE DES GRÂCES
MÉDICALES »: LE RÉCIT DES FAITS
Un détenu incarcéré aux Baumettes porte
plainte le 29 mars 1982 pour escroquerie contre deux autres prisonniers
à qui il aurait versé une importante somme d'argent pour obtenir
une grâce médicale qui lui avait été promise (LM,
11-12/04/1982). Les deux détenus mis en cause prétendent avoir
agi en qualité de rabatteurs pour le compte du Dr Colombani,
médecin-chef de l'établissement, et de Me Fraticelli,
avocat au barreau de Marseille. Le juge d'instruction, François Ardiet
fait interpeller le 7 avril le médecin-chef de la prison des Baumettes,
remis en liberté sans avoir été inculpé
après trente-six heures de garde à vue. Les enquêteurs
retrouvent dans des registres la trace de plusieurs dizaines de milliers de
francs touchés par l'un des codétenus mais « n'excluent pas
la possibilité d'une simple escroquerie entre détenus sans
implication de l'administration pénitentiaire »
(Libération, 13/04/1982). Le juge d'instruction fait alors
placer sur écoute le 30 avril le Dr Colombani ainsi que Me
Fraticelli. Vingt-trois dossiers médicaux de détenus ayant
bénéficiés d'une hospitalisation extérieure voire
d'une libération pour raison de santé sont saisis à la
Prison hôpital des Baumettes (PHB). Réunis le 8 avril en
assemblée générale, les dix-sept praticiens
exerçant à la PHB, entament une grève administrative de
huit jours contre « la campagne injurieuse et diffamatoire
développée à l'encontre de leur médecin-chef
».
L'inspecteur général Philippe Chemithe est
envoyé à cette occasion à Marseille par le
ministère de la Justice afin d'établir un rapport sur cette
affaire dans lequel il est question de la mort du juge Pierre Michel, abattu le
21 octobre 1981, qui enquêtait sur les trafiquants de drogue ayant
bénéficié de grâces médicales suspectes
(Le Quotidien de Paris, 01/07/1982). Il enquêtait notamment sur
la libération de Robert Kechichian, gros bonnet de la « Sicilian
Connection », dont Me Fraticelli avait obtenu la libération le 10
juillet 1981. Plusieurs faits confèrent aux événements une
autre dimension. A l'automne 1982, deux anciens détenus des Baumettes
portent plainte contre le Dr Colombani accusé d'avoir exercé sur
eux un racket (Libération, 28/10/1982). L'un d'eux
disparaît le jour de son audition par le juge d'instruction. La bataille
juridique qui a lieu entre juin 1982 et février 1983 au sujet des
écoutes téléphoniques entre Me Fraticelli et le
Dr Colombani, considérées comme portant atteinte au secret
professionnel, achève de conférer à ce sujet une audience
nationale. D'instigateur, le Dr Colombani est progressivement décrit par
certains journaux comme un élément qui « aurait
été lui-même manipulé » dans un plus vaste
trafic : « Le chute du Dr Colombani ne vise-t-elle pas en
réalité, à faire tomber toute une filière dont il
n'aurait été lui-même que le jouet ? » (Le
Matin, 19/02/1983). En février 1983, le juge Raysseguier,
chargé du dossier de Robert Kechichian, prononce un mandat d'arrêt
contre le docteur Colombani, qui est interpellé le 10 février,
pour « falsification et usage de documents médicaux, connivence
d'évasion et trafic d'influence » (Libération,
12-13/02/1983).
C'est autour du seul cas de Robert Kechichian que se sont par
conséquent établis le « scandale » et le
procès des grâces médicales. Incarcéré en
juin 1980 par le juge Michel, ce trafiquant de drogue déclare souffrir
d'un cancer de la peau, le sarcome de Darier-Ferrand, à évolution
lente mais très grave. Son médecin traitant confirme qu'il fut
opéré à deux reprises d'une tumeur maligne de la paroi
abdominale pouvant très probablement récidiver. Le
médecin-chef des Baumettes fait alors pratiquer une biopsie qui
s'avère négative. Cependant, après avis favorable du
dermatologue de son service, il envoie Kechichian au Centre régional
anti-cancéreux de Marseille (CRACM) pour « vérification
» où, après de nombreux examens négatifs, le chef de
service renvoie le 25 juin 1981 le malade aux Baumettes. Kechichian
présente au juge Michel par l'intermédiaire de son avocat,
Me Fraticelli, plusieurs demandes de mise en liberté.
Déjà confronté à un cas où
l'expertise réalisée à Marseille avait été
contredite par une contre-expertise effectuée à Fresnes, le juge
Michel rejette la demande et ordonne une contre-expertise. Après une
visite au CRACM où ils ne consultent pas le chef de service mais le seul
dossier médical, les Dr Mariotti, médecin légiste, et
Mazaud, cardiologue, certifient que Kechichian « nécessite une
intervention chirurgicale [...] et des soins très
spécialisés et très prolongés », cette «
thérapeutique très spécialisée ne peut être
mise en oeuvre à la prison hôpital des Baumettes et, de ce fait,
son état de santé n'est pas compatible avec la détention
». Fort de ses conclusions, Me Fraticelli renouvelle la demande
de mise en liberté le 1er juillet. Celle-ci est
rejetée une nouvelle fois par le juge Michel qui décide de faire
transférer Kechichian à Fresnes le 6 juillet. Mais le lendemain,
lui parvient un mot du Dr Colombani lui communiquant une attestation de Solange
Troisier, datée du 4 juillet 1981, dans laquelle elle s'oppose à
ce transfert assurant que « Kechichian est atteint d'un cancer si grave
que ses jours sont en danger » (L'Express, 21/01/1983). Le 10
juillet, le juge signe l'ordonnance de mise en liberté pour raison
médicale, remettant ainsi Robert Kechichian en liberté sous
contrôle judiciaire. A son retour de vacance, il apprend que Kechichian
ne s'est fait hospitaliser. Il décide alors d'enquêter sur les
remises en liberté pour raisons médicales jusqu'à
l'apparition du scandale au printemps 1983.
L'inculpation du Dr Colombani a lieu sur le fondement d'une
contre-expertise confiée à deux experts grenoblois, qui concluent
à l'absence de cancer chez Kechichian. Convoqués, les deux
experts marseillais affirment ne pas reconnaître le dossier
médical. Certains journaux alimentent alors l'hypothèse d'un
« vaste réseau de complicités » : « Des experts,
des magistrats, des responsables de l'administration pénitentiaire sont
aussi dans le collimateur » (Libération, 12-13/02/1983).
Le juge Raysseguier procède à l'audition de Solange Troisier
ainsi qu'à une perquisition à son domicile
(Libération, 20/02/1983). Début mars, les deux experts
marseillais sont inculpés. Une semaine après, le 16 mars, Solange
Troisier est inculpée de « fabrication et usage de faux certificats
médicaux ». L'inculpation du Médecin-inspecteur contribue
à mettre au premier plan l'affaire des grâces médicales.
« Inculpation au sommet. L'ancienne patronne de la médecine
pénitentiaire, Solange Troisier, membre du Comité central du RPR
est accusée d'avoir couvert la libération d'un gros bonnet de la
drogue », titre L'Humanité le 17 mars 1983.
Le Médecin-inspecteur clame son innocence au cours
d'une conférence de presse. N'ayant pas voulu mettre en doute les propos
d'Alain Colombani, elle lui aurait fait parvenir « un papier administratif
» (LF, 18/03/1983). L'ancien Médecin-inspecteur minimise
en outre le rôle que sa lettre a pu avoir dans la libération de
Kechichian : « C'est le juge qui est le seul maître. A lui
d'ordonner expertise et contre-expertise. A lui de signer la mise en
liberté ou le transfert dans un hôpital sous surveillance
policière ». Le Canard enchaîné fait
état dans son édition du 30 mars de lettres découvertes au
domicile de Solange Troisier établissant une correspondance entre elle
et Robert Kechichian après la libération de ce dernier. Tandis
que l'ancien Médecin-inspecteur affirme au juge n'avoir « eu aucun
contact avec Robert Kechichian » (Libération, 30/03/1983),
le Pr Gisselbrecht de l'hôpital Saint-Louis affirme que Kechichian s'est
présenté le 28 juillet 1981 dans son établissement pour un
avis thérapeutique avec une « lettre d'introduction »
signée de la main de Solange Troisier (LM, 02/04/1983).
Celui-ci avait alors demandé à Solange Troisier la communication
du dossier médical de Robert Kechichian avant de lui fixer un nouveau
rendez-vous auquel il ne s'est jamais rendu. Solange Troisier porte plainte
devant le conseil de l'Ordre contre le Pr Gisselbrecht (QDM,
4/05/1983).
Le 16 mai, lors de son audition, André Fraticelli,
prétextant un malaise, prend la fuite du palais de Justice de Marseille
alors qu'il était sur le point de signer son procès verbal
d'accusation (Libération, 17/05/1983). Le 30 mai, le juge
Raysseguier notifie à Solange Troisier un nouveau chef d'inculpation
pour « corruption et trafic d'influence » (LM, 02/06/1983).
Le juge d'instruction clôt le 4 août l'information estimant que
suffisamment de charges pèsent contre les cinq inculpés. Il
abandonne pourtant les chefs d'inculpation de « corruption » et
de « trafic d'influence », aucun versement d'argent n'ayant pu
être mis en évidence au cours de l'instruction, les
inculpés risquant dès lors au maximum trois années
d'emprisonnement (LM, 19/08/1983). Le « procès-spectacle
» des grâces médicales, qualifié
d'événement de la rentrée judiciaire, est annulé le
17 septembre par une décision de la Cour de cassation « dans
l'intérêt d'une bonne administration de la Justice »
(Libération, 19/09/1983). La totalité des
prévenus ayant été des auxiliaires des magistrats de
Marseille, la Cour donne ainsi raison à la requête en suspicion
légitime déposée par Alain Colombani afin que l'affaire
soit traitée par une autre instance (03/09/1983). Le procès est
renvoyé devant le TGI de Versailles (Libération,
4/10/1983).
Après avoir donné plusieurs interviews à
la presse, André Fraticelli se constitue prisonnier lors de l'ouverture
du procès. Dans son jugement du 16 novembre 1983, le tribunal de
Versailles inflige une peine de un an de prison, dont huit mois avec sursis,
à André Fraticelli et Alain Colombani et six mois avec sursis
à Solange Troisier et Mariotti. Mais le 21 février 1984, la Cour
d'appel de Versailles prononce une relaxe générale
établissant qu'en « s'opposant au transfert de Kechichian, Mme
le Pr Troisier restait dans le cadre de ses fonctions ». « Il n'y pas
eu d'affaire Kechichian, il n'y pas eu de trafic de grâces
médicales [...] Le scandale des grâces médicales entre
guillemets passe au domaine des rumeurs sans fondement ce qui ne veut pas dire
qu'on ait fini d'en parler » (JT A2, 20H, 21/02/1984). « Le dossier
de cette affaire est donc définitivement clos : le scandale des
"grâces médicales" n'a pas existé, et Robert Kechichian a
quitté la prison des Baumettes en 1981 le plus légalement du
monde », constate Le Monde le 23 février. « Il n'y a
plus de scandale » pour France-Soir, de même pour Le Figaro qui y
voit « un désaveu absolu des thèses de l'accusation ».
« Les grâces médicales n'étaient donc qu'une mince et
vulgaire sardine qui bouchait le port », ironise Patrice Carmouze dans
Le Quotidien du médecin.
ANNEXE 27: L'ANESTHÉSISTE ET LE CHIRURGIEN : LA PRISE
EN COMPTE PAR L'IGAS DES CONTRAINTES PÉNITENTIAIRES
Entre 1980 et 1983 plusieurs patients de l'Hôpital de
Fresnes meurent dans des conditions similaires. Opérés par le Dr
Perdrot, ils sont transférés avec du retard dans des services de
réanimation où la plupart sont décédés.
C'est à chaque reprise à l'initiative de Monique Montot,
anesthésiste chef de l'Hôpital, et ancienne élève du
Professeur Huguenard que ces détenus ont été
transférés malgré l'opposition du médecin-chef,
Pierre Perdrot. Chargés de démêler le conflit, les
médecins inspecteurs de l'IGAS remarquent dans leur rapport « le
malaise qui régnait depuis quelques mois dans le service de chirurgie
» mais surtout les « plaintes répétées des
chirurgiens à l'encontre de
l'anesthésiste »2214(*). « L'opinion est unanime. Mme Montot
n'a pas le profil correspondant à la fonction anesthésiste
à l'hôpital de Fresnes », note le rapport qui
égrène les griefs formulés contre elles. Outre des «
titres insuffisants » et un « vide médical » de
dix ans dans son curriculum vitae, les inspecteurs lui reprochent
d'être « non titulaire du C.E.S de médecine
pénitentiaire »2215(*). mais d'avoir surtout une
« activité professionnelle insuffisante » et une «
organisation du travail inexistante et un manque de coopération avec les
chirurgiens ». La mission cite, en effet, les courriers de chirurgiens se
plaignant des refus d'anesthésie de la part du Dr Montot. Au terme de
ces accusations, le rapport suggère le licenciement de Mme Montot.
Reprenant l'ensemble des conclusions dressées par l'IGAS, la directrice
de l'Administration pénitentiaire propose son licenciement le 6 juillet
1983.
L'avis de la mission est en revanche beaucoup plus
élogieux concernant le médecin-chef de l'Hôpital,
doté de « qualités professionnelles indéniables
» et de « titres indiscutables ». « Ses collaborateurs
directs (personnel médical et paramédical) apprécient en
règle général son savoir-faire et sa
dextérité même s'ils ne sont pas toujours d'accord sur le
diagnostic posé, les indications ou le suivi
post-intervention »2216(*). Après avoir rappelé les
décès dont il fut question dans les médias, les
inspecteurs observent que « les statistiques de mortalités
opératoires produites par lui ne semblent pas anormales » mais
qu'il est néanmoins possible « après examen de nombreux
dossiers [de] retenir six cas qui pourraient être soumis à
expertise médicale, si cela s'avérait nécessaire
»2217(*). Si le rapport retient en conclusion que
« son maintien à l'Hôpital central de la maison
d'arrêt de Fresnes n'apparaît plus souhaitable », son
licenciement ne semble néanmoins pas justifié, comme ce fut le
cas pour l'anesthésiste :
« Le cas du Dr Perdrot est plus complexe de par la
personnalité de l'intéressé, ses titres, ses travaux, sa
compétence reconnue [...] Hormis quelques cas pour lesquelles la Justice
a été saisie, les reproches qui peuvent être faits au
docteur dans la conduite de son activité et la prise en charge de ses
malades sont de faible teneur et résistent mal à une analyse
minutieuse et approfondie. Dans ces conditions il apparaît inopportun
d'évoquer à son égard une sanction [...] Une façon
de faire qui pourrait être féconde, sous réserve de
l'information judiciaire en cours, serait en raison de sa
notoriété, de charger ce praticien d'une mission d'études.
Ce dernier paraît prêt à accepter une proposition de cette
nature dès lors qu'elle serait compatible avec son honorabilité
professionnelle »2218(*).
En septembre 1983, le docteur Perdrot est chargé d'une
étude sur la pathologie carcérale au siège de
l'Administration pénitentiaire (Le Monde, 8/09/1983). Cette
mission, jamais effectuée, était selon un magistrat de la DAP un
moyen « élégant » afin de se
débarrasser de ce chirurgien : « C'était une
manière de s'en débarrasser.
Elégante ! »2219(*). Un chirurgien de l'Hôpital connaissant
bien l'affaire explique la stratégie de la DAP par le risque que cela
comportait de licencier ce chirurgien s'il avait été
relaxé du procès pénal qui était alors en cours:
« Ce que l'IGAS a fait et M. Lucas est un mec de
très intelligent. Il a dit "non, on le mute aux statistiques du
ministère de la Justice".... parce que comme ça on
l'éloigne et comme ça il n'est pas dangereux pour personne [...]
C'était très malin parce que ça c'est fait avant la fin du
procès. Ils se sont dit que s'il ne perdait pas son procès, il va
demander à être réintégré et il va demander
des dommages et intérêts au ministère. Ça va
coûter moins cher, il était à deux ans de la retraite, de
le foutre aux stats... Et la solution de l'IGAS, c'était une promotion
aux stats »2220(*).
Le différentiel de traitement entre les deux praticiens
mis en cause par la mission d'Inspection apparaît surprenant. Certains
arguments avancés à l'encontre du Dr Montot par les inspecteurs
de l'IGAS apparaissent non fondés2221(*). Le seul argument mis
en avant par les inspecteurs dans la défense du médecin-chef est
sa notoriété. La plupart des décès en question
sont, d'autre part, liés au retard avec lequel les détenus furent
transférés en hôpital extérieur, du fait de
l'opposition du Dr Perdrot, ce que le rapport n'évoque à aucun
moment. Les pratiques chirurgicales du médecin-chef semblent d'ailleurs
connues de plusieurs membres de l'Hôpital de Fresnes
interviewés :
« Disons que c'était une chirurgie... Il
n'avait pas du tout la finesse de travail du docteur Petit [ancien
médecin-chef]. Le docteur Perdrot... C'était plutôt une
chirurgie de guerre... Enfin, moi, je ne peux pas me permettre... [...]
J'étais choquée par sa façon de travailler mais je ne peux
quand même pas me permettre d'en dire plus... Je ne suis qu'une
infirmière... Il y avait eu un cas dont je me rappelle.... Moi, je me le
rappelle en salle lui avoir dit... D'ailleurs à la fin..."Vous ne fermez
pas ? Vous ne suturez pas ?". "Mais non ! Mais non ! C'est
très bien comme ça !". Alors, ou je fermais moi-même
ou je chargeais le docteur [...] pour fermer... Parce que je trouvais que
ça n'allait pas du tout [...] Je sais qu'il y en a un des deux... qui
est mort d'ailleurs. Il avait été opéré de l'anus.
Il avait voulu refermer et ça avait été une
éventration. Enfin, ça avait été
épouvantable ! »2222(*).
« Moi, j'ai été convoqué
à la police pour faire une déclaration. C'était une
façon de voir la médecine un peu différente qu'il avait
[...] Les appendicites ne s'opéraient que le mardi, par exemple.
C'était comme ça ! Parce que c'était comme
ça... Et si vous aviez une crise qui se déclenchait le mercredi,
vous la mettez sous antibiothérapie avec glace sur le ventre, comme on
disait, et vous attendiez jusqu'au mardi suivant [...] Il n'y avait que lui
comme chirurgien viscéral et donc c'est difficile pour un
généraliste ou un cardiologue de remettre en cause les
décisions d'un chirurgien. C'était un protocole qu'il avait
établi... » 2223(*).
« Je disais tout à l'heure que les gens
étaient vachement bien soignés en prison... Par contre,
Perdrot... Mais que ce soit aussi bien en ville qu'en prison... Quand il
fallait arracher un drain, une mèche, il arrachait ça d'un coup
quoi ! Bon.... Il ne faisait pas dans la dentelle... en ville les gens
disaient "aie !" mais à Fresnes ils avaient fait une coordination
des gens dont Perdrot avait arraché le drain! [Rires] [...]
C'était Perdrot qui était malade et qui ne voulait pas
reconnaître que ça n'ait pas marché. Une fois il m'appelle
un dimanche pour retirer l'appendoc de sa fille mais rien que ça
j'étais outré. Ça allait encore les appendocs.... "Tu ne
veux pas que je le fasse?" [rires] Il tirait... C'était vraiment pas
beau à voir comme chirurgie, quoi [...] Et puis il était
l'élève de Champo qui était un très bon chirurgien
et donc je crois qu'il a hérité un peu du surplus de
clientèle de Champo [silence] Non mais il était
fêlé ! [...] Disons que... je ne lui aurais sans doute pas
confié les membres de ma famille! [Rires]» 2224(*).
Informé des problèmes, le Directeur de la maison
d'arrêt de Fresnes avait d'ailleurs demandé dans un rapport remis
le 26 novembre 1982 au garde des Sceaux, l'exclusion des deux praticiens mis en
cause2225(*).
En réponse au rapport de l'IGAS, le Professeur Huguenard et la Ligue des
droits de l'homme prirent la défense de Monique Montot (Le Quotidien
de Paris, 7/09/1983), tandis qu'une partie du personnel de Fresnes
protesta contre son licenciement, à travers une pétition,
signée d'une douzaine d'infirmières et d'internes, saluant
« le courage et la clairvoyance [ayant] permis de sauver la vie de
plusieurs malades en exigeant leur transfert sur des hôpitaux
extérieurs »2226(*).
Tandis que l'anesthésiste et le chirurgien furent
initialement tous les deux mis en cause par la Justice dans la mort de certains
détenus, la première ne sera finalement pas
inquiétée, l'enquête de police ayant conclu à
l'inculpation du seul chirurgien pour non-assistance à personne en
danger2227(*). Dans une note adressée au directeur
adjoint de cabinet du garde des Sceaux, la Direction des affaires criminelles
et des grâces estime cependant préférable de
requérir un non-lieu, toute poursuite étant
considérée comme « inopportune » :
« Il serait très injuste de faire porter au seul docteur
Perdrot toute la responsabilité des "imperfections" de la
médecine pénitentiaire, les conditions de travail à
l'Hôpital de Fresnes étant à l'époque,
particulièrement déplorables, tant au plan de l'équipement
qu'à celui du personnel sanitaire »2228(*). L'abandon de toute
poursuite à l'égard du Dr Perdrot n'est probablement pas sans
rapport avec les accusations que ce dernier avait formulées quelques
mois auparavant à l'égard du ministère de la Justice. Ami
de la famille Hersant2229(*), Pierre Perdrot disposait en effet de
puissants relais parmi les médias. Il semble ainsi que la
décision finale de l'IGAS réponde moins à une logique
médicale qu'à des considérations liées aux
spécificités carcérales. Le chirurgien déclara
d'ailleurs à la presse que son changement d'affectation
« provient d'un accord entre l'IGAS et [lui] »
(QDM, 7/09/1983). Si l'on en croit les propos de Pierre Espinoza,
nommé médecin-coordinateur en 1982 pour faire face à la
crise traversée par l'Hôpital, le travail de l'IGAS n'aurait
d'ailleurs essentiellement consisté qu'à légitimer une
prise de décision préalable :
« Le problème, c'était un chirurgien
vieillissant pas du tout adapté au milieu carcéral avec des corps
étrangers difficiles à gérer. Une anesthésiste
complètement folle. Je me suis rendu compte de ce qui se passait le
1er avril. Il y avait un détenu qui avait été
opéré 48 heures avant et qui avait de la fièvre. Je
décide de ne pas y aller. Et le 2 avril au matin, le malade est
mort ! Pan ! Je regarde le dossier et je vois qu'il y avait des
fautes. Il avait 40 de fièvre la veille et aucune disposition n'avait
été prise [...] Il a fallu trois semaines pour que... Pour que
cela se reproduise. Un malade avait été opéré. Il
avait 40 de fièvre et je dis au chirurgien : "Il y a un
problème et il faut l'hospitaliser". Et il me dit qu'il n'en est pas
question. Je lui ai interdit d'opérer parce que sa femme était
morte dans la nuit ! Le malade a été dirigé vers
l'Hôtel-Dieu et on a évité une mort supplémentaire
[...] Derrière j'ai fait un rapport à Mme Ezratty en lui disant
les choses et qu'il fallait qu'elle mette en route une mission de l'IGAS pour
prendre des mesures et si c'était nécessaire de suspendre le
chirurgien et l'anesthésiste. Ce milieu fonctionnait depuis des
années en autarcie avec le ministère de la Justice. En clair,
c'est par copinage qu'on a nommé ce chirurgien et je crois qu'il n'avait
pas les compétences [...] Ce chirurgien était quelqu'un de
diplômé mais c'était surtout quelqu'un doté d'un
grand orgueil ce qui fait que lorsqu'il se trompait on ne pouvait pas le lui
dire ! Il était à quelques années de la retraite et
j'avais pensé qu'il fallait trouver un moyen de préserver sa
dignité. Il fallait trouver une porte de sortie
quoi ! »2230(*)
Pour le ministère de la Justice, le rapport de l'IGAS
représente justement cette « porte de sortie »
venant justifier une décision déjà prise en interne. En
atteste une note de l'Administration pénitentiaire faisait état
du licenciement de l'anesthésiste en mai 1983, soit trois mois avant la
remise du rapport2231(*). Myriam Ezratty répondait alors dans un
billet de transmission daté du 10/05/1983 : « Il faut
attendre les conclusions de l'inspection diligentée par
l'IGAS ».
Cet exemple atteste de la manière dont ont pu se
dérouler certains contrôles de l'IGAS en matière de
médecine pénitentiaire. Ceux-ci ne remettent pas fondamentalement
en cause les règles qui régissaient alors l'organisation des
soins en prison. Le manque de transparence qui la caractérisait demeure.
Le transfert de la mission d'inspection au ministère de la Santé
ne se produit pas ainsi de façon brutale mais sur un mode
incrémental.
ANNEXE 28 : ENTRE SURMENAGE ET LASSITUDE, PORTRAITS DE
TROIS INFIRMIÈRES PÉNITENTIAIRES EXERÇANT DANS LES
ANNÉES QUATRE-VINGT
Trois portraits d'infirmières pénitentiaires
interviewées permettent d'appréhender la réalité
quotidienne dans un établissement carcéral durant les
années quatre-vingt et de mieux comprendre les difficultés
auxquelles ces dernières sont confrontées.
Fille d'un surveillant, ayant grandie dans les locaux
réservés au personnel jouxtant la M.A des Baumettes, Lise choisit
d'effectuer sa première expérience d'infirmière, elle n'a
que vingt-deux ans, aux Baumettes plus par hasard que par vocation puisqu'elle
souhaitait être infirmière « para » et qu'elle
est recalée pour sa vue2232(*). Bien qu'habituée à
fréquenter des Pénitentiaires, elle est pourtant très
surprise par la réalité carcérale même si elle
reconnait que son intégration a été largement
facilitée du fait que beaucoup de surveillants l'avaient vue
grandir : « Ces portes qui sont toujours fermées. Ce
surveillant qui est toujours avec vous. Alors ça, c'est vrai, c'est
difficile ! [...] On comprenait pas que j'avais ce type de
problème ! Comme j'étais fille de surveillant, on pensait
que j'étais née dans une cellule ». Rappelant que la
prise d'otage d'une infirmière avait eu lieu aux Baumettes quelques
années auparavant, Lise se souvient la dureté des règles
de sécurité en vigueur à cette époque :
« Donc, il y avait des consignes bien
précises pour la sécurité. Il y avait deux surveillants
attachés à l'infirmerie. Il y en avait un qui faisait rentrer le
détenu... Il restait devant la porte. Il y en avait un autre qui
était avec vous dans la salle d'examen. Il y avait donc la table
d'examen et vous, vous étiez d'un côté et le détenu
de l'autre. Le surveillant au milieu. Et si jamais vous deviez approcher le
détenu pour établir un geste médical, il vous
accompagnait. Donc la sécurité c'était draconien à
l'époque ! Vous, par exemple, quand vous traversiez les couloirs,
on stoppait tout. L'infirmière était toute seule pour traverser.
Et puis, on nous avait donné un sifflet aussi. Donc on ne rencontrait
jamais la population pénale. Ou alors on nous escortait de surveillants.
Et moi, j'ai connu les prisons dures où quand les détenus se
déplaçaient, ils étaient en colonne, les mains dans le
dos »
Jeune diplômée à peine sortie de ses
stages hospitaliers, Lise est surtout surprise par « le manque de
moyens » et par les fortes responsabilités qui reposent sur
elle. Elle est alors la seule infirmière affectée au
bâtiment B, un interne effectuant deux consultations par semaine. Bien
que sa principale mission est de déterminer quels seront les
détenus inscrits à la visite du médecin, elle effectue
alors de nombreux soins qui dépassent son diplôme
d'infirmière, ce dont elle rend compte avec hésitation :
« Moi, quand je suis rentrée, les
internes faisaient leurs consultations et ils assuraient les urgences mais chez
eux ! Donc c'était l'infirmier qui faisait d'abord les premiers
soins, qui gérait les urgences, qui appelait le médecin [...]
Donc y avait les coupés, y avait les pendus, y avait des
défenestrés. Y avait ceux qui avalaient [des corps
étrangers].
- Et dans toutes ces situations vous appeliez le
médecin ?
- Ben oui. Bon... moi j'ai eu la chance après
d'apprendre à coudre donc c'est vrai que des fois... [Voix
hésitante] Je sais pas si je peux dire vous dire tout
ça...
- Je vous rassure, on me l'a déjà dit...
Vous n'êtes pas la première ! [L'interviewée
rigole]
- C'est vrai que moi j'ai eu une chance inouïe. Au
départ, je pensais pas que ça allait en être une mais...
[...] Donc j'avais à peu près cent cinquante à deux cents
lettres par jour [...] Mais c'est vrai que c'était pas évident,
parce que y avait énormément de demandes [...] Et puis on avait
de tout, de toutes les pathologies et c'était difficile de faire la
part des choses ! Et puis on donnait les médicaments aussi. On
gérait les antibiotiques. On était des médecins
quoi ! Sans l'étiquette mais on était des médecins.
Parce qu'on montrait au médecin vraiment les gens qui... Avec qui on
s'en sortait pas. Mais un abcès dentaire, un problème de
diarrhée on le traitait quoi. Donc c'est vrai que c'était
intenable ».
Cette responsabilité est redoublée lors des
weekends de garde où Lise se retrouve seule pour l'ensemble des
Baumettes, Hôpital compris : « Je ne savais plus quoi
faire. On m'appelait de partout. Je savais pas s'il fallait appeler le
médecin.... ». Au bout de quelques mois, elle se sent
« isolée » et hésite à
démissionner. Hospitalisée d'urgence pour une « crise
d'appendicite aiguë », elle avoue son mal-être au
médecin-chef des Baumettes qui décide de l'affecter à la
Prison hôpital où les conditions de travail sont meilleures du
fait le l'équipe médicale qui y exerce.
Bien que travaillant avec davantage de moyens, puisqu'elle
n'est pas seule en détention, Christine s'est également
retrouvée confrontée à d'énormes
responsabilités. Suite à une « expérience
hospitalière désastreuse », cette infirmière
décide en 1984 de postuler à une annonce ANPE pour un poste
à la M.A de Rouen qui pense lui convenir du fait qu'elle ait
« peur de la foule » : « Je me suis dit :
"En milieu fermé, on y sera tranquille" » 2233(*). Son travail consiste
à assister l'infirmière-chef, Mme Dupont, ainsi que trois
surveillants affectés à l'infirmerie chargés de nombreuses
tâches médicales : « Ces trois surveillants avaient
remplacé Mme Dupont au début pendant ses congés
maternité. Y avait plus d'infirmières donc ils faisaient
tout ! Comme nous ! [...] Ils faisaient des pansements, des
injections, des fils ! Comme nous ! Ils avaient une formation sur le
tas ! ». Après le départ d'un surveillant,
Christine est chargée uniquement de préparer les
« fioles » ce qui lui semble fastidieux. Avec
l'arrivée d'une nouvelle infirmière, elle participe davantage aux
consultations de l'infirmière-chef au contact de qui elle apprend
beaucoup. En raison d'une très faible présence du seul
médecin-généraliste qui parfois passe moins d'une heure
(« C'était comme une fusée... »), toutes deux
sont amenées à effectuer l'essentiel des soins de la M.A qui a
comporté selon elle jusqu'à 1.200 détenus :
« Parfois il venait une heure !
Seulement ! Parfois une demi-heure, trois quarts d'heure !
C'est-à-dire que nous, infirmières, on faisait les consultations
de médecin [...] On apprenait plein de choses ! Mais, ceci dit, on
faisait quasiment des consultations de médecin. J'ai mis en route des
traitements concernant le zona... C'est purement médical. Je sais
reconnaître un zona! Je l'avais appris sur le tas avec Mme Dupont [...]
Si vous n'avez jamais vu un zona, vous ne saurez pas le reconnaître...
Alors quand je savais pas je lui demandais et comme on était que deux
dans une petite pièce, on était l'une sur l'autre et elle voyait
tout ce que je faisais, de même que je voyais tout ce qu'elle
faisait... ».
La principale difficulté selon Christine était
d'apprécier la gravité des allégations des détenus.
Ces derniers remettent, en effet, chaque jour des courriers aux surveillants.
Tous les détenus ne sont pas vus par les infirmières par manque
de temps. Christine fait ainsi la distinction entre trois réactions
possibles selon les demandes faites par écrit : « mettre
au panier [le courrier] » pour les détenus qui
écrivaient trop souvent ; « répondre par un
médicament », sans voir le détenu, pour quelque chose
d'anodin et « mettre à la consultation [de
l'infirmière] ». Ce premier tri permettait de limiter le
nombre de consultants à environ cinquante par matinée, soit
vingt-cinq pour chacune des infirmières. Christine est cependant
consciente que la difficulté est de ne pas se tromper de diagnostic. Les
infirmières fondent leurs décisions, en effet, souvent uniquement
sur les informations transmises par les surveillants présents en
détention. C'est dans ces conditions que l'infirmière-chef a
commis une erreur médicale qui a amené Christine à
redoubler de prudence par la suite:
« Et puis nous, on devait décider si on
mettait le détenu à la consultation du médecin [...] C'est
ça la difficulté de notre travail, il faut apprécier les
courriers... Ne pas faire de boulettes... Il faut mieux rien louper... Mieux
vaut voir la personne, plutôt que répondre par un
médicament, et éventuellement l'envoyer chez le médecin
parce que si y a un loupé, comme au temps de Mme Dupont... Un jour Mme
Dupont, elle a eu un détenu qui avait mal à la gorge... Oh ben
oui, elle a préparé un peu de collutoire et des pastilles
à sucer. Et après, elle a eu dix coups de fil dans la
matinée ! Et le détenu avait mal à la gorge et le
surveillant n'avait pas su dire que c'était grave. Il est parti à
l'hôpital en urgence. Et ça c'est très difficile à
apprécier. Ben oui, il a mal à la gorge donc du collutoire et des
pastilles... Mais il faut aussi que... Dans certains cas les surveillants
doivent apprécier... Là, ils sont au téléphone mais
ils ont pas su dire que c'était grave. En fait il avait un oedème
de Quincke2234(*) alors il pouvait plus respirer ».
Troisième personne interviewée, Evelyne est une
infirmière en chirurgie vasculaire à l'hôpital Saint-Joseph
qui, « intéressée par le social », voulait
travailler en prison après plus de vingt ans dans le secteur hospitalier
quitte à perdre en rémunération2235(*). Elle accepte un
poste à la M.A pour femmes de Fleury-Mérogis où
très vite elle se heurte à la communauté religieuse alors
en place. Chargées de la vie de la détention, ces soeurs
disposaient d'un rôle important y compris sur la prise en charge
sanitaire des détenues. L'usage qu'elles auraient fait de leur
autorité morale à l'égard des détenues pour
décourager les avortements serait à l'origine de la demande de
mutation de cette infirmière2236(*) :
« Il fallait toujours passer par la soeur pour savoir
si... [...] Elles avaient un gros impact aussi sur la détention, sur les
surveillantes-chef. Je me souviens d'une surveillante-chef qui appelait la
responsable de la communauté pour savoir ce qu'il fallait faire !
Moi, j'ai vu Bertin [médecin-chef de l'époque] plusieurs fois se
bagarrer avec elles [...] Et je n'étais pas toujours d'accord. Par
exemple par rapport à l'avortement [...] Pour moi chacun devait
être libre de pouvoir choisir. Je respectais celles qui faisaient le
choix. Et elles étaient beaucoup moins respectueuses. Elles faisaient
tout pour que les femmes gardent leur enfant. D'ailleurs, je crois qu'il y en a
très peu qui ont avorté. Et je ne supportais pas cette...cette
intolérance ».
Evelyne prend alors un poste à Fresnes avant de revenir
à Fleury-Mérogis pour s'occuper des quartiers hommes dont elle
évoque les conditions de travail avec plaisir. Doté de deux
surveillants, deux infirmières et de deux internes assurant une
présence médicale chaque jour, le quartier D2 était
très « gâté » selon ses termes. Bien
que portant la blouse blanche, les surveillants n'assistent pas aux
consultations et ne préparent pas les « fioles »
mais s'occupent de la salle d'attente. Certes, Evelyne comprend très
vite que ce qu'elle est amenée à faire n'a « à
voir rien du tout» avec le secteur hospitalier :
« Parce qu'à l'hôpital on a quand
même les maladies aiguës tandis qu'à Fleury c'était
plus un centre de dépistage. Si vous voulez. Le matin, quand on voyait
les détenus, on essayait de dépister ce qu'ils avaient, comment
les orienter... s'il fallait les mettre au médecin, ou s'il fallait leur
donner un petit quelque chose. Voir si ça pouvait s'arranger sans
l'intervention du médecin. On jouait aussi un peu le rôle du
médecin aussi. Par rapport aux traitements notamment. On prescrivait.
Tout le monde le savait mais personne ne devait le savoir ».
Ce qu'apprécie Evelyne, c'est d'avoir le temps durant
les consultations de discuter avec les détenus, notamment de leur
passé ou de leur vie en détention : « La moindre
douleur était un prétexte pour pouvoir parler... ».
Pourtant cette infirmière a souvent l'impression de se « faire
avoir » par certains détenus qui simulent afin d'obtenir
certains médicaments convoités. C'est par lassitude, mais aussi
parce qu'elle devenait « un petit peu raciste », qu'Evelyne
décide de quitter le milieu pénitentiaire pour revenir dans le
secteur hospitalier.
Ces trois portraits attestent de la difficulté à
être infirmière en prison durant les années quatre-vingt.
Au-delà des différences importantes entre les
établissements, toutes sont confrontées à de nombreuses
contraintes qui expliquent le nombre élevé de démissions
et la difficulté pour la DAP à pourvoir ces postes2237(*). Cette
désaffection des infirmières pour le milieu carcéral fut
un argument de poids en faveur du décloisonnement de la médecine
pénitentiaire et de son intégration au reste du système de
santé.
ANNEXE 29 : LES EFFETS LIMITÉS DES
CONTRÔLES DE L'IGAS : L'EXEMPLE DE LA M.A DE
PONTOISE
Bien que chaque établissement soit doté d'un
fonctionnement spécifique, on propose de retracer l'organisation des
soins dans une petite M.A comme celle de Pontoise au sujet de laquelle une
mission de l'IGAS est diligentée en 1984, suite probablement à
des plaintes de détenus. L'établissement comporte alors un
effectif moyen de 300 détenus, pour 90 cellules, soit une
« suroccupation permanente » 2238(*). La M.A est
dotée d'un médecin-chef ayant quatre vacations par semaine, mais
n'en effectuant que deux, voire qu'une, ainsi que d'un médecin-adjoint
disposant de deux vacations mais n'en réalisant qu'une. Le chef du
secteur psychiatrique de Pontoise, qui y fait des expertises, mandate l'un de
ses assistants qui délègue ses attributions à une interne
qui effectue une vacation par semaine. Une psychologue effectue
également une vacation par semaine tandis qu'un dentiste intervient une
fois par semaine depuis 1965. En dépit de ces différentes
interventions, la M.A de Pontoise est confrontée, relèvent les
inspecteurs, à un problème de présence
médicale : « En 1982, seulement 48 vacations ont
été réalisées et 69 en 1983 » au lieu des 305
vacations annuelles de deux heures théoriquement prévues (p.5).
L'essentiel des soins repose ainsi sur une seule infirmière temps-plein.
C'est ce constate à plusieurs reprises l'ancien médecin adjoint
durant l'entretien, peut-être pour se décharger de toute
responsabilité :
« C'est l'infirmière qui était en
permanence du lundi au vendredi. Je pense que l'infirmière dans une
petite Maison d'arrêt était le point principal, le point le plus
important au niveau de la santé dans les Maisons d'arrêt [....]
L'infirmière était centrale à la Maison d'arrêt de
Pontoise. Nous [les médecins], on faisait des petites vacations [...]
Moi, encore, je vous dis je venais deux heures par semaine et donc.... Le pivot
du système de santé, enfin si je peux appeler ça un
système de santé, de la Maison d'arrêt de Pontoise,
c'était l'infirmière »2239(*).
L'infirmerie est composée d'une salle servant à
l'accueil et au secrétariat, d'un cabinet médical et d'une
pièce utilisée à la fois comme cabinet dentaire et pour la
préparation des médicaments, soit un total de 35 m2 ce qui est
jugé « nettement insuffisant » par les inspecteurs (p.9).
L'infirmière arrive le matin à 9 heures et voit tout d'abord les
arrivants pour lesquels la consultation est obligatoire. Elle consacre ensuite
son temps à la visite des détenus ayant donné un mot aux
surveillants pour être examinés. Même si elle
considère que beaucoup de demandes ne sont pas médicalement
justifiées (« Souvent c'était pour parler.
C'était un bon prétexte pour sortir de la cellule »),
l'infirmière s'oblige à voir chaque détenu ayant fait une
demande. La visite se fait avec un surveillant resté à la porte,
celle-ci demeurant ouverte. Elle consistait surtout à détecter
les « vrais malades » pour les placer à la
consultation du médecin, rendant tout dialogue difficile :
« Alors, c'est sûr qu'avec quarante ou
cinquante personnes [en moins de deux heures], la visite était assez
rapide... C'était quand même pas très approfondi. On allait
comme ça à la petite demande [...] Et moi, ce qui me mettait mal,
c'était ça ! De voir quarante personnes, sans aider
personne. En fait, j'en voyais 40 mais je discutais avec aucun. "Qu'est ce que
tu veux ? Ah ben voilà, tiens et suivant hein !". Mais d'un
autre côté, refuser de voir quelqu'un ça pouvait être
important. Donc, en fait, j'en voyais aucun. Je n'ai pas de souvenirs glorieux
de mon travail fait en prison »2240(*).
L'après-midi, l'infirmière prépare les
« fioles », à partir des médicaments qu'elle
va chercher toutes les semaines dans une pharmacie proche de la M.A, avec
l'aide d'un détenu choisi par l'Administration : « Alors,
bien sûr, il était sélectionné. C'était pas
un toxico. Ça a été pendant très longtemps un chef
d'entreprise qui faisait ça [...] C'était considéré
comme un travail. Bien sûr, la sélection était très
sévère. C'était souvent des cols blancs, des gens qui
étaient là pour des histoires de sous » 2241(*).
L'établissement ne disposant d'aucun lit d'infirmerie, ni d'appareil de
radiologie, les détenus sont parfois hospitalisés pour des
examens. L'équipe médicale répond alors à la
consigne du directeur qui est de privilégier l'Hôpital de Fresnes
à l'Hôpital civil de Pontoise, ce dernier étant
réservé aux urgences. Le rapport de l'IGAS précise qu'en
1983, 44 détenus ont été transférés à
Fresnes contre 9 à l'hôpital ciil de Pontoise. De manière
générale, le médecin limite volontairement les
hospitalisations afin de gagner la confiance de la direction et permettre ainsi
de traiter les détenus considérés comme ayant le plus
besoin de soins. Il utilise pour cela un procédé qu'il nous
décrit :
« - Et avec les surveillants vous aviez quelles
relations ?
- Ça allait pas mal. Ça se passait bien
à partir du moment où on les embêtait pas trop par des
examens systématiques justement avec des transferts... Euh... Si par
contre vous vouliez pas savoir. Du genre : "Je suis médecin.
Paf ! Il me faut une radio systématiquement !". Alors
là, ça n'allait plus avec l'Administration ! Il fallait
quand même mettre un peu d'eau dans son vin dans sa façon de
soigner... Ce qui permettait du même coup de soigner plus efficacement le
détenu qui était vraiment malade. On obtenait de l'Administration
beaucoup plus de facilités pour obtenir un examen. Parce que tout
dépendait d'eux [....] Alors quand c'était très urgent, on
voyait le directeur. Et à partir du moment où on l'embêtait
pas trop avec trop de transferts, on obtenait facilement l'accord de la
direction... Mais encore une fois il fallait mettre de l'eau dans son vin
[....] Alors si vous voulez on avait un code... Parce que les détenus
étaient très demandeurs... Pour aller se balader, voire
s'évader, je n'en sais rien. Alors on se rendait bien compte qu'il y
avait des examens, des radios qui n'étaient pas très
justifiées. Donc pour calmer le détenu, on faisait l'ordonnance
et on avait un code avec l'Administration. Quand on estimait qu'on avait
vraiment besoin de la radio, on mettait une croix sur l'ordonnance. Si on
mettait pas de croix, ils savaient que ça pouvait attendre et neuf fois
sur dix le détenu n'était jamais vu car, comme je vous disais, le
détenu était transféré ailleurs. Comme ça,
ça nous permettait de limiter. Ça nous permettait d'avoir un
meilleur rapport avec l'Administration pénitentiaire. On leur imposait
pas une succession de déplacements. Quand on voulait la radio, on avait
notre code et donc on arrivait à l'avoir dans les huit jours, ce qui
pour une Maison d'arrêt était rapide » 2242(*).
Malgré sa « bonne volonté »
remarque le rapport de l'IGAS, l'infirmière peine à gérer
à elle seule le fonctionnement de l'infirmerie. Les visites au quartier
disciplinaire sont rares. Alors que le CPP rend obligatoire la visite
bihebdomadaire, seules six visites auraient été
réalisées selon l'IGAS entre 1981 et 1983 (p.15). Les
interventions nocturnes sont extrêmement difficiles du fait des
contraintes pénitentiaires : « Parce que les
surveillants, la nuit, n'avaient pas les clefs et on ne pouvait pas ouvrir les
portes ou alors il fallait réveiller le gradé. Et donc pour
intervenir, il fallait vraiment que ce soit... un suicide ! Qu'ils
s'ouvrent les veines ! » 2243(*). Face au manque de
disponibilité des deux généralistes en place,
l'infirmière est justement amenée à gérer
elle-même les tentatives de suicides ou les automutilations :
« Justement, il y en avait beaucoup de gens qui
se coupaient. Mais c'était plus un appel au secours qu'une tentative de
suicide. Y en avait tous les jours. C'était très très
fréquent. Surtout des toxicomanes qui n'en pouvaient plus..... Alors ils
se coupaient... C'était un appel au secours...
-Et dans ce cas-là que faisiez-vous ?
- Ben y avait pas grand-chose à faire... J'appelais
le médecin et il faisait les points de sutures et il m'a vite dit :
"Vous n'allez pas m'appeler tous les jours ! " et il m'a appris à
le faire. Et on recousait sauf dans des cas... » 2244(*).
Suite au rapport de l'IGAS, un deuxième poste
d'infirmière est créé, puis un troisième à
la fin des années quatre-vingt. Ce surplus de temps leur donne
l'occasion d'organiser des groupes de parole en éducation à la
santé et d'avoir plus de contacts avec les détenus. Ces
recrutements permettent également de cesser d'avoir recours au
détenu pour la préparation des médicaments. Mais
l'essentiel des pratiques demeure. C'est pourquoi en dépit de ces
transformations, la première infirmière arrivée en 1980
garde après son départ, lorsque l'établissement ferme ses
portes en 1990, un souvenir douloureux de son passé à la prison.
Elle a alors le sentiment d'avoir peu réussi à accomplir la
mission qu'elle s'était impartie initialement, être utile aux
détenus, notamment pour les toxicomanes, livrés à
eux-mêmes :
« Il y avait les alcooliques aussi... Et c'est
vrai qu'ils étaient très très mal traités. On
n'était pas tendre à l'époque. Je me souviens que la
promenade, le matin à huit heures, était obligatoire. Je me
rappelle ceux qui étaient en manque tout tremblotants... Pas facile pour
eux [...] Je me rappelle qu'on leur donnait énormément de
médicaments. Le sevrage pour les plus durs, c'était dix jours.
Mais c'est vrai qu'ils avaient très peu de soutien psychologique, et en
plus ils étaient enfermés en prison. C'était vraiment
dur ! Alors comme on les mettait avec les autres détenus, c'est
vrai que ça créait pas mal de problèmes. Mais
malheureusement à cette époque... Comment dire ? Une fois
que la porte était fermée, le soir, on s'occupait pas du tout de
ce qui se passait, c'était : "Débrouillez-vous !" [...]
C'est sûr que c'était sale, y avait des rats. Mais moi, c'est pas
tellement le manque d'hygiène, la saleté qui m'a
gêné franchement... C'est le fait de les enfermer sans soutien,
sans aide [...] Je suis pas très fière du travail que j'ai fait
en prison. Je pense qu'on aurait pu davantage faire bouger les
choses »2245(*).
L'exemple de la M.A de Pontoise permet de souligner le peu de
transformations concrètes qu'a permis la réforme de 1983,
transférant le contrôle sanitaire à l'IGAS, dans de petits
établissements. Faute de financements, les rapports de l'IGAS ou des
MISP sont incapables de transformer de manière importante l'organisation
des soins qui demeure régie par des règles anciennes (fioles,
distribution des médicaments par les surveillants, rôle des
détenus classés, etc).
ANNEXE 30 : LES EFFETS PERVERS D'UNE MODERNISATION ET D'UNE
NOUVELLE RÉGULATION DE LA MÉDECINE PÉNITENTIAIRE : LE
DIFFICILE RECRUTEMENT DES CHIRURGIENS-DENTISTES
De toutes les professions médicales intervenant en
prison, celle de dentiste a toujours été celle qui souffrait le
plus d'une crise des vocations. Outre que cela était
considéré comme une activité libérale et non pas
salariée, cette désaffection s'explique par un abattement
appliqué sur le prix de facturation des actes selon la nomenclature de
la Sécurité sociale. Cet abattement était justifié
par la DAP par le matériel mis à la disposition des praticiens au
sein de l'établissement. C'est pourquoi les dentistes ne subissaient pas
cette réduction (qui était de 60% sur les actes et de 80% sur les
prothèses). Il ressort de l'analyse des dossiers de carrière des
dentistes que cet abattement faisait l'objet de négociations
établissement par établissement. Ainsi, le surveillant-chef de la
M.A d'Avignon remarque en 1967 au sujet du nouveau dentiste, qui
achèvera sa carrière en 1983, qu'« il est "près de
ses sous" comme beaucoup de ses collègues ; par contre c'est un
très bon chirurgien-dentiste, réputé sur la place
d'Avignon [...] Tant que l'établissement ne sera pas doté d'un
cabinet dentaire approprié et que le taux de la lettre sera celui de la
sécurité sociale nous pourrons compter sur lui ». Ainsi
paradoxalement, la non-modernisation du cabinet dentaire, qui impliquerait
l'abattement, devient un objectif pour certains établissements soucieux
de conserver leur praticien.
La question de l'application de l'abattement, qui souvent
conditionne la présence du praticien, se pose périodiquement
durant les années soixante-dix. Ainsi le chirurgien-dentiste de Mulhouse
intervenant depuis 1964 démissionne dès que celui-ci est
appliqué, provoquant l'embarras du directeur de l'établissement :
« Afin de provoquer des candidatures, je me suis mis immédiatement
en rapport avec les Directeurs du syndicat dentaire du Haut-Rhin et de
l'école des chirurgiens-dentistes de Strasbourg qui ne m'ont pas
caché combien ce recrutement s'avérait difficile, voire
même impossible. A ce jour, aucune demande ne m'est parvenue ». Les
transformations de la médecine pénitentiaire durant les
années quatre-vingt accentuent paradoxalement les difficultés de
recrutement pour deux raisons.
Consciente des difficultés à recruter des
dentistes, l'ancien Médecin-inspecteur entreprenait fréquemment
des démarches auprès de la DAP afin que cet abattement ne soit
pas mis en oeuvre. Après la suppression de son poste, un magistrat est
nommé afin de faire appliquer la réglementation concernant les
questions médicales. Il est dans ce cadre amené à
pratiquer l'abattement conformément aux textes et ce d'autant plus,
seconde raison, qu'une modernisation des cabinets dentaires est entreprise afin
de mieux soigner les détenus. C'est dans ces conditions que de nombreux
praticiens sont amenés à démissionner de leur fonction au
milieu des années quatre-vingt.
C'est le cas par exemple du praticien de la M.A du
Puy-en-Velay en fonction depuis 1977 qui présente sa démission en
1987, le généraliste de la M.A soulignant à cette occasion
le risque « de devoir conduire les détenus à
l'hôpital, faute de volontaires pour venir à
l'établissement, vu les difficultés que l'on a connues pour
recruter un dentiste ». En effet, les «
extractions » 2246(*) dentaires seraient paradoxalement une source
de dépense plus importante que ce qu'aurait coûté de ne pas
appliquer l'abattement en question. En attestent les inquiétudes du
procureur général d'Orléans après la
démission en 1984 du praticien de la M.A de Blois en poste depuis 1973
:
« Devant cette situation [vacance du poste], le Chef
de l'établissement, après avoir évoqué le
problème en commission de surveillance, a recherché en vain un
remplaçant : le Président de l'Ordre des chirurgiens-dentistes
n'a pas répondu à ses courriers et le Directeur
départemental de l'Action Sanitaire et Sociale du Loir-et-Cher n'a pas
trouvé, de son côté, de candidat [...] Depuis le mois de
juillet 1986, seuls les soins stomatologiques urgents [....] sont
assurés à l'hôpital général de Blois. Cela
engendre des extractions constituant pour les fonctionnaires du Commissariat de
Blois chargés de l'escorte, une lourde servitude et pour l'Etat un
coût inestimable. En effet, chaque extraction représente une
moyenne de 2H30 de service fonctionnaire et un coût de 208,29 frs. Or, il
y a eu, du 1er juillet 1986 au 31 Janvier 1987, 59 extractions
correspondants à des soins urgents, soit un coût total de 142H
pour 87 fonctionnaires et une dépense de 12.289, 11 Frs. [....] La
Maison d'Arrêt de Blois dispose d'un bloc de soins complet, apte à
éviter ces charges parfaitement inutiles pour le budget de la Justice,
tout en assurant un service sanitaire ne dépendant pas de la seule
urgence » .
A cette faible rémunération des actes s'ajoutent
également un rationnement des soins par détenu diversement
apprécié par les praticiens ainsi qu'un retard de paiement de
plus en plus important pour leurs émoluments. C'est dans ces conditions
que le chirurgien-dentiste de la M.A de Sarreguemines démissionne en
1987 : « Le règlement des honoraires, à partir de
relevés mensuels, était plus ou moins régulier, et
toujours en retard de quelques mois entre 1978 et 1983. Mais depuis 1984, 1985
et surtout 1986, les choses n'ont fait que s'aggraver et je me vois dans
l'obligation désagréable de réclamer le règlement
de mon activité professionnelle ».
Confrontée à une multiplication de
démissions, les établissements sont progressivement amenés
à demander à leur direction ministérielle de ne pas
appliquer cet abattement. Ainsi le JAP de Macon remarque que le
chirurgien-dentiste récemment embauché envisage de
démissionner, le directeur d'établissement ne lui ayant pas fait
mention d'une telle clause dans son contrat. A la M.A de Remiremont où
l'absence de praticien depuis trois ans a posé d'« énormes
problèmes », le DRSP de Strasbourg demande au Bureau du personnel
au sujet de la demande d'agrément d'un nouveau dentiste « de ne pas
frapper d'abattement le montant de ses honoraires, bien que le cabinet dentaire
de cet établissement soit équipé ». On peut lire en
marge de ce courrier l'annotation manuscrite : « tous les autres vont en
demander autant...».
Le recrutement des chirurgiens-dentistes souligne la difficile
gestion de l'organisation des soins par l'Administration pénitentiaire.
Afin d'améliorer les soins, la nouvelle équipe en place en 1981
entreprend de moderniser l'équipement en place. Cela s'accompagne
cependant de la démission de nombreux praticiens du fait de la mise en
oeuvre de l'abattement qui en découle. Faute de praticiens les
consultations d'urgence donnent lieu à des hospitalisations
extérieures créant une charge supplémentaire pour
l'Administration pénitentiaire et laissant ainsi les fauteuils
récemment achetés inutilisés faute de dentiste.
ANNEXE 31 : LA CRÉATION DES SERVICES
MÉDICO-PSYCHOLOGIQUES RÉGIONAUX (SMPR) EN 1986, ACTE DE
DÉCÈS DE LA
« PSYCHIATRIE PÉNITENTIAIRE »
Placés sous la cotutelle des ministères de la
Justice et de la Santé en 1977, certains psychiatres exerçant en
milieu carcéral critiquent au début des années
quatre-vingt le règlement auquel ils sont soumis. Outre l'obligation qui
leur est faite d'assister à la commission des peines,
considérée comme une atteinte au secret médical, ils
dénoncent le droit de veto que l'Administration pénitentiaire
peut exercer sur les propositions de la commission paritaire2247(*). Mais c'est surtout
le pouvoir dont dispose le directeur de l'établissement en
matière d'hospitalisation des détenus au sein de l'infirmerie
psychiatrique qui est le plus contesté. Une psychiatre ayant
participé à la réforme de 1986 rappelle cette
« faille » de la circulaire de 1977 :
« Avant l'arrêté de 1986, le directeur de la prison
pouvait dire : "Dupont est dingue, je le mets au CMPR" [...] Avant,
ça dépendait des relations entre les médecins et le
directeur de la prison »2248(*). Signe du peu de reconnaissance dont
bénéficient alors les soins psychiatriques, un magistrat de la
DAP, interrogé sur la capacité du directeur à
« hospitaliser » les détenus, souligne le
caractère pénitentiaire des « cellules
CMPR » :
« Il y avait des locaux médicaux et puis
vous aviez des cellules qui étaient véritablement à
proximité des locaux médicaux pour faire de l'hospitalisation...
mais entre guillemets ! [...] Le détenu restait deux jours... Mais
de toute façon, de nuit, c'était le régime de droit commun
qui s'appliquait dans ces quelques cellules CMPR »2249(*).
La difficile acceptation des règles régissant
jusque-là l'exercice de la psychiatrie en prison (atteintes au secret
médical, primauté de la DAP) traduit l'émergence d'une
réflexion éthique, parmi les médecins hospitaliers
nouvellement arrivés, quant au rôle du psychiatre :
« Doit-il être un normalisateur cautionnant le système
répressif ? Peut-il se démarquer de l'institution
carcérale et ne risque-t-il pas alors d'être totalement
inefficace ? Un médecin se doit de soulager la souffrance. Mais
comment faire devant une souffrance codifiée ? »,
s'interroge une équipe de psychiatres hospitaliers2250(*). Témoigne de
cette évolution le rejet par certains psychiatres de la mission
criminologique qui leur a été confiée dès la
Libération par le ministère de la Justice et qui justifiait la
création des CMPR en 19662251(*). Ainsi, le médecin-chef du CMPR de
Rennes s'alarme de la réforme du Code pénal dont un avant-projet
datant de 1976 prévoyait la création d'un régime
« médico-psychologique », éloigné du
rôle soignant des psychiatres, avant de réclamer une
réforme du statut des CMPR :
« Il s'agissait d'un mode d'exécution de
la peine, et l'admission à ce régime était
prononcée, soit ab initio par la juridiction de jugement, soit
en cours d'exécution par le tribunal de l'exécution des
sanctions. Ce tribunal était également compétent pour
mettre fin au régime médico-psychologique. Les médecins
n'avaient donc pas la maîtrise de l'admission dans ces structures. Il y
avait donc une différence fondamentale avec les actuels CMPR, la
finalité de l'institution n'étant pas thérapeutique au
sens médical, mais criminologique. On voit tout de suite l'analogie
entre ce régime et les établissements de défense sociale
tels qu'ils existent dans certains pays, en particulier, la
Belgique » 2252(*).
En second lieu, intégrée dans la sectorisation
psychiatrique, la prison devient un lieu de travail pour de nombreux internes
qui lui consacrent leur thèse de médecine où ils
s'interrogent sur le rôle qui leur est imparti en milieu carcéral.
« Le psychiatre est le garant du suicide. La présence du
psychiatre suffit à couvrir l'angoisse de l'administration et à
éviter la remise en cause de sa responsabilité »,
observe une interne de Fleury-Mérogis2253(*). Alors qu'il n'y a
théoriquement selon l'article D.398 du Code pénal pas de malades
mentaux en prison, remarque une autre interne de Fleury, les psychiatres se
voient attribuer un rôle de maintien de l'ordre en
détention : « La lutte est, dans ce contexte, permanente
contre la "psychiatrisation" de ce qui ne doit pas l'être, pour que les
responsabilités soient données ou rendues à qui de droit
chaque fois qu'un conflit naît de la situation carcérale et que
l'administration tente de l'éluder en le confiant au
psychiatre »2254(*). C'est également cette
ambiguïté qu'observe une autre interne de Fleury dans sa
thèse:
« Dans ce conteste a priori
antithérapeutique quel peut-être le rôle du
psychiatre ? [...] L'institution carcérale attend du psychiatre
qu'il joue le rôle classique "d'auxiliaire de justice" [...] D'une part,
nous ne savons pas où se trouve notre rôle soignant, d'autre part
il nous semble impossible d'assumer entièrement la violence et la mort
que l'institution ne veut plus prendre en charge. Le cours d'un entretien nous
paraît "faussé" quand l'enjeu en est soit l'hospitalisation au
C.M.P. "puisque le détenu est malade", soit la sanction "puisqu'il
s'agit d'un simulateur". Toute possibilité de dialogue est apparue
impossible. Or, si le symptôme présenté par le
détenu ne nous semble pas toujours nécessiter une
hospitalisation, il nous apparait difficile de "cautionner" la punition et de
devenir à notre tour répressifs [...] Le psychiatre est donc
l'objet de sollicitations multiples et l'on a l'impression, d'une certaine
façon, de n'être qu'un intermédiaire entre deux groupes
enfermés dans un rapport de force, être lesquels n'existerait plus
de dialogue »2255(*).
A ces questions déontologiques s'ajoutent des
problèmes relevés par les inspecteurs de l'IGAS dans un rapport
consacré à la psychiatrie pénitentiaire : la
cotutelle entre les ministères de la Santé et de la Justice
favorise les tentatives de la part de chaque administration de se
déresponsabiliser :
« La majorité des CMPR fait état
de difficultés pour obtenir des crédits supplémentaires
susceptibles d'être alloués par la DDASS, l'administration
pénitentiaire et le CHS de rattachement, chacun s'en rejetant la
responsabilité et la charge compte tenu de l'imprécision du
règlement intérieur annexé à cette circulaire [...]
Les CMPR sous soumis à au moins deux tutelles, Justice et Santé,
et ne sont pas pour autant intégrés à l'une ou l'autre de
ces administration mais plutôt écartelés entre elles. Dans
l'établissement pénitentiaire d'accueil, les CMPR occupent une
place à part mais restent soumis à des règles
carcérales de fonctionnement. Ces caractéristiques les isolent en
fait de l'ensemble des institutions de rattachement aussi bien au plan
individuel des personnes qu'aux plans professionnel et structurel. Pour rompre
cet isolement mal vécu, les responsables des CMPR ont
éprouvé le désir et le besoin de se rencontrer
périodiquement afin de confronter leurs idées et faire
évoluer leur structure et de se relier plus étroitement au CHS de
rattachement »2256(*).
Ainsi, au même moment, les psychiatres exerçant
en milieu pénitentiaire recherchent le soutien de leurs confrères
intervenant à l'hôpital psychiatrique, longtemps hostiles à
l'intervention en détention. Paul Hivert rappelle ainsi
« l'évolution de certains [psychiatres hospitaliers], hostiles
au départ, devenus partisans en appréciant l'utilité du
CMPR. En particulier le syndicat [le Syndicat des psychiatres des
hôpitaux, SPH] qui en reconnaissant notre existence et en créant
un groupe de travail permanent a contribué à nous faire
progresser plus rapidement »2257(*). En effet, dans deux motions adoptées
en 1983, le SPH rappelle « le droit des détenus
(prévenus ou condamnés) aux soins, en particulier en ce qui
concerne leur santé mentale » ainsi que le risque
« d'aboutir à des ghettos psychiatriques » avec le
projet du régime médico-psychologique que prévoient les
articles 65 et 68 du Code pénal2258(*). Celle qui fut chargée de
rédiger en 1986 l'arrêté relatif à l'organisation
des soins psychiatriques en prison relativise cette intégration au sein
de la psychiatrie hospitalière et souligne dans quelle mesure la
nouvelle réforme fut imposée par les services
ministériels :
« Et à l'époque entre 77 et 85,
les psychiatres des prisons vivaient extrêmement mal, car ils
étaient bannis... Même dans les syndicats [...] Car ils
étaient pieds et poings liés avec l'Administration. Et je me
rappelle vraiment, même si à l'époque je ne me rendais pas
compte car je n'avais pas travaillé en prison, la joie d'Hivert et de
Laurens quand il y a eu la réforme de 86. C'était une
reconnaissance pour eux. Ils étaient heureux comme des enfants ! Et
c'est devenu, au point de vue des recrutements, un service de psychiatrie comme
un autre. Ça, ça été la révolution dans le
milieu ! Les psychiatres non pénitentiaires l'ont très mal
pris. A l'époque, j'avais des relations avec eux mais comme, moi,
j'étais très liée au Syndicat, c'est passé. Et puis
devant les tutelles, au ministère, ils ne pouvaient pas dire qu'ils les
considéraient comme des sous-merdes [...] J'avais milité à
l'époque et puis comme j'étais au ministère, ils me
faisaient les yeux doux. Ils me prêtaient un pouvoir que je n'avais
pas »2259(*).
Le décret n°86 du 14 mars 1986 relatif à la
lutte contre les maladies mentales et à l'organisation de la
sectorisation psychiatrique achève l'intégration de la
psychiatrie exercée en prison à la psychiatrie
hospitalière, en instaurant dans chaque région
pénitentiaire « un ou plusieurs secteurs de psychiatrie en milieu
pénitentiaire », appelés Service médico-psychologique
régional (SMPR)2260(*). L'arrêté du 14 décembre
1986 relatif au règlement intérieur type fixant l'organisation
des SMPR modifie profondément les règles de fonctionnement des
anciens CMPR. Le recours à des
« surveillants-infirmiers » ou « auxiliaires
sanitaires » est abandonné. Les admissions sont
assimilées à une entrée à l'hôpital et sont,
par conséquent, prononcées par le directeur de
l'établissement hospitalier sur proposition du responsable du service.
La circulaire du 5 décembre 1988 rappelle que les SMPR ne peuvent
recevoir que des détenus consentants, satisfaisant les psychiatres
« qui estiment qu'à la contrainte carcérale ne peut
s'ajouter une contrainte de soins »2261(*). Elle cesse de rendre
obligatoire la participation du psychiatre à la CAP et souligne
l'importance du secret médical : « En particulier les
attestations délivrées en application de l'article D.378 du Code
de procédure pénale doivent se borner à un simple avis
administratif sans renseignements médicaux »2262(*).
En affirmant l'autonomie des psychiatres en institution
carcérale, cette réforme marquerait le passage d'une «
psychiatrie pénitentiaire » à une « psychiatrie en
prison », à l'image de la dénonciation lexicale
établie en 1994 en matière de soins somatiques2263(*). Interrogés
sur cette question, tous les praticiens rencontrés, même ceux
travaillant depuis longtemps en prison, revendiquent d'ailleurs cette seconde
appellation avant tout destinée à se démarquer du cadre
carcéral dans lequel ils opèrent :
« Il n'y pas de psychiatrie pénitentiaire
! C'est de la psychiatrie en milieu carcéral. C'est un peu
spécifique, c'est vrai... Mais des spécificités qui ne
justifient pas cette appellation. Ça me choque parce que ça
semble mettre la psychiatrie sous la dépendance de l'Administration
pénitentiaire. Or, ce n'est pas le cas. C'est un terme qu'on a banni. Au
niveau national. On en a souvent parlé avec des collègues. On a
essayé de mettre en place une espèce de déontologie de la
psychiatrie en milieu carcéral »2264(*).
« E.F : Justement en tant que psychiatre
pénitentiaire... - Non, pas pénitentiaire ! Je ne suis pas
pénitentiaire. On n'a jamais été
pénitentiaire ! - Enfin, ayant travaillé en prison, je
voulais dire... - Ah oui, ça c'est
différent ! »2265(*)
« Non, nous on aime mieux psychiatrie en milieu
pénitentiaire. C'est pour ça qu'on a appelé notre livre
comme ça. C'est quelque chose qui me choque parce que c'est comme pour
la médecine pénitentiaire, ça veut dire la médecine
DE l'Administration pénitentiaire. Donc bon... Dans les trucs officiels,
on fait attention. En parlant on peut dire "Je suis psychiatre
pénitentiaire", mais c'est rare que je le
dise »2266(*).
Cet unanimisme souligne l'absence de segment de psychiatres
travaillant en prison hostile à un transfert auprès du service
public hospitalier. On n'observe ainsi pas en matière de psychiatrie le
phénomène de spécialisation qui a
caractérisé la médecine pénitentiaire. Cette
non-spécialisation est peut-être liée à l'absence de
porte-parole à l'image du Médecin-inspecteur mais, surtout au
courant critique apparu depuis les années soixante-dix quant aux
institutions fermées.
ANNEXE 32 : LA CRISE DE LA MÉDECINE
LÉGALE : UNE DIFFICILE INTÉGRATION HOSPITALO-UNIVERSITAIRE
ET SA NÉCESSAIRE RECONVERSION
Discipline longtemps bien ancrée au sein du milieu
universitaire français, la médecine légale est victime de
la réforme des études médicales de 19682267(*). Faisant
jusque-là partie des enseignements obligatoires, la création
d'une nouvelle faculté de médecine entraînait jusqu'alors
obligatoirement la création d'une chaire de médecine
légale. Après 1968, les chaires de médecine légale
qui ne sont pas associésre à des fonctions hospitalières
sont menacées. Une commission interministérielle souligne, dans
un rapport remis au garde des Sceaux en mars 1975, que « la
médecine légale est menacée d'une véritable
disparition en tant que discipline universitaire ». En 1975, seuls
dix-neuf enseignants ont une activité hospitalo-universitaire de
médecine légale, soit 0,68% des enseignants de Faculté de
médecine. Ils sont vingt-six Professeurs en 1982, dont quatre ne
bénéficient pas d'un statut hospitalier. L'enjeu est alors, comme
le souligne celui qui présidait la commission interministérielle,
d'obtenir l'intégration hospitalière des
médecins-légistes : « Cette intégration est
obligatoire actuellement, puisque des postes de Professeurs, chefs de travaux
et assistants, ne sont créés que s'il y a une fonction à
l'université et une fonction à
l'hôpital »2268(*).
Du fait de sa faible intégration hospitalière,
la médecine légale perd progressivement son implantation
universitaire, largement héritée. Dans un courrier adressé
au Directeur général de la santé, Jacques Roux, le Groupe
interministériel de médecine légale souligne
« le problème urgent du recrutement de Professeurs
agrégés », la discipline ayant perdu trois postes
d'agrégés et aucun recrutement n'étant prévu en
1981 et 19822269(*). En 1984, dix-neuf facultés sont
privées de cette discipline et dix CHU sont dépourvus
d'enseignement. Cette dévalorisation de la médecine légale
au sein du secteur hospitalo-universitaire n'est pas sans préoccuper le
ministère de la Justice du fait de ses répercussions. Elle se
traduit, en effet, par une « crise de recrutement » des
médecins-experts en dépit d'une revalorisation de leurs
honoraires2270(*). « Cette situation est
inquiétante pour le bon fonctionnement de la Justice, en raison de
l'absence de formation d'experts qualifiés [...] L'absence
d'unités médico-légales ne permettra plus de fournir les
moyens nécessaires à la Justice », s'alarme un rapport
remis au garde des Sceaux en 19832271(*). « La médecine légale
est actuellement dans une situation extrêmement critique. Elle est tout
simplement menacée d'une véritable disparition en tant que
discipline Universitaire [...] Il ne peut y avoir de bonne Justice sans
une bonne médecine légale », annonce le ministre de la
Justice aux différents services de la Santé2272(*).
C'est d'ailleurs pour retrouver la chaire de médecine
légale, créée en 1877 et disparue en 1968, que le Pr Roche
tente à Lyon de diversifier les domaines d'application de sa
discipline2273(*). Il propose pour cela de ne pas cantonner la
médecine légale au seul Institut
médico-légal : « La Médecine Légale,
pour beaucoup de médecins, c'est "de la paperasse" ; rien n'est
plus inexact [...] La Médecine Légale n'est pas une discipline
morte, spécialisée dans le cadavre »2274(*). Louis Roche fait
ainsi de l'hôpital l'endroit privilégié de la reconversion
de la médecine légale, comme le souligne le Dr Gonin :
« Roche disait : "Mais les expertises se
font de plus en plus sur le vivant". Et surtout ce qu'il est apparu, c'est
qu'il y avait beaucoup de problèmes médico-légaux. Et ces
problèmes se voyaient où ? Et bien chez les gens qui
venaient en urgence en particulier [...] Mais très vite aussi Roche a
insisté sur l'urgence psychiatrique parce qu'il y avait, comme Colin par
exemple, des gens qui étaient de formation psychiatrique et il s'est
rendu compte qu'on recevait beaucoup de malades psychiatriques.
C'étaient tous ceux qui déliraient pour la première fois.
C'était aussi, bien sûr, le suicide. Et puis c'était le
moment de l'éclosion de la drogue [...] Ça aussi, ça
demandait à la fois des réanimateurs et des psychiatres pour
accéder à leurs problèmes. Et tout ça, ça
constituait en plus des délits et la police nous les emmenait. Et tout
ça a fait une médecine légale vivante. Et Roche en plus
disait : "Comment on va faire une expertise si on est isolé ?
Il faut qu'on soit proche de l'hôpital". Et l'avantage d'Edouard Herriot,
c'est qu'il y avait tout ce qu'il pouvait y avoir à l'hôpital
à ce moment-là. Il y avait un plateau technique extrêmement
développé. Ce qui fait qu'il disait : "On ne peut être
médecin légiste que si l'on est à la fois au sein d'une
structure qui nous reconnaisse dans nos compétences, mais aussi dans nos
grades universitaires et donc qu'on soit praticien
hospitalier" » 2275(*).
Ce désir de réorienter la médecine
légale vers l'urgence hospitalière, notamment psychiatrique,
rencontre une opportunité à l'hôpital Edouard Herriot comme
l'a retracé Jérôme Thomas dans son travail d'ethnographie
consacrée à ce service2276(*). Dans les années cinquante le service
d'accueil des urgences (dit « pavillon A ») est
confronté à de nombreuses urgences
« médicales » distinctes de celles chirurgicales.
Pour les accueillir, Louis Roche crée en 1961 le « pavillon
B » qui s'agrandit en 1964 au « pavillon P ». Il
y développe un modèle spécifique qui se caractérise
par une prise en charge pluridisciplinaire, l'urgence médicale
étant pensée également comme une urgence psychiatrique ou
encore sociale. Face à son succès, le service
déménage en 1970 au « pavillon N » où
il se situe encore aujourd'hui : « Une telle unité
hospitalière représente le lieu idéal pour le
médecin légiste : l'ivresse, le vagabond, l'agité
n'intéressent pas les médecins des hôpitaux classiques,
ceux-ci intéressent les médecins
légistes »2277(*).
Parallèlement d'autres lieux sont investis à la
demande du Pr Louis Roche. En créant le pavillon
« N », Service d'urgence médico-judiciaire, à
l'hôpital Edouard Herriot, en s'investissant dans les lieux d'accueil
pour toxicomanes, en faveur des victimes de viols et de violences, dans les
dispensaires pour migrants ou à la Protection judiciaire de la jeunesse,
ces praticiens entendent montrer qu'ils « travaillent "sur le
vivant" » (Libération, 2/06/1991). Le Dr Gonin qui a
participé à ce mouvement souligne la
complémentarité entre ces différents lieux d'exercice qui
ont permis, à un moment où la médecine d'urgence
n'existait pas en tant que spécialité médicale, d'affirmer
la spécificité de l'Ecole lyonnaise située au croisement
de la criminologie, de la médecine légale, de la psychiatrie et
de la médecine sociale :
« On rencontrait souvent les mêmes
personnages dans les différents lieux. On avait souvent un patient de la
prison, qu'on revoyait à l'urgence quand il était sorti, pour un
geste suicidaire par exemple. On pouvait aussi le rencontrer en psychiatrie. Et
avec Colin, nous avions fondé un service pour les migrants.
C'était la même chose après tous les services avec le FLN.
Dans les années cinquante, au moment de la guerre d'Algérie, y
avait un gros mouvement migratoire de main d'oeuvre. Y avait le début
des Sonacotras mais ça restait insuffisant. Après, ils se sont
multipliés et il y a eu un foyer important à la Part-Dieu dans
les anciennes casernes de l'ancien régiment de cavalerie. Ça a
son importance parce que ça occupait un très gros territoire dans
ce quartier. Dans la caserne, ça a été un envahissement
progressif et les autorités ont laissé faire2278(*). Et dans les
écuries, on pouvait mettre des lits les uns en face des autres. Au
début, on disait il y avait mille à 1500 travailleurs. Et ce que
Colin avait vu, c'est que dans les consultations... l'urgence n'existait pas
encore... On voyait dans les consultations hospitalières des gens avec
des tuberculeuses, des blessures par armes blanches et tous ces gens venaient
de la Part Dieu. Et il s'est dit : "Plutôt que de soigner à
l'hôpital il faudrait soigner sur place". Donc, il a monté une
infirmerie et il m'a demandé de faire des consultations, en plus, comme
à la prison. Et on a travaillé dans ce caravansérail
où devaient loger trois mille personnes. On a vu aussi que dans les
foyers Sonacotra, il n'y avait pas de médecins. Donc on a essaimé
comme ça. Et on a eu dans ce service jusqu'à douze dispensaires.
Alors, après, on a été obligé de partir de la
Part-Dieu et on s'est dit qu'il fallait qu'on trouve quelque chose dans le
même quartier. J'ai pris la direction de cette structure qui
été payée directement par la Sécurité
sociale. Et il y a beaucoup de délinquants dans les transplantés
et c'était un quartier uniquement de transplantés. Et qu'est
qu'on a vu ? La délinquance qu'on voyait en prison. Donc,
l'urgence, l'hôpital psychiatrique, la prison et puis le SMSTE [service
médico]. Donc ça formait un secteur technique,
c'est-à-dire un secteur qui n'était pas défini par un
territoire mais par ce qu'il s'y passait, par une marginalité et la
délinquance, maladie mentale, toxicomanie, etc. C'étaient des
relais [...] Vous voyez, c'était un secteur comme ça, qui n'a
jamais été officialisé » 2279(*).
En investissant plusieurs lieux de marginalité
où les praticiens étaie t jusque-là absents, Louis Roche
entend ainsi souligner l'utilité de la médecine légale
aussi bien au sein du système hospitalo-universitaire qu'auprès
du monde judiciaire. C'est ce rôle d'intercesseur entre ces deux secteurs
qui lui fait dire que la médecine légale est un
« auxiliaire de Justice ». Il multiplie pour cela les
contacts avec les magistrats, sous la forme notamment de congrès,
souligne le Dr Gonin :
« Roche faisait régulièrement des
journées de médecine légale. Pour attirer un peu les
magistrats, on les faisait en Provence, parce que c'est pas loin. On invitait
les magistrats et on les invitait à parler. Et on vivait ensemble
pendant deux trois jours. Et ça structurait, ça faisait des liens
avec les magistrats. C'étaient les chefs de cour, parquet
général, souvent les premiers présidents. Y a toujours eu
des juges d'instruction. Y a toujours eu des Présidents d'Assises. Et
ça créait des liens et c'était d'autant plus
intéressant que les magistrats bougent beaucoup. Ils se retrouvent dans
toute la France et ça diffusait un peu nos idées. C'est comme
ça que j'ai bien connu Truche qui est devenu premier président de
la Cour de Cassation. Mais ce n'est qu'un exemple parmi tant
d'autres » 2280(*).
L'investissement de plusieurs
psychiatres/médecins-légistes lyonnais dans l'activité en
milieu carcéral, et notamment la création d'un service
d'hospitalisation pour détenus ainsi qu'une capacité de
médecine pénitentiaire au milieu des années quatre-vingt,
s'inscrit dans cette tentative de reconversion de la médecine
légale au sein du secteur hospitalo-universitaire.
ANNEXE 33 : LES SOIGNANTS ET LE SIDA EN PRISON :
ENTRE GESTION DES PEURS ET PRISE EN CHARGE IMPOSSIBLE
L'apparition de l'épidémie de sida impacte
considérablement la vie des établissements pénitentiaires,
notamment le travail des soignants. Les peurs ressenties par le personnel de
surveillance se traduisent par de nombreuses questions aux soignants et
même parfois par le refus de tout contact avec les détenus.
D'autres utilisent systématiquement des gants afin d'éviter un
contact direct. Les propos de ces soignants travaillant à cette
époque en détention reflètent le climat de suspicion alors
en vigueur :
« Souvent les surveillants venaient à
l'infirmerie pour nous demander : "Il parait qu'y en a un..." mais
après je les ai vus porter des gants tous le temps, et ça me
faisait un peu mal... Y avait un peu une hystérie. J'ai vu des
transferts où les surveillants avaient des gants. Mais ça a
été la panique à bord... Le risque de contagion...
C'était quand même très
difficile... »2281(*)
« Les surveillants, ils mettaient des gants et
tout. Ils voulaient plus toucher un détenu. Ils se demandaient si
ça aller pas passer par la nourriture. Ah oui ! Les
surveillants.... C'est pour ça qu'il fallait pas que ça se sache
parce que sinon les surveillants, ils risquaient de les pestiférer. Les
surveillants nous ont demandé lesquels étaient
séropositifs parce qu'ils étaient paniqués à
l'idée de... mais on leur donnait pas ! »2282(*).
« Je me souviens qu'à l'époque je
faisais des gardes et il m'est arrivé parfois la nuit, parce que les
détenus arrivent la nuit, il m'est arrivé de recevoir des coups
de téléphone d'un surveillant me disant : "Il y a un
détenu qui vient d'arriver et il y a une juge disant qu'il a le sida,
donc nous on ne le touche pas docteur!! On le touche
pas !" »2283(*).
A l'aide notamment de séances d'information
organisées par les DDASS, ces craintes diminuent fortement au bout de
quelques années, notamment dans les grands établissements.
« En 1985, c'était l'hystérie [...] Des syndicats de
gardiens de prison demandaient que tous les employés puissent
bénéficier de combinaisons et que des règles draconiennes
d'hygiène soient instaurés. Deux ans plus tard, c'est bizarrement
l'accalmie », note Libération le 1er
octobre 1987. « Il n'y a plus aujourd'hui de phénomènes
de panique », déclare lors d'une table ronde le Dr Espinoza en
19902284(*).
Ce constat doit probablement être relativisé pour
les petits établissements où l'accès à
l'information médicale semble plus difficile. En atteste le
témoignage d'un infirmier ayant commencé à travailler
à la M.A de Caen en 1988 : « Alors là, on a
assisté à des situations vraiment catastrophiques où on
avait des détenus qui étaient repérés comme
séropositifs et qui étaient mis tout seuls dans des cellules, des
cellules pourries, et qui donc étaient complètement isolés
du reste de la détention. Les surveillants ne voulaient plus les
toucher »2285(*).
L'apparition de la maladie provoque également de
nombreuses peurs parmi la population carcérale, l'enfermement
étant à l'origine de réflexes irrationnels. En atteste
cette anecdote relatée par une infirmière : « Un
jour, je venais travailler et un gars arrive et me dit : "J'ai vu une
émission hier sur le sida à la télé et ils ont dit
qu'en prison un type sur quatre a le sida". "Ah bon ils ont dit
ça ?". "Et nous, on est quatre dans la cellule, et donc parmi nous
y en a un qui l'a. Il faut me dire lequel !"
[rires] »2286(*).
La peur des surveillants et des détenus place le
personnel médical dans une situation délicate. Dotés d'une
légitimité spécifique, les soignants sont
fréquemment sollicités en tant qu'intermédiaires avec les
détenus. En dépit des formations, les mêmes consignes
doivent être sans cesse répétées au personnel de
surveillance, provoquant la lassitude des soignants. Il leur est difficile
d'apaiser les craintes exprimées, notamment en cas d'agression et de
blessure, par le seul impératif du secret médical. Les propos de
cette infirmière expriment la position délicate dans laquelle se
trouvent alors placés les soignants travaillant en prison :
« Les surveillants nous demandaient sans cesse
s'il fallait en mettre [des gants] [...] On a fait des formations pendant des
mois avec toujours les mêmes questions ! Parce que dès qu'on
a su ce qu'était le HIV, on nous demandait "Il est HIV ou pas ? "
[...] Alors, on disait : "Non, peut être pas". Et tout le monde nous
disait : "Nous aussi, on a un secret professionnel, alors pourquoi vous ne
nous dites pas ce qu'ils ont ?". Alors vous pouvez dire : "On
défend le secret médical et donc on ne peut pas vous le dire"
mais ça, ça n'est pas une réponse ! Ça
n'apporte rien ! »2287(*).
L'attitude à adopter à l'égard des
détenus séropositifs apparaît encore plus délicate.
Beaucoup de médecins et d'infirmières se trouvent amenés
à devoir expliquer une maladie dont ils ignorent tout. Une
infirmière récemment diplômée avant son
arrivée en M.A en 1987 se félicite d'avoir
bénéficié d'une connaissance minimale du sujet
(« mieux que les médecins en tous cas ») lui ayant
permis d'annoncer aux détenus leur
séropositivité2288(*). A l'inverse, le généraliste de
ce même établissement peine à rendre compte de leur
sérologie aux détenus, si l'on en croit les propos de cette autre
infirmière du même établissement : « Le
médecin essayait de leur expliquer et souvent en sortant, ils [les
détenus] me disaient "Moi, je n'ai rien compris à ce qu'a dit le
médecin" [...] Moi, je n'étais pas aux consultations du
médecin mais je sais que c'était
embrouillé »2289(*). D'autres, mieux formés d'un point de
vue médical, semblent peu sensibles à la dimension psychologique.
Ce médecin des Baumettes relate ainsi comment l'annonçait un de
ses collègues chargés de cette question : « Il
avait une façon un peu verte de l'annoncer aux gens. C'est à dire
qu'une fois qu'il avait les résultats, qu'il savait qu'il était
séropositif, il convoquait les gars : "Tu t'es
drogué ?" "Oui". "Tu sais ce que tu risques ?" "Oui". "Et ben
voilà ! T'as gagné !". C'était à peu
près de ce genre-là »2290(*).
Si le silence est anxiogène, l'information peut
pourtant être également source de tensions. Annoncer la
séropositivité à une personne en attente de jugement ou
condamnée peut en effet être quelque chose de violent pour le
détenu mais aussi pour les soignants, à une époque
où n'existe aucune thérapie2291(*). Une
infirmière évoque ainsi le cas d'un détenu sortant de la
consultation d'un médecin de la DDASS spécialisée dans les
MST : « "Je vais mourir, j'ai une maladie très grave,
elle vient de me le dire !" [...] En fait elle avait dit à ce
monsieur qu'elle pensait qu'il était porteur d'un virus qui
n'était pas encore traité, qui était mortel... Alors vous
savez, vous dites ça là-bas... [...] ça allait être
l'émeute en quelques jours ! »2292(*). Les propos de cette
infirmière pénitentiaire témoignent du désarroi
ressenti par certains soignants à exercer une tâche
délicate pour laquelle ils n'avaient pas été
formés :
« C'était très très
difficile car quoi leur dire ? Leur dire qu'ils ont une maladie... qui
à ce moment-là était non guérissable ! Et puis
ne pas leur dire, c'était prendre le risque qu'à la sortie ils
aillent infecter leur femme, leurs amis, etc. Donc là, on a pas mal
pataugé [...] Et une fois, j'avais dit au gars carrément... Mais
ça je ne l'ai fait qu'une fois ! "Voilà vous avez le sida,
c'est une maladie mortelle". Le type, il était plus que vert... Je me
suis dit que c'était la dernière fois. Et il m'a dit : "Eh
ben, le juge il ne m'a pas encore jugé mais vous vous m'avez
condamné !" [silence] C'était difficile
hein... »2293(*).
Le positionnement à l'égard des détenus
est d'autant plus complexe que certains soignants sont eux-mêmes l'objet
de peurs. « Même nous, on avait peur ! Eh ! Ça
peut se transformer en arme redoutable... », déclare un
praticien des Baumettes2294(*). « Le problème venait qu'on
avait un médecin-chef qui paraissait assez désemparé
[...] Au point même qu'au lieu de rassurer, ils ne faisaient que
conforter les angoisse collectives », déclare celui qui
était alors directeur de la M.A de Rouen2295(*). Un
chirurgien-dentiste en poste à Bourges adresse même sa
démission considérant que certains détenus « ont
un SIDA en évolution et sont donc extrêmement contagieux notamment
pour le chirurgien-dentiste qui est en contact direct avec la salive et le
sang »2296(*).
Les angoisses au sein du personnel médical se
traduisent parfois par l'identification des détenus séropositifs,
comme le reconnaît non sans gêne un médecin alors
arrivé à la M.A de Bois-d'Arcy : « Par rapport au VIH,
à la limite à un moment, c'est plus le service médical qui
avait peur et à un moment, on mettait je sais pas quoi, des gommettes
rouges sur les dossiers ce qui est complètement ridicule. Mais bon...
ça a duré quelques mois »2297(*). Pour se
protéger, certains soignants modifient même leur pratique
médicale. Les peurs de contamination semblent davantage liées
à des craintes qu'à des risques réels. En
témoignent les deux méthodes de travail face à une plaie
adoptées par ce généraliste et cette infirmière
intervenant pourtant dans le même établissement à la
même époque2298(*) :
« Le sida, ça a changé pas mal de
choses. Notamment quand ils se coupaient [phlébotomies] on ne faisait
plus de points de sutures, on faisait des agrafes. Pour éviter de se
piquer avec des aiguilles. Il y a quand même eu quelques modifications
dans notre façon de soigner. Parce que même les gants avec une
aiguille on pouvait se piquer »2299(*).
« -Mais moi, j'ai jamais paniqué par
cette idée de contagion. Moi, je recousais.
-Oui parce que le docteur [...] m'a dit qu'il avait
commencé à poser des agrafes....
- Et oui... Parce que les agrafes ça fait des
vilaines cicatrices. Parce que c'était vraiment des bouts de ferraille
qu'on avait ! Non moi ce que je faisais c'est que je mettais des gants
hein ! Y avaient pas de risques. Il aurait vraiment fallu qu'il y ait une
entaille, une ouverture... »2300(*).
Dans un second temps, quand l'incertitude quant à la
définition du virus, de sa prévention et de ses traitements s'est
amoindrie, de nouveaux problèmes sont apparus pour les équipes
soignantes. Aux angoisses et au besoin de rassurer se sont substitués la
charge de travail que représentait cette maladie nécessitant des
traitements lourds et compliqués peu adaptés au milieu
carcéral :
« Et là, c'étaient des malades
lourds avec toutes les maladies opportunistes qu'on pouvait trouver.
C'est-à-dire les maladies intestinales, les tuberculoses, les
pneumopathies, les maladies cérébrales. Eclosion de tout un panel
de maladies avec une prise en charge très très très lourde
[...] Au niveau des soins, c'est beaucoup d'examens complémentaires,
avec des bilans très lourds. Donc prise de sang et tous les examens
d'investigation, donc scanner cérébral, fibroscopie pulmonaire,
coloscopie. Donc, des trucs bien évidemment qu'on ne pouvait pas faire
à la prison. Donc là, transferts à l'hôpital avec
plusieurs problèmes... nécessité de prise de rendez-vous
avec bien sûr une possibilité d'hospitalisation
d'urgence »2301(*).
« Alors quand on a commencé à
essayer quelques traitements, ils posaient plus de problèmes qu'autre
chose. Les premiers traitements, c'étaient des traitements à
donner à heures fixes 24 heures sur 24 [...] Et le seul moyen de donner
ce traitement à heure très fixe, c'était toutes les six
heures, et le seul moyen c'étaient les réveils. Faites sonner un
réveil dans une prison... Ben je peux vous dire que le lendemain, tout
le monde le savait ! »2302(*).
« Y avait des traitements lourds. Je me rappelle
du Videx qui devait être pris avec du Vichy Célestin. Fallait
donner ça avec un grand verre d'eau. Alors, vous savez, on avait
demandé à l'économat de nous acheter de
l'eau... »2303(*).
Ainsi, que ce soit au niveau de la gestion des peurs des
détenus ou de celles des surveillants ou encore en termes de conditions
de travail, l'épidémie de sida a participé à une
détérioration de l'organisation des soins en milieu
carcéral. Ce phénomène a contribué à
l'émergence d'un segment de praticiens pénitentiaires favorables
à un transfert de tutelle auprès du ministère de la
Santé2304(*).
ANNEXE 34 : LE TRAITEMENT MÉDIATIQUE DU
SIDA : DE LA PSYCHOSE À LA DÉDRAMATISATION
Dans leur étude de la médiatisation de
l'épidémie, Claudine Herzlich et Janine Pierret distinguent
plusieurs périodes auxquelles correspondent des représentations
distinctes du sida. A une première période d'ignorance
succède, à partir de mai 1983 lors de la découverte de
l'origine virale de la maladie, une phase d'intense controverse au cours de
laquelle s'impose la notion de groupes ou catégorie « à
risque »2305(*). Affectant principalement des personnes
homosexuelles, le sida, surnommé le « cancer gay »,
est alors assimilé à la « maladie des
homosexuels »2306(*). « Les statistiques en effet
montrent que le sida ne frappe pas au hasard », note Le journal
du Dimanche le 16 juillet 1983. Des homosexuels, le champ de
l'épidémie s'élargit progressivement aux toxicomanes. On
voit dans le sida une maladie semblable aux épidémies de peste
frappant, tel un « châtiment des dieux », ceux ayant
enfreint la loi morale, comme l'explique ici avec ironie Jacques Ruffié,
correspondant de l'Académie des sciences : « La sodomie
constitue un défi permanent à la nature. C'est une offense grave
à la société. Les sodomites, comme les drogués,
sont des coupables : il est normal qu'ils soient
punis »2307(*).
Progressivement, la méfiance se mue en peur et la peur
en psychose. Car si l'origine virale de la maladie est pressentie, les modes de
transmission demeurent obscurs. « La phobie de la contagion, sans
cesse croissante, atteint son acmé en 1985. Le sida met cette fois
à l'épreuve la solidité morale des institutions
démocratiques »2308(*). Les comportements irrationnels se
multiplient : un coiffeur homosexuel est licencié à son
retour d'hospitalisation (Le Quotidien de Paris, 7/10/1985). La
« psychose sida » se déploie particulièrement
au sein des institutions où la promiscuité est importante, comme
les écoles2309(*), mais surtout les hôpitaux :
« Il s'est déjà trouvé, par exemple, que des
ambulanciers s'opposent au transfert d'un malade. On a vu aussi des
aides-soignantes refuser de débarrasser un plateau-repas ou une
chambre »2310(*). « Le sida, la nouvelle
peste », titre Ça m'intéresse en juin 1985. La
vague d'hystérie anti-sida atteint son apogée à
l'été 1985 lors de l'introduction du test de
dépistage : « L'histoire de la médecine n'a jamais
connue une telle paranoïa collective. Des communautés
entières, des corps de métiers contaminés par la
peur : homosexuels, toxicomanes, hémophiles, mais aussi pompiers,
prostituées, infirmiers, médecins, dentistes, personnels
hospitaliers et pénitentiaires... »
(Libération, 3-4/08/1985). Signe de cette peur collective, 95%
des 392 malades alors recensés officiellement en France sont
concentrés dans deux établissements hospitaliers parisiens
(Le Matin, 25/07/1985).
L'information relative à la présence de
séropositifs en milieu carcéral s'inscrit au coeur de cette vague
d'hystérie, qui touche également le milieu
carcéral2311(*), en même temps qu'elle en annonce le
déclin. Le lendemain où est rendue publique la présence de
séropositifs à la M.A de Gradignan, le Premier ministre, Laurent
Fabius, annonce un plan d'information national destiné à
« éviter une dramatisation excessive et
injustifiée ». Un article annonçant cette information
s'achève par ces lignes : « Les derniers
événements survenus en milieu carcéral où,
l'information sur le SIDA semble réduite à sa plus simple
expression, témoignent que la route de la "dédramatisation" est
encore longue »2312(*). La presse occupe à ce moment un
rôle croissant dans la construction sociale de
l'épidémie : « Elle n'est pas seulement le lieu
où s'expriment les prises de position, elle est acteur du débat
et, souvent, l'un de ses enjeux [...] Déclarations, prises de position,
actions diverses ont toujours pour fin, au moins partielle, le retentissement
médiatique auxquelles elles donnent lieu »2313(*).
Autorités scientifiques et administratives multiplient
alors les déclarations afin de prévenir le développement
d'une psychose. « Seulement un porteur du virus sur dix
développera la maladie », assure le Pr Willy Rozenbaum (La
Dépêche du Midi, 22/08/1985). « Après la
grande peur estivale, pouvoirs publics et spécialistes s'efforcent
d'éliminer les rumeurs », note Impact médecin
le 14 septembre 1985. Les représentants du ministère de la
Santé, comme ici Jean-Baptiste Brunet, remettent en cause la
stratégie précédemment adoptée jugée trop
alarmiste : « Nous avons été confrontés,
durant l'été à un déchaînement
médiatique véhiculant tant de choses fausses, voire
délirantes, que nous avons dû intervenir. A la DGS comme au
ministère, nous avons donc - moi-même en particulier,
participé à des émissions grand public pour fournir une
information correcte et, du même coup calmer les choses »
(Révolution, 1/11/1985). Il s'agit désormais
d'éviter que de nouveaux groupes soient désignés comme
étant « à risque »2314(*). Si quelques
informations alarmistes subsistent, beaucoup de journalistes relativisent les
peurs émises jusque-là, en les tournant parfois en
dérision :
« IL va nous tuer tous... C'est la faute aux
homosexuels. Aux toxicomanes... Aux donneurs de sang... Aux étrangers...
Les gardiens de prison et les enfants sont menacés... Les enfants
contaminés n'auront plus le droit d'aller à l'école... On
va faire des tests partout... Il y aura un vaccin bientôt... Il n'y aura
jamais de vaccin... [...] On entend tout et n'importe quoi à propos du
SIDA »2315(*).
C'est dans ce contexte de dédramatisation,
émanant aussi bien de la part des décideurs administratifs et
politiques que des journalistes, que s'inscrit la découverte d'un fort
taux de prévalence du VIH en prison. On comprend, dés lors, les
efforts de la DAP afin de minimiser cette information et de mener une
« politique discrète » en la matière.
ANNEXE 35 : LE SCANDALE DES COLLECTES DE SANG EN MILIEU
CARCERAL COMME REVELATEUR DES FAIBLESSES DE L'ORGANISATION DES SOINS EN
PRISON
Bien que l'information soit déjà apparue en
novembre 1991, le scandale des collectes de sang en prison éclate au
printemps 1992 lorsque deux journalistes du Monde publient dans les
éditions des 11 et 12-13 avril une longue enquête affirmant que
« la responsabilité de nombreuses autorités
médicales, sanitaires et judiciaires dont les décisions,
facilitant ou multipliant les collectes de sang en prison, ont
été directement à l'origine de plusieurs milliers de
contaminations »2316(*). Les articles incriminent notamment la
Direction de l'Administration pénitentiaire pour avoir demandé,
par la circulaire du 13 janvier 1984 entièrement reproduite dans le
journal2317(*), l'intensification des
prélèvements ou encore pour avoir freiné l'arrêt des
dons de sang, au cours de la réunion du Comité
Santé/Justice du 10 juin 1985 dont le procès-verbal est
cité. Au-delà des responsabilités individuelles, les
journalistes pointent du doigt les incohérences du système
transfusionnel français mais également « la politique
du secret » adoptée par le ministère de la Justice face
au problème du sida en prison :
« Plusieurs éléments
témoignent de la volonté de certains des représentants des
pouvoirs publics d'empêcher certaines voix médicales ou
scientifiques d'expliquer qu'une proportion importante des détenus
était contaminée ou pouvait l'être. Un risque
épidémique que l'on pensait à tort maîtrisé,
la volonté de poursuivre une pratique aidant au maintien du fragile
équilibre pénitentiaire et le souci de ne pas stigmatiser
gardiens et détenus en assimilant prison et sida, tout cela explique que
l'on ait continué les collectes de sang là où le risque de
contamination était le plus grand »2318(*).
Si aucun journaliste ne contesta qu'il y ait un scandale,
L'Evénement du jeudi reprocha cependant aux deux journalistes
du Monde d'avoir publié ces informations pour entretenir la
défense de Michel Garetta, l'ancien directeur général du
CNTS2319(*).
Afin de mettre fin à la polémique, les ministres des Affaires
sociales, René Teulade, de la Santé, Bernard Kouchner et de la
Justice, Michel Vauzelle, confient le jour même une mission conjointe
à l'IGAS et l'IGSJ dont les résultats sont prévus en
novembre.
Le Monde crée une nouvelle fois
l'événement en publiant dans son édition du 5 novembre les
conclusions du rapport à partir d'une note de synthèse de huit
pages, non signée, daté du 23 octobre résumant la
première version de l'enquête2320(*). Le soir même,
les ministres de la Justice, des Affaires sociales et de la Santé
précisent dans un communiqué commun que le document alors en
circulation est un « projet » susceptible d'être
modifié après avis des personnes mises en cause ayant un droit de
réponse. Les conclusions de la note de synthèse sont reprises le
lendemain dans la plupart des quotidiens. On assiste dans les jours qui suivent
à la publication d'entretiens et de documents inédits dans le
cadre d'une concurrence acharnée pour l'information2321(*). Probablement en lien
avec cette forte pression médiatique, le rapport est finalement rendu
public le 6 novembre suscitant la publication de très nombreux articles
en l'espace de quelques jours2322(*).
Dans l'échelle des responsabilités, le rapport
place les Centres de transfusion sanguine en première ligne. Ils leur
reprochent tout d'abord d'avoir sous-estimé les risques de contamination
liés à ces collectes pour des raisons aussi bien
« intellectuelles » que
« pratiques » : « En effet, les collectes de
sang en prison telles qu'elles ont pu être appréhendées par
la mission étaient surtout caractérisées par un souci
évident de rentabilité » (p.81). Du fait de la non prise en
compte des signaux d'alerte envoyés par quelques transfuseurs, les
inspecteurs délivrent un réquisitoire sans équivoque
contre le réseau français de transfusion sanguine :
« La responsabilité des ETS dans l'existence et la poursuite
prolongée des collectes de sang en prison est déterminante »
(p.97). Dans l'examen des différentes responsabilités, le rapport
s'attarde en second lieu sur le rôle de la DGS et du cabinet du ministre
de la Santé, Edmond Hervé : « L'attitude de
l'administration de la santé - ce terme étant entendu de
façon globale peut -être considérée comme
défaillante » (p.172).
Les inspecteurs relativisent en revanche la
responsabilité de l'Administration pénitentiaire et du
ministère de la Justice dans ces collectes : « L'AP, sans
autres informations que celles que véhiculaient les médias,
souvent contradictoires [...] ignorait encore à la fin de l'année
1984, et même dans les premiers mois de 1985, ce que seuls savaient sur
l'épidémiologie du sida quelques spécialistes de la
recherche médicale » (p.130). Il est ainsi établi, au
vu de cette sous-information de l'Administration pénitentiaire, que
« dans sa conception et ses objectifs- la note de l'AP du 13 janvier
1984 n'est pas fautive » (p.141) alors même que son incidence
sur le volume des prélèvements en milieu carcéral est
relativisée (p.145).
La faible responsabilité de l'Administration
pénitentiaire, et notamment de sa directrice, s'explique selon le
rapport par l'organisation de la médecine pénitentiaire
décrite comme un des facteurs explicatifs de la survenue du scandale.
Les services médicaux des établissements pénitentiaires
étaient en effet tenus, selon une note du 7 août 1963, de
« signaler les détenus [candidats au don de sang] pour
lesquels le prélèvement semblait médicalement
déconseillé ». Pourtant l'enquête souligna que de
nombreux toxicomanes ont pu donner leur sang.
« Exemple topique » du cloisonnement des
prisons françaises, soulignent les inspecteurs, la médecine
pénitentiaire était jusqu'en 1983 une « une
médecine spécifique, dépendant totalement de l'AP, aussi
bien pour son organisation, ses modalités d'exercice que pour son
financement » (p.121). En dépit des avancés liés
à la réforme de l'inspection médicale, le rapport souligne
les faiblesses de l'organisation du service médical pénitentiaire
à partir desquelles les défaillances de l'Administration
pénitentiaire sont justifiées. L'absence d'un
« véritable conseiller médical » et une
moindre prise en compte de l'IGAS expliquent que Myriam Ezratty ait pu adopter
la note du 13 janvier 1984 sans être informée des risques. De
même, les « moyens médicaux très
insuffisants » à la disposition de la médecine
pénitentiaire rendaient difficile une sélection des
donneurs :
« Les médecins pénitentiaires
n'étaient pas toujours en mesure de satisfaire dans les meilleures
conditions aux dispositions de l'article D.285 et D.375 du CPP qui leur
imposent de nombreuses visites et examens cliniques des détenus et
notamment l'examen systématique de tous les entrants. Ainsi, peut
s'expliquer, en partie, la non observation régulière des
dispositions de la note du 7 août 1963 de l'AP » (p.132).
Ainsi, le scandale des collectes de sang en prison fut
l'occasion de souligner, alors même que la réforme était en
cours de discussion dans les ministères, les carences de la
médecine pénitentiaire accusées d'être l'une des
principales causes à l'origine d'un drame national en matière de
santé publique2323(*).
ANNEXE 36 : ENTRETIEN AVEC DANIEL GONIN
Daniel Gonin, psychiatre effectuant des psychothérapies
de groupe en prison depuis 1962 puis exerçant en tant que
généraliste à la M.A de Lyon de 1967 à 1989, membre
du GMPQ. En retraite. Entretiens réalisés les 25/02/2008,
10/03/2008, 26/03/2008. Durées : 2H ; 2H ; 2H.
Ne sont cités ici que des extraits de l'entretien.
E.F : Comment avez-vous été
amené à effectuer des psychographies de groupe en
1962 ?
D.G : Après ma psychiatrie, je cherchais les
différents moyens thérapeutiques et j'ai travaillé
à ce moment là avec Anzieu. C'est un psychanalyste qui avait fait
un organisme qui était le CFAP qui avait fait des formations de groupe
et puis qui avait fait ensuite des groupes de différentes natures, des
groupes thérapeutiques, des groupes d'évaluation diagnostic, de
sensibilisation à la prévention du suicide. Moi, donc, je
m'étais formé là puis j'avais animé des groupes
pendant assez longtemps. On travaillait souvent dans la banlieue parisienne. Et
puis ensuite, j'ai fait différentes formations, dont une formation aux
Etats-Unis avec quelqu'un qui était connu et qui faisait des rencontres
de non-directivité. C'était accepter ce qui se passe dans le
groupe et puis le refléter soit par la répétition d'une
phrase qui sortait de la bouche de quelqu'un, soit de façon plus
ramassée. Après j'ai été à Pao-Alto, un
endroit mondialement connu parce que c'est là que sont nées les
thérapies familiales. Tout ça, c'était centré sur
le groupe.
E.F : À l'époque vous aviez quel
statut ?
D.G : J'étais assistant ici des hôpitaux.
J'avais été interne dans les différents hôpitaux
psychiatriques lyonnais puis ensuite beaucoup au Pavillon
« N » qui était le pavillon d'urgences, où on
faisait de la neurologie, de la psychiatrie et, après, de la
réanimation. Alors, dans le cadre de l'urgence on a reçu des
détenus. Car le premier pavillon d'urgence qui a été fait
en France, avec l'Hôtel Dieu à Paris, a été
créé à [l'hôpital] Edouard Herriot par le Pr Roche
qui était professeur de médecine légale et c'est ce qui a
donné l'aspect médico-légal à l'urgence. Ce qui n'a
pas toujours été repris mais... Pourquoi ? Parce qu'on avait
à faire face à un certain nombre de suicides qui posent des
problèmes médico-légaux, parce qu'on avait affaire
à des toxicomanes qui posent aussi, entres autres, des problèmes
médico-légaux ; qu'on avait affaire à des crises
psychiatriques, donc là aussi avec des questions liées à
l'internement psychiatrique. Après, on a eu tous les problèmes de
mort en réanimation. Quand arrête t'on par exemple de traiter un
coma dépassé ? Là aussi, c'est un problème
médico-légal. On était donc assez bien placé par
rapport aux autres pavillons d'accueil pour traiter les détenus. Et puis
vous savez qu'à la prison, le Pr Colin, avec un praticien hospitalier, a
créé l'Annexe psychiatrique. Ça a été, on
pourrait dire, l'ancêtre de tous les SMPR.
E.F : Vous connaissez les conditions dans lesquelles
il a été amené à s'intéresser à
cela ?
D.G : Le Pr Colin a fait partie du mouvement de
résistance « Témoignage chrétien ».
Diffusion de journaux. C'était en 44. Il a connu Fully qui a
été déporté à dix-sept ans qui était
inspecteur général de l'Administration pénitentiaire.
Colin et lui, et puis moi par la suite, nous avons milité au mouvement
de résistance du FLN. Colin et Fully avaient été
envoyés en mission dans les prisons algériennes pour constater
les exactions. Du coup, ils ont été aussi voir les détenus
FLN ou MNA qui étaient incarcérés à Saint-Paul. Ils
étaient autour de 150 à ce moment là. Ils sont
arrivés en prison au moment du conflit algérien. On ne peut pas
dire qu'ils étaient pour le FLN mais ils n'étaient pas pour ceux
qui maintenaient la présence française en Algérie. Donc il
y a eu aussi des sympathisants ou des amis qui eux sympathisaient ou
protégeaient le FLN. A ce moment là, on a vu, moi je n'y
étais pas, on a vu l'état des prisons, en particulier lyonnaises.
Fully qui était sensibilisé à la détention ne
pouvait pas supporter l'état des prisons à ce moment là.
Et ça a créé un mouvement ici de sympathie avec les
détenus du FLN. Colin a vu l'état dans lequel se trouvaient les
prisons, et en particulier la médecine somatique.
E.F : Et à ce moment là, Fully
n'était pas médecin inspecteur ?
D.G : Non pas encore. Il n'était pas
médecin légiste mais était intéressé par la
médecine légale. Il n'a jamais fait d'autopsie. Il n'a pas eu la
formation que nous avons tous eu, classique. Sa formation a plus
été une formation psycho-sociale, politique aussi. Dans le sens
de la gauche, résistant, voulant une démocratie active. Je ne
crois pas qu'il était dans un parti. Ici, on était du
côté des socialistes. On n'avait pas tous notre carte mais on
était proches. Tous ceux qui sont venus étaient attirés
à la fois par ce qu'on faisait à la prison, à
l'hôpital et à la faculté, et... aussi par les idées
de gauche.
E.F : Et les conditions dans lesquelles le Pr Colin a
créé l'Annexe...
D.G : Il a demandé d'abord à un
médecin de l'hôpital psychiatrique, le Dr Broussole, qui avait des
sympathies avec nous et avec qui on travaillait un peu, s'il ne voulait pas
faire des consultations... Alors on a obtenu de l'Administration, qu'il y ait
des consultations et on peut dire que, petit à petit, ça s'est
construit. Par exemple, après on a demandé à ce que des
surveillants fassent des stages à l'hôpital psychiatrique. Parce
que c'était difficile de sélectionner en somme dans un coin de la
prison les gens qui avaient des troubles avec des surveillants qui ne
connaissaient rien du tout en psychiatrie et avaient du mal, au niveau de la
discipline par exemple, à faire le tri entre ce qui relevait d'un
symptôme psychiatrique et ce qui était de l'ordre de la
protestation. Et puis très vite, il est apparu que les consultations ne
suffisaient pas. En particulier, qu'il y ait une petite unité
médicale, notamment médicamenteuse. Il fallait une distribution.
Comme il n'y avait aucune infirmière formée à la
psychiatrie. Et puis, à ce moment là, les infirmières
psychiatriques étaient formées dans les hôpitaux
psychiatriques [...] Ces surveillants faisaient des stages de trois mois dans
le service de Broussole. Tout cela était très difficile. Tout le
temps bloqué, tout le temps gêné, des contraintes... Ces
gens étaient obstinés. Ils avaient une croyance. C'étaient
des chrétiens de gauche. Ils avaient à la fois une croyance
religieuse et puis une croyance dans la société. Alors, au-dessus
du bâtiment où il y avait l'infirmerie, il y avait le service
psychiatrique. Broussole a fait venir un interne et ça s'est petit
à petit construit comme ça. Et l'administration était bien
sûr pas très contente mais ça ne lui coûtait rien...
parce que c'étaient des services extérieurs. Tout était
pris en charge par l'hôpital. Ça nous a bien servi d'ailleurs
après, parce que l'Annexe psychiatrique s'est développée.
Il y a eu un assistant, des internes qui venaient. Les infirmiers avaient une
blouse blanche et puis petit à petit, l'Annexe a obtenu d'avoir quelques
crédits de l'hôpital pour avoir un secrétariat, une
assistante sociale. Ensuite, c'est là où nous avons fait des
groupes, Mme Buffard étant la première.
E.F : Le fait que des surveillants puissent avoir des
fonctions d'infirmier....
D.G : ...a posé d'énormes problèmes,
en particulier avec les syndicats qui n'ont jamais accepté. Par exemple,
par la suite quand j'ai voulu former un manipulateur pour l'appareil radio, le
syndicat s'y est opposé. Le principe du syndicat, c'était que
tous les surveillants devaient avoir le même rôle, les mêmes
horaires, une espèce d'égalité dans le travail. Et c'est
pour ça que ça a posé beaucoup de problèmes pour
les surveillants qui ont fait leur travail en deux temps. Ça ne rimait
à rien de leur faire faire des horaires comme tous les autres
surveillants. Il fallait être là quand le médecin
était là. Ca a été une grosse difficulté. Et
comme j'avais pris le même cadre pour les surveillants de l'infirmerie,
ça a posé beaucoup de problèmes. Les autres avaient
déjà un peu creusé le sillon. C'étaient des gens
qui aiment ce qu'ils faisaient. Et puis c'était plus intéressant
pour eux au niveau des horaires parce qu'ils ne faisaient pas de nuit. En
général, ils aimaient ça. Ils voyaient le psychiatre, les
experts, etc. Et puis après ils avaient des contacts avec les
infirmières.
E.F : Ils se sentaient plus surveillants ou plus
infirmiers ?
D.G : Ils se sentaient très infirmiers. Ils
savaient les médicaments, comment réagir en cas d'urgence... Ils
savaient des trucs utiles. Il faut bien reconnaître qu'on les formait un
peu sur le tas. Vous comprenez, le problème de la médecine c'est
qu'une prison, c'est une cellule dans un étage, dans un quartier, dans
un bâtiment, dans une prison. C'est une succession de prisons. Donc, la
nuit les effectifs sont réduits et quand vous avez quelqu'un qui a une
douleur, il tape à sa porte, parce qu'il n'y aucun moyen moderne, il n'y
a pas de sonnette, alors il réveille en général son
étage. Le surveillant demande. Il a interdiction d'ouvrir la porte
à ce moment là. Il y a des consignes de sécurité
qui sont importantes. Il faut qu'ils y aillent au moins à trois.
Ensuite, ils vont voir la réalité. Ils vont demander au type ce
qu'il a. Alors l'Administration voulait que le médecin se déplace
aussi. On pouvait pas, étant donné les tarifs qui nous ont
été donnés, c'était impossible d'aller en plus
faire les urgences nocturnes. Donc c'était une association de
médecins de quartiers qui y allait. En plus, on avait plus tard acquis
une ambulance. Quand c'est une urgence qui est du genre un malaise
diabétique, si quelqu'un voit les détenus il peut
répondre, faire quelque chose si on lui dit comment faire par
téléphone. Donc, il y avait toujours quelqu'un qui pouvait avoir
accès aux fichiers médicaux. Autrement dit, dans la
journée aussi, les surveillants dits infirmiers pouvaient intervenir
pour l'urgence mais qui ne nécessitaient pas une extraction. En
général, la nuit, on donnait les clefs de l'infirmerie à
un premier surveillant à qui on disait : « Vous
êtes astreint au secret professionnel ! ».
E.F : Et à ce moment là, la
médecine somatique ça représentait quoi ?
D.G : La médecine somatique au début,
ça représentait pas grand-chose. C'était une
médecine de charité. C'étaient souvent des gens qui
étaient là aussi engagés dans un processus religieux.
C'était quelqu'un qui avait une croyance qui y allait. Ça faisait
un peu pendant à la logique des visiteurs. Ils venaient pour voir,
assister. Ils venaient avec leur propre matériel, leur marteau à
réflexes. Ils distribuaient des médicaments classiques, comme
l'aspirine. Quand je suis arrivé, deux médecins étaient
déjà passés, il y a eu Hochmann qui exerçait en
tant que généraliste, il y avait le Dr Pye qui était aussi
psychiatre. Ce sont des médecins qui ne sont pas restés
très longtemps car tout ce qu'ils faisaient allait contre la discipline.
Ils voulaient des pièces pour être seuls avec leurs malades et la
règle c'était : « Tout voir et tout
entendre ». Ça a fait des clashes et moi, quand je suis
arrivé, on voulait m'imposer, disait-on pour ma sécurité,
la présence d'un surveillant. C'était inadmissible ! J'ai
dit : « Non, non ». Alors, on m'a fait signé un
document m'engageant à accepter d'avoir des gros dégâts. Je
savais que c'était faux mais j'ai tout signé. Je ne vois pas
pourquoi ils me sauteraient dessus. Je venais de l'hôpital psychiatrique,
en plus, donc il y avait bien plus de raisons là bas pour que quelqu'un
vous... Donc il n'y avait aucune raison que... D'autant plus que je savais bien
que ce n'était pas pour moi. C'était pour que rien
n'échappe à l'Administration. J'ai fait ça dès le
début parce que sinon on m'aurait dit : « Mais vous
l'avez bien fait pendant quelques temps, pourquoi.... ». Non. Alors,
dès le début, j'ai demandé un appareil radio. Dès
le début, j'ai demandé un tas d'examens qui ont été
fabriqués. Plutôt que d'acheter un matériel, ils l'ont
fabriqué avec des tubes qu'ils ont soudés. Rien ne pouvait
être acheté dans un magasin pour un atelier médical.
E.F : Parce qu'en 1967, l'infirmerie ça
représentait quoi ?
D.G : Ça représentait deux pièces.
C'était le bâtiment H qui était le plus grand
bâtiment. En face de l'entrée, vous avez le bâtiment H qui
est avec des coursives. A gauche, au début, après les grilles
d'entrée. Il y avait deux pièces. Une pièce pour les
infirmières et une pièce pour le médecin. On avait
enlevé la porte pour qu'on puisse tout entendre. J'avais demandé
qu'on me donne un tensiomètre. Un truc minimaliste mais voilà
quoi ! Et, il n'y avait pas, il n'y avait pas de chambre d'infirmerie.
Alors quand quelqu'un n'allait pas bien, quelqu'un de contagieux par exemple,
on avait mis une cellule qui était destiné à cela mais qui
était à l'autre bout de la prison. Après, j'ai
demandé à avoir plus de place. Par exemple pour faire les soins.
On ne pouvait pas à la fois faire tout ce qui était administratif
et puis faire les piqûres, pansements. Il y avait deux infirmières
qui étaient braves mais qui étaient, elles aussi, dans le ronron
de la prison. Elles n'avaient pas d'exigence. Par exemple, le surveillant
venait, il voyait. Elle ne demandait pas de nouveaux médicaments aussi.
Parce que le problème de la médecine pénitentiaire, c'est
qu'elle était coupée du reste. A part nous, qui venions de
l'extérieur. Mais quand les gens venaient dans une action charitable,
ils n'avaient pas beaucoup d'exigences. Ils payaient de leur personne.
E.F : Et par contre, il y avait des
spécialistes qui venaient ?
D.G : Ce qu'il faut dire, c'est qu'en même temps,
il y avait un souterrain entre les deux prisons. Et, comme les communications
étaient difficiles le temps que les gens passaient par les souterrains,
il y a eu l'installation à Saint-Joseph d'un cabinet médical qui
est toujours resté un petit cabinet médical. C'est là
où était le Dr Mégard, qui lui était
résistant. Il était résistant dans son coin.
Résistant, à la pression de l'institution. Alors que les autres
ont été expulsés. Ils sont tous partis soit
d'eux-mêmes, soit parce qu'on faisait pression sur eux. Il y avait aussi
un couple Vermorel qui a été à Grenoble. Hochmann est
resté comme consultant psychiatrique et il a fait des groupes
d'alcooliques.
E.F : Et les groupes de
psychothérapie ?
D.G : Oui je suis rentré [en prison] parce que
j'avais une expérience de groupes. Je suis arrivé à la
fois parce que je cherchais ma voie, et Colin avec qui je travaillais
déjà comme assistant à l'hôpital, me disait :
« Ça serait bien que vous travaillez en prison ».
J'ai commencé au début avec Mme Buffard. J'étais là
pour voir comment ça se passait.
E.F : Quelles ont été les principales
difficultés ?
D.G : Alors la principale difficulté a
été que les détenus viennent régulièrement.
Alors ça pouvait venir du détenu lui-même. Parce qu'avant
de faire le groupe on rencontrait individuellement les détenus qui
s'étaient présentés. Il expliquait ses motivations. Il
acceptait mais parfois c'était contraignant. Ça venait alors
qu'il avait un parloir. Ça pouvait venir du détenu dont la
structure psychique empêchait l'engagement. Et puis l'Administration
pénitentiaire qui disait : « Oui mais... Il est
dangereux... Donc, on le re-convoque pas, on ne veut pas qu'il y
aille... ». Il y avait le fait aussi que les groupes n'étaient
pas très bien acceptées pour les raisons que je vous disais,
à savoir : « Ça se fait dans le plus grand des
secrets. On ne peut pas les voir, etc. ». Un jour... On avait donc
une pièce, c'était une petite pièce. Et à l'Annexe,
il y avait une pièce un peu plus grande mais le seul problème
c'est que la porte était comme ça [indique la porte, assez
massive de son bureau]. Enfin, plus solide que ça. Et, un jour on a eu
la surprise de voir qu'ils avaient fait régulièrement des trous,
comme pour un timbre, pour entendre et pour voir. Et c'était le groupe
de Mme Buffard. Ça avait été à la fois pittoresque
si vous voulez de trouer la porte, et c'était un signe aussi que
c'était inaccepté. On a réussi à remettre la porte
normalement. Ça a un aspect un peu burlesque tout cela.
E.F : Et l'Administration vous demandait des
résultats ?
D.G : Oui, eux ce qu'ils voulaient en somme c'est que les
agités le soient plus, que les violents le soient plus... En clair, que
nous contribuions à la tranquillité de la prison ! La prison
est contente quand il ne se passe rien ! Quand il n'y pas de mouvements,
pas de cris, rien du tout... C'est l'idéal ! C'est pour cela que le
médicament est très bien vu. Si on écoutait
l'Administration pénitentiaire les psychotropes seraient... on
assommerait tout le monde. C'est l'idéal.
E.F : Et comment ça se
passait concrètement ? Vous aviez des réunions avec la
direction de l'établissement ?
D.G : On avait dû présenter notre projet.
Assurer qu'on avait bien les diplômes. Il fallait qu'on puisse se
référer à des expériences qui avaient
été faites ailleurs. Ensuite, il fallait qu'on ait des
responsabilités. S'il se passait quelque chose avec les détenus.
Il y avait entre sept et dix détenus. Moi, j'avais fait des groupes
thérapeutiques avec des psychotiques, donc bon... Et puis surtout
combien de temps ça durait, quels étaient les résultats
espérés, etc. Et quand on disait que c'était des
résultats sur la structuration de la personne, notamment au niveau de la
loi... Ce qui était embêtant en prison c'est que la loi en prison
n'est jamais respectée. Donc, il fallait les rassurer et donc on les
revoyait régulièrement pour leur dire voilà comment...
Alors bien sûr, on ne leur disait jamais rien de façon
individuelle mais on disait globalement comment ça se passait.
Voilà. « Combien de temps vous pensez continuer
encore ? ». Alors, on était obligé de donner des
délais parce que sinon on savait bien que... Alors que dans les groupes
on peut être moins ric-rac sur les délais.
E.F : Des fois, vous aviez des questions plus
précises sur des détenus ?
D.G : Ah oui, toujours, toujours, toujours !
« Mais lui, qu'est ce que vous en pensez ? Vous comprenez
l'autre jour il a agressé son voisin alors qu'il revenait de son
groupe... ». Alors de façon prudente ils nous disaient :
« Est-ce que vous auriez pu prévoir ? Nous
prévenir ? ». Alors, il m'est arrivé quand
même de dire à certains chefs de bâtiment que je trouvais
que untel était très énervé et qu'il fallait faire
attention, mais attention à lui ou le changer de cellule. Pour donner un
peu de grain à moudre... Mais dans la prudence quand même, jamais
dans le constat d'une aggravation ou de la découverte d'une perversion.
On a eu des directeurs très bien qui d'ailleurs changeaient
l'atmosphère de la prison.
E.F : Vous utilisiez des dossiers
médicaux ?
D.G : Non, avec les groupes je ne faisais aucune fiche.
Je faisais pour moi des résumés des séances. On se
contrôlait les uns les autres, avec Hochman, avec Buffard.
E.F : Vous consultiez par contre le dossier
pénal des détenus ?
D.G : Non, je me suis toujours refusé à les
consulter. Parce que je voulais voir le détenu comme il était.
Parce que le dossier pénal, ça vous fait une espèce
d'obstruction. Y en a qui m'étaient horriblement antipathiques. Quand
ils ont été condamnés pour atteinte sur des enfants...
Mais quand on a un regard préalable, on ne peut plus aller
au-delà. L'alcoolique, le pédophile, le meurtrier à
répétition... c'est des types, on ne va pas pouvoir en sortir
[...] Donc mon principe, d'ailleurs comme pour les expertises, je vois le
minimum de choses avant. Après quand j'ai élaboré des
trucs je peux mieux lire ce qui a été fait.
E.F : Et par contre vous observiez quels effets sur
les gens participant à cette psychothérapie de
groupe ?
D.G : Ben souvent, ce que ça changeait
c'était la vision de leur existence. Ça leur permettait une
critique de leur passé et puis surtout, c'était une interrogation
sur l'avenir. « Qu'est ce que je vais faire ? ».
C'était souvent, ce qui était le rôle, c'était pas
de leur dire qu'ils avaient mal fait mais : « Qu'est ce qu'il
est possible de faire ? ».
E.F : Est-ce que des fois ils vous parlaient de
considérations plus liées à la
détention ?
D.G : Ah oui, au début c'est une protestation.
C'est un temps de protestation tous azimuts. « Ce sont tous des
salops ! La bouffe est dégueulasse ! ». Ce qui n'est
pas vrai mais pas forcément faux. Cela montre bien qu'on est dans un
état de révolte. C'est un temps où une révolte
peut-être entendue ce qui n'est d'habitude jamais le cas en prison. Et
puis vous avez la technique pour le comprendre. Ce qui permet à la fois
de le dire et puis de le dire différemment, avec moins de cris, avec
moins de violence verbale. Et puis dans un groupe, ce qui est
intéressant, c'est qu'il y en a d'autres qui peuvent atténuer le
constat ou qui peuvent avoir un autre regard.
E.F : Vous acceptiez d'en discuter avec
eux ?
D.G : Ah oui, bien sûr ! Ça m'avait
permis de faire l'expérience sur le temps. Parce qu'à
l'époque il n'y avait pas de montres [...] « Vous nous gardez
qu'une heure, etc. ». Je pense que la notion de temps est
extrêmement difficile. Et j'avais fait l'expérience une fois.
J'avais commencé à une heure et j'avais fini à six heures.
Et ils ont constaté que... J'ai fait cette expérience avec eux
qui était essentielle.
E.F : De ces différents aspects de la vie vous
en discutiez après avec la direction de
l'établissement ?
D.G : Oui. Par exemple, pour les douches... Alors,
là les douches, ça a été... ça a
été à partir du groupe et puis à partir des gens.
Et l'Administration disait : « Oui, ils démontent les
pommeaux de douches ! ». C'est vrai qu'il y a du vandalisme en
prison comme ailleurs mais enfin, il y avait aussi des trucs
dégueulasses. En général, les revendications
c'était l'hygiène. Y avaient des quartiers où il y avait
des W.C mais il y a des quartiers où vous aviez des tinettes que vous
alliez vider. En 80, vous vous rendez compte, encore... Un lavabo pour quatre
dans une cellule. L'hygiène, l'alimentation. Puisqu'on parle de
Saint-Paul, c'est qu'on aurait pu dire que tous les services étaient
à Saint-Joseph comme les cuisines et le lavage. Et alors, quand
j'étais médecin de la Pénitentiaire, je devais faire un
rapport sur les cuisines. Et c'étaient des horreurs ! Y avait un
ascenseur dans les cuisines, y avait une telle humidité, que des
champignons poussaient autour de l'ascenseur. C'était ahurissent. Il y
avait des huiles qui venaient se réfugier dans le fond plafonds et il
tombait des gouttes.... Grâce à ces rapports, il y avait de temps
en temps une inspection dont les conclusions étaient les même que
les miennes. Mais en gros, ça faisait pas grand-chose.
E.F : Et vous reportiez certaines revendications du
groupe auprès de la direction de l'établissement ?
D.G : Bien sûr ! Bien sûr !
Puisqu'on en parlait. Je ne citais personne bien sûr. Et comme je faisais
plusieurs groupes, ce n'était pas simplement l'expression de huit ou dix
personnes mais disons d'une trentaine. Donc, c'étaient les soins,
l'hygiène, la nourriture, le bruit, le chauffage. Dans les années
soixante-dix, on avait souvent treize degrés. On ne gelait pas mais
c'était pas beaucoup ! [...] Y a eu quelques améliorations
mais.... C'était impossible. Y avaient des populations de rats dans les
sous-sols. Y avaient des cellules dans les sous-sols de Saint-Paul qui
étaient régulièrement inondées.
E.F : Et quand vous reportiez ces revendications, est
ce que vous n'aviez pas l'impression d'outrepasser votre rôle de
thérapeute ?
D.G : Si, si, j'avais l'impression. Mais je le faisais
quand même. Parce que vous ne pouvez pas rester devant ce truc sans rien
dire! Oui vous avez tout à fait raison. Je n'aurai jamais fait ça
en dehors de la prison. Mais ce qui me donnait une justification, c'est qu'ils
me disaient toujours qu'il fallait qu'il y ait des résultats et je leur
disais : « Voilà ça se passe bien... mais entre
parenthèses j'ai aussi appris que... ». Voilà.
C'était un peu une négociation comme ça. Ce qu'ils
attendaient toujours, c'est que le détenu soit... ils avaient
l'impression que c'était une expression violente qui allait les expurger
de toute leur violence, leur revendication, leur mauvais caractère...
E.F : Et ce n'était pas le cas ?
D.G : [soupir] Non, parce que... vous ne sanctionnez pas.
Il est vrai que la violence prenait une autre forme. Ça prenait une
forme moins violente. Je me rappelle des révoltes à la prison
dans les années soixante-dix. Je me rappelle que certains avaient pu
participer à nos groupes et avaient pu faire des revendications vraiment
syndicales, qui n'étaient pas seulement pour dire les douches etc. mais
pour dire aussi tous les rapports avec les magistrats. C'était la
première fois que les magistrats étaient mis en cause... et avec
juste raison [...] Alors, y a eu des revendications qui ont été
beaucoup plus... élaborées. Plus en rapport avec la vie, pas
seulement carcérale, mais avec la vie de celui qui était mis en
examen. Et donc ils ont pu montrer que la prison leur paraissait une poubelle
dans laquelle il n'y avait pas de communication avec l'extérieur.
E.F : Et vous pensez que la psychothérapie a
pu aider à cela ?
D.G : Ah oui ! Elle permettait d'élaborer.
Ça leur permettait, puisque la finalité au bout d'un moment
n'était plus seulement d'exhaler la violence en eux, c'était
aussi de poursuivre un travail de recherche sur qu'est ce qui n'allait pas.
Donc, ils parlaient de leur famille, du sexe, du fait de ne plus voir leurs
enfants. C'était cela le premier travail du groupe. Ça devenait
une réflexion, une réflexion revendicative mais une
réflexion... Et qui avait beaucoup plus de poids. Moi, j'avais
été frappé par l'élaboration, au moment des
révoltes, de gens qui étaient très... Je me rappelle
j'allais les voir avec [Pierre] Truche et je me souviens d'un matin, on avait
vu un papier et on s'était dit que c'était pas mal.
C'était dans un style qui était tout à fait lisible, qui
pouvait être entendu par un politique, par un Giscard d'Estaing qui
était à côté de la plaque.
E.F : Et au fur et à mesure de la
psychothérapie, au niveau comportemental...
D.G : Ils se respectaient plus les uns les autres par
exemple. On pouvait constater qu'ils se coupaient moins la parole. Ou que
l'intervention qui venait tenait davantage compte de ce qui avait
été dit avant. C'est-à-dire que le propos était
nourrit de ce qu'ils avaient entendu. Et ça, ça changeait assez
vite [...]
E.F : Cette expérience recevait quel accueil
des milieux criminologiques ?
D.G : Ben à ce moment là, on avait une
position dominante en criminologie. Si vous voulez, c'était un de nos
lieux d'exercice clinique. On s'est jamais autorisé à faire des
exposés de cas sans les avoir vus. La majorité sont souvent
démunis d'expérience clinique. Pourquoi on avait fait ces groupes
de psychothérapie ? A cause de notre expérience en
médecine légale, à cause de notre position à
l'urgence, à l'hôpital psychiatrique et à la prison.
C'était quelque chose d'original. On était tous experts. A tel
point qu'on rencontrait souvent les mêmes personnages dans les
différents lieux. On avait souvent un patient de la prison, qu'on
revoyait à l'urgence quand il était sorti, pour un geste
suicidaire par exemple. On pouvait aussi le rencontrer en psychiatrie. Et avec
Colin, nous avions fondé un service pour les migrants. C'était la
même chose après avec tous les services avec le FLN. Dans les
années cinquante, au moment de la guerre d'Algérie, y avait un
gros mouvement migratoire de main d'oeuvre. Y avait le début des
Sonacotra mais ça restait insuffisant. Après, ils se sont
multipliés et il y a eu un foyer important à la Part-Dieu dans
les anciennes casernes du « PP » c'est-à-dire
l'ancien régiment de cavalerie. Ça a son importance parce que
ça occupait un très gros territoire dans ce quartier. Dans la
caserne, ça a été un envahissement progressif et les
autorités ont laissé faire. Et dans les écuries, on
pouvait mettre des lits les uns en face des autres. Au début, on disait
il y avait 1000 à 1500 travailleurs. Et ce que Colin avait vu, c'est que
dans les consultations... l'urgence n'existait pas encore... On voyait dans les
consultations hospitalières des gens avec des tuberculoses, des
blessures par armes blanches et tous ces gens venaient de la Part-Dieu. Et il
s'est dit : « Plutôt que de soigner à
l'hôpital, il faudrait soigner sur place ». Donc, il a
monté une infirmerie et il m'a demandé de faire des
consultations, en plus, comme à la prison. Et on a travaillé dans
ce caravansérail où devaient loger 3000 personnes. On a vu aussi
que dans les foyers Sonacotra, il n'y avait pas de médecins. Donc on a
essaimé comme ça. Et on a eu dans ce service jusqu'à douze
dispensaires. Alors, après, on a été obligé de
partir de la Part-Dieu et on s'est dit qu'il fallait qu'on trouve quelque chose
dans le même quartier. J'ai pris la direction de cette structure qui
était payée directement par la Sécurité sociale. Et
il y a beaucoup de délinquants dans les transplantés et
c'était un quartier uniquement de transplantés. Et qu'est qu'on a
vu ? La délinquance qu'on voyait en prison. Donc, l'urgence,
l'hôpital psychiatrique, la prison et puis le SMSTE. Donc ça
formait un secteur technique, c'est-à-dire un secteur qui n'était
pas défini par un territoire mais par ce qui s'y passait, par une
marginalité et la délinquance, maladie mentale, toxicomanie, etc.
C'étaient des relais. Moi, j'en ai connu beaucoup place du Pont
[à Lyon], je les connais encore, qui me
disaient : « Ah, si vous pouvez aller le visiter à
la prison... ». J'allais à la prison, je le suivais à
l'extérieur. J'ai fait des thérapies de couple à la sortie
par exemple. Vous voyez, c'était un secteur comme ça, qui n'a
jamais été officialisé.
E.F : Vous ressentiez ce besoin de sortir de
l'hôpital ?
D.G : Oui. C'est pour cela que deux associations ont
été créées. L'association pour l'urgence sociale.
Parce qu'on s'est rendu compte que les gens venaient tout le temps. Et puis une
association d'assistance aux adolescents, qui est en fait d'aide pour la
toxicomanie. Puis, plus tard est venu un centre d'accompagnement en alcoologie.
Tout cela, est venu du même endroit, de l'urgence [...] Cette
idée, elle venait d'une constatation globale de gens qui travaillent.
Tout le monde remarquait que c'était une impasse. Un marginal, il est
plus que jamais dans l'urgence. Parce que les gens ne savent pas qu'en faire.
Alors, la plupart des médecins étaient des psychiatres mais on a
quand même étendu à des somaticiens.
E.F : Y avait un lien avec l'association de
criminologie ?
D.G : Oui mais c'était ponctuel. Le groupe de
criminologie, c'était l'urgence, la prison, le SMSTE et un peu
l'hôpital psychiatrique ou certains de l'hôpital psychiatrique. On
était un peu extensifs mais on ne monopolisait que ce qu'on
créait. On a pas créé la prison mais on a
créé toutes ces associations qui n'existaient pas avant. Y
compris l'urgence qui n'existait pas avant.
E.F : Et Georges Fully avait été un
soutien pour vous quand vous avez monté ces groupes de
psychothérapie ?
D.G : Oui mais... Un soutien... Il était en butte
à des tas de choses. Il était le premier au ministère. Il
était exigeant. Jamais, le ministère de la Justice ne pensait
qu'il aurait à s'occuper de la santé. Mais on était tous
du ministère de la Justice et c'est ce à quoi on voulait
échapper. On avait des relations assez amicales avec lui. Moi j'avais un
passé qui était assez proche du sien. Et puis on avait un peu ce
même côté social. Il nous a aidé, incontestablement
mais il avait à fort à faire. Parce que je crois que
c'était vraiment difficile pour lui.
E.F : Et vous aviez participé à ce
congrès de 1963 ?
D.G : J'avais participé au départ à
beaucoup de choses liées à l'Administration pénitentiaire.
Parce qu'on avait de l'expérience et qu'on était plusieurs
à travailler ensemble. On se supportait, je dirais, on entraînait
les autres qui étaient tous seuls et qui avaient des difficultés.
Nous, on était gâtés. Parce qu'on avait un groupe, on
pouvait se référer les uns aux autres. Colin, Broussole ou moi,
on était dans les mêmes actions. Alors, on a soutenu sans le
vouloir beaucoup de médecins qui travaillaient isolément et qui
avaient énormément de mal à résister aux pressions
de l'Administration. On les a soutenu sans même le vouloir. Par exemple,
en publiant. Ou en créant ces congrès de médecine
pénitentiaire. Il faisait partie de nous, Fully, sans vraiment le dire
et on l'a beaucoup soutenu. Et pour la première fois, les
médecins pénitentiaires se sont vus et se sont rencontrés.
Et même ça a été l'occasion de la création du
syndicat des médecins pénitentiaires.
E.F : Et quel était le but de ce premier
congrès ?
D.G : Ben le premier congrès, c'était de se
faire exister. C'est-à-dire que jusqu'à présent il n'y
avait pas la notion de « corps ». Les gens étaient
recrutés individuellement, souvent c'était... Vous aviez quand
vous faites des vacations comme ça, c'était que des vacations
pratiquement. Il n'y avait pas de médecins titulaires. C'étaient
des médecins isolés. Ce qui fait que la médecine
pénitentiaire a commencé à exister du jour où tous
ceux qui exerçaient en milieu pénitentiaire, officiellement, ont
eu la possibilité de se retrouver dans ces congrès. Ça a
permis de confronter nos expériences. Et pourquoi on a été
à la tête de tout ça ? Parce qu'on était un
groupe. Et puis un groupe qui étions universitaires. Moi, j'étais
assistant puis j'étais maître de conférence par la suite.
Colin était passé professeur. Hochmann restait avec nous mais
avait eu un poste de psychiatre à l'hôpital. On pouvait être
mis à la porte de la prison, ça n'aurait pas été
une catastrophe pour nous. Moi, j'étais universitaire et praticien
hospitalier à « P » et « N ».
E.F : Et ça ne vous intéressait pas de
travailler à l'hôpital psychiatrique ?
D.G : Non, ça ne m'intéressait pas de
travailler à l'hôpital psychiatrique. Moi, j'ai toujours vu la
psychiatrie dans la vie. Autrement... C'est pour ça qu'après j'ai
fait de la psychanalyse. Mais, par exemple, on m'avait demandé pourquoi
j'avais pas passé les concours mais ça ne m'intéressait
pas. Il faut dire que c'était avant la sectorisation parce que la
sectorisation, c'était après 68. Donc, c'était encore
l'hôpital fermé, avec des contraintes, avec des infirmiers qui
étaient à part. Alors quand j'ai eu ma spécialisation de
psychiatre, j'y ai été comme interne. J'ai vu à quoi
ça ressemblait. Et je n'aurai pas aimé faire ma carrière
là-bas. Je ne me voyais pas passer ma vie à ça. A la
prison, je ne voulais pas y faire ma carrière non plus. Je faisais
ça dans un but humanitaire. Y avait pas les ONG mais on a quand
même fait un peu un travail d'ONG, notamment par rapport au FLN.
Ça a été un regard sur. On peut pas dire :
« La prison, on les met là-dedans et on s'en occupe
plus ». Et puis en même temps, y avaient des gens qui
étaient des soutiens du FLN et que nous connaissions. A ce moment
là, Colin avait des amis qui étaient avocats et ces amis
étaient pour la plupart de gauche. Ils faisaient beaucoup de choses
ensemble. Ce qui fait que c'était tout un mouvement qui ne disait pas
vraiment son nom mais c'était un mouvement de défense. On l'avait
aussi avertit parce que l'urgence est né à ce moment par des
exigences qui n'étaient pas prises en compte. C'étaient des
blessures, des fractures, tous les traumatismes divers, les suicidants, les
troubles psychiques. Donc y avait un besoin. On était... militants... Je
sais pas si on peut dire ça comme ça, pour être
honnête avec vous, mais y avait quand même une dimension militante
dans ce qu'on faisait.
E.F : Vous avez eu des appartenances syndicales ou
politiques ?
D.G : Non. Je connais tous les responsables du PS mais je
n'ai jamais pris ma carte. Alors quand j'étais jeune, j'étais
à la JEC, enfin, des trucs dans ce goût là. Mais c'est
peut-être le moment le plus engagé. C'était après la
Libération... j'étais opposé aux communistes. J'ai fait
médecine dans cette idée, dans une optique un peu militante. Ce
sont des idées généreuses qu'on a à l'adolescence.
Mais ce qui m'intéressait, c'était plus tout ce qui était
mental, tout ce qui était de l'homme. Alors, la psychiatrie ne m'a
jamais beaucoup intéressé. Elle m'a permis d'aller vers autre
chose. Alors bon, j'ai fait de la psychiatrie dans l'urgence mais... C'est pour
cela que la psychanalyse m'a beaucoup intéressé et notamment
lacanienne parce que j'y ai retrouvé beaucoup de choses modernes,
utiles. Alors, ça c'est fait à la fin... J'ai été
au séminaire de Lacan à partir de 1959 et j'avais
déjà suivi les cours d'Anzieu.
E.F : Y avait une dimension militante pour vous aussi
à travers la psychanalyse ?
D.G : Oui y avait une dimension militante, une
espèce de volonté d'abord de mettre au service du plus grand
nombre et puis ce besoin de sortir d'une espèce d'élitisme. Et
puis également de voir comment pouvait s'articuler l'analyse à
quelque chose de plus humaniste, plus chrétien. C'était quelque
chose qui était plus partagé par Colin mais moins par Hochman.
Mme Buffard était socialiste et très laïque, je dirais. On
était pas tous si vous voulez dans le même bain mais on
était tous dans un humanisme, si ce mot veut dire quelque chose. On
n'avait jamais de fortes oppositions. Autour de ce noyau, beaucoup de gens
gravitaient. Roche était pas opposé. Il avait le sens de nous
protéger grâce à ses appuis nationaux et quand on
était menacé, il nous défendait. Par exemple, si on nous
menaçait de nous retirer l'entrée à la prison. On a eu
comme ça des protections, c'était obligatoire [...] Mme Ezratty
nous a bien soutenue.
SECOND ENTRETIEN
E.F : A un moment dans votre thèse
[consacrée aux groupes de parole] vous parlez de la phase de
maturité et vous évoquez une tentative d'élaboration des
actions collectives notamment une tentative de grève....
D.G : Oui c'était au moment de la prise de
conscience d'un groupe qui pouvait faire quelque chose quoi ! Qui pouvait
faire une revendication d'ensemble pour un intérêt commun... Ce
qui est rare chez les détenus quoi ! Parce que la plupart du temps,
les détenus peuvent beaucoup parler de leurs projets ou bien se prendre
comme complices, mais souvent ce n'est pas une notion de groupe, avec des
personnages à égalité qui défendent un projet de
groupe et non pas un détenu qui impose son idée aux autres.
C'était un vrai progrès. Et puis ça transformait un peu
l'ambiance des cellules, où un des membres du groupe résidait. Y
avait un autre discours, un autre regard sur la détention. C'est pour
ça qu'on a pensé... C'était une sorte de socialisation
possible. Ça combat un peu la désocialisation.
E.F : Et la direction de l'établissement
n'avait pas pris peur quand ils avaient vu émerger une action
collective ?
D.G : Alors oui. Ça a même été
un obstacle. Parce que c'est comme quand il y a eu les révoltes à
Saint-Paul. Ils avaient des revendications du type syndicaliste, ce qui
était très étonnant. Moi, j'y ai vu un progrès
important. Puisqu'il y avait un groupe, une communauté et puis il n'y
avait pas simplement des revendications matérielles mais des
revendications beaucoup plus larges sur le procès, la
considération que les avocats, le juge d'instruction, le service
médical pouvaient avoir pour les détenus. Y avaient des exigences
qui n'auraient pas eu lieu avant. Qui étaient liées à la
dignité humaine. Je ne dis pas que c'était le groupe qui a fait
ça. Mais c'était la conjonction de plusieurs choses.
E.F : Et est-ce que l'existence de ces groupes a
été menacée ?
D.G : Ah oui de façon récurrente. Soit
parce que les détenus n'étaient pas prévenus. Soit parce
que certains ne venaient plus car ils n'étaient plus libres ou parce que
le groupe exaltait leurs revendications. Parce que notre but était de
voir ce qui était possible de faire. Ce n'était pas magique le
groupe. Alors, au bout de quelques séances la surveillance aurait
voulue, mais sincèrement quoi, que l'attitude des détenus soit
changée. Alors pour certains ça commençait très
tôt mais la majorité il fallait plusieurs mois [...]
E.F : Et à l'époque vous avez beaucoup
publié sur cette question...
D.G : Oui parce que nous étions les premiers. Il y
avait le Dr Mathé à Melun. C'étaient des choses proches.
C'était une nouveauté en France. Chacun avait des méthodes
plus ou moins en rapport avec ce qu'il faisait avant. Ça pouvait
être des groupes très classiques ou avec un apport psychanalytique
plus ou moins important. On se réunissait à la
société des prisons qui se réunissait à la chambre
de cassation trois ou quatre fois par an. Il y avait beaucoup de magistrats,
des travailleurs sociaux... Mais il y a beaucoup de magistrats qui
s'intéressaient à qu'est ce qu'on peut faire pour que le
détenu puisse changer. C'est pour ça que la société
des prisons nous soutenait pour les groupes. Alors il y avait le Dr Hivert
qui était membre de cette commission. Je ne pense pas qu'il ait fait des
psychothérapies de groupes. Je ne pense pas. Je crois, mais c'est
toujours... je crois qu'il était moins engagé dans les
thérapies, dans tout ce qui était thérapeutique. Il me
semble comme ça, sans le trahir, qu'il était moins engagé.
Qu'il était plus traditionaliste.
E.F : Parce que son Annexe était l'une des
principales avec Lyon. Il y avait des échanges ?
D.G : On a eu beaucoup de contacts avec La Santé.
On avait des relations avec Antoine Lazarus au niveau de la
société de médecine pénitentiaire. Hivert
était ouvert à beaucoup de choses... Peut-être que... Il
était ouvert à beaucoup de choses, il permettait à ce que
beaucoup d'influences s'expriment comme ça. Mais il était
peut-être moins engagé dans tout ce qui était
psychothérapie. On avait, nous, une forme d'engagement qui était
quasi-politique. Au même moment, on travaillait en psychanalyse.
C'étaient des petites choses à l'époque puisque
c'étaient des vacations. C'est sûr que c'est à La
Santé que s'est préfiguré un service médical. C'est
eux qui ont eu des internes bien avant nous. Ce sont des internes qui n'avaient
pas passé de concours bien entendu. Et c'étaient des
transplantés qui avaient comme bénéfice d'avoir à
la prison un domicile et leur nourriture. Ça a quand même
donné quelque chose de particulier. Alors certains internes ont
continué et sont devenus médecins. Mais ils n'ont fait tout le
temps de leur médecine, ils ont été logés et
nourris à la Santé. Alors, ça donnait quelque chose de
particulier parce qu'ils étaient tout le temps là bas. Ça
donnait à son service une certaine sécurité et
l'Administration était satisfaite de toujours pouvoir avoir quelqu'un
sous la main. On nous a toujours reproché de ne pas intervenir la
nuit.
E.F : Mais il y a eu un système d'internes qui
a été adopté à Lyon ?
D.G : Oui. Ils avaient un peu le statut de l'internat
régional. Ceux qui avaient envie de rester à Lyon, parce que
c'était ce type de motivation, ceux qui avaient une orientation un peu
psychiatrique venaient et on les sélectionnait comme ça quoi. Ils
ne faisaient pas les nuits et ne faisaient qu'une partie de la journée.
Là, c'était autre chose. C'est comme s'ils s'étaient
inscrits à l'internat régional. C'était pas du tout comme
les premiers modèles d'internes à La Santé qui acceptaient
de vivre à la prison. En général, c'est ceux que ça
arrangeait parce qu'ils n'avaient pas de chambre à payer, pas de
nourriture... C'était souvent sans rémunération mais
ça en arrangeait pas mal qui étaient étrangers.
E.F : Le Dr Hivert était quelqu'un pour une
autonomisation de la psychiatrie par rapport à la médecine
somatique ?
D.G : Je crois qu'il était plutôt pour la
séparation. Je crois que moi, aussi, j'étais pour la
séparation. J'ai fait les deux. Si nous avons été dans la
médecine pénitentiaire, c'est parce qu'on pouvait le faire car on
avait un poste à l'extérieur et parce qu'on voulait faire quelque
chose pour les détenus. On voulait que ce soit à la fois une
vraie médecine et à la fois une médecine humaine, qui
tenait compte du malade qui était souffrant dans toutes ses
composantes.
E.F : Et qu'est ce qui justifiait cette
séparation à vous yeux ?
D.G : C'était parce qu'on savait bien qu'il n'y
aurait pas beaucoup de psychiatres qui feraient de la médecine
générale et qu'il n'y aurait pas beaucoup de médecins
généralistes qui pourraient faire de la psychiatrie. Et si on
voulait donner un modèle médical, il fallait reproduire le
modèle médical à l'extérieur, à savoir....
On a aussi un peu reproduit le modèle qu'on était en train
d'établir à l'extérieur, à savoir les services
d'urgence. Le service d'urgence a très vite comporté... En fait
avant même de les ouvrir, on s'est rendu compte que l'urgence ne pourrait
pas se passer de psychiatres. En fait aujourd'hui certains s'en passent mais
c'est s'en passer avec difficulté. Alors, on avait vu que ça
pouvait coexister au sein d'une même institution. Certes avec des
difficultés mais on ne pouvait pas aller l'un sans l'autre. Celui qui
est en petite réanimation, on y va mais avec l'accord de celui qui s'en
occupe sur le plan somatique. Donc on avait à la fois ce modèle
d'une configuration où on pouvait échanger les uns avec les
autres, mais en même temps une séparation. Et puis après,
l'hôpital psychiatrique ayant pris en charge les CMPR, on pouvait
dire : « Ben voilà, y a déjà en prison, un
service public qui est installé ». Puisque les médecins
des hôpitaux psychiatriques gardent leur statut de l'hôpital
psychiatrique.
E.F : Avant que les CMPR existent, y avaient des
liens entre psychiatres ?
D.G : Nous on y allait bénévolement. Les
groupes de psychothérapie collective qu'on a fait, c'était
bénévole. Buffard, elle, avait un statut. C'était l'un des
premiers statuts de psychologue à la prison. Et la direction avait
accepté qu'il y ait une psychologue. C'était une
révolution parce qu'à l'époque, ça va vous
paraître bizarre, mais il n'y avait même pas de psychologue
à l'hôpital. Alors qu'aujourd'hui il y en a dans tous les
services. On ne savait pas cependant comment la rémunérer. Et
finalement, on l'a payé avec l'indice qui correspondait au jardinier.
Parce qu'à Lyon sur le béton on n'en avait pas besoin. Et donc
ça l'amusait d'être considérée comme
jardinière [tires] Autrement personne n'était payé. C'est
bien d'ailleurs ce qui nous a permis de faire des choses. Si on avait dû
attendre d'avoir des subventions. La Société des prisons
participait aux charges mais c'était plus pour les frais que pour la
rémunération des séances.
E.F : Et par contre comment ces groupes de
psychothérapie ont disparu ?
D.G : Ils ont disparu parce qu'on a manqué de
nouveaux psychothérapeutes. Parce que vous faites ça quelques
années, comme je vous le disais gratuitement. C'est pas tellement la
gratuité, mais on a tous acquis des charges d'enseignement ou
hospitalières. Donc, ça devenait de plus en plus difficile. Pour
moi, quand j'ai pris la médecine pénitentiaire, j'ai fini les
groupes et voilà. Et étant donné qu'il n'y jamais vraiment
eu d'officialisation, ça n'a pas créé des postes. Les
psycho, à part Buffard, ne rentraient pas en prison. Il n'y avait pas
encore de SMPR. Donc on a eu des succès d'estime en France comme
à l'étranger. On a donc donné nos résultats au
5ème congrès de criminologie et ça a
été l'acmé et presque la fin. Parce que ça
s'épuise. Surtout en fonction de nos activités respectives [...]
Et puis ça n'a jamais été entériné. Tout ce
qui est psychothérapie n'est pas reconnu en prison. Les SMPR se sont
organisés parce qu'ils sont dans la tradition de ce qui se fait en
psychiatrie. Ils ont donné beaucoup de médicaments, à mon
avis trop [rires] mais à l'hôpital psychiatrique, c'est pareil. A
partir de ce moment là, les médicaments rendent les gens calmes,
silencieux et ça arrange tout le monde. Alors que la
psychothérapie... Parce qu'il n'y pas en prison cette volonté de
faciliter le fonctionnement psychique. J'ai eu des difficultés
inouïes à essayer de faire rentrer un psychanalyste en prison pour
poursuivre une psychothérapie qui avait été
commencée à l'extérieur. Moi, mon credo a toujours
été de dire : « Certes la prison on ne peut pas en
sortir mais tout le monde peut y rentrer ! ».
E.F : Et à ce moment là, j'imagine que
G. Fully devait vous appuyer ?
D.G : Oui. On était pas toujours d'accord avec lui
mais quand il y avait des activités entre guillemets
révolutionnaires pour le milieu carcéral, il était
d'accord. Et puis Fully c'était une révolution de
résistances. On avait, nous aussi, cet esprit là. 62, la guerre
d'Algérie. Personne n'était pour y rester. On était
plutôt pour le FLN avec des partis de gauche qui avaient
été emprisonnés pour soutien au FLN. Et puis
progressivement cet esprit de résistance qui nous animait tous s'est
considérablement émoussé.
E.F : Et quelle était la position de Solange
Troisier à l'égard de ces
psychothérapies ?
D.G : Elle était pas contre mais elle était
ni contre, ni pour... Troisier, si ça flattait son ego c'est bien. On
peut pas dire qu'elle ait été contre. Non. D'ailleurs elle venait
souvent. Ça faisait pour elle un lieu d'action intéressant. Mais
c'était plus politique. C'est plus la même chose que d'y croire et
d'y participer. Elle, elle n'y participait pas. Elle n'avait jamais fait de
choses semblables. Elle a pas été contre. On peut pas dire
qu'elle nous a brimé mais elle a été d'une certaine
façon dans le même sens que Fully mais c'était très
politique. Ce qui a arrêté les choses, c'est le SMPR. Parce
qu'à partir de ce moment là, c'était sous
l'autorité d'un chef de service qui avait autorité sur tout ce
qui se faisait. Ce qui changeait tout. On était pas contre. On n'avait
pas pensé que ce qu'on avait fait ça serait comme l'Annexe mais
on avait pensé que ça pourrait être une inclusion des
services psychiatriques [...] Le recours au médicament, pour moi,
ça n'est que ponctuel. On le voit bien d'ailleurs. Si vous devez prendre
des médicaments toute votre détention, est ce que vous devez
prendre des médicaments à votre libération ? Pour
l'anecdote, lorsqu'au Vinatier, il y avait encore une sorte de ferme qui
était une forme de sociothérapie [...] Y avait la récolte
des choux, les gens étaient prêts de la nature, y avait cette
idée que la nature était bonne. Et les cochons, on avait
remarqué qu'ils dormaient toute la journée. Car on les
nourrissait avec les déchets des cuisines où les malades jetaient
leurs traitements [rires]
E.F : En tant que généraliste, vous
étiez confronté à une demande importante de
médicaments de la part des détenus?
D.G : Oui mais ça dépend comment vous les
recevez. S'ils sentent que vous êtes réticent, non pas pour les
brimer mais parce que vous les considérez autrement, vous avez une autre
considération de l'homme... Alors bien sûr, la détention
n'est pas forcement bonne mais passez sa détention dans un état
semi-comateux n'est pas forcément bon non plus. Alors quand vous
êtes comme ça et que vous prenez du temps à les recevoir et
que vous leur expliquez : « Je peux vous prescrire un
somnifère mais ça va vous aliéner si vous le prenez trop
longtemps ». Ça, ça se gère. Sachant bien quand
même, qu'à partir du moment où il y avait un SMPR, la
plupart des prescriptions étaient effectuées par eux. Moi en
médecine, j'avais plutôt des gens qui.... Leur délit est un
symptôme. C'est parce que leur délit est une socio-pathie... En
partie du moins. Mais je limitais beaucoup les prescriptions. Comme je le
faisais en même temps en urgence.
E.F : Et il vous arrivait de refuser les demandes de
psychotropes ?
D.G : Ah oui. On retrouve ces demandes ailleurs par la
suite. Les psychotropes majeurs, les neuroleptiques majeurs... Ah non, bien
sûr. Mais bon à mon sens, c'est le médecin qui en
décide avec l'accord du malade mais c'est pas le patient qui en
décide, avec l'accord du médecin. On avait des réunions
entre généralistes avec les infirmières et puis les gens
du SMPR. Il faut dire qu'on est toujours à peu près entendu avec
les médecins [Hésitant]. Ce qui était un peu gênant,
c'était notre ancienneté en prison, ce qui nous rendait
peut-être un peu plus orgueilleux. On s'y connaissait mieux qu'eux. Et
puis ils étaient un peu les héritiers de ce qu'on avait fait donc
c'était pas toujours simple... C'était des jalousies qui
étaient larvées mais qui étaient pas toujours simples.
Finalement, à la prison on avait pas simplement une relation
médecins généralistes, en plus j'étais un faux
médecin généraliste, et psychiatres mais il y avait un
truc ancien... Alors ça c'est organisé mais ça n'a pas
toujours été facile.
E.F : Parce que concrètement, ça c'est
traduit par quoi la création du CMPR ?
D.G : Ça c'est traduit par un changement de
personnel. C'est Colin qui avait choisi parmi les médecins des
hôpitaux psychiatriques, le Dr Lamothe qui était à Bourg
qui voulait venir à Lyon. Et c'est Colin qui lui a demandé. Il
est venu à partir des CMPR. Tous ceux qui étaient là avant
n'étaient pas payés pour cela. Et puis, il est apparu des
infirmières psychiatriques, plus les surveillants... Donc y a eu toute
organisation. En plus l'Administration leur a fournit les locaux mais tout le
reste était de l'hôpital psychiatrique. La matériel, le
secrétariat, tout ça était fourni par l'hôpital
psychiatrique. Il a fallu que Lamothe et son équipe fasse son trou parce
qu'à la fois ils participent de l'hôpital et ils n'y sont pas
beaucoup. Donc il a fallu qu'ils arrivent à se faire reconnaître
dans cette sorte de spécialité qu'ils n'ont pas pris comme une
surspécialisté. C'était toujours de la psychiatrie mais
dans un milieu particulier.
E.F : Si j'ai bien compris, ce n'était pas
pour vous une spécialité ?
D.G : Non. Non. Il y a eu la politique de secteur. La
sectorisation a permis de sortir de l'hôpital psychiatrique. Il y a eu
beaucoup de choses comme ça. En même temps d'ailleurs, les
psychiatres voulaient venir dans les services d'urgence. C'est là
où avec nous ça n'a pas très bien marché. Parce
qu'on était là, on était installé. Et nous, nous
étions payés par les hospices civiles, nous ne dépendions
pas du tout de l'hôpital psychiatrique. En leur disant tout de même
que l'urgence psychiatrique était une spécialité. Tout
ça pour vous dire que l'Annexe psychiatrique n'est pas apparue comme
quelque chose d'exorbitant du fait de ce mouvement de sectorisation qui a fait
qu'un grand nombre, je ne dirais pas tous, il y a eu un mouvement
d'extériorisation. Ce qui fait que celui qui avait un service à
l'extérieur n'apparaissait pas... La seule chose c'est que ça
n'était pas sectorisé.
E.F : Et vous, en tant que médecin
généraliste quels pouvaient être les points de
désaccord que vous pouviez avoir avec les psychiatres du
CMPR ?
D.G : Ben c'était en gros, la thérapie que
je supportais mal... Enfin aussi importante. Je pense qu'il y avait surdosage
à cause de la condition pénitentiaire. Sur ça, on
n'était pas d'accord. Parce que je trouvais... Surtout je recevais des
gens qui étaient traités par le CMPR et je voyais qu'avant
c'était un peu moins. Et puis je constatais des troubles dus à
ces excès. Et puis je pensais qu'on ratait des choses. J'avais aussi ce
passé des groupes, donc voilà ! A la fois, je trouvais que
c'était une avancée mais que j'avais espérée que
ça aurait fait évoluer la prison. Je peux dire que ça a
rien changé. J'espérais que ça humaniserait plus la
prison. Alors ça n'a pas été seulement le fait de ceux qui
sont venus, c'est aussi qu'ils ont été littéralement
assaillis par la demande, par le nombre de malades à suivre. Et puis par
une psychiatrisation de la prison. [...]
E.F : Au niveau de la préservation du secret
médical, le CMPR...
D.G : Pour eux c'était plus simple. Et puis c'est
par comme la médecine générale parce que pour eux, il n'y
pas d'urgence. Tandis que pour la médecine générale, on
peut nous dire : « Oui mais si on a besoin, il faut qu'on sache
tout sur lui ! ». C'étaient pour des tas de raisons comme
ça. En fait, il ne peut pas y avoir de secret pour les autorités
pénitentiaires. Il faut que tout soit connu tout le temps. C'est un des
principes, contre lequel j'ai résisté bien évidemment. Je
crois que la psychiatrie avait moins de raisons que le secret soit pas
respecté. Là, l'avantage à Lyon c'est qu'on était
un groupe.
E.F : Et c'était quelle forme de
résistance ?
D.G : Ou le secret a été le plus difficile
a respecté, ça a été avec Barbie. Ça a
été très difficile. Bon, Barbie a sans doute
été le personnage le plus marqué. Donc tout ce qui
était de lui, ce qui était dans son dossier médical
attirait. Ça pouvait se vendre... Donc, je m'étais dis que si je
le laissais parmi les dossiers des autres, on allait pouvoir forcer une serrure
ou avoir une clé... Et comme on me disait en même temps qu'il
fallait le suivre la nuit, parce qu'il fallait absolument le garder en vie...
J'ai passé une convention avec la direction qui faisait que son dossier
était placé dans un carré avec une vitre. Ce qui faisait
qu'on devait casser la vitre si on devait y avoir accès en urgence, ce
qui serait justifié par un médecin de SOS Médecins.... Ce
qui fait qu'on n'a jamais cassé la vitre ! Je vous dis ça
parce que ça schématise bien la place du secret médical en
prison. Alors pour la nuit on avait élaboré un système
mais si quelque chose s'ébruitait. On leur faisait signer un papier
comme quoi ils étaient, en tant qu'auxiliaires de santé, soumis
au secret professionnel. Ce qui est exact. Souvent c'étaient des gars
célèbres. C'était pas pour savoir. C'était pour
vendre aux journalistes. Mais c'est un problème qui est
intéressant qui montre bien que quand vous êtes détenu,
vous n'avez plus rien à vous.
E.F : Et au niveau de l'épidémie de
VIH, ça a dû prendre une dimension...
D.G : Alors là, c'était justifié
pour la protection des surveillants. Y a eu des peurs incroyables. A tel
point... Y a eu des gendarmes qui devaient emmener en Cour d'assises un
détenu. Ils n'ont jamais voulu. A tel point que j'ai organisé des
conférences et des films où on voit le virus au microscope
électronique. Souvent je venais ou quelqu'un de l'infirmerie pour venir
répondre aux questions. Puis par la suite qu'un du service du Pr Trepos
est venu à la prison. Ça a été assez bien parce
qu'on a pris leur demande en considération. On a d'autant moins
rigolé qu'on était pas sûr de savoir comment ça se
passait. Ce qui m'avait permis de demander des préservatifs et ça
a été des réactions du genre :
« Comment ! Vous pouvez penser qu'il y a de
l'homosexualité dans la prison ! » [...] Alors ça
a été aigu parce que ça ouvrait sur les pratiques et sur
les abus sexuels entre détenus. Ce qui fait que j'ai eu des
préservatifs par des laboratoires et par des associations de lutte
contre le VIH. Ça a été extrêmement difficile.
C'était pourtant une lutte.
E.F : Et par contre en cas d'agression d'un
surveillant par un détenu...
D.G : Ah oui c'était souvent ça. Alors,
c'est vrai que pour le surveillant c'est extrêmement angoissant [baisse
la voix] Il vous donnait un coup de fourchette. C'était une petite
blessure mais... Alors bon avec analyses, attendre trois mois... ça a
été très très difficile. Ça a
été une période très difficile le VIH [...] Et
puis, il a fallu les traiter. A un moment où on avait pas de
trithérapie. C'était l'interféron. Il a fallu s'accorder
avec les laboratoires. Alors c'était aussi pratique parce que ça
permettait de savoir mais on a eu aucune, aucune subvention pour faire des
études. Oui ça permettait aux laboratoires de savoir. Par exemple
avec l'Interféron, ça leur permettait de savoir quels
étaient les résultats. C'était intéressant mais les
laboratoires voulaient savoir leur efficacité. Or, on avait aucun moyen
de faire puisque tout argent nous était refusé. Alors les
laboratoires voulaient bien payer mais ils disaient : « Il faut
que ce soit quelqu'un de chez nous qui y aille ». Et le
résultat, c'est que je me suis entendu... avec un laboratoire d'ici,
pour qu'ils analysent. Mais on a fait ça dans la plus grande
irrégularité. C'est-à-dire qu'on a fait des
prélèvements sanguins, etc. Qu'on a envoyés au labo... ce
qui était quand même. Donc on a été obligé de
faire des analyses qui intéressaient les laboratoires universitaires
parce que ça leur permettait de publier et la prison c'était
quand même l'essentiel parce qu'on voyait quand même beaucoup de
détenus, de par leur vie antérieure, leur toxicomanie
notamment... On risquait de trouver plus de VIH qu'ailleurs.
E.F : Mais ces traitement vous étaient
offerts ?
D.G : C'étaient des traitements qui nous
étaient offerts. Mais c'était pas gratuitement. C'était
offert pour l'expérimentation. Alors, c'était pas une
expérimentation qui risquait de mettre la santé de l'individu. Au
pire, ça risque de ne rien faire. Et au départ, ça a
été comme ça. Mais il fallait que nous sachions, si
ça modifiait quelque chose. C'était très tôt tout
cela. Parce que ça a été un problème aigu.
C'était inimaginable [...]
E.F : Ça se manifestait comment dans
l'atmosphère de la détention ?
D.G : C'était devenu une crainte pour tout le
monde. C'était en santé que c'était le moins aigu parce
qu'on avait quand même tous été dans des
conférences. Moi, j'ai été très vite chez les
infectiologues à quoi ça ressemblait. Ça nous a permis
d'informer les infirmières et puis ça nous a servi à
rassurer les surveillants qui étaient toujours là à nous
demander. Et là vient le problème du secret : est ce qu'on
peut ne pas dire ceux qui sont atteints du VIH ? Difficile. Et le
directeur avait affaire à des mouvements syndicalistes disant :
« On ne peut pas y aller si on ne sait pas ! ». Alors,
il y a eu des compromis. Mais ça a été une grosse attitude
qui était bien plus importante en prison qu'à l'extérieur.
Parce que les conditions de vie et les moeurs favorisaient la transmission.
Heureusement, ça ne s'est pas passé comme ça. Y a eu moins
de cas qu'on pensait. Quand on demandait un médicament qui
n'était pas autorisé, si on justifiait bien, l'administration
acceptait. On peut pas dire que la prison ait refusé les
médicaments. Ce qu'ils ont refusé, au début, c'est la
détection, les tests de dépistage parce que ça faisait
beaucoup d'argent. En plus, y avait la question de savoir si on pouvait imposer
le test. Parce que quand on leur demandait presque tous refusaient. On se
disait quand même que ça pouvait faire courir de gros risques.
Mais ça soulevait de gros problèmes éthiques [...]
E.F : Et ces premiers cas, est ce que ces
détenus ont été isolés ?
D.G : La majorité a été
isolée au départ. Seulement la prison a toujours manqué de
places. Alors ça devenait des problèmes un peu difficile parce
que ça faisait qu'on concentrait un peu les autres détenus. Donc
ça a quand même posé beaucoup de problèmes
justement. Ça a duré quelques mois. Tant qu'il n'y en a pas eu
trop. Mais encore une fois on pensait qu'il y allait en avoir beaucoup plus.
Les laboratoires nous disaient : « Vous allez être le lieu
idéal pour l'étudier puisque vous avez forcément des
toxicomanes ». Alors, notre connaissance à l'urgence nous a
bien aidé aussi. C'était une période très...
pionnière quoi. C'est pour ça quand on parle du sang
contaminé, moi je me dis quand même qu'on ne savait pas bien. Moi,
j'avais comme politique d'être extrême, ne sachant pas, il valait
mieux isoler, il valait mieux se servir d'instruments qui ne seraient que pour
eux. C'est pour ça que ça faisait un peu médecine de
brousse. Et puis avec une administration qui avait de la peine à suivre.
On avait un dépistage de la syphilis, on avait des vacations
d'infirmières pour ça, alors qu'on en trouver un cas qui le plus
souvent était archi-connu. Tandis qu'on ne pouvait pas avoir un
dépistage systématique, ou tout au moins en faire un certain
nombre. Parce que rien n'était prévu. Et là c'était
vraiment la prison qui rame. Parce que quand elle devait s'adapter.
E.F : Vous vous rappelez quand les dépistages
ont été proposés ?
D.G : Ben ils ont été proposés au
moins trois ans après. C'était le service du Pr Trépos. Il
s'occupait des hépatites et donc il avait tous les toxicomanes. Donc il
s'est occupé des gens qui avaient le VIH. Donc est venu quelqu'un qui
s'occupait des détenus. Il ne dépendait pas de la
Pénitentiaire ce qui était positif. Il s'y connaissait plus que
nous, il avait avec lui un service hospitalier qui était celui qui s'y
connaissait le mieux. Et puis il pouvait répondre à nos besoins
de traitement. Le Dr Barlet avait beaucoup oeuvré avec les laboratoires.
Mais c'était toujours dans cette espèce d'expérimentation.
E.F : Et ça n'a pas été trop
difficile d'obtenir l'intervention de son service ?
D.G : Non, ça, ça a été
plutôt facile. Parce que ça les dédouanait. A partir de ce
moment là, ça ne relevait plus de l'Administration
pénitentiaire. Le service du Dr Trépos est intervenu facilement
aussi. Ça les intéressait. A tel point que celui qui venait s'est
intéressé à la médecine pénitentiaire un
peu. Il dirige maintenant le service de médecine pénitentiaire de
Lyon Sud. Par ce biais là, il est rentré en prison, il a
continué à avoir des liens avec le service de médecine
pénitentiaire et il a pris la suite de Barlet. Son expérience
était très centré sur l'infectiologie mais comme le
service de médecine pénitentiaire est un service de
médecine... Bien qu'on ait voulu en faire plus que ça !
Barlet était aussi psychiatre donc ça nous apparaissait de voir
les gens qui ont des troubles en même temps. Ou quelles sont les
conséquences d'une maladie grave en prison. C'est un trouble, ça,
qui est difficile. Donc il nous semblait plus intéressant qu'il y ait un
côté psychiatrique. Et moi, je n'ai pas été
enthousiaste quand il a pris la suite de Barlet. Mais on ne pouvait plus
trouver de psychiatre acceptant de faire de la médecine
générale. Mais on aurait aimé qu'il ait une composante
plus « psy » [...]
E.F : Et au niveau du service du Pr Trepos, vous me
disiez qu'il avait été assez favorable ?
D.G : Oui parce qu'à ce moment là on
pensait que le milieu pénitentiaire serait un milieu infecté.
Trépos qui est spécialiste de tous ces trucs a été
conduit... Il était dans tout ce qui était hépatites, et
il a été conduit à s'intéresser au VIH et donc
logiquement, c'est nous qui avons été le trouver bien sûr
c'est pas lui qui... On lui en a parlé et il été un peu
comme nous. Mais je vous dis bien on a sans doute extrapolé, ça
n'a pas été aussi grave qu'on pouvait le penser. Parce qu'au
début ça s'est traduit par de l'affolement. Les détenus ne
voulaient plus intervenir. On leur disait : « Ils sont
peut-être contagieux mais on ne peut pas le détecter. Même
s'ils sont négatifs aujourd'hui, ils seront peut-être positifs
dans trois mois ». Donc à l'époque c'était
intolérable.
E.F : À l'époque vous parliez de
contagion ?
D.G : Ben oui. « Il sont contagieux. Il ne faut
surtout pas les approcher » [...] Souvent quand même quand y
avait un risque pour... Ben on disait : « Y a un risque pour le
surveillant ! » [baisse le ton] On était bien
obligé. On pouvait pas.... A partir du moment... Votre secret est
levé à partir du moment où ça concerne quelqu'un
d'autre. Si c'était simplement pour savoir qu'un tel est
contaminé. Tandis que si vous faites courir un risque à quelqu'un
d'autre... Personne ne vous soutiendrait dans la défense du secret
médical. Le secret doit toujours profiter à celui qui en est
porteur et à ceux qui en auraient les conséquences. Moi dans les
expertises, j'en ai quand même beaucoup vu qui avaient le VIH parce
qu'ils avaient des rapports sexuels sans protection... Ils ont contaminé
toute une série de femmes. J'ai eu toute une série de cas comme
cela. Alors l'expertise, vous savez, elle est partielle mais tout ce qui
peut... Même si ça concerne autre chose. Là, quand vous
voyez que quelqu'un n'a aucun contrôle de lui et qu'il s'en fout, vous le
mettez, même si ça n'a aucun rapport avec ce pourquoi il est
condamnable. Le secret médical il faut s'en servir de façon
intelligente. Ce n'est pas un secret dans l'absolu.
TROISIEME ENTRETIEN
E.F : Vous m'aviez parlé du passé du Dr
Fully et vous m'aviez dit que vous aviez des points communs ?
D.G : On avait des points communs parce que, comme je
vous le disais, pendant la guerre j'avais fait des liaisons comme ça
mais je n'ai jamais été arrêté. On avait des
idées communes. Il avait des idées de gauche et ce qui se
manifestait assez nettement quand le FLN a pris du poids en Algérie et
c'est pour ça qu'il avait milité, enfin d'une façon...
sans provocations, il avait essayé de défendre les droits de
l'homme pendant le FLN. Je crois que Marcel Colin était un
chrétien militant. Il avait toujours milité aussi dans les
associations étudiantes, pendant sa médecine, il avait
gardé des liens avec d'autres étudiants en droit en particulier.
Je sais qu'il a beaucoup participé à la distribution de ce
journal qui n'était pas autorisé [Témoignage
Chrétien] [...] Fully était un gaulliste de gauche. Il
était gaulliste et dans le fond, il aurait était gaulliste
même pour l'Algérie. Il était persuadé que
l'indépendance était nécessaire et de toute façon
inévitable. Fully était gaulliste parce qu'il était
résistant. Il aurait en effet être pu FTP ou communiste. Moi,
j'étais peu gaulliste par rapport à lui mais bon [...]
E.F : On avait commencé à parler du
premier congrès de 1963 où était apparue cette idée
de médecine pénitentiaire ?
D.G : Oui parce que la médecine
pénitentiaire, c'était une médecine qui n'était pas
connue. Elle n'était pas connue des médecins en particulier.
C'était souvent des individualités qui faisaient des actions
charitables, qui étaient parfois chrétiens. Ça faisait
partie de la visite aux prisons. La plupart du temps, c'était gratuit.
C'était une tradition soit familiale, soit dans un groupement
idéologique ou religieux. On peut dire que c'est au moment où il
y a eu tous ces emprisonnements après la guerre... Il y a eu des
réflexions importantes des médecins et magistrats qui
étaient entrés en prison [...] Amor a beaucoup dit ce que
c'était la prison, ce que c'était que l'enfermement, qu'on ne
pouvait pas récupérer des criminels en les traitant comme
ça. Y a eu tout un rapport sur les conditions et matérielle et
morales des prisons. Et notamment au niveau de la prise en charge
médicale. Pendant la guerre ça a été lamentable.
Les médecins signaient souvent des certificats de décès.
Et ça a révélé cet état. Il a fallu quinze
ans ou dix ans pour que ça se révèle, que des gens dans la
hiérarchie judiciaire ont pu faire connaître leur lutte.
E.F : Et en 63 ?
D.G : Alors en 63, déjà il y a quelqu'un
qui avait été nommé au ministère pour s'occuper...
Parce qu'avant c'étaient des contrats locaux. Vous étiez
engagé par la prison mais si vous aviez dit travailler pour le
ministère de la Justice, ça aurait paru abusif pratiquement. Et
vous étiez forcément isolé dans la prison. Ce qu'il y a de
particulier, c'est qu'il y avait un peu dans toutes les grandes villes un
médecin sur ce mode là, avec des statuts différents.
Certains avaient des indemnités, certains avaient de l'importance. Il y
avait des contrats entre prisons et hôpital par exemple. Il y avait une
diversité des situations médicales très importante et,
surtout, aucune connaissance des uns des autres. Personne... Moi, ce qui
m'avait frappé, en 63, j'avais pas encore exercé en tant que
médecin pénitentiaire, mais ce qui m'avait frappé c'est
que personne ne s'était bien intéressé au travail de
l'autre. Y a toujours eu un travail individualisé. Y avaient toujours
des réticences à passer ses dossiers médicaux à
d'autres. On était très individualiste. Alors en 63, ça a
été un début. Mais on a vu qu'il y a des gens qui
existaient et qui étaient archi-contents de trouver qu'il y en avait
d'autres qui existaient, auxquels ils n'avaient jamais pensé, et surtout
quand on a exposé nos situations... Alors, c'était pas
scientifique. C'était du genre, je m'en rappellerai toujours :
« Moi j'ai pas une pièce où je peux examiner quelqu'un
parce que je suis obligé d'ouvrir la porte pour que la table d'examen
puisse être mise ». Il avait les pieds dans le couloir [Rires]
C'était des trucs comme ça. Et puis beaucoup disaient :
« Comment les examiner alors qu'on a un surveillant à
côté de soi ». etc., etc. Alors ça montrait aussi
des non-exigences de la part de médecins qui acceptaient cette
médiocrité pénitentiaire. Le mobilier qui était
lamentable. Ils acceptaient aussi de distribuer un peu d'aspirine. Les
revendications étaient quand même peu importantes [...]
E.F : Et ils vous semblaient résignés
ces médecins ?
D.G : Résignés... J'ai eu l'impression
qu'à ce moment là, ils pouvaient être un peu dans la
révolte. Parce qu'ils en voyaient d'autres qui étaient comme
ça et qui disaient : « C'est plus
possible ! ». Si à Lyon on a été à
la pointe, c'est parce qu'on avait nos offices ailleurs et qu'en même
temps on était un groupe. Et puis, surtout, on faisait de la
médecine légale. Alors vous avez toutes sortes de
spécialités dans la médecine légale, vous avez de
la médecine interne, anatomopathologiste et vous avez des psychiatres.
Et à Lyon, ce qui a beaucoup aidé notre dynamique, c'est que
pendant très longtemps, il y a eu une articulation entre la
médecine légale et la médecine du travail. La
médecine légale au 19ème siècle
était liée à la psychiatrie puis la médecine du
travail est née et elle a pris de l'importance et elle est devenue une
spécialité plus recherchée que la médecine
légale. Et il y avait deux élèves qui étaient
possiblement professeurs de médecine légale et de médecine
du travail, puis on a séparé les deux chaires et le Professeur
Roche qui espérait avoir la chaire de médecine du travail n'a eu
que la médecine légale. Et il a, à ce moment là,
pris ça à bras le corps en disant : « On va faire
revivre la médecine légale ! ». La médecine
légale, il l'a non seulement fait revivre à Lyon mais aussi au
niveau national. Il a ressuscité la Société de
médecine légale, il a fait des élèves. Ce sont des
choses un peu...commerciales. Et puis surtout ce qui a été
fondamental, au moins ici et un peu ailleurs, c'est qu'il s'est dit que pour
que la médecine légale soit vivante, il ne pouvait pas rester
uniquement dans l'institut de médecine légale qui est
réputé... faire des autopsies quoi ! Donc c'est une
médecine de la mort ! Lui, était pour sortir tandis que
d'autres étaient pour rester, notamment à Lille il y en avait un
qui défendait cette idée que la médecine légale se
fait dans l'Institut médico-légal. Alors que Roche disait :
« Mais les expertises se font de plus en plus sur le
vivant ». Et surtout ce qu'il est apparu, c'est qu'il y avait
beaucoup de problèmes médico-légaux. Et ces
problèmes se voyaient où ? Et bien chez les gens qui
venaient en urgence en particulier. Et c'est comme ça qu'est venue
l'idée d'appuyer l'urgence qui existait mais... A Lyon par exemple
c'était la porte « A » d'Edouard Herriot,
c'était la porte d'entrée. On appelle ça la
« porte » d'ailleurs. Et il y avait de tout. Aussi bien les
urgences chirurgicales, la psychiatrie, la médecine interne. Tout
était là. J'y avais un peu participé. C'était une
médecine quasi-militaire ! Vous choisissiez vos patients !
« Ça c'est pour moi ! » Y avait tout un travail
qui était fait. Donc le premier service d'urgence a été
fait au pavillon « P » à l'Hôtel Dieu, ils
avaient moins cette approche mais ils l'ont pris un peu. Et ça a
donné une vie particulière à la médecine
légale. Mais très vite aussi Roche a insisté sur l'urgence
psychiatrique parce qu'il y avait, comme Colin par exemple, des gens qui
étaient de formation psychiatrique et il s'est rendu compte qu'on
recevait beaucoup de malades psychiatriques. C'étaient toux ceux qui
déliraient pour la première fois. C'était aussi, bien
sûr, le suicide. Et puis c'était le moment de l'éclosion de
la drogue [...] Ça aussi, ça demandait à la fois des
réanimateurs et des psychiatres pour accéder à leurs
problèmes. Et tout ça, ça constituait en plus des
délits et la police nous les emmenait. Et tout ça a fait une
médecine légale vivante. Et Roche, en plus, disait :
« Comment on va faire une expertise si on est isolé ? Il
faut qu'on soit proche de l'hôpital ». Et l'avantage d'Edouard
Herriot, c'est qu'il y avait tout ce qu'il pouvait y avoir à
l'hôpital à ce moment là. Il y avait un plateau technique
extrêmement développé. Ce qui fait qu'il disait :
« On ne peut être médecin légiste que si l'on est
à la fois au sein d'une structure qui nous reconnaisse dans nos
compétences, mais aussi dans nos grades universitaires et donc qu'on
soit praticien hospitalier ». On pourrait dire qu'il a, à
Lyon, intégré la médecine pénitentiaire parce que
tous ceux qui allaient en prison étaient passés par-là.
Colin avait beaucoup recruté. Mais Roche n'avait pas scindé la
médecine pénitentiaire du reste. Il voyait la médecine
pénitentiaire comme une expansion, comme une antenne de l'urgence
médicale, au sens de « vous voyez, au final, les mêmes
gens ». Et je pense qu'on a bénéficié de ce
dynamisme.
E.F : Et Georges Fully avait un peu la même
conception de la médecine pénitentiaire ?
D.G : Oui [hésitant] mais il en a fait très
vite quelque chose d'un peu à part. Il en a fait quelque chose d'un peu
à part. Et puis surtout, c'est pas une crique, mais il voulait marquer
son travail. C'est logique. Il a bénéficié de notre appui.
C'est nous qui contactions les médecins. En même temps s'est
constitué un syndicat des médecins pénitentiaire autour de
plusieurs médecins parisiens. Alors, eux, ils étaient plus
concernés. C'étaient des praticiens qui se sentaient plus
engagés dans la médecine pénitentiaire. Alors il y a eu
tout un travail administratif pour que les médecins soient
recrutés par le ministère, qu'ils soient payés sur le
même tarif. Le but de ce syndicat était de se structurer, d'avoir
des exigences dans la qualité, la spécialisation des
médecins. On pensait déjà à faire une
spécialité de médecine pénitentiaire. Dans ce
syndicat, ça a plutôt été des parisiens. Parce que
c'était à Paris que ça se passait. Y avait Fresnes, la
Santé. Après y a eu Fleury-Mérogis. Ils voulaient qu'on
soit plus représentatif. Parce que jusqu'à présent
c'étaient tous ceux qui avaient bien voulu y être. Il fallait
être docteur en médecine mais après il n'y avait pas de
spécificité. Et le syndicat disait : « Il faut
monter la qualité pour être payé en fonction de notre
spécialité ». Et on veut un statut. On voulait
être reconnu comme une spécialité avec un statut reconnu
par le ministère. Peut être pas un recrutement sur titres.
Plutôt que ce soit un concours [...] Donc c'était une
espèce de valorisation de la profession. C'est pour ça qu'on
essayait à ce moment là d'organiser des congrès, de faire
des publications, pour souligner le sérieux de notre truc. Et on a
intégré dans le Syndicat les médecins mais aussi les
pharmaciens des prisons. C'étaient des médecins d'officine qui
avaient une succursale [...] Il y avait eu une idée ici parce que Roche
était un type qui aimait beaucoup les publications et il a lancé
plusieurs revues. Une revue de droit médical, de criminologie et puis il
avait fait une sorte de maison d'édition pour éditer les gens du
groupe. Il était favorable à ce qu'on publie des articles sur les
prisons mais il n'a jamais été question de faire une revue
spécifiquement là-dessus. Roche fédérait un peu au
niveau de la France.
E.F : Et cette ouverture de la médecine
légale, c'était, j'imagine, en prévision de la
réforme des études médicale ?
D.G : Il a beaucoup travaillé dans la
spécialisation. Ce qu'il y avait d'intéressant c'est que la
médecine légale ouvrait à l'hôpital. Nous, on
était tous praticiens hospitaliers parce qu'on avait tous
été avant cette réforme mais ce qui pouvait être
intéressant pour ceux qui arrivaient en médecine légale,
c'est qu'ils pouvaient avoir un poste de praticien hospitalier. Ou chefs de
clinique ou assistants. Il y avait toute une filière pour la
spécialisation. Alors le problème a été de savoir
où on mettait la médecine légale. On a dit :
« Il faut garder la spécialité de base ».
Parce que tous les médecins légistes avaient une première
spécialisation. On n'est dit qu'on ne pouvait faire de la
médecine légale qu'une sur-spécialisation.
C'est-à-dire qu'on va faire un ans ou deux après les quatre ans
de psychiatrie, d'anatomopathologie. Autrement dit, on a gardé cet
esprit là. On ne pensait pas faire une médecine légale
juste après la fac de médecine. C'est très dur
d'être médecin légiste sans avoir une
spécialité. Vous voyez bien que pour accepter de faire un an ou
deux en plus de ces autres années, il faut être motivé et
il fallait bien aussi qu'on puisse avoir des postes hospitaliers.
C'est-à-dire qu'on voulait intégrer la médecine
légale dans la médecine tout court. C'était pas une
médecine à part et surtout pas une médecine des morts. La
philosophie c'était quand même de rester dans la médecine
active parce que vous ne pouvez pas être médecin sans suivre le
progrès !
E.F : J'imagine que là où il n'y a pas
eu ce dispositif, la médecine légale a été plus
affaiblie...
D.G : Oui, ils ont eu beaucoup de difficulté. A
partir du moment aussi où les magistrats se sont rendus compte qu'il
pouvait y avait un modèle dynamique. Ce que Roche a aussi beaucoup fait,
ce qu'on ne faisait pas partout, c'est les liens avec les magistrats. Pas
seulement des causettes comme ça. Par exemple, Roche faisait
régulièrement des journées de médecine
légale. Pour attirer un peu les magistrats, on les faisait en Provence,
parce que c'est pas loin. On invitait les magistrats et on les invitait
à parler. Et on vivait ensemble pendant deux trois jours. Et ça
structurait, ça faisait des liens avec les magistrats. C'étaient
les chefs de cour, parquet général, souvent les premiers
présidents. Y a toujours eu des juges d'instruction. Y a toujours eu des
Présidents d'Assises. Et ça créait des liens et
c'était d'autant plus intéressant que les magistrats bougent
beaucoup. Ils se retrouvent dans toute la France et ça diffusait un peu
nos idées. C'est comme ça que j'ai bien connu Truche qui est
devenu premier président de la Cour de Cassation. Mais ce n'est qu'un
exemple parmi tant d'autres. Lyon, en plus, étant une grande ville,
ça nous a permit de diffuser l'importance de la médecine
légale et aussi de la médecine pénitentiaire dont il
était souvent question durant ces congrès. Y avait la peine de
mort, les effets de la peine. Souvent y avait une demi-journée sur la
médecine pénitentiaire. Ça a été très
dynamique [...] On avait beaucoup infiltré la médecine
pénitentiaire dans l'enseignement criminologique. L'école des
commissaires venait une fois par semaine pour une formation en criminologie
clinique et pendant très longtemps les commissaires de police venaient.
Vous voyez, on a toujours été comme ça, dans d'autres
instances judiciaires. Il y avait aussi des journées
italo-franco-suisses de médecine légale qui regroupaient ce qui
était francophone et ça se faisait chaque année. On
sollicitait un peu les gens qui avaient les mêmes idées que nous.
Et puis il y avait des journées de criminologie italo-canadiennes qu'on
faisait tous les deux ans. Et puis l'équipe lyonnaise s'est inscrite
dans beaucoup de congrès. On avait un effort de diffusion de ce qu'on
faisait ici.
E.F : Et le professeur Roche avait aussi des
relations au niveau national avec la Chancellerie ?
D.G : Oui beaucoup. Beaucoup avec la Chancellerie. Il
était d'ailleurs souvent consulté. Et il avait des relations
internationales aussi. Par exemple, il avait des grandes relations avec le
responsable de l'unité de médecine légale de New-York qui
venait beaucoup ici. Il aimait beaucoup faire des liens. Il invitait par
exemple beaucoup chez lui. Il avait une grosse villa sur le bord du parc de la
Tête d'or. C'était un gros truc et, par exemple, il invitait
beaucoup de monde le soir entre 7 et 10H. C'était souvent des gens
différents. C'était une sorte de cocktail où des gens
prenaient la parole. C'était relativement peu mondain. Il faisait
beaucoup parler par exemple les gens des assurances, du genre AXA, Le Gan.
Parfois, il s'en servait pour mettre ça dans une revue. C'était
souvent local mais parfois c'était un peu plus que local.
E.F : La médecine pénitentiaire pour
lui c'était une autre sur-spécialisation ?
D.G : Il pensait que ça serait difficile d'en
faire une spécialité. Et moi aussi ! Je pensais que
ça ne devait pas ... Au début, tout au début, il y avait
l'idée que ça devait être une spécialité. On
se découvrait. On ne se connaissait pas et on se découvrait. Mais
après pour moi, pour moi, et c'est ce qui est arrivé, c'est que
la médecine et toute la médecine, avec ses composantes modernes,
rentre dans les prisons. Je ne voyais pas pourquoi ça serait une
spécialisation. Médecine pénitentiaire ?
Pourquoi ? Pour moi ça devait être un service public dans la
prison, de même que l'hôpital psychiatrique avait mis en place les
SMPR.
E.F : Mais en termes de rattachement universitaire,
vous aviez une certaine conception, médecine légale ou
urgentiste ?
D.G : Plutôt une conception de médecine
légale. Il se trouve que l'urgence, on peut l'assurer mais ce qui
m'apparaissait important, c'est qu'il y ait une compétence
médico-légale. Parce qu'il y a quand même des situations
médicales qui ont des liens étroits avec ce qui a
été fait, les délits, les condamnations. Y a des gens qui
décompensent parce qu'ils ont eu six ans de prison ! S'ils avaient
eu six mois ils n'auraient pas décompensé. Y a quand même
quelque chose qui relève de la médecine légale, du
délit ou des crimes. Faut que vous sachiez aussi ce que vos clients
risquent. Il faut quand même connaître le système des
prisons. Il faut aussi s'assurer que le juge d'instruction ne fasse pas
n'importe quoi, il ne tient souvent pas compte de la médecine
pénitentiaire. Je me rappelle avoir eu beaucoup de difficulté
à faire opérer un type qui avait une rétine qui se
décollait. J'avais obtenu, parce que c'est une chirurgie très
précise... Là aussi, l'intérêt c'est que
j'étais à l'hôpital. J'avais été les voir,
leur expliquer. J'avais obtenu ça et quelques jours auparavant,
hop ! On me dit qu'il a été transféré parce
que le juge... C'est absolument impossible ! Il faut connaître, se
faire connaître des magistrats. Il faut pouvoir collaborer pour que les
magistrats n'aient pas seulement l'impression que vous leur mettez des
bâtons dans les roues mais que vous faites un travail médical qui
est un travail aussi judiciaire.
E.F : Et avec les magistrats au quotidien vous aviez
des relations très fréquentes ?
D.G : Assez fréquentes mais surtout
circonstancielles. Par exemple, à propos d'un malade comme ça ou
par exemple, il m'est arrivé au niveau des mineurs... Ils étaient
à Saint Paul dans un service qui était quand même
très.... Parce que le travail du médecin pénitentiaire,
c'était aussi d'aller faire des inspections... Les fils étaient
dénudés, les cuvettes de WC étaient cassées.
C'était des trucs où on pouvait se faire mal et comme ils se
battent parfois. Quand j'avais vu ça quoi, j'avais été au
parquet pour leur dire de venir et ils m'avaient accompagné. C'est des
trucs comme ça. C'était souvent sur des cas individuels. Il m'est
arrivé très souvent d'écrire au juge d'instruction pour
leur dire d'aller le voir, en leur disant qu'untel était susceptible de
se tuer quoi ! Ils me connaissaient, au moins, les magistrats.
J'étais pas aimé de tout le monde mais j'étais connu [...]
[un peu plus tard, au sujet des congrès]
E.F : Et la question de la dilution était un
sujet de controverse ?
D.G : Ah, ça a été LA [Insiste
fortement] question ! Y a eu d'ailleurs, je crois à Dijon, une
pharmacienne de l'Hôpital de Fresnes qui a fait un test. Ça
m'avait frappé. Par exemple, elle disait les gélules flottent. Et
elle disait, c'est une aberration de mélanger tout ça. On
écrasait des dragées dont justement l'entourage était fait
pour que ça ne s'ouvre pas à ce moment, que ça s'ouvre
dans l'intestin. Les gélules, pareil. Les fioles, ça a
été la grande bataille parce que ça annulait les
propriétés médicamenteuses ! [...] Ceux qui
étaient diabétiques et insulinodépendants, ils avaient
leur piqûre. On ne les autorisait pas à se la faire. Il fallait
qu'ils viennent à l'infirmerie. Alors bon, d'accord. Mais ceux qui sont
diabétiques non insulinodépendants avec des sulfamides
hypoglycémiants, bon, c'était distribué à n'importe
quelle heure. Or, il faut que ça soit distribué en rapport avec
votre alimentation sinon ça n'a pas de sens. Par exemple, si c'est
distribué trop tôt, vous allez augmenter l'hypoglycémie
avec un risque de coma ! Enfin des trucs comme ça. En plus il n'y
avait aucun respect de la posologie. Pour eux, c'était matin et soir.
Ça ne pouvait pas être trois fois par jour. Alors souvent on
négociait au cas par cas. Ça prenait un temps fou ! On
épuisait une énergie folle. Après, j'étais prudent.
Les régimes par exemple, c'était ahurissant. Je comprends que
certains régimes spécifiques soient difficiles mais par exemple
quand vous décidez un régime sans sel. On peut faire des
pâtes sans sel. Parce qu'en général y avaient plusieurs
régimes sans sel dans la prison. On pouvait faire une casserole à
part. Et ben non ! Alors les diabétiques calculaient leurs doses et
j'avais demandé au diabétologue de me faire des menus, simples,
ça n'a jamais été possible. Il fallait peser alors on ma
disait : « Vous imaginez ». S'il y avait eu 700 types
à peser, je comprendrais mais il y en avait quatre ou cinq au maximum.
« On n'a pas de balance ! ». C'était pas
prévu ! C'est pour vous dire, c'est que des trucs comme ça.
Il fallait être menaçant : « Bon ben, coma
glycémique et bien voilà ! ». Quand vous
êtes hypo, ben ça va bien, vous lui donnez du sucre mais quand
vous êtes hyper... Qu'est ce que vous faites ? Là, ça
marchait mais c'était épuisant. Et vous pouvez difficilement
abandonner parce que vous vous dites : « Ben s'il y a un
problème, c'est moi qui ait tort ». Parce qu'en cas de
problème, c'est simple pour le directeur de dire : « Ben
le médecin n'a rien vu, le médecin n'a pas fait son
travail ».
E.F : Vous avez peur que votre responsabilité
médicale soit impliquée ?
D.G : Oui. Par exemple, les morts subites à la
prison, je n'ai jamais signé de certificats de
décès ! Parce que je me disais : « C'est trop
facile ! On va te dire que tu n'as pas fait ton boulot. Tu n'as pas vu un
cardiaque. Tu as négligé un diabétique, etc ».
Donc à chaque fois je téléphonais au SAMU en leur
demandant de faire le certificat de décès. Beaucoup faisaient
comme moi. Mais il y en a qui se sont fait avoir comme ça. Le
problème, c'est de faire de la médecine pénitentiaire
comme on fait à l'extérieur. Pareil, pour les suicides. Jamais je
n'ai... De toute façon si je signais un certificat de
décès, je le mettais en mort violente. Parce que de toute
façon quand il y avait une urgence, il m'est arrivé de signer
comme ça et je signais mort médico-légale. Ça s'est
appelé mort naturelle ou mort médico légale quand on veut
savoir que ce que c'est. Ça veut dire que quelque chose est suspect.
L'important c'est que cette mort on ne pouvait pas en prendre la
responsabilité comme une mort qui ne posait pas de problème
judiciaire [...] Et les suicides, jamais je n'ai signé un mort naturel.
Et puis surtout je voulais qu'il y ait des enquêtes [...]
E.F : Et quelle était la position de Fully au
sujet des fioles ?
D.G : Il était très ambigu. Les fioles,
c'était un principe de sécurité. Alors il disait
[souffle] : « Si on a des suicides, ce sera
pire ! ». C'était très difficile parce qu'on
n'avait pas le personnel à disposition. Sa position a été
ambiguë. Je comprenais que ce soit ambigu. Parce qu'il disait :
« Ça sert quand même ! ». Il était
pas contre, il était pas pour [...] Il était souvent en porte
à faux... mais il avait une représentativité quoi !
Il avait ce statut du déporté ! Il avait cette
honorabilité là et on était encore pas très loin
des témoins de la guerre. Ça a beaucoup joué.
C'était quelqu'un qui était écouté et je crois que
sa position plus nuancée que j'aurais voulu... Je crois que
c'était très difficile quand même pour lui. Si on m'avait
proposé son poste, je ne l'aurai jamais accepté. Je crois qu'il
voulait être utile. C'est un type qui aimait le risque [...]
E.F : Fully et Troisier étaient assez
différents en terme de personnalité ?
D.G : Ah oui, elle a une personnalité très
narcissique. C'est moins qu'on puisse dire. Je ne dirai pas qu'elle faisait
rien mais elle aimait quand il y avait un peu de flonflon autour d'elle. Elle
avait ses têtes. Mais elle a fait des choses. Moi, je l'ai toujours senti
dans le risque d'être utilisée. Si vous aviez compris ses besoins
narcissiques [...] Je pense que c'était un peu politique. Elle
était quand même très engagée. C'est comme souvent,
c'est monté en épingle et après vous ne pouvez plus vous
en sortir. Mais, elle, je crois, qu'elle a été abusée.
C'est une conviction [...]
E.F : Est-ce qu'il y avait des internes qui
participaient aux congrès ?
D.G : Alors dans les premiers congrès, il n'y
avait pas d'internes. Y en a qui y venaient après, de plus en plus.
Certains étaient très virulents. Ce qui était
intéressant c'est que ça renouvelait la sève des
contestataires. On s'affadit forcément dans une lutte qu'on pense sans
grands espoirs. Parce que le changement en prison a tellement été
lent, qu'on ne l'a jamais bien vu. Alors que les internes qui
découvraient l'univers carcéral, ça faisait un choc. La
plupart du temps, ils ont été plutôt revendicateurs et nous
trouvant insuffisamment protestataires [...]
E.F : Cette période de révolte, au
début des années soixante-dix, vous l'avez vécue
comment?
D.G : Ben moi, j'étais assez satisfait qu'il y ait
des révoltes. Non pas pour la violence que ça a
déclenché. J'avais aussi assez peur pour les détenus quand
je les voyais sur les toits. Mais j'étais satisfait parce que je
trouvais quand même qu'il y avait une conscience collective de
l'injustice. Ce n'était pas sur un fait en plus, de discipline,
c'était sur... Les revendications n'étaient pas ponctuelles,
c'était dans une conscience qu'ils étaient des hommes et qu'on ne
pouvait pas les traiter comme ça. Les juges d'instruction les mettaient
en détention et ne les revoyaient pas pendant plus de six mois. Entre
parenthèses, c'est incroyable. Je pensais que c'était une prise
de conscience et ce n'étaient pas des revendications faciles de
quelqu'un qui ne voit pas plus loin que le bout de son nez. C'était une
revendication pour une vraie justice et ça j'avais beaucoup
apprécié. Il y a eu à Toul aussi. Je me souviens de ce
discours. Ça m'avait beaucoup intéressé parce que ce
n'était pas tellement fréquent. Là j'avais appris des
choses avec elle. Je n'avais pas la même expérience. Dans chaque
congrès on apprenait des choses. Chaque prison pouvait avoir son propre
règlement et c'est le directeur qui faisait le règlement.
ANNEXE 37 : ENTRETIEN AVEC PIERRE ESPINOZA
Pierre
Espinoza, chef de service de l'Unité de soins intensifs de
l'Hôpital de Fresnes de janvier 1983 à septembre 1991.
Médecin à l'Hôpital Européen Georges Pompidou lors
des entretiens réalisés les 16 mai, 31 mai 2006 et 22 avril 2008
dans son bureau (Paris). Durées : 1h45, 2h00 et 1h50.
Ne sont cités ici que des extraits d'entretien.
E.F : Alors, déjà j'aurai voulu que
vous m'expliquiez comment vous êtes devenu chef de service de
l'unité de soins intensifs de Fresnes en 1983?
P.E : Moi, en fait je suis médecin. Ma
spécialité initiale c'est d'être gastroentérologue
mais aussi médecin interniste. J'avais fait un internat très
classique de médecine interne. Mais dans mes études il y a
quelque chose de particulier c'est que j'ai fait beaucoup de remplacements de
médecine générale en France, deux trois ans d'exercice. Et
donc je me suis intéressé au malade dans son milieu de vie. Et
pendant quasiment dix ans j'ai été médecin de garde en
banlieue parce que l'internat n'était pas suffisant pour me permettre de
vivre. Donc je faisais des gardes en banlieue parisienne avec ma petite sacoche
ce qui m'a permis la nuit les week-ends, trois ou quatre fois par mois pendant
dix ans de pénétrer dans les cités de banlieue.
D'être à trois heures du matin dans des coins un peu durs et
d'avoir ce regard sur les gens dans leur lieu de vie. Moi ça a
été tout à fait par hasard, un beau matin d'octobre 82.
Mon patron m'appelle et me dit : « Voilà je sais que vous
avez envie de rester à l'hôpital et en région parisienne.
Je viens de recevoir une lettre de la Chancellerie qui cherche un
médecin pour l'hôpital de Fresnes... ». Tiens ! La
prison, moi je n'avais jamais eu d'idée personnelle d'aller travailler
en milieu pénitentiaire mais pourquoi pas ? Après tout, j'ai
travaillé en banlieue alors pourquoi pas là bas... Je me suis
renseigné mais je me suis aperçu que c'était un sujet
compliqué puisqu'on ne m'a pas permis d'aller à l'hôpital
de Fresnes voir comment c'était. On m'a d'abord convoqué à
la Chancellerie. Moi, je me suis trouvé face à un politique
quasiment me disant : « On a du mal à trouver un
médecin pour l'hôpital de Fresnes parce qu'on a de gros
problèmes. Y a des morts de façon chronique. Y a des articles
dans Libé, Le Monde sur des problèmes avec des
morts. Donc on cherche un médecin qui puisse mettre de l'ordre là
bas ». C'était la question de la Chancellerie. Moi je n'en
avais pas entendu parler. Alors je décide d'aller voir et je
découvre un hôpital ou plutôt une prison hôpital. Une
prison-hôpital. J'ai regardé, j'ai réfléchi et je me
suis dit pourquoi pas ? C'est comme ça que je suis rentré
à l'hôpital de Fresnes mais je n'avais pas de vocation à
travailler en milieu pénitentiaire. Ce n'est pas un poste que j'ai
recherché. Il est arrivé comme ça par un circuit lambda,
un circuit universitaire. Alors je suis parti en mission. Parce que j'ai
dit : « Oui, j'y avais » mais à une condition,
c'est que, moi, je ne suis pas médecin chef dans un bureau. Moi je suis
médecin. J'ai besoin d'avoir... Je suis médecin avant tout donc
il me faut un service dans lequel je dois pouvoir exercer mon métier.
Donc on est tombé d'accord que je prenne la tête du service des
admissions et du service des soins intensifs, disons des urgences. Par rapport
aux problèmes posés à l'époque c'était une
façon de filtrer tous les entrants et d'autre part avoir les malades les
plus graves. J'ai pris mes fonctions le 17 janvier 1983. [...] Mon chef de
service était doyen de la faculté de Bicêtre et c'est par
ce biais là que j'avais reçu la lettre émanant de la
chancellerie. Lettre que recevaient les dix doyens de la région
parisienne. Quand je suis arrivé, j'ai essayé de comprendre ce
qu'il se passait. Il m'a fallu trois mois pour tirer des conclusions. Il y
avait des morts c'est-à-dire que depuis plusieurs années il y
avait des articles et le père Huguenard criait contre certains
médecins. Le problème c'était un chirurgien vieillissant
pas du tout adapté au milieu carcéral avec des corps
étrangers difficiles à gérer. Une anesthésiste
complètement folle. Je me suis rendu compte de ce qui se passait le
1er avril. Il y avait un détenu qui avait été
opéré 48 heures avant et qui avait de la fièvre. Je
décide de ne pas y aller. Et le 2 avril au matin, le malade est
mort ! Pan ! Je regarde le dossier et je vois qu'il y avait des
fautes. Il avait 40 de fièvre la veille et aucune disposition n'avait
été prise. Ce n'est pas pour l'anecdote que je vous raconte cela
mais pour comprendre comment la médecine était à
l'écart. Et quand j'en ai parlé au chirurgien et à
l'anesthésiste, ils étaient en train de s'égueuler. Il a
fallu trois semaines pour que... Pour que cela se reproduise. Un malade avait
été opéré. Il avait 40 de fièvre et je dis
au chirurgien : « Il y a un problème et il faut
l'hospitaliser ». Et il me dit qu'il n'en est pas question. Je lui ai
interdit d'opérer parce que sa femme était morte dans la
nuit ! Le malade a été dirigé vers l'Hôtel-Dieu
et on a évité une mort supplémentaire. J'étais
passé à minuit à l'Hôtel-Dieu et le malade n'avait
pas encore été opéré parce qu'on faisait des
pressions sur le chirurgien pour qu'on opère pas le malade. Alors, j'ai
fait des contre-pressions en disant au chef de clinique que si on
n'opérait pas ce malade il mourrait et il en porterait la
responsabilité. Derrière j'ai fait un rapport à Mme
Ezratty en lui disant les choses et qu'il fallait qu'elle mette en route une
mission de l'IGAS pour prendre des mesures et si c'était
nécessaire de suspendre le chirurgien et l'anesthésiste. Ce
milieu fonctionnait depuis des années en autarcie avec le
ministère de la Justice. En clair, c'est par copinage qu'on a
nommé ce chirurgien et je crois qu'il n'avait pas les
compétences. C'était un milieu trop difficile pour lui. Ça
n'était pas lui rendre service. J'ai été très
attentif par la suite aux conditions de recrutement des gens qui venaient
travailler en milieu pénitentiaire. Je suis très prudent par
rapport aux gens qui ont une vocation à travailler en milieu
pénitentiaire. Je pense qu'il faut être prudent en essayant de
savoir un peu quelle est l'appétence des gens pour travailler en milieu
pénitentiaire. Le rapport de l'IGAS c'est mai juin et les
décisions ont été prises seulement au mois d'octobre. Il a
fallu attendre trois à quatre mois. Et pendant toute cette
période là, il ne fallait pas qu'il y ai de problèmes et
donc les malades étaient dirigés. Donc il y avait le rapport sur
la chirurgie qui était confidentiel et le rapport sur l'hôpital de
façon très générale, qui lui était
diffusé à grande échelle. Ce chirurgien était
quelqu'un de diplômé mais c'était surtout quelqu'un
doté d'un grand orgueil ce qui fait que lorsqu'il se trompait on ne
pouvait pas le lui dire ! Il était à quelques années
de la retraite et j'avais pensé qu'il fallait trouver un moyen de
préserver sa dignité. Il fallait trouver une porte de sortie
quoi ! [...] Je suis parti au bout de presque dix ans. Pourquoi ?
Parce je pense que c'est important de partir ! Je crois c'est un milieu
dont il faut savoir partir. Je crois que c'est bien de bouger.
Déjà les médecins ne bougent pas assez. Et le milieu
carcéral étant tellement dur, c'est bien de bouger.
E.F : Et quand on vous a proposé ce poste,
qu'elles auraient été pour vous les autres
possibilités ?
P.E : Ben moi je voulais m'installer en cabinet
libéral. Je ne voulais pas simplement être interniste parce que
pour gagner sa vie c'était un peu dur. Et je le faisais en tant que
gastroentérologue et j'avais déjà vu les endroits
où il serait possible de m'installer. C'était dans le champ de
mes réflexions. Donc en septembre 1982 j'avais commencé à
regarder à Boulogne, je voulais faire une année de plus en
clinique pour avoir le titre d'ancien chef de clinique et puis je m'installais
à Boulogne.
E.F : Et vous n'avez pas regretter le fait de quitter
l'Assistance publique ?
P.E : C'est difficile d'avoir des postes de titulaire à
l'APHP quand même ! Déjà pour l'internat on
était trois milles à passer le concours et trois cents à
réussir. Après quand on est interne, pour devenir chef de
clinique c'est un rapport de un à dix. Donc vous savez ça ne
laisse pas beaucoup de marges. Déjà j'avais eu la chance
d'être interne puis chef de clinique donc continuer en secteur
hospitalier c'était exclu. Parce qu'entre chef de clinique et praticien
hospitalier, y a toujours un rapport de un à dix ! Donc
c'était exclu ! Et puis là, poum ! Tant mieux !
Voilà ! Je crois que je suis content car aujourd'hui si
j'étais en cabinet libéral ma vie serait plus
compliquée...
E.F : Et par contre vous étiez sous la tutelle
de l'Administration pénitentiaire ?
P.E : Ça ne me gênait pas parce que
l'Administration pénitentiaire a toujours été... Quand
j'étais à Bicêtre ou à l'Hôtel-Dieu
j'étais déjà en contact avec l'administration
[hospitalière] qui pouvait choisir de me donner mes outils pour
travailler ou ne pas me les donner. Mais d'une certaine façon il n'y
avait pas d'interférence entre l'administration et ma pratique de soin.
Je ne me suis jamais senti sous la houlette d'une autorité
administrative quelle qu'elle soit. J'ai eu durant ces années des
conversations avec Louis René qui était le président de
l'Ordre des médecins. Il était très attentif à tout
ce qui se déroulait dans le monde pénitentiaire et quand à
un certain moment il y a eu des pressions assez fortes, j'ai pris ses conseils.
Et nous nous étions mis d'accord pour que j'intervienne d'une
façon particulière pour garder toujours mon indépendance
et mon autonomie. Ce qui fait que dans mes décisions médicales je
me suis toujours senti indépendant. C'était mon ex-patron, le
professeur Etienne, qui m'avait envoyé vers lui. Il venait de prendre la
présidence de l'Ordre des médecins et quand les affaires de
Fresnes se sont finies, je me suis trouvée à trente-quatre ans
titularisé dans la fonction de chef de service et de coordinateur et
dans la position quasi-officielle de médecin conseil auprès de la
Chancellerie pour les établissements pénitentiaires de la France
entière. A trente-quatre ans se retrouver là, c'est à la
fois passionnant et compliqué. Et c'est pour ça que j'avais
besoin de conseils. Je me rappelle d'un patient qui était dialysé
et qui faisait la grève de la dialyse pour que son procès soit
révisé. Cet homme était à la Pitié et il est
mort quelque temps après. J'ai été confronté
à cela alors que je n'étais pas du tout compétent en
matière d'insuffisance chronique. A partir de ça on a
monté une unité de dialyse à l'Hôpital de Fresnes.
Je me souviens d'un garçon qui arrive à l'hôpital et qui
était tout étonné qu'on ait le matériel. Il voulait
être libéré. C'était un petit délinquant mais
il avait l'impunité de sa dialyse. Ça a été
infernal. Il y a des jours où il refusait sa dialyse. Il était
hyper manipulateur. Alors ça pose la question de savoir si on doit
laisser quelqu'un en insuffisance rénale en détention ? Il y
avait sans cesse des questions sur l'organisation de la santé en prison.
Et moi à l'époque, j'ai dû apprendre un métier,
celui de médecin de prison. Alors je me suis rendu pour travailler au
quartier des prisons de Fresnes. Pace qu'il n'y avait personne au quartier des
prisons de Fresnes. A l'époque, en 84, je suis un peu plus baigné
dans le fonctionnement de l'hôpital de Fresnes. En septembre pendant
trois jours je m'enferme dans mon bureau et je rédige un rapport pour
dire que tant qu'on envisage pas un statut à cette structure ça
n'irait pas. Il y avait un nombre d'amalgames entre l'administration
hospitalière qui est identique à l'Administration
pénitentiaire. Entre trois ou quatre statuts d'infirmières
très différents, des médecins pour la plupart à
temps très partiel. J'ai par exemple réussi à faire
arrêter de travailler un urologue qui était fou. Un beau matin il
vient me voir. Il était dans une déchéance physique
majeur. Totalement alcoolisé. Un jour un malade arrive pour une
épidémie. Je lui donne des antibiotiques et l'urologue
évoque une ablation des testicules. Le détenu me dit :
« Moi je suis arménien, l'urologue il est arménien et
donc je lui fais confiance ». Je ne suis pas arménien. Je suis
allé expliquer cela à mon interne. Et il me dit :
« Ben j'ai votre solution ! Je suis arménien »
[rires]. Il est allé voir le malade qui n'a pas été
opéré. On a réussi quelque temps après à
mettre cet urologue en arrêt maladie. Donc il s'agissait de voir ce qu'on
pouvait changer. Mais moi je me disais que je ne pouvais pas travailler
à l'hôpital sans voir ce qu'il se passait en prison. Donc je suis
allé au Grand quartier où il n'y avait personne. Il y avait deux
médecins qui étaient employés à mi-temps. Il y en a
un qui était chef de service en même temps à
l'hôpital de Montfermeil. Comment pouvait il en même temps
être médecin à Fresnes et chef de service à
Montfermeil ? Ben c'est simple il arrivait le vendredi à 10h30 et
il repartait à 11h30 et le reste du temps il était pas là.
Le second médecin, il était davantage là mais il
était incompétent. Aller là bas, ça me permettait
de voir comment ça se passait et de voir notamment qu'on opérait
des détenus qui étaient soignés par une médecine
totalement abracadabrante. Les courriers des détenus étaient
reçus par un détenu qu'on appelait un classé. Et j'ai
écrit un rapport sur les prisons de Fresnes. Voyant que ça ne se
passait pas bien, la Chancellerie a licencié un des deux médecins
et il s'est avéré que ces médecins ont porté
plainte et ont gagné car la Chancellerie n'avait pas respecté le
déroulement du licenciement. Ils ont été
réaffecté avec deux ans de salaire ! Alors y avait des
détenus qui avaient accès aux dossiers médicaux. Ils
faisaient également la réception des courriers des détenus
voulant voir un médecin. Des surveillants étaient
bombardés du jour au lendemain infirmier surveillant. C'était
totalement illégal pour eux de faire des injections ou de distribuer des
médicaments. C'était une multiplicité de
dysfonctionnements. Il y avait par exemple la question des médicaments
sur lesquels il y a eu un rapport qui a été fait en 1984 mais qui
n'a pas été diffusé à l'époque. Il
était vraiment explosif parce qu'il montrait bien que dans certaines
prisons il y avait des surveillants qui avaient le contrôle de la
pharmacie. Dans les petits établissements notamment vous aviez le
directeur et les surveillants qui avaient la clef de la pharmacie donc
l'administration de médicaments psychotropes étaient entre leurs
mains [...] Le problème c'est que le directeur de l'Hôpital de
Fresnes a à la fois une casquette de directeur d'hôpital et de
directeur de prison. Par exemple une fois j'ai gueulé en 84 parce qu'on
avait depuis plusieurs semaines un détenu terroriste qui n'avait rien
à faire à l'Hôpital et alors qu'on manquait de lits. Je
l'ai dit au directeur qui m'a répondu : « Non, moi, je
veux le garder ici parce que la Chancellerie m'a dit qu'il devait
rester ». Parce que c'était cet établissement qui
pouvait donner le meilleur confort possible pour cet homme! On
préfère le garder. Donc vous voyez cette interférence
entre la Pénitentiaire et le médical ! Parce que la
Pénitentiaire n'aime pas les médias. En 85, j'avais
été sollicité par le CTS de Versailles sur les dons du
sang et puis j'avais fait des stages sur le sida. Et puis j'avais pas mal de
patients qui avaient des ganglions donc j'avais l'oreille attirée. Je
commençais à flairer le truc. Et depuis octobre 1984, je pensais
faire des études et je me disais qu'on manquait de personnel. J'avais
deux étudiants prêts à faire une thèse mais
j'hésitais car on manquait de personnel. Tous mes freins ont
sauté au mois de mars quand j'ai appris qu'un des infirmiers du Grand
quartier était tombé malade et qu'il ne restait plus qu'un seul
infirmier. Moi j'ai fonctionné très scientifique et pas du tout
vers les médias parce que j'aurai pu faire la
« une » des médias. C'est pour ça quand les
choses ont explosé en 85 dans les médias... Moi j'ai la
conviction intime que le transfert de la médecine pénitentiaire,
l'une des raisons, l'une des raisons c'est l'épidémie de VIH. Les
politiques ont pris cette décision je crois suite aux
révélations des contaminations en prison. Je crois que Kouchner a
pris cette décision quand on s'est rendu compte que on a pu aller
à un tel niveau d'effets pervers liés à l'enfermement. La
privation de liberté, ça n'est pas la privation de toutes les
libertés. Je crois que c'est dangereux de laisser des milieux exclus.
C'est dangereux pour l'ensemble de la société. Ma vision en tant
que médecin est de dire qu'on créé une situation de
dangerosité pour le monde extérieur. Mais le sida n'était
qu'un des aspects de la boîte à Pandore de la prison. Dans les
années 84 j'ai été confronté au problème de
la grève de la faim. Moi ça m'interpellait vivement les
grèves de la faim. L'une de mes premières grèves de la
faim médiatique ça a été les basques. Très
compliquée à gérer car il y avait la dangerosité.
On avait huit basques. Comme j'étais au service des soins intensifs, je
voyais les plus atteints. Avec les basques on était confronté au
fait qu'ils faisaient la grève de la faim et la grève de la soif.
Alors huit jours. Onze jours. Seize jours [adopte un ton de plus en plus grave
et dubitatif] Au mois de juin ! Il fait chaud [rires] Moi j'étais
dans une position très particulière. J'avais mis une
stratégie très particulière qui était qu'aucun
médecin ne puisse être pris comme cible. Parce qu'on avait une
famille. Par exemple pour Action directe je ne voulais pas qu'on
puisse comprendre que j'étais le pilote médical de la
grève de la faim d'Action directe. Et sur les basques ça
a été mon premier contact médiatique. Ou plutôt ma
première alerte médiatique. Alors à un moment j'ai pu
solutionner le problème de la grève en perfusionant un
détenu contre sa volonté mais avec son accord. On a
allongé son bras, l'infirmière a tenu son bras. Et dans cette
grève de la soif, à un moment vient de la BBC une info disait
qu'un des médecins avait déclaré que c'était pas
vrai que les détenus faisaient la grève de la soif. Et moi quand
je suis retourné voir les grévistes ils m'ont dit que
j'étais un salaud parce que j'avais parlé à la BBC. Et
là je me suis rendu compte que si je prenais la parole médiatique
c'était risqué. Mais moi j'avais rien fait. C'était un des
internes du service de médecine qui avait répondu à la
BBC. Je me suis rendu compte de... Auparavant je n'avais pas de relations
médiatiques.
E.F : Et il y avait eu l'intervention du Dr Benezech
justement...
P.E : Petit un, il s'est fait plaisir en parlant. Petit deux,
il est psychiatre. Petit trois, il y avait plein d'autres gens qui
été aptes à en parler. Juin 85. Moi j'avais fait des
études en février, mars, avril. Il y avait à ce moment une
tension extrêmement forte liée à la surpopulation. Il y
avait des éléments de panique forts [...] En 84 on m'avait
demandé d'aller faire une mission aux Baumettes et ce qu'on avait vu
était dantesque car c'était vétuste. On était
là bas pour regarder le bloc opératoire. Y avait la salle de
garde, le couloir et le bloc opératoire. C'était
complètement fou. On avait été très bien accueilli.
C'était pas du tout dans une atmosphère de suspicion. Je pense
qu'ils n'étaient pas contents peut être qu'un médecin de
l'hôpital de Fresnes vienne voir comment ils travaillaient.
SECOND ENTRETIEN
E.F : Au cours de l'entretien vous m'expliquiez que
ça ne vous gênait pas d'être médecin de
l'Administration pénitentiaire ?
P.E : Ça vous étonne ? Y a peut être
quelque chose qui est lié à mon histoire. Je suis né en
Algérie, je suis parti à Toulouse. J'ai quitté Toulouse au
bout de six mois. J'ai quitté Perpignan au bout de trois ans. J'ai
quitté Thiet. J'ai quitté Orly et j'habite Boulogne. Vous voyez
le fait de bouger est quelque chose d'un peu historique dans mon parcours.
C'est la même chose dans mon cursus médical. J'ai fait de la
médecine interne et de la gastroentérologie et donc je suis
passé dans diverses spécialités, la neurologie, la
réanimation, l'ORL, la cardiologie, l'hématologie... J'ai fait
aussi beaucoup de remplacements en France. J'ai pris le costume du
généraliste à Paris, dans le 17ème, en
banlieue parisienne, en Normandie. J'ai eu une vie très
diversifiée. J'ai plutôt le goût du changement. Mais
simplement pour le désir d'avoir une variété d'exercice.
Donc l'idée du milieu pénitentiaire c'était une ouverture
quelque part. Une ouverture dans un monde fermé. Alors le
problème c'est que le fait d'aller travailler en prison nous a
coupé d'un certain nombre d'amis. C'est-à-dire qu'à titre
personnel, il y a des gens qu'on a plus revus à partir du moment que
j'ai commencé à travailler en prison. D'une certaine
manière nous avons vécu par cette mutation professionnelle, une
fermeture, un rejet d'un certain nombre de gens, parfois des proches, qui n'ont
pas bien vécu cette mutation. C'était très explicitement
par rapport à ça. On avait des amis de la famille et notamment
les parrains, marraines de nos enfants qui ont disparu de la scène. Ils
étaient avocats pour tout dire donc c'est peut être une
explication. Mais il y a aussi des amis médecins qu'on a plus revus donc
on voit bien que la prison est quelque chose de particulier. Ça c'est
fait sans que j'en parle beaucoup. Mais ces coupures se sont faites à
partir du fait que j'aille travailler à Fresnes. Moi, la position sur
l'hôpital de Fresnes m'a permis de nouer un réseau relationnel
très important. D'une part j'ai conservé des liens avec un
certain nombre de gens que je connaissais bien en cardiologie, gastro. Et puis
comme on envoyait de l'Hôpital de Fresnes des gens dans divers services
spécialisés ça m'a permis de nouer des liens. J'ai
plutôt développé un réseau. Et puis on avait des
malades intéressants qui étaient bien sélectionnés
donc en principe les services étaient assez preneurs. Quand j'ai
quitté Fresnes j'avais développé un réseau
relationnel à Cochin, à Bichat, à la Pitié,
à Boussicout, à Broussais, à Bicêtre. Des liens
professionnels assez forts. J'ai pu recruter comme ça certains
médecins qui sont venus travailler par ces réseaux. Mais le but
c'était plus d'avoir un contact avec son collègue afin que le
transfert se fasse sans difficultés. Ça facilitait toute
l'hospitalisation. Quand la compétence est là et qu'elle est
reconnue toute le monde l'accepte. Y a pas de notion de médecin
pénitentiaire. Pendant plusieurs années j'étais le seul
médecin temps plein. J'ai écrit quelques phrases [sort un cahier
ou une feuille]. 83-86, si j'avais à mettre un mot ou une phrase, pour
moi je dirais hôpital prison ou prison hôpital. J'accroche à
cette période là, ce questionnement là. Quand on pose
cette question il faut intégrer que l'Hôpital de Fresnes n'est pas
déconnecté des autres prisons et du reste de la médecine
pénitentiaire. Alors après y a eu une deuxième
période, 85-90, que j'ai appelé le sida ou l'irruption du dehors.
Car je crois que le sida a joué ce rôle de
révélateur qui a soulève tout un ensemble de
problèmes. Le sida a joué ce rôle au point à tel
point qu'on a soulevé toutes les questions.
E.F : Et cette période de 83 à 86
correspond à quelque chose de précis ?
P.E : Oui ça correspond à la loi qui a permis
l'érection de l'Hôpital de Fresnes en établissement
hospitalier. A un moment, je me suis enfermé dans mon bureau pour faire
un rapport. Ce rapport j'ai mis une semaine pour l'écrire. Ma vie
quotidienne en tant que médecin était alors complètement
invivable. Je me confrontais à toutes les difficultés
institutionnelles de la prison hôpital. En un an j'ai compris à
quel point c'était compliqué. Il fallait là vraiment un
changement structurel. J'ai écrit ce rapport que j'ai envoyé au
directeur de l'Administration pénitentiaire et au Garde des sceaux. Et
je pense que ce fut un élément fort de cette loi. C'était
une loi fourre tout de fin d'année. Et ma position c'était aussi
d'être membre du comité Santé Justice, j'ai
été aussi quasiment conseiller technique. Alors pas de
façon officielle car je n'avais pas de bureau à la Chancellerie
mais j'ai été sollicité pour tous les problèmes.
Pour les problèmes individuels de patients. J'étais
sollicité pour donner un avis sur un dossier et on me demandait de
prendre un malade à l'Hôpital de Fresnes et j'étais
sollicité sur tout un ensemble de problèmes structurels. Je vais
vous donner deux trois exemples. La transsexualité. Y avait un patient
transsexuel qui se faisait des automutilations sexuelles pour être
opéré. J'ai pris en charge ce dossier, j'étais en liaison
avec des patrons urologues, psychiatres, endocrinologues. J'ai
été dans la négociation pour que ce patient puisse changer
son état civil et se faire opérer. Quand il y a eu la
grève des basques en 84, quand il y a eu Action directe j'ai
été aussi au milieu du système. Quand l'Administration
pénitentiaire a voulu créer un quartier pour transsexuels j'ai
été à Auxerre pour étudier cette question.
Lorsqu'il y a eu l'installation du quartier des nourrices de
Fleury-Mérogis j'ai aussi été sollicité. Il a eu
aussi la question des médicaments et de la dilution des
médicaments. Ma base stratégique était l'Hôpital
mais pendant toute cette période, j'avais un peu un rôle de
conseiller auprès de l'Administration. Kergoyan a été
recruté en tant que généraliste à la prison de
Fresnes et j'ai pris alors plus de distance par rapport à la prison. Il
y avait des circulaires qui prévoyaient que normalement pour des raisons
économiques, pour ne pas avoir à payer l'admission dans les
hôpitaux publics, toutes les admissions devaient se faire à
l'Hôpital de Fresnes. Donc il y avait une procédure d'admission
mais qui était très lourde. C'es à dire que le
médecin devait rédiger une demande d'admission qu'il remettait
à son directeur, qui était envoyée au bureau de
l'individualisation à l'administration pénitentiaire, qui allait
ensuite au directeur de l'Hôpital de Fresnes et qui mettait ensuite
communiqué. Résultat des courses il fallait entre un et deux
mois. Si c'était pas urgent c'est concevable. Mais un malade, s'il n'est
pas traité au bout de quinze jours ça peut devenir urgent. Donc
ce circuit des propositions d'admission, on a eu des réunions pour la
transformer. Pendant cette période j'ai aussi été membre
du Comité Santé Justice. Le comité a été
monté en 84 et j'ai été désigné pour y
participer et ce comité se réunissait à une
fréquence assez élevée pendant tout le temps de Mme
Ezratty puis d'une manière plus lâche. Dans ce comité,
pendant toute cette période, je crois que ça a commencé
à être plus effiloché à partir de 1986. Parce que
c'est la cohabitation. Et ce ne fut pas sans conséquences. Mme Ezratty
est quelqu'un qui avait été au côté de Simone Veil
et qui connaissait très bien la santé. Il est clair qu'elle avait
une culture de santé. Pendant toute cette période de 83 à
87, il y a vraiment eu une ouverture sur les problèmes sanitaires. Tout
a été mis sur la table. Les problèmes de pharmacie, de
SMPR. Tous les grands thèmes ont été discutés et
débattus avec des représentant de la Chancellerie, de
l'Administration pénitentiaire, du Ministère de la Santé,
avec Yvette, moi-même et un médecin inspecteur de
Fleury-Mérogis. Et au cours de ces réunions des décisions
étaient prises sous la forme de circulaires. Donc ma position de
conseiller technique, elle était à la fois parce que
j'étais temps plein et très souvent on me
téléphonait pour me demander un avis sur un patient, pour toute
demande d'admission, pour tous les aspects organisationnels. J'ai
été dans un certain nombre d'établissements
pénitentiaires comme à Clairvaux ou aux Baumettes. J'étais
vraiment persuadé qu'il ne fallait pas être
déconnecté du milieu pénitentiaire parce que les patients
venaient de là. De la même manière quand on travaille
à la campagne mieux vaut connaître la culture du paysan. Et le
Comité santé justice c'était un élément fort
pur mieux connaître cette culture.
E.F : Il y avait d'autres médecins
pénitentiaires à part vous qui intervenaient dans ce
comité ?
P.E : Il y avait Yvette une infirmière mais de
mémoire je n'ai pas l'impression. C'était plutôt des
administratifs. Médecin départemental, directeur de tel service.
Les seuls gens de terrain c'était Yvette, moi, et un psychiatre. Peut
être celui de Lyon.
E.F : Comment se déroulaient ces
réunions ?
P.E : Ben écoutez les premières réunions
se sont déroulées dans le salon du Grade des sceaux. Chez
Badinter. Donc c'était plutôt [rires] Les premières
réunions Badinter était là. Ensuite ça s'est
déroulé à l'Administration pénitentiaire.
C'était des réunions très libres car il y avait un ordre
du jour mais la parole était très libre. C'étaient des
réunions qui étaient à dominante sanitaire. Toujours dans
l'esprit : « Comment peut on améliorer la prise en charge
sanitaire des détenus ? ». Même si on n'oubliait pas la
prison. On n'oubliait pas le fait que c'était des détenus et
qu'il fallait considérer l'aspect sécuritaire mais le primo
novens c'était quand même les soins. Il y avait dans ce
comité des partenaires comme la Croix Rouge donc dans la
négociation si on avait besoin de plus d'infirmières on pouvait
en discuter. En prison, il y avait plusieurs types d'infirmières. La
Croix Rouge, c'était une soupape de sécurité. C'est
à dire que c'est compliqué de créer un poste dans
l'Administration pénitentiaire. En revanche c'est plus facile de
rembourser ses dettes. Donc au niveau infirmier y avait une ouverture possible.
Au niveau médical c'était très compliqué car
comment recruter des généralistes en les payant 67 francs de
l'heure. Y avait là un problème statutaire impossible à
régler. Et l'Administration pénitentiaire se réfugiait
derrière des contraintes budgétaires. Au niveau de
l'Hôpital de Fresnes on avait réussi à obtenir six postes
de médecin temps plein qui ont été
transférés en douze postes mi-temps. On en a donné un aux
Baumettes et un au Quartier des prisons de Fresnes. Ça ne servait
à rien de tout mettre dans l'Hôpital de Fresnes et ne rien mettre
à côté. Ne serait ce que par ce que les malades sortant de
l'Hôpital de Fresnes allaient passer un deux trois mois à la
prison de Fresnes.
E.F : Justement pour ces recrutements, quels
étaient les critères importants ?
P.E : Pour moi c'étaient des critères de
compétence. Savoir faire et personnalité aussi. Quand quelqu'un
veut venir travailler en prison pour faire des bonnes actions, moi je suis
méfiant. Donc c'était plutôt le savoir faire
médical. Je dirai que mon profil de poste c'est qu'il n'est pas question
de prendre un médecin très compétent mais très
caractériel. Il faut avoir je pense un savoir faire relationnel. Je ne
suis pas sûr que tous les recrutements que j'ai faits aient
été bons. Avec le recul, je me suis rendu compte des erreurs que
j'ai pu faire. J'avais été très content car en 84 j'avais
pu obtenir que des postes d'internes soient mis au choix de la région.
C'est à dire qu'on puisse recruter. Ce qui donnait quand même
quelque part un mouvement neuf. Un peu quelque chose de neuf. J'avais
été en tant que médecin chef confronté à une
grève d'internes qui protestaient par rapport à leurs horaires de
travail. C'est vrai qu'ils étaient assez mal payés mais j'avais
agi pour qu'on ait un organigramme, un planning. On a toujours vécu dans
« les internes sont des internes pour l'Hôpital et la
prison ». On a pendant longtemps vécu dans cette
ambiguïté. Et le statut des praticiens hospitaliers qui
était à mi temps favorisait le fait que certains médecins
ne viennent qu'en fin de journée. En 83, 84, 85 y a un statut des
médecins atypique, les vacataires ne sont pas payés chers mais si
on ne vient qu'une fois par semaine ça fait quand même
déjà beaucoup. Y avait une stomatologue qui devait faire
très bien son travail mais elle était mi temps stomato sur
Fresnes et elle habitait Nice. Et donc elle venait une fois par semaine en
étant à mi temps. Avec une bénédiction de
l'Administration pénitentiaire historique. Alors je me suis
mêlé de ces choses là en disant qu'on ne pouvait pas
vouloir améliorer la qualité des soins et en même temps
accepter cela ! En même temps, je travaillais pour qu'on ait des
infirmières hospitalières et ça a marché puisqu'on
a attiré à l'époque plein de jeunes infirmières de
l'APHP. On a structuré aussi l'équipe au point de vue de la
chirurgie. Structurer aussi l'organisation des soins parce que les soins
intensifs ont ouvert après la grève de la faim des basques en 84.
Des équipements ont été achetés. On a mis en place
une salle de réveil. Ces trois années ont été de
travail intense. On a eu le recrutement d'une dizaine de postes, un biologiste,
un cardiologue, un radiologue... Pendant ce temps là on a
participé à des réunions sur un vieux projet de
construction d'un nouvel hôpital. Donc la période 83-86 ça
a été la remise en ordre de l'Hôpital. On a organisé
des consultations centralisées ce qui a conduit à expulser le
cardiologue qui vivait dans un... Il s'était installé au second
étage. Il était vraiment dans son royaume. On a remis les choses
en place en disant que les consultations n'étaient pas sa
propriété. Il était tellement propriétaire des
lieux qu'il partait avec les clefs du cadenas du chariot de réanimation
quand il rentrait chez lui [rires] C'était quelqu'un qui était
là depuis quelques années et tout le monde l'avait laissé
faire comme ça. Il était aussi médecin chef de la salle
des femmes. Donc j'ai dis qu'il fallait qu'une personne soit responsable de
chaque secteur. C'était une époque où nous n'avions pas
les clefs. Donc les soins étaient sous contrôle de l'accès
par les clefs. Avec à l'intérieur de ce système des poches
où les gens s'étaient organisés selon leur propres
critères. La congrégation religieuse gérait par exemple la
cardio, la pneumo et une partie de la consultation et les soins des femmes en
totalité. Avec sous leurs ordres des infirmières
pénitentiaire ou assistance publique. Dans la salle PRL c'est là
qu'aboutissaient les femmes avec une grossesse diagnostiquée. Alors vous
imaginez... Les désirs d'interruption de grosse qui arrivent dans la
salle PRL, qui est sous la direction de religieuses, qui doivent solliciter
l'obstétricien pour faire une intervention. C'était
dantesque ! Alors l'obstétricien disait : « Oui,
c'est dépassé, le terme est dépassé mais enfin
elles sont pas tellement pressées... Si elles avaient agi un peu plus
vite ! » Alors on va faire une IVG illégale à
l'Hôpital de Fresnes ? C'est pas possible ! Et les clefs, c'est
un point très important. Parce que la nuit entre le médecin et le
malade il y a comme intermédiaire un surveillant qui doit être
appelé. S'il est déjà à l'autre bout de
l'Hôpital, on l'attend. Même si le détenu est en arrêt
cardiaque ! Moi j'avais obtenu des cellules spéciales où le
personnel soignant de garde avait les clefs pour que dans chaque service on ait
trois cellules où l'infirmier de nuit puisse intervenir sans le
surveillant. C'était toute une période de réflexion sur
comment organiser les soins en tenant compte des impératifs
pénitentiaires. Il fallait tenir compte de toutes les règles de
sécurité même si elles pouvaient sembler absurdes. Je me
souviens d'un patient qui était tétraplégique qui
était un grand proxénète. On a incarcéré un
patient qui était une planche végétative. Il n'avait aucun
mouvement des bras et des jambes. Il n'était pas du tout autonome dans
sa vie quotidienne. Et il était incarcéré comme
détenu particulièrement dangereux [passage sur le handicap] La
question de l'insuline par exemple. Est-ce qu'on peut laisser un malade
détenu faire son insuline. La réponse c'était non car il
peut tenter de se suicider. Mais pour conserver son insuline, il fallait qu'il
ait un réfrigérateur. Donc on revenait sur la question de la vie
quotidienne en milieu pénitentiaire. Il n'était pas possible
d'envisager que tous les diabétiques insulinodépendants soient
hospitalisés à l'Hôpital de Fresnes.
E.F : Par rapport à ces contraintes
pénitentiaires est ce que vous avez envisagé à un moment
de démissionner ?
P.E :J'y ai pensé à la fin de
l'année 84 quand j'ai écrit mon rapport car je me suis dit que je
ne pouvais pas continuer. Moi la clinique c'était service des
admissions, service des soins intensifs, la consultations de
gastroentérologie, je recevais des patients de médecine. Mon
bureau dans ma fonction de coordinateur. Plus le comité santé
justice. Plus le téléphone qui sonnait. Des fois à peine
je raccrochais pour aller voir un patient, le téléphone
sonnait : « Allo, y a un gréviste de la
faim.. ». Je raccroche et on me dit alors d'aller au service des
admissions. Je m'étais alors dit que je ne pouvais pas continuer tout
seul. J'ai eu un deuxième coup de blues fin 86. Le sida avait
commencé à émerger. J'ai démissionné du
Comité santé justice en disant que je n'avais pas obtenu les
renforts de moyens. Là j'ai baissé le pied et ça s'est
passé au moment où il y a eu la cohabitation. Et l'Hôpital
de Fresnes est devenu établissement hospitalier public et on a mis en
place une commission consultative à laquelle j'ai décidé
de ne pas me présenter. Ce d'autant que je pense que je n'aurai pas
été élu par mes collègues de l'Hôpital de
Fresnes parce que j'avais trop bougé l'organisation intérieure et
ça a dérangé les habitudes. Donc je me suis
redéployé sur une activité de temps plein de
médecin au service des soins intensifs. Donc je me suis concentré
sur l'activité clinique d'autant plus que ça a été
la période sida. Entre 86 et 88 j'ai quitté une fonction de
médecin, du Comité santé justice, pour me recentrer sur
les activités cliniques et sur la recherche. Le sida a commencé
pour moi en 84, l'activité a commencé à croître
à la fin de l'année 85 et en quatre ans je suis vraiment devenu
spécialiste du sida. C'est une pathologie que j'ai découverte
dans le sens où je ne suis pas infectiologue. Mais étant
interniste, je me suis impliqué dan le sida parce que dans le service
des admissions et des soins intensifs j'ai été confronté
à la prise en charge des malades du sida. Et puis j'ai commencé
à faire des études dès 85 sur la prévalence du VIH
chez les toxicomanes puis le dépistage systématique des entrants.
J'ai fait aussi deux contrats de recherche avec le DGS sur le risque de
contamination et l'autre sur les seringues. Donc c'était la
période recherche.
E.F : Vous demandiez l'accord de l'Administration
pénitentiaire pour faire ces études?
P.E : Oui bien sûr. J'ai informé l'Administration
que j'allais faire des recherches sur le sida. J'ai fait les travaux sur les
dons du sang à la prison de Fresnes. Le CTS m'avait envoyé un ou
deux courriers me sollicitant sur le sida post transfusionnel. Et je me suis
dit qu'on était vraiment à risques avec la toxicomanie. J'ai fait
ces études en mars-avril-mai, fin mai et fin juin j'ai fait les
études sur les dons du sang. Et là on était parfaitement
au clair sur les risques concernant les transfusion et j'ai donné toutes
ces informations par courrier auprès du directeur de l'AP, de la
Chancellerie et du CTS. Toute cela est parti par chauffeur. On était
quand même dans l'ambiance où quelques mois plus tôt
l'infirmerie de la prison de Fresnes avait brûlé. Il y avait une
tension extrêmement forte et donc on regardait à deux fois non pas
sur les mesures à prendre, il s'agissait d'arrêter les dons du
sang, mais sur la façon dont on le faisait. L'Administration
pénitentiaire était d'accord pour arrêter mais elle ne
disait rien. C'est là où il y a eu un silence, ce silence je
dirais. Toutes les consignes ont été données par
téléphone. Dans une administration qui est d'habitude très
militaire, Mme Ezratty craignait qu'il y ait des violences et paniques en
prison donc on a dit on va contacter les prisons par téléphone
pour arrêter les dons du sang. Le problème c'est qu'il n'y a pas
eu véritablement de message fort passé par le ministère de
la Santé vers les centres de transfusion. On avait prouvé que les
collectes étaient dangereuses et économiquement non valides. Donc
le message c'était « arrêt complet ». Et le
CTS de Créteil me disait : « Pour nous c'est
embêtant, on a besoin de sang et vous avez 250 donneurs et c'est
important ! ». Et ça c'est des propos qui datent d'avril ou de
juin et après ils se sont arrêtés. Je me souviens une fois
que le Comité santé justice s'est réuni en septembre, on a
tiré le bilan en disant que le message d'arrêt des collectes avait
été passé vers l'ensemble des structures. Le
problème c'est qu'il aurait fallu s'assurer de l'effectivité de
cette circulaire orale. Mais le problème c'est que comme on passait d'un
sujet à un autre on avait pas le temps de s'apercevoir quelle
était l'effectivité de ce problème. On est passé
à autre chose. En 86 la cohabitation s'est instaurée et j'ai
été envoyé en temps que spécialiste du sida
à l'OMS. J'avais organisé un colloque en 86 à la
Pitié sur le sida en prison. Médecins du monde a fait
à ce moment en septembre 86 un colloque sur le sida et ils m'ont
demandé. J'ai écrit mon intervention une demi heure avant car je
ne savais pas quoi raconter. Je suis revenu avec les recommandations de l'OMS
et donc j'ai organisé mon intervention de la façon
suivante : L'OMS dit, deux point une phrase. « En France on
applique pas ça ! » L'OMS dit [ceci]. « En
France on fait ça » ! [rires] Alors y avait Dinthillac
qui faisait des bonds. Il était là pour représenter
l'Administration pénitentiaire et il m'a dit : «
Mais c'est scandaleux ! ». Il est resté pendant longtemps
au bureau de l'individualisation. Je suis rentré dans cette
période dans le sida à plein pot. J'ai soigné environ 300
sidas et 1000 ou 2000 séropositifs. Donc ça a été
une période clinique très forte. Quand le DAP a organisé
en décembre 1987, un colloque organisé avec Solange Troisier qui
m'a dit à cette occasion : « Vous m'avez volé le
sida en prison ! ». J'avais pris une casquette technique de
spécialiste du sida en prison. Le contenu de son rapport s'appuyant sur
plein de choses écrites, elle était assez liée aussi avec
Alain Pompidou qui était conseiller au ministère de la
Santé. C'est un moment où il y a eu des liens forts avec les
hôpitaux. Arrive la cohabitation. On est moins dans une réforme
sanitaire des prisons. On est plus dans les prisons privées. Et à
ce moment là le niveau d'action quant à une réforme du
système sanitaire baisse, il est plus orienté vers une
privatisation du système de santé. Le Comité santé
justice baisse en réflexion. Et à ce moment là y a la
division sida de la DHOS qui arrive. Dans la période d'émergence
du sida, le principal interlocuteur c'était quand même la mission
sida avec Gabriel Bez. Moi je me souviens de m'être battu pour une
harmonisation des protocoles thérapeutiques dans les prisons. Ça
veut dire qu'on s'est battu pour avoir le rétrovir et l'AZT et
l'Administration pénitentiaire freinait des quatre fers. Et le coup de
boutoir du sida a été de dire qu'il fallait créer des
antennes CISIH dans les établissements pénitentiaires. Ce qui a
fait qu'on a vu Gastaud à Marseille, Dellamonica à Nice,
Armangaud à toulouse. J'avais ces correspondants là. On demandait
dans les villes principales aux chefs de service de mettre des moyens à
disposition en termes médical [...] Le problème est que quand
vous êtes dans une organisation, soit vous adhérez à
l'organisation soit vous en sortez. Si vous gueulez vous en sortez. Je me
rappelle très bien d'un généraliste qui s'était mis
en opposition justement contre l'organisation et au bout de trois mois il est
parti. Il est parti parce que quand il arrivait il lui fallait une demi-heure
pour rentrer mais il fallait sortir il lui fallait aussi une demi-heure. Vous
avez le système entre le médecin et ses patients. Alors quand on
vit en conflit avec le système vous ne pouvez pas tenir. Alors on peut
manifester son indépendance avec autorité et calme ce que j'ai
fait à l'Hôpital de Fresnes. Mais à l'Hôpital de
Fresnes j'avais une position privilégiée parce que j'avais un
bureau, j'avais un téléphone, j'avais une compétence
reconnue... On pouvait pas m'emmerder si ce n'est le directeur. Un soir le
directeur m'arrête à la porte alors que j'étais en train de
partir et me dit : « Est ce que vous pouvez rentrer parce qu'un
détenu va être libéré mais la Chancellerie ne peut
pas signer et il ne sortira pas avant lundi. Donc est ce que vous pouvez me
faire un certificat disant qu'il sera encore vivant lundi ? ».
Je lui ai dit que je ne remplirai jamais son certificat ! C'était
absurde ! Ils avaient la trouille car ils ne pouvaient pas avoir la
signature du garde des sceaux avant lundi et ils voulaient se couvrir. [...] Et
en 87 on a réussi à obtenir d'avoir un budget spécifique
pour l'Hôpital de Fresnes. C'est à dire qu'on sortait du carcan
d'être sous l'emprise financière du budget de la prison. Pendant
des lustres le budget était géré par le directeur. Donc
j'allais voir le directeur de la prison. Il gérait tout le budget. A un
moment le directeur de la prison voulait prendre une partie de notre budget
pour refaire deux miradors. On a gueulé ! Ils l'ont fait quand
même. Mais ça a bougé. On a quand même refait la
salle de réveil. Ça a changé les choses [évoque les
fins de vie]
TROISIEME ENTRETIEN
P.E : À l'intérieur du système
pénitentiaire, toutes les pathologies sont plus fréquentes
qu'à l'extérieur de la prison. En tant que médecin, j'ai
analyse ma fonction à l'intérieur du système en fonction
du système. Donc les décisions que j'ai pu prendre en tant que
médecin ou en tant que responsable du service, je les ai prises
après avoir vraiment réfléchi au rôle du
médecin dans l'institution pénitentiaire. Ce qui fait que je me
retrouvais parfaitement en phase avec la pensée d'un médecin dans
une prison quelle qu'elle soit. Pourquoi j'ai adopté cette
attitude ? Parce que j'ai fait beaucoup de remplacements dans des petits
villages, dans des villes moyennes, dans des banlieues. Ce qui fait que la
manière dont on prend en charge la santé est fonction de
l'endroit où l'on se trouve. On ne prend pas en charge un malade de la
même façon que l'on se trouve à Bourg en Bresse ou à
l'Hôtel Dieu de Paris. Et c'était quelque chose que je ne
retrouvais pas forcément à l'hôpital de Fresnes où
les médecins étaient là un peu dans une position de
piédestal : « Je suis médecin hospitalier, je suis
médecin hospitalier, quoi !». Ce qui fait que quand je suis
arrivé en 1982, j'ai milité fortement pour que l'on passe au
statut hospitalier. Et c'est vrai que ce statut hospitalier leur a presque
donné des galons ce qui fait que leur pensée n'était pas
toujours connectée avec les besoins. Il y avait quand même un
fossé. Et le fait de leur avoir attribué un statut hospitalier
ça les a conforté. De mon point de vue on ne pouvait pas
travailler en prison sans se connecter aux besoins réels des
différents établissements. En clair, si je renvoie un
handicapé physique paraplégique dans une prison qui ne peut pas
accepter de fauteuil roulant et qui n'est pas adapté... Il n'est pas
concevable qu'on ne tienne pas compte de ça. Idem pour le
diabétique ou l'infarctus du myocarde. Il faut bien prendre en compte
les procédures administratives aussi. Il y a une circulaire sur la
procédure d'admission à l'Hôpital de Fresnes. Il y a une
circulaire qui dit la manière dont un malade peut être
amené à Fresnes. C'est une circulaire très administrative
qui voyageait dans les circuits administratifs avec les lenteurs
administratives classiques. Ce qui fait que le malade pouvait très bien
repartir de l'hôpital de Fresnes quand la procédure d'admission
arrivait via le courrier. En fait il s'agissait d'une régularisation.
Souvent elle arrivait en même temps que le patient. C'était une
procédure complètement obsolète [...]
E.F : Alors moi ce qui m'intéresse c'est
l'APSEP qui me semble être un moment important...
P.E : Alors l'APSEP, c'est une association. Et pourquoi
est ce que j'ai créé cette association. L'idée
était, j'étais en prison dans un poste officiel et quand on veut
faire avancer une organisation on est confronté à des
problèmes de moyens. Les moyens donnés sur l'hôpital de
Fresnes étaient des moyens hospitaliers mais il y avait peu de moyens
pour faire avancer la réflexion sur la santé en prison. Donc
l'idée a été de réunir quelques médecins
pour réfléchir et faire des propositions. Alors cette association
a été le support qui a notamment permis de faire plusieurs
études. Une première étude sur le dépistage du sida
en prison, une autre étude sur la prévalence en milieu
pénitentiaire qui avait été faite en envoyant une lettre
à l'ensemble des médecins pénitentiaires de France qui a
permis de sortit un premier chiffre de prévalence de
séropositivité qui était de 6%. Donc pour moi cette
association a été un support, c'est-à-dire un moyen pour
sortir des données chiffrées, des propositions et des
suggestions. J'avais obtenu deux contrats de recherche financés par la
DGS. Un premier contrat sur l'échange des seringues pour savoir si la
mise en vente libre de seringues avait changé quelque chose sur les
toxicomanes, l'idée étant que ceux qu'on voit en prison sont les
plus marginalisés. J'ai fait cette étude en 86-87 à la
prison de Fresnes. J'ai fait une autre étude sur le risque de
contamination en milieu carcéral. L'émergence du sida en prison
pour moi en prison ça a été en 84. Pourquoi ? J'avais
été à un staff chez mon ancien patron à
Bicêtre où un interne avait présenté un cas de
contamination VIH chez un toxicomane qui avait des ganglions et moi je me
retrouvais à Fresnes avec plein de toxicomanes avec des ganglions !
Pendant six mois j'avais mis deux étudiants sur des thèses, la
première a porté sur la séroprévalence chez les
toxicomanes et la deuxième a porté sur la
séroprévalence chez les entrants en prison. Ces deux
thèses se sont déroulés en 1985 avec les moyens du bord,
c'est-à-dire que les prélèvements sanguins étaient
effectués par les infirmiers, M Gaudel et M. Marty. Tous les
prélèvements ont été traités par le CNTS. Il
y avait très peu de cas de sida car mon premier cas de sida proprement
dit je l'ai trouvé au mois de mai juin 1985 chez un toxicomane
américain. C'était un problème je me suis rendu compte qui
concernait très peu l'Hôpital de Fresnes mais beaucoup les
établissements pénitentiaires où il y avait beaucoup de
séropositifs. J'ai alors commencé à effectuer des travaux
sur la prison de Fresnes. C'est comme ça que j'ai créé
cette association qui était pour moi un support me permettant d'avoir de
l'argent qui me permettait de faire des travaux de recherche.
E.F : Parce que l'Administration pénitentiaire
ne pouvait pas vous financer ces travaux ?
P.E : Non, c'était totalement impossible pour deux
raisons. Déjà parce qu'il y avait très peu de moyens en
personnels infirmier à la prison de Fresnes. On galérait... j me
souviens par exemple qu'un hiver je faisais ma consultation et il faisait
tellement froid que je m'étais débrouillé pour acheter un
petit radiateur électrique pour la consultation. Parce qu'il faisait
tellement froid que ça devenait gênant de dire
« Déshabillez vous » au patient alors qu'il y avait
un peu au dessus de zéro. Et lorsque je suis revenu la semaine suivante
on m'a dit que l'administration avait retiré le radiateur.
Pourquoi ? Alors, déjà parce qu'il y avait de la dioxine
dans le transformateur de la prison et comme de plus les détenus
trafiquent l'électricité on supprime tout e qui peut mettre une
pression forte sur le circuit électrique de peur que ça fasse
exploser le transformateur de la prison. Alors imaginez si je pouvais demander
au directeur des crédits pour faire des recherches ! [rires] En
plus, il n'y avait pas de secrétaire médical. Il y avait des
surveillants avec des blouses blanches. Il y avait des détenus et moi je
me suis demandé à un moment s'il fallait continuer à
travailler dans ce système là. Je me suis dit que de toute
façon si je n'y étais pas, il y aurait eu quelqu'un d'autre et
que de toute façon même en gueulant, le système
était tellement vérolé de l'intérieur.
Engrangé dans des habitudes qu'on ne change pas comme ça. Le vrai
problème était le changement de tutelle. La première fois
que j'ai proposé dans un rapport la mise sous tutelle de l'Hôpital
de Fresnes du ministère de la Santé, c'était à la
fin des années 85. ça s'est passé par un rapport qui est
monté tout là haut, là haut. Je pensais la même
chose pour la prison de Fresnes mais c'était beaucoup plus
compliqué parce que les détenus dans la prison ne sont pas des
malades. Sauf, qu'ils sont dix fois plus malades que la population
générale. Il n'y avait pas de levier suffisamment fort à
ce moment là pour pouvoir enclencher un transfert de tutelle des
infirmeries des prisons.
E.F : Cette question avait été
évoquée au sein de l'APSP ?
P.E : ça avait été
évoqué mais à ce moment là, on était encore
à des années lumières. C'est-à-dire qu'on
était essentiellement dans l'analyse de la situation. L'APSP a vraiment
permis de dresser cette analyse. J'ai obtenu des crédits du
ministère de la santé pour effectuer ces travaux de santé
publique. Mon sentiment était qu'il fallait apporter une clarté
sur cette question de la santé en prison pour pouvoir aller plus loin.
La première étape a été de faire ces travaux pour
pouvoir dire la réalité. Parce que c'est en disant la
réalité qu'on pouvait aller plus loin. Donc 85 les
premières études. 86, des crédits qui arrivent et j'ai pu
recruter un médecin qui a réalisé une étude sur le
dépistage du VIH en prison et on a pu analysé les risques de
contamination en milieu carcéral. Nanti de toutes ces études,
j'ai pu réaliser un colloque à la Pitié en février
86. Ce colloque a pu s'organiser parce que l'APSP existait. Il y a eu un
financement de l'AP mais j'avais un secrétariat, j'avais un petit local
en dehors de la prison où on avait pu mettre des médecins qui
travaillaient. Le but était de présenter un tableau descriptif de
la santé en prison. Donc deux rapports ont été fait. Un
rapport sur les toxicomanes en prison, avec l'évolution depuis la vente
libre de seringues, et un autre rapport sur la contamination en milieu
carcéral. On avait monté un petit questionnaire qu'on avait mis
dans une urne sur les comportements sexuels des détenus. Tout ceci a
fait l'objet de communications lors du congrès mondial du sida à
Montréal. Peut-être que le plus important c'est ce rapport qui a
été fait à la suite de deux jours de travail en janvier
88. Cette note de synthèse décrivait les caractéristiques
de l'organisation des soins en prison. Tous ces documents ont été
diffusés auprès des établissements et auprès des
ministères de la Justice et la Santé. Je dois dire
qu'après les années Ezratty qui ont été des
années d'analyse et de remise en forme de l'organisation sanitaire en
prison. Le comité santé justice proposait des mesures
correctrices. Le ministère de la Santé intervenait en tant
qu'instance de contrôle mais jamais en termes de responsabilité. A
chaque fois qu'on parlait de transfert de tutelle... ça levait les bras
au ciel du côté du ministère de la Santé qui
disait : « Mais comment, on ne va pas prendre en charge cette
population où il y a a plein d'étrangers... ça va
écouter tellement cher à la Sécurité sociale que
cela est exclu ». ça c'était des débats qu'on
entendait pendant les années Ezratty. Il y a eu des séances
où la Sécurité sociale était invitée. Elle
était soit absente physiquement, soit absente... présente
virtuellement ! [Rires]
E.F : Mais il y a avait des gens plus ouverts si je
puis dire au ministère de la Santé ?
P.E : Alors ce qu'il faut voir c'est qu'il y avait un
certain nombre de choses qui étaient tellement dysfonctionnantes
qu'elles ont été stoppées. C'est par exemple l'histoire
des lunettes ou des dents. Les médicaments et l'accès des
surveillants aux médicaments, c'était des déclarations
d'intention. Malgré nos demandes, il est clair que ça continuait
à se faire. Si je raisonne par rapport au directeur
pénitentiaire. Zakine ne s'est pas tellement préoccupé des
questions de santé dans les prisons mais il s'est
préoccupé des problèmes médiatiques qu'il y avait
à l'Hôpital de Fresnes avec certaines morts. Bon. Je me souviens
très bien quand je suis retourné le voir pour lui demander un
certain nombre de choses. Mme Ezratty s'est intéressé beaucoup
plus au problème de la santé dans les prisons ce qui fait qu'elle
a résolue un certain nombre de problèmes, notamment à
travers le Comité santé justice. Sachant que le vecteur de ces
décisions était un magistrat qui était quand même
très pénitentiaire. Je pense qu'il obéissait aux ordres
qu'il recevait mais il était avant tout d'obédience
pénitentiaire ce qui fait que ça a eu un effet de frein sur les
mesures que Mme Ezratty pouvait proposer. Ça a eu un effet de frein.
Concrètement, comment voulez vous qu'un magistrat du ministère de
la Justice écrive une lettre sur l'éducation pour la santé
alors qu'il ne connaît rien à l'éducation pour la
santé. C'est gentil mais... Et comment voulez vous qu'il écrive
une procédure concernant l'admission des détenus à
l'Hôpital de Fresnes qui soit en phase avec la réalité. Il
fallait déjà lui apprendre la médecine avant de... Il a
fini par avoir une teinture médicale mais... je vais faire une
comparaison mais quand vous êtes à l'Hôpital de Fresnes et
que vous avez un surveillant avec une blouse blanche et qui la veille
était surveillant, quand vous avez un détenu qui a une blouse
marron et qui est un classé et qui est au milieu des dossiers et qui
peut tout manipuler... comment voulez que ça fonctionne
convenablement ? De la même manière, au ministère de
la Justice ce qu'on a fait c'est qu'on a mis un magistrat à qui on a mis
une blouse blanche et qui devait ainsi le gestionnaire des problèmes de
santé. Donc vous avez conscience qu'il n'avait pas véritablement
une culture sanitaire, qu'il écrivait en consultant le ministère
de la Santé mais on était quand même dans une attitude
frénatrice. Il n'y avait pas vraiment toujours une prise en compte des
aspects concrets. Mon sentiment est qu'il y a eu la cohabitation en 86 et il y
a eu aussi la transformation de l'Hôpital de Fresnes en hôpital
public. Je suis sorti du rôle de médecin directeur et le
président de la CME a été élu. Je
considérais qu'il fallait que les médecins soient
indépendants et qu'ils aient un statut hospitalier, ne serait ce que
pour ne pas avoir de pressions administratives dans la prise en charge des
patients. Et comme j'avais cette indépendance, on n'a pas pu me virer.
Parce que cohabitation, on aurait pu dire : « Espinoza,
viré ». Je suis resté chef de service et je suis
rentré dans les études sur le sida [...] Après le
départ d'Ezratty les choses ont été plus
évanescentes. Son successeur était fade sur la question de la
santé en prison. Donc celui qui portait cette question là
c'était Dinthillac. Je suis parti au congrès de l'OMS en novembre
87 à Genève sur proposition de Jean-Pierre Dinthillac. Bonnelle
n'était pas investi. Je me souviens avoir aussi rencontré le fils
Pompidou qui était conseiller technique au ministère de la
Santé et qui m'avait demandé s'il ne fallait pas mettre de l'eau
de Javel pour que les détenus trempent leur sexe dans l'eau de Javel
[Rires] J'avais trouvé cela grotesque ! Il ne connaissait rien et
il était conseiller technique. Il y a eu aussi un rapport de Solange
Troisier qui s'est retrouvée investie de cette mission sur le sida. Il
ya eu un colloque à Fleury où elle a présenté les
conclusions de son rapport. J'y étais, je l'avais rencontré et
elle m'avait dit que je lui avais volé le sida. Elle avait mal
vécu d'être éjecté de cette fonction de
médecin inspecteur. C'est aussi la période où ont
émergé les premiers traitements. C'est aussi la période
où s'est posée la question de l'application de ces traitements en
milieu carcéral. L'Hôpital de Fresnes n'est que la partie
immergée de l'iceberg. Quand on parle de 6% de séropositifs en
prison, c'était fait avec les moyens du bord. C'étaient pas des
moyens officiels du ministère de la Justice, ni du ministère de
la Santé. C'étaient des contrats de recherche qui me permettaient
de faire quelques recherches épidémiologiques. Mais
c'était pas une commande officielle du ministère de la
Santé. J'avais contacté les gens de l'INSERM d'ailleurs en leur
disant : « Vous deviez venir travailler avec nous parce qu'il y
a de vrais problèmes sanitaires en milieu carcéral ».
Mais c'était pas du tout dans l'esprit des gens du ministère de
venir travailler en prison à l'époque. Les seules études
INSERM menées en prison concernaient la toxicomanie. Pour moi cette
période était une période de démonstration et
d'analyse afin de démontrer à la fois le poids sanitaire qui
incombait au ministère de la Justice et l'énormité de ces
questions, avec l'idée un peu paradoxale... D'une part, est-ce que les
détenus ont accès aux soins ? J'avais mis un étudiant
en thèse, le Dr Lamour, un médecin du COMED, un service qui
s'occupe des migrants en situation irrégulière à
Bicêtre, et Veisse. Ils ont été tous les deux internes
résidents. C'est ça qui était intéressant. Le fait
d'avoir mis l'hôpital de Fresnes dans le système public fait que
nous avons reçu des internes. Ce n'était pas des gens qui
venaient travailler en prison mais c'étaient des gens qui voulaient
choisir un stage et comme il y avait la possibilité de venir à
l'Hôpital de Fresnes, on venait en prison comme on aurait pu aller dans
n'importe quel autre hôpital. Et ce sont des gens qui ont fait leur
thèse à l'Hôpital de Fresnes. Et l'irruption dans la prison
de ces gens extérieurs est quelque chose de très important dans
la période 86-90. Parce que ça a apporté du sang neuf,
ça a permis de décloisonner l'hôpital, ça a
bousculé l'administration parce que les gens choisissaient le jeudi et
ils venaient travailler le lundi alors qu'avant il fallait au moins un ou deux
mois pour recruter quelqu'un. Donc ça bousculait les procédures
administratives. Lamour avait compté le nombre de consultations par
détenu et il s'était rendu compte qu'il y avait un nombre de
consultations très importante. Ce qui signifiait que les gens qui ne
consultaient pas de médecin à l'extérieur allaient prendre
en charge leur maladie une fois arrivés en prison. Il y avait un
accès au soin quelque part. Même si les soins étaient moins
bons qu'à l'extérieur, certains avaient recours au système
médical en prison alors qu'ils ne le faisaient pas à
l'intérieur. Alors après il y avait un système pervers.
C'était des détenus classés en blouse marron qui
organisaient la consultation du médecin. Donc c'est le détenu
classé qui a le pouvoir de mettre cette demande là dans une
consultation ou alors de déchirer la lettre et de la mettre à la
poubelle.
E.F : Je suis surpris parce que je pensais que
c'était les infirmières qui faisaient ce tri ?
P.E : Pas du tout. A un moment on s'est retrouvé
avec trois infirmiers. Il y avait deux infirmiers. Un surveillant qui avait
passé don diplôme d'Etat et une infirmière
pénitentiaire qui est tombée malade. Il y avait un autre
infirmier pénitentiaire qui s'est cassé la patte. Il ne restait
donc plus que cet infirmier et moi. On s'est retrouvé tous seuls. Dans
la vie de la prison, l'accès au soin était un accès
filtré par des détenus en blouse blanche. C'était la
réalité classique des années quatre-vingt [...] Tout cela
se passait sous contrôle du directeur qui regardait par exemple qui
était mis classé. Parce que dans le passé il y avait eu
des histoires. Il y avait un détenu qui avait posé une demande de
grâce médicale en utilisant la copie d'un dossier médical
d'un autre patient. De plus on interdisait au médecin, quand un
détenu était extrait pour l'Hôpital, de donner le jour et
l'heure. Sauf que c'était écrit dans les dossiers médicaux
qui étaient dans les mains des détenus ! C'était
aberrant ! Après j'avais obtenu en 85 qu'il y ait des postes
d'infirmiers dans le cadre d'une convention avec l'assistance publique. Il y a
eu aussi plus d'infirmières Croix-Rouge.
E.F : Et comme médecins il y avait qui au
Grand quartier ?
P.E : Quand je suis arrivé, il y avait deux
médecins qui étaient Schmidt et Hindermayer qui ont
été virés tous les deux pour défaut de
présence. Effectivement ils étaient temps plein. Hindermayer
venait deux matinées par semaine, en arrivant à 10h30 et en
partant à 11h30 et on peut le comprendre parce qu'il était
médecin chef de service à Montreuil. L'administration
pénitentiaire n'avait pas respecté la loi. Donc deux ans
après ils ont été réintégrés en
recevant un rappel de solde et quand ils sont arrivés ils ont
démissionné [rires]. Ils sont partis avec leur pactole. L'un est
parti mais l'autre est resté parce qu'il était tellement mauvais.
Et pendant toute cette période il n'y avait personne. Jean Kergoyan est
devenu médecin-chef et Jacqueline Tuffelli est arrivée peu de
temps après. Quand Jacqueline Tuffelli est arrivée on avait
déjà un peu émergé. On avait déjà une
ou deux infirmières dans chaque infirmerie. On avait aussi des locaux un
petit peu mieux aménagés. Il y a quand même eu des petites
choses qui avaient été faites. On était quand même
plus dans le marasme de 82-84 [...] ça a évolué avec
l'arrivée de médecins vacataires CISIH. Il y a eu des choses qui
ont été faites au sujet des détenus handicapés
physiques. Des aménagements ont été
réalisés. Ce qui ne bougeait pas c'était le séjour
des détenus sortants au Grand quartier des prisons de Fresnes. Le plus
important ça a été les détenus handicapés
physiques et la prise en charge du sida. Peut-être aussi la pharmacie et
le laboratoire. Parce qu'à l'érection de l'hôpital public,
non seulement il y a eu un nouveau statut mais il y a eu aussi des postes.
C'est-à-dire que sept postes temps plein ont été enfin
créés. Ce qui témoignait d'une volonté de
renforcement de l'hôpital. J'ai milité alors pour que ces postes
soient transformés en postes mi-temps, sachant que pendant des
années j'ai été médecin temps plein mais
j'étais coordinateur. La question qui se posait c'est est ce qu'on peut
être médecin temps plein derrière les barreaux ? [...]
Blacraquin n'était pas un mauvais médecin mais je pense qu'il
avait beaucoup trop de trucs au dessus de sa tête. Il ne m'a pas
donné le sentiment d'être un mauvais médecin mais il
était très féru de son autorité. Ce qui fait que
les relations entre Balcraquin et paraison n'ont pas toujours été
très bonnes. C'est-à-dire qu'à partir d'un certain moment,
il pouvait y avoir des détenus qui faisaient balle de ping-pong entre
Fleury-Mérogis et l'Hôpital de Fresnes. Ça veut dire que
parce que le docteur machin n'aime pas le dicteur truc il va renvoyer le
patient.
E.F : Et donc selon vous c'est pour cela que
l'Administration a voulu se débarrasser de lui ?
P.E : L'administration devait sûrement avoir sur
lui aussi des dossiers un petit peu... En 85, quand j'ai fait stopper les dons
du sang à l'Hôpital de Fresnes. J'ai informé Blacraquin en
lui disant il faut arrêter les dons du sang. Je l'ai à la fois
informé oralement, par écrit... donc il le savait. Euh... je ne
suis pas sûr que ce soit lui qui ait pris la décision de stopper.
Je ne suis pas sûr que ce fut arrêté tout de suite. Alors
qu'il avait l'autorité pour le faire. Mais il était un peu mou
quand même. Je crois que si vous mettez... Il fallait être solide,
il fallait être solide pour diriger Fleury-Mérogis ! Si vous
mettez quelqu'un comme ça... [...] Xavier Emmanuelli avait beaucoup de
relations publiques, des liens fort avec la Pitié. Il avait quand
même des bases à l'extérieur qui lui permettaient d'avoir
à l'intérieur une présence. Non seulement une
présence médicale avec une autorité médicale
supérieure à celle de Balcraquin. Des relations à
l'extérieur pour faire hospitalier les malades qu'il voulait. Je pense
qu'il était appuyé par le ministère de la Justice mais pas
directement. Par ricochet si je puis dire. Il n' pas été
conseiller là-haut, là-haut. Mais je pense qu'il connaissait des
gens qui pouvaient agir là-haut, là-haut. On avait
organisé une formation sur le sida avec lui au sein de la Croix-Rouge
française. C'est sûr qu'on pouvait travailler plus facilement avec
Xavier Emmanuelli qu'avec Balcraquin. Il a été dans sa
lignée de carrière. Il s'est forgé une opinion sur le
milieu carcéral mais il n'y a pas pris son véritable envol [...]
E.F : Pour cette tribune dans le Monde vous aviez
demandé l'autorisation à l'Administration
Pénitentiaire ?
P.E : Non, non et quand j'ai écrit, quand je suis
revenu du congrès de l'OMS, j'ai participé à un
congrès de médecin du Monde où j'ai dit ce que l'OMS
devait faire. J'ai pas demandé l'autorisation de M. Dinthillhac qui
était dans la salle. J'ai pas arrêté de dire ce que je
pensais. Il avait pas apprécié mon intervention du tout parce que
lui il était Administration pénitentiaire. Mais c'était la
règle du jeu. A partir du moment où l'on est indépendant
on dit ce que l'on pense.
ANNEXE 38 : ENTRETIEN AVEC JEAN FAVARD
Favard Jean, magistrat à la DAP de 1970 à 1975
puis Conseiller technique du ministre de la Justice de 1981 à 1986.
Président de la fondation d'Aguesseau. Entretien réalisé
le 10 janvier 2008 au siège de la fondation d'Aguesseau (Paris).
Durée : 3H00.
Ne sont cités ici que des extraits choisis.
J.F : Quand je suis arrivé au ministère en
tant que conseiller technique et que je leur ai demandé les projets
qu'ils avaient [l'Administration pénitentiaire] en matière de
santé... Il n'y avait rien ! Et j'ai conservé le projet de
note qui avait été fait par l'Administratrion... Je l'ai
conservé pour l'histoire parce que... C'était nul ! Y avait
rien ! Je veux dire par là que l'Administration
pénitentiaire n'avait pas l'ombre d'une idée sur la question. Et
vous verriez la note et celle qui fut signée par le ministre
après que je l'ai corrigée... Ce sont deux choses
complètement différentes ! Dans un cas, on mégotaille
je ne sais pas quoi... toujours en interne ! Et dans l'autre, c'est
l'ouverture complète ! C'est le processus de décloisonnement
qui est entamé. Et après l'Administration a suivi mais au
début il n'y avait rien. Moi, je n'avais pas non plus en tête un
projet spécialement défini mais tout de même l'idée
de départ c'était d'ouvrir, c'est ce qu'on a appelé le
décloisonnement. Alors, médecine pénitentiaire, je n'aime
pas ce terme parce qu'il n'y a pas de médecine pénitentiaire.
C'est avant qu'il y avait une médecine pénitentiaire, avec des
médecins pénitentiaires, avec des cours de médecine
pénitentiaire. Quand on prononce ces mots, d'une certaine
manière, on revient à l'autarcie d'avant. Et nous, tout ce qu'on
a essayé de faire, c'est de décloisonner, décloisonner au
point de vue culture, décloisonner au point de vue travail,
décloisonner au point de vue médecine. C'était un bon truc
pour aller chercher de l'argent dans les autres ministères. Puisqu'on
nous en donnait pas autrement. Mais en même temps, un processus plus en
accord avec les règles européennes qui commençaient
à s'instaurer et, d'autre part, aussi, un processus de réforme
qui a duré. Parce que vous voyez ça a commencé en 1982 et
ça s'achève en 1994. Et donc si vous voulez, quand on regarde
aujourd'hui avec un peu de recul... Je l'explique dans mon livre.
C'est-à-dire que le processus on l'a commencé par la question de
l'inspection. L'idée étant qu'on s'inspecte pas soi-même.
Donc une inspection intérieure n'est pas une vraie inspection. C'est
quelque chose qui permet de lever le voile sur plein de trucs.
E.F : Et qu'est ce qui vous a fait arriver à
cette idée ?
J.F : Ben Mme Troisier justement. Parce que elle,
c'était la perversion totale... elle était
médecin-inspecteur [...] Elle était copine avec Mme Messmer. Elle
a été imposée. C'était une politique. Si vous
voulez, d'un mal il fait faire un bien et il y a quand même très
très longtemps qu'il y avait des discussions sur la
nécessité d'avoir une inspection interne. C'est vrai qu'un seul
inspecteur pour 180 établissements pénitentiaires, plus des
médecins recrutés par l'AP, plus le fait que l'Etat ne vous
donnait aucun autre moyen. On vous donne des surveillants, on vous donne de
quoi nourrir les détenus mais dès qu'il s'agit d'autre chose, de
sport, de médecine... Quand il fallait racler les tiroirs, c'est
toujours là-dessus que ça se raclait si vous voulez. Donc y avait
un problème de simple financement, et même d'autarcie avec le
vieillissement des médecins pénitentiaires toute leur vie. On
s'était accommodé d'un système qui ne fonctionnait plus du
tout [...] Et puis en 81 quand on arrive, l'idée c'est quand même
de moderniser le système. On s'aperçoit qu'à Fresnes et
aux Baumettes qu'au point de vue médical c'était n'importe
quoi ! Quand j'arrive en 81, Troisier vient me voir [fait une
légère pause] Alors ça, je vous le dis pour que vous le
compreniez mais j'ai rien d'écrit. C'est parole contre parole. Je peux
vous dire qu'elle est venue me voir. Elle m'a expliqué que bon... elle
était gaulliste de gauche... On pouvait s'entendre en quelque sorte.
Bon, moi, je suis pas politique. Si j'arrivais avec Badinter, c'est bien
sûr que j'étais plutôt à gauche mais je vivais pas ce
truc comme quelque chose de politique. Donc déjà, elle
était décalée par rapport à ça. Moi je m'en
foutais qu'elle soit gaulliste de gauche ou de droite ! Si elle faisait
bien son travail, le problème n'était pas là... Et alors,
au bout d'un petit moment, y avait des grévistes de la faim et elle me
dit : « Qu'est ce qu'on fait avec les grévistes de la
faim ? Quelle est votre politique en matière de grève
de la faim ». Alors moi je lui réponds qu'il y a l'article 390 qui
dit que dans ils sont en danger, le médecin décide.
« Oui d'accord, mais qu'est ce qu'on fait ? On fait comme pour
les irlandais, on les laisse mourir ? ». J'étais
horrifié ! « Mais Mme Troisier, c'est une question
médicale, c'est au médecin de trancher ».
« Oui mais vous, qu'est ce que vous en pensez ? ».
Inutile de dire que je ne me sentais pas de lui donner une instruction pour lui
dire vous les laissez mourir ou pas... Pour moi il existait le Code qu'elle
n'avait qu'à appliquer ! C'est pour dire la distance abyssale qui
nous séparait ! Donc ça a amené une réflexion
sur l'urgence de résoudre la question de l'inspection et puis
finalement, sans besoin de réfléchir beaucoup on s'est dit il y a
une inspection pour les hôpitaux, l'IGAS... Pourquoi on se faisait pas
inspecter par l'IGAS ? Alors évidemment, ça postulait qu'on
fasse disparaître le poste de Médecin-inspecteur de Mme Troisier.
Du coup, ça réglait aussi ce problème. Mais on ne l'a pas
fait pour ça ! C'était, si vous voulez, d'une pierre deux
coups. On n'avait plus besoin de médecin inspecteur. Alors elle, elle a
interprété ça comme elle a voulu :
« Pourquoi on me vire ? » [...] On vivait sur un
système où on n'inspectait rien. C'était couvert par le
médecin inspecteur qui disait tout va bien ! [...] Elle est devenue
professeur par un décret du 12 mai 81 malgré l'opposition du
ministre de l'époque car elle bénéficiait d'une
protection... Ce qui lui avait permis d'avoir une chaire de médecine
pénitentiaire. D'abord ça lui faisait double traitement. Et puis
elle touchait deux indemnités de résidence. Je lui ai
enlevé sa deuxième indemnité et elle l'a pris très
mal. Elle travaillait à temps plein pour l'administration et elle
était en même temps professeur. Alors là, ça
n'allait pas ! Je suis allé la voir et elle m'a dit qu'elle avait
une convention en béton... Vous savez, je suis juriste et même les
conventions en béton... D'ailleurs même le béton, ça
peut sauter ! J'ai regardé la convention, elle pouvait être
dénoncée dans un délai de truc et voilà ! Mais
si vous voulez, on ne l'aurait pas fait que pour ça, parce que sinon...
L'idée c'était quand même qu'on n'avait pas d'inspection,
que c'était trop dangereux pour un seul et c'était l'idée
d'aller vers le système hospitalier. C'était une mesure
courageuse qui n'a pas été critiquée parce que quand vous
êtes votre propre inspecteur, vous ne trouvez rien... Tous les vieux
sommiers qui sont dans votre jardin, si vous ne les toucher pas, vous ne voyez
que les tulipes ! Vous, vous arrivez après... Et c'est là
qu'on a eu des ennuis ! Vous arrivez après et vous dites :
« Vous pouvez tout fouiller ! ». Alors là, on
trouve tout ! Non seulement ce que vous avez mis mais également ce
que les autres y ont mis avant. Et tout le monde dit :
« Regardez comme c'est le bordel avec eux, avec nous c'était
pas comme ça ! ». Donc, nous, on a dû subir
ça...
E.F : Ça n'est pas quelque chose qui faisait
peur à l'Administration pénitentiaire ?
J.F : Ah ben si, si forcément ! Mais on a
assumé. Vous avez des coups on en a reçus. Ça
n'était pas commode, surtout au début. Après entre 83 et
86, ça s'est arrangé... Mais au début, vous aviez ceux de
droite qui trouvaient que le monde s'écroulait... l'horreur, le laxisme,
le rousseauisme, c'est le bazar. Et la gauche qui trouve que vous ne faites
rien. On n'avait aucun allié ! Rien du tout ! Donc là
il y avait deux choses. On va confier l'inspection à l'IGAS.. Elle va
trouver pleins de trucs mais bon tant pis on va essayer de... Et on va coller
à tout ce qu'elle nous dit comme du papier à musique. Et puis on
va lui demander de mener une réflexion pour nous définir les
voies et moyens du décloisonnement. Ce sont les termes de la lettre de
saisine. L'IGAS nous a proposé la disparition des Baumettes et la
transformation de Fresnes comme hôpital. C'était terminé au
début 85. Et on a lancé un peu l'idée qu'il fallait des
conventions avec l'hôpital proche de la prison.
E.F : À cette époque là, il
n'était pas question de transférer toute la
santé ?
J.F : Mais au début on pouvait pas. Tout ça
c'était nouveau. C'était le décloisonnement. On a
laissé les murs mais on a transformé complètement
l'intérieur. C'est ce qu'on a appelé le décloisonnement...
appliqué aussi en terme de culture, de santé. C'est un truc qu'on
a déroulé et comme on est resté suffisamment longtemps
pour bien l'installer [...] On s'est habitué à plutôt
employer ce terme de décloisonnement. De là à vous dire
après qu'on a théorisé tout ça... Je ne sais pas
d'où vient ce terme mais c'est celui qui nous a paru le plus apte
à faire comprendre ce qu'on voulait. C'est-à-dire la culture, la
santé, le sport ne s'arrêtent pas à la porte des prisons...
C'est à dire au lieu d'avoir une prison autarcique, on fait rentrer la
société en disant : « Tous les ministères,
culture, sport, santé, éducation, doivent renter en prison parce
qu'ils ont une responsabilité ». Parce que la
société ne s'arrête pas à la porte des prisons.
C'est ça, qu'on appelle le décloisonnement. Il y a deux parties
en cause : moi, je gère les détenus. C'est une dialectique
entre celui qui gère et celui dont c'est la responsabilité. Alors
quelque fois, certains m'ont dit : « Vous avez trouvé un
truc pour fouiller dans la poche des autres. Pour piquer l'argent des
autres ». Alors, c'est assez vrai. Mais je répondais
toujours : « Les autres ont une responsabilité. Leur
politique ne doit pas s'arrêter là. On avait tort avant de ne pas
leur demander ». Et puis la collaboration est fructueuse.
E.F : Vous pensez que les différents
ministères étaient aussi responsables de la prise en charge des
détenus ?
J.F : Alors ce qui est sûr, c'est qu'au
début ils n'étaient pas demandeurs ! Ils n'étaient
pas demandeurs ! Pour eux ça représentait des
difficultés supplémentaires. Mais ils ne pouvaient pas refuser.
Ils ne pouvaient pas dire : « Je suis désolé,
ça n'est pas dans mon secteur ! ». Vous êtes
ministre des sports. Je viens vous dire : « Il y a du sport en
prison ». Donc je suppose que vous avez une politique du sport...
C'était imparable ! Ils étaient obligés de dire
oui... Bon avec plus ou moins de... Lang, par exemple, il était à
fond donc ça allait plus vite qu'avec d'autres. Mais c'était
finalement imparable comme argument. On a mis plus ou moins de temps pour
signer des conventions mais ça a fini par se faire [...] Mais à
notre époque, les psys n'entraient pas en prison. Ils vous
disaient : « Moi je ne peux pas traiter quelqu'un en
prison ». Ça n'était pas dans leur culture de venir en
prison. Les CMPR c'était quand même des petites structures. Et ils
n'étaient pas bien intégrés dans la prison. C'était
un personnage étranger. Ils étaient très faibles. Et il y
avait très peu de psy. C'étaient surtout des infirmiers.
Après la suppression de l'inspection, on a mis en place sur proposition
de l'IGAS, ce système aux Baumettes et à Fresnes. On a mis en
place tout ce que nous a demandé l'IGAS et on leur a été
très reconnaissant car ça a été très utile
quand il y a eu les premiers affolements avec l'histoire du sida. Ça a
commencé vers août 85. On ne savait rien. Moi j'avais une culture
pénitentiaire mais le sida... personne ne savait ce que c'était.
On parlait beaucoup à ce moment là de porteurs sains. Alors
porteurs sains, c'était un peu rassurant. Et puis après on vous
disait : « Il y en a 7 à 10% qui seront
malades ». Personnellement, je ne savais pas quoi répondre.
C'était pas très affolant dit comme ça... Il y avait des
surveillants qui voulaient des masques. Heureusement qu'on avait
déjà des liens avec l'IGAS qui nous a dit :
« Attention, pas de panique. Il faut faire ça,
etc. ». On a même demandé à l'IGAS d'aller
expliquer dans les structures ce qu'il en était. Parce que si nous, on
avait dit : « Circulez, y a rien... », ça
aurait été un peu suspect. Moi je pensais qu'il fallait dire la
vérité et il était hors de question de mentir sur ces
sujets parce que si c'était la mort contagieuse, ça aurait
été une bombe. Du coup heureusement, l'IGAS était
là. Ils sont venus expliquer dans les différentes prisons ce que
c'était. Donc on a eu le bénéfice immédiat du
décloisonnement. Sinon, on ne s'en serait pas sorti. Le Dr Espinoza nous
a alerté assez rapidement là dessus. Comme il était dans
la structure pénitentiaire, on a dit : « Il vaut mieux
qu'il y ait des envoyés spéciaux de l'hôpital ».
[...] C'était horrible ! Horrible ! Vous
savez, les grâces par exemple. Il y avait des grâces avant qu'on
arrive et pourtant personne n'a jamais critiqué les grâces avant
qu'on arrive. Et dès qu'on est arrivé, on a fait une grâce
un peu plus large... Et là, c'était horrible ! Et dès
qu'on arrêtait quelqu'un c'était un "Badinter" comme on les
appelait. On n'a jamais dit les "Giscard". Et pourtant après une petit
grâce de Giscard, y en a un qui est sorti et qui est allé tuer sa
femme. Personne n'a dit c'est un "Giscard" ! Donc la presse de gauche
trouvait qu'on n'en faisait pas assez et la presse de droite nous cartonnait
à fond. Donc fallait qu'on prenne toutes les précautions. On
n'avait pas le droit à l'erreur. Avec les syndicats, c'était
l'horreur ! Pour vous dire, la CGT était présidé par
quelqu'un qui appelait à voter Giscard d'Estaing. Parce que les
centrales syndicales ne s'intéressaient pas au problème des
prisons... J'ai donc pris des contacts pour que les syndicats correspondent
à quelque chose. Avec le risque, ce qui est arrivé, que la CGT
vraie et nouvelle commence à nous cartonner. Mais ça, c'est le
jeu ! Je préférais ça à un faux syndicat. Moi
qui étais syndiqué à la magistrature, j'étais
horrifié de voir ce syndicalisme qui se faisait acheter. Ceci dit c'est
vrai que pour avoir la paix, il y avait une tradition de l'AP... C'est plus
tranquille d'avoir des syndicats qui n'en font pas trop. D'ailleurs, ils ont
fait une grève le 10 mai 1982 et moi je me suis dit qu'ils faisaient une
connerie car ils ne pouvaient pas mieux monter que c'était une
grève politique. A partir de 83, j'avais emmené dans le magma la
vraie CGT qui nous cartonnait mais qui les cartonnait aussi et puis, en plus,
j'avais repris la main sur les commissions paritaires où il y avait
toujours un consensus... C'était toujours 100%. Donc ils viraient ceux
qui ne leur plaisaient pas et officiellement c'était le garde des Sceaux
qui prenait la décision. Et un jour, une décision m'a
semblée assez injuste et j'ai dit au directeur de l'Administration
pénitentiaire : « Non là, il ne faut pas
révoquer ce type ! ». Il me dit : « Ah
mais les syndicats... ». Les syndicats ont râlé et ont
dit qu'ils ne siégeraient pas la fois suivante et je leur ai
répondu que s'ils ne venaient pas on déciderait sans eux.
Après ça a commencé à se tasser... Après
entre 83 et 86, c'était moins dur...
E.F : Par rapport à ce rapport de force,
l'arrivée de la COSYPE ?
J.F : Ah mais la COSYPE, c'est antérieur. Ils
avaient mené une réflexion avant. J'avais vu leur brochure que je
trouvais très bien. Moi, j'étais au syndicat de la magistrature
et ça correspondait aux réflexions de l'époque. Sauf que
les magistrats qui étaient au Syndicat à l'époque et qui
travaillaient au sein de l'Administration pénitentiaire étaient
plus... tenaient plus compte... On était quelque fois en discordance...
Parce que la COSYPE c'était plus politique que raisonnablement
gestionnaire [...] Y avaient beaucoup de choses avec lesquelles j'étais
d'accord. Personne ne nous demandait de supprimer l'inspection. Ce
système auquel on était habitué. Il existait une
inspection pour la santé. Je crois que c'est moi qui avais trouvé
le texte. L'IGAS qui inspecte tous les hôpitaux. C'était
très simple comme solution. Du coup on avait plus besoin de Mme
Troisier. Je me rappelle avoir trouvé ce texte qui parlait de l'IGAS
[Interruption]
E.F : Et le premier directeur, Yvan Zakine, qu'est ce
qu'il en pensait de ce décloisonnement ?
J.F : Avec Zakine, et c'est après... Il a
sauté parce qu'après la réforme de 83, le ministre
souhaitait qu'on continue de progresser. Il voulait qu'on renouvelle. A
l'époque la question c'était posé. Il avait
été question de me nommer mais mon analyse était la
suivante. Ils me connaissaient et à peine je serai assis dans le
fauteuil, les syndicats, ils me manqueraient pas ! Donc je n'aurai pas eu
le temps d'agir. Alors qu'un autre directeur, ils ne le connaissaient pas et
disons qu'il a dix mois environ pour s'imposer. A fortiori si c'est
une femme. Dans un endroit macho... Ça les a déstabilisés
encore un peu plus. Donc je lui ai dit que s'il me nommait la bataille
commencerait à l'instant même. Je me sentais plus utile à
ses côtés.
E.F : Et Myriam Ezratty, c'est quelqu'un qui
était plus proche de cette idée de
décloisonnement ?
J.F : Ah oui ! Et puis elle avait cette culture de
santé ! L'inspection était supprimée. Elle
était très engagée à ce niveau là.
E.F : Quand avez-vous adhéré au
Syndicat de magistrature ?
J.F : Dès le début. En 68. J'ai
adhéré en 68 Lors de la création. J'étais un des
tous premiers. Dans la première vague. Je suis très
individualiste. Je n'ai jamais appartenu à un parti et je n'aime pas
être embrigadé mais là, pour le Syndicat de la
magistrature... J'étais jeune magistrat et je ressentais la
nécessité d'avoir une structure de défense. C'était
une hiérarchie très lourde. C'était extrêmement
pesant... Tout en gardant mon quant à moi. Pour moi, c'est par parce que
je suis dans un syndicat qui par exemple décide un mouvement de
grève avec le quel je ne suis pas d'accord... J'ai toujours fait passer
mes fonctions de magistrat avant. L'appareil... Je ne veux pas savoir... Et
l'appareil là dessus ne peut pas s'imposer. Mais en revanche, j'avais
bien mesuré déjà à l'époque que l'individu
tout seul ne peut rien faire. Et puis le Syndicat était quand même
à l'époque plus exaltant qu'il ne l'est aujourd'hui. Enfin,
aujourd'hui je me suis retiré. A l'époque, il n'y avait que des
coups à recevoir. C'était bien avant 81 et on était
qualifié de juge rouge. Je peux vous dire que c'était pas bon
pour les notes ! [Rires] Et d'ailleurs quand j'ai écrit mon premier
livre, Le labyrinthe pénitentiaire, y avait Peyrefitte
encore... Y'avait marqué sur la bande [de couverture]
« Sécurité, liberté, point
d'interrogation ». Le livre est sorti le 2 février 81. Je
n'avais pas la moindre idée de ce qui allait m'arriver par la suite.
Parce que quand il est sorti, Giscard était donné comme gagnant.
Voilà ! Donc c'était un truc où j'égratignais,
je critiquais.... C'était pas un pamphlet mais bon... Donc,
c'était pas bon pour ma future carrière. Et puis dans les deux
mois qui ont suivi, on a commencé à dire : « Ah
mais Giscard, c'est pas sûr ! Ça sera peut-être
Mitterrand... ». C'était tout à fait inattendu. Et je
pensais encore moins devenir conseiller technique. Sans ce livre, je ne serai
sûrement pas devenu conseiller technique. Je ne connaissais pas Badinter
mais quelqu'un lui a dit : « Il connaît les
prisons » et lui a parlé de mon livre. Et Badinter m'a
dit : « Ben, vous savez ce qu'il faut faire ! ».
J'avais un état de réflexion qui faisait que je pouvais aider.
Par ailleurs, je connaissais très bien les personnels, les
détails... [...] Moi je pouvais l'alerter : « On peut
faire ci, on peut faire ça ». Et on était en parfaite
symbiose.
E.F : Lors de votre adhésion au Syndicat de la
magistrature, vous occupiez quelle fonction ?
J.F : J'étais juge à Saverne. Je n'ai pas
pu être présent lors de la création car c'était le
jour de la naissance de ma fille... Mais après j'ai milité
pendant presque toute ma vie professionnelle. Ça a été une
époque... mais là j'étais dans une catégorie
particulière... Je n'étais pas le seul, nous étions
quelques uns... qui travaillions à l'Administration pénitentiaire
et nous étions un peu suspects d'être un peu des jaunes, un peu
complaisants avec l'Administration pénitentiaire. On était
dedans, on connaissait quelles étaient les difficultés et donc
nous n'étions pas toujours d'accord dans les débats. On trouvait
qu'ils exagéraient un peu. Des motions un peu trop infondées,
etc. Et du coup, on était dans une position très inconfortable
puisque vis-à-vis de la direction on était des rouges et
vis-à-vis des rouges on était des jaunes ! [Rires] Donc ce
ne sont pas des couleurs très agréables à porter. Moi de
tout façon, même si c'est mes amis, je refuse de rentrer dans un
système doctrinaire. La vérité c'est plus important que le
pouvoir. Si mon ami dit quelque chose qui n'est pas exact, je dis :
« Désolé mais ce n'est pas exact ! ».
E.F : Qu'est ce que avait pu vous choquer...
J.F : Par exemple pour les permissions de sortie. Y avait
Bloch, Etienne Bloch. Il était juge d'application des peines. Je
trouvais qu'il y avait des choses... On était d'accord sur la plupart
des choses. Mais lui, par exemple, lui, il considérait qu'il fallait
détruire la prison, qu'il fallait... Et ho ! Il n'examinait
même pas les dossiers et ses avis pour les libérations
conditionnelles étaient systématiques. Je trouvais ça
exagéré. Quand on doit libérer Lucien Léger,
j'estime qu'on y regarde à deux fois, même si je suis au Syndicat.
Et puis c'est facile de mettre l'avis favorable tout le temps. D'abord,
ça choquait énormément les Pénitentiaires. Ils se
disaient qu'est ce que c'est que ça un juge qui regarde pas le
dossier ? Et puis c'est beaucoup plus crevant de pas regarder le dossier.
C'est beaucoup plus crevant de vous taper tout le dossier et de se
demander : « Alors, qu'est ce que je fais ? Est-ce que
c'est une menace pour l'ordre public ? ». Donc on avait des
discordances ! Et c'était pareil pour les permissions de sortie. Il
voulait faire voter une motion au Syndicat disant que le directeur avait
donné des ordres au juge d'application des peines. Et ho !
C'était quand même pas ça. Bon, il y avait des nuances
à apporter. Moi, je me suis levé, j'ai dit que c'était pas
comme ça que ça c'était passé. J'ai donné
mon témoignage. Parfois, on s'est disputé sur des questions de ce
genre. On s'est jamais battu ! D'une certaine manière en 81, quand
les choses sont arrivées, on a eu tendance à prendre des jaunes
plutôt que des rouges. Ça dépend. On a pris aussi des
rouges. Mais après ceux qui étaient jaunes étaient pas si
mauvais. Et beaucoup de rouges sont devenus roses. Moi j'ai le sentiment que je
n'ai pas changé à travers les siècles, si je puis dire, et
ce que j'étais avant je le suis toujours. Je suis quelqu'un
d'individualiste mais je comprenais tout à fait. J'adhérais
complètement à la nécessité de mettre de l'air
dans... D'ailleurs 68, j'avais 34 ans, j'étais plus un gamin mais
heureusement qu'il y a eu 68. Avec tous les excès qu'il y a pu avoir.
« On interdit d'interdire ». C'était en même
temps n'importe quoi mais il fallait voir comme c'était avant. Les
filles ne pouvaient pas aller voir les garçons dans les dortoirs. Donc
68, quand ça débouche sur n'importe quoi, sur le désordre,
je suis pas d'accord parce que je suis un homme d'ordre. Et par contre,
heureusement qu'il y a eu ça, parce qu'on étouffait.
C'était un monde absolument étouffant...
E.F : Au niveau de la magistrature
aussi ?
J.F : Ah ben oui. Alors, là ! Ça a
fait du bien ! Ah, oui. C'était trop conventionnel, fermé.
C'était irrespirable, irrespirable ! Alors dire que tout a
été arrangé... Non et puis certains sont devenus des
caciques. N'empêche que moi, je pense que ça a été
une étape cruciale mais après on peut pas rester dans un
état anarchique. Il faut tout faire sauter mais il faut reconstruire
quelque chose. Y a des moments où ça devient tellement
irrespirable que vous n'avez pas d'autres solutions. Il faut que ça
saute. Comme un bouchon de champagne. Mais il ne faut pas faire que ça.
Moi je suis pour arracher les arbres, surtout s'ils sont morts, mais si on
arrache les arbres il faut en planter deux ou trois tout de suite.
E.F : Etienne Bloch, il était juge
d'application des peines et donc il connaissait quand même la prison de
l'intérieur...
J.F : Oui, oui. Mais si vous voulez, moi je trouvais
qu'il radicalisait trop les positions et c'était pas bon pour finalement
faire comprendre... Je parle de lui dans le Labyrinthe [son
livre] pour regretter qu'il ait été évincé par le
directeur de l'époque. Là, j'étais pas d'accord ! Je
l'ai soutenu là ! Mais, si vous voulez, moi je trouve qu'une
attitude trop sectaire, qui n'était pas celle des magistrats,
était vouée à l'échec. Car une institution ne
pourra jamais accepter... On peut choisir de ne plus accepter l'institution
mais dans ce cas là on n'a plus aucune influence. Moi je trouvais qu'il
était un peu radical en donnant un avis positif systématique
parce que c'était quand même un peu irresponsable. Et puis
finalement, le résultat de tout cela, c'est que l'Administration... Ils
sont pas fous ! Dans ces moments là, soit ils vous virent... Parce
qu'à ce moment là, c'était l'Administration
pénitentiaire qui donnait son accord pour qu'un juge d'application des
peines soit nommé pour trois ans et donc y avait la
possibilité... Et je me rappelle très bien voir M. Lecorno
revenir en disant... Parce qu'au Conseil supérieur de la magistrature,
à l'époque, il n'y avait même pas d'élus [du SM]...
Rien du tout ! Je me rappelle de son expression. Il est arrivé en
disant : « C'est passé comme une lettre à la
poste ! ». On expédie un juge comme ça. Mais c'est
passé comme une lettre à la poste d'autant plus facilement que
Bloch avait cette attitude. D'autre part, si on voulait pas libérer un
bonhomme, c'était très simple. Il était à Poissy,
et bien on l'envoyait à Clairvaux ou ailleurs et c'était un autre
juge. Donc, si vous voulez, en termes de résultats... Bloch pouvait dire
ce qu'il voulait ! Et alors ?
E.F : Et sa position était plutôt
minoritaire ou majoritaire ?
J.F : Il était pas majoritaire parce que justement
il est allé un peu trop loin... Mais quand même, il était
écouté ! Quand il y avait des motions. D'abord, il
écrivait bien ! Il était intelligent. Il avait de
l'influence. Les gens l'aiment bien. Il avait une personnalité.
C'était amusant parce que dans Le labyrinthe je cite un passage
d'un article qu'il avait écrit et qui venait à l'appui. Et
voilà que je reçois une lettre de lui : « C'est
scandaleux ! Je n'ai jamais écrit une lettre pareille ! Je
vais saisir les instances syndicales ! ». Mais moi, quand
j'écris quelque chose, je le vérifie dix fois. Donc je lui ai
envoyé une photocopie de l'article et il m'a envoyé une lettre
gentille pour s'excuser. En fait, il ne s'en souvenait pas.
E.F : Et au sein du Syndicat de la magistrature, est
ce que beaucoup de magistrats se sentaient impliqués sur la question des
prisons ?
J.F : Oui, il y a eu beaucoup d'intérêt sur
les prisons. Les premiers congrès, il y avait toujours des motions sur
les prisons. C'était une période agitée aussi. Nous, nous
vivions au milieu de tout ça. Je dis nous, Mme Petit, Jean Pierre
Dinthillac, Philippe Chemithe et moi. Nous, nous étions tous dans la
fournaise, si vous voulez. Mais beaucoup d'autres magistrats
s'intéressaient à la question des prisons. Ça a peut
être commencé à déraper. Il y a eu un
intérêt jusqu'à... Après 81, c'était un peu
différent. Parce que beaucoup de syndiqués, ou jaunes ou rouges,
sont rentrés dans les cabinets. Ça a affaibli un peu le syndicat
qui avait une attitude moins critique. Des dérapages y en avaient eu un
peu avant. Soit vous êtes extérieur et vous critiquez tout d'une
manière extrêmement virulente, soit vous êtes à
l'intérieur et vous essayez de comprendre et d'être un peu plus
objectif. [Passage sur l'OIP]. Je n'aime pas le discours de connivence ni le
discours trop critique qui ne tient pas compte de la réalité. Et
au Syndicat, c'est un peu ce qu'il s'est passé.
E.F : Est-ce que je peux savoir les conditions dans
lesquelles vous êtes arrivé en poste à l'Administration
pénitentiaire ?
J.F : Par hasard. J'étais à Saverne. Petit
ville de 6000 habitants. Ben au bout de cinq ans vous avez vu pratiquement
défiler tous les gens en divorce, en conflit... C'est quelque chose qui
finit par être pesant. Donc il venait d'y avoir une réforme qui
faisait de moi un juge à la suite, c'est-à-dire sans poste
réel. Je me suis dit que c'était une bonne occasion pour pouvoir
partir et j'ai fait une demande et avec mon épouse nous avons
demandé tout un tas de poste Marseille, Nice, Aix en Provence... Y avait
dix postes comme ça. Il me restait un poste à mettre. Je savais
plus trop quoi mettre et nous avons mis Versailles que je pensais n'avoir
aucune chance d'avoir. Et un matin au Journal officiel, j'ai vu que
j'étais désigné pour deux ans délégué
au ministère central de la Justice. J'étais furieux. Donc je me
suis rendu à l'Administration centrale pour savoir quel allait
être mon sort. Et on m'a dit : « Vous avez mis
Versailles et cela a été interprété comme un
désir de venir à Paris ». Et on m'a dit que
j'étais affecté à la Direction des affaires criminelles et
des grâces avec Arpaillange. Très bien. On me montre mon bureau.
C'était en décembre 69. Il y avait les congés de
Noël. Quand je reviens le 5 ou 6 janvier : « N'allez pas
dans votre bureau ! Attendez, il s'est passé quelque
chose ». Et qu'est ce qu'il s'était passé ? Il
s'était passé que le Directeur de l'Administration
pénitentiaire de l'époque, qui s'appelait Monsieur Le Corno, qui
était un préfet, avait râlé auprès du Conseil
d'administration de l'administration centrale. Soit disant, on lui donnait pas
les bons magistrats. C'est comme ça qu'on a été une
fournée à arriver à l'Administration pénitentiaire.
Je ne connaissais pas du tout le monde des prisons et dès 1971, on s'est
retrouvé dans le bateau ivre. C'est le hasard qui m'y a conduit mais un
hasard heureux ! Et puis après ça m'a
intéressé.
E.F : Et votre appartenance au Syndicat de la
magistrature n'a pas été gênante ?
J.F : Ben, ils nous ont pris quand même mais
ça a été... Ils nous ont pris quand même ! On
nous a pris mais on se méfiait un peu de nous. J'étais au Bureau
de la détention, c'est-à-dire qu'on affectait les détenus.
On s'occupait des affectations, des transfèrements. Je suis resté
jusqu'en 75 mais vers la fin de 73, le chef du bureau qui était
magistrat, j'étais son adjoint... Et d'ailleurs c'est pour vous
montrer... Il n'était pas question que je sois désigné
chef de Bureau... Louche ! Donc on a été cherché
quelqu'un pour être chef de Bureau. On aurait pu en trouver plein qui
étaient aussi bons que moi... Mais celui-là, il était
nul ! Et il a fallu que je lui apprenne le boulot. Un an plus tard il est
parti car il était décidément incapable et c'est à
ce moment là que le directeur de l'Administration pénitentiaire
qui venait de changer... C'était Maigret. Et là, il m'a
proposé de devenir chef de Bureau et je lui ai dit que si on me l'avait
proposé avant, je l'aurai accepté, mais là, ça
n'était pas contre lui... Pour les réformes, je voulais bien
rester une année mais seulement faire fonction. Il s'est
accommodé de la situation et il ne voulait plus me laisser partir. Et au
bout d'un an, j'ai demandé à partir. Un samedi matin, j'ai vu au
JO que j'étais nommé juge au tribunal de Paris. J'ai fait mes
classes de 75 à 81. C'est là où j'ai écrit mon
bouquin. Mes fonctions de juge étaient pour moi... Juge au siège.
Je n'ai jamais été au parquet sauf en Algérie, mais
là c'était très spécial, où j'étais
substitut du procureur. Juge au siège pour moi c'était
très important. Mais je n'avais d'ailleurs pas envisagé de
revenir à l'Administration pénitentiaire.
E.F : Vous parliez des mouvements dans les
prisons...Qu'est ce que vous en pensiez ?
J.F : C'était comme un bateau qui coulait. Mais
vous savez quand vous êtes au milieu de la tempête...
C'était terrifiant ! L'affaire de Clairvaux. Même Le Corno
qui était quelqu'un toujours... « Qu'ils y viennent ! On
verra ! ». Je l'ai revu au petit matin de Clairvaux quand il est
rentré... Il avait vécu des moments terribles ! Je suis
allé voir la Maison centrale de Nîmes après une mutinerie,
on aurait dit un bombardement. Un détenu s'était jeté dans
les flammes... C'était quand même des choses vraiment... Jusqu'au
milieu 74, c'était explosions, volcans et tout. C'est seulement en 75
que c'est devenu un peu moins... [...]
E.F : Le discours de Le Corno était de dire
qu'il y avait des éléments subversifs extérieurs qui
attisent les révoltes...
J.F : Oui bien sûr et il était farouchement
opposé à l'entrée de la presse. Alors la presse par
exemple, quand elle rentrait, on découpait les articles. Et après
coup, je me suis rendu compte que c'était complètement idiot
parce que ça alimentait l'imaginaire des détenus. Parce que plus
on découpait de choses dans la presse et plus ils pensaient qu'il se
déroulait. Vous vous rendez compte on a assassiné ! Le feu
prend quand tout est inflammable... Et c'est inflammable pour toutes sortes
d'autres causes. Le Corno il ne pensait qu'à une chose, c'était
ajouter des grilles partout... Moyennant quoi, Clairvaux on s'était
rendu compte que toutes les gilles n'étaient pas fermées ou que
même fleur pouvait exploser. S'ils veulent tout faire sauter, ils peuvent
toujours. Lui, il avait la pensée classique d'un préfet :
« On va rétablir l'ordre ! ». Moi, j'en avais
conclu qu'il valait mieux satisfaire ce qu'on pouvait satisfaire. Et qu'il ne
fallait pas tarder d'intervenir. Il ne fallait même pas les laisser
monter sur la toiture.
E.F : À cette époque là, vous
avez découvert les conditions de détention ?
J.F : Y avait des cages à poule encore...
C'étaient des dortoirs... C'est des machins grillagés.
C'était quand même des conditions de détention...
C'était la vieille taule. On se rendait compte quand même qu'il y
avait des conditions de détention effroyables. C'étaient souvent
des taudis [...]
E.F : Et c'est à ce moment que des
associations comme le GIP interviennent. Vous en pensiez quoi ?
J.F : Ben c'était un peu comme le Syndicat. De ce
que je savais c'était souvent tourné... vers l'excessif.
J'étais plutôt tourné dans leur sens mais je pensais que
c'était un peu excessif et pas assez proche de la réalité.
C'était trop polémique pour moi. Mais en même temps,
j'étais plutôt de ce côté. Mais mes réflexions
ont toujours été strictement individuelles. J'ai souvent
rencontré Lazarus que j'aime bien. Mais il y a des choses que je
n'aimais pas et que je n'apprécie toujours pas aujourd'hui. Par exemple,
je n'aime pas qu'on dise : « CRS, SS ». Parce que
quand j'ai été gamin, j'ai connu la guerre. Bon, j'aime pas les
CRS mais ce ne sont pas des SS. J'aime bien qu'on fasse les distinctions. Et
par exemple, Lazarus, qui est un homme charmant et délicieux,
véhiculait par exemple la notion de torture blanche. Et pour moi c'est
pareil. C'est comme « CRS, SS ». Ça finit par
être linéaire. Alors que j'étais tout aussi opposé
que lui à cela... Mais ça finit par banaliser la vraie
torture ! [...]
E.F : Et la phrase de Giscard, « La peine
c'est la détention », c'est quelque chose qui était
important pour vous ?
J.F : Oui ça c'était un geste courageux
ça ! Moi j'ai trouvé que c'était un geste courageux
et ça m'a bien plu ça. Et pourtant, j'étais pas
Giscardien ! Ceci dit, la suite, parce que j'étais là, les
réformes, c'était pas le serrage de main...
E.F : Et Hélène Dorlhac de Borne,
c'était quelque chose d'important pour vous ?
J.F : C'était bien quand même qu'il y avait
un secrétaire d'Etat à la condition pénitentiaire car
ça reconnaissait la condition pénitentiaire... Elle avait son
style. Des robes un peu grandes pour aller visiter des prisons de mecs.
Après on a fait dans la mixité mais à l'époque,
c'était pas ça... C'était bien ça ! Elle est
pas restée jusqu'au bout. Ça a été liquidé
dans la deuxième partie du septennat. La fin était moins
glorieuse. Cette poignée de main, je lui ai vraiment mis à son
[Giscard] crédit.
ANNEXE 39 : ENTRETIEN AVEC YVAN ZAKINE
Yvan
Zakine, magistrat affecté à la DAP de 1962 à 1970 puis
directeur de la DAP de juillet 1981 à avril 1983. Président de
Chambre honoraire à la Cour de cassation et médiateur au Centre
de médiation et d'arbitrage de Paris lors de l'entretien
réalisé le 20 mars 2008 dans son bureau (Paris).
Durée : 3H00.
Ne sont cités ici que des extraits de l'entretien.
Y.Z : Quand je suis rentré dans la magistrature,
en 1962, j'étais tout jeune substitut à Argentan et j'avais envie
de me rapprocher de Paris. Et quand vous avez seulement deux ans d'exercice,
vous devez passer à la Chancellerie. Alors j'ai dit oui pour des raisons
familiales. Et donc j'arrive à la Chancellerie et on me dit :
« Vous êtes affecté à la Direction de
l'Administration pénitentiaire ». Bon. Je ne peux pas dire que
j'ai été enchanté d'une telle affectation et j'ai
été reçu par André Perdriau, qui était
sous-directeur de la détention et qui était magistrat
lui-même. Il m'a reçu en entretien, un homme très amusant
et me dit : « J'imagine que vous n'avez pas été
enchanté d'être affecté à l'Administration
pénitentiaire ». Honnêtement, non. « Je pense
que tous les jeunes magistrats qui arrivent à la Chancellerie, et il
ajoute, comme moi-même d'ailleurs il y a un certain nombre
d'années, vous rêvez sans doute d'une direction plus
noble ». Je lui dis : « Oui ! ».
« Ecoutez, vous faites un an chez nous. Vous vous faites à
cette idée. Dans un an, si vous dites que vous êtes allergique
à la matière, ce que je comprendrais fort bien, je m'arrangerais
pour vous faire affecter ailleurs ». Et il a ajouté
malicieusement : « En revanche, je vous préviens, si vous
me dites que vous restez avec nous, cela voudra dire que vous aurez
attrapé le virus, et je vous préviens, vous l'aurez
jusqu'à la fin de vos jours ! ». Et ça a
été le cas. Je suis resté dans cette direction comme
magistrat de base jusqu'à 1970. Puis je suis passé dans le
cabinet de trois gardes des Sceaux successif où je ne me suis pas
occupé directement des prisons mais indirectement, j'y suis allé
à un moment oùs Simone Veil... Nous avions travaillé
ensemble à la Pénitentiaire. Et donc, bon, je suis parti ensuite
comme vice-président au tribunal où je suis resté jusqu'en
1980, les circonstances ont fait que je suis retourné à la
Chancellerie comme directeur de l'Education surveillé. Puis est
arrivé mai 81. Badinter et nommé garde des Sceaux et, pour
diverses raisons, alors que moi je m'attendais à être
remercié et repartir dans mes pénates, dans le grand
chamboulement de 81, il m'a dit : « Ecoutez, la
Pénitentiaire est dans une période un peu difficile, tendue, elle
est compliquée ». Bon, lui-même d'ailleurs n'a pas
été accueilli à bras ouverts par le personnel
pénitentiaire. Pour eux, c'était l'homme de l'affaire Buffet
Bontemps. Il les avait beaucoup critiqués. Pour sauver la tête de
son client, il a été contraint de charger un petit peu le
personnel pénitentiaire en disant : « S'ils sont devenus
des fauves, des machins, c'est parce qu'on les a ... ». Alors vous
comprenez que l'Administration pénitentiaire était loin
d'être enchantée de voir Robert Badinter arriver comme garde des
Sceaux. Donc, dans une sorte de décision d'apaisement et pour rassurer
le personnel, Badinter m'a demandé de prendre en charge la
Pénitentiaire en juillet 81.
E.F : En 1962, vous étiez affecté
à...
Y.Z : ... au Bureau de la détention, avec une
orientation un peu particulière à partir de 1967 quand Simone
Veil a quitté l'Administration pénitentiaire, j'ai
commencé à travailler au niveau de la gestion médicale.
Les autorisations de sortir, toute la cuisine au quotidien des soins. Et c'est
à cette époque, que nous avions fait la circulaire, ça
avait démarré à Lyon d'ailleurs, sur les Centres
médico-psychologiques régionaux. C'était la cellule
où ça bougeait beaucoup. Intellectuellement parlant. Il y avait
tout un cycle de séances sur le service médical qui avait
été fait à la Société générale
des prisons. Hivert avait créé de facto l'Annexe psychiatrique de
la Santé. Il avait pris sur lui et il avait mis l'Administration devant
le fait accompli. Et ça avait été, avec les lyonnais, ils
étaient un peu en synergie ou en concurrence de bon aloi, chacun voulant
en faire un petit peu plus. Et ils avaient mis l'Administration
pénitentiaire devant le fait accompli. Finalement, ceux qui ont des
troubles psychologiques, parce que la médecine générale
elle était traitée bon an mal an, mais c'était le
côté psychiatrique qui posait de gros problèmes parce que
c'était l'époque où les hôpitaux psychiatriques
commençaient à s'ouvrir sur l'extérieur et où
l'enfermement dans l'hôpital psychiatrique était de moins en moins
pratique et ce qui posait un problème de sécurité majeure
pour les délinquants qui arrivaient en prison. Les psychiatres
étaient de plus en plus réticents à recevoir des
délinquants [...] Déjà l'Administration était
confrontée à cette difficulté. Et puis quand je dis 62,
c'était la fin de ce que pudiquement on appelait les
événements d'Algérie avec sur le territoire les
détenus de l'OAS. Donc on avait des détenus
particulièrement dangereux. Ils avaient très bien perçus
que le seul moyen d'échapper à la prison, c'était de se
faire hospitaliser. Donc on a été confronté en plus
à la nécessité d'organiser en détention des soins.
C'était une population beaucoup plus consciente de ses droits que le
détenu... Bon c'est un peu méchant ce que je vais dire mais le
détenu de base, délinquant, il subit la détention alors
que les autres en faisaient une arme de combat politique, en disant :
« On est malade. Il faut nous soigner. On a des droits ».
Et à l'époque il y avait les généraux putschistes
des barricades, il y avait des gens qui n'étaient pas des détenus
de base comme l'escroc ou le pickpocket, qui eux s'accommodaient des exigences
carcérales. Et là on a vu apparaître des revendications et
des exigences de soins [...] Vous avez deux pôles de problèmes qui
sont consécutifs à la guerre d'Algérie. Vous avez les
problèmes de santé et les problèmes d'éducation.
C'est dans le même temps qu'on a vu se développer en
détention, les études et notamment les études
supérieurs. J'ai le souvenir, pour l'avoir organisé, du premier
centre universitaire en prison pour des détenus OAS qui étaient
en cours d'études à l'université d'Alger et qui avaient
fait le coup de poing des barricades et qui se sont retrouvés à
La Santé. Qu'est ce qu'on fait ? Ces gens là allaient
ressortir. Et c'est pourquoi on avait organisé avec l'Université
de Paris un centre d'examen en détention.
E.F : Concrètement sur la prise en charge
sanitaire...
Y.Z : Ça a commencé avec les
problèmes psychiatriques. Ce sont les premières circulaires [...]
Sur la médecine somatique y avaient toutes les infirmeries. Y avait un
service infirmier permanent dans les gros établissements. Mais dans les
petits établissements, il n'y avait pas de présence permanente. A
la Maison d'arrêt de Guéret, l'infirmière, elle, venait
quand on lui demandait de venir. Dans les gros établissements, on avait
en plus spécialisé des surveillants. Ils faisaient des cours
à l'hôpital de la ville. C'était une qualification certes
rudimentaire mais qui permettait en urgence, lorsqu'on n'arrivait pas à
mettre la main sur le médecin ou l'infirmière, à faire
face... Ils avaient au moins le diplôme de secourisme et on veillait
à ce qu'ils le passent [...] Et puis on a eu la création d'un
poste de Médecin-inspecteur général qui a
été créé par Edmond Michelet qui a
été garde des Sceaux de janvier 59 à août 61. Edmond
Michelet est le premier garde des Sceaux à s'être vraiment
préoccupé de la condition des détenus. C'était un
chrétien social, très engagé, très croyant,
très engagé sur ce plan là. Il a eu l'idée de
créer ce poste. Il s'agissait, d'une part, de contrôler le
fonctionnement, la façon dont étaient dispensés les soins
dans les établissements pénitentiaires et aussi en
arrière-plan, non avoué à l'époque parce qu'on
tâtonnait à peine, de voir comment assurer non seulement la
qualité des soins mais un service permanant médical et Georges
Fully a défendu très vite l'idée que pour avoir un service
médical de qualité, à part certains médecins
apôtres, à cette époque il voyait bien honnêtement
que ce n'était pas leur tasse de thé... Et donc pour avoir une
médecine de qualité, il fallait que ce soit en harmonie ou en
symbiose avec le milieu médical extérieur, et donc ne pas
seulement faire appel à un médecin libéral pour qu'il
vienne faire quelques vacations mais avoir comme dans les hôpitaux... Et
donc Fully a eu l'idée de dire : « Il va falloir signer
des conventions avec les hôpitaux ». Et une des
premières conventions, c'est celle que j'ai été
amené à faire avec l'hôpital Malakoff qui nous avait
détaché le médecin-chef de Fresnes [...]
E.F : Et Fully...
Y.Z : Alors Fully a pris en charge. Alors lui, il
était sur le terrain. Il allait toujours par monts et par veaux d'abord
à mettre en place des services médicaux et infirmiers
cohérents et satisfaisants. Sa vision, c'était d'avoir quelque
chose le mieux possible et capable de dispenser des soins de qualité.
C'était un peu la quadrature du cercle mais il s'y est attaché
avec beaucoup de volonté. Et souvent il me disait :
« Tout ça c'est du rab ». « Du rab par
rapport à ce que je n'ai pas eu. J'ai failli y laisser ma peau dans les
camps donc... ». Il avait une vie très active. Il faisait le
rallye de Monté Carlo, il skiait comme un fou... Et il avait un
côté chaleureux et il a rallié à lui tout un groupe
de médecins, qui pour certains d'entre eux avaient été
prisonniers de guerre, il amené tout un ensemble de médecins. Qui
avaient amenè peu ou prou la privation de liberté à
s'intéresser aux prisons. Il avait lancé l'idée qu'un jour
il faudra que la Santé publique prenne en charge... C'était
l'idée que la prison fait partie de la ville. Ce n'est pas un monde
à part. Les gens qui sont en prison sont des citoyens. A partir du
moment où vous avez supprimé la peine de mort et la
relégation, c'est-à-dire que vous avez à gérer une
masse de détenus sur le territoire, s'est posé avec acuité
le problème de leur santé [...]
E.F : À cette époque-là les
médias étaient assez peu...
Y.Z : Ça n'intéressait personne !
Ça n'intéressait personne ! [...] Un exemple, dans cette
première période. Foyer était garde des Sceaux. Vous savez
un des premiers établissements modernes construit après la guerre
était celui de Muret dont était natif Vincent Auriol, alors
Président de la République. Il avait allé dû voir le
chantier mais c'est tout, et encore ! Par la suite, Foyer était
garde des Sceaux. Ça devait être en 64-65, quand on a ouvert la
Maison d'arrêt de Valencienne qui était le deuxième
établissement moderne. Et Foyer a inauguré l'établissement
pénitentiaire. C'était le premier garde des Sceaux que je voyais
inaugurer un établissement pénitentiaire. Ça ne s'inaugure
pas une prison. Vous inaugurez une école, un foyer, une crèche
mais pas une prison. Electoralement, ça n'est pas porteur. Ça m'a
valu une observation véhémente pour l'avoir dit d'ailleurs !
[...] J'étais à Mont-de-Marsan. On parlait de l'insertion dans la
Cité et donc ça devait être en 82. Je me souviens
c'était un après-midi et il faisait un soleil de plomb. A un
moment, le surveillant chef de la prison me dit : « Oui, bien
sûr il faut insérer la prison dans la Cité... ».
Sous-entendu : c'est un discours de parisien que vous tenez mais bon. Il
me dit : « Vous avez deux minutes là ? On va
sortir ». Alors on sort de la prison, on va au coin de la rue. Il me
dit : « Attendez, on va s'arrêter là »,
au coin de la rue. Et le mur d'enceinte de la prison longeait tout le trottoir
qui était à l'ombre parce que le soleil venait de l'autre
côté. Et en face, le trottoir grillait de soleil. Et il me
dit : « Vous allez voir, regardez ». Y avaient trois
chats à cette heure avec cette chaleur de plomb. Et je vois arriver
à l'angle deux braves dames, deux braves mémères. Elles
arrivent là, je pensais qu'elles allaient continuer, puisqu'elles
étaient à l'ombre et qu'elles allaient continuer à
l'ombre. Non. Arrivées là au coin d'en face, c'était le
mur de la prison qui commençait, elles traversent et elles vont sur
l'autre trottoir, grillé de soleil, jusqu'à dépasser le
mur de la prison pour revenir ensuite à l'ombre. Il m'a dit :
« Voilà ». Pour lui, c'était difficile. Il
avait très bien compris. Pendant des années, je me suis
évertué... les directeurs des établissements
pénitentiaires étaient logés dans la prison. A La
Santé, vous passez le grand portail, vous avez une cour où sont
les logements de fonction. Et ce qu'il faut savoir, c'est que tant que la peine
de mort existait, les exécutions capitales avaient lieu dans cette cour,
et non pas dans la cour intérieure où les détenus auraient
vu. Dans la cour première, sur laquelle donnaient toutes les
fenêtres des personnels... Quand nous sommes allés à
Perpignan que j'ai fait désaffectée en 83. Elle était
installé dans un souvent de soeurs clarisses du 15ème
siècle. Il faut savoir que la règle de l'ordre est de ne jamais
voir directement le soleil. Même le déambulatoire du cloître
est couvert. Alors vous vous imaginez la cellule monacale devenue cellule de
détenu, où il y avait cinq ou six détenus, où vous
trouviez le sceau hygiénique, tout quoi ! Il y avait six bonhommes.
On ne voyait la lumière que par un soupirail. C'était la maison
d'arrêt de Perpignan.
E.F : Cette conviction que la prison devait
être ouverte sur la ville, c'est quelque chose qui vous est apparue
quand ?
Y.Z : Quand je suis arrivé à la
Pénitentiaire au départ, j'étais tel que j'avais
été formé si vous voulez. Les magistrats de ma
génération, c'est-à-dire de l'avant dernier concours avant
la création de l'ENM, une fois devenu magistrat, on avait un stage
pénitentiaire, que j'appelle du tourisme pénitentiaire. Dans
l'euphorie du concours, on avait passé une semaine à Melun qui
était la Centrale pilote où on appliquait le régime
progressif. Quand le directeur de la Pénitentiaire, M. Amor, importe le
régime progressif, il nomme comme directeur M. Guéraud qui
était issu des cadres de l'Education surveillée. C'était
un ancien instituteur qui s'était engagé dans la réforme
de l'enfance en danger. A Melun, c'était un des premiers services
médicaux permanents parce que, par hypothèse, l'organisation du
régime progressif est axé sur non pas la détention mais
sur la sortie de prison. Et pour sortir en bonnes conditions encore faut-il
qu'on l'ait maintenu en bonne condition. Il fallait qu'on ait les conditions de
vie les plus proches possibles de la vie externe [...] Et si vous voulez, cette
première vision que j'avais eu pendant mon stage, en tant que jeune
magistrat, à Melun...ça m'avait amené à
réfléchir à cette question. Et par la suite, quand je suis
arrivé à la Direction de l'Administration pénitentiaire,
je me suis dit : « Pourquoi pas ailleurs ? ». Et
c'est comme ça qu'on a développé le régime
progressif à Ensisheim, à Mulhouse, à Muret. Et le
développement voulu par Badinter de la libération conditionnelle.
Donc de plus en plus le monde pénitentiaire s'est orienté vers la
sortie de prison. Et dans ces établissements à régime
progressif, il y avait un système médical plus
développé. Mais ça allait de pair. Il y avait le
système éducatif et il y avait le système médical.
Y avait un personnel infirmier à demeure et des médecins
vacataires, souvent hospitaliers.
E.F : Et justement au début des années
soixante, au sein de l'Administration pénitentiaire est-ce que cette
idée d'ouverture vers la Santé publique fait consensus ou
ça fait débat ?
Y.Z : [Silence] Alors, au niveau de la Direction de
l'Administration pénitentiaire, il y avait un consensus total. Sous la
double influence de Fully, des directeurs successifs... Au moins
jusqu'à, et y compris, Robert Schmelck. C'étaient pratiquement
tous des magistrats. A partir du moment où on a basculé sur des
directeurs de l'Administration pénitentiaires issus de la
Préfectorale... la vision était différente et je ne leur
jette par la pierre car ils étaient formés à un
impératif premier qui était la sécurité avant tout.
C'était leur formation. Et s'ils ont été choisis. Il y a
toujours des magistrats jusqu'à Raymond Morice. Schmelck était
directeur de l'AP [raconte l'épisode de l'évasion de Robin]
E.F : Le fait qu'il y ait eu plusieurs
évasions suite à des hospitalisations a renforcé
l'idée qu'il fallait améliorer la prise en charge sanitaire des
détenus ?
Y.Z : Oui. Alors, il y avait les deux choses. Ce n'est
pas seulement parce qu'il y avait des évasions, qu'on a voulu les
développer. Il y avait un humanisme élémentaire, plus les
problèmes de sécurité [limitation des collectes de sang
à une fois par an] Quand je dis la qualité des hommes qui
dispensent les soins et à leur compétence, je pense tout
naturellement à la nécessité de faire prendre en charge
sinon dans un premier temps.... On n'a pas réussi, nous n'avions pas
réussi, je n'avais pas réussi, à faire prendre en charge
par la Santé publique l'intégralité du secteur
médical carcéral mais à tout le moins avec la convention
avec l'Hôpital des Baumettes. Ces conventions ont permis, si je puis
dire, d'introduire le virus carcéral dans l'esprit du monde de la
santé publique et de les amener à se dire : « Ben
oui, finalement, dès lors que ces gars-là on va les
récupérer autant les soigner maintenant ».
E.F : Et à partir de la nomination de Raymond
Morice, l'idée de signer des conventions était
exclue ?
Y.Z : Il n'en était pas question. On a des
infirmiers, médecins. Et les détenus, ils n'ont qu'à bien
se tenir. S'ils sont en prison, c'est qu'ils l'ont bien voulu. Encore une fois,
c'était sa conception du service public. Il avait une vision du service
public sécuritaire. Le Corno, c'était pratiquement la même
chose. Mégret était un homme remarquable. C'était un
humaniste jusqu'à la moelle des os, d'un humanisme. Ce fut d'ailleurs le
créateur de l'ouverture du recrutement, ce qui n'était pas
neutre, pour le personnel de direction. Car avant ils étaient issus des
rangs. C'était encore fermé, comme la prison si j'ose dire !
Ils avaient tous été soit surveillants, soit économes,
soit éducateurs. Mais ils étaient issus du concours basique.
L'idée de Mégret était de dire, et c'était
là aussi cette ouverture de la prison vers la Cité :
« C'est inconcevable. La prison doit être comme tous les autres
services publics, c'est-à-dire avoir un concours interne et un concours
externe ». Et on a vu affluer des anciens étudiants de droit
ou de sciences humaines. Avec Morice jamais on aurait eu cela. Dablanc a
été confronté à une période difficile,
c'était Action directe, les Corses donc il avait eu un souci de
sécurité très fort, il sécurisait les
Pénitentiaires de base [...] Nous étions tous, aussi bien dans ma
première que dans ma seconde peine pénitentiaire, nous
étions tous désireux de voir se développer la
qualité des soins dans les prisons. Avec le chef de Bureau qui
était Xavier Nicot et le sous-directeur, Perdriau, on a pris des
risques. Parce que nous avions cette vision humaniste. C'est l'ensemble de la
collectivité qui a à assumer le bien être sociale de tous
les citoyens, y compris de ceux qui sont en prison [...] Ce n'est pas un monde
à part. Ce n'est pas parce qu'il est cloisonné qu'il est à
part dans la Cité. C'était le thème de l'un des colloques
que nous avions fait à la Société des prisons.
E.F : Et justement c'était un terme qui
revenait beaucoup à l'époque celui de
décloisonnement...
Y.Z : Oui le décloisonnement, notamment dans le
domaine médical, consistait à dire que finalement les gens qui
passent l'internat ou qui passent les concours, et bien autrement dit le poste
de médecin-chef de Fresnes est dans les postes ouverts au concours. Pour
que ces médecins n'aient pas le sentiment d'abandonner leurs corps
d'origine, il fallait que la Santé publique dise :
« C'est à nous ». D'ailleurs, c'était
à double sens. Car cette prise en charge par la Santé publique
lui permettait de ne pas avoir des chambres de sécurité pour les
détenus. Ce n'est donc pas seulement de la bienveillance de leur part.
La contrepartie, c'est qu'ils évitent tous les inconvénients
liés à la prise en charge sanitaire des détenus. A
l'époque, le seul centre de consultation en pneumologie c'était
le centre Marie-Lalellongue qui était dans le 13ème
arrondissement, dans la rue de Tolbiac. C'est un établissement qui n'a
pas de cour, c'est un immeuble en pleine ville sur le trottoir. Donc quand il
fallait envoyer un détenu en consultation, je ne sais pas si vous
imaginez les problèmes que ça pouvait créer. Ça
bloquait tout. C'était un calvaire pas possible. Donc la direction de
l'hôpital était plus que réticente à ce qu'un
détenu vienne. Ne parlons pas du jour où il fallait hospitalier
quelqu'un à Marie-Lalelongue. C'était l'apothéose.
E.F : Et vous vous rappelez quand vous avez entendu
parlé pour la première fois de cette notion de
décloisonnement ?
Y.Z : C'était déjà un mot phare des
conversations de Fully. « Il faudra qu'un jour on obtienne le
décloisonnement de la médecine pénitentiaire à
l'égard de la médecine hospitalière ! ». Je
l'entends, je le vois encore marteler ça. C'est-à-dire qu'il
fallait faire prendre en charge [...] J'ai été directeur de la
Pénitentiaire uniquement parce que j'étais un magistrat
connaissant cette administration à un moment où le garde des
Sceaux était un peu... un peu gêné pour se faire admettre.
« Les syndicats vous connaissent, les directeurs vous connaissent,
etc. ». Il avait sondé quelques chefs d'établissements
pour savoir... Et il ne se voyait pas balancer un directeur que personne ne
connaissait. En plus, comme il m'avait dit : « Je ne peux pas me
payer le luxe de prendre un directeur qui a besoin de six mois pour faire
l'état des lieux ». Parce que quand Badinter est devenu garde
des Sceaux, vous savez, ça n'était pas l'euphorie dans le monde
carcéral. Chez les surveillants. Moi j'avais quitté depuis
quelques années mais j'avais gardé des relations avec nombre de
chefs d'établissements que j'avais connus jeunes sous-directeurs et qui
avaient pris du galon. Comme j'avais cette période au cabinet, j'avais
gardé des relations. Ils avaient tous été très
satisfaits quand on avait ouvert le concours aux étudiants et beaucoup
avaient pris du galon. Ce qui n'était pas toujours facile à
gérer. Avant cette ouverture du concours, le personnel, y compris les
directeurs régionaux, était issu de la base, c'est à dire
des gens formés sur une base quasi militaire, qui obéissaient au
doigt et à l'oeil, sans « hésitations ni
murmures » comme disait le règlement militaire à
l'époque. Bon. Ben quand on a eu à certains postes, même
pas de haute responsabilité, des gens issus de l'université, et
bien l'hésitation et le murmure c'est la règle d'or ! Parce
qu'ils estiment que c'est leur devoir de citoyens. L'obéissance aveugle
non. C'est moins facile à gérer pour un directeur
général. Y avait un personnel monolithique, discipliné,
qui n'avait pas d'état d'âme. Vous vous retrouvez avec des gens
réfléchis, intelligents qui vous font part de leurs doutes.
Ça n'est pas seulement au niveau des directeurs qu'on a eu cela. Le
panorama général des surveillants de base était
fondamentalement différent de celui que j'avais découverte en
1962. On était surveillant de père en fils depuis des
générations. Clairvaux, tout le personnel c'était des
cultivateurs du coin qui venaient depuis X générations. A
Fontevrault c'étaient des agriculteurs. Ils avaient encore le foin dans
les sabots quand ils venaient prendre leur service [...] Et vous pouvez plus
facilement faire admettre des réformes, des réformes de fond du
personnel pénitentiaire. Les gens étaient beaucoup plus ouverts.
Notamment les sous-directeurs et les surveillants-chefs qui étaient de
la même origine intellectuelle. Et ça a changé
complètement la vision que les fonctionnaires ont de leur outil de
travail. A partir du moment où vous avez des gens qu
réfléchissent à l'utilité de la prison. En 1962, et
là aussi je ne leur jette pas la pierre, mais pour être
recrutés il fallait connaître les trois opérations et il
fallait faire moins de dix fautes à une dictée. C'était
tout ! A partir du moment où vous avez des gens qui
réfléchissent, qui s'informent, c'est complètement autre
chose. Je crois que ce qu'a pu imposer dans les années 66-67 un homme
comme Raymond Maurice ou Le Corno, ils n'auraient jamais pu le faire
après [...]
E.F : Et justement en juillet 81, vous avez
tenté d'obtenir l'assentiment des syndicats ?
Y.Z : Quand on a mis en gestation la série de
décrets de janvier 83. Ces décrets ne sont pas sortis de ma
tête. Badinter m'avait demandé, je lui ai dit :
« La Pénitentiaire j'ai assez donné » et il
m'a dit : « Ecoutez, y a une série de choses que
j'aimerais bien qu'on puisse mettre en place ». La
télévision, les parloirs rapprochés...Quand il m'a dit
cela. « Ecoutez, c'est dans ma tête ». Moi ça
j'en étais convaincu. Il a une tête tellement bien faite que
j'étais convaincu. Je lui ai dit : « Non, on va d'abord
mettre en place une commission ou un groupe de travail ... Il faut qu'on
recueille l'adhésion ». Parce que c'est facile de torpiller
n'importe quelle réforme pénitentiaire. Il faut que vous ayez un
personnel qui adhère. Précisément, la connaissance que
j'avais de ce personnel faisait que j'étais vraiment dans une relation
de confiance avec certains d'entre eux. J'ai commencé à leur
vendre ma marchandise. On a amené progressivement les gens à
réfléchir. Je n'ai pas voulu m'en tenir qu'aux syndicats.
Même les organisations syndicales je leur avais dit :
« Repérez moi quelques gens de qualité, même
s'ils ne sont pas syndiqués » [...] On a travaillé
d'arrache-pied. Il y a des choses qu'on a laissé de côté
parce qu'il est apparu que les esprits n'étaient pas assez mûrs.
Notamment les visites conjugales. On avait déjà admis le parloir
rapproché [...]
E.F : Et la question médicale, j'imagine, a
été abordé ?
Y.Z : Oui et là aussi, c'est le
décloisonnement. Il y avait des représentants du ministère
de la Santé et ils freinaient des quatre fers. Les gens qu'on nous avait
envoyés. C'était pas gratifiant. Aller à Fresnes ou
à la Santé, c'était pas très gratifiant.
L'inspection, ça a été l'amorce. L'inspection
médicale, c'était un rouage de la direction de l'Administration
pénitentiaire. Une inspection, dans la vision des choses, une vraie
inspection doit être extérieure à l'organigramme de
l'administration qui gère ce service. L'inspection, c'est la vision de
quelqu'un qui est totalement indépendant, totalement indépendant.
Je suis convaincu que ceux qui sont nommés à de telles fonctions
d'inspection sont totalement intellectuellement indépendants. Et je l'ai
vécu avec Fully qui disait : « Non, moi je ne suis pas
d'accord ! ». Le problème, de l'indépendance n'est
pas le regard que se fait l'acteur c'est l'idée que s'en font les
autres. C'était ça le vrai problème d'une
indépendance d'inspection. C'est l'idée que s'en font les autres.
Vous ne m'enlèverez pas l'idée que le gars qui ses bureaux au
sein de la Direction de l'Administration pénitentiaire, qui est
rémunéré par cette même direction, même s'il
est indépendant dans les neuf dixième des cas, le problème
c'est l'idée que s'en font les détenus et les familles de
détenus. Lorsqu'une famille vous accuse de toutes les horreurs et que
tous avez tous les rapports du médecin-inspecteur, ancien modèle,
qui vous dit qu'il n'y pas de problème on vous répond :
« Mais bien sûr, il est de la maison ! ». En
revanche, quand vous avez quelqu'un de totalement extérieur [...]
E.F : Et c'est quelque chose auquel vous étiez
confronté ?
Y.Z : Ah oui. Ou les démarches d'avocats. Fully
avait pris des positions assez rigoureuses. Il avait la vision si j'ose dire
des limites et c'est vrai que certaines fois on lui disait :
« Si vous rentrez dans son jeu, c'est fini parce que vous allez avoir
une épidémie de grève de la faim ». Et c'est
vrai qu'on a jamais eu de pépins parce que beaucoup étaient des
grévistes bidons. Il y en avait un qui était à Fresnes qui
faisait la grève de la faim. Tous les journaux en parlaient.
C'était une affaire financière qui avait dérayé la
chronique. Le juge d'instruction passait son temps à me tanner en me
disant : « Il faut le mettre à
l'hôpital ! ». Il ne voulait surtout pas qu'il y ait un
problème. Moi si je le mettais à l'hôpital, j'en avais 500
derrière à hospitalier. Et puis au troisième jour, le
médecin m'appelle et me dit : « Vous savez votre
gréviste de la faim c'est du bidon, il bouffe ! Le surveillant l'a
surpris l'autre jour en train de bouffer en cachette dans sa cellule. Alors
moi, je vais tout lui retirer ». « Non, vous lui laissez.
Je préfère qu'il reste gréviste de la faim et qu'il ne
nous empoisonne pas la vie avec des problèmes de santé. Laissez
faire et on verra bien ». Ça a duré une quinzaine de
jours, il se portait comme un charme. Son avocat demande une audience :
« Vous savez, c'est épouvantable, il faut absolument le mettre
à l'hôpital ». « Non visiblement tout se
passe bien, on lui prend la tension trois fois par jour et visiblement il est
robuste. Et si jamais il arrive un problème, vous serrez responsable car
vous êtes son avocat et vous n'aurez pas réussi à le
convaincre de cesser de s'afficher comme gréviste de la
faim ». Il a compris. Quelques jours après le directeur en
m'annonçant qu'il avait cessé sa grève de la faim. A
l'époque c'était pas crédible de dire : Mme
Troisier...
E.F : Mais pour Fully, pour les grèves de la
faim qui étaient réelles, quelle était selon vous
l'autonomie des médecins ?
Y.Z : Ils ont marqué incontestablement leur vision
des choses et aucun directeur de l'AP n'a jamais osé aller à
l'encontre d'une prescription médicale [...] C'est vrai que dans
d'autres temps et avec d'autres directeurs, on pouvait dire :
« Attendez un petit peu, on verra bien. Vous savez, il a pris des
risques. S'il doit claquer... ». Alors certains étaient
hostiles. Certains dès le départ. La perfusion, c'est facile
à dire mais le gars qui n'en veut pas il fait la sangler. Sur le plan
des principes c'est pas évident. Et puis ça mobilise un personnel
24 heures sur 24 à côté du bonhomme [...] Y avaient des
gavages mais plus perfide, il y avait cette méthode qu'il avait
découverte au passage dans un établissement où il avait
rencontré un brave surveillant, vous savez de l'ancienne école
qui lui avait dit : « Ah non, moi, les grèves de la faim,
ça me pose pas de problème. Ma méthode, c'est d'arriver
devant la porte de sa cellule, avec un réchaud, une poêle à
frire et des oignons en rondelles ». Authentique. Il avait
poussé des grands cris : « C'est pas
possible ». Fully il essayait de convaincre, c'était
l'apôtre de l'humanisation des prisons. Il avait un peu cette
auréole de son passé. Les gens le connaissaient, le respectaient
beaucoup, les Pénitentiaires le respectaient beaucoup. Il avait
été jeune résistant, jeune déporté. Ils
avaient incontestablement beaucoup de respect pour lui et certains chefs
d'établissements qui étaient de sa génération. Ils
se comprenaient très bien [création de l'ENAP en 68] le
bâtiment de l'école était une excroissance de Fleury qui
devait être le bâtiment des Jeunes détenus. Et au moment de
la fin des travaux, le garde des Sceaux était venu, il avait
visité le complexe carcéral, avec le mur, bien sécurisant
et puis il voit ce bâtiment où il n'y avait qu'un grillage,
symbolique. Et il dit : « C'est quoi ça ? C'est pour
le personnel ? ». On lui répond : « Non,
c'est pour les jeunes détenus ». Mais vous n'y pensez
pas ». C'était à l'époque de l'angoisse de
l'évasion. « Vous allez mettre des détenus ici ?
Pas question ». Donc le local est resté
désaffecté dans un premier temps puis on y a mis l'école
dans ce qui devait être le centre de jeunes détenus de
Fleury-Mérogis.
E.F : Est ce que Fully n'était pas
considéré au sein de l'Administration pénitentiaire comme
étant trop politisé ?
Y.Z : Non. Il était bien gaulliste. Il
était le compagnon de Michelet et c'est ce qui apparaissait en premier.
Il avait été mis là par Michelet, puis il a
été maintenu. Il y avait eu une continuité jusqu'à
la petite inflexion à l'arrivée de Pleven qui n'était pas
de l'UNR. Pleven c'était le mouvement centriste, c'était
l'ouverture de Pompidou. Mais Pleven n'aurait pas touché à Fully
[...] Il a su se faire adopter par les Pénitentiaires et lorsque j'ai
été au cabinet de Pleven il n'a jamais été question
de se séparer de lui. Ni du temps de Beljean. Il était
très écouté. Il était surtout très en
symbiose avec le directeur qui était Schmelck. Ils étaient
très proches, même sur le plan personnel. Ils chassaient ensemble.
Ils étaient très sportifs. Ils allaient tous les deux à la
chasse au sanglier. Fully était très mondain, très
cavaleur.
E.F : Par contre je suis étonné quand
vous dites qu'il était gaulliste...
Y.Z : Il était loin d'être de droite... Il
était un peu de ce qu'on appelait les gaullistes de gauche. Il
était très proche de Brosse qui avait été
ministre des anciens combattants. Il se réclamait du
général de Gaulle mais du général de Gaulles de
Londres, pas le général de Gaulles d'après 58. Fully avait
réussi à se faire entendre dans le monde pénitentiaire et
à être adopté. Quand il disait quelque chose, je n'ai pas
de souvenirs, d'échos de chefs d'établissements s'étant
plaints d'une réflexion entérinée par Fully. Et il savait
garder la distance. Il était vraiment Médecin-inspecteur.
Même avec les confrères alors que son successeur avait un peu
tendance à se substituer au médecin praticien et ce fut un sujet
de frictions entre elle et moi. Elle m'a rendu responsable de son
éviction [...] Je n'avais pas besoin, pour reprendre l'expression de
Badinter, de période d'essai et donc je mesurais quasi
immédiatement la portée des décisions que je pouvais
prendre. D'abord, ça sécurisait les fonctionnaires qui me
faisaient, parce qu'ils m'avaient connu jeune magistrat, une certaine
confiance. Beaucoup s'étaient confiés à moi et cela a
continué même quand j'étais devenu directeur [connaissait
bien Hivert] J'ai été le premier directeur de l'Administration
pénitentiaire à avoir eu cette double casquette en tant que
magistrat de base et directeur [directeur adjoint comme sous-préfet]
Comme j'étais déjà sous Peyrefitte, j'avais
été considéré comme suspect. D'ailleurs dans Le
Figaro, vous aviez un long article du Syndicat de la magistrature qui faisait
le tour du spoil system et qui disait : « Il y en a un,
de l'Educations surveillée, qui prend du galon, qui a
survécu... ». Parce qu'il se trouve que j'ai fait partie du
groupe fondateur du Syndicat de la magistrature. Le syndicat est né dans
les locaux de la Chancellerie. C'est quelque chose qui mijotait. Y a eu
concomitance des périodes avec Mai 68 mais ça mijotait
déjà en 1697. Nous étions un petit groupe qui
réfléchissions à créer une structure, avec Joinet,
Kessous, Favard, Veil. Devenu directeur de l'Administration
pénitentiaire, j'ai eu des entretiens avec les
délégués syndicaux à la Chancellerie parce que
j'étais devenu le Président du conseil d'administration des
directeurs.
E.F : Et vous n'étiez plus syndiqué
à cette époque ?
Y.Z : Pour une raison pénitentiaire et avant que
je sois directeur, d'ailleurs bien avant. Après la création du
syndicat. J'ai pris mes distances parce que j'avais une assemblée
générale au cours de laquelle certains avaient fustigé
l'Administration pénitentiaire. Mais on était encore avec les
post soixante-huitards. Donc « il est interdit
d'interdire », « la prison, c'est le bagne ». Il
y avait eu une motion d'une irresponsabilité totale. Moi, je n'y
étais pas mais j'avais eu écho de l'intervention de Jean Favard
qui avait tenté d'endiguer ce mouvement anti-pénitentiaire. Parce
que c'était un préfet qui était à la tête de
la Pénitentiaire. Donc c'était le diable. Donc, j'ai
envoyé une lettre de démission en disant que je déplorais
la motion qui avait été prise. J'ai pris mes distances
très vite parce que j'ai senti une dérive, on ne se disait pas
gauchiste à l'époque mais j'ai senti que c'était
fomenté [raconte l'émeute à la Santé le jour
où le général Salan incarcéré]
E.F : A part cette motion est ce qu'il y a d'autres
choses avec lesquelles vous étiez en désaccord ?
Y.Z : Ça m'avait fait mesurer le danger de prendre
des décisions sans en mesurer la portée. J'ai dit :
« Aujourd'hui, c'est la Pénitentiaire et demain ça sera
autre chose ». Autrement dit, cette irresponsabilité dans
l'extrémisme m'a choqué et m'a fait percevoir... Et je dois dire
qu'hélas il y a eu ces dérives dans d'autres sujets, dans
d'autres débats, dans d'autres prises de position. Il y a eu
d'excellentes choses. Le syndicat de la magistrature est une excellente chose,
l'idée étant de savoir si on peut en être membre sans
perdre son droit de critique mais je ne voulais pas que... personnellement,
ça me choquait tellement ce gauchisme qui ne disait pas son nom, cet
extrémisme. Je l'ai peut-être été extrémiste
à une époque de ma jeunesse. Ça m'a tellement
choqué que malgré les exhortations de Jean Favard, que tout
ça a été balayé par une déferlante sans
mesurer la portée. C'est ça qui m'a tellement
choqué ! Alors que j'ai gardé des relations personnelles par
exemple avec Louis Joinet ou Rolland Kessous [...] C'est quelqu'un en qui j'ai
une totale confiance alors qu'il était un des jeunes turcs de cette
assemblée. Colcombet, je n'ai jamais eu le moindre problème.
C'était au nombre d'entre eux, ce que l'on appelait à
l'époque le CERES, de la Ligue des droits de l'homme. Avec
incontestablement un projet qui était beaucoup plus politique que
syndical et c'était ça qui m'avait... Le syndicalisme est,
à mon sens, à caractère politique au sens de la
Cité mais pas politicien au sens de Raymond Barre. Je n'ai jamais
été membre d'un parti politique. Les circonstances ont fait que
j'ai été le collaborateur de trois gardes des Sceaux et notamment
de Lecanuet qui était centriste où moment où le CDS. S'il
avait réussi son entreprise, peut-être me serais je orienté
vers son projet qui était de créer une sorte de centre gauche en
France. Il y avait dans cette mouvance des gens comme Simone Veil qui ne se
reconnaissaient ni dans le parti communiste, ni dans le parti socialiste qui
était en perdition à l'époque. En revanche, je
n'étais absolument pas attiré par le RPR. Je l'aurai
peut-être été si j'avais été adulte en 40,
j'aurai probablement été gaulliste mais, en plus, j'étais
en Tunisie à l'époque donc ça nous atteignait
indirectement. Mon père était plutôt de centre gauche.
J'étais attiré par la tentative de Lecanuet qui a fait chou
blanc.
ANNEXE 40 : ENTRETIEN AVEC MYRIAM EZRATTY
Myriam Ezratty, magistrate et directrice de la DAP d'avril
1983 à juillet 1986. Président honoraire de la cour d'appel de
Paris lors de l'entretien réalisé le 8/02/2008 à son
domicile à Paris. Durée : 3H30.
Ne sont cités ici que des extraits choisis.
E.F : J'aimerais déjà savoir la
première fois où vous avez été confrontée
à la question des prisons de façon directe ?
M.E : J'ai commencé ma carrière à la
Chancellerie à ce qui s'appelait alors l'Education surveillée. Je
m'intéressais plus à la prévention qu'à la
répression. J'avoue n'avoir même pas fait comme on devait le faire
quand on avait passé le concours de la magistrature, y avait un stage
d'un mois je crois dans une prison.... que je n'ai pas fait tout simplement
parce que je suis partie en vacance à l'étranger. Je me moquais
complètement de ce que voulait l'Administration [rires] Ils m'ont
gardé quand même. Ce qui fait que je n'ai connu qu'une toute
petite prison qui était celle de Fontainebleau où j'étais
juge suppléante à un moment donné. Et j'avais d'ailleurs
été horrifié. C'étaient des petites cellules. Mais
ce n'était pas d'ailleurs une des plus mauvaises prisons parce qu'elle
était si l'on peut dire familiale. Elle se gérait en famille.
Mais les détenus peignaient dans leur cellule, il n'y avait même
pas d'atelier, ils peignaient dans leur cellule des soldats en plomb dans des
conditions... Avec des produits extrêmement dangereux, ça m'avait
beaucoup frappé. Mais c'était mon seul contact avec la prison. Et
j'ai requis des peines de prison, qui étaient d'ailleurs peut-être
un peu sévères à l'époque... Du moins qui me
paraissaient sévères. Je n'avais finalement pas
d'expérience. Je suis arrivée très jeune, à 22 ans,
dans la magistrature. C'était comme ça, je ne me rendais pas trop
compte... Alors, il faut dire que j'étais très liée avec
Simone Veil qui me parlait beaucoup, nous étions le bâtiment
à côté, et elle me parlait notamment de la santé en
milieu pénitentiaire. Je suis rentrée au moins par conversation
à l'intérieur de la prison. Le temps a passé. J'ai
quitté l'Education surveillée pour rentrer aux Affaires civiles
où je m'occupais des professions juridiques. J'avais complètement
quitté ce milieu mais le virus de l'Education surveillée m'avait
déjà touché et je m'intéressais à ces
questions là, ou plutôt à son contraire c'est-à-dire
à tout ce qui était non prison. C'est-à-dire à
qu'est ce qu'on pouvait faire en matière de prévention. Ensuite,
j'ai quitté la Chancellerie pour rentrer dans le cabinet de Simone Veil
qui m'avait demandé de m'occuper notamment de la partie rédaction
de textes.
E.F : A ce moment là, vous n'étiez pas
conseiller uniquement sur la question pénitentiaire ?
M.E : Non pas du tout. Mais le premier dossier que
m'avait donné son directeur de cabinet, Dominique Le Vert, était
sur la médecine pénitentiaire. Premier essai, je n'ai pas
réussi réellement à quoi que ce soit parce que le
ministère de la Justice ne s'intéressait pas du tout à cet
aspect à cette époque. Et régnait sur la prise en charge
médicale des détenus l'inspectrice générale Solange
Troisier. Son principal souci à l'époque dans ses relations avec
le ministère de la Santé, je me rappelle, était de
créer près de Marseille un lieu pour y coller les jeunes
drogués. Moyennant quoi on n'a pas, pour un tas de raisons, et des
raisons éthiques, prêter la main en quoi que ce soit, et moi
notamment, pour aider à ce projet qui me paraissait ni réaliste,
ni déontologiquement. Ce qui fait que tout est tombé dans un trou
et je me suis occupée d'un tas d'autres choses. Une quantité de
choses, mais je ne me suis pratiquement pas occupée des prisons parce
que le contact, de part et d'autre d'ailleurs... Déjà pour les
relations, les gens du ministère de la Santé étaient
paniqués à l'idée d'avoir à faire à la
Justice. Et à la Chancellerie, on avait plus de relations sur des sujets
sur le droit des consommateurs mais rien à voir avec les prisons. Si
vous voulez, pour eux, parce que la Chancellerie était à
l'époque essentiellement peuplée de magistrats, c'était
plutôt de l'ignorance. Donc c'était pas des collègues,
c'était pas... Vis-à-vis d'un autre ministère
déjà les liaisons sont pas toujours commodes et pourtant ce sont
des énarques qui souvent se connaissent. Tandis que là, ils
n'osaient pas téléphoner, des choses comme ça. C'est moi
qui le faisait. C'était surtout de l'ignorance. Et puis la Justice... Y
avaient des liaisons mais pas sur le domaine du pénal.
E.F : Et c'était quelque chose d'assez nouveau
qu'un magistrat soit nommé au cabinet du ministère de la
Santé ?
M.E : Oui. A l'époque, d'abord, ils étaient
peu étoffés en juristes et même au cabinet, alors Colette
Même était magistrate du Conseil d'Etat mais, magistrat
judiciaire, non. Maintenant, c'est beaucoup plus fréquent mais à
l'époque, c'était tout à fait l'exception. D'ailleurs,
j'étais moi-même au départ, pas orpheline mais parmi les
membres du cabinet, j'étais de ce côté là
différente.
E.F : Et est ce que vous vous rappelez les conditions
dans lesquelles ce dossier était arrivé entre vos
mains ?
M.E : Solange Troisier avait probablement des contacts au
ministère de la Santé mais ça n'était pas du tout
dans un objectif de réforme. Et je crois qu'au ministère de la
Justice à l'époque, ils avaient d'autres problèmes que la
médecine pénitentiaire. Simone Veil s'intéressait au
contraire et aurait probablement souhaité qu'on fasse quelque chose mais
ce n'était pas facile d'y rentrer, même pour moi. Ce
n'était pas une direction que je connaissais et ensuite il faut que le
ministre de la Justice soit aussi disposé. Donc on n'a pas pu faire de
ce côté-là quoi que ce soit [...] A l'époque au
ministère de la Santé, c'était le néant. Il faut
dire à leur décharge, qu'à l'époque, la direction
de l'Administration pénitentiaire vivait en circuits fermés.
Solange Troisier était un médecin mais elle n'était pas
sur un projet quelconque de réforme. En tous cas, je puis assurer que
pour eux, comme pour le commun des mortels, la prison était un monde
étranger dans lequel on ne pénétrait pas. C'était
vraiment complètement cloisonné. D'ailleurs le mot
« médecine pénitentiaire » ne veut rien dire.
La médecine, c'est la médecine. Médecine dans les prisons
on pourrait dire. Parce qu'à l'époque c'était vraiment
médecine pénitentiaire. Le gros problème était de
savoir qui a la responsabilité de quoi ? Et l'idée de M.
Badinter, je crois quand il est devenu ministre, c'était de ne pas
autonomiser la médecine pénitentiaire et faire en sorte que cette
compétence et les médecins relèvent du ministère
compétent [...] Quand je suis arrivée, je n'ai pas tout de suite
pris ces fonctions à la Pénitentiaire. Et c'est juste
après mon arrivée, qu'on a supprimé son poste de
médecin inspecteur pour justement passer à des corps de
santé qui dépendaient du ministère de la Santé.
Quand j'ai été nommée en avril 83, Badinter m'avait
demandé de prendre la direction de l'Education surveillée. Mais
ce n'était absolument pas mon objectif de prendre l'Administration
pénitentiaire. Ce n'était pas un sujet forcément
très bien compris et ce qui m'a passionné, quand j'ai
accepté le poste à l'Education surveillée, j'étais
président de chambre... mais là y avait un sujet qui m'avait
énormément passionné et c'est pour ça que j'ai dit
oui, c'était la politique de Bonnemaison qui était un type
formidable. Il a vraiment conçu l'idée de prévention
globale notamment à partir du Centre international de prévention
de la criminalité. C'était vraiment pour moi une passion et
j'avais fait tout un plan, j'avais fait une circulaire sur la
décentralisation et puis Robert Badinter m'a demandé de
prendre la direction de la pénitentiaire. Et là j'ai beaucoup
résisté parce que je n'en avais aucune envie et en plus aucune
connaissance [rires] Un des membres de son cabinet m'a dit et a fait valoir que
c'était la première fois qu'on donnait cela à une femme.
Et je dois dire que l'argument m'a convaincu. Je ne peux pas vous dire que j'y
suis allé au départ enthousiaste [...]
E.F : Et est ce qu'il y a quelque chose qui vous
tenait à coeur quand vous êtes devenue directrice de
l'AP ?
M.E : Oui c'était la partie sanitaire. Alors
là vraiment je me suis... Pas seulement la santé. Mais
c'était la politique de Robert Badinter. Mais autrement je n'aurai pas
marché. C'était vraiment l'enjeu... Je voyais l'autre
côté du miroir par rapport à l'Education surveillée
et autant l'Education surveillée, on avait réussit à
ouvrir sur le monde extérieur... Alors pas autant que je le croyais
naïvement. Mais le but était d'ouvrir la Pénitentiaire de
son état d'espèce d'enfermement, y compris celui des
surveillants. Il n'y avait rien de comparable avec l'Education
surveillée. Même les relations avec les syndicats à
l'Education surveillée c'était du psycho-drame. Je les
connaissais extrêmement bien puisque j'avais été chef de
Bureau. Je ne dis pas que ça n'était pas sérieux mais on
pouvait comprendre un langage réciproque. A l'Administration
pénitentiaire, il n'y avait rien de tel. C'était une
administration comme l'armée. L'Education surveillée,
c'était un peu le désordre... On privilégiait la
créativité, les contacts et c'est ça d'ailleurs qui
était passionnant. On y croyait tous. On allait sur le terrain ce qui
était simple. Tandis que pour rentrer dans les prisons. Et moi, ce qui
m'a le plus frappée, à tel point que je suis encore allergique
aux clefs... Mais il fallait sortir, pas seulement pour ça, mais pour la
culture. On a fait des expositions de peinture, des ateliers de bande
dessinée. Pour moi la santé, ça a été
quelque chose où j'ai très peu délégué.
C'est une énorme maison où il faut souvent
déléguer. Mais ça, je l'ai suivi de très
près, très personnellement [...] Il faut dire que c'était
important qu'on ait le terrain entre guillemets libre pour faire ces
réformes. C'est pas tellement commode de les faire avec l'ancien
groupe... Ce n'est pas de mauvaise foi mais... Bon. Alors Favard avait
déjà commencé à entreprendre des choses avec la
Santé mais on ne peut pas dire qu'ils aient été
enthousiastes. La collaboration n'a pas été spontanée. De
la part notamment de la DGS. Parce que c'était d'abord un fardeau
supplémentaire. Un monde fermée. « On a
peur ». Autant quand j'étais à la Santé,
c'étaient plutôt les portes des prisons qui étaient
fermées, autant là on peut dire que les portes des
administrations, notamment sanitaires, étaient pas très ouvertes
à quelques exceptions près. Le directeur de la Santé,
Roux, n'était pas libre, il avait autre chose à faire... La
première chose que j'ai souhaité faire c'était
l'état des lieux et j'avais demandé à l'IGAS de faire un
audit de toutes les choses qu'on devait réformer. Et le rapport
était catastrophique. C'était la première fois qu'on
faisait ça. Et je dois dire très objectivement que pour la
Pénitentiaire, ils ont été épatants. Ils n'ont pas
du tout caché, saboté... Ils ont, au contraire, montré les
plaies. J'ai poussé j'ai et demandé moi-même cet audit. Le
constat était épouvantable. Et à partir de là j'ai
adopte une méthode qui me semblait indispensable. C'était de
faire morceau par morceau les réformes. Au lieu de pleurer, avant de
faire des circulaires, je leur ai demandé de faire sur chaque branche
des propositions [...] Alors pour faire que les gens se parlent entre eux,
j'avais décidé de créer le Comité justice
santé. Je l'ai fait officieusement. Il faut dire que le cabinet me
laisser complètement... J'avais la libre gestion. J'ai travaillé
en pleine association avec Jean Favard.
E.F : Il y avait quand même un
intérêt du ministère de la Santé au cours des
réunions Santé Justice ?
M.E : Alors ça dépendait des directions.
J'ai assisté à toutes les séances. Je ne me suis jamais
fait remplacer. J'aurai souhaité que les directeurs des autres
directions viennent aussi mais... Il faut dire que j'avais un
intérêt plus direct que le leur. Et j'avais vraiment l'ambition
d'obtenir pour les détenus la Sécurité sociale, qu'elle se
poursuive. Là je me suis beaucoup heurtée à la Direction
de la Sécurité sociale et Chemla avait été
chargé de faire un audit. Et ça a finit pas arriver avec les lois
de 94, qui ne se sont pas faites facilement. La signature en 94, vous avez pu
voir qu'il y avait Simone Veil. J'avoue lui avoir passé un coup de fil
pour la prévenir qu'il y avait ce texte. Ce n'est pas de la concussion
mais il y avait une telle résistance à ces réformes. Et on
avait prévu aussi la modification du statut des médecins. On a
tenté de faire tout ce qui pouvait se faire [...] L'inspection
générale n'avait même pas de problème. Je n'avais
à l'époque voulu accuser personne mais la Santé avait
tenté de mettre ça sur le dos... enfin sur moi pour ne pas aller
plus loin quand même. Mais, pour eux, ça montrait une
séparation très forte des services. Ça n'est pas à
mon avis un problème politique parce que les résistances venaient
de bien autre chose et c'est l'idée après tout que la prison est
une chose fermée. Même nous, on a pas eu plus d'aide, sauf sur le
principe. Mais ça venait de la Justice et notamment de Badinter et de
Favard [...] Alors pour le choix des médecins, nous voulions qu'il soit
approuvé par la DDASS. Les médecins étaient avant
déconsidérés car ils étaient pénitentiaires
et il fallait qu'il puisse faire carrière ailleurs. On recrutait des
médecins à la petite semaine. Certains étaient trop
incrustés. La formation n'était pas surveillée. On a
envoyé le directeur de Fresnes faire la formation de directeur
d'hôpital et il est devenu directeur d'hôpital. C'est une
très bonne chose. Alors le texte qui a permis... c'était la
première étape... non pas de la déconcentration mais
disons de la sortie de la santé du giron pénitentiaire.
L'idée était de faire de l'hôpital de Fresnes non pas un
hôpital pénitentiaire mais un hôpital public à
vocation d'héberger des pénitentiaires. Ce n'est pas la
même chose. De même que moi, je ne voulais plus non plus qu'on dise
médecine pénitentiaire, « Je suis médecin
pénitentiaire ». Je ne vous dis pas qu'on a réussi
très bien là dessus. Mais je sais que parfois les mots comptent
parfois, en tous cas pour le principe. Là aussi, ça a
été épouvantable. Alors la Santé encore ne disait
trop rien. Ils n'étaient pas ravis mais enfin ne disaient trop rien.
Mais c'étaient les Finances qui ne voulaient pas qu'on crée de
nouvelle catégorie d'établissements public. Alors le cabinet
était intervenu. On avait préparé un texte pour mettre
dans un wagon de ces mesures que le conseil constitutionnel n'en veut plus,
vous savez les petits ajouts dans les lois. Il fallait accrocher ce paragraphe
dans une loi de santé publique, une des lois sociales. Alors ça
commençait très mal car les Fiances sont quand même plus
robustes que la Justice et la Santé. Et le texte qui était
très long... On avait été débarqué à
l'Assemblée nationale et le Sénat adorait à
l'époque les séances de nuit parce que c'était payé
double. Je reçois un coup de fil. On me dit : « Le texte
passe ce soir, probablement après 20 heures ». Moi, j'avais
été au concert avec ma famille, je les avais mis au perchoir et
le texte est passé vers minuit ou une heure du matin. Il n'y avait
personne des Finances, on était tout seul. Je passe ma fiche et le matin
je vous dis pas, ils étaient furax les Finances... Mais c'était
passé. Le problème c'est que ce sont des petites choses et
ça arrive souvent quand on présente un texte qu'on perde des
choses. Mais il est passé. Je ne sais pas du tout ce qui se serait
passé si les Finances avaient envoyé quelqu'un...
E.F : Et il n'avait pas été
envisagé d'en faire à l'époque un établissement
seulement sanitaire ?
M.E : Mais c'était le cas !
E.F : Oui mais il y avait quand même une
direction bicéphale...
M.E : Si vous voulez, ce n'est pas le problème.
Parce que c'est quand même un établissement où il faut
garder des gens qui ne veulent pas sortir. Ce qui était important pour
nous c'était pas le régime. Actuellement dans les hôpitaux
vous avez un directeur et un médecin-chef. Bon. Etant donné que
ce sont des détenus, vous pouvez dire que les hôpitaux de Paris ne
sont pas équipés pour former des gens responsables d'une
sécurité particulière. Alors... Il faut être
réaliste. Evidemment, on peut dire « Fresnes est un
hôpital comme un autre », mais c'est impossible. C'est pour
ça que le statut était tout à fait spécial. Les
Finances, c'était pas par méchanceté pour la
Pénitentiaire mais c'était pas principe, ils ne voulaient pas
d'une nouvelle catégorie d'établissement. Alors ça,
ça a été une des premières étapes. Et il est
certain qu'en 86, je n'avais pas obtenu grand-chose, si ce n'est de poser les
bases. Moi je suis d'avis qu'on doit commencer les choses officieusement pour
pouvoir les essayer. Et selon le sujet... On a quand même à la
suite de ça, fait une circulaire... Alors ça a marché ou
pas. Mais tout de même. On essayait pour la première fois
d'améliorer le système de distribution des médicaments. Je
me suis efforcé de demander aux gens de la Pénitentiaire
d'appliquer ce que nous demandait le ministère de la Santé...
E.F : Il y avait des ministères plus ou moins
volontaristes ?
M.E : Oui, mais je crois que c'est moins les
ministères que localement. Il en était de même si vous
voulez pour les directeurs régionaux. C'est pour ça que dans le
choix, cet aspect, du moins à l'époque, jouait quand même,
du moins dans les avis au comité technique paritaire... Je regardais
quand même le degré d'ouverture des gens. Il y avait aussi
à ce moment là le problème des infirmières qui se
mettaient une blouse blanche. Alors on a choisit en comité technique
paritaire un costume avec les intéressées. J'avais demandé
une étude qui avait permis de montrer que elles-mêmes se sentaient
dévalorisées dans leur métier.
E.F : Et par contre ces différentes
transformations allaient dans le même sens selon vous ?
M.E : C'était complètement commun. Je crois
que Giscard a proclamé qu'être en prison, c'est être
privé de liberté. Je crois que c'est utopique parce que
nécessairement on est transformé. Je crois qu'on ne peut pas dire
ça en fait. Il faut au moins mettre à disposition tous les moyens
pour pouvoir être traité, je dirais, tout simplement
normalement... Alors, en fait, c'est pas vraiment vrai parce qu'il y a des
précautions et les problèmes de sécurité selon les
époques envahissent plus ou moins...
E.F : Et cette idée d'ouverture était
déjà bien ancrée quand vous êtes arrivée
à la tête de l'Administration pénitentiaire?
M.E : Alors, non justement. Et ce problème
santé s'intégrait là dedans. Il y a eu des réformes
d'amélioration auparavant mais la prison en tant que telle restait sur
des règles qui lui étaient propres. Dans la plupart des domaines.
C'était surtout une question de mentalité. Il fallait ouvrir.
Quand les gens voient... Là aussi j'avais tenté de rajeunir et
puis de diversifier les gens qu'on mettait. Ce n'est pas facile d'en trouver.
Et notamment pour des gens en activité. Alors on a pas abordé le
côté de la psychiatrie où on a pas de quoi se vanter de ce
qu'on a pu faire. On avait tenté... J'avais lancé un travail...
L'idée, qu'on n'avait pas inventée, était de faire un truc
continu entre le dedans et le dehors. C'est-à-dire un détenu qui
a des troubles psychiatriques en prison qu'il soit suivi. On avait pondu des
circulaires. C'est le Dr Lamothe qui m'avait instruit [...] On voulait arriver
à faire la chaîne. Et là, honnêtement, je crois que
le résultat. Il aurait fallu une continuité. Y compris de la
direction. Et la séparation des services... Alors il y avait une
question d'ailleurs qui se posait à l'époque qui était de
dire : faut-il un corps des psychologues pénitentiaires. Et pour ma
part, je suis parti sans que le problème soit résolu et je
préférerais qu'il ne le soit pas parce que personnellement je
suis contre. Parce que je pense qu'à ce moment là c'est
l'enfermement du psychologue. Il faut qu'il y ait des clients dehors. Il me
semble pas que ce soit très bon sur le plan de la démarche. [...]
Ils [les psychologues] voulaient avoir un statut. Il faut dire que ce
n'était pas très commode pour eux car leurs conditions d'embauche
n'étaient pas évidentes. Mais personnellement, je ne l'aurais
jamais soutenu ça. Qu'on leur donne une sécurité et qu'on
les paye correctement, je comprends mais c'était une autre
démarche. Favard était d'accord. Et pareil, pour un
médecin. Il faut qu'un médecin puisse faire une carrière
ou la Pénitentiaire ne soit qu'un morceau ou un temps. Et qu'ensuite il
puisse retrouver un poste honorable ailleurs. Je peux vous raconter un exemple
qui serait comique s'il n'était pas tragique pour expliquer la situation
des milieux hospitaliers. C'était à Grenoble. Nous avions, je dis
nous parce qu'au fond j'ai toujours dit nous au sujet des prisons... Nous
avions à Grenoble un type qui était incarcéré pour
escroquerie. Il était aux cuisines ou en comptabilité. Ce type
là tombe malade. On l'emmène à l'hôpital et il
descend une infirmière avec un couteau. Vous savez ce qui s'est
passé. Le directeur m'appelle et me dit : « Ils nous le
rendent. Oui car ils disent que c'est un délinquant! »
[Silence] Ils n'en ont pas voulu ! En psychiatrie. Et c'est un peu
ça [...] C'était quand même une politique d'ensemble. Je
sais qu'on a souvent tendance à dire cela à posteriori mais
là... tout ce qui pouvait être externalisé on était
d'accord. Et la Pénitentiaire, à quelques exceptions près,
il y a toujours des bourriques partout, mais en gros c'est pas la
Pénitentiaire qui a mis... On s'est heurté à des choses,
à des questions de sécurité [...] Mais y a des choses dont
ils aimeraient bien être débarrassés et la Santé en
faisait partie.
E.F : Comment vous étés vous
assurée que ces directives étaient suivies au niveau
local ?
M.E : C'est une très bonne question. La
Pénitentiaire par rapport aux autres administrations que j'ai connues
est probablement l'une des administrations, c'est un peu comme l'armée,
les plus respectueuses du règlement. Je ne dis pas qu'elle l'applique
toujours comme il faut et qu'il n'y pas de sabotage, mais il faut regarder et
surtout marquer l'intérêt qu'on y porte. Je pense que, comment
dire, c'est toujours très difficile de voir ce qu'il se passe. Il y a le
problème aussi de recevoir des plaintes et nous avions regardé
cela, qu'on puisse écrire directement. Et puis il faut circuler et
regarder même si on ne voit qu'une partie. Il faut surtout être
déterminé.
E.F : Il y a un terme qui est souvent revenu à
cette époque c'est celui de
« décloisonnement » ?
M.E : Ben, c'est exactement ça ! C'est le mot
qu'on a employé à l'époque. Le décloisonnement
culturel, le décloisonnement... Et la santé a vraiment
été le numéro un, je pense en tous cas en ce qui me
concerne, dans l'échelle des priorités. Ça a vraiment
été une question privilégiée. Ça et
l'enseignement.
E.F : Y avait des magistrats qui à part vous
étaient moteur dans ce décloisonnement ?
M.E : Ah tout à fait. Jean-Pierre Robert que
j'avais volé à la direction des affaires criminelles. On avait
créé le bureau de l'action communautaire. Le terme a
changé maintenant. J'avais insisté qu'on y mette le mot
communautaire qui marque l'action envers le monde extérieur. La
première chose qu'on a faite d'ailleurs, avec Jean Favard,
c'était de changer l'organigramme. En plus j'avais fais venir un certain
nombre de gens de l'Education surveillée. J'ai pêché
ailleurs des personnes... Le chef du bureau des ressources humaines,
François Antonioni était mon collaborateur à l'Education
surveillée. Ça avait fait quelques remous. Il fallait des gens
motivés à tous les niveaux [...]
E.F : Et beaucoup de médecins à
l'époque n'assuraient qu'une faible partie de leurs
vacations ?
M.E : Oui alors... On avait changé
carrément... On n'a pas pu le faire partout. On a tenté de faire
un peu de propagande pour montrer que les gens pouvaient faire
carrière... Enfin carrière... En tous cas, rendre plus attractif
ces postes. Et l'exemple du Dr Espinoza était un peu un signal. Monter
qu'on pouvait travailler en prison sans être défavorisé.
Alors, il avait des fonctions de conseiller. Il faisait en plus la liaison avec
le ministère de la Santé. Justement, comme il avait
été choisi d'un commun accord, il avait cette fonction. On avait
eu l'argent, ce qui était déjà impensable, de le payer.
E.F : Le Comité santé justice,
c'était plus dans l'optique de traiter des problèmes
précis ou des questions ...
M.E : Non, c'était des questions d'ordre
général. C'est-à-dire qu'on avait un sujet à chaque
fois à partir de ce qui m'était signalé. C'était
vraiment un comité de réflexion et de proposition. C'était
vraiment très sympathique. Alors la participation était un peu
irrégulière mais c'était très
décontracté. On tenait un très très court petit
procès verbal. C'était quelque chose de libre. Chacun donnait son
avis. C'était tellement décontracté, qu'on ne
négociait pas sur l'heure. On avait eu une réunion totalement sur
le sujet de la pharmacie. Pour moi, c'était l'occasion d'être
informée. C'est d'ailleurs pour ça que j'y allais. J'y allais
parce que ça m'apprenait beaucoup de choses. Je ne suis pas du
métier et en plus c'était un moyen de contrôler pour voir
ce qu'il se faisait [bibliothèques] Gategno il nous avait affecté
une bibliothécaire. Il y avait une personne, je crois tout à fait
honorable qui est restée jusqu'à sa retraite, mais qui s'occupait
de tout centraliser dans la pénitentiaire. Tandis que là
c'était quelqu'un qui était de l'extérieur. Et qui
s'était occupé de faire la politique du livre pour les
établissements.
E.F : Donc quand vous êtes arrivée
à la DAP, il y avait certaines personnes qui avaient tendance à
tout centraliser à l'AP ?
M.E : Oui. Oui. Alors, il faut être franc. J'ai
aussi centralisé les problèmes car si vous voulez appliquer une
politique. Mais pas les détails... Je ne peux pas dire que
c'était décentralisé. D'ailleurs dans cette maison,
ça n'est pas vrai de toutes les directions, on rencontre des
surveillants, chefs, directeurs. Et ça, j'avais tenté au moins au
niveau des directions régionales... En disant « on ferme le
parapluie ». Alors certains ont pris des initiatives mais... Il fait
dire qu'ils risquent gros. Mais c'est vrai que j'aurai souhaité que
certains soient un peu plus libres. Mais à l'époque, ça
n'était pas dans l'esprit de la maison [Évoque son parcours et
entée dans la magistrature]
E.F : Vous étiez
syndiquée à l'époque ?
M.E : Je l'ai été la première ou la
deuxième année et puis quand je suis rentrée au cabinet de
Simone Veil, je me suis dit : « On ne peut pas mélanger
les genres ». Mais j'étais abonné au journal [Justice]
et puis de toute façon quand je suis devenu directrice j'avais dit que
j'étais la directrice de tout le monde. Du coup je n'ai pas repris ma
cotisation. Je n'ai pas été d'accord d'ailleurs avec certaines
positions du Syndicat... On m'avait beaucoup reproché aussi quand je
suis arrivée à l'AP que bon... On allait voir ce qu'on allait
voir... que... Alors sur le plan des choix, c'est vrai que j'ai pris des gens
qui étaient plutôt... Enfin. Toujours avec sérieux. Je n'ai
pas fait de discrimination. J'ai viré dés le début le
magistrat chargé du bureau des personnels mais pour entente avec les
syndicats car ce qu'il faisait... Alors là ça a fait une petite
histoire quand je l'ai remplacé justement par ce François et je
savais qu'il ferait les choses honnêtement. Vous êtes obligé
aussi, si vous ne faites pas un petit peu confiance... Si vous n'êtes pas
entouré de gens qui ont votre confiance, ce n'est pas possible [...]
E.F : Et justement par rapport aux prises de position
du SM sur les prisons, à l'époque, c'était globalement les
idées que vous partagiez ?
M.E : Oui et non justement. Ils ont protesté quand
j'ai commencé à faire des changements de personnel. Mais alors
là j'ai crié plus fort qu'eux en disant qu'on ne pouvait pas
prôner des politiques et faire avec des gens... Mais j'ai surtout eu
affaire aux syndicats pénitentiaires [...] Sur certaines positions je
trouvais qu'ils allaient trop loin. Le syndicat a beaucoup apporté quand
il s'est créé. Ça a apporté quand même... Et
là il n'y a plus vraiment de réflexion des jeunes. C'est comme
Mai 68, ça me semblait très important. J'étais plus
âgé mais Joinet et les autres ont apporté quelque chose de
nouveau
E.F : Et Mai 68 ça représentait quoi
pour vous de façon plus générale ?
M.E : Ecoutez, beaucoup. Moi ça m'a beaucoup...
Alors les gens me regardaient de travers car vu ma génération.
J'étais à l'administration civile et .... Moi ça m'a paru
formidable. La profession, moi quand je l'avais connue, au début cette
profession c'était vraiment... C'était en province mais
c'était... On n'osait même pas montrer le journal qu'on
lisait ! Vous n'avez pas idée ! Moi je débarquais, je
n'ai pas de famille de magistrat et je découvrais. La part de
l'inventivité est selon moi importante dans la profession [...]
E.F : Et Simone Veil quelles étaient ses
fonctions à l'Administration pénitentiaire ?
M.E : Elle était comme moi substitut au
ministère de la Justice. Elle travaillait avec Perdriau qui était
sous directeur. Elle connaissait Solange Troisier mais je ne crois pas qu'elles
étaient... Pas du tout même ! C'est un personnage curieux,
très discutable mais qui en même temps a joué un
rôle... C'est difficile de faire le bilan. Mais je crois qu'il
était nécessaire pour faire une réforme
pénitentiaire qu'elle ne reste pas. C'était quelqu'un d'assez
particulier [...] Malheureusement, j'aurai souhaité faire quelque
chose. J'étais très déçue. Mais Solange Troisier
était un personnage... très complexe ! Mais en même
temps, par certains côtés, je ne dis pas insupportable. Mais elle
vivait autour d'elle-même, elle tenait énormément à
son emprise. Elle était très soutenue en plus, elle,
politiquement et je faisais très attention à ne pas trop la
mêler. Simone Veil... En fait je faisais le tampon, enfin pas le tampon
mais disons que c'est moi qui la recevais [rires] Il faut dire aussi que tout
en étant sensible à cela, je n'étais pas
sensibilisée au problème comme je l'ai été par la
suite parce que contrairement à Simone Veil c'était un milieu que
je ne connaissais pas et j'avais mis, je ne dis pas une barrière entre
l'E.S et la Pénitentiaire, au contraire... Mais y a eu de ça. Je
ne peux pas dire que je me suis accrochée à devenir. Très
honnêtement. Je ne connaissais pas le milieu et c'est pour cela que
j'avais refusé les deux premières fois d'aller prendre cela [la
direction de l'AP]. Ça n'était pas la peur. Et je dois dire un de
mes collègues m'avait dit : « Mais vous êtes
folle Myriam » quand je lui avais dit que je quittais l'E.S et je lui
avais répondu : « Oui je suis
folle ! ».
INDEX
A
ADDD (Association de défense des droits des
détenus) 16, 103, 105, 107, 143, 160, 168, 530, 641
AGRET Rolland 274, 530
AMOR Paul 31, 76, 79, 145, 158, 184, 185, 295, 575, 595, 609,
619, 620
ANCEL Marc 185, 595
ANTONIONI François 314, 445, 526
APM (Association professionnelle des magistrats) 16, 385,
386, 402, 583
APSP (Association des personnels soignant des prisonniers) 16,
429, 449, 450, 451, 452, 453, 454, 455, 456, 457, 464, 471, 520, 521, 582,
585
ARPAILLANGE Pierre 149, 151, 321, 386, 390, 391, 392, 403, 442,
479, 538, 583
Auxiliaires (surveillants) 47, 69, 121, 259, 268, 328, 396, 409,
454, 462, 463, 505, 510, 611, 635, 649, 665
AYME Jean 206, 603
B
BADINTER Robert 19, 30, 57, 66, 70, 71, 93, 149, 229, 235, 297,
299, 303, 304, 305, 306, 307, 308, 309, 310, 311, 312, 313, 318, 319, 323, 325,
327, 329, 330, 331, 333, 335, 339, 362, 366, 368, 385, 391, 422, 465, 473, 474,
492, 499, 516, 526, 529, 534, 535, 537, 540, 581, 667
BARZACH Michèle 431
BAUMETTES (prison des) 17, 27, 43, 54, 60, 77, 111, 118, 123,
189, 192, 241, 252, 256, 262, 272, 286, 308, 338, 341, 356, 360, 361, 362, 363,
367, 376, 377, 381, 401, 422, 426, 433, 435, 436, 437, 438, 468, 486, 520, 534,
535, 544, 554, 555, 556, 557, 558, 562, 576, 582, 588, 603, 619, 623, 647, 648,
649, 654, 655, 671, 672, 673
BELJEAN Georges 111, 115, 149, 151, 152, 213, 312, 523, 579,
598
BENEZECH Michel 419, 420, 421, 423, 424, 425, 426, 428, 429, 431,
434, 490, 674
BEZ Gabriel 435
BLANC Alain 30, 314, 315, 317, 322, 327, 350, 386, 391, 392, 393,
474, 478, 479, 480, 482, 491, 493, 559
BLOCH Etienne 66, 85, 99, 100, 103, 136, 143, 145, 153, 154, 160,
243, 519, 613, 641, 642, 643, 644, 645
BOIS D'ARCY (M.A de) 27, 54, 253, 254, 267, 272, 372, 373, 378,
379, 380, 381, 416, 424, 435, 439, 445, 447, 451, 453, 537, 538, 554, 555, 556,
557, 617, 645, 671, 672, 673
BONALDI Hubert 127, 143, 320
BOUCHER Philippe 92, 93, 94, 151, 186, 317, 532, 533, 535
BOUYSSIC Roger 77, 598
BRUNET Jean-Baptiste 421, 436, 675
BUFFARD Simone 116, 161, 165, 177, 201, 248, 266, 267, 554, 557,
600, 601
C
C.A.P (Comité d'action des prisonniers) 16, 155, 159,
160, 164, 169, 175, 176, 185, 195, 196, 267, 268, 269, 275, 278, 316, 318, 414,
533, 545, 578, 580, 614, 645
CANNAT Pierre 609, 620
CANO Marie-Joëlle 370, 379
CAP (Commission d'application des peines) 16, 249, 250, 578,
665
CASTERET Anne-Marie 343, 346, 535, 630, 631
CERFI 89, 90, 103, 136
Certificat médical 95, 230, 231, 253, 260, 275, 277, 336,
339, 398, 409, 460, 504, 510, 600, 614, 637
CGT (Confédération générale du
travail) 127, 306, 308, 320, 321, 535
CHALANDON Albin 70, 299, 383, 386, 387, 388, 389, 405, 407, 408,
412, 432, 479, 524, 537, 538, 582, 583
CHANCEL Jacques 123, 128, 135, 140, 227, 274, 601
CHODORGE Gilbert 486, 487, 488, 491
CISIH (Centre d'information et de soin de
l'immunodéficience humaine) 16, 431, 435, 437, 440, 441, 442, 584
CISMP (Conseil international des services médicaux
dans les prisons) 16, 233, 412, 520, 580, 583
CLAVEL Maurice 92, 94, 588
CMPR (Centre médico-psychologique régional)
16, 61, 79, 99, 109, 118, 162, 165, 195, 199, 202, 204, 205, 206, 207, 208,
211, 317, 324, 364, 418, 419, 420, 424, 426, 429, 431, 550, 557, 577, 580, 585,
595, 596, 597, 616, 624, 625, 635, 663, 664, 665
COLCOMBET François 87, 126, 127, 540, 642
COLIN Marcel 116, 117, 140, 180, 323, 410, 576, 591, 596
COLIN Michèle 152, 161, 200, 201, 202, 218, 404, 410, 412,
478, 479, 480, 482, 484, 490, 491, 493, 521, 560, 563, 564, 577, 591, 668,
669
CONCOURS MEDICAL (LE) 62, 117, 171, 217, 237, 248, 545, 548,
550
CONSEIL DE L'ORDRE (des médecins) 46, 115, 119, 123, 234,
332, 346, 391, 396, 452, 527, 607, 608, 631
Contention 49, 95, 102, 117, 119, 122, 123, 128, 136, 137, 141,
143, 197, 203, 258, 283, 363, 364, 631, 639
COSYPE (Coordination syndicale pénale) 3, 16, 65, 70,
298, 304, 311, 315, 316, 317, 318, 319, 320, 321, 322, 323, 324, 326, 327, 328,
347, 385, 386, 392, 421, 471, 473, 474, 478, 519, 540, 559, 581, 615, 646
CRF (Croix-Rouge française) 16, 54, 120, 121, 185,
230, 372, 391, 449, 527, 528, 557, 558, 575, 576, 585, 589, 607, 609, 619, 620,
621, 626, 628, 658, 659, 660
Criminologie 55, 78, 117, 118, 146, 170, 176, 180, 183, 201, 202,
223, 228, 231, 240, 250, 251, 273, 277, 288, 296, 410, 412, 426, 543, 546, 547,
549, 550, 577, 591, 596, 600, 668
CSJ (Comité Santé/Justice) 372, 378, 380, 381, 386,
394, 395, 417, 424, 436, 494, 495, 557, 671, 673, 676
D
DABLANC Christian 211, 240, 284, 290, 332, 525, 580, 642
DAESCHLER Philippe 189, 524
DARMON Marco 528, 585, 627
DAYANT Charles 59, 106, 107, 109, 127, 128, 129, 130, 136, 217,
223, 532, 578
DDASS (Direction départementale des affaires
sanitaires et sociales) 582
DE FELICE Jean-Jacques 96, 104, 157
Décloisonnement 23, 31, 32, 34, 42, 51, 68, 69, 70, 71,
81, 117, 144, 148, 178, 179, 180, 181, 182, 183, 184, 185, 186, 187, 188, 189,
190, 191, 192, 193, 194, 204, 205, 207, 210, 212, 218, 225, 237, 285, 289, 290,
295, 296, 297, 298, 299, 304, 309, 314, 315, 322, 323, 326, 327, 338, 339, 348,
349, 350, 364, 365, 366, 367, 384, 385, 386, 387, 392, 402, 405, 406, 407, 409,
413, 414, 426, 440, 445, 465, 469, 471, 473, 474, 475, 478, 479, 492, 495, 496,
512, 542, 545, 623, 646, 657, 754
Défense sociale 146, 155, 595, 609, 664
DEFERT Daniel 90, 156, 159, 160, 414, 442
DELEUZE Gilles 105, 122, 157, 160, 532
DEROBERT Léon 230, 411, 577, 590
DGS (Direction générale de la santé)
16, 203, 370, 371, 372, 391, 392, 394, 395, 396, 400, 418, 419, 423, 426, 435,
441, 452, 457, 477, 482, 483, 484, 485, 487, 490, 520, 521, 526, 557, 560, 663,
665, 666, 667, 673, 675, 677
DIENNET Marcel 59, 109, 128, 129, 130, 134, 136, 140, 530, 579
DINTHILLAC Jean-Pierre 190, 374, 379, 390, 428, 527, 583
DOMENACH Jean-Marie 100, 143, 156, 532, 601
DORLHAC DE BORNE Hélène 151, 188, 289
DOUSTE-BLAZY Philippe 488, 489
DRASS (Direction régionale des affaires sanitaires et
sociales) 16, 369, 379, 423, 502, 504, 526
DSS (Direction de la sécurité sociale) 16,
174, 365, 366, 485
E
EMMANUELLI Xavier 26, 397, 434, 436, 444, 445, 458, 461, 462,
463, 464, 465, 466, 467, 468, 480, 486, 492, 493, 538, 556
ENAP (Ecole nationale d'administration pénitentiaire)
16, 145, 218, 237, 274, 441
ERBES Jean-Marc 115, 190, 265, 523
ESCOFFIER LAMBIOTTE Claudine 235, 427, 534, 537, 630, 631
ESPINOZA Pierre 26, 366, 367, 368, 378, 379, 380, 417, 418, 423,
428, 429, 440, 441, 449, 450, 451, 452, 453, 454, 456, 466, 467, 468, 481, 490,
493, 554, 555, 652, 653, 670
EVIN Claude 435, 436, 439, 441, 442, 469, 482, 484, 492, 523,
561
EZRATTY Myriam 191, 192, 238, 287, 288, 309, 313, 314, 322, 327,
340, 348, 349, 350, 354, 359, 361, 364, 365, 368, 369, 378, 379, 382, 389, 408,
418, 422, 424, 456, 474, 519, 524, 526, 536, 559, 581, 612, 653, 676, 678,
729
F
FAVARD Jean 30, 57, 66, 70, 84, 190, 211, 229, 235, 298, 299,
310, 311, 312, 313, 318, 319, 321, 322, 330, 331, 332, 334, 335, 338, 341, 343,
347, 349, 350, 351, 358, 360, 369, 378, 382, 413, 422, 437, 456, 473, 474, 524,
525, 529, 560, 642, 713
Fioles 400, 440, 459, 463, 655, 656, 658, 660
FLEURY-MEROGIS (M.A de) 22, 27, 78, 84, 95, 102, 113, 123, 124,
125, 126, 131, 136, 145, 154, 163, 167, 169, 175, 197, 200, 202, 203, 204, 206,
211, 239, 252, 258, 268, 269, 270, 274, 276, 308, 310, 316, 328, 341, 344, 352,
373, 375, 376, 380, 397, 408, 420, 424, 432, 434, 435, 436, 437, 438, 442, 444,
445, 446, 451, 457, 458, 460, 461, 462, 463, 464, 467, 468, 471, 486, 496, 506,
527, 529, 533, 535, 536, 537, 538, 539, 541, 544, 545, 551, 555, 556, 557, 560,
577, 579, 581, 582, 586, 587, 591, 614, 624, 633, 638, 639, 644, 645, 656, 664,
670, 672
FO (Force ouvrière) 127, 143, 310, 319, 320, 420, 421
FORGET Daniel 630, 631
FOUCAULT Michel 37, 38, 39, 41, 87, 90, 91, 92, 96, 97, 98, 100,
120, 126, 127, 129, 147, 159, 160, 177, 305, 511, 512, 540, 566, 567, 601,
616
FOURNIER Etienne 411, 536, 587
FOYER Jean 84, 145, 146
FRESNES 487
G
GASTAUT Jean-Albert 433, 437, 438, 588
GENTILINI Marc 434, 436, 463
GIP (Groupe d'information sur les prisons) 16, 65, 84, 87, 89,
90, 91, 92, 95, 96, 97, 99, 100, 101, 102, 103, 104, 107, 108, 109, 121, 122,
126, 129, 136, 137, 139, 143, 156, 159, 160, 164, 166, 175, 176, 185, 267, 313,
389, 529, 541, 568, 612, 641
GIRARD Jean-François 480, 482, 487, 521
GISCARD D'ESTAING Valery 68, 81, 129, 145, 146, 147, 150, 151,
152, 154, 173, 186, 194, 210, 211, 213, 273, 303, 304, 311, 313, 322, 348, 473,
533, 551, 579, 646
GMP (Groupe multiprofessionnel des prisons de Paris) 16,
125, 126, 133, 134, 140, 161, 165, 166, 167, 169, 175, 177, 182, 195, 316, 317,
320, 455, 531, 555, 556, 613, 614, 641, 645
GMQP (Groupe multiprofessionnel pour les questions
pénitentiaires de Lyon) 16, 65, 161, 162, 163, 164, 165, 166, 167, 181,
182, 266, 316, 455, 578, 579, 616, 641
GOFFMAN Erving 34, 35, 36, 37, 38, 176, 177, 511, 566, 569
GONIN Daniel 26, 77, 78, 79, 80, 115, 134, 135, 140, 141, 162,
163, 170, 200, 201, 206, 211, 237, 244, 249, 251, 266, 409, 410, 477, 494, 554,
555, 584, 591, 600, 668, 669, 679
GOT Claude 434, 439
GRADIGNAN (M.A de) 416, 419, 420, 426, 429, 434, 435, 537, 547,
548, 582, 587, 674
Grève de la faim 85, 88, 89, 91, 118, 137, 144, 221, 230,
235, 246, 248, 252, 261, 269, 274, 325, 427, 449, 510, 527, 531, 534, 545, 548,
576, 578, 582, 588, 593, 594, 629, 630, 631
Groupe d'information des travailleurs sociaux (GITS) 138, 175
H
HCSP (Haut comité de la santé publique) 22, 23, 51,
66, 457, 468, 478, 486, 487, 489, 492, 522, 544, 560
HERVE Edmond 362, 526, 677
HIVERT Paul 104, 105, 109, 118, 141, 200, 205, 208, 250, 317,
324, 524, 577, 595, 596, 664, 665
HUGUENARD Pierre 329, 342, 343, 345, 346, 461, 530, 581, 650,
652
I
IGSJ (Inspection générale des services
judiciaires) 16, 26, 492, 504, 676, 677
Institution totale 34, 35, 36, 37, 39, 176, 512
J
JACQUETTE Philippe 317
JAP (Juge d'application des peines) 16, 136, 139, 531, 641,
662
JEAN Jean-Paul 30, 393, 401, 404, 434, 435, 436, 437, 438, 439,
442, 469, 482, 484, 485, 487
JOURDAIN-MENNINGER Danièle 485
K
KARSENTY Jean-Claude 400, 479, 480, 527, 538, 559, 584
KOUCHNER Bernard 42, 482, 485, 486, 488, 494, 607, 676
KOUPERNIK Cyrille 216, 217
L
LA SANTE (M.A de) 80, 85, 89, 104, 106, 109, 118, 124, 127, 128,
129, 130, 131, 133, 140, 167, 194, 196, 198, 205, 253, 254, 258, 261, 267, 268,
272, 281, 289, 316, 325, 347, 438, 445, 529, 532, 533, 555, 556, 557, 578, 595,
617
LACASSAGNE Alexandre 410
LALLE Yvonne 262, 264, 522, 523, 623
LAMOTHE Pierre 412, 506
LAZARUS Antoine 124, 125, 126, 127, 134, 165, 166, 167, 177, 224,
253, 257, 276, 281, 316, 554, 555, 579, 614, 615, 616, 618
LE BOULAIRE Jean-Michel 40, 316, 317
LE CORNO Henri 108, 111, 140, 149, 256, 577
LECANUET Jean 151, 152, 186, 288, 533
LEGER Philippe 400, 491
LIVROZET Serge 159, 318, 578
LOCHEN Axel 161, 163, 579
LUCAS Michel 364, 374, 375, 377, 378, 379, 435, 441, 456, 461,
521, 522, 526, 527, 609, 651, 678
M
MAI 68 84, 85, 86, 88, 92, 96, 123, 124, 125, 127, 130, 137, 312,
316, 568, 600, 601, 606, 607, 616, 617, 618
MAJ (Mouvement d'action judiciaire) 16, 104, 168, 611,
612
MATAGRIN Dominique 379, 385, 386, 388, 390, 559
MEGARD Marc 115, 224, 236
MEGRET Jacques 145, 152, 153, 190
MEROT Jacques 200, 203, 206, 624
MICHELET Edmond 213, 522, 589, 590
MIRVAL Patrick 126, 167, 168, 316, 533, 540, 579, 614, 615,
638
Mitard 101, 149, 195, 226, 251, 252, 256, 263, 277, 371, 382,
399, 405, 449, 460, 615, 617, 645
N
NAU Jean-Yves 235, 346, 408, 534, 536, 538, 630, 631
NICOLAS Guy 22, 51, 66, 468, 482, 486, 488, 560
NICOT Xavier 161, 163, 190, 528, 572
O
OBRECHT Olivier 22, 31, 496
OIP (Observatoire international des prisons) 22, 268, 542
P
PASTRE Aimé 127, 320
PERDRIAU André 595, 612
PETIT Jacques 133, 180, 189, 221, 254, 528, 585, 591, 626, 627
PEYREFITTE Alain 69, 149, 175, 187, 209, 236, 258, 260, 275, 290,
297, 303, 306, 310, 311, 312, 315, 316, 318, 338, 385, 386, 473, 529, 534, 537,
642, 644, 646
PIAL Gilles 427, 430, 537, 538
PINATEL Jean 184, 185, 619
PLEVEN René 88, 89, 91, 94, 95, 96, 106, 109, 127, 143,
149, 157, 160, 191, 226, 525, 531, 532, 641
PONTOISE (M.A de) 54, 230, 231, 252, 355, 372, 373, 381, 419,
425, 468, 544, 554, 555, 557, 558, 641, 658, 659, 660, 670, 671, 672
POTTIER Philippe 3, 311, 316, 317, 318, 319, 321, 322, 323, 326,
392, 519, 559, 645, 646
Programme 13.000 70, 71, 299, 357, 386, 387, 391, 392, 393, 394,
395, 396, 397, 400, 401, 402, 403, 404, 473, 478, 479, 480, 520, 521, 522, 543,
553, 562, 583, 584
Psychotropes 49, 102, 114, 118, 194, 197, 198, 257, 258, 276,
278, 280, 378, 393, 398, 400, 448, 451, 459, 461, 462, 547, 550, 616
Q
QHS (Quartier de haute sécurité) 17, 252, 278,
289, 534
QUOTIDIEN DU MEDECIN 5
R
RENE Louis 391, 632
ROCHE Louis 117, 202, 410, 411, 577, 600, 668, 669
ROSE Edith 106, 117, 119, 120, 121, 122, 123, 136, 204, 216, 217,
288, 311, 550
ROUEN (M.A de) 203, 240, 269, 400, 425, 436, 507, 534, 554, 557,
558, 560, 587, 600, 655, 663, 665, 666, 672, 673
ROUX Jacques 362, 365, 526, 667
ROZENBAUM Willy 675
RPDP (Revue pénitentiaire et de droit pénal) 17,
57, 80, 118, 136, 141, 146, 155, 158, 172, 180, 183, 184, 185, 187, 188, 190,
191, 192, 200, 205, 216, 222, 228, 230, 231, 241, 248, 249, 250, 289, 308, 317,
324, 348, 350, 585, 590, 591, 593, 595, 596, 609, 619, 620, 621, 626, 663
RSCDP (Revue de sciences criminelles et de droit
pénal comparé) 17, 80, 585, 620
RUFFIE Jacques 674
S
SCHMELCK Robert 95, 108, 122, 123, 143, 151, 305, 399, 400, 527,
577, 578, 590
Secret médical 28, 64, 115, 122, 144, 250, 254, 274, 276,
323, 342, 345, 362, 363, 378, 380, 402, 438, 442, 443, 446, 447, 452, 453, 454,
459, 462, 471, 491, 505, 506, 539, 549, 597, 634, 663, 665, 671, 754
SECURITE SOCIALE 16, 28, 31, 65, 68, 76, 81, 142, 150, 168, 171,
172, 173, 174, 190, 191, 210, 216, 239, 244, 285, 339, 342, 365, 366, 379, 383,
401, 435, 467, 469, 471, 478, 485, 487, 493, 522, 540, 546, 547, 579, 586, 661,
669
Sida 22, 23, 29, 61, 63, 70, 299, 395, 398, 401, 402, 412, 413,
414, 415, 416, 417, 418, 419, 420, 421, 422, 423, 425, 428, 429, 430, 431, 432,
433, 434, 435, 436, 437, 438, 439, 440, 441, 442, 443, 444, 446, 450, 451, 452,
453, 461, 462, 463, 466, 467, 468, 471, 475, 477, 481, 484, 487, 490, 491, 492,
493, 494, 496, 519, 523, 537, 538, 539, 544, 546, 547, 551, 563, 566, 568, 583,
588, 634, 670, 672, 673, 674, 675, 676, 677, 754
SM (Syndicat de la magistrature) 17, 161, 312, 313, 314,
315, 316, 317, 322, 323, 329, 386, 390, 392, 583, 611, 612, 614, 640, 641, 642,
643, 644, 754
SMPR (Service médico-psychologique régional)
17, 203, 400, 429, 451, 506, 507, 557, 560, 582, 663, 665, 666, 673
SNEPAP (Syndicat national des éducateurs et des personnels
de l'administration pénitentiaire) 3, 17, 136, 137, 311, 316, 317, 318,
319, 321, 322, 323, 324, 326, 392, 519, 530, 531, 559, 644, 646
SOCIÉTÉ GÉNÉRALE DES PRISONS (SGP)
158, 183, 186, 189, 289, 308, 317, 326, 567
SPH (Syndicat des psychiatres des hôpitaux) 17, 205,
206, 665
T
TABUTEAU Didier 482, 483, 484, 485, 521
TAITTINGER Jean 113, 149, 172, 186, 204, 268, 522
TCHERIATCHOUKINE Jean 359, 379, 394, 433, 456, 485, 527
TEULADE René 485, 486, 561, 676
THEOLLEYRE Jean-Marc 91, 164, 532
TONUS 181, 195, 217, 223, 342, 454, 455, 467, 534, 538,
548, 631
TUFFELLI Jacqueline 458, 459, 460, 464, 486, 487, 554, 556,
560
U
UCSA (Unité de consultation et de soin ambulatoire)
17, 19, 20, 21, 27, 449, 501, 502, 504, 505, 507, 555, 556
V
VARAUT Jean-Marc 129, 168, 172, 536, 612
VAUZELLE Michel 482, 486, 487, 493, 494, 538, 561, 676
VEIL Simone 35, 41, 42, 83, 150, 174, 191, 193, 194, 204, 207,
238, 241, 264, 287, 288, 309, 314, 349, 389, 411, 487, 488, 489, 494, 548, 566,
567, 568, 584
VERIN Jacques 146, 183, 184, 185
VOULET Jacques 595
W
WEIL Jean-Albert 36, 222, 593
Z
ZAKINE Yvan 84, 153, 204, 306, 307, 309, 312, 313, 315, 316, 319,
329, 330, 332, 333, 351, 382, 524, 525, 529, 559, 581, 589, 590, 612, 642,
643
TABLE DES ENCADRES
LES MÉDECINS PÉNITENTIAIRES, ENTRE
LOYAUTÉ ET APATHIE : L'EXEMPLE DE LA
« SURPRESCRIPTION » DE PSYCHOTROPES
114
UNE PRISE DE PAROLE INTERNE DIFFICILE :
L'EXEMPLE DU CONGRÈS DE MEDECINE PENITENTIAIRE DE STRASBOURG DE 1972
133
UN STATUT DES MÉDECINS COMME RÉPONSE
À LEUR RESPONSABILITÉ
141
L'AMORCE D'UNE CODIFICATION INTERNATIONALE DES
« DROITS DES DÉTENUS »
155
LA POSITION DE LA DIRECTION DE LA SECURITE SOCIALE
SUR L'AFFILIATION DES DETENUS A L'ASSURANCE MALADIE
174
L'INTÉGRATION DE LA PSYCHIATRIE
PÉNITENTIAIRE DANS LE SECTEUR HOSPITALO-UNIVERSITAIRE : L'EXEMPLE
LYONNAIS
200
SOLANGE TROISIER, PORTRAIT D'UNE
« BARONNE DU GAULLISME »
213
LA SIMULATION : ELEMENT DE PATHOLOGIE
CARCÉRALE OU EXPRESSION D'UNE SOUFFRANCE ?
222
LA PRESCRIPTION DES MÉDICAMENTS
PSYCHOTROPES : UN SUJET TABOU DES CONGRES DE MEDECINE
PENITENTIAIRE
257
S'ADAPTER OU RÉSISTER :
L'ÉVICTION D'UN PRATICIEN RÉCALCITRANT
277
LE CONGRES DE LA COSYPE, UNE PAROLE LIBEREE :
LA PREMIÈRE AUTOCRITIQUE COLLECTIVE DE LA MÉDECINE
PÉNITENTIAIRE
324
UNE INSPECTION INTERNE AMBIGUË :
L'EXEMPLE DE L'ODONTOLOGIE
332
UNE FRAGILE AUTONOMIE DES PRATICIENS DURANT LES
ANNEES QUATRE-VINGT : LE RENVOI POUR INSUBORDINATION ADMINISTRATIVE
405
LA DIFFICILE PRISE EN COMPTE DES DETENUS, DANS
LA POLITIQUE DE COMMUNICATION DU MINISTRE DE LA SANTE CONCERNANT LE
SIDA
441
PLAN
DETAILLE
TABLE DES ACRONYMES
16
INTRODUCTION
19
LA DISPARITION DE LA « MEDECINE
PENITENTIAIRE » : UNE VICTOIRE DE LA SANTE PUBLIQUE ?
19
Les leçons de l'échec
italien dans l'analyse de la réforme française : que sont
devenus les « médecins pénitentiaires »?
24
Une distinction lexicale
révélatrice : la « médecine
pénitentiaire » en tant que groupe professionnel
spécifique
26
PRESENTATION DES HYPOTHESES : LA LOI DU 18
JANVIER 1994 COMME « REFORME PENITENTIAIRE »
28
Première hypothèse : la loi du 18
janvier 1994 comme issue de la lutte entre « segments
professionnels » médicaux antagonistes et acte de
décès de la « médecine
pénitentiaire »
29
Seconde hypothèse : la loi du 18
janvier 1994 comme réforme majeure dans la politique de
« décloisonnement » de l'institution
carcérale menée par des magistrats-militants
31
PERSPECTIVES THEORIQUES : UNE ANALYSE
SOCIOHISTORIQUE D'UNE DYNAMYQUE DE SPECIALISATION MEDICALE
33
Un pas de côté à l'égard
de la sociologie carcérale dominée par la question du sens
des réformes et la permanence de l'« institution
totale » goffmanienne
34
La conception foucaldienne de la réforme
pénitentiaire comme instrument de gouvernement : apports et
limites
38
L'opposition entre segments de médecins
pénitentiaires dans la défense de leur autonomie
professionnelle
42
La spécialisation de la médecine
pénitentiaire, au croisement d'une dynamique médicale et des
politiques carcérales
46
Une spécialisation médicale sous
contrainte : le rôle de l'espace public et du scandale dans la
définition de la médecine pénitentiaire en tant
qu'activité stigmatisante
49
Une démarche de sociologie historique de
l'action publique
51
DELIMITATION SPATIO-TEMPORELLE DU SUJET
53
LES SOURCES DE L'ENQUETE
56
L'étude des politiques carcérales
comme point de départ
57
Les limites des entretiens avec le personnel
sanitaire
58
Une littérature médicale
éparse mais précieuse
61
Les promesses déçues des archives de
l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS)
63
Un recours décisif aux archives des
directions ministérielles
64
Un recours ponctuel aux archives privées
65
L'utilité d'un croisement de l'entretien et
de l'archive en matière d'analyse de la décision
66
LES CONFIGURATIONS DE REFORME DE L'ORGANISATION DES
SOINS EN PRISON
67
PREMIERE PARTIE
73
LA « MEDECINE
PENITENTIAIRE » : LES TENTATIVES DE SPECIALISATION D'UNE
ACTIVITE STIGMATISANTE
73
INTRODUCTION DE LA PREMIERE PARTIE
75
CHAPITRE 1. LES «ANNEES 68» :
CONTESTATION ET POLITISATION DU SYSTEME PENITENTIAIRE ET DE SA MEDECINE
(1970-1973)
83
Section 1- La prison comme nouvel objet de luttes
politiques : le « scandale des prisons »
87
1. De la revendication du régime politique
à la dénonciation du régime des prisons : la
politisation de l'institution carcérale
88
2. Prisons et journalisme : les conditions de
détention désormais au centre des regards
91
Section 2 - La médecine pénitentiaire
en accusation
98
1. La dénonciation par les militants
de la cause carcérale de la prise en charge médicale des
détenus
98
2. Des «
épidémies » de suicides ? Entre accusés et
témoins, les médecins de prison en première ligne de
l'actualité
103
Section 3 - Les médecins face à
l'Administration pénitentiaire : loyauté, apathie,
protestation et défection
111
1. De la remise en cause de la psychiatrie asilaire
à la dénonciation de la psychiatre pénitentiaire :
l'émergence d'un regard critique sur la tutelle administrative
117
2. La contestation des internes de la tutelle
pénitentiaire, effet de la politisation des étudiants de
médecine après Mai 68
123
CHAPITRE 2. UN NOUVEL IDEAL CARCERAL ET
L'EMERGENCE DE L'IDEE DE « DECLOISONNEMENT »
145
Section 1 - Vers une nouvelle considération
de la détention : la progressive reconnaissance du détenu
comme sujet de droit
149
1. La « petite phrase de
Giscard » et l'idée de « droits » des
détenus
150
2. De la revendication du droit à la
mobilisation des professionnels de la prison : l'émergence d'un
nouveau militantisme carcéral
159
3. La reconnaissance d'un «droit à la
santé» et le rattachement des détenus à la
Sécurité sociale
168
Section 2 - Le
« décloisonnement » des services de santé
pénitentiaires : la perte d'un monopole carcéral ?
179
1. Le
« décloisonnement », entre revendication
professionnelle et politique publique : la polysémie d'un
concept
180
2. La défense d'une médecine
pénitentiaire spécifique et l'échec du projet de
« décloisonnement total » de l'organisation des
soins
187
3. La contestation de la psychiatrie
pénitentiaire et son intégration au dispositif de santé
mentale : la réforme de 1977
194
CHAPITRE 3. TENTATIVES ET LIMITES DE
SPECIALISATION D'UNE ACTIVITE MEDICALE CONTROVERSEE
213
Section 1 - La spécialisation de la
médecine pénitentiaire comme réhabilitation d'un secteur
d'action publique peu attractif
216
1. Le travail interne de délimitation d'une
nouvelle spécialité médicale : la mise en
évidence d'une « pathologie carcérale »
219
2. L'inscription de la médecine
pénitentiaire au sein du secteur médical français :
l'adoption d'une éthique et d'une appellation spécifiques
232
Section 2 - Une entreprise de spécialisation
entravée : la non-institutionnalisation de la médecine
pénitentiaire
246
1. Les exigences contradictoires du
métier de médecin pénitentiaire entre Thémis et
Asclépios : une identité professionnelle contrariée
247
2. Une spécialisation sous
contraintes : la politisation de la critique de la médecine
pénitentiaire et de son Inspecteur
267
CONCLUSION DE LA PREMIERE PARTIE
283
SECONDE PARTIE
293
LA REMISE EN CAUSE D'UNE MEDECINE
SPECIFIQUE : UNE RECONFIGURATION COGNITIVE
293
INTRODUCTION DE LA SECONDE PARTIE
295
CHAPITRE 4. LES «FENETRES
D'OPPORTUNITE» DE REFORME DE LA MEDECINE PENITENTIAIRE
301
Section 1 - L'alternance de mai 1981 : les
conditions d'une transformation de l'action pénitentiaire
303
1. La gauche face aux prisons : le
poids des contraintes carcérales et le renouvellement des hommes
304
2. L'influence d'une
« communauté épistémique
réformatrice » sur la politique carcérale : la
Coordination syndicale pénale (COSYPE)
315
Section 2. Les «scandales» comme
«fenêtres d'opportunité» de réforme de la
médecine pénitentiaire
328
1. L'éviction de Solange Troisier et la
suppression de l'Inspection médicale interne : la politisation
d'une réforme structurelle
329
2. Du «lanceur d'alerte» à
l'«affaire»: les logiques de «scandalisation»
341
CHAPITRE 5. LES SPECIFICITES CARCERALES A
L'EPREUVE DU « DECLOISONNEMENT »
351
Section 1- L'organisation sanitaire en prison sous
le contrôle des services de la Santé
358
1. L'Inspection générale des affaires
sociales, entre légitimation et réforme de la médecine
pénitentiaire
359
2. Surveiller et conseiller :
l'organisation des soins en prison sous le regard des médecins
inspecteurs de santé publique
369
Section 2 - La délégation de la
santé au secteur privé : la fin d'un monopole
pénitentiaire
385
1. Le « Programme 13.000 » et
la délégation de gestion à des groupements
privés : une forme de décloisonnement ?
387
2. La « boîte noire » de
la médecine pénitentiaire à l'épreuve de la
rationalisation de l'organisation des soins
393
CHAPITRE 6. LE SIDA, «REFORMATEUR» DE
LA POLITIQUE DE SANTE EN PRISON ?
414
Section 1 - Mobilisation administrative et
naissance d'une politique publique de prise en charge du sida en prison
416
1. Le travail de mise en visibilité de
l'épidémie : les «lanceurs d'alertes» face
à la «politique discrète» de l'Administration
pénitentiaire
417
2. L'intervention des CISIH en milieu
carcéral : une ouverture de la prison vers l'Hôpital ou de la
Santé envers les prisons ?
431
Section 2 - Une nouvelle conception des soins en
prison ? L'affirmation d'une médecine non-pénitentiaire
444
1. De la démission à la mobilisation
collective : l'émergence d'une association des professionnels de
santé exerçant en milieu carcéral
447
2. L'arrivée de médecins-chefs
réformateurs : une même médecine entre le dedans et le
dehors ?
457
CONCLUSION DE LA DEUXIEME PARTIE
471
PROLOGUE A LA CONCLUSION : LA REFORME DE 1994
COMME SUCCES D'UNE MOBILISATION DE MAGISTRATS-MILITANTS ET DE PRATICIENS
REFORMATEURS
477
Trouver une alternative au
« 13.000 » : des premières conventions à
une réforme globale de la prise en charge sanitaire des
détenus
478
La mise sur agenda, un
phénomène immergé dans le secteur administratif
482
Le nécessaire recours à la
volonté politique via les cabinets ministériels
484
Le rapport Chodorge du Haut comité de
la santé publique : les conditions de production d'une expertise
légitimante
486
L'adoption de la réforme : du
décret du 27 mars 1993 et la loi du 18 janvier 1994
488
La catégorisation de la prise en charge des
détenus en tant que problème de santé publique et le
rôle du scandale des collectes de sang contaminé en prison
489
La réforme de la médecine
pénitentiaire comme convergence des variables politiques,
professionnelles, cognitives et institutionnelles
494
CONCLUSION
499
La mise en oeuvre de la loi du 18 janvier
1994 : une délimitation trop stricte des missions de soin et de
garde ?
500
Le projet d'une « médecine
pénitentiaire » au croisement d'une double dynamique
médicale et carcérale
509
L'institution pénitentiaire et ses
réformes au prisme de ses acteurs
511
Un contrôle indépendant des conditions
de détention comme étape supplémentaire dans le
décloisonnement l'institution carcérale
514
SOURCES ECRITES
519
1. ARCHIVES DES MINISTERES JUSTICE ET SANTE
519
Ø Archives internes non
versées de l'Administration pénitentiaire consultées
après autorisation des services (sous-direction PMJ de la
DAP) :
519
Ø Archives non versées de la
Direction générale de la santé (DGS) et consultées
au ministère de la Santé après autorisation des services
:
520
Ø Archives en cours de versement
consultées au ministère de la Santé après
dérogation :
521
Ø Archives du Centre des archives
contemporaines (CAC) de Fontainebleau consultées sur
dérogation :
522
2. INSTITUT NATIONAL DE L'AUDIOVISUEL (INA)
530
3. ARCHIVES ETIENNE BLOCH DEPOSEES A L'INSTITUT
D'HISTOIRE DU TEMPS PRESENT (IHTP)
530
4. ARCHIVES DU SYNDICAT NATIONAL DES EDUCATEURS
PENITENTIAIRES (SNEPAP)
531
5. PRESSE D'INFORMATION GENERALISTE ET MEDICALE
PAR ORRDRE CHRONOLOGIQUE
531
6. SOURCES IMPRIMEES (CLASSEMENT PAR SUJET)
539
Politique pénitentiaire, actualité
des prisons :
539
A. Textes officiels et rapports
539
Santé et médecine en
prison :
543
A. Textes officiels et rapports
543
Psychiatries hospitalière et
pénitentiaire :
549
Autres (médecine légale, sida,
etc.)
551
SOURCES ORALES
553
1. ENTRETIENS AVEC DES SOIGNANTS
553
A. Médecins somatiques
(généralistes et spécialistes)
555
B. Psychiatres et psychologues
557
C. Infirmier(e)s
557
D. Pharmacie
558
2. ENTRETIENS AVEC DES DECIDEURS
559
A. Administration pénitentiaire
559
B. Ministère de la Santé
560
C. Haut comité à la santé
publique (HCSP)
560
D. Cabinets ministériels
560
3. PROTAGONISTES DES PRISONS A GESTION
MIXTE
562
BIBLIOGRAPHIE
563
1. SOCIOLOGIE, THEORIE POLITIQUE ET POLITIQUES
PUBLIQUES
563
2. HISTOIRE ET SOCIOLOGIE DE LA PRISON
565
3. SOCIOLOGIE DE LA SANTE ET DES PROFESSIONS
MEDICALES
568
4. SOCIOLOGIE DE LA JUSTICE
569
5. AUTRES
569
ANNEXES
571
ANNEXE 1 : PRESENTATION DE
L'ADMINISTRATION PENITENTIAIRE
572
1. Services de l'administration centrale
572
2. Services déconcentrés
pénitentiaires
573
ANNEXE 2 : CHRONOLOGIE DE 1945 à
1994
574
ANNEXE 3 : EVOLUTION DU NOMBRE DE MEDECINS
EN MILIEU PENITENTIAIRE
585
ANNEXE 4 : THESES DE MEDECINE SOMATIQUE
CONSACREES AU MILIEU CARCERAL DEPUIS LA LIBERATION
586
ANNEXE 5 : LA CREATION DU POSTE DE
MEDECIN-INSPECTEUR DES PRISONS DANS LE CONTEXTE DE LA GUERRE D'ALGERIE
589
ANNEXE 6 : LA DEFENSE PAR GEORGES FULLY DE
L'AUTONOMIE DES MEDECINS PENITENTIAIRES EN MATIERE DE GREVES DE LA FAIM
593
ANNEXE 7 : LA CRÉATION DES CMPR EN
1967 : UN DÉBUT DE RECONNAISSANCE DE LA PSYCHIATRIE
PÉNITENTIAIRE
595
ANNEXE 8 : LE DISCRÉDIT COMME
RÉPERTOIRE D'ACTION D'UN DIRECTEUR À L'ENCONTRE D'UN
PRATICIEN RÉCALCITRANT
598
ANNEXE 9 : « LE FROID
PÉNITENTIAIRE » : LE NÉCESSAIRE TÉMOIGNAGE
D'UNE PSYCHOLOGUE CONFRONTÉE A L'INERTIE PÉNITENTIAIRE
600
ANNEXE 10 : LES MOUVEMENTS DE REMISE EN
CAUSE DE LA PSYCHIATRIE INSTITUTIONNELLE DEPUIS LA LIBERATION
603
ANNEXE 11 : LES EFFETS DE MAI 68 SUR LES
ÉTUDIANTS DE MÉDECINE FRANÇAIS
606
ANNEXE 12 : LA RÉFORME AMOR DE 1945
ET LE MODÈLE DU « TOUT-CARCÉRAL »
609
ANNEXE 13 : LE MOUVEMENT DE CONTESTATION
DU DROIT DES « ANNÉES 68 » FACE AUX PRISONS ET LA
JUDICIARISATION DE LA DETENTION
611
ANNEXE 14: L'« AFFAIRE
MIRVAL » OU LA CONTESTATION D'UN INTERNE MILITANT
614
ANNEXE 15 : L'INFLUENCE INDIRECTE DE MAI
68 SUR DEUX INTERNES PENITENTIAIRES
616
ANNEXE 16 : LES CRAINTES DE LA
PENITENTIAIRE FACE A UN REGARD MEDICAL EXTERIEUR : LES PREMIERES
INFIRMIERES CROIX-ROUGE EN DETENTION
619
ANNEXE 17 : LES HOSPITALISATIONS CIVILES :
CAUSE ET OBSTACLE AU « DÉCLOISONNEMENT TOTAL »
DE LA MÉDECINE PÉNITENTIAIRE
622
ANNEXE 18 : LE REGARD
DÉSENCHANTÉ D'UN INTERNE EN PSYCHIATRIE SUR L'UTILITÉ DE
SA PRÉSENCE EN MILIEU CARCÉRAL
624
ANNEXE 19 : L'OBSTACLE RÉCURRENT DE
LA RÉMUNÉRATION DANS LE PROJET DE LA CRÉATION D'UN CORPS
DES SOIGNANTS PÉNITENTIAIRES
626
ANNEXE 20 : ASCLÉPIOS AU SERVICE DE
THÉMIS OU LA POSITION CONTROVERSÉE DE SOLANGE TROISIER EN
MATIÈRE DE GRÈVES DE LA FAIM
629
ANNEXE 21 : ENTRE OPPORTUNISME ET
ADHÉSION IDÉOLOGIQUE, LA JUSTIFICATION DE LA MÉDECINE
PÉNITENTIAIRE PAR UN INTERNE
633
ANNEXE 22 : DE LA CURIOSITÉ
À LA RÉVOLTE, PARCOURS D'UN INTERNE LYONNAIS
635
ANNEXE 23 : LA STRATÉGIE
DÉNONCIATRICE DE LIBÉRATION : LE CAS « MICHEL
HENGE »
638
ANNEXE 24 : ENTRE CRITIQUE RADICALE ET
RÉFORME PRAGMATIQUE, LE SYNDICAT DE LA MAGISTRATURE FACE À LA
QUESTION PÉNITENTIAIRE
640
ANNEXE 25 : LA POLITIQUE
SÉCURITAIRE D'ALAIN PEYREFITTE ET LA MULTIPLICATION DES PRESSIONS ENVERS
LES PROFESSIONNELS PÉNITENTIAIRES
644
ANNEXE 26 : LE « SCANDALE DES GRÂCES
MÉDICALES »: LE RÉCIT DES FAITS
647
ANNEXE 27: L'ANESTHÉSISTE ET LE
CHIRURGIEN : LA PRISE EN COMPTE PAR L'IGAS DES CONTRAINTES
PÉNITENTIAIRES
650
ANNEXE 28 : ENTRE SURMENAGE ET LASSITUDE,
PORTRAITS DE TROIS INFIRMIÈRES PÉNITENTIAIRES EXERÇANT
DANS LES ANNÉES QUATRE-VINGT
654
ANNEXE 29 : LES EFFETS LIMITÉS DES
CONTRÔLES DE L'IGAS : L'EXEMPLE DE LA M.A DE
PONTOISE
658
ANNEXE 30 : LES EFFETS PERVERS D'UNE
MODERNISATION ET D'UNE NOUVELLE RÉGULATION DE LA MÉDECINE
PÉNITENTIAIRE : LE DIFFICILE RECRUTEMENT DES CHIRURGIENS-DENTISTES
661
ANNEXE 31 : LA CRÉATION DES
SERVICES MÉDICO-PSYCHOLOGIQUES RÉGIONAUX (SMPR) EN 1986, ACTE DE
DÉCÈS DE LA
« PSYCHIATRIE PÉNITENTIAIRE »
663
ANNEXE 32 : LA CRISE DE LA MÉDECINE
LÉGALE : UNE DIFFICILE INTÉGRATION HOSPITALO-UNIVERSITAIRE
ET SA NÉCESSAIRE RECONVERSION
667
ANNEXE 33 : LES SOIGNANTS ET LE SIDA EN
PRISON : ENTRE GESTION DES PEURS ET PRISE EN CHARGE IMPOSSIBLE
670
ANNEXE 34 : LE TRAITEMENT
MÉDIATIQUE DU SIDA : DE LA PSYCHOSE À LA
DÉDRAMATISATION
674
ANNEXE 35 : LE SCANDALE DES COLLECTES DE
SANG EN MILIEU CARCERAL COMME REVELATEUR DES FAIBLESSES DE L'ORGANISATION DES
SOINS EN PRISON
676
ANNEXE 36 : ENTRETIEN AVEC DANIEL
GONIN
679
ANNEXE 37 : ENTRETIEN AVEC PIERRE
ESPINOZA
699
ANNEXE 38 : ENTRETIEN AVEC
JEAN FAVARD
713
ANNEXE 39 : ENTRETIEN AVEC YVAN ZAKINE
721
ANNEXE 40 : ENTRETIEN AVEC MYRIAM
EZRATTY
729
INDEX
737
TABLE DES ENCADRES
745
RESUME DE LA THESE
L'article 2 de la loi n°94-43 du 18 janvier 1994,
transférant l'organisation des soins en milieu carcéral du
ministère de la Justice au service public hospitalier, a souvent
été présenté comme une réforme de
santé publique s'imposant au vu de l'état des prisons
françaises. L'épidémie de sida et le volontarisme des
ministres de la Santé suffiraient à rendre compte de ce qui a
été qualifié de « révolution
sanitaire ». Pourtant au-delà de ces facteurs conjoncturels,
les conditions de possibilité de cette réforme s'inscrivent plus
largement au croisement d'une double dynamique, professionnelle et
carcérale, que cette recherche propose de retracer. En effet, la loi du
18 janvier 1994 est également la réforme d'une profession et d'un
secteur d'action publique tous deux fortement contestés. La
réforme de l'organisation des soins en prison marque l'échec
d'une stratégie de spécialisation médicale, entendue comme
la tentative opérée par certains praticiens d'occuper une
position spécifique au sein du secteur médical.
Initiée au début des années soixante par
le premier Médecin-inspecteur des prisons, Georges Fully, l'affirmation
d'une « médecine pénitentiaire »
spécifique avait alors pour but de conférer aux praticiens une
plus grande légitimité, et ainsi autonomie, à
l'égard de leur employeur, l'Administration pénitentiaire. La
spécialisation était ainsi conçue comme une ressource
supplémentaire afin de mettre fin au tiraillement auquel étaient
confrontés les praticiens travaillant en détention entre leur
statut de vacataire du ministère de la Justice et celui de
médecin-traitant des détenus. Toutefois, après la violente
contestation des prisons survenue durant les années soixante-dix,
l'affirmation d'une médecine pénitentiaire devient pour le
nouveau Médecin-inspecteur, Solange Troisier, le moyen de
légitimer un secteur d'action publique discrédité :
l'organisation des soins en milieu carcéral. La consécration
d'une médecine spécifique aux détenus est également
pour elle le moyen de faire prévaloir les exigences du Code de
procédure pénale sur celles issus du Code de déontologie.
La spécialisation de la médecine pénitentiaire devient
ainsi un moyen de s'autonomiser non pas du ministère de la Justice mais
du secteur médical.
La réforme de 1994 marque l'échec de cette
tentative de spécialisation médicale. Elle résulte de la
rencontre entre un « segment » de praticiens
défendant l'idée d'une médecine non-spécifique avec
quelques magistrats-militants, issus du Syndicat de la magistrature, en poste
à l'Administration pénitentiaire favorables à un
« décloisonnement » de l'institution
carcérale. La loi du 18 janvier 1994 marque l'aboutissement de cette
stratégie et l'échec de la tentative de spécialisation. A
la « médecine pénitentiaire »,
désormais rattachée à un passé stigmatisant
révolu, succéderait une « médecine exercée en
milieu carcéral ».
L'enjeu de cette thèse est par conséquent de
retracer la sociogenèse d'une réforme à partir des
dynamiques qui traversent un groupe professionnel, d'une part, et des
transformations qui affectent un secteur d'action publique, d'autre part. On
montrera également que la spécialisation de la médecine ne
peut être comprise que si elle est articulée à d'autres
logiques et qu'elle ne peut ainsi être réduite à sa seule
dimension médicale.
Mots-clés : alternance politique
- autonomie professionnelle - déontologie médicale -
détenus - grèves de la faim - magistrats - médecine
pénitentiaire - prison- psychiatrie pénitentiaire -
révoltes carcérales - santé publique - secret
médical - spécialisation médicale- sida- Syndicat de la
magistrature (SM).
* 1 Philippe Pottier, éducateur
pénitentiaire depuis 1975, secrétaire général du
Syndicat des éducateurs pénitentiaires (SNEPAP) de 1978 à
1988 et fondateur de la Coordination syndicale pénale (COSYPE).
Adjoint au sous-directeur de l'Administration pénitentiaire lors de
l'entretien réalisé le 27/12/2007.
* 2 Cité
dans ASSEMBLEE NATIONALE, La France face à ses
prisons, Paris, Rapport de la commission d'enquête de
l'Assemblé Nationale, Rapport n°2521, 2000.
* 3 « Le service public
hospitalier assure, dans des conditions fixées par voie
réglementaire, les examens de diagnostic et les soins dispensés
aux détenus en milieu pénitentiaire et, si nécessaire, en
milieu hospitalier. Il concourt, dans les mêmes conditions, aux actions
de prévention et d'éducation pour la santé
organisées dans les établissements pénitentiaires ».
Article L. 6112-1 du Code de la Santé publique.
* 4 Afin
d'éviter des répétitions, le terme
« Administration pénitentiaire » sera parfois
remplacé par l'acronyme DAP (Direction de l'administration
pénitentiaire) ou par le terme « Administration ».
* 5 FATOME Thomas,
VERNEREY Michel, LALANDE Françoise, FROMENT Blandine, VALDES-BOULOUQUE
Martine, L'organisation des soins aux détenus. Rapport
d'évaluation, Rapport Inspection générale des
services judiciaires - Inspection générale des affaires sociales,
juin 2001, p. 28.
* 6 GUERIN
Geneviève, « Le dispositif de prise en charge »,
Actualité et dossier en santé publique, n°44,
09/2003.
* 7 A l'issue d'un
stage d'un an dans une communauté italienne pour toxicomanes
effectué dans le cadre de la dernière année d'étude
de l'IEP de Grenoble, nous avons réalisé un rapport de stage
consacré à la prise en charge des toxicomanes en France et en
Italie. C'est dans ces conditions qu'on s'est intéressé à
la réforme du 18 janvier 1994, présentée comme une
« petite révolution » et au dispositif similaire
adopté en Italie en 1998. La recherche réalisée dans le
cadre du DEA de « Politiques publiques et gouvernements comparés
» de l'IEP de Lyon consistait en une comparaison des réformes
française et italienne à partir des établissements de Lyon
et de Rome. Elle reposait sur une trentaine d'entretiens réalisés
auprès des personnels médicaux et pénitentiaires (La
gouvernance de l'ingérable. Quelle politique de santé publique en
milieu carcéral ? Analyse du dispositif soignant des prisons de Lyon et
perspectives italiennes, mémoire de DEA, sous la direction de
Gilles Pollet, IEP de Lyon- Université Lyon 2, 2003).
* 8 Pierre Barlet,
médecin aux M.A de Lyon depuis 1966 puis responsable du service des
détenus de l'hôpital Lyon Sud depuis 1985. Entretiens
réalisés le 18/04/2003 et le 30/04/2008. Durées: 2H15 et
2H00.
* 9 Francis,
médecin à l'UCSA de la M.A des prisons de Lyon depuis 1995.
Entretien réalisé le 02/02/2003, 1H15.
* 10 Une
enquête de la Direction des hôpitaux réalisée en 1997
relevait d'importantes disparités selon les régions en terme
d'effectifs mis à disposition des UCSA : de 1 à 5 pour la
présence de médecins généralistes et pour les
chirurgiens dentistes mais surtout de 1 à 30 pour les médecins
spécialistes (Cité in FATOME Thomas, et alii,
L'organisation des soins aux détenus, op.cit., p.40).
* 11 Louise,
responsable du bureau d'action sanitaire de la DRSP Rhône-Alpes.
Entretien le 22/04/2003, 2H20.
* 12
« Les prisons débordées par l'afflux de malades
mentaux », Le Monde, 17/04/2002.
* 13 SENAT,
Prisons : une humiliation pour la République. Rapport de la
mission d'enquête sur les conditions de détention dans les
établissements pénitentiaires en France, 2 volumes, 2000.
* 14 ACADEMIE DE
MEDECINE, Situation pathologiques pouvant relever d'une suspension de
peine, pour raison médicale suite à l'article 70-1 du code civil
de procédure pénale, Rapport au ministère de la
Santé, de la Famille et des personnes handicapées, 2003.
* 15
« Dix ans après la loi sur la santé
pénitentiaire, le bilan demeure modeste », Le Monde,
8/12/2004.
* 16
« Santé en prison : la peine de mort lente »,
Politis, 1/07/2004.
* 17 OIP, Les
conditions de détention en France, Rapport annuel 2005, OIP/La
découverte, 2005.
* 18 Propos tenus
par exemple par le Pr William Dab, alors Directeur général de la
santé, à l'occasion d'un congrès consacré au bilan
de la loi du 18 janvier 1994 auquel nous avons assisté (« Colloque
santé en prison. 10 ans après la loi : quelle évolution
dans la prise en charge des personnes détenues », Paris,
7/12/2004).
* 19 NICOLAS Guy,
« La santé en milieu carcéral : dix ans
après la réforme », Actualité et dossier en
santé publique, n°44, 09/2003, p.1.
*
20 Titre d'un dossier spécial de
La Revue française des affaires sociales, n°1,
janvier-mars, 51ème année, 1997.
* 21 OBRECHT Olivier,
« La réforme des soins en milieu pénitentiaire de 1994
: l'esprit et les pratiques », dans VEIL Claude, LHUILIER
Dominique, La prison en changement, Paris, Erès, 2000,
p.231.
* 22 Pierre Barlet,
médecin aux prisons de Lyon depuis 1966 puis responsable du service de
prise en charge des détenus de l'hôpital Lyon Sud depuis 1985.
Entretiens réalisés le 18/04/2003 et le 30/04/2008,
durée : 2H15.
* 23 GUERIN
Geneviève, « Contexte et genèse d'une
réforme », Actualité et dossier en santé
publique, n°44, 09/2003, pp.18-20.
* 24 On tient
généralement les philosophies kantienne et
hégélienne comme les idéaux types d'une conception
téléologique de l'Histoire, selon laquelle l'Histoire avancerait
inexorablement vers un but déjà connu, les faits et surtout les
acteurs n'étant que des épiphénomènes. C'est contre
une telle vision déterministe de l'histoire de la réforme de la
santé en prison que s'inscrit ce travail.
* 25 On peut en
rappeler ici les principales étapes. Un décret en 1984 transfert
l'inspection des services médicaux à l'Inspection
générale des affaires sociales (IGAS). En 1985, l'hôpital
de Fresnes est transformé en établissement d'hospitalisation
publique nationale de Fresnes et son personnel médical est mis sous
l'autorité du ministère de la Santé. Les personnels du
secteur psychiatrique sont transférés au secteur public
hospitalier en 1986 avec la création des Services médicaux
psychologiques régionaux (SMPR). Enfin, il est d'usage de se
référer au rôle d'accélérateur que le sida a
joué dans la réforme de la médecine pénitentiaire
avec en 1989, la signature de conventions entre huit établissements
pénitentiaires et des établissements hospitaliers afin que des
dépistages anonymes et gratuits du sida soient proposés aux
détenus. Ces conventions marquèrent les premières
interventions de praticiens hospitaliers en milieu carcéral et l'amorce
de la loi du 18 janvier 1994.
* 26 On pense ici
à la publication de certains ouvrages ou rapports publics au
début des années quatre-vingt-dix (GONIN Daniel, La
santé incarcérée. Médecine et conditions de vie en
détention, Paris, L'Archipel, 1991 ; CONSEIL NATIONAL DU SIDA,
Rapport sur les situations médicales sans absolue
confidentialité dans l'univers pénitentiaire, 12 janvier
1993 ; HAUT COMITE DE LA SANTE PUBLIQUE, Santé en milieu
carcéral, ENSP, coll. « Avis et Rapports du HCSP »,
janvier 1993) et qui sont présentés par la partisans de la
réforme comme autant de « bonnes raisons » venant
légitimer le transfert de la gestion des soins auprès du
ministère de la Santé.
* 27 OBRECHT
Olivier, « Des progrès pour la santé en
prison », Projet n°269, juin 2002, pp.110-117..
* 28 Outre
l'analyse des prisons de Lyon, comme exemple de mise en oeuvre de la loi du 18
janvier 1994, le travail de DEA analysait la réforme italienne de la
médecine pénitentiaire à travers l'exemple des prisons de
Rome.
* 29 SARZOTTI Claudio,
« L'assistenza sanitaria: cronaca di una riforma mai nata »,
dans ANASTASIA Stefano, GONNELLA Patrizio (dir.), Inchiesta sulle
carceri italiane, Carocci, Roma, 2002, pp.109.
* 30 BIENVENU
Noémie, Le médecin en milieu carcéral : étude
comparative France / Angleterre et Pays de Galle, L'Harmattan, coll.
Bibliothèques de droit, Paris, 2006, p.16.
* 31 HAYTON Paul,
BOYINGTON John, « prisons and health reforms in england and
wales », American journal of public health, 10-2006, vol 96,
n°10, pp.1730-1733.
* 32 BERNHEIM Jean,
« Ethique en milieu pénitentiaire »,
Médecine et hygiène, 49, 2/10/1991, pp.2494-2501.
* 33 FERON Jean-Marc,
« La santé en prison : Santé publique ou
ministère de la Justice ? », Santé
conjuguée, octobre 2002, n°22, pp.95-96.
* 34
TCHERIATCHOUKINE Jean, Rapport relatif à la prise en charge
sanitaire des détenus des pays du sud-Ouest de l'Europe : France,
Espagne, Portugal, rapport de l'IGAS, décembre 1993 ;
MINISTERE DE LA JUSTICE, Service des affaires européennes et
internationales, Etudes sur les prisons en Europe : les droits des
détenus et la viabilité du système
pénitentiaire : le cas de l'Espagne, Juriscope,
13/06/2007.
* 35 Début
1996, tous les établissements pénitentiaires avaient signé
un protocole avec un hôpital de proximité.
* 36 C'est
notamment le cas du Dr Gonin exerçant depuis les années soixante,
et dont on a cité l'ouvrage à succès
précédemment, ou les Dr Espinoza et Emmanuelli, arrivés au
cours des années quatre-vingt, qui publièrent de nombreux
articles en faveur d'un transfert auprès du ministère de la
Santé.
* 37 FATOME Thomas,
et alii, L'organisation des soins aux détenus, op.cit.,
p.37.
* 38
Françoise, généraliste à Bois d'Arcy de 1986 puis
à Fleury-Mérogis depuis 1996. Entretien le 13/01/2006, 3 H.
* 39
Hélène, interne puis généraliste à
Fleury-Mérogis de 1983 à 2000. Entretien réalisé le
8/12/2005, 2H40.
* 40 Guillaume,
généraliste à l'hôpital de Fresnes de 1992 à
1995 puis à l'UCSA de Fleury de 95 à 2000. Entretiens
réalisés le 16/03/2006 et le 20/04/2006. Durée : 1H45 et
2H.
* 41 Lise,
infirmière pénitentiaire à la prison des Baumettes de 1979
à 1997. Entretien réalisé le 23/02/2006, 3H00.
* 42 Laurent,
généraliste, médecin-adjoint aux Baumettes de 1990
à 1997. Entretien réalisé le 20/02/2006, 2H30.
* 43 Parmi les
spécificités de la médecine pénitentiaire figurent
les « pathologies carcérales » spécifiquement
liées à la détention (grèves de la faim), la
connaissance des procédures judiciaires et pénitentiaires ou
encore l'attention portée aux risques de simulation. Toutes ces
spécificités, justifiant selon certains que la médecine
pénitentiaire soit reconnue comme une spécialité
médicale à part entière, seront détaillées
dans la thèse.
* 44 Ce principe
peut être résumé ainsi : « L'objectif de la
loi est d'assurer aux personnes détenues une qualité et une
continuité des soins équivalentes à celles offertes
à la population générale. La loi a institué deux
mesures complémentaires » (Circulaire
interministérielle DHS/DGS/DSS/DGAS/DAP n°2005-27 relative à
l'actualisation du guide méthodologique relatif à la prise en
charge sanitaire des personnes détenues et à leur protection
sociale).
* 45 Le terme de
« réforme pénitentiaire » désigne la
tentative, maintes fois répétée depuis le
19ème siècle, d'attribuer à
l'incarcération, et ainsi à la peine, une certaine
signification.
*
46 Par le recours à la notion de
« segment professionnel », on souhaite mettre l'accent sur
les logiques de transformation des équilibres entre professionnels d'une
même catégorie, à savoir ici les médecins
pénitentiaires (BUCHER Rue, STRAUSS Anselm, « La dynamique des
professions » dans STRAUSS Anselm, La trame de la
négociation. Sociologie qualitative et interactionnisme, Paris,
L'Harmattan, coll. « Logiques sociales », 1992,
pp.67-86).
*
47 Bien que distinct dans ses conditions
et ses modalités, c'est un phénomène semblable de
reconfiguration d'un champ professionnel que décrit Henri Bergeron dans
son étude du dispositif français de soin de la toxicomanie. Parmi
les étapes de la structuration d'un segment professionnel divergent, il
insiste notamment sur l'importance d'un paradigme concurrent autour duquel sont
susceptibles de s'unir les dissidents au système dominant, rejoignant
ainsi les analyses développées par T. Kuhn dans son étude
épistémologique sur la structure des révolutions
scientifiques (BERGERON Henri, L'Etat et la toxicomanie. Histoire d'une
singularité française, PUF,
coll.« Sociologies », Paris, 1999,
p.273).
* 48 Jean-Paul
Jean, magistrat, Conseiller technique du ministre de la Santé de mai
1988 à mai 1991 puis Conseiller
technique des ministres de la Justice de mai 1991 à avril 1992.
Entretien réalisé le 6/07/2005, 2H.
* 49 Alain Blanc,
responsable de la sous-direction de la réinsertion de 1985 à
1995. Entretien le 19/04/2007, 3H.
* 50 Jean Favard,
magistrat à la DAP de 1970 à 1975 puis Conseiller technique du
ministre de la Justice de 1981 à 1986. Entretien réalisé
le 10/01/2008, durée: 3H00.
* 51 L'expression
de « médecine pénitentiaire » sera
désormais utilisée, sans guillemets, pour se
référer exclusivement à l'organisation des soins en prison
telle qu'elle était en vigueur avant la loi du 18 janvier 1994.
* 52 L'article 3 de la loi
du 18 janvier 1994 vient modifier l'article L. 381-30 du Code de la
sécurité sociale dans les termes suivants : « Les
détenus sont affiliés obligatoirement aux assurances maladie et
maternité du régime général à compter de la
date de leur incarcération ».
*
53 Ce principe fait l'objet d'une large
promotion de la part des organisations internationales telles que
l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) ou le Conseil de l'Europe au
sujet de l'accès des détenus aux soins comme en attestent par
exemple les actes d'une conférence internationale (OMS, Prisons,
drogues et société, Strasbourg, Ed. du conseil de l'Europe,
2002, p.64).
* 54 FROMENT
Jean-Charles, « Introduction », Revue française
d'administration publique, n°99, dossier « Administration
et politiques pénitentiaires », 07/09-2002, pp.390-391.
* 55 On pense par
exemple à la réforme Amor, du nom de son principal auteur,
réalisée en 1944 ou encore à la réforme de 1975.
Pour une analyse de la réforme pénitentiaire, on peut se reporter
au texte de SEYLIER Monique, « La banalisation pénitentiaire ou le
voeu d'une réforme impossible », Déviance et
société, vol. 4, n°2, 1980, pp. 131-147.
* 56 OBRECHT
Olivier, « La réforme des soins en milieu pénitentiaire
de 1994...», art.cit., p.240.
* 57 Citons le
droit à l'information (marqué par l'entrée successive dans
les prisons des journaux en 1971, de la radio en 1974 et de la
télévision en 1985), le droit aux relations avec
l'extérieur (liberté de correspondance, parloirs sans
séparation en 1983), le droit au travail (qui cesse en 1987 d'être
une obligation) ou encore, de manière contemporaine, le droit à
maintenir des relations familiales et sexuelles.
* 58 C'est ainsi
qu'un ancien magistrat de la DAP rend compte de la réforme : BLANC
Alain, « Santé en prison : la nécessaire poursuite du
décloisonnement », La documentation française,
Actualité et dossier en santé publique, n°44,
09/2003 pp.46-47.
* 59 Pour un bilan
des travaux existants en la matière on renvoie à PAYRE Renaud,
POLLET Gilles, Sociohistoire de l'action publique, Paris, La
découverte-Repères, 2013, 126p.
*
60 GOFFMAN Erving, Asiles, Paris,
Les Editions de Minuit, 1968.
*
61 C'est par exemple ce double
questionnement qui oriente le travail de thèse de Bruno Milly
consacré aux professions médicales et de l'enseignement en prison
(MILLY Bruno, Professions et prison. Soigner et enseigner en prison : un
regard sociologique croisé sur le fonctionnement de la prison et sur les
professions de la santé et de l'enseignement intervenant dans ce
milieu, thèse de sociologie, Université Lyon II, janvier
2000).
*
62 LEMIRE Guy, Anatomie de la
prison, Les Presses de l'université de Montréal, Economica,
1990, p.79.
*
63 CHAUVENET Antoinette, ORLIC
Françoise, BENGUIGUI Georges, Le monde des surveillants de prison,
Paris, PUF, 1994, p.11.
*
64 ROSTAING Corinne, La relation
carcérale. Identités et rapports sociaux dans les prisons de
femmes, Paris, PUF, coll.« Le lien social », 1997,
pp.6-7.
* 65 COMBESSIE Philippe,
« Ouverture des prisons, jusqu'à quel point ? »,
dans Veil Claude, Lhuilier Dominique, La prison en
changement, op.cit., pp.69-99.
* 66 Ibidem,
p.97.
* 67 CASTEL Robert,
« Institutions totales et configurations ponctuelles »
dans JOSEPH Isaac, CASTEL Robert et al., Le parler frais d'Erving
Goffman, Paris, Minuit, 1989. p.36.
* 68 Pour Goffman,
souligne Robert Weil, l'hôpital psychiatrique ou la prison ne sont que
des « cas d'école » destinés à mettre
en évidence « les conditions de stabilité du moi dans
des conditions extrêmes », le concept de total institution
n'ayant plus de raison d'être dans son analyse : « Le
concept "d'institution totale" s'avère sans doute trop étroit,
soit trop macro-sociologique pour comprendre les subtilités des
territoires du moi » (WEIL Robert, « Les institutions
totales dans l'oeuvre de Goffman » dans AMOUROUS Charles,
BLANC Alain (dir.), Erving Goffman et les institutions totales, Paris,
L'Harmattan, Coll. « Logiques sociales », 2001,
pp.25-41).
* 69 JOSEPH Isaac,
« Le reclus, le souci de soi et la folie de la place »
dans AMOUROUS Charles, BLANC Alain (dir.), Erving Goffman et les
institutions totales, op.cit., p.80.
* 70
Souligné par nous (CASTEL Robert,
« Présentation », in GOFFMAN Erving,
Asiles, op.cit., p.10).
* 71
Souligné par nous (Ibidem, p.31).
* 72 Ibidem,
p.34.
* 73 FOUCAULT
Michel, Histoire de la folie à l'âge classique, Paris,
Gallimard, Tel, 1972.
* 74 CASTEL Robert,
« Institutions totales et configurations ponctuelles »,
art.cit., p.36
* 75 COMBESSIE
Philippe, « Ouverture des prisons, jusqu'à quel point
? » dans VEIL Claude, LHUILIER Dominique, La prison en
changement, op.cit., pp.69-99.
* 76 Il serait
intéressant à cet égard d'adopter une approche comparative
des conditions d'importation de cet ouvrage dans différents pays.
* 77 L'un des
risques de l'usage, fréquent en sciences sociales, du concept de
« processus » est selon nous de privilégier les
éléments de continuité plutôt que les inflexions et
les ruptures et de reléguer au second plan les stratégies
d'acteurs.
*
78 CHAUVENET Antoinette
et alii, Le monde des surveillants de prison, op.cit. p.201.
Souligné par nous.
* 79 FOUCAULT
Michel, Surveiller et punir, Paris, Gallimard, 1975, p.313.
* 80 FOUCAULT
Michel, Surveiller et punir, Paris, op.cit., pp.271-272.
* 81 Pour une
présentation plus détaillée de l'influence de la
conception foucaldienne de la réforme pénitentiaire :
FARGES Eric, « Penser la réforme
pénitentiaire avec Michel Foucault. Apports et limites à une
sociologie politique de la loi du 18 janvier 1994 », Raisons
politiques, n°25, 02/2007, pp.101-125.
*
82 CHANTRAINE Gilles, « Les
temps des prisons. Inertie, réformes et reproduction d'un dispositif
institutionnel », dans ARTIERES Philippe, LASCOUMES Pierre,
(dir.), Gouverner, enfermer. La prison, un modèle
indépassable ?, Paris, Presses de Sciences Po, 2004.
* 83 ARTIERES
Philippe, LASCOUMES Pierre, SALLE Grégory, « Gouverner, enfermer.
La prison, un modèle indépassable », dans ARTIERES
Philippe, LASCOUMES Pierre, (dir.), Gouverner, enfermer, op.cit.,
p. 47.
* 84 CHANTRAINE
Gilles, « Les temps des prisons...», art.cit., p.73.
* 85 CHANTRAINE
Gilles, « Les temps des prisons...», art.cit., p.74.
* 86 ARTIERES
Philippe, LASCOUMES Pierre, SALLE Grégory, « Gouverner,
enfermer », art.cit., p.34.
* 87 Cf. VEIL
Claude, « Évolution sur la longue durée du système de
soins, motivations et résistances » dans VEIL Claude,
LHUILIER Dominique, La prison en changement, op. cit., p.
255-275.
* 88 FARGES
Eric, « La sanitarisation du social : les
professionnels et l'éducation pour la santé en milieu
pénitentiaire », Lien social et
politique, n°55, printemps 2006, pp.99-114.
* 89 OBRECHT
Olivier, « La réforme des soins en milieu pénitentiaire
de 1994...», art.cit., p.234.
*
90 FAUGERON Claude, LE BOULAIRE,
Jean-Michel, « Prisons, peines de prison et ordre public »,
Revue française de sociologie, XXXIII, 1992, p.27.
*
91 FROMENT Jean-Charles, La
république des surveillants de prison, op.cit., pp.24-25.
*
92 DELMAS-ST-HILAIRE J.P., « La
prison pourquoi faire ? », Problèmes actuels de science
criminelle, PU d'Aix-Marseille, 1994, p.36.
* 93 FOUCAULT
Michel, « La poussière et le nuage », dans PERROT M.
(dir.), L'impossible prison. Recherches sur le système
pénitentiaire au 19ème siècle, Paris,
Seuil, 1980, p. 29-39.
* 94 On reprend ici
la critique formulée par l'historien Jacques Léonard à
Michel Foucault au sujet de Surveiller et punir (LEONARD Jacques,
« L'historien et le philosophe », dans PERROT M. (dir.),
L'impossible prison, op.cit., pp.9-28).
* 95 VEIL Claude,
« Évolution sur la longue durée du système de
soins, motivations et résistances », art.cit., p.263.
* 96 ROSTAING
Corinne, La relation carcérale, op.cit, p.47.
* 97 ARTIERES
Philippe, LASCOUMES Pierre, SALLE Grégory, « Gouverner,
enfermer...» art.cit., p.40.
* 98 PARSONS
Talcott, « Social Structure and Dynamic Structure : the Case of
modern Medical Practice », The Social System, London,
Routledge and Kegan Paul, Free Press of Glencoe, 1951, pp.428-479.
* 99 FREIDSON
Eliot, La profession médicale, Paris, Payot, 1984 (1970),
p.34.
* 100 FREIDSON
Eliot, Professional Powers: A Study of the Institutionalization of formal
Knowledge, Chicago, The University of Chicago Press, 1986.
* 101 A plusieurs
reprises, le ministère de la Justice s'est interrogé pour savoir
s'il était opportun de recruter des médecins temps-plein. Cette
hypothèse fut, comme on le verra, à chaque fois rejetée,
l'Administration pénitentiaire jugeant préférable de
recourir à des praticiens continuant une activité
extérieure, le plus souvent libérale. Des postes temps-plein
furent cependant créés afin d'assurer le fonctionnement des
Hôpitaux pénitentiaire de Fresnes et des Baumettes.
* 102 Ce besoin de
définir une pratique homogène aux différents praticiens
confrontés à une même pratique est manifeste en
matière de grèves de la faim. Beaucoup de médecins furent
désemparés face aux demandes de l'Administration
pénitentiaire afin qu'ils fassent cesser ces grèves, soit en
décourageant le détenu, soit en l'alimentant de force. C'est
d'ailleurs suite aux injonctions adressées aux médecins lors de
la guerre d'Algérie que le premier Médecin-inspecteur Georges
Fully ressentit le besoin d'instaurer cet enseignement.
* 103 BUCHER Rue,
STRAUSS Anselm, « La dynamique des professions »
art.cit, pp.67-68.
* 104 L'opposition
entre les deux conceptions de la médecine pénitentiaire
défendues par Georges Fully et Solange Troisier est manifeste en
matière de grèves de la faim. Tandis que pour le premier, le
médecin pénitentiaire doit servir de médiateur entre le
patient-détenu et l'Administration sans jamais prendre parti, pour la
seconde le praticien doit, en tant qu'auxiliaire de Justice, adopter une
attitude interventionniste pouvant aboutir à l'alimentation
forcée du gréviste.
* 105 D'ailleurs,
lorsque l'activité médicale a été soumise aux
contrôles du ministère de la Santé (IGAS et DDASS) au
milieu des années quatre-vingt, certains médecins ont
réaffirmé leur appartenance Pénitentiaire qui rendait
impossible selon eux les contrôles du ministère de la
Santé.
* 106 Les
médecins pénitentiaires n'étaient soumis pendant longtemps
à aucun contrôle de leur activité médicale, ni de
leur temps de travail, la plupart ne réalisant qu'entre la moitié
et le tiers des vacations qui leur étaient
rémunérées.
* 107 Deux autres
segments ont pu être distingués et analysés : il
s'agit d'une part des « internes » qui ont
dénoncé dans les années soixante-dix leurs conditions de
travail. Ils refusent une attitude trop dirigiste de l'Administration
pénitentiaire, à l'image du Médecin-inspecteur Georges
Fully. Mais contrairement à ce dernier qui privilégie la
négociation, ces internes adoptent une attitude revendicatrice en
prenant la parole au sein de l'espace public. Enfin, un second segment
émerge au milieu des années quatre-vingt, en lien avec le
renouvellement des médecins pénitentiaires, qui contestent
l'idée même d'une « médecine
pénitentiaire » spécifique et demanderont à ce
titre leur rattachement au ministère de la Santé, aboutissant
à la reforme de 1994.
* 108 C'est lors
de l'inscription au tableau de l'Ordre des médecins que les praticiens
doivent faire valoir leur spécialité (aujourd'hui obligatoire)
ainsi que leurs éventuels autres domaines de compétences. Il est
d'ailleurs paradoxal que cette pratique soit toujours reconnue par le Conseil
de l'Ordre en tant que « médecine
pénitentiaire » (par exemple sur son site internet où
se trouve un moteur de recherche des praticiens) alors même que ceux qui
l'exercent récusent cette appellation. En mai 2008 le Conseil de l'Ordre
a d'ailleurs consacré son bulletin mensuel à la
« médecine pénitentiaire ».
* 109 C'est le cas
de toutes les disciplines enseignées sous la forme de Capacités
(médecine tropicale, acupuncture, etc.) ou de Diplômes
d'études spécialisés complémentaires (DESC) de type
1 (cancérologie, addictologie, etc.).
* 110 Jusqu'en
1984, il existait en médecine deux possibilités d'être
reconnu comme « spécialiste », soit par l'internat
considéré comme la voie royale, soit par l'obtention d'un CES. A
partir de 1984, le concours de l'internat de spécialité, qui
débouche sur l'obtention d'un Diplôme d'études
spécialisées (DES), devient la seule voie de
spécialisation. Ce concours est remplacé en 2005 par un examen
national classant en fin de 2ème cycle rendu obligatoire
puisque même la médecine générale devient une
spécialité. La médecine pénitentiaire ne fut jamais
considérée comme une spécialité mais comme une
surspécialité.
* 111 C'est
pourquoi on parlera de « spécialisation » ou de
« spécialité » à propos de la
médecine pénitentiaire même si celle-ci n'a jamais abouti
en tant que telle à une spécialité de « premier
rang ».
* 112 PINELL
Patrice, « Champ médical et processus de
spécialisation », Actes de la Recherche en Sciences
Sociales, n°156-157, 2005, p.7.
* 113
Ibidem, p.5.
* 114 BASZANGER
Isabelle, « Emergence d'un groupe professionnel et travail de
légitimation. Le cas des médecins de la douleur »,
Revue française de sociologie, XXI, 1990, pp.257-282.
* 115 BRISSONNEAU
Christophe, LE NOE Olivier, « Construction d'un problème
public autour du dopage et reconnaissance d'une spécialité
médicale », Sociologie du travail, n°48, 2006,
pp.487-508.
* 116 FAURE Yann,
« L'anesthésie française entre reconnaissance et stigmates
», Actes de la recherche en sciences sociales, La
spécialisation de la médecine XIXe - XXe siècles, n°
156-157, mars 2005, p. 98-114.
* 117 THIBAUDIERE
Claude, « La protection maternelle et infantile : politique de
santé publique et spécialisation médicale »,
Regards sociologiques, n°29, 2005, pp.23-34.
* 118 GURIMAND
Nicolas, « De la réparation des « gueules cassées
» à la « sculpture » du visage : la chirurgie
esthétique en France pendant l'entre-deux-guerres », Actes
de la recherche en sciences sociales, La spécialisation de la
médecine XIXe - XXe siècles, n° 156-157, mars 2005,
pp.70-85.
* 119 PENEFF Jean,
Les malades des urgences, Paris, Métailié, 2000 ; DANET
François, « La médecine d'urgence : de la dégradation
à la démocratisation de l'hôpital », Communication
et organisation, n°29, 2006, pp.172-184.
* 120 BASZANGER
Isabelle, « Emergence d'un groupe professionnel et travail de
légitimation. Le cas des médecins de la douleur »,
art.cit., p.268.
* 121 PINELL
Patrice, « La genèse du champ médical : le cas de la France
(1795-1870) », Revue française de sociologie, 2009/2 Vol.
50 , p.318.
* 122 Le meilleur
exemple de cet usage légitimant de la médecine
pénitentiaire en tant que spécialité médicale
reconnue fut l'Hôpital carcéral de Fresnes, présenté
comme une structure médicale de pointe garantissant aux détenus
des soins équivalents à la population extérieure. Cette
structure médicale fut d'ailleurs au centre de la dénonciation de
la médecine pénitentiaire au cours des années
quatre-vingt, mettant à mal l'idée d'une médecine de
pointe et ainsi la reconnaissance de la médecine
pénitentiaire.
* 123 La
« ceinture de contention » était un dispositif
prévu par le Code de procédure pénale appliqué
uniquement sur prescription médicale qui consistait à attacher
pendant plusieurs heures, voire plusieurs jours, un détenu agité.
* 124 La question
de savoir si le praticien est avant tout le médecin-traitant du
détenu ou bien le médecin salarié au service de
l'Administration était par exemple l'objet de divergences lors de
congrès auparavant. Mais cette question a pris plus d'ampleur lorsque
les praticiens furent pris à partie par les militants de la cause
carcérale ainsi que par les journalistes. Ils furent alors sommés
de choisir un camp entre le détenu et l'Administration.
* 125 Les
psychiatres pénitentiaires ont également adopté, comme on
le verra, une attitude plus revendicatrice mais il ne s'agit pas du groupe
professionnel étudié ici bien que ce point sera
évoqué.
* 126 Qu'elle soit
dévalorisante au sein du secteur médical n'implique pas que la
médecine pénitentiaire ne permettait pas une certaine
valorisation sociale des praticiens qui l'exerçaient. C'était le
cas pour des « médecins de campagne », selon les
termes de l'un des interviewés, qui étaient ainsi en rapport avec
le directeur de l'établissement mais surtout avec les magistrats,
profession souvent mystérieuse pour les soignants.
* 127 Pour une
présentation générale de la sociologie des scandales. Cf.
DE BLIC Damien, « Quand l'événement prend forme.
Constitution du « scandale politico-financier » comme puissance
mobilisatrice », intervention au Congrès de l'Association
Française de Science Politique 2007.
* 128 Pour une
critique de l'« histoire naturelle » qui se contenterait de
reprendre comme catégorie d'analyse la catégorisation des acteurs
on renvoie à DOBRY Michel, Sociologie des crises politiques,
Presses de la Fondation nationale des sciences politiques, 1986, pp. 73-78.
* 129 CHAMPAGNE
Patrick, MARCHETTI Dominique, « L'information médiatique sous
contrainte. A propos du « scandale du sang
contaminé » », Actes de la recherche en sciences
sociales, n°101-102, 1994, p.43.
* 130 DE BLIC
Damien, LEMIEUX Cyril, « Le scandale comme épreuve.
Eléments de sociologie pragmatique », Politix,
n°71, 2005, pp.9-38 ; FILLION Emmanuelle, A l'épreuve du
sang contaminé. Pour une sociologie des affaires médicales,
Paris, Éditions de l'EHESS, coll. "En temps et lieux", 2009.
* 131 GARRIGOU
Alain, « Le scandale politique comme mobilisation » in
CHAZEL François (dir.), Action collective et mouvements
sociaux, Paris, PUF, 1993, p.185.
* 132 Une des
formes les plus éloquentes de cette amnésie est probablement
l'intervention, lors d'un congrès auquel on était présent,
de Guy Nicolas, membre du Haut comité à la santé publique
(HCSP). Il affirma au sujet de la « genèse de la
réforme » (titre de son intervention) que « tout s'est
passé en 1992 », se référant ainsi à la
saisine du HCSP par le ministre de la Santé, avant de conclure que
« contrairement à ce qu'il est dit, une révolution peut
se dérouler en quelques mois » (« Colloque santé en
prison. 10 ans après la loi : quelle évolution dans la prise en
charge des personnes détenues », Paris, 7/12/2004).
* 133 CHANTRAINE Gilles,
« Les temps des prisons. Inertie, réformes et reproduction
d'un dispositif institutionnel », dans ARTIERES Philippe,
LASCOUMES Pierre (dir.), Gouverner, Enfermer. La prison, un modèle
indépassable ?, Paris, Presses de Sciences Po, 2004, p.73.
* 134 KAMINSKI Dan,
« Les droits des détenus au Canada et en Angleterre :
entre révolution normative et légitimation de la
prison », dans DE SCHUTTER Olivier, KAMINSKI Dan (dir.),
L'institution du droit pénitentiaire, op.cit., p.94.
* 135 LABORIER
Pascale, « Historicité et sociologie de l'action
publique », dans LABORIER P., TROM D.,
Historicités de l'action publique, Amiens, CURAPP, 2003,
p.432.
* 136 DELOYE Yves,
VOUTAT Bernard, « Entre histoire et sociologie : l'hybridation de la
science politique », Faire de la science politique, Paris,
Belin, coll « Socio-histoires », 2002, pp.7-24.
p.24.
* 137 En
s'inspirant de la « sociologie historique prospective »
évoquée par Charles Tilly, Renaud Payre propose, en
récusant les visions linéaires et développementistes de
l'histoire qui aboutissent à « n'observer les objets que
lorsqu'ils sont advenus et bien solidifiés », de retracer les
aléas d'un projet avorté de science de gouvernement, un possible
non institutionnalisé (PAYRE Renaud, A la recherche de la
« science communale ». Les
« mondes » de la réforme municipale dans la
France de la première moitié du vingtième
siècle, thèse de science politique, IEP Grenoble,
décembre 2002, pp.27-28).
* 138 Pour une
description générale de ces premiers travaux de sociologie
historique, Cf. DELOYE Yves, Sociologie historique du politique,
Paris, La découverte, 2003.
* 139 Pour un
bilan des travaux existants en la matière, on renvoie à PAYRE
Renaud, POLLET Gilles, Sociohistoire de l'action publique, op.cit.
* 140 DUMONS
Bruno, POLLET Gilles, L'Etat et les retraites. Genèse d'une
politique, Paris, Belin, 1994, 480p.
* 141 BERGERON
Henri, L'Etat et la toxicomanie. Histoire d'une singularité
française, op.cit, pp.69-94.
* 142 BOURDIEU
Pierre, Raisons pratiques, Paris, Seuil, 1994, p.107.
* 143 TOPALOV
Christian, « Les réformateurs et les réseaux :
enjeu d'un objet de recherche », Laboratoires du nouveau
siècle. La nébuleuse réformatrice et ses réseaux en
France 1890-1914, Paris, EHESS, 1999, pp.39-40.
* 144 Plus
exactement, les infirmières travaillant en prison se divisaient entre
celles ayant un statut Croix-Rouge et celles ayant un statut
pénitentiaire.
* 145 C'est
pourtant au XIXème siècle que la présence des
médecins fut pour la première fois instituée. Un
règlement sur les Maisons centrales en date du 5 octobre 1831 commande
l'affectation d'un chirurgien et d'un médecin tenus de résider
dans l'établissement. Le 30 octobre 1841, un règlement
général des prisons départementales établit les
attributions du médecin nommé par le préfet. Le rôle
réel conféré aux praticiens serait cependant très
réduit comme en attesterait l'exclusion du médecin de la
commission de surveillance de l'établissement ou le visa apposé
par le surveillant-chef à ses prescriptions. Dans un rapport
adressé au ministre de l'intérieur en 1838, l'inspecteur
général des prisons observe que l'Administration « doit
se tenir en garde et opposer le plus d'obstacles qu'elle peut contre la
propension qu'ont généralement les médecins de prison
à faire de la médecine philanthropique et à traiter les
malades comme ils le feraient de petites maîtresses ou de clients
accoutumés à jouir, dans le monde, de toutes les aisances de la
vie » (Cité dans FULLY Georges,
« Médecine pénitentiaire et criminologie »,
Annales internationales de criminologie, 1er semestre,
1966, pp.9-16).
* 146 Selon le Dr
Fernand Masmontheil, médecin-chef de l'infirmerie centrale de Fresnes,
« l'administration pénitentiaire soucieuse de la santé
des individus dont elle a la charge n'hésite pas à rechercher les
solutions les plus modernes et les plus efficaces » (MASMONTHEIL
Fernand, « L'infirmerie centrale des prisons de Fresnes »,
La santé de l'homme, n°77, 03-04/1953, pp.37-38). De la
même façon, le docteur Viallier affirme que même si «
tout n'est pas parfait, et ne peut pas l'être [...] un effort continu a
été effectué pour que tout détenu puisse
bénéficier à l'intérieur de l'établissement
où il se trouve de soins exactement superposables à ceux qu'il
recevrait s'il était libre » (VIALLIER,
« L'Hygiène des prisons. Les malades à la
prison », La santé de l'homme, n°77, 03-04/1953,
pp.33-36).
* 147 Lettre du
médecin de la M.A de Pau au médecin-chef de l'Hôpital des
prisons de Fresnes datée du 12/05/1959 (CAC. 19830701. Art.481).
* 148 Cf.
Annexe 5 : « La création du poste de
Médecin-inspecteur des prisons dans le contexte de la guerre
d'Algérie ».
* 149 En outre,
Georges Fully ayant été assassiné en 1973, la plupart de
ses archives personnelles et professionnelles ont été saisies par
la Justice qui n'a jamais résolu cet homicide.
* 150 Le seul
texte dont nous disposions étaient quelques pages écrites
à ce sujet par Bruno Milly dans sa thèse consacrée au
métier de soignant en prison après 1994 (MILLY Bruno,
Professions et prison. Soigner et enseigner en prison, op.cit.)
* 151 On retiendra
sur ce sujet essentiellement les travaux de Grégory Salle et de Philippe
Artières.
* 152 A
l'exception des articles de Claude Faugeron, le travail consacré par
Jean-Charles Froment à la question des surveillants de prison est l'un
des rares à s'appuyer sur un travail de terrain et une réelle
connaissance de la DAP (FROMENT Jean-Charles, La république des
surveillants de prison. Ambiguïtés et paradoxes d'une politique
pénitentiaire en France (1958-1998), LGDJ,
coll. « Droit et société », Paris,
1998).
* 153 On pense
là aussi aux travaux de Grégory Salle.
* 154 Les ouvrages
de Jean Favard, ancien Conseiller technique de Robert Badinter, ont
été les plus précieux.
* 155 On a
dépouillé à l'université Lyon 3 de façon
systématique tous les articles traitant de la question carcérale
depuis 1945 par La Revue de sciences criminelles et de droit pénal
comparé (RSCDPC) ainsi que par La Revue pénitentiaire et
de droit pénal (RPDP). Cette dernière éditée
depuis 1877 par la Société Générale des Prisons et
de Législation Criminelle fut de loin la plus pertinente.
* 156 On a tout
d'abord analysé les dossiers de presse de la Fondation nationale des
sciences politiques (FNSP) consacrées à la prison (Cote 164)
depuis 1947 jusqu'à 1994. Ces dossiers, peu fournis sur la
période 1945-1970 mais très riches depuis les années
soixante-dix, ont été complétés par la recension de
tous les articles du Monde concernant la prison depuis 1946
jusqu'à 1994 grâce au fichier exhaustif de la Banque de
documentation et d'information contemporaine (BDIC) de Nanterre. On a ensuite
consulté les articles de Libération depuis sa
création grâce au classement des archives disponible au
siège du journal à Paris dont le documentaliste est ici
remercié. On a, enfin, traité les dossiers de presse de l'IEP et
de la Bibliothèque municipale de Lyon portant presque exclusivement sur
les établissements lyonnais.
* 157 Le
Quotidien du médecin fut crucial. Existant depuis 1974, ce
journal dispose en effet de dossiers de presse thématiques dont l'un
consacré au milieu carcéral. Que la documentaliste soit ici
remerciée pour son accueil.
* 158 C'est
particulièrement le cas de Charles Dayant et de Marcel Diennet, ayant
publié tous deux des essais critiques sur leur fonction d'interne en
milieu carcéral. Le premier est décédé tandis que
le deuxième vit aux Etats-Unis où il n'a pas répondu
à nos sollicitations par mail.
* 159 Tous les
entretiens avec le personnel médical et infirmier ont bien sûr
été anonymisés, à l'exception de quelques
protagonistes trop facilement identifiables, et ce avec leur accord.
* 160 On
présente dans les sources orales de façon détaillée
la méthode de l'entretien et le profil des interviewés.
* 161 Cette
méfiance est exemplaire à propos de l'Hôpital de Fresnes
qui fut au centre de nombreux scandales.
* 162 En 2000,
Véronique Vasseur, médecin de garde en 1992 puis
médecin-chef depuis 1993 à la M.A de La Santé, publie un
livre témoignage où elle décrit les conditions de vie des
détenus. La sortie du livre fut très médiatisée,
notamment par de larges extraits que Le Monde a publié deux
jours avant la sortie de l'ouvrage. Deux commissions d'enquête, l'une
sénatoriale et l'autre parlementaire, ont été
constituées et ont donné lieux à deux rapports
d'enquête (VASSEUR Véronique,
Médecin-chef à la prison de la Santé, Le cherche
midi, Paris, 2000).
* 163 Brigitte,
infirmière de 1984 à 1995 à la Prison Hôpital des
Baumettes. Entretien réalisé le 21/02/2006, 2H15.
* 164 La
totalité des soignants interviewés, à l'exception de
quatre, ont cessé de travailler en prison. Beaucoup ayant
souhaité poursuivre après la réforme de 1994 n'ont pas pu,
soit parce qu'ils n'ont alors pas passé le concours de Praticien
hospitalier (médecins) soit parce que leur ancienneté
n'était pas pris en compte (infirmières).
* 165 Pour des
raisons évidentes, le nom de l'interviewé ne sera pas
donné, cet extrait ayant été retiré des annexes.
* 166 Luc, interne
aux prisons de Lyon de 1974 à 1975 puis assistant en psychiatrie au CMPR
de 1977 jusqu'en 1984. Aujourd'hui chef de service à l'hôpital du
Vinatier. Entretien réalisé le 25/02/2008. Durée :
2H.
* 167 En raison de
leur intérêt les entretiens avec les Dr Gonin et Espinoza ont
été joints en Annexes 36 et 38.
* 168 Cette
analyse repose sur les index des thèses de médecine soutenues en
France (depuis 1950) ainsi que les fichiers manuels (depuis la
Libération) présents à la Bibliothèque
inter-universitaire de médecine (BIUM) à Paris. On a exclu les
thèses consacrées à la psychiatrie pour ne retenir que
celles qui relevaient de la médecine somatique. Malgré le fait
que cette recherche ne prétende pas avoir recensé toutes les
thèses portant sur le milieu pénitentiaire, en l'absence d'un
fichier centralisant toutes les thèses françaises de
médecine depuis les années cinquante, elle donne un aperçu
de l'évolution de la place de l'organisation des soins en prison au sein
du champ médical. Pour la liste des thèses voir l'Annexe
n°4.
* 169 Les cours
étaient visiblement dactylographiés comme cela est usuel en
médecine mais la Faculté de médecine de
Lariboisière ne dispose d'aucun volume. On peut regretter que les cours
ne soient pas systématiquement conservés par l'Université
où ils sont dispensés.
* 170 Outre le
rapport du Conseil national du sida, c'est surtout le rapport du Haut
comité à la santé publique qui fit l'objet d'une analyse
importante, notamment à partir d'entretiens ou d'archives
ministérielles.
* 171 La
responsable de la mission des archives nationales à l'IGAS nous apprit
que de nombreux documents étaient entreposés dans leurs locaux
mais que, faute de temps, elle ignorait lesquels.
* 172 C'est pour
la même raison qu'il nous a semblé peu opportun de réaliser
des entretiens avec d'anciens détenus.
*
173 Il fut difficile de dresser la liste
de ces rapports, aucun document officiel ne les recensant. Que soient ici
remerciés le Dr Patricia Vienne, Inspecteur à l'IGAS, ainsi
que Mme Costa et les services de reprographie de l'IGAS pour la copie des vingt
rapports qui m'ont été gracieusement remis.
* 174 Ces archives
ont été consultées à l'Institut d'histoire du temps
présent (IHTP). Son conservateur, Fabrice d'Almeida, et sa
documentaliste, Marie-France Pathé, en sont ici remerciés.
* 175 On entend
ici une définition large des décideurs comprenant, outre les
hommes politiques et leurs conseillers, les directeurs d'administration
centrale, les chefs de bureau ou les représentants syndicaux.
* 176 En raison de
leur intérêt, les entretiens avec Jean Favard, Yvan Zakine et
Myriam Ezratty ont été repdroduits respectivement en Annexes
n°38-39-40.
* 177 Cette
répartition est cependant très arbitraire tant les
décideurs interrogés ont eu des trajectoires variées.
C'est par exemple le cas de Guy Nicolas qui fut successivement Conseiller
technique en cabinet ministériel, vice-président du HCSP puis
directeur adjoint de la Direction des hôpitaux.
* 178 S'inspirant
de la notion de « configuration historique »
développée par Max Weber dans son explication du protestantisme,
mais distincte de la notion de configuration de Norbert Elias, Philippe
Bézès propose de comprendre la réforme de l'Etat en France
à travers des « configurations
réformatrices » dont nous reprenons ici l'idée (BEZES
Philippe, Gouverner l'administration. Une sociologie des politiques de la
réforme administrative en France (1962-1997), thèse de
science politique, IEP de Paris, 2002, p.28 ; BEZES Philippe,
Réinventer l'État. Les réformes de l'administration
française (1962-2008), Paris, PUF, coll. « Le lien social
», 2009, 519 p).
* 179 PALIER
Bruno, SUREL Yves, « Les "trois I" et l'analyse de l'Etat en
action », Revue française de science politique, 55
(1), 2005, pp.7-32.
* 180 L'expression
est tirée de LACROIX Bernard, « Les jeunes et l'utopie :
transformations sociales et représentations collectives dans la France
des années 68 », Mélanges en hommage à
Jacques Ellul, PUF, 1983, pp.719-742. Cf. DREYFUS-ARMAND Geneviève,
Robert Frank, Marie-Françoise Lévy (dir.), Les années
68 : le temps de la contestation, Paris-Bruxelles, Complexe, 2000.
* 181 Lettre du
médecin de la M.A d'Angers à la DAP datée du 12/05/1967
(CAC. 19830701. Art.482).
* 182 PINATEL
Jean, « La crise pénitentiaire », L'Année
sociologique, 1973, n°24, pp.13-67.
* 183 Cf. Annexe
19: « L'obstacle récurrent de la rémunération
dans le projet de la création d'un corps des soignants
pénitentiaires ».
* 184 Lettre du
médecin de la M.A de Mont de Marsan au Directeur régional des
services pénitentiaires (DRSP) de Bordeaux datée du 7/05/1973
(CAC.19940511. Art. 97).
* 185 Lettre du
médecin de la M.C de Clairvaux au DRSP de Lyon datée du
29/10/1968 (CAC.19940511. Art. 97).
* 186 A titre
d'exemple, dans un ouvrage rédigé par un aumônier de prison
en 1968, les médecins ne sont pas cités parmi les intervenants
ayant des « relations humaines » avec les détenus
(surveillants, éducateurs, assistantes sociales, visiteurs,
aumôniers) (LOCHEN Axel, Maison d'arrêt, Paris, Le
signe-Fayard, 1968, pp.203 et suiv).
* 187 Aucun
article antérieur à 1971 citant les propos d'un médecin
pénitentiaire n'a par exemple été trouvé.
* 188 GUERIN
Alain, « Du bricolage charitable... »,
L'Humanité, 1/04/1970.
* 189 Cf. Chapitre
3 - Section 1-2 : « L'inscription de la médecine
pénitentiaire au sein du champ médical
français ».
* 190 Lettre du
préfet des Landes au DAP datée du 12/07/1969 (CAC.19940511. Art.
97).
* 191 Note de
Roger Bouyssic, inspecteur de pénitentiaire, au DAP datée du
5/11/1969 (CAC. 19830701. Art.481).
* 192 Cf.
Annexe 5 : « La création du poste de
Médecin-inspecteur des prisons dans le contexte de la guerre
d'Algérie ».
* 193 Cf. Annexe
6 : « La défense par Georges Fully de l'autonomie des
médecins pénitentiaires en matière de grèves de la
faim ».
* 194 Bien que les
actes du colloque établissent la présence « d'une
centaine de praticiens », il semblerait selon une note manuscrite des
archives de la DAP chiffrant une quinzaine de médecins que ce premier
chiffre corresponde en réalité au nombre total de participants
(CAC. 19960136. art.113. Dossier M111 : médecins (1960-1979)).
* 195 Daniel
Gonin, psychiatre travaillant comme généraliste à la M.A
de Lyon de 1962 à 1989. Entretiens réalisés les
25/02/2008, 10/03/2008, 26/03/2008. Durées : 2H ; 2H ; 2H.
* 196 Il ressort
de cette enquête que les praticiens sont relativement âgés
(77% ont entre 40 et 60 ans ou plus), qu'ils ne bénéficient pas
d'une longue expérience (42% exercent depuis moins de dix ans). 40%
enfin cumulent une activité libérale et une activité
salariée supplémentaire tandis que 45% n'ont qu'une
activité libérale (DAP, Le service médical en milieu
pénitentiaire, Ministère de la Justice, Imprimerie
Administrative de Melun, « Etudes et documentation », 1964,
p.16).
* 197
Souligné par nous (Ibidem, pp.6-7).
* 198 Ibidem.,
p.44.
* 199 DAP,
Rapport général de l'Administration pénitentiaire pour
l'année 1968 (extraits), art.cit., p.757.
* 200 FULLY
Georges, « Médecine pénitentiaire et
criminologie », art.cit., p.15.
* 201 DAP,
Journées nationales de médecine pénitentiaire,
op.cit, pp.5-6.
* 202 Daniel
Gonin, psychiatre travaillant comme généraliste à la M.A
de Lyon de 1962 à 1989. Entretiens réalisés les
25/02/2008, 10/03/2008, 26/03/2008. Durées : 2H ; 2H ; 2H.
* 203 Cf. Annexe
7 : « La création des CMPR en
1967 : un début de reconnaissance de la psychiatrie
pénitentiaire ».
* 204 Le CNO est
un « centre de triage » situé à Fresnes
créé en 1950 afin de « classer » les
condamnées à de longues peines dans des établissements
différenciés par leur régime au terme de nombreux examens
pluridisciplinaires (psychiatres, psychologues, éducateurs,
psychotechnicien, généraliste). Le rôle de ce centre,
formellement consacré par l'article D.77 du Code de procédure
pénale, est d'établir « l'orientation des condamnés
à une longue peine a pour objet de déterminer
l'établissement pénitentiaire qui convient à chacun deux,
compte tenu de son âge, de ces antécédents, de sa
catégorie pénale, de son état de santé physique et
mental, de ses aptitudes, des possibilités de son reclassement, et plus
généralement de sa personnalité ». Après
6 semaines d'observation, les détenus « de grande
sécurité » sont par exemple orientés vers la
Maison centrale (M.C) de Poissy ou de Clairvaux, les « détenus
destinés à retourner en leur milieu rural » à la
M.C de Caen, les « détenus susceptibles d'exercer des
activités d'ordre intellectuel » à la M.C de Melun et
les « psychopathes » à Château-Thierry ou
à Haguenau.
* 205 HIVERT Paul,
« Dépistage en maison d'arrêt »,
RPDP, 07-09/1965, pp.313-319 ; BADONNEL, « L'annexe
psychiatrique de la prison de la Petite Roquette », RPDP,
04-06/1966, pp.275-278. De nombreux articles sont également
publiés à cette époque sur les groupes de parole
menés aux prisons de Lyon et de Melun respectivement par les Dr Gonin et
Mathé.
* 206 Motion des
journées de médecine pénitentiaires de novembre 1968
citée dans GOLPAYEGANI Behrouz, L'humanisation de la peine privative
de liberté, thèse en science pénitentiaire, Paris 2,
1975, p438.
* 207 On
distinguera « La Santé », désignant la Maison
d'arrêt de Paris, de l'administration de « la
Santé ».
* 208
Souligné par nous (MILCZAREK Georges, Contribution à
l'étude des examens systématiques en milieu carcéral,
thèse de médecine, faculté de Créteil, 1970,
p.22).
* 209 Un rapport
des services pénitentiaires anglais souligne à la même
époque que le médecin est « appelé à jouer un
tout autre rôle que celui qu'il jouait dans le passé » :
« Il ne s'agit plus tant de soigner des malades que de fournir des
rapports médico-légaux aux tribunaux et de venir témoigner
à la barre, de procéder à des examens psychiatriques des
détenus préalablement à leur "classification", d'appliquer
de nouvelles méthodes de traitement comme le group-conselling
ou le group-therapy, de préparer le personnel de surveillance
à son nouveau rôle d'éducateur plus que de
gardien » (« Un rapport des organismes consultatifs du Home
Office », RSCDP, 1966, n°2, p.435).
* 210 Pour un
aperçu des différents effets des « années
68 » sur la société française et ses
institutions on renvoie à : ARTIERES Philippe et ZANCARINI-FOURNEL
Michelle, 68, Une histoire collective (1968-1981), La
Découverte, « Cahiers Libres », Paris, 2008.
* 211 Ainsi
contrairement à l'idée couramment admise, le rattachement des
détenus à la Sécurité sociale ne date pas de 1994
mais de 1974. Cependant à cette époque demeure inchangé
l'article du Code de procédure pénale (CPP) qui établit
que la prise en charge médicale des détenus demeure le fait de
l'Administration pénitentiaire, et ce à titre gratuit. Cet
article sera interprété par la Direction de la
sécurité sociale ainsi que par le Conseil d'Etat comme faisant
obstacle à la prise en charge effective des détenus par la
Sécurité sociale pendant leur incarcération. La
réforme de 1974 n'a ainsi eu d'effets que lors de la libération
des détenus, ainsi que pour leurs ayants-droits qui étaient
jusque-là privés de droits sociaux.
* 212 Simone Veil
décrit là sa première affectation en tant que magistrat
à l'Administration pénitentiaire à la fin des
années cinquante (VEIL Simone, Une vie, Paris, Stock, 2007,
398p).
* 213 La
circulaire du 14 avril 1969 ramène la durée de punition de
cellule de 90 à 45 jours, abolit le retrait « des fournitures
de couchage » pour la nuit, la coupe de cheveux à ras et
l'occlusion toute la journée de la fenêtre par un volet. La note
de service du 28 février 1970 supprime les galons de bonne conduite qui
permettaient d'obtenir avantages et récompenses. Enfin, la note du 14
avril 1971 accorde aux femmes le droit d'acheter certains produits de
beauté (FAVARD Jean, Des prisons, Paris, Gallimard, coll.
« Au vif du sujet », 1987, pp.118-119).
* 214 FAUGERON
Claude, « Les prisons de la Ve République :
à la recherche d'une politique », dans PETIT J.G et
alii, Histoire des galères, bagnes et prisons
(XIIIème - XXème siècles),
Toulouse, Ed. Privat, 1991, p.319.
* 215
« Trente ans de politique pénitentiaire »,
Justice. Journal du Syndicat de la magistrature, n°33, 1974,
p.3-8.
* 216 Jean Favard,
magistrat à la DAP de 1970 à 1975 puis Conseiller technique du
ministre de la Justice de 1981 à 1986. Entretien réalisé
le 10/01/2008, durée: 3H00.
* 217 Yvan Zakine,
magistrat affecté à la DAP de 1962 à 1970 puis directeur
de la DAP de 1981 à 1983. Entretien réalisé le 20/03/2008.
Durée : 3H00.
* 218 FAVARD Jean,
Le labyrinthe pénitentiaire, Paris, Ed. Le Centurion,
Coll. « Justice humaine », 1981, p.176.
* 219 Propos
cités dans BELLANGER Hélène, Vivre en prison.
Histoires de 1945 à nos jours, Paris, Hachette littérature,
2007, p.233-234.
* 220 SALLE
Grégory, « Mai 68 a-t-il changé la prison ?»,
Critique internationale, n°16, juillet 2002, p.184.
* 221 SALLE
Grégory, « Mettre la prison à l'épreuve. Le GIP
en guerre contre l'« intolérable » »,
Cultures et conflits, n°55, 2004, p.77.
* 222 Le marxisme
assimilant les détenus au lumpenprolétariat, incapable
de se forger une conscience de classe, « jusqu'à la fin des
années 1960, le prisonnier fut tenu éloigné des luttes de
l'extrême gauche » (ARTIERES Philippe, « La prison en
procès, les mutins de Nancy (1972) », Vingtième
Siècle, 70, avril-juin 2001, p.61).
* 223 DELBAERE
Loïc, Le système pénitentiaire à travers les
luttes des détenus de 1970 à 1987, maîtrise
d'histoire, Université de Haute Bretagne Rennes II, année
universitaire 2001-2002, p.17.
* 224 Dossier de
douze pages comportant toutes les révoltes de détenus entre 1968
et 1973 (Fonds Etienne Bloch. ARC 3017-14 IV-35 : Les violences).
* 225 On rappelle
qu'on a consulté les dossiers de presse « prisons »
à la FNSP, à l'IEP de Lyon et à la bibliothèque
municipale de Lyon, ainsi que toutes les tables par index du Monde
à la BDIC de Nanterre.
* 226 Le passage
à tabac de six détenus qui tentaient de s'évader en mai
1970, en présence du directeur de l'établissement et sous le
regard de leurs codétenus, ne fut ainsi rapporté par la presse
que plus tard (DOUAILLER Stéphane, VERMEREN Patrice,
« Mutineries à Clairvaux », Les révoltes
logiques, n°6, Cahiers du centre de recherches sur les
idéologies de la révolte, automne/hiver 1977).
* 227 Un des
effets de Mai 68 sur la prison semble également avoir été,
comme nous l'a confié une interviewée, une
« libération de la parole » parmi les surveillants,
à l'image de ce qui eut lieu dans beaucoup d'endroits en France.
* 228 SALLE
Grégory, « Mai 68 a-t-il changé la prison ?»,
art.cit., p.190.
* 229 COLCOMBET
François, LAZARUS Antoine, APPERT Louis (alias de Michel Foucault),
« Luttes autour des prisons », Esprit, n°11,
novembre 1979, p.105.
* 230
« Ensemble des activités de différenciation, de
catégorisation, de hiérarchisation et de gestion sociale des
conduites définies comme indisciplinées »,
l'illégalisme est un concept élaboré par Michel
Foucault, qu'il distingue de la délinquance, à partir
duquel se mesure selon lui non pas l'échec mais la réussite de la
prison, qui se révèle être un appareil de reconfiguration
des illégalismes (LASCOUMES Pierre, « L'illégalisme,
outil d'analyse », dans LENOIR Rémy (dir.),
« Michel Foucault, "Surveiller et punir" : la prison vingt ans
après », Sociétés &
représentations, n°3, CREDHESS, novembre 1996,
pp.78-84).
* 231 LAGROYE
Jaques, « Les processus de politisation », dans
LAGROYE J. (dir.), La politisation, Paris, p.356.
* 232 COLCOMBET
François, LAZARUS Antoine, APPERT Louis (alias de Michel Foucault),
« Luttes autour des prisons », art.cit., p.110.
* 233 GARRIGOU
Alain, « Le scandale politique comme mobilisation » dans
CHAZEL François (dir.), Action collective et mouvements
sociaux, Paris, PUF, 1993, pp. 183-191.
* 234
« Une opération politique. Enjeu d'un combat »,
La Cause du Peuple, 24/05/1972.
* 235 LETENEUR
Henri, « La politique pénitentiaire
française », Etudes, n°360, 02/1984, p.192.
* 236 BELLANGER
Hélène, Vivre en prison. Histoires de 1945 à nos
jours, op.cit, p.199.
* 237
« Le Secours rouge : notre combat sert à tous les
prisonniers », Le Monde, 2/09/1970.
* 238 C'est de ces
documents, qui « révélaient le caractère
à la fois misérable et insupportable de la condition
carcérale », que naquit l'idée qu'« il
était urgent de publier ces rapports, d'informer l'opinion
démocratique » et dont serait né le projet du GIP
(RANCIERE Danielle, « Brève histoire du Groupe d'information
sur les prisons (G.I.P) 1971-1972 », Mana, Caen, 1998,
pp.221-226).
* 239 À
titre d'exemple, un ouvrage du Centre d'études, de recherche et de
formation institutionnelle (CERFI) animé par Félix Guattari,
proche des milieux gauchistes, ne fait dans son historique de la
« crise des prisons » aucune référence
à cette première grève (ARMAZET André, Les
prisons, Paris, Editions Fillipacchi, 1973, p.105).
* 240
« Cinq personnes entreprennent une grève de la faim de
solidarité à Paris », Le Monde,
24-25/01/1971 ; « Manifestation devant la prison de La
Santé par solidarité envers les détenus gauchistes »,
Le Monde, 26/01/1971 ; « Onze militants du Secours
rouge à la chapelle de la gare Montparnasse font grève de la faim
pour soutenir les gauchistes demandant le régime spécial »,
Le Monde, 30/01/1971 ; « Manifestation du Secours
Rouge en faveur des militants gauchistes détenus à
Paris », Le Monde, 3/02/1971 ; « Cinquante
membres du Secours Rouge s'enferment à Marseille dans l'église
réformée pour soutenir la grève de la faim des prisonniers
politiques », Le Monde, 5/02/1971 ;
« Manifestation à la Gare Saint Lazare de sept femmes dont Mme
Geismar qui s'enchaînent par solidarité », Le Monde,
5/02/1971 ; « Kermesse de "soutien" à la halle aux
vins par le Secours Rouge », Le Monde, 9/02/1971.
* 241
« Plusieurs personnalités demandent l'octroi du régime
spécial aux prisonniers politiques », Le Monde,
27/01/1971 ; « René Pleven reçoit une
délégation de quatre universitaires », Le Monde,
6/02/1971 ; « Poursuite de la grève de la faim
à la Sorbonne », Le Monde, 6/02/1971.
* 242 DUFRENNE
Mikel, « Un cri », Le Monde, 9/02/1971.
* 243 ARMAZET
André, Les prisons, op.cit., pp.107-108.
* 244 Pour plus de
détails sur la création du GIP, on peut se reporter à
SALLE Grégory, Le Groupe d'information sur les prisons, DEA
Sociologie politique, sous la direction de Pierre Favre, 1999-2000, pp.15-16.
On consultera également les archives publiées dans :
ARTIERES Philippe, QUERO Laurent, ZANCARINI-FOURNEL Michelle, Le Groupe
d'information sur les prisons : archives d'une lutte, 1970-1972, Paris,
Ed. de l'Institut Mémoires de l'Edition Contemporaine, 2003, p.28 et
suiv.
* 245 FAUGERON
Claude, « Les prisons de la Vème
République : à la recherche d'une politique »,
art.cit. p.329.
* 246 FOUCAULT
Michel, « Nul de nous n'est sûr d'échapper à la
prison... », texte ronéotypé, 8/02/1971 (Cité
dans ARTIERES Philippe et alii, op.cit., p.43).
* 247
« Dans la presse hebdomadaire. Un régime
indéfendable : celui des prisons », Le Monde,
21-22/02/1971.
* 248 PIERRE
Christian, « Les prisons malades », Justice. Journal du
Syndicat de la magistrature, n°17, 1972, p.18.
* 249 Le jour
même où René Pleven annonce les mesures à
l'égard des grévistes et où Michel Foucault proclame la
création du GIP, deux détenus tentent de s'évader de la
M.A d'Aix-en-Provence, prenant en otage une infirmière et une assistante
sociale avant d'être abattus (VIMONT Jean-Claude, La prison :
à l'ombre des hauts murs, Paris, Gallimard, 2004, p.82). En mars,
un scénario presque identique se déroule à la centrale de
Muret. Le 27 juillet, un détenu de la prison de Lyon s'empare d'une arme
contenue dans un colis qui lui est adressé et agresse un surveillant qui
meurt deux mois plus tard (Le Monde, 29/07/1971). À la
mi-août les détenus de la M.A de Grenoble observent une
grève de la faim pour protester contre l'absence de service
médical et pour une augmentation des durées de visite, tandis que
les 21 et 22 août dix détenus s'évadent de la M.A de
Perpignan (ARTIERES Philippe et alii, Le Groupe d'information sur les
prisons, op.cit., « Le temps des révoltes »,
p.133).
* 250 On rappelle
qu'on a procédé à une analyse exhaustive de tous les
articles publiés dans Le Monde au sujet de la prison depuis
1945 grâce aux tables et fichiers analytiques présents à la
BDIC de Nanterre.
* 251 On entend
par « fenêtre médiatique » une attention
soudaine portée par les médias à un sujet précis
qui rend possible des prises de parole considérées comme
davantage légitimes.
* 252 Alain
Jaubert est un journaliste qui est frappé puis arrêté par
les forces de l'ordre le 29 mai 1971, avant d'être poursuivi en justice
pour avoir agressé trois policiers. Un petit groupe d'intellectuels et
de journalistes, parmi lesquels Claude Angeli, Michel Foucault, Claude Mauriac
et Pierre Vidal-Naquet, constitue aussitôt une commission de
contre-enquête qui livre des conclusions accablantes pour la police
(GUISNEL Jean, Libération, la biographie, Paris, La
Découverte, 2003, pp.10-12).
* 253
Ibidem, p.11.
* 254 C'est par
exemple le cas de Perier-Daville du Figaro qui participe à la
commission Jaubert, Philippe Boucher du Monde ou encore Le Nouvel
Observateur ; « le GIP faisant quasi-fonction d'agence de
presse » sur les questions carcérales (ARTIERES Philippe,
« La prison en procès, les mutins de Nancy (1972) »,
art.cit., p.64).
* 255
« Le scandale des prisons », La Croix,
26-28/12/1970. Cf. Les grandes enquêtes en plusieurs numéros de
Delacombe dans L'Aurore ou de Dupiré dans La Croix
publiées en décembre 1972.
* 256 Plusieurs
condamnations à mort suivront le drame de Clairvaux. Bontemps et Buffet
seront condamnés puis exécutés La défense de ce
dernier par Robert Badinter a marqué un temps fort de l'engagement de
celui-ci contre la peine de mort (BADINTER Robert, L'Abolition,
Paris, Arthème Fayard, 2000, p.5 et suiv.).
* 257 À
l'exception du journal d'extrême droite Aspects de la France
(Cf. « En marge du drame de Clairvaux. Un régime
pénitentiaire plus strict contribuerait à diminuer la
criminalité », Aspects de la France, 7/10/1971).
* 258 (ACHARD
Maurice, « Clairvaux : un jeu terrible », Combat,
23/09/1971). Un journaliste de Combat observe d'autre part
qu'« on peut tirer la leçon de cette affaire sur un plan
au moins : celui du problème de la détention
pénitentiaire, du quasi-abandon des prisonniers au détriment
d'une tentative de leur "réintégration" dans une vie qui les a
rejetées » (« Clairvaux : le drame des
prisons », Combat, 23/09/1971).
* 259 Le
Monde publie le témoignage d'un détenu roué de coups
ainsi que les extraits d'un rapport faisant état de violences à
la Centrale de Clairvaux.
* 260 Le 21
août 1971, George Jackson, un délinquant considéré
comme un militant noir dangereux, est tué à la prison de
St-Quentin, en Californie. Quelques temps après (du 10 au 14 septembre)
a lieu la révolte d'Attica près de New York. Après
l'assaut on relève quarante-deux morts parmi lesquels neuf otages
(DELBAERE Loïc, Le système pénitentiaire à
travers les luttes des détenus de 1970 à 1987, op.cit.,
p.28).
* 261 «
Manifestation de détenus à la maison centrale de
Poissy », Le Monde, 25/11/1971 ; « Grève de
la faim pour protester contre la suppression des colis de Noël
décidée par René Pleven », Le Monde,
28-29/11/1971.
* 262 Robert
Linhart est un sociologue maoïste, membre de l'ex-Gauche
prolétarienne.
* 263 « Une
réforme vieille dans des locaux vétuste », Le Monde,
11/12/1971 ; « Une démission de la
Justice », Le Monde, 15/12/1971.
* 264 L'usage de
la contention avait été autorisé en 1966 par le CPP non
pas en tant que punition mais en tant que mesure prise dans
« l'intérêt du détenu », rendant
nécessaire une prescription médicale. Il semblerait cependant,
comme l'affirme ici une interne dans sa thèse, que « la mise
en contention était donc employée par le personnel de
l'administration lors d'états d'agitation ». Alors que l'avis
du médecin devait être demandée dans les plus brefs
délais, cette psychiatre fait état d'un détenu ayant
été vu au bout de trois jours (LEDERMANN Rosette, Examen de
l'ouverture d'un service médico-psychologique en milieu
pénitentiaire, thèse de médecine, Pr Bourguignon
(dir.), Faculté de Créteil, 1972, p.44).
* 265 Le rapport
reconnaît notamment des « irrégularités
administratives » dans l'usage de la ceinture de contention :
« absence de contrôle immédiat par le
médecin ; usage prolongé de la ceinture sans contrôle
médical ; certificat non signé par le médecin ;
certificat à effet rétroactif [...] Certains détenus
auraient été maintenus en ceinture de contention durant plusieurs
jours sans être jamais détachés » (DAP,
Rapport de la commission d'enquête sur les événements
de la maison centrale de Toul, p.5. Archives CAC. 19980160. Art.25 :
Evénements de Toul).
* 266
« Les personnels pénitentiaires : la commission nous rend
justice », La Croix, 12/01/1972.
* 267 DOMENACH
Jean-Marie, « En finir avec les prisons », Esprit,
07-08/1972, p. 39.
* 268 ARTIERES
Philippe et alii, Le Groupe d'information sur les prisons, op.cit.,
p.136.
* 269
« Les prisons de Pleven », Le Nouvel Observateur,
17/01/1972 ; « Les prisons de Pleven »,
Tribune socialiste, 18/10/1972.
* 270
« Le procès des révoltes de Nancy sera-t-il celui d'un
régime pénitentiaire inadapté ? », Le
Figaro, 8/06/1972 ; « Le procès des mutins de la
prison de Nancy a été celui du système
pénitentiaire », France Soir, 10/06/1972.
* 271 ARTIERES
Philippe, LASCOUMES Pierre et SALLE Grégory, « Prison et
résistances politiques. Le grondement de la bataille »,
Cultures & Conflits, 55, automne 2004, pp.5-14.
* 272 SALLE
Grégory, « Mai 68 a-t-il changé la prison ?»,
art.cit., p.193.
* 273 Cité
dans ARTIERES Philippe et alii, op.cit., p.43.
* 274 On pense aux
brochures « Intolérable » rédigées par
le GIP dès 1971 dénonçant les conditions de
détention.
* 275 FELSTINER
William L. F, RICHARD L. Abel, SARAT Austin, « L'émergence et
la transformation des litiges : réaliser, reprocher,
réclamer », Politix, n°16, 1991, pp.41-54.
* 276 SALLE
Grégory, Emprisonnement et Etat de droit : une relation
à l'épreuve en Allemagne et en France depuis les années
« 68 », I.E.P Paris, thèse de science
politique, 2006, p.101.
* 277 FOUCAULT
Michel, « Redonner la parole aux détenus »,
Tribune socialiste, février 1972.
* 278
« La veuve d'un détenu mort en prison obtient des dommage et
intérêts », Le Monde, 16-17/03/1969.
* 279 SOULIE
Christophe, « Années 70- Contestation de la prison :
l'information est une arme », Raison présente,
dossier « Prisons et droits de l'homme », n°130, 2,
1999, p.22.
* 280 FOUCAULT
Michel, Surveiller et punir, Paris, Gallimard, Collection Tel. 1993
(1975), p.39.
* 281
« La misère des prisons », L'Express,
12-18/04/1971.
* 282 Cf. Annexe
7 : « La création des CMPR en 1967 : un début
de reconnaissance de la psychiatrie pénitentiaire ».
* 283
« Lettre de prison. Un détenu accuse »,
Témoignage chrétien, 18/10/1970.
* 284 VERNANT
Jean-Pierre, « Comment on traite un "maoïste" »,
Le Monde, 20/11/1970.
* 285 Les exemples
suivants sont extraits de : Cahiers de revendications sortis des
prisons lors des récentes révoltes, avril 1972 (Fonds
GIP/IMEC). Cité dans ARTIERES Philippe et alii, Le Groupe...,
op.cit., pp.184-185.
* 286 Copie d'un
« Cahier de réclamations de Loos », document
manuscrit non daté, 3 pages (Fonds Etienne Bloch. ARC 3017-14
IV-26 : Cahiers de revendication).
* 287 Cahier de
doléances des détenus de la prison de Lyon daté du 8 avril
1973, dix pages manuscrites (Fonds Etienne Bloch. ARC 3017-14 IV-17
Mutineries). Souligné par nous.
* 288 SALLE
Grégory, Emprisonnement et Etat de droit, op.cit., p.94.
* 289 Cf. Chapitre
« "Nous voulons savoir" : Premières
enquêtes » dans ARTIERES Philippe et alii, Le
Groupe d'information sur les prisons, op.cit., pp.47 et suiv.
* 290
Questionnaire publié dans la revue Esprit (n°404,
06/1971). Voir également : GIP, Enquête dans 20
prisons, Paris, Editions Champ Libre, coll. « Intolérable
les prisons », 1971.
* 291 GIP
TOULOUSE, « Savez vous ce qu'il se passe à la prison Saint
Michel ? » (Archives CAC. 19970394. Art.14 (E5250) :
Dossier « Groupe d'intervention dans les prisons ».).
* 292 GIP/COMITE
VERITE TOUL, « L'enfer de Toul », dans APL
Informations, 9 janvier 1972 (Fonds GIP/IMEC). Cité dans ARTIERES
Philippe et alii, Le Groupe d'information sur les prisons, op.cit.,
p.158.
* 293 GIP,
Enquête dans 20 prisons, op.cit, p.38.
* 294
Château-Thierry est un établissement pénitentiaire jouant
le rôle d'un « centre de redressement »
créé en 1951 pour répondre à l'augmentation des
« détenus anormaux » : « Dès
sa naissance, le statut ambigu de l'établissement était
posé, pour des raisons complexes, avec sa spécificité
psychiatrique déclarée et ses critères d'admission
fondés sur les troubles du comportement ainsi que sur le degré de
perturbations occasionnées par ces derniers en
détention » (JUAN Fabien, Le dispositif de soins en
santé mentale en milieu carcéral :
évolution et actualités, Thèse de médecine,
2005, Université d'Angers, p. 35)
* 295 GIP,
Enquête dans 20 prisons, op.cit, p.38.
* 296 En cas de
« consultation abusive », le médecin ou
l'infirmière étaient en mesure, en vertu de la circulaire DAP du
6 mars 1946, de demander la sanction du détenu pouvant être
placé en quartier disciplinaire (ou « mitard »).
* 297 COMITE
VERITE TOUL, La révolte de la centrale Ney, Paris, La France
Sauvage, 1973, p.95.
* 298 GIP,
« 1er mai 1970- 1er mai 1971.
Fleury-Mérogis. Prison modèle ? » (CAC. 19970394.
Art.14. (E5250)).
* 299 La
« ceinture de contention » est un dispositif prévu
par le Code de procédure pénale appliqué uniquement sur
prescription médicale qui consiste à attacher pendant plusieurs
heures, voire plusieurs jours, un détenu agité.
* 300 COMITE
VERITE TOUL, La révolte de la centrale Ney, op.cit., p.21.
* 301 GIP,
Enquête dans une prison modèle :
Fleury-Mérogis, Paris, Editions Champ Libre, coll.
« Intolérable les prisons », 1971, p.14.
* 302
Ibidem.
* 303 GEISMAR
Alain, « Vers un, deux, dix Toul... », Le Nouvel
Observateur, 10/01/1972.
* 304 Union des
Jeunes Avocats de Lyon, Prisons de Lyon, brochure
ronéotypée, Imprimerie Offset Vendôme, Lyon, 16 pages
(Fonds Etienne Bloch. ARC 3017-13. IV-1 : Enquêtes sur les
prisons).
* 305 COMITE
VERITE TOUL, La révolte de la centrale Ney, op.cit., p.92.
* 306 GIP,
Suicides de prison (1972), op.cit., pp.55-59.
* 307 Le GIP
dénombre trente-deux suicides tandis que l'Administration
pénitentiaire n'en reconnaît que vingt-et-un (L'Aurore,
3/11/1972). Le Monde publiera, par la suite, une liste de trente-sept
noms de détenus s'étant suicidés en 1972 (5/01/1973) alors
que le CERFI en compte quarante-cinq (ARMAZET André, Les
prisons, op.cit., p.94).
* 308 Le nombre de
suicides s'élevait en effet en 1971 à dix-sept, chiffre
historiquement bas.
* 309
Créé en 1968, le MAJ est un mouvement rassemblant entre cent et
deux cents « "travailleurs du droit" (avocats, magistrats, personnel des
tribunaux, enseignants, étudiants, éducateurs, assistantes
sociales, etc.) qui ont choisi de remettre en cause l'institution
judiciaire ».
* 310 BOUCHER
Philippe, « Le suicide dans les prisons : une accusation, un
appel ? », Le Monde, 24/11/1972.
* 311 GIP,
Suicides de prison (1972), « Intolérable
4 », Gallimard, 1973.
* 312
Ibidem.
* 313 COLIN
Marcel, GONIN Daniel, DUCOTTET François, « Le suicide en
prison », Psychologie médicale, 1977, 9, 1, p.166.
* 314 Les
détenus ont toujours avalé toutes sortes d'objet (clous,
fourchettes, etc.) en signe de mal-être ou de protestation. Il s'agit
là d'une spécificité de l'exercice médical en
prison qui sera mis à profit par ceux qui souhaitent légitimer
une nouvelle spécialité médicale à part
entière, y voyant là une « pathologie
carcérale ».
* 315
« Prisons : l'épidémie de suicides
continue », L'Aurore, 3/11/1972.
* 316 DELEUZE
Gilles, « Suicide et prison », le Monde,
8/11/1972 ; Témoignage Chrétien, 22/02/1973.
* 317
« Suicides dans les prisons », JT 20H,
2ème chaîne, 05/11/1972, archives de l'INA.
* 318 N'ayant pas
le statut hospitalier, les établissements pénitentiaires ne
disposaient pas d' « internes » en tant que tels, ce
qui aurait supposé que les postes soient mis au concours. Les plus
grosses Maisons d'arrêt recrutaient contractuellement des Faisant
fonction d'interne (FFI), le plus souvent appelés
« internes ».
* 319
« Non, Monsieur le Ministre, ce ne sont pas trente-deux tentatives de
suicide qui ont eu lieu en treize mois à la Santé mais, en
moyenne, deux par jour. C'est chaque nuit, souvent à plusieurs reprises,
que j'ai dû soigner d'urgence des hommes qui se tailladaient les veines,
absorbaient des barbituriques, de la nicotine, s'enfonçaient des clous
dans les poumons, avalaient des corps étrangers, se pendaient, se
jetaient des étages, se mutilaient le sexe, se brûlaient le
visage, se tapaient la tête contre les murs » (Le Nouvel
Observateur, 13/12/1971).
* 320 Le Dr Dayant
dénonce également l'augmentation des suicides au cours d'une
émission radio (« Les suicides dans les prisons »,
France Inter, 02/11/1972, 16 min, Archives INA).
* 321 Le Dr Edith
Rose a accédé à une certaine notoriété en
décembre 1971 par sa dénonciation des conditions
d'incarcération à la prison de Toul où eut lieu une
importante révolte (Cf. Chapitre 1 - Section 3.1 : « De
la remise en cause de la psychiatrie asilaire à la dénonciation
de la psychiatrie pénitentiaire »).
* 322
« "Nous pourrions sauver des détenus
désespérés mais nous manquons de moyens" confie un
médecin des prisons », France Soir, 4/11/1972.
* 323 Beaucoup de
tentatives de suicides (notamment les phlébotomies) n'étaient
alors pas considérées comme telles mais comme des actes de
simulation et n'étaient donc pas comptabilisées.
* 324 GIP,
Suicides de prison (1972), op.cit., p.38.
* 325
(Ibidem, pp.55-59). Beaucoup ne reprirent que la première
phrase, saluant ainsi le courage du Médecin-inspecteur, tel
François Mitterrand dans La rose au poing publié en
1973.
* 326 Actes.
Cahiers d'action juridique, n°1, 12/01/1974.
* 327 Tandis que
l'Administration pénitentiaire relève 127 tentatives de suicide
en 1971 et 325 en 1973, une recension des tentatives de suicide
hospitalisées au seul service d'urgence d'un hôpital et dans la
seule région lyonnaise en dénombre 82 en 1973. L'équipe
conclut qu'il « n'est pas exagéré d'affirmer que [...] le
taux de suicides et tentatives de suicides en prison est nettement
supérieur à celui de la population globale » avant de
reconnaître la sous-estimation volontaire de la Chancellerie (COLIN
Marcel, GONIN Daniel, DUCOTTET François, « Le suicide en
prison », art.cit., p.116).
* 328 Atteste de
cette prudence un article paru dans la presse médicale du Dr Hivert,
beaucoup plus critique que ses déclarations à l'égard de
la presse dans lequel il refuse le débat sur le nombre de
suicides : « Leur dénombrement systématique est
l'objet d'exploitations diverses. La réalité disparaît
souvent derrière des attitudes passionnées. Des chiffres sont
opposés à d'autres chiffres. Cette comptabilité des morts
devient dérisoire ». Regrettant que « telle
automutilation jugée peu sérieuse ne sera pas prise en
compte », il souligne que le suicide invite l'Administration
« à s'interroger sur son fonctionnement
interne » : « Plutôt que de se satisfaire de
simples "précautions techniques" l'institution doit être capable
d'entendre le cri du suicidant et permettre la circulation de la parole en
créant, par exemple, des lieux où le discours puisse s'exprimer
librement ». Le médecin-chef du CMPR de La Santé remet
en cause le rôle dont sont investis le praticien et sa
pharmacopée : « Le recours au médecin est d'abord
vécu par l'institution comme sécurisant. Investi par son statut
social d'un certain pouvoir magique, il est celui qui doit conjurer la mort
[...] pourquoi cette chimiothérapie si ce n'est pour obvier à une
condition carcérale mal tolérée, à une absence de
dialogue, à une non-réponse à certaines demandes et
à une insuffisance de l'équipement ? » (HIVERT
Paul, « Le comportement suicidaire dans les prisons »,
Gazette médicale de France, 1974, tome 81, n°39,
pp.5537-5544).
* 329 Lettre du
garde des Sceaux au Procureur général de la Cour d'appel de
Toulouse du 25/09/1971 (CAC. 19940511. Art.91. Dossiers de carrière des
médecins ayant cessé leurs fonctions dans les années
1981-1989).
* 330 Lettre de
René Pleven à Lucien Jégou, médecin-chef de La
Santé, du 5/08/1972 (CAC. 19940511. Art.95).
* 331
« Les journées de médecine pénitentiaire,
à Strasbourg », France Inter, JT 19H, 02/12/1972, Archives
INA.
* 332 Cf. Chapitre
1 - Section 1-2 : « Prisons et journalisme : les conditions de
détention au centre des regards.
* 333
« Affaire otage Baumettes », JT 20H, 14/10/1971,
2ème chaîne, archives de l'INA.
* 334 Cf. Annexe
8 : « Le discrédit comme répertoire d'action d'un
directeur pénitentiaire à l'encontre d'un praticien
récalcitrant ».
* 335 Lettre du
DAP, Henri le Corno, au DRSP de Dijon datée du 16/09/1972 (CAC.
19830701. Art.483).
* 336 Lettre de
Georges Beljean, DAP, à l'avocat du Dr Pivert datée du 7/06/1973
(CAC. 19830701. Art.483).
* 337 Lettre du
DAP, Henri le Corno, au Conseil départemental de l'Ordre des
médecins de la Côte-d'Or datée du 16/09/1972 (CAC.
19830701. Art.483).
* 338 Lettre du Dr
Pivert au DRSP de Dijon datée du 6/11/1972 (CAC. 19830701. Art.483).
* 339 Lettre du
DAP, Henri le Corno, au Dr Pivert datée du 22/10/1973(CAC. 19830701.
Art.483).
* 340
« Répond donc à la définition de la prise de
parole toute tentative visant à modifier un état de fait
jugé insatisfaisant que ce soit en adressant des pétitions
individuelles ou collectives à la direction en place, en faisant appel
à une instance supérieure ayant barre sur la direction ou en
ayant recours à divers types d'actions, notamment ceux qui ont pour but
de mobiliser l'opinion publique » (HIRSCHAMN Albert,
Défection et prise de parole. Théorie et applications,
Paris, Fayard, 1995. p.54).
* 341 CARDON
Dominique, HEURTIN Jean-Philippe, LEMIEUX Cyril, « Vertus et limites
de la prise de parole en public. Entretien avec Albert Hirschman »,
Politix, 1995, vol. 8, n° 31, pp. 20-29.
* 342 On renvoie
ici aux rapports d'activités annuels de la DAP consultés à
la bibliothèque de la DAP.
* 343 Les deux
tiers de la promotion de surveillants de l'année 1971 auraient
démissionné en janvier 1972 (DESLAURIERS,
« Fleury-Mérogis. Un nouvel univers
carcéral ? », Psychiatrie aujourd'hui,
01/02/1972, p.42.)
* 344 On sait
qu'un syndicat des médecins pénitentiaires a été
créé dans les années soixante dans le cadre de la
spécialisation entrepris par Georges Fully. Aucune archive n'a cependant
été trouvée à ce sujet.
* 345 Cf. MEGARD
Marc, « La médecine pénitentiaire (à partir de
l'expérience d'un médecin de prison) », Revue
d'Hygiène et de Médecine Sociale, 1969, t.17, n°7,
pp.543-546.
* 346 Cf.
Introduction Première Partie : « La "médecine
pénitentiaire" : les tentatives de
spécialisation...».
* 347 HIRSCHMAN
Albert, Défection et prise de parole. Théorie et
applications, op.cit.
* 348 Lettre du
médecin-chef de la M.A de Vannes au ministre de la Justice datée
du 10/10/1973 (CAC. 19830701. Art.481).
* 349 Lettre de
Raymond Marcellin à Jean Taittinger datée du
22/10/1973 (CAC. 19830701. Art.481).
* 350 BAJOIT Guy,
« Exit, voice, loyalty... and apathy. Les réactions
individuelles au mécontentement », Revue française
de sociologie, 1988, XXIX, pp.325-345.
* 351 Compte rendu
de la réunion du 14/11/1974 de la Commission de surveillance de la M.A
de Tours remis au Bureau de l'application des peines de la DAP par le directeur
de la M.A. Document dactylographié de 4 pages (CAC. 19960279. Art. 120.
M. 322 : distribution des médicaments).
* 352 Rapport
d'inspection de Solange Troisier relatif à la mort d'un détenu en
août 1974 à la M.A de Quimper, 5/09/1974. Document
dactylographié (CAC. 19960279. Art. 120. M. 322).
* 353 Note de
Solange Troisier adressée à M. Erbès datée du
21.02/1975 (CAC. 19830701. Art.482).
* 354 Cf.
Encadré : « L'intégration de la psychiatrie
pénitentiaire dans le secteur hospitalo-universitaire : l'exemple
lyonnais ».
* 355 Lettre des
docteurs Mégard et Gonin au directeur des prisons de Lyon datée
du 15/11/1966. CAC. 19960136, art. 112 (E4580). M110. Secret
médical
* 356 BUFFARD
Simone, « Le système pénitentiaire en
question », Instantanés criminologiques, n°16,
1972, p.3-5.
* 357 DELAMARE
Nicole, L'interne en psychiatrie et la prison, mémoire de CES
en psychiatrie, université de Lyon, faculté de médecine,
1974, p.24.
* 358 COLIN
Marcel, « Le clinicien dans le système
pénitentiaire », Instantanés criminologiques,
n°17, 1972, p.4.
* 359 THEOLLLEYRE
Jean-Marc, « Il faut mettre fin au mystère que
l'administration entretient sur ce qui se passe dans les prisons »,
Le Monde, 30/03/1972.
* 360 Cf. Annexe
8 : « Le discrédit comme répertoire d'action d'un
directeur pénitentiaire à l'encontre d'un praticien
récalcitrant ».
* 361 Pierre
Barlet, médecin aux M.A de Lyon depuis 1966 puis responsable du service
des détenus de l'hôpital Lyon Sud depuis 1985. Entretiens
réalisés le 18/04/2003 et le 30/04/2008. Durées: 2H15 et
2H00.
* 362 SAINT
PLANCAT C., « La médecine dans les prisons », Le
concours médical, 29/01/1972, p.860.
* 363 Bien que
beaucoup aient exercé en tant que généraliste, la plupart
des soignants lyonnais ayant travaillé en prison disposent d'une
formation de psychiatre. Cela s'explique par le poids de Marcel Colin,
lui-même psychiatre, ainsi que de Louis Roche, Professeur de
médecine légale proche de ce premier et des milieux
psychiatriques, qui ont favorisé tous deux un rapprochement entre la
prison, la criminologie, la médecine légale et les urgences. La
psychiatrie était à chaque reprise une dimension forte de la
prise en charge des patients (Cf. Conclusion du Chapitre 5 :
« Les spécificités carcérales à
l'épreuve du décloisonnement »).
* 364
« Publication du rapport de la commission
d'enquête », France Inter, JT 13H, 09/01/1972, Archives de
l'INA.
* 365 Cf. Annexe
7 : « La création des CMPR en 1967 : un début
de reconnaissance de la psychiatrie pénitentiaire ».
* 366 VERIN
Jacques, « Le Xème congrès français
de criminologie », RPDP, n°4, 1969, p.989.
* 367 Les
généralistes ont en effet un rôle administratif beaucoup
plus important, comme par exemple à l'occasion de la rédaction de
certificats médicaux ou de l'hospitalisation de détenus, des
situations souvent problématiques.
* 368 Cyril,
interne en psychiatrie aux Baumettes de 1971 à 1973. Entretien
réalisé le 23/02/2006, 2H00.
* 369 On trouvera
la déclaration reproduite dans l'ouvrage suivant : ARTIERES
Philippe et alii, Le Groupe d'information sur les prisons, op.cit.,
pp.164-165.
* 370 Elle
déclare ainsi : « Ne trouvez vous pas inhumain que des
garçons de 18 ans soient enfermés toute la journée seuls
dans une cellule de 3m×2m, occupés à des travaux
dérisoires ? » ou précise encore :
« Je n'ai aucune tendance politique ni aucune opinion religieuse,
mais de la bonne volonté ».
* 371 Elle
dénonce notamment le régime imposé par le directeur
Richard Galiana : les détenus n'avaient pas le droit de pratiquer
le sport, si ce n'est après une année de "bonne conduite", ils ne
pouvaient avoir dans leur cellule qu'un nombre restreint de photographies. Elle
déclara d'ailleurs avoir traité un jeune homme pour "troubles
mentaux" après que les surveillants lui eurent retiré la photo de
son petit frère que sa mère lui avait envoyée.
* 372
« Toul : le témoignage du médecin
psychiatre », Combat, 21/12/1971.
* 373
« Je puis affirmer... », Le Nouvel Observateur,
27/12/1971.
* 374
« Réactions rapport prison de Toul », JT 20H,
1ère chaîne, 09/01/1972, archives de l'INA ;
« Publication du rapport de la commission
d'enquête », France Inter, JT 13H, 09/01/1972, Archives de
l'INA
* 375 COMITE
VERITE TOUL, La révolte de la centrale Ney, op.cit, p.336.
* 376
« Je somme tous ceux qui me liront, je les prie de ne pas rester
indifférents... de s'engager », Le Monde,
26-27/12/1971.
* 377 ARTIERES
Philippe, « 1972 : naissance de l'intellectuel
spécifique », Plein Droit, n°53-54, mars
2002.
* 378 FOUCAULT
Michel, « Le discours de Toul », Le Nouvel Observateur,
n°372, 27/12/1971. Repris dans Dits et
écrits, Paris, Quarto, Gallimard, Tome 1, pp.1104-1106.
* 379 Rappelons
que les psychiatres, tout comme les généralistes, relèvent
pourtant à l'époque statutairement du ministère de la
Justice.
* 380
« Après la mutinerie de Toul. Trois limogeages scandaleux
», Témoignage chrétien, 10/02/1972.
* 381 Bien qu'elle
fut le plus souvent présentée par la presse come assistante
sociale, Mme d'Escrivan était également infirmière de la
Croix-Rouge à Fresnes. Son témoignage fut publié par le
GIP et par Esprit en avril 1972 qui établirent le
parallèle avec le Dr Edith Rose.
* 382 Cf. Annexe
10 : « Les mouvement de remise en cause de la psychiatrie
institutionnelle depuis la Libération ».
* 383 Les deux
premières citations sont issues de l'article suivant :
« Asiles-prisons, même combat. Quelques lettres de psychiatres
à Mme Rose », Psychiatrie d'aujourd'hui,
numéro spécial « Psychiatrie et univers
pénitentiaire », 01-02/1972, n°7, p.30.
* 384 DELEUZE
Gilles, « A propos des psychiatres dans les prisons »,
communiqué, 5/01/1972 (Fonds GIP/IMEC). Cité dans ARTIERES
Philippe et alii, Le Groupe d'information sur les prisons, op.cit.,
p.156.
* 385 Anonyme,
« La psychiatrie en prison », Politique
aujourd'hui, 04-05/1972, p.63.
* 386 Alors que la
contention ne pouvait s'exercer que sur prescription médicale, la
Commission d'enquête Schmelck avait relevé que les certificats
médicaux n'avaient parfois été signés que plusieurs
jours après, la mise sous contention ayant été ainsi
décidée par le seul personnel pénitentiaire.
* 387
« Prisons. Les médecins témoignent »,
L'Express, 24/01/1972.
* 388 COMITE
VERITE TOUL, La révolte de la centrale Ney, op.cit., p.93.
* 389 Elle est
intégrée à l'organisation départementale de lutte
contre les maladies mentales en 1977. Cf. Chapitre 2- section 2-3 :
« La contestation de la psychiatrie pénitentiaire et son
intégration au dispositif de santé mentale ».
* 390
« Solange Troisier », France Inter, 14/01/1974, 57min,
Archives INA.
* 391 On compte
vingt-neuf internes en 1975 répartis sur les établissements de
Fresnes (13), La Santé (5), Fleury-Mérogis (6), Marseille (3),
Nice (1) et Poissy (1) (GOLPAYEGANI Behrouz, L'humanisation de la peine
privative de liberté, op.cit, p.245).
* 392 Les internes
temps plein étaient alors rémunérés 900 francs
environ par mois soit environ l'équivalent de 900 euros actuellement.
* 393 Yvan,
interne à Fleury-Mérogis de 1979 à 1981. Entretien
réalisé le 14/02/2008, 1H30.
* 394 Annexe
11 : « Les effets de Mai 68 sur les
étudiants de médecine français ».
* 395 Antoine
Lazarus, interne puis médecin vacataire à Fleury-Mérogis
de 1970 à 1976, fondateur du GMP. Entretiens réalisés les
10/2007 ; 11/06/2008. Durées : 2H00 et 2H00.
* 396 Après
les événements de Mai 68, on confia à Edgar Faure le poste
délicat de ministre de l'Education nationale au mois de juillet 1968. La
consultation de plusieurs milliers de personnes durant l'été
déboucha en novembre 1968 sur une loi réformant l'enseignement
supérieur. Elle intègre certaines revendications de Mai comme
l'interdisciplinarité ou la participation de tous les acteurs à
la gestion des établissements. En matière d'études
médicales, la réforme supprime l'externat qui réservait
auparavant l'expérience de la clinique au lit du malade à une
minorité d'étudiants.
* 397 COLCOMBET
François, LAZARUS Antoine, APPERT Louis (alias de Michel Foucault),
« Luttes autour des prisons », art.cit., p.104.
* 398 LAZARUS
Antoine, « Quand la prison devient refuge »,
Sociétés & représentations, n°3,
CREDHESS, novembre 1996, p.317.
* 399 Cf. Chapitre
2 - section 1.2 : « De la revendication du droit à la
mobilisation des professionnels de la prison : l'émergence d'un
nouveau militantisme carcéral ».
* 400 Cf. Annexe
14 : « L'?affaire Mirval? ou la contestation d'un interne
pénitentiaire militant ».
* 401 COLCOMBET
François, LAZARUS Antoine, APPERT Louis (alias de Michel Foucault),
« Luttes autour des prisons », art.cit., p.104.
* 402 Cf. Annexe
15 : « L'influence indirecte de Mai 68 sur deux internes
pénitentiaires ».
* 403 Cette
décision survenue après les événements de Clairvaux
aurait été adoptée afin de satisfaire les deux principaux
représentants des syndicats pénitentiaires, Aimé Pastre de
la CGT et Hubert Bonaldi de FO.
* 404 DAYANT
Charles, « Lettre ouverte à René Pleven »,
Le Nouvel observateur, 6/12/1971.
* 405 DAYANT
Charles (avec Arnaud Still), J'étais médecin à La
Santé, Paris, Presses de la Cité, 1972, 246p.
* 406 DIENNET
Marcel (avec Ariane Randal), Le Petit Paradis, Paris, Editions Robert
Laffont, 1972, 309p.
* 407
« Comment on vit, comment on meurt en prison »,
L'Express, 10/04/1972.
* 408
« Marcel Diennet, ancien médecin à Fresnes »,
France Inter, 17H, 27/04/1972, 58min, Archives INA.
* 409
Jusqu'à la réforme de 1975, les détenus n'étaient
censés pouvoir se coucher dans leur cellule que durant certains horaires
à moins de disposer d'un « bon de repos » d'un
médecin ou d'une prescription médicale ce qui favorisait ainsi la
demande de médicaments (HIVERT Paul, « Trente ans de
prison », art.cit, p.226).
* 410 DAYANT
Charles (avec Arnaud Still), J'étais médecin à La
Santé, op.cit., p73.
* 411
« Marcel Diennet, ancien médecin à Fresnes »,
France Inter, 17H, 27/04/1972, 58min, Archives INA.
* 412 La
quatrième de couverture du livre de Charles Dayant précise que ce
dernier est « entré en contact avec le Groupe d'information
des prisons à la demande du Professeur Foucault ». On trouve
d'ailleurs un exemplaire du livre dédicacé par Charles Dayant
à Michel Foucault dans les archives du G.I.P [G.73/GIP2. Dh3.]. Il est
possible que certains écrits cités par le GIP proviennent du Dr
Dayant.
* 413 Le Dr
Fully se déclara « disposé » suite
à ces ouvrages à « participer à un vaste
échange d'idées avec M. Lecorno [DAP] afin d'étudier
le problème des détenus sous son jour véritable,
c'est-à-dire clinique et humain » (Le Monde,
27/10/1971).
* 414 Le fait que
l'ouvrage du Dr Charles Dayant fut traduit en Italie souligne son probable
succès : Queste carceri- Diario di un medico, Roma,
Coines, 1973.
* 415 Avocat au
barreau de Paris, Jean-Marc Varaut (1933-2005) est un monarchiste membre des
clubs Perspectives et Réalités partisans de Valéry Giscard
d'Estaing. Partisan de l'Algérie française, il contribua à
dénoncer les internements de dissidents en URSS et dénonça
la peine de mort en France ou encore les conditions de détention (VARAUT
Jean-Marc, La prison pour quoi faire, Paris, La Table Ronde, 1972,
p.200).
* 416
« Protestations contre "Le petit paradis" », Le
Monde, 9/05/1972.
* 417 DAYANT
Charles, Contraception en pratique hospitalière, thèse
de médecine, Paris, 1969.
* 418 DAYANT
Charles, Plaidoyer Pour Une Antimédecine. L'art Et La Manière
D'être Malade, Paris, Presses De La Cité, 1974.
* 419 BENSAID
Norbert, « Des médecins contre les
médecins », Le Nouvel Observateur, 14/10/1974.
* 420 DIENNET
Marcel, Les enfants de Phu-My, Paris, A. Laffont, 1975.
* 421 Outre le
fait que les prisons d'Ile-de-France disposent d'une large partie des postes
d'internes, cette concentration géographique des internes les plus
contestataires est peut-être à mettre en lien avec l'importance
que les événements de Mai 68 ont eue à la Faculté
de médecine de Paris.
* 422 MACHLINE
Gérard, « Un médecin en prison »,
Perspectives psychiatriques, n°42, 1973, p.25.
* 423 DEJOURS
Christophe, « Réflexions sur les rôles respectifs de
l'administration et de la médecine dans l'institution
pénitentiaire », Perspectives psychiatriques,
n°42, 1973, p.18.
* 424 DESLAURIERS,
« Fleury-Mérogis. Un nouvel univers
carcéral ? », Psychiatrie aujourd'hui,
01-02/1972, p.42.
* 425 DEJOURS
Christophe, « Réflexions sur les rôles ... »,
art.cit., p.18.
* 426 Cité
dans ALBERT WEIL Jean, J'ai été 16 ans médecin
à Fresnes, Paris, Fayard, 1974, p.205.
* 427
« Démissionnaires, trois médecins de la prison de La
Santé s'expliquent », Le Figaro, 30/11/1972.
* 428
« Dans l'Administration pénitentiaire. Les internes en
médecine sont en grève », Le Monde,
28/02/1973.
* 429 SCHMITT
Jean-Noël, La médecine carcérale, thèse de
médecine, Paris Créteil, 1978, p.112.
* 430 PETITJEAN,
Cours de droit médical et déontologie, 1974. Cité
dans GOLPAYEGANI Behrouz, op.cit., p.246.
* 431 Christophe
Dejours est un psychiatre et psychanalyste connu depuis les années
quatre-vingt-dix pour sa dénonciation de la souffrance au travail.
* 432 Bulletin
du GMP, n°1-2, 03-04/1975, p.6.
* 433 Marcel
Diennet raconte ainsi comment les internes de Fresnes décidèrent
lors d'un repas de faire parvenir un cahier de doléances au directeur de
l'établissement (DIENNET Marcel, Le Petit Paradis, op.cit.,
p.235.)
* 434 SCHMITT
Jean-Noël, La médecine carcérale, op.cit.,
p.113.
* 435 Le
traitement de base mensuel d'un interne est ainsi de moins de 900 francs soit
environ 900 euros actuels, sans congés, pour environ 40 heures de
travail hebdomadaire.
* 436 Lettre du 5
février 1973. Je remercie Antoine Lazarus de m'avoir confié un
exemplaire de ce document.
* 437 Bulletin
du GMP, n°0, 02/1975, p.21.
* 438 Daniel
Gonin, psychiatre puis généraliste à la M.A de Lyon de
1967 à 1989. Entretiens réalisés les 25/02/2008,
10/03/2008, 26/03/2008. Durées : 2H ; 2H ; 2H.
* 439 Un article
critique quant à la participation de la médecine dans le maintien
du calme en détention remarque ainsi que « les internes
protestent contre ces nouvelles fonctions et refusent de participer à
cette politique de l'autruche, chargés de masquer les carences de
l'administration pénitentiaire » (Libération,
25/06/1973). Jacques Chancel évoque les critiques formulées par
ces internes dans une émission radio (« Solange
Troisier », France Inter, 14/01/1974, 57 minutes).
* 440 La
rémunération des internes passe alors de 900 à 1960 Frs
par mois (SCHMITT Jean-Noël, La médecine carcérale,
op.cit., p.122).
* 441 Bureau des
méthodes et de la réglementation, « Note sur la
situation sanitaire dans les établissements
pénitentiaires », mai 1976 (CAC. 19960136, art. 112 (E4580)).
* 442 SCHMITT
Jean-Noël, La médecine carcérale, op.cit. p.265.
* 443 DAP,
« Rapport d'activité », RPDP, 10-12/1967,
p.900.
* 444 ARMAZET
André, Les prisons, op.cit., p.6.
* 445 Lettre de M.
Bauchaud, secrétaire national du SNEPAP au président de
l'association des JAP datée du 21/10/1971 (Fonds Etienne Bloch. ARC
3017-15. IV-27 : Le Groupe d'Information sur les Prisons).
* 446
« Un gardien de Toul parle », L'Aurore,
11/01/1972.
* 447 Lors de la
grève de la faim des détenus gauchistes, le secrétaire
adjoint du SNEPAP déclare à L'Express :
« Quand quelqu'un entre en prison, c'est forcément un
inadapté, quand il en sort, c'est souvent un
irrécupérable ». En juin 1971, le congrès des
éducateurs exprime son malaise et déclare : « Les
tracts du GIP décrivent une réalité à peine
déformée » (ARMAZET André, Les prisons,
op.cit., p.111). En 1974, ils considèrent dans une motion
déposée lors du 8ème congrès que leur
action est « faussée », déclarent ne pas
vouloir « être des agents récupérateurs des malades du
corps social » et exigent de « quitter la tutelle de
l'administration pénitentiaire » (Justice, n°32,
1974).
* 448 BLUM
François, « Regard sur les mutations du travail social au
XXème siècle », Le Mouvement
Social, n°199, février 2002, pp.83-94 ; VERDES-LEROUX
Jeannine, Le Travail social, Paris, Editions de Minuit, 1978, 245p.
* 449 Cf. Chapitre
1 - Section 3-1 : « De la psychiatrie asilaire à la
psychiatre pénitentiaire : l'émergence... ».
* 450 Deux
éducateurs du milieu ouvert avaient été poursuivis pour
avoir refusé de donner au juge d'instruction le nom d'un jeune
garçon en ayant blessé un autre au cours d'un bal public
(Champ social, n°1, 07-08/1973).
* 451
« Le point de vue d'une éducatrice en
prévention », Le Monde, 8/08/1974.
* 452 En
décembre 1970, suite à la mort de seize mineurs dans les
Houillères du Nord, un « tribunal populaire » avait
été mis sur pied par Serge July devant lequel des médecins
des mines avaient témoigné pour dénoncer les conditions
intolérables de travail (ARTIERES Philippe, « 1972 :
naissance de l'intellectuel spécifique »,
art.cit).
* 453 Cette
visibilité médiatique des médecins pénitentiaires
doit cependant être relativisée. La publication de grandes
enquêtes sur la prison laissent encore souvent dans l'ombre le rôle
des personnels de santé. En témoigne une enquête de La
Croix qui évoque successivement le rôle des assistantes
sociales (9/12/1971), de l'enseignement par correspondance (10/12/1971),
des surveillants (15/12/1971) et des JAP (16/12/1971).
* 454 SPES,
Bulletin d'information et de liaison, n°5, février 1973,
p.11.
* 455 COLIN
Marcel, « Le clinicien dans le système
pénitentiaire », art.cit., p.5.
* 456
« Marcel Diennet, ancien médecin à Fresnes »,
France Inter, 17H, 27/04/1972, 58 min, Archives INA.
* 457 Propos
cités dans La revue pénitentiaire et de droit
pénal (09/1974). Un auteur lui prête une déclaration
plus engagée mais jamais lue ailleurs : « Le
médecin des prisons n'est qu'un alibi pour l'Administration
pénitentiaire » (ZIWE William Francis, Droits du
détenu et droits de la défense, Paris, Maspero, 1979,
p.417).
* 458 Bulletin
du GMP, n°1-2, 03-04/1975, p.6.
* 459 Pour ses
déclarations quant au « Nuremberg des prisons », le DAP,
Henri Le Corno, aurait d'ailleurs demandé à ce moment la
démission de Georges Fully (Le Monde, 22/06/1973).
* 460 Daniel
Gonin, psychiatre puis généraliste à la M.A de Lyon de
1967 à 1989. Entretiens réalisés les 25/02/2008,
10/03/2008, 26/03/2008. Durées : 2H ; 2H ; 2H.
* 461
« La veuve d'un détenu mort en prison obtient des dommage et
intérêts », Le Monde, 16-17/03/1969.
* 462 DAP,
Journées nationales de médecine pénitentiaire,
imprimerie administrative de Melun, 1971, p.16.
* 463 HIVERT Paul,
« La responsabilité pénale du médecin des
prisons », RPDP, 01-03/1971, pp.37-41.
* 464 DAP,
Journées nationales de médecine pénitentiaire,
op.cit., p.34.
* 465 Article VII
du projet de réglemente fixant les conditions dans lesquelles les
médecins exercent leurs fonctions auprès des
établissements pénitentiaires. Ibidem, p.40.
* 466
« Journées de médecine pénitentiaire de
Marseille », Instantanés criminologiques, n°12,
1971, p.42.
* 467 DAP,
« Note sur les médecins », 1975, 21 pages. Archives
internes DAP.
* 468 DAP,
Clauses et conditions générales relatives à l'exercice
des fonctions de médecin pénitentiaire. Document
ronéotypé de 6 pages non daté. Archives internes DAP.
* 469 Plus qu'au
personnel infirmier, cette mention fait probablement référence
aux surveillants et détenus amenés à travailler dans les
infirmeries pénitentiaires.
* 470 DAP,
« Service médical des établissements
pénitentiaires », note de service adressée aux chefs
d'établissements, 7/08/1972. Document ronéotypé, 4 pages
(CAC. 19960136. Art.113. Dossier M111 : Médecins (1960-1979)).
* 471 Lettre de la
DAP à un médecin psychiatre de la M.A de Fresnes datée du
27/11/1979.
* 472
« Actualité en question », 1ère
chaîne, 13/01/1972, archives de l'INA.
* 473
Ibidem.
* 474 Lettre de
revendication de l'ADDD au ministre de la Justice datée du 18/05/1973, 4
pages (Fonds Etienne Bloch. ARC 3017-15. IV-26 : Cahiers de
revendication).
* 475
« Le docteur Georges Fully a été victime d'un
attentat », Le Monde, 22/06/1973.
* 476
« Journée d'études à l'école
d'administration pénitentiaire », 4 pages (Fonds Etienne
Bloch. ARC 3017-15. IV 29- Politique pénitentiaire).
* 477 Cf. Annexe
12 : « La réforme Amor de 1945 et le modèle du
"tout-carcéral" ».
* 478 Au
1er janvier 1952, seulement 1.255 détenus sur 15.920
bénéficiaient de la réforme Amor. En 1959, 1.977
condamnés sur les 5.633 placés en M.C sont soumis au
régime progressif (VIMONT Jean-Claude, La prison : à l'ombre
des hauts murs, op.cit., p.76).
* 479 FAUGERON
Claude, « De la Libération à la guerre
d'Algérie : l'espoir d'une réforme
pénitentiaire » dans PETIT J.G et alii,
Histoire des galères, op.cit., p.315.
* 480 En 1961,
neuf surveillants sont tués et soixante-sept autres sont agressés
(LETENEUR Henri, art.cit., p.191).
* 481 Cité
dans FAVARD Jean, Des prisons, op.cit., p.19.
* 482 Initialement
pensé pour des détenus présentant un risque
d'évasion important (grand banditisme), le statut de DPS, encore en
vigueur aujourd'hui, a été étendu aux détenus
devant être suivis pour les risques qu'ils encourent :
personnalités, anciens fonctionnaires de la Justice ou de la police par
exemple.
* 483 FOYER Jean,
« La doctrine de la Cinquième République en
matière de répression », RPDP, 1963,
pp.281-287.
* 484 Les
« sciences pénitentiaires » sont une branche du
droit, proche de la criminologie, spécialisée dans l'étude
des questions carcérales (conditions de détention, philosophie
pénale, récidive, etc.) qui s'est notamment
développée au cours des années soixante-dix. Bien que
faisant l'objet d'enseignements ponctuels, cette discipline ne semble pas
pleinement reconnue aujourd'hui dans le milieu universitaire puisqu'elle ne
fait l'objet d'aucun diplôme per se.
* 485 GOLPAYEGANI
Behrouz, L'humanisation de la peine privative de liberté,
op.cit, pp.105-106.
* 486 VERIN
Jacques, « Esquisse d'un programme de recherches liées
à une réforme pénitentiaire », RSCDPC,
1972, p.155.
* 487 MEZGHANI
Ridha, La condition juridique du détenu, thèse de
science pénitentiaire, Paris 2, 1975, p.319.
* 488 GOLPAYEGANI
Behrouz, L'humanisation de la peine privative de liberté,
op.cit., pp.10-12.
* 489 Empruntant
cette notion à l'analyse que fait François Héran de la
linguistique de Saussure (« L'institution remotivée. De Fustel
de Coulange à Durkheim et au-delà », Revue
française de sociologie, n°1, 01-03/1987, pp.67-97), Antoine
Vauchez décrit un processus de « remotivation » de
la magistrature italienne qui, accusée d'être trop
politisée par la droite berlusconienne, a réussit à
imposer un nouveau modèle d'excellence professionnelle et se doter d'un
rôle nouveau de transformation de l'ordre social (VAUCHEZ Antoine,
L'institution judiciaire remotivée. Le processus
d'institutionnalisation d'une « nouvelle justice » en
Italie (1960-2000), Paris, LGDJ, Collection « Recherches et
travaux du Réseau Européen Droit et Société
», 2004).
* 490 FARGES Eric,
« Penser la réforme pénitentiaire avec Michel Foucault.
Apports et limites à une sociologie politique de la loi du 18 janvier
1994 », Raisons politiques, n°25, 02/2007,
pp.101-125.
* 491
« Actualité en question », 1ère
chaîne, 13/01/1972, archives de l'INA.
* 492 Loi n°
72-1226 du 29 décembre 1972 simplifiant et complétant certaines
dispositions relatives à la procédure pénale, aux peines
et à leur exécution.
* 493
« Trente ans de politique pénitentiaire »,
Justice, n°33, 1974, p.3-8.
* 494 Georges
Beljean (1927-1993) est un magistrat ayant mené une carrière de
parquetier. Membre du syndicat de la magistrature et critique à
l'égard du projet de loi « Sécurité et
liberté » d'Alain Peyrefitte, il deviendra en 1981 directeur
de cabinet de Robert Badinter, ministre de la Justice.
* 495 DARMON
Marco, « L'exclusion pénitentiaire », Droit
social, n°11, 11/1974, p.138.
* 496
« Melun : Révolte. Les détenus criaient :
aidez nous ! », Libération, 27-28/10/1973 ;
« Melun : nouvelle révolte de détenus »,
Libération, 9/01/1974.
* 497 FAUGERON
Claude, « Les prisons de la Ve
République », art.cit., p.332.
* 498 Durant les
premiers mois de son septennat, Valéry Giscard d'Estaing multiplie les
réformes visant à adapter la loi à l'évolution des
moeurs : éclatement de l'ORTF, abaissement de la majorité
civile, loi sur le divorce par consentement mutuel, loi Veil sur l'interruption
volontaire de grossesse.
* 499
AQUIZERATE-FONTAINE Joëlle, Contribution à l'étude des
conduites suicidaires en milieu carcéral. A propos de 23 cas
étudiés à la maison d'arrêt de Rennes,
thèse de médecine, dirigée par le Pr Sabouraud, Rennes,
1977, pp.63-64.
* 500
Au-delà de la symbolique, le secrétariat d'Etat jouera cependant
un moindre rôle dans la détermination de la politique
pénitentiaire en raison des relations difficiles entre
Hélène Dorlhac et son ministre de tutelle, Jean Lecanuet.
Créatrice d'un club « Perspectives et
réalités » à Nîmes, la secrétaire
d'Etat est en effet une proche du président de la République qui
sera perçue par le garde des Sceaux, centre démocrate, comme
l'« oeil de l'Elysée » à la Justice (CAUVIN
Claire, PONCET Dominique, Les femmes de Giscard, Paris, 1975).
* 501 Cité
dans DORLHAC DE BORNE Hélène, Changer la prison, Paris,
Plon, 1984, p.19.
* 502
« Mutinerie à la centrale de Nîmes » Le Monde,
6/07/1974 ; « Mutinerie à la maison d'arrêt de
Valence » Le Monde, 14-15/07/1974 ; « Mutinerie
à la centrale de Clairvaux» Le Monde, 21-22/07/1974 ;
« Mouvement important à la Maison centrale de Caen le 24
juillet » Le Monde, 26/07/1974 ; « Emeute le 25
Juillet. La centrale de Loos-les Lille est totalement dévastée
», Le Monde, 27/07/1974.
* 503
« Justice : la peine, c'est la détention »,
Le Monde, 27/07/1974.
* 504
« La petite phrase de Giscard », L'Aurore,
27/07/1974.
* 505
Valéry Giscard d'Estaing relativisera ce geste, qui lui fut beaucoup
reproché par son électorat, au cours de la campagne
électorale de 1981 : « On m'a dit "Pourquoi leur avez-vous
serré la main ?". C'est à cause d'un principe de droit. Ce
principe de droit que je respecte, c'est que lorsque quelqu'un n'est pas
jugé, je ne sais pas s'il est coupable. Or les détenus qui
étaient là étaient en détention
provisoire » (Le Monde, 27/03/1981). Le président a
pourtant ce jour là serré la main de tous les détenus sans
distinction entre condamnés et prévenus (FAVARD Jean, Des
prisons, op.cit., pp.22-23).
* 506
Héritier d'une longue famille politique, polytechnicien et
énarque, Valéry Giscard d'Estaing est issu d'un milieu
élitiste dont il va tenter de se démarquer au cours de sa
présidence en inaugurant « une nouvelle ère de la
politique française » comme il l'affirme lors de son discours
d'installation le 27 mai 1974. Le plus jeune président de la
Ve République, il a alors 48 ans, va développer une
politique de communication moderne tournée vers les classes sociales les
plus modestes en accumulant les coups d'éclats :
petit-déjeuner à l'Elysée avec des éboueurs,
rencontre de travailleurs immigrés dans la banlieue Nord de Marseille,
repas au domicile de simples citoyens, etc. (CHEVALLIER Jean-Jacques,
CARCASSONNE Guy, DUHAMEL Olivier, La Ve
République. Histoire des institutions et des régimes politiques
de la France, Paris, Armand Colin, 2001, pp.226-227).
* 507
« Prisons : le gouvernement passe enfin à
l'action », Le Quotidien de Paris, 31/07/1974 ;
« Après l'adoption de la réforme pénale et
pénitentiaire. Plus que des promesses, des engagements »,
Le Monde, 9/08/1974.
* 508
« Giscard a choisi une réforme sans changement »,
Libération, 17-18/08/1974.
* 509 On
enregistre entre le 19 juillet et le 5 août 1974 quatre-vingt-neuf
mouvements de révolte collective, dont neuf mutineries au cours
desquelles sept détenus trouvèrent la mort, tandis que onze
établissements étaient totalement ou partiellement
dévastés (DORLHAC DE BORNE Hélène, Changer la
prison, op.cit., p.46).
* 510 Yvan Zakine,
magistrat directeur de la DAP de 1981 à 1983. Entretien
réalisé le 20/03/2008. Durée : 3H00.
* 511 SALLE
Grégory, Emprisonnement et Etat de droit, op.cit., p.133.
* 512 FAVARD Jean,
Le labyrinthe pénitentiaire, op.cit., p.178.
* 513 BLOCH
Etienne, « La réforme pénitentiaire », mai
1975, 7 ff. dact. (Fonds Etienne Bloch. ARC 3017-15. IV-23 : La
réforme de 1975).
* 514 En mai 1975,
le directeur de l'Administration pénitentiaire déclare ainsi que
« la crainte de l'évasion ne saurait constituer pour les chefs
d'établissement et leur personnel leur unique et obsessionnelle
préoccupation » (DELBAERE Loïc, Le système
pénitentiaire à travers les luttes des détenus de 1970
à 1987, op.cit., p.67).
* 515 Dans le
bilan qu'il dresse des deux premières années de son septennat,
Valéry Giscard d'Estaing fait par exemple figurer « la
condition pénitentiaire humanisée »
(Démocratie française, Paris, Fayard, 1976, p.16).
* 516
« L'exécution de la peine privative de liberté et les
droits de l'individu », RSCDPC, 1975, n°3,
pp.741-751.
* 517
« Depuis 1945 dans les prisons on ne vote pas »,
Libération, 16/05/1974 ; « Dimanche, le sort de
la France aurait pu dépendre de 20.000 détenus »,
Libération, 19/09/1974.
* 518
« Grève de la faim à la Santé :
« Le droit de lire les livres qu'ils
veulent » » ; Libération,
12/06/1974 ; « Le droit de lire, d'écouter la
radio... », Libération, 20/06/1974 ; «
Déclaration commune de 18 écrivains et avocats, le 19 juin,
protestant contre la censure politique de
l'administration » Le Monde, 23-24/06/1974 ;
« Ayant cessé de s'alimenter depuis le 4 juin, P. Noulet a
été transporté à l'hôpital des prisons car il
veut obtenir la complète liberté de
lecture », Le Monde, 30/06-1/07/1974 ;
« Peut-on lire "Actes" à
Fleury-Mérogis ? », Le Monde, 28/06/1977 ;
« Libération censuré dans certaines prisons
», Le Monde, 7/10/1977 ; « C.A.P interdit dans les
prisons par décret du 5 novembre », Le Monde,
30/11/1977.
* 519 MAUREL
Edouard, « Une déclaration universelle des droits du
détenu sera-t-elle un jour rédigée ? »,
RPDP, 10-12/1949, pp.374-380.
* 520 DUPREEL
Jean, « Une notion nouvelle : les droits des
détenus », RDPC, 1957-1958, p.175.
* 521 MEZGHANI
Ridha, La condition juridique du détenu, op.cit., p.71.
* 522
Ibidem, p.74
* 523 DUPREEL
Jean, « Une notion nouvelle : les droits des
détenus », RDPC, 1957-1958, p.169.
* 524 MEZGHANI
Ridha, La condition juridique du détenu, op.cit., p.250.
* 525 Les
Cahiers de revendications sortis des prisons lors des récentes
révoltes font cependant mention d'un « droit d'avoir des
transistors », d'un « droit de cantiner des livres de
poche », d'un « droit au colis de Noël » ou
d'un « droit au libre parloir » (Cf. ARTIERES Philippe,
alii, Le Groupe d'information sur les prisons, op.cit.).
* 526 Cf. Lettre
d'un détenu « politique », Esprit, 12/1970,
p.973.
* 527 DEFERT
Daniel, « Quand l'information est une lutte », La Cause
du peuple-J'accuse, 25/05/1971.
* 528 DOMENACH
Jean-Marie, « Rendre aux détenus et à leur famille
conscience de leur dignité », La Croix,
24/02/1972.
* 529 DELEUZE
Gilles, « Le problème de la détention... »,
27/04/1972. Cité dans ARTIERES Philippe, alii, Le Groupe
d'information sur les prisons, op.cit.
* 530 Cf. Annexe
13 : « Le mouvement de contestation du droit des
« années 68 » face aux prisons et la judiciarisation
de la détention ».
* 531 MEZGHANI
Ridha, La condition juridique du détenu, op.cit., p.263.
* 532 Cette
judiciarisation de la peine et de la détention semble aurait eu lieu aux
Etats-Unis en dehors de toute politisation, les tribunaux ayant directement
reconnu des droits aux détenus (RICHERT J.P., « Le
développement des droits des condamnés
américains », Justice, n°32, 1974, pp.2-4.)
* 533 Circulaire
A.P 72-5 du 3/11/1972.
* 534 DORLHAC DE
BORNE Hélène, Changer la prison, op.cit., pp.168-171.
* 535 À
l'exception du « droit à l'information »
explicitement reconnu dans la circulaire du 26/08/1974.
* 536 SERIAUX
Alain, « Des intérêts légitimes sans protection
juridique : les droits des détenus », RPDP,
n°3, 1979, p.467.
* 537 Cf. Annexe
12 : « La réforme Amor de 1945 et le modèle du
"tout-carcéral" ».
* 538 FAUGERON
Claude, « Avant-propos », Problèmes politiques et
sociaux, Paris, La documentation française, n° 755-756, 1992,
p.5.
* 539 SEYLIER
Monique, « La banalisation pénitentiaire ou le voeu d'une
réforme impossible », Déviance et
société, vol.4., n°2, 1980, p.139.
* 540 ABECASSIS
Alain, La culture en milieu carcéral. Eduquer en prison, utopie ou
réalité ?, mémoire de fin d'études,
Sciences Po Paris, 1979, p.9.
* 541
Grégory Salle soulève néanmoins deux autre
hypothèses : une lassitude militante et l'existence de dissensions
trop fortes au sein du groupe (SALLE Grégory, Emprisonnement et Etat
de droit, op.cit., pp.125 et suiv.).
* 542 SOULIE
Christophe, « Années 70- Contestation de la prison »,
art.cit, pp.33.
* 543 LIVROZET
Serge, De la prison à la révolte, Paris, Mercure de
France, 1972.
* 544 C.A.P
Fleury, « La santé à Fleury », Journal
des prisonniers, n°38, 07/1976, p.8.
* 545 ROBERT
Brigitte, Les luttes autour des prisons 1971/1972, op.cit., p.73.
* 546 SALLE
Grégory, Le Groupe d'information sur les prisons, op.cit.,
p.67.
* 547 JAUBERT
Alain, Guide de la France des luttes, op.cit., p.131.
* 548 Lettre de
revendication de l'ADDD au ministre de la Justice datée du 18/05/1973, 4
pages (Fonds Etienne Bloch. ARC 3017-15. IV-26 : Cahiers de
revendication).
* 549 Bien que
Michel Foucault se démarqua à plusieurs reprises du Secours Rouge
et de la Gauche prolétarienne, dont provenaient de nombreux militants du
GIP, la filiation entre ces organisations apparaît évidente
notamment à travers la radicalité du discours (SALLE
Grégory, Le Groupe d'information sur les prisons, op.cit.,
pp.46-48).
* 550 Il semble
que ce soit également le cas en Angleterre où apparaît le
Preservation of the rights of prisoners (PROP), qui publie une
« charte des détenus », sorte de vade-mecum des
droits des détenus. Y sont revendiqués notamment le
« droit aux soins médicaux », le « droit
de consulter des conseillers médicaux indépendants » et
le « droit aux assurances sociales» (Bulletin du GMP,
n°9, 09/1976). Il semblerait en revanche que les associations canadiennes
de défense des détenus aient connu un cheminement inverse.
L'office des droits des détenus, relevant de la Ligue des droits de
l'homme, a ainsi défendu initialement lors de sa création en 1972
un point de vue légaliste avant de soutenir dès 1975 l'abolition
du système pénitentiaire (« Les luttes en milieu
pénitentiaire au Canada », Actes, 1978, n°18,
pp.27-30).
* 551 GONIN
Daniel, La santé incarcérée, Paris, Editions de
l'Archipel, 1991, p.82.
* 552 Se
définissant comme « théologien » et
« travailleur social », Axel Lochen, après des
études de théologie à Paris puis Genève, et
frère de la communauté de Taizé depuis 1949, a
exercé en tant que mécanicien, chauffeur, ouvrier sur chantiers
navals et en ateliers avant de devenir éducateur à Genève.
Il est devenu aumônier pour l'Eglise protestante aux prisons de Lyon en
1971 avant de devenir en 1983 Aumônier général des prisons
de la Fédération protestante de France (LOCHEN Axel, Maison
d'arrêt, Paris, Le signe- Fayard, 1968).
* 553
D'après une note de la DAP consacré à ce groupe, les
principaux membres étaient des avocats (Boyer, Lenoir, Thomassin), des
magistrats (Colcombet, Verpeaux), des médecins (Broussole, Colin,
Gravier), des visiteurs (Lochen, Vaux) et une psychologue (Buffard). Note
d'information du directeur des prisons de Lyon à Xavier Nicot,
sous-directeur DAP datée du 17/12/1974, 2 pages. (CAC. 19960136 art 132
dossier M. 654 : Groupe multiprofessionnel sur les questions
pénitentiaires (1975-1980)).
* 554 Cette
présentation s'appuie sur une brochure retraçant l'historique du
GMQP : Groupe multiprofessionnel sur les questions
pénitentiaires, Taizé, Presses de Taizé, 1974, 15
pages. CAC. 19960136. Art. 132. Dossier M. 654.
* 555 ROULLEAU
Claude-Alain, La psychiatrie en prison, mémoire de CES en
psychiatrie, faculté de médecine, université Lyon 1, 1976,
pp.15-22.
* 556
Ibid., p.4.
* 557 Cf. Chapitre
1- section 3 : « Les médecins face à
l'Administration pénitentiaires : loyauté, apathie...
».
* 558 DELAMARE
Nicole, L'interne en psychiatrie et la prison, mémoire de CES
en psychiatrie, université de Lyon, faculté de médecine,
1974, p.19.
* 559 Luc, interne
aux prisons de Lyon de 1974 à 1975 puis assistant en psychiatrie au CMPR
de 1977 jusqu'en 1984. Aujourd'hui chef de service à l'hôpital du
Vinatier. Entretien réalisé le 25/02/2008. Durée :
2H.
* 560 Daniel
Gonin, psychiatre travaillant comme généraliste à la M.A
de Lyon de 1962 à 1989. Entretiens réalisés les
25/02/2008, 10/03/2008, 26/03/2008. Durées : 2H ; 2H ; 2H.
* 561 LOCHEN Axel,
« Le Groupe Multiprofessionnel sur les Questions
pénitentiaires », Esprit, 11/1979, p.65.
* 562 C'est ainsi
que l'association a saisi la DAP au sujet d'une psychologue dont le poste
était menacé, de la prise en charge sanitaire des détenus
ou des mesures disciplinaires adoptées contre des éducateurs de
Fleury-Mérogis.
* 563 On trouve
ainsi dans le dossier d'archives du GMQP de la DAP des lettres du Procureur
général près de la Cour d'appel de Lyon faisant
état d'entrevues avec Axel Lochen qui agit en tant que
« porte-parole ». Le Procureur semble cependant rejeter
toute possibilité de collaboration : « Leur attitude
faite de méfiance et parfois de mépris n'a rien de
spécialement constructif dans l'immédiat. Ils considèrent
en effet comme dérisoire tout projet de réforme de
l'administration qui ne modifie pas la conception globale de la Justice et le
traitement du délinquant, pour qui la prison est "une situation
concentrationnaire, oppressive et dégradante" qui "réinvente la
ségrégation entre pauvres et riches". Leur rôle est
essentiellement d'alerter l'opinion publique sur un système qui ne
constitue pour eux qu'une "vaste machine à
déshumaniser" ». Lettre du Procureur général
près de la Cour d'appel de Lyon à Xavier Nicot, sous-directeur de
la DAP, datée du 5/12/1974 (CAC. 19960136 art 132 dossier
M. 654).
* 564 Lettre du
20/02/1973 aux candidats à la députation dans le Rhône
(CAC.19960136. Art. 132. Dossier M. 654).
* 565
(« La situation dans les prisons est rappelée aux candidats du
Rhône par un groupe de "travailleurs de la détention" »,
Le Monde, 27/02/1973). Jean-Marc Théolleyre, correspondant
régional du Monde également responsable de la rubrique
« justice » du quotidien, publia
plusieurs articles favorables au GMQP.
* 566 Le
Monde, 7/04/1973 ; Le Monde, 8-9/04/1973 ; Le
Monde, 14/04/1973.
* 567 GMQP,
Groupe multiprofessionnel sur les questions pénitentiaires,
op.cit., p.4.
* 568
Ibidem, p.7.
* 569 Le GMQP
publie ainsi à l'été 1973 un communiqué au sujet de
la sévérité des peines et diffuse en octobre 1974 une
« lettre à l'opinion ».
* 570 LOCHEN Axel,
« Le Groupe Multiprofessionnel sur les Questions
pénitentiaires », art.cit, p.67.
* 571
Invité à participer aux réunions, les membres du GMQP
auraient très vite été débordés par les
initiatives du C.A.P ayant agi en « véritables
animateurs » multipliant les revendications. Ayant craints
d'être instrumentalisés, les membres du GMQP ont
préféré se réunir sans les anciens détenus
(Le Monde 15/01/1974).
* 572 GMQP,
Groupe multiprofessionnel sur les questions pénitentiaires,
op.cit., pp.11-12.
* 573 Ce
problème est évoqué à plusieurs reprises dans des
enquêtes internes de l'Administration pénitentiaire, qui reprend
d'ailleurs une conclusion formulée par le GMQP lui-même :
« Le groupe est coincé entre sa fonction de critique voire
dénonciatrice de la prison et son rôle d'agent du
système » (Ibidem, p.15).
* 574 Cf. Annexe
9 : « "Le froid pénitentiaire" : le
nécessaire témoignage d'une psychologue confrontée a
l'inertie pénitentiaire».
* 575 BUFFARD
Simone, « Y a-t-il une évolution de la prison ?
Réflexion du groupe multiprofessionnel de Lyon sur les questions
pénitentiaires », Déviance et
société, 1977, vol.1, n°2, pp..203-208.
* 576 Luc, interne
aux prisons de Lyon de 1974 à 1975 puis assistant en psychiatrie au CMPR
de 1977 jusqu'en 1984. Aujourd'hui chef de service à l'hôpital du
Vinatier. Entretien réalisé le 25/02/2008. Durée :
2H.
* 577 Cf. Chapitre
1 - section 3.2 : « La contestation des internes, effet de la
politisation des étudiants de médecine ».
* 578 Tandis que
le GMQP se situe dans une perspective explicitement réformiste, Antoine
Lazarus est plus proche d'une perspective abolitionniste au sens où
l'institution carcérale serait purement symbolique :
« Supprimer les prisons pourra alors être entendu, non pas au
sens de détruire les murs, mais d'éradiquer l'usage,
c'est-à-dire ne plus y mettre de détenus » (LAZARUS
Antoine, « Quand la prison devient refuge »,
Sociétés & représentations, n°3,
CREDHESS, novembre 1996, p.319).
* 579 De
même que le GMQP, le GMP rassemble, outre des aumôniers,
médecins, avocats, surveillants, assistantes sociales,
éducateurs, des responsables de foyers, des animateurs de rue, des
employeurs et des journalistes.
* 580 GMQP,
Groupe multiprofessionnel sur les questions pénitentiaires,
op.cit., p.11.
* 581 Lettre du
20/02/1973 aux candidats à la députation dans le Rhône
(CAC. 19960136. Art. 132. Dossier M. 654).
* 582 Cf.
Chapitre 1 - Section 3-1 : « De la psychiatrie asilaire à
la psychiatre pénitentiaire : l'émergence... ».
* 583 Avant
d'intervenir à Fleury-Mérogis, Antoine Lazarus était
interne en psychiatrie à l'hôpital Paul-Brousse.
* 584 Cf. Annexe
14 : « L'"affaire Mirval" ou la contestation d'un interne
militant ».
* 585 BOULLANT
François, « 1974 : "L'affaire Mirval" »,
Cultures et conflits, n°55, 2004, pp.107-108.
* 586
« La médecine pénitentiaire », documentaire,
04/11/1965, ORTF, 68 minutes, archives de l'INA.
* 587 COLIN
Marcel, « Introduction », Cahiers Laënnec,
n°2, juin 1971, p.3.
* 588 ZIWE William
Francis, Droits du détenu et droits de la défense,
op.cit., p.308.
* 589 VARAUT
Jean-Marc, La prison pour quoi faire ?, op.cit., pp.200-201.
* 590 GAYRAUD
Albert, « Aspects administratifs de l'organisation médicale
des prisons », Cahiers Laënnec, n°2, juin 1971,
p.8.
* 591 PRADEL Jean,
« La santé du détenu », RSCDPC,
1974, n°2, p.269.
* 592 GOLPAYEGANI
Behrouz, L'humanisation de la peine privative de liberté,
op.cit., pp.166-167.
* 593 DUCLOY
Michel, Les détenus et leur prise en charge par la
sécurité sociale, thèse de médecine,
Faculté de Lille, 1974, p.50.
* 594 GOLPAYEGANI
Behrouz, L'humanisation de la peine privative de liberté,
op.cit., p.165.
* 595 PRADEL Jean,
« La santé du détenu », art.cit.,
p.269.
* 596 Propos
cités dans DUCLOY Michel, Les détenus et leur prise
en charge par la sécurité sociale, op.cit., p.41.
* 597 GRAND Serge,
La morbidité en milieu carcéral et sa prise en charge par la
sécurité sociale, thèse de médecine,
Université de Lyon, 1970, p.52.
* 598 En vertu du
CPP, dans tout établissement, un chirurgien-dentiste procède
à l'examen dentaire systématique des détenus. Seuls les
soins courants sont cependant assurés gratuitement, les autres soins ne
présentant pas un caractère d'urgence étant à la
charge du détenu (D.392 CPP). Beaucoup de détenus n'ayant pas de
ressources suffisantes se contentent alors d'un arrachage de dents, beaucoup
étant ainsi littéralement
« édentés ».
* 599 DAP, Le
service médical en milieu pénitentiaire, Ministère de
la Justice, imprimerie de Melun, « Etudes et
documentation », 1964, p.42
* 600 GONIN
Daniel, « L'exercice de la médecine en milieu
pénitentiaire », Cahiers Laënnec, n°2, juin
1971, p.23.
* 601 COLIN
Marcel, GILLON Jean-Jacques, MEGARD Marc, « La médecine en
geôle (petit livre blanc de la médecine
pénitentiaire) », Le concours médical,
23/05/1970, p.4692.
* 602 MEZGHANI
Ridha, La condition juridique du détenu, op.cit., p.278.
* 603 GONIN
Daniel, « L'exercice de la médecine en milieu
pénitentiaire », art.cit., p.27.
* 604 Ne pouvant
remplir les conditions d'ouverture des droits prévues par l'article
L.249 du Code de la sécurité sociale (justifier de 200 heures de
travail au cours des trois derniers mois), les détenus perdaient leur
affiliation aux assurances sociales un mois après leur
incarcération. En outre la relation entre la DAP et le détenu ne
peut être assimilée à un véritable contrat de
travail, ce qui impliquerait l'application du Code du travail.
* 605 PAPELARD
Alain, Histoire de la médecine pénitentiaire en France,
thèse de médecine, Paris, 1968, p.164.
* 606 COLARDYN,
« L'application de la législation sociale aux détenus et aux
membres de leur famille », Bulletin de l'Administration
pénitentiaire, 09-10/1972.
* 607 La
circulaire du 9/12/1968 des Affaires sociales avait permis de maintenir le
droit aux prestations pendant les trois premiers mois de détention
tandis que le décret n°69.338 du 11/04/1969 permettait le maintien
des prestations sociales à tout prévenu (GRAND Serge, La
morbidité en milieu carcéral, op.cit., pp.8 et suiv).
* 608 En
témoignent les propos de ce visiteur de prison :
« L'incarcération ne punit pas seulement les condamnés.
Elle affecte -aux deux sens du mot- leurs familles. Si l'on tient compte des
parents, des grands parents, des collatéraux, des enfants, on peut
évaluer à une moyenne de cinq le nombre de personnes liées
affectivement, matériellement, moralement au sort de chaque
détenu [...] On arrive donc, chaque année, à un total de
quelque 500.000 personnes concernées » (QUEANT Olivier, Le
monde inconnu des prisons, Paris, Plon, 1970, p.13).
* 609 VARAUT
Jean-Marc, La prison pour quoi faire?, op.cit., p.201.
* 610 BARRAL
Suzanne, « La situation des détenus et de leurs familles au
regard de la sécurité sociale », Droit social,
n°12, 12/1973, p.604.
* 611
Déjà les premières journées de médecine
pénitentiaire en 1963 s'étaient conclues par le souhait du
« maintien aux détenus du droit à la
sécurité sociale » (« Pour une réforme
du système hospitalier des prisons », Le Monde,
26/06/1963). Cette proposition fut reformulée au congrès de
1968 : « La suppression des prestations à la famille du
condamné apparaît comme une punition collective. Rompant un des
liens organiques qui unissent la famille au détenu, elle accroît
l'isolement préjudiciable à la réinsertion en allant
à l'encontre de la personnalisation de la peine. Il apparaît donc
souhaitable que le problème de l'affiliation des détenus et de
leur famille soit repensé » (Rapport général de
la DAP pour l'année 1968 (Extrait du), dans RPDP, janvier
mars 1969, p.757 et suiv).
* 612 GRAND Serge,
La morbidité en milieu carcéral, op.cit., p.12.
* 613 DARMON
Marco, « L'exclusion pénitentiaire », Droit
social, art.cit., p.137.
* 614
Débats parlementaires au Sénat. Séance du 18 juin 1975,
pp.1756-1757 (DSS/2004/008. Art.14 : protection sociale des
détenus. Assurance maladie).
* 615
« Les détenus et leurs familles bénéficieront
des assurances maladie et maternité », Le Monde,
31/01/1975.
* 616
« Le statut du détenu : une décision de justice ne
doit pas créer des injustices », La Croix,
31/01/1975.
* 617 Du fait de
l'affiliation des détenus ayant un emploi à l'Assurance maladie,
les Caisses de sécurité sociale sont en effet chargées de
prendre en charge certaines dépenses non couvertes par l'Administration
pénitentiaire (prothèses, chaussures orthopédiques) ou en
cas d'hospitalisation dans un établissement de soins public.
Considérant la circulaire du 9 décembre 1968, des Caisses
refusèrent d'appliquer cette prise en charge, comme le relève en
1984 un rapport de l'Inspection générale des affaires sociales
(IGAS, Rapport sur les problèmes de santé dans les
établissements pénitentiaires, rapport IGAS, mai 1984,
pp.128-129).
* 618
Débats parlementaires à l'Assemblée nationale.
Séance du 22 mai 1975, p.3090 (DSS/2004/008. Art.14).
* 619 Compte rendu
de la réunion du groupe de travail chargé d'étudier la
protection sociale du détenu et de sa famille, 5/12/1973 (DSS/2004/008.
Art.14 : protection sociale des détenus. Assurance maladie).
* 620 Compte-rendu
de la réunion interministérielle du 29/10/1974 à
l'Hôtel Matignon sous la présidence de M. Toubon
consacrée à l'application des décisions gouvernementales
relatives à l'amélioration de la condition pénitentiaire
(DSS/2004/008. Art.14 : protection sociale des détenus. Assurance
maladie).
* 621 Compte rendu
de la réunion du groupe de travail chargé d'étudier la
protection sociale du détenu et de sa famille, 5/12/1973 (DSS/2004/008.
Art.14 : protection sociale des détenus. Assurance maladie).
* 622 Notons
cependant que figurait dans le discours original la phrase suivante,
« Le plein accès à la médecine, pour tous les
détenus, c'est la suite logique des réformes libérales
menées depuis 1945 et notamment la réforme de 1975 »,
qui fut barrée probablement de la main du ministre et accompagné
de l'expression notée en marge :
« Hum !! » (Projet de discours du ministre pour le
congrès de médecine pénitentiaire du 23/11/1978
annoté : trois pages. CAC. 200010085. Art. 111 : archives
d'Alain Peyrefitte, ministre de la Justice).
* 623 GIP,
Enquête dans une prison modèle :
Fleury-Mérogis, op.cit., quatrième de couverture.
* 624 BENLEVI
Erick, « Travail-profit », Champ social, n°6,
1974.
* 625
Initié en 1972 par quatre internes en psychiatrie au CHS de
Perray-Vaucluse dans l'Essonne, le GIA visait à dénoncer les
excès de certains hôpitaux psychiatriques. Dès 1974, le GIA
se met à soutenir des procédures judiciaires entamées par
des personnes ayant subi un internement jugé abusif.
Psychiatrisés en lutte devint le titre de la revue
créée par le GIA qui devient une association ad hoc, l'APLP
(Association pour la liaison des psychiatrisés).
Psychiatrisés en Lutte paraîtra
irrégulièrement durant quatre ans et comptera vingt-et-un
numéros. En 1977, le GIA publia la Charte des internés.
* 626 MARGE est
né du rapprochement de plusieurs groupes dont le C.A.P, l'Association
pour l'étude et la rédaction des livres des institutions
psychiatriques (AERLIP), les Cahiers pour la folie, le GIA, le Comité de
lutte des handicapés (CLH), le Front homosexuel d'action
révolutionnaire (FHAR) ou encore le Mouvement de libération des
femmes (MLF). Ce regroupement s'effectue autour de Jacques Lesage de la Haye,
un détenu ayant participé à de nombreuses révoltes
au cours des années soixante, qui rejoint le GIP en 1971 qu'il quitte en
1973 pour le C.A.P. Enseignant de psychologie et de criminologie à
l'Université de Vincennes, il fédère le MARGE qui regroupe
entre trente et soixante-dix militants, vivant pour la plupart dans un squat du
20ème arrondissement de Paris, et publie une lettre mensuelle
jusqu'à sa dissolution en 1979.
* 627 Pour une
analyse de l'importation de cet ouvrage en France et ses effets sur la
sociologie carcérale, on renvoie à l'Introduction. On souhaite
ici souligner ses effets sur les professionnels eux-mêmes.
* 628
« Les personnels de l'Administration pénitentiaire : du
répressif à l'éducatif ou les multiples rôles
solidaires d'un fonctionnement totalitaire », Actes,
n°13-14, printemps 1977, p.13.
* 629 MEGARD Marc,
« La médecine pénitentiaire », art.cit.,
p.549.
* 630 BUFFARD
Simone, « Psychothérapie et sociothérapie en milieu
carcéral », Instantanés criminologiques,
n°11, 1970, p.28.
* 631 JACQUETTE
Philippe, « A propos de la psychiatrie en prison : du mythe à
la réalité », Actes, 13, 1977, p.17.
* 632 LAZARUS
Antoine, « Le médecin pénitentiaire entre deux
demandes », Connexions, n°20, 1976, p.64.
* 633 Cf. Annexe
10 : « Les mouvement de remise en cause de la psychiatrie
institutionnelle depuis la Libération ».
* 634 La
résolution n°73-5 adoptée par le Conseil de l'Europe le 19
janvier 1973 était la première adaptation au niveau
européen des règles minima adoptées par les Nations-Unies
en 1955. Elles ont été depuis redéfinies en 1987 puis en
2006.
* 635 CIMADE,
ARAPEJ, « La prison dans la ville : exposition à la
Fête de l'Humanité 1978 ». Cité dans LE NEZET
Marie Pierre, La régression de la politique pénitentiaire
depuis 1975, DEA d'Etudes politiques, Université de Rennes,
1980.
* 636 COTTRAUX,
BOISSENIN, « Compte-rendu des travaux de la section » in
Association française de criminologie, Le traitement dans le
service pénal. Perspectives nouvelles, Paris, Masson, 1970 p.86.
* 637 Cf.
Encadré : « Une prise de parole interne difficile :
l'exemple du congrès de médecine pénitentiaire de
Strasbourg de 1972 ».
* 638
« Rapport de l'Administration pénitentiaire pour
l'année 1972 », dans RPDP, 10-12/1973, pp.645 et suiv.
* 639 DAP,
Journées européennes de médecine
pénitentiaire, op.cit., pp.25-26.
* 640
« Journées de médecine pénitentiaire de
Marseille », Instantanés criminologiques, n°12,
1971, p.22.
* 641 MOREAU,
« Médecin de prison : un "civil" à tout faire au
royaume de l'absurde », Tonus, 14/08/1972.
* 642 COLIN
Marcel, « Introduction », Cahiers Laënnec,
n°2, juin 1971, p.4.
* 643 Cf. Chapitre
2 - Section 1-2 : « De la revendication du droit à la
mobilisation des professionnels de la prison ».
* 644 Groupe
multiprofessionnel sur les questions pénitentiaires, op.cit.,
p.11.
* 645 LOCHEN Axel,
« Le Groupe Multiprofessionnel sur les Questions
pénitentiaires », Esprit, 11/1979, p.67.
* 646 Cette
dimension informative semble très appréciée des lecteurs
du Bulletin comme en témoignent quelques courriers. Une avocate
affirme ainsi qu'elle souhaite se « servir de [la] circulaire sur les
suicides pour défendre un dossier. Continuez à nous donner des
documents de ce type, cela nous est très utile... » tandis
qu'un aumônier écrit : « Votre bulletin est
très bon. Continuez surtout à publier des documents. Les baratins
on sait les faire. Les documents on ne peut pas se les procurer »
(Bulletin du GMP, n°4, 07-08/1975).
* 647
Fondée en 1877, la SGP est une « association d'initiative
gouvernementale » qui va servir de laboratoire d'idées aux
différentes réformes pénitentiaires notamment pendant la
période républicaine (Cf. KALUSZYNSKI Martine,
« Réformer la société. Les hommes de la
Société générale des prisons 1877-1900 »,
Genèses, Etatisations, n° 28, sept. 1997, pp.75-93).
* 648 « Le
décloisonnement de l'administration pénitentiaire et des autres
administrations publiques », RPDP, 01-03/1974, p.12.
* 649 Dans son
allocution, Jacques Vérin cite l'exemple la prise en charge de la
lecture en prison en Grande-Bretagne où « l'autorité
municipale continue à considérer les détenus comme des
lecteurs auxquels elle fournit les mêmes services qu'à tout autre
habitant » (Ibidem, p.16).
* 650
Ibidem, p.14.
* 651
Ibidem, p.18.
* 652 Jean Pinatel
(1913-1999) fut à la croisée du monde de la haute fonction
publique, en tant qu'Inspecteur général de l'administration au
ministère de l'Intérieur, et du monde de la recherche en tant que
criminologue et Président de la société internationale de
Criminologie.
* 653
Ibidem, p.23.
* 654
Ibidem, p.20.
* 655
« L'organisation des activités éducatives et
culturelles dans les établissements pénitentiaires doit-elle
relever exclusivement de l'administration
pénitentiaire ? », RPDP, n°1, 01-03/1975,
p.18.
* 656 « Le
décloisonnement de l'administration pénitentiaire... »,
art.cit., p.24.
* 657
Ibidem, p.20.
* 658
« L'organisation des activités éducatives et
culturelles... », art.cit., p.27.
* 659 Annexe
16 : « Les craintes de la Pénitentiaire face à un
regard médical extérieur : les premières
infirmières Croix-Rouge en détention ».
* 660
« Le décloisonnement médico-hospitalier du service de
santé pénitentiaire ; Séance de section du 27 avril
1974 », RPDP, 7/09/1974, p.376.
* 661 « Le
décloisonnement de l'administration pénitentiaire... »,
art.cit., p.30.
* 662 « Le
décloisonnement de l'administration pénitentiaire... »,
art.cit., p.22.
* 663
Ibidem, p.24.
* 664
Ibidem, p.27.
* 665 Bureau des
méthodes et de la réglementation, « Note sur la
situation sanitaire dans les établissements
pénitentiaires », mai 1976, 17 pages (CAC. 19960136. Art.112.
M0. Généralités).
* 666 Circulaire
de la DAP en date du 23/08/1974, RPDP, 01-03/1975, p.118.
* 667
« Conseil supérieur de l'Administration
pénitentiaire », RSCDPC, 1978, n°4, p.902.
* 668 Aucun carton
d'archive n'a été trouvé sur ce projet de réforme.
Celui-ci est, par conséquent, présenté à l'aide de
sources éparses et lacunaires.
* 669 DAP,
Deuxièmes journées européennes de médecine
pénitentiaire, Imprimerie Administrative de Melun,
« Etudes et documentation », 1976, p.17.
* 670
« Colloque du centenaire de la société
générale des prisons », RPDP, 1976, n°4,
p.660.
* 671 Cf.
Encadré : « Un statut des médecins comme
réponse à leur responsabilité médicale ».
* 672 DAP, «
Note sur les médecins », 1975. Document dactylographié, 21
pages. Archives internes DAP.
* 673 Le nombre de
vacations accordé à chaque médecin est censé
être calculé selon les normes suivantes : Nombre de
détenus dans l'établissement * 9 (nombre moyen de consultations
par an et par détenu), le tout divisé par 4 (nombre de
détenus examinés par vacation horaire).
* 674 Note de M.
Daeschler à M. Bonney datée du 14/06/1968 (CAC.199405111.
Art.90).
* 675 Le nouveau
statut des médecins pénitentiaires impose le paiement à la
vacation pour tous les praticiens, certains disposant d'un régime
antérieur plus avantageux refusant ainsi de le signer (CAC. 199405111.
Art.90).
* 676 DAP,
« Le décloisonnement de la médecine
pénitentiaire. Orientations », 1974. Document
dactylographié, 3 pages (CAC. 19960136. Art. 112. (E4580). M1 :
Organisation sanitaire)
* 677
« Le décloisonnement médico-hospitalier du service de
santé pénitentiaire ; Séance de section du 27 avril
1974 », RPDP, 7/09/1974, pp.363-369.
* 678 Sont
présents M.M. Daeschler, Dinthillac, Erbès, Favard, Massy, Nicot,
Portheault.
* 679 DAP,
« Mémorandum de la réunion du 28 novembre 1974 au sujet
de la réforme du statut de la médecine
pénitentiaire ». Document dactylographié, trois pages
(CAC. 19960136. Art. 112. (E4580). M1).
* 680 Cf. Chapitre
3: « Tentatives et limites de spécialisation d'une
activité médicale controversée ».
* 681 DAP,
Deuxièmes journées européennes de médecine
pénitentiaire, op.cit., p.22.
* 682 Magistrat,
Myriam Ezratty a occupé différentes fonctions à la
Chancellerie, où elle est rentrée en 1959, notamment à la
direction de l'Education surveillée et la direction des Affaires
civiles. Elle fut Conseiller technique de 1974 à 1978 au cabinet de
Simone Veil, ministre de la Santé, l'une de ses amies d'enfance, avant
d'être nommée en juin 1978 à la Cour d'appel de Paris. En
1981 elle devient directrice de l'Education surveillée avant
d'être nommée en 1983 directrice de l'Administration
pénitentiaire (Le Monde, 13/04/1983).
* 683 Née
en 1927, Simone Veil entreprend, à son retour de Bergen-Belsen, des
études de droit. Elle passe le concours de la magistrature et est
affectée à l'Administration pénitentiaire en 1956 avant de
passer en 1964 aux Affaires civiles où elle s'occupe d'adoption. En
1969, elle entre comme Conseiller technique au cabinet de René Pleven.
Son fils, Nicolas Veil, fut par ailleurs interne à la prison de Fresnes
dans les années soixante-dix. Dans son autobiographie elle décrit
la manière dont elle fut scandalisée lors de sa prise de poste
à la DAP par la dureté des conditions de détention avant
de conclure : « Sans doute à cause de ce que j'avais subi
en déportation, j'ai toujours développé une
sensibilité extrême à tout ce qui, dans les rapports
humains, génère humiliation et abaissement de l'autre.
Détestant la promiscuité physique autant que l'aliénation
mentale, je ne pouvais que me considérer que comme une sorte de
militante des prisons » (VEIL Simone, Une vie, Paris, Stock,
2007, 398p.)
* 684 Myriam
Ezratty, magistrate et directrice de la DAP d'avril 1983 à juillet 1986.
Entretien le 8/02/2008, 3H30.
* 685 Cf
Annexe 17 : « Les hospitalisations civiles : cause et obstacle
au "décloisonnement total" de la médecine
pénitentiaire »
* 686 LALE,
« Le personnel pénitentiaire », RPDP,
04-06/1981, p.179.
* 687 DAP, «
Note sur les médecins », 1975. Document dactylographié, 21
pages. Archives internes DAP.
* 688 Toute cette
note repose sur l'hypothèse que l'Administration pénitentiaire se
voit reconnaître la qualité de « service de
santé », tout comme la Préfecture de Paris lui a
reconnu le statut de service social. C'est ce statut de service de santé
qui fut attribué par la loi hospitalière du 31 décembre
1970 à la médecine militaire.
* 689 Ibid.,
p.8.
* 690 Ibid.,
pp.20-21.
* 691
« La médecine en milieu pénitentiaire »,
cours de l'ENAP, 22/11/1978, p.9. Archives internes DAP.
* 692 Lettre du
ministre de la Santé au garde des Sceaux du 29/04/1975, 4 pages.
Archives internes DAP.
* 693 Bureau des
méthodes et de la réglementation, « Note sur la
situation sanitaire dans les établissements
pénitentiaires », mai 1976, 17 pages (CAC. 19960136. Art.112.
M0. Généralités).
* 694
« La médecine dans les prisons », France Inter, 13H,
13/11/1975, 10 minutes, Archives INA.
* 695 BEAUCHESNE
Hervé, « Médecine pénitentiaire »,
Perspectives psychiatriques, n°42, 1973, pp.7-8.
* 696 Rappelons
une nouvelle fois que la mise en avant des critiques adressées à
la prise en charge sanitaire des détenus, ici en matière
psychiatrique, ne vise pas à scandaliser le lecteur mais à
souligner la pression médiatique s'exerçant sur ce secteur
d'action publique indissociable, d'après nous, de sa réforme, ici
en 1977.
* 697 MOREAU,
« Médecin de prison : un "civil" à tout faire au
royaume de l'absurde », Tonus, 14/08/1972.
* 698 Cf. Annexe
10 : « Les mouvement de remise en cause de la psychiatrie
institutionnelle depuis la Libération ».
* 699 Esprit
et Le Monde font ainsi état du mouvement d'opinion italien
à l'encontre des « manicomi giudiziari » où
seraient incarcérés, dans des conditions déplorables,
« des "criminels" atteints de troubles mentaux et aussi des
détenus ordinaires "rebelles" au régime des prisons »
(« Les asiles pénitentiaires », Esprit,
04/1975, pp.562-563).
* 700 LIVROZET
Serge, Aujourd'hui, la prison, op.cit., p.168.
* 701
« Prisons. Une répression nouvelle : la camisole
chimique », Libération, 6/02/1974.
* 702
« Démissionnaires, trois médecins de la prison de La
Santé s'expliquent », Le Figaro, 30/11/1972.
* 703 Si la
plupart des thèses critiques citées ici proviennent d'internes
ayant exercé à Fleury-Mérogis, c'est en raison de la forte
synergie qui a eu lieu entre l'équipe psychiatrique chargée de
cet établissement et l'hôpital psychiatrique de l'Essonne, comme
cela sera détaillé plus loin.
* 704 DESLAURIERS
Michel, Aspects actuels de la médecine dans une prison
modèle : Fleury-Mérogis, thèse de
médecine, faculté de Paris Saint-Antoine, sous la direction du Pr
Ceccaldi, 1974, p.66.
* 705 DEJOURS
Christophe, « Réflexions sur les rôles
respectifs... », art.cit., pp.17-19.
* 706 LEDERMANN
Rosette, Le service médico-psychologique à la maison
d'arrêt de Fleury-Mérogis, diplôme de psychiatrie,
Faculté de Paris, 1972.
* 707 KLEISS Jean,
Expérience psychiatrique en milieu carcéral,
thèse de médecine, Faculté de médecine de
Paris VI Pitié-Salpêtrière, 1976, pp.10-11.
* 708 Cf. Annexe
18 : « Le regard désenchanté d'un interne en
psychiatrie sur l'utilité de sa présence en milieu
carcéral ».
* 709 ROULLEAU
Claude-Alain, La psychiatrie en prison, mémoire de CES en
psychiatrie, faculté de médecine, université Lyon 1, 1976,
pp.15-22.
* 710 MARTZLOFF
François, Détention provisoire, médicaments
psychotropes et psychiatrisation, thèse de médecine,
Faculté de Paris-Créteil, 1975.
* 711 «
"Camisole chimique" à La Santé ? Une thèse sur l'abus
des tranquillisants en milieu carcéral », Le Monde,
13/11/1975 ; « La médecine dans les prisons »,
France Inter, 13H, 13/11/1975, 10 minutes, Archives INA.
* 712 Les
traitements quotidiens, rapportés à mille détenus,
d'hypnotiques sont passés de 47 en 1969 à 416 en 1973, les
traitements sédatifs de 90 en 1969 à 266 en 1973 et les
traitements par anti-dépresseurs de 784 à 1.436.
* 713 MARTZLOFF
François, Détention provisoire..., op.cit., pp.35-92.
* 714
Psychiatrie aujourd'hui, 01-02/1972, n°7 ; Perspectives
psychiatriques, n°42, 1973.
* 715 Cf. Annexe
7 : « La création des CMPR en 1967 : un début
de reconnaissance de la psychiatrie pénitentiaire ».
* 716
SCHAUB-LANDAU Sylvie, « Réflexions sur les limites du
rôle de l'équipe médico-psychologique en milieu
pénitentiaire. A propos de candidats suicidaires ou de refus
d'aliments », RPDP, 01-03/1972, pp.41-48. p.41.
* 717 Sont
présents Paul Hivert, Albert Grasset, médecin-chef de
l'infirmerie psychiatrique de la préfecture de police, François
Benrais, psychiatre à La Santé, Jacques Breton, psychiatre
à la préfecture de police, Henri Grivois, psychiatre à la
salle Cusco de l'Hôtel-Dieu, Jean-Louis Haas, interne à
Fleury-Mérogis, Anne Leduc, neuropsychiatre à la Santé,
André Mathé, psychiatre à la Centrale de Melun, Jacques
Mérot, psychiatre à Fleury-Mérogis, Jean-Claude Ollivier,
psychiatre à La Santé, Guy Pariente, interne à La
Santé, Jean-Claude Richiéro, psychiatre à La Santé,
(GRASSET Albert, MATHE André, « Le psychiatre et le
fonctionnement du système pénitentiaire », RPDP,
07-09/1975, pp.383-402. p.383).
* 718
Ibidem, p.391.
* 719
Ibidem, p.390.
* 720 Cette
présentation s'appuie notamment sur les travaux suivants : BEDAT,
L'annexe psychiatrique de la M.A de Lyon, thèse de
médecine, Faculté de Lyon, 1964 ; GEOFFRAY Denise,
Psychiatrie-prison. Passé, présent, perspectives,
thèse de médecine, Faculté de Lyon, 1986.
* 721 Daniel
Gonin, psychiatre puis généraliste à la M.A de Lyon de
1967 à 1989. Entretiens réalisés les 25/02/2008,
10/03/2008, 26/03/2008. Durées : 2H ; 2H ; 2H.
* 722 BROUSSOLE,
THIEBAULT, BOUVART, ROQUES, « Quatre années de cure de
répulsion alcoolique à l'annexe psychiatrique des prisons de
Lyon », Revue de l'alcoolisme, n°1, 1961.
* 723 Daniel
Gonin, psychiatre puis généraliste à la M.A de Lyon de
1967 à 1989. Entretiens réalisés les 25/02/2008,
10/03/2008, 26/03/2008. Durées : 2H ; 2H ; 2H.
* 724 GONIN
Daniel, La santé incarcérée, op.cit., pp.78.
* 725
Ibidem, pp.79-80.
* 726 BEDAT,
L'annexe psychiatrique de la M.A de Lyon, op.cit. p.119.
* 727 GEOFFRAY
Denise, Psychiatrie-prison. Passé, présent,
perspectives, op.cit., p.40.
* 728 GONIN
Daniel, « Une expérience de douze années à
l'annexe psychiatrique de la maison d'arrêt de Lyon »,
L'information psychiatrique, 1966, n°9, p.890.
* 729 BEDAT,
L'annexe psychiatrique de la M.A de Lyon, op.cit. p.123.
* 730 GEOFFRAY
Denise, Psychiatrie-prison. Passé, présent,
perspectives, op.cit., p.42.
* 731 DESLAURIERS
Michel, Aspects actuels de la médecine dans une prison
modèle..., op.cit, p.45.
* 732 MEROT
Jacques, DUBEC Michel, « Réalité psychiatrique à
Fleury-Mérogis », L'information psychiatrique, vol.
54, 2, février 1978, p.138.
* 733 Lucien
Bonnafé (1912-2003) est un psychiatre
« désaliéniste » ayant participé
à la mise en place de la politique de secteur. Son appartenance au Parti
communiste français ne l'a pas empêché de
dénoncé l'instrumentalisation de la psychiatrie par l'URSS. Il
est aussi connu pour sa mise en valeur du rôle des infirmiers
psychiatriques. Cf. FOURQUET François, MURARD Lion, Histoire de la
psychiatrie de secteur, Paris, Encres, « Editions de
recherche » (1ère éd.1975), 1980, p.86.
* 734 Lucie,
psychiatre, membre de la DGS de 1985 à 1988, médecin-chef du SMPR
de Rouen de 1989 à 1996 et membre de la DGS de 1994 à 1996.
Entretiens réalisés les 2/02/2006 et 5/05/2006, 4H et 2H45.
* 735 Yvan Zakine,
magistrat affecté à la DAP de 1962 à 1970 puis directeur
de la DAP de 1981 à 1983. Entretien réalisé le 20/03/2008.
Durée : 3H00.
* 736 DARMON
Marco, « L'exclusion pénitentiaire », art.cit,
p.141.
* 737 Lettre de
Jacques Petit à Solange Troisier datée du 7/12/1973 (CAC.
19830701. Art.482).
* 738 HIVERT Paul,
« Les C.M.P.R. Aspects historiques », L'information
psychiatrique, vol. 59, 2, 1983, p.157.
* 739 Lettre du
ministre de la Santé au garde des Sceaux du 29/04/1975, 4 pages.
Archives internes DAP.
* 740 HIVERT Paul,
« Les C.M.P.R. Aspects historiques », art.cit.
* 741 Lettre du
ministre de la Santé au garde des Sceaux du 29/04/1975, 4 pages.
Archives internes DAP.
* 742 TROISIER
Solange, « Séance inaugurale de Madame le Professeur S.
Troisier », Attestation d'études relatives à la
médecine pénitentiaire. Année universitaire 1979-1980,
Université Paris VII, Faculté de médecine de
Lariboisière- Saint Louis, p.5.
* 743 AYME Jean,
Chroniques de la psychiatrie publique, Ramonville-Sainte-Agne, Eres,
1995, p.280.
* 744 SENON
Jean-Louis, RICHARD Denis, « Punir ou soigner : histoire des
rapports entre psychiatrie et prison jusqu'à la loi de 1994 »,
RPDP, 1999, n°1, p.106.
* 745 DARBEDA
Paul, « L'administration pénitentiaire. Prise en charge des
détenus atteints de troubles mentaux », Soins Psychiatrie,
n° 116-117, juin-juillet 1990, p.19.
* 746 HIVERT Paul,
« Les C.M.P.R. Aspects historiques », art.cit., p.156.
* 747 L'ancien
président du SPH rappelle ce contexte : « Au milieu des
années 70, la politique de secteur est en pleine extension [...] Il n'en
reste pas moins que, dans l'opinion publique, l'hôpital psychiatrique
conserve la même image de lieu d'enfermement [...] La presse n'est pas en
reste dans ce dénigrement [...] La colère des psychiatres est
à son comble » (AYME Jean, « Les rapports
historiques de la psychiatrie et de la médecine légale, de
l'hôpital psychiatrique et de la prison » dans DORMOY
Odile, Soigner et/ou punir, Editions l'Harmattan, Paris 1995,
p.33).
* 748 FORTINEAU
Jacques, « Les psychiatres des hôpitaux en
prison ? », Bulletin des psychiatres des hôpitaux,
1977, n°3, pp.18-19.
* 749 AYME Jean,
« Les rapports historiques de la psychiatrie et de la médecine
légale... », art.cit., p.34.
* 750 La
commission Santé-Justice de 1974 ayant notamment pour fonction de
réformer l'article 64 permettant les internements psychiatriques
forcés, auxquels étaient défavorables les psychiatres
hospitaliers, le président du SPH espérait « en
contrepartie, être mieux entendus à la commission de refonte du
Code pénal » (AYME Jean, Chroniques de la psychiatrie
publique, op.cit., p.331).
* 751 GONIN
Daniel, « Une expérience de douze années à
l'annexe psychiatrique... », art.cit., p.888.
* 752 HIVERT Paul,
« Les C.M.P.R. Aspects historiques », art.cit., p.157.
* 753 SENON Jean-Louis,
RICHARD Denis, « Punir ou soigner... », art.cit.,
p.106.
* 754 Lettre du
ministre de la Santé au garde des Sceaux du 29/04/1975, 4 pages.
Archives internes DAP.
* 755 La
circulaire du 30/09/1967 créant les CMPR était restée
lettre morte dans de nombreux établissements. C'est le cas à
Rennes où un CMPR voit le jour en novembre 1977 malgré les
réticences du Conseil général et du Centre hospitalier
spécialisé en psychiatrie de Rennes dont la Commission
médico-consultative adopte le voeu qu'« il ne faudrait pas que ce
centre ait comme conséquence de réaliser au C.H.S.P une
concentration de repris de justice difficiles ou dangereux. On ne pourrait en
effet pas avec les structures actuelles du C.H.S.P réaliser ici un
PSEUDO-SARREGUEMINES ou un PSEUDO-CADILLAC » (BERTHET Jean-Paul,
Contribution à l'étude de la psychiatrie en prison :
à propos d'un an de pratique au Centre Médico-psychologique
pénitentiaire régional de Rennes, thèse de
médecine, université de Rennes, thèse sous la direction du
Pr Michaux, 1983, p.43).
* 756
Ibidem, p.38.
* 757
« Les prisons-Asiles », Libération,
4/10/1977.
* 758 HIVERT Paul,
« Les hospitalisations de malades mentaux »,
Attestation d'études relatives à la médecine
pénitentiaire. Année universitaire 1979-1980,
Université Paris VII, Faculté de Lariboisière-Saint
Louis, p.2.
* 759 Ibidem,
p.3.
* 760
« Dijon, capitale de la médecine
pénitentiaire », JT 20H, Antenne 2, 24/11/1978, Archives
INA.
* 761 JACQUETTE
Philippe, « À propos de la psychiatrie en prison : du mythe
à la réalité », Actes, 13-14, 1977,
pp.17-25.
* 762
« La médecine en milieu pénitentiaire »,
cours de l'ENAP, 22/11/1978. Archives internes DAP.
* 763 Favard Jean,
magistrat à la DAP de 1970 à 1975 puis Conseiller technique du
ministre de la Justice de 1981 à 1986. Entretien réalisé
le 10/012008, 3H00.
* 764 DAP,
Premier congrès mondial de médecine
pénitentiaire, op.cit., p.123.
* 765 Lettre de
Dablanc, DAP, au médecin-chef de la M.A de Poitiers du 8/05/1980 (CAC.
19940511. Art. 96).
* 766 C'est par
exemple le cas à la M.A de Fleury-Mérogis dont le CMPR comprend
un médecin-chef temps plein, un médecin assistant temps-plein, 4
postes d'internes, 3 psychologues, 4 infirmières et une
secrétaire médicale alors que le service de médecine
générale ne dispose que d'un médecin-chef vacataire, de 4
internes et de 4 infirmières pour une charge de travail bien plus
conséquente (WIRTH Jean-François, « Organisation de la
psychiatrie à Fleury-Mérogis », Attestation
d'études relatives à la médecine pénitentiaire.
Année universitaire 1979-1980, Université Paris VII,
Faculté de Lariboisière-Saint Louis, p.1).
* 767 Jacques,
magistrat chargé à la DAP de la réglementation sanitaire
de 1982 à 1989. Entretien réalisé le 11/01/2008, 3H30.
* 768 TROISIER
Solange, J'étais médecin des prisons, Paris, La Table
Ronde, 1985, pp.31-32.
* 769 Solange
Troisier était une amie de Mme Messmer avec laquelle elle avait servi en
tant qu'infirmière pendant la Seconde guerre mondiale.
* 770 Certains
doutent même de l'amitié qu'elle revendique envers Georges Fully
à titre posthume : « Depuis longtemps déjà,
Solange intrigue pour obtenir la place. Elle avait même tenté de
faire passer Fully pour un dangereux communiste » (CAUVIN Claire, PONCET
Dominique, Les femmes de Giscard, Paris, Tema Editions, 1975, p.131).
L'accusation de « communisme » est alors un moyen de
disqualifier certains médecins pénitentiaires comme en
témoigne une lettre dans laquelle Georges Fully défend le
médecin de la M.A d'Ajaccio auprès du garde des Sceaux Edmond
Michelet : « Dans le but évident de faire échouer la
candidature du Docteur [...], le préfet et le maire n'ont pas
hésité à écrire dans la lettre qu'ils vous ont
adressé que le docteur [...] était communiste... Je le connais
suffisamment et depuis assez longtemps pour pouvoir affirmer qu'il s'agit
là d'une accusation fausse » (Lettre de Georges Fully au
ministre de la Justice du 7/08/1960. CAC. 19940511. Art. 91).
* 771 TROISIER
Solange, Une sacrée bonne femme, Paris, La Table Ronde-La
Palatine, 2003, p.235.
* 772 On s'inspire
des articles suivants: Le Monde, 01/08/1969; 09/04/1970; 17/03/1972;
24/09/1973; 18/03/1983 ; Libération, 17/03/1983.
* 773 Dans son
étude de la réforme des études médicales, Haroun
Jamous observe l'existence d'un petit groupe de réformateurs marginaux
hostiles au système traditionnel mais se situant à l'intersection
de plusieurs sous-systèmes clefs, position sécante d'où
ils tirent leur influence (JAMOUS Haroun, Contribution à une
sociologie de la décision : la réforme des études
médicales et des structures hospitalières. Paris,
Copédith, 1968). A partir de ces travaux, Erhard Freidberg et Michel
Crozier ont défini le
« marginal-sécant » comme « un acteur
qui est partie prenante dans plusieurs systèmes d'action en relation les
uns avec les autres et qui peut, de ce fait, jouer le rôle indispensable
d'intermédiaire et d'interprète entre des logiques d'action
différentes, voire contradictoires ». Ils ont ainsi
gommé de leur analyse la position « marginale »
qu'avait mis en avant Haroun Jamous (CROZIER Michel, FRIEDBERG Erhard,
L'acteur et le système, Paris, Seuil, 1977, p.86.).
* 774 DAP,
Journées européennes de médecine
pénitentiaire, op.cit., p.2.
* 775
« Médecins des prisons : 1ère
partie », 1ère chaîne, 17/03/1976, 55
minutes, Archives INA.
* 776 Cf. Annexe
19 : « L'obstacle récurrent de la
rémunération dans le projet de la création d'un corps des
soignants pénitentiaires ».
* 777
« Journées de médecine pénitentiaire de
Marseille », Instantanés criminologiques, n°12,
1971, p.42.
* 778
« Rapport général pour l'année 1973 »,
RPDP, 01/03/1976, p.101.
* 779 Cf.
Chapitre1 - Section 3-1 : « De la psychiatrie asilaire à
la psychiatre pénitentiaire : l'émergence... ».
* 780 KOUPERNIK
Cyrille, « Lettre ouverte à Madame le docteur
Rose », Le concours médical, 22/01/1972, p.483.
* 781 D'origine
russe, Cyrille Koupernik fut un psychiatre très engagé en
matière l'éthique médicale, en participant par exemple en
1972 à la création d'un Comité contre l'utilisation de la
psychiatrie à des fins politiques.
* 782 KOUPERNICK
Cyrille, « Les murs de la honte », Le concours
médical, 30/12/1972, pp.8827-8828.
* 783
Créé en 1960 par le laboratoire pharmaceutique Winthrop,
Tonus est un journal médical qui se distingue dans les
années soixante-dix pour ses prises de position. Après avoir
incité les médecins à s'engager dans l'action humanitaire,
il participe indirectement par l'entremise de son directeur, Raymond Borel,
à la constitution de Médecins sans frontières en 1971.
Tonus se distingua, en outre, par son engagement, en diffusant
notamment en 1983 une pétition en faveur d'une enquête sur les
violences commises à l'encontre de détenus au Kurdistan iranien
(Tonus, 14/10/1983).
* 784 MOREAU,
« Médecin de prison : un "civil" à tout faire au
royaume de l'absurde », Tonus, 14/08/1972.
* 785 COLIN
Marcel, GILLON Jean-Jacques, MEGARD Marc, « La médecine en
geôle...», art.cit., pp.4691-4700.
* 786 Le nombre de
vacations horaires est théoriquement défini par le nombre de
détenus mais est dans les faits laissé au bon vouloir de la DAP.
Le nombre de vacations annuelles allouées à un praticien varie
entre et 50 et 1200 rendant ces postes plus ou moins attractifs (Cf.
Introduction du Chapitre 4 : « Les spécificités
carcérales à l'épreuve du
décloisonnement »).
* 787 Une note
adressée le 20 janvier 1950 aux directeurs d'établissements
soulève la question de l'absentéisme des pharmaciens
gérants : « Dans la plupart des cas celui-ci n'assure pas
réellement la gestion de la pharmacie de l'établissement en
question. Son rôle se borne souvent à signer les commandes [...]
Ce pharmacien doit gérer réellement la pharmacie de
l'établissement » (CAC. 19960279. Art. 120. (M. 321 Pharmaciens
gérants)).
* 788
L'enquête effectuée à l'occasion du congrès de 1963
auprès des médecins pénitentiaires relève que
« beaucoup disent passer plus de temps à la prison que leur
vacation théorique » (AP, Le service
médical..., op.cit., p.19).
* 789 Jacques,
magistrat chargé à la DAP de la réglementation sanitaire
de 1982 à 1989. Entretien réalisé le 11/01/2008, 3H30.
* 790
« La médecine en milieu pénitentiaire »,
cours de l'ENAP, 22/11/1978. Archives internes DAP.
* 791 Lettre du
Directeur régional des services pénitentiaires de Marseille au
Bureau des personnels de la DAP du 8/11/1979 (CAC. 19940511. Art.87).
* 792 DUBAR
Claude, TRIPIER Pierre, Sociologie des professions, Paris, Armand
Colin, 2003, p.247.
* 793 BASZANGER
Isabelle, « Emergence d'un groupe professionnel et travail de
légitimation. Le cas des médecins de la douleur »,
Revue française de sociologie, XXI, 1990, pp.257-282.
* 794
« Médecins des prisons : 1ère
partie », 1ère chaîne, 17/03/1976, 55
minutes, Archives INA.
* 795 PINELL
Patrice, « Spécialisation » dans LECOURT
Dominique (dir.), Dictionnaire de la pensée médicale,
Paris, PUF, Coll. « Quadrige », 2004, pp.1063-1069.
* 796 Cette
première explication de la logique de la spécialisation
médicale fut développée par l'historien américain
Rosen et reprise par Ackerknecht (ROSEN George, The specialization of
medecine, New York, Froben Press, 1944 ; ACKERKNECHT E.H., La
médecine hospitalière à Paris (1794-1848), Paris,
Payot, 1986).
* 797 Jean Peneff
précise ainsi que, tandis que les premiers services d'urgence
étaient l'oeuvre de chirurgiens, la médecine urgentiste est
née dans les années soixante de la rencontre entre une exigence
sociale (ouverture de l'hôpital à la ville et transformations de
la vie dans les métropoles) et un groupe de médecins
réanimateurs-anesthésistes (PENEFF Jean, Les malades des
urgences, Paris, Métailié, 2000, pp.21-22).
* 798 PARADEISE
Catherine, « Rhétorique professionnelle et
expertise », Sociologie du travail, 1, 1985, pp.17-31.
* 799 FULLY
Georges, « La médecine pénitentiaire »,
Avenirs, 170-171, 1966, pp.250-255.
* 800 En 1897,
Chipier évoque dans sa thèse de médecine une
« pathologie spéciale » : « Nous avons cru
remarquer qu'il existait une nosologie spéciale aux habitants des
prisons. Certaines maladies observées par nous étaient
très fréquentes et se présentaient avec les mêmes
caractères, les mêmes symptômes, se terminant de la
même façon, nous avons pensé qu'il existait un cadre
d'affections particulières à ces individus qui vivent d'une
façon identique et sont soumis à un régime identique. Nous
disons que la question des maladies de prison est nouvelle »
(Cité dans PAPELARD Alain, Histoire de la médecine
pénitentiaire en France, op.cit., p.131).
* 801 DAP,
Journées nationales de médecine pénitentiaire,
op.cit., pp.19-20.
* 802 DAP,
Premier congrès mondial de médecine
pénitentiaire, op.cit., p.271-276.
* 803 Ibidem,
p.281.
* 804
« Médecins des prisons : 1ère
partie », 1ère chaîne, 17/03/1976, 55
minutes, Archives INA.
* 805 SCHMITT
Jean-Noël, La médecine carcérale, op.cit., p.3.
* 806 FORGET
Daniel, « La pathologie carcérale »,
Médecine de l'homme, n°95, 05/1977, pp.12-16.
* 807 GERON Yvan,
Rôle médico-social du médecin
pénitentiaire, thèse de médecine, Paris VI, 1980,
p.1.
* 808 Le fait que
les médecins urgentistes ayant investi le champ carcéral au cours
des années quatre-vingt-dix refusent toute spécificité
à la médecine pénitentiaire peut également
s'expliquer, entre autres, par le fait qu'ils sont confrontés à
des phénomènes similaires dans leur exercice quotidien
d'urgentiste.
* 809 BUFFARD
Simone, BROUSSOLE M., COLIN Marcel, COTTREAUX Jean, DUCOTTET François,
GONIN Daniel, « L'équipe médico-psychologique en milieu
pénitentiaire », Cahiers médicaux lyonnais,
vol.48, n°21, 26/05/1972, pp.2393-2402.
* 810 FROGER
Christiane, L'automutilant en milieu carcéral. Approche
psycho-dynamique, thèse de médecine, faculté de Lyon,
1983, p.15.
* 811 HIVERT Paul,
« La simulation en prison », RPDP, 07-09/1967,
pp.621-624.
* 812 BERTHET
Jean-Paul, Contribution à l'étude de la psychiatrie en
prison, op.cit., p.38.
* 813 PETIT
Jacques, « La chirurgie en milieu pénitentiaire »
dans DAP, Le service médical en milieu pénitentiaire,
op.cit., p.70.
* 814 ALBERT WEIL
Jean, J'ai été 16 ans médecin à Fresnes,
op.cit., p.11.
* 815 ALBERT-WEIL
Jean, Simulations médicales, Paris, Doin et Compagnie, 1962.
* 816 HOCHMANN
Jacques, COLIN Marcel, « Considération sur la signification du
régime diététique en milieu
pénitentiaire » in COLIN Marcel, Etudes de
criminologie clinique, Paris, Masson, 1963, p.241.
* 817 GOLPAYEGANI
Behrouz, L'humanisation de la peine privative de liberté,
op.cit., pp.218.
* 818 Cf. SCHMITT
Jean-Noël, La médecine carcérale, op.cit., p.75.
* 819
« Le Dr Solange Troisier : "Plus de médecine
vétérinaire pour les détenus" », Tonus,
n°208, 17/10/1977.
* 820 Rappelons
qu'en cas de « consultation abusive » le médecin
était en droit de demander la sanction du détenu.
* 821 GRUN Victor,
La simulation médicale en milieu pénitentiaire,
thèse de médecine, Faculté de Paris, 1958, p.55.
* 822 DAYANT
Charles (avec Arnaud Still), J'étais médecin à La
Santé, op.cit., p.22.
* 823 DAP, Le
service médical en milieu pénitentiaire, op.cit., p.31.
* 824 HOCHMANN
Jacques, La relation clinique en milieu pénitentiaire, Paris,
Masson, 1964.
* 825 SCHMITT
Jean-Noël, La médecine carcérale, op.cit.,
pp.70-75.
* 826
Idem, p.76.
* 827 LAZARUS
Antoine, « Le médecin pénitentiaire entre deux
demandes », art.cit., p.74.
* 828 SALVETTI
Antoine, « Le rôle de l'interne en milieu
pénitentiaire », cours polycopié remis par Mme
Salvetti.
* 829 COLIN
Marcel, GILLON Jean-Jacques, MEGARD Marc, « La médecine en
geôle...», art.cit., p.4697.
* 830 « Le
décloisonnement de l'administration pénitentiaire et des autres
administrations publiques », art.cit., p.24.
* 831
« Médecins des prisons : 1ère
partie », 1ère chaîne, 17/03/1976, 55
minutes, Archives INA.
* 832 La
médecine du sport s'est ainsi progressivement autonomisée depuis
les années soixante-dix à mesure qu'elle est apparue comme un
moyen de répondre au problème du dopage (BRISSONNEAU Christophe,
LE NOE Olivier, « Construction d'un problème public autour du
dopage et reconnaissance d'une spécialité
médicale », Sociologie du travail, n°48, 2006,
pp.487-508).
* 833 Le discours
de professionnalisation de la médecine urgentiste repose
également depuis le début des années quatre-vingt dix en
partie sur le rôle social que ces médecins exercent auprès
des populations les plus précaires.
* 834 TROISIER
Solange, J'étais médecin des prisons, op.cit., p.34 et
p.32.
* 835
Ibidem, p.42.
* 836
« Solange Troisier », France Inter, 14/01/1974, 57 min,
Archives INA.
* 837 DAP,
Deuxièmes journées européennes de médecine
pénitentiaire, op.cit., p.21.
* 838 Cf. TRETON
DE VAUJAS DE LANGAN Arnault, Alcoolisme, délinquance et malinsertion
sociale chez deux cents détenus de la prison de Fresnes,
thèse de médecine, sous la direction de S. Troisier,
Lariboisière Saint-Louis, 1981.
* 839
« Solange Troisier », France Inter, 14/01/1974, 57 min,
Archives INA.
* 840 Cité
dans SCHMITT Jean-Noël, La médecine carcérale,
op.cit., p.278.
* 841 DAP,
Premier congrès mondial de médecine
pénitentiaire, op.cit., p.20.
* 842
Ibidem, pp.182-183.
* 843
« Dijon, capitale de la médecine
pénitentiaire », JT 20H, Antenne 2, 24/11/1978, Archives
INA.
* 844 DAP,
« Rapport général pour l'année 1965 »,
dans RPDP, 1966, 10-11, pp.693 et suiv.
* 845 FULLY
Georges, « La médecine pénitentiaire »,
Gazette médicale de France, n°10, 5/04/1969, p.1992.
* 846 Intervention
de Georges Fully in Examen de personnalité en criminologie. Tome II.
Aspects juridiques et administratifs, 1er congrès
français de criminologie, Lyon, 21-24 octobre 1960, Paris, Masson,
1961, p.214. 231p.
* 847 FULLY
Georges, « Médecine pénitentiaire et
criminologie », art.cit., p.15.
* 848 FULLY
Georges, « La médecine pénitentiaire »,
art.cit.,, p.1985.
* 849
« Création d'une chaire de médecine
pénitentiaire », Le Monde, 05/02/1977.
* 850 TROISIER
Solange, « Sur la médecine des prisons », Le Figaro,
4/10/1996.
* 851 TROISIER
Solange, J'étais médecin des prisons, op.cit.,
pp.48-49.
* 852 Jean Favard,
magistrat à la DAP de 1970 à 1975 puis Conseiller technique du
ministre de la Justice de 1981 à 1986. Entretien réalisé
le 10/01/2008, durée: 3H00.
* 853 Solange
Troisier déclara avoir longtemps regretté n'avoir pu devenir
Professeur de médecine en gynécologie-obstétrique, sa
spécialité médicale d'origine (TROISIER Solange, Une
sacrée bonne femme, op.cit., p.31).
* 854 À
l'exception d'un tome trouvée à l'Académie de
médecine, tous les cours dispensés dans le cadre de cette chaire
de médecine pénitentiaire sont malheureusement aujourd'hui
introuvables.
* 855
« Au-delà des barreaux », 1ère chaîne,
22/10/1965, 15 min, Archives INA.
* 856 Des liens
très étroits unissaient Georges Fully à Léon
Dérobert grâce à qui il avait fait ses études de
médecine (Cf. Annexe 5 : « La création du poste de
Médecin-inspecteur des prisons... »).
* 857
« Rapport d'activité », RPDP, 10-12/1966,
p.694.
* 858 Cf. les
propos du garde des Sceaux lors du congrès de médecine
carcérale de 1970 (AP, Journées nationales de médecine
pénitentiaire, op.cit., p.20).
* 859 Bien
qu'officiellement non obligatoire, le certificat de médecine
pénitentiaire facilitait considérablement à son
détenteur l'obtention d'un poste de praticien. Les titulaires de ce
certificat pouvaient, en outre, bénéficier d'une augmentation de
10% dans le tarif de leurs vacations.
* 860 DAP,
« Rapport général pour l'année 1965 »,
art.cit., p.695.
* 861 Anne,
infirmière Croix-Rouge à la M.A de Pontoise de 1980 à
1990. Entretien réalisé le 5/01/2006, 2H.
* 862 Claude,
généraliste à la M.A de Pontoise de 1979 à 1991.
Entretien réalisé le 12/01/2006, 1H10.
* 863
« Rapport général pour l'année 1973 »,
RPDP, 01/03/1976, p.101.
* 864 PAPELARD
Alain, Histoire de la médecine pénitentiaire en France,
op.cit., p.131.
* 865
Ibidem, p.126.
* 866 Ce chiffre,
probablement exagéré, englobe peut-être tous les
spécialistes qui intervenaient de manière très ponctuelle
en prison : cardiologues, ophtalmologistes, etc. On ne compte à
cette époque qu'environ 200 médecins généralistes.
Cf. Annexe 3 : « Evolution du nombre de médecins en
milieu pénitentiaire ».
* 867
« La médecine pénitentiaire », JT 13H, TF1,
31/01/1977, Archives INA.
* 868 CHAPOULIE
Jean-Michel, « Sur l'analyse sociologique des groupes
professionnels », Revue française de sociologie, XIV,
1973, p.94. pp86-114.
* 869 Bien que les
termes d'éthique et de déontologie ne se recouvrent pas, on les
utilise ici indifféremment selon le sens commun qui leur est
attribué de « science du devoir ».
* 870
Déjà Emile Durkheim présentait les professions comme la
condition de rétablissement d'une organisation sociale stable au sein
des sociétés industrielles modernes, notamment par la
transmission, à l'encontre de l'anomie juridique et morale, d'un sens de
la règle comme « manière d'agir obligatoire »
(DUBAR Claude, TRIPIER Pierre, Sociologie des professions, op.cit.,
p.70)
* 871 GOODE
William, « Community within the community : the
Professions », American Sociological Review, 04/1957,
pp.195-200.
* 872 Pour le
fonctionnaliste Robert Merton la professionnalisation
« désigne le processus historique par lequel une
activité (occupation) devient une profession du fait
qu'elle se dote d'un cursus universitaire qui transforme des connaissances
empiriques acquises par expérience en savoirs scientifiques appris de
façon académique et évalués de manière
formelle, sinon incontestable » (DUBAR Claude, TRIPIER Pierre,
Sociologie des professions, op.cit., p. 84).
* 873 Wilensky
distingue six étapes qui caractérisent le processus de
professionnalisation : le passage à un exercice à plein
temps, la mise en place d'une réglementation concernant
l'activité, la formation par des écoles
spécialisées, la représentation par des organisations
professionnelles, la protection légale du monopole de l'activité,
l'établissement d'un code déontologique (WILENSKY Harold,
« The professionalization of everyone », American
journal of sociology, 1964, vol.70, n°2, pp.137-158).
* 874 DAP,
Journées nationales de médecine pénitentiaire,
op.cit., p.16.
* 875
« Réunis à Strasbourg, les médecins de prison
veulent appliquer la "déontologie du monde libre" aux
détenus » Le Monde, 5/12/1972.
* 876
« Elaborer au niveau mondial une éthique de la médecine
en prison », Le Quotidien du Médecin, 1/12/1978.
* 877 TROISIER
Solange, « La médecine pénitentiaire et les droits de
l'homme », Revue des sciences morales et politiques,
n°4, 1982, pp.617-619.
* 878 TROISIER
Solange, « Médecine pénitentiaire et droits de
l'homme », Bulletin de l'Académie Nationale de
Médecine, tome 177, juin 1993, p.1004.
* 879 Cité
dans GERON Yvan, Rôle médico-social du médecin
pénitentiaire, op.cit, p.61.
* 880 Cf. Annexe
20 : « Asclépios au service de Thémis ou la
position controversée de Solange Troisier en matière de
grèves de la faim ».
* 881 Article 8 du
décret du 28/06/1979, devenu article 10 du décret du 6/09/1995,
le Code de déontologie médicale élaboré par le
Conseil national de l'Ordre des médecins ayant la forme d'un
décret. Le premier date de 1947.
* 882 Outre le
fait que très peu d'articles ou de thèses se
référent à cette charte éthique, il s'avère
que presque aucun des médecins interviewés n'avait entendu
parlé du serment d'Athènes.
* 883
« Au congrès de la médecine légale à
Lyon. La torture et l'éthique médicale », Le
Monde, 1/09/1979.
* 884 Pendant
longtemps la santé en prison fut uniquement couverte par des
journalistes spécialisés sur les questions judiciaires. La
polémique sur les grèves de la faim marque un premier
intérêt de la part des journalistes médicaux pour le monde
carcéral qui sera croissant par la suite aussi bien dans la presse
spécialisée (Le Quotidien du médecin) que dans la
presse généraliste (soulignons les écrits de Jean-Yves Nau
et de Claudine Escoffier dans Le Monde).
* 885 Jean Favard,
magistrat à la DAP de 1970 à 1975 puis Conseiller technique du
ministre de la Justice de 1981 à 1986. Entretien réalisé
le 10/01/2008, durée: 3H00.
* 886 DAP, Le
service médical en milieu pénitentiaire, op.cit..
* 887 Une
commission réunie lors des Deuxièmes journées interroge
ainsi les « relations entre les médecins pénitentiaires
et les juridictions », les « relations ente les
médecins pénitentiaires et l'administration », le
« rôle du médecin pénitentiaire au cours de
l'accomplissement de la peine » et enfin
« l'intrégation du médecin pénitentiaire au
système pénal » (DAP, Journées nationales de
médecine pénitentiaire, op.cit., pp.21-30).
* 888 L'importance
de cette dénomination fut rendue visible de manière
rétrospective lors des conflits apparus au moment de la réforme
de 1994 entre les tenants d'une « médecine
pénitentiaire », demeurant sous l'égide du
ministère de la Justice, et ceux favorables à une
« médecine en prison » rattachée au
ministère de la Santé.
* 889 DAP,
Journées nationales de médecine pénitentiaire,
op.cit., pp.17-21.
* 890 DAP,
Deuxièmes journées européennes de médecine
pénitentiaire, op.cit., p.25.
* 891 « Le
décloisonnement de l'administration... », art.cit.,
p.24.
* 892
« La médecine en milieu pénitentiaire »,
cours de l'ENAP, 22/11/1978. Archives internes DAP.
* 893 BARROIS
Eric, Corps étrangers intrathoraciques chez l'homme en milieu
carcéral : à propos de deux cas, thèse de
médecine, Paris Sud, 1977, p.1.
* 894 Notons que
c'était pour des raisons similaires que l'Administration
pénitentiaires rejeta à la Libération l'idée de
créer un corps de médecins pénitentiaires temps
plein : « Il n'est cependant pas opportun d'envisager la
création d'un corps de médecins uniquement fonctionnaires. Ce
serait passer de la pénurie à l'excès. En outre, il est
excellent que le médecin reste au contact de la clientèle
privée et ne puisse jamais se réfugier dans la somnolente
tranquillité d'un emploi administratif. Pour ces raisons, il parait
nécessaire d'envisager le recrutement par voie de concours d'un corps de
médecins tenus d'accorder à l'administration la moitié de
leur temps (six matinées par semaine) et habilités à
s'adresser à la clientèle privée aux autres
heures » (Note pour le bureau du personnel destinée à
servir de base à une demande additionnelle de crédit (budgets
1946) du Bureau de l'application des peines 19960279, art.22. Dossier
n°72 : commission de la santé publique).
* 895 SAINT
PLANCAT C., « La médecine dans les prisons », Le
concours médical, 29/01/1972, p.856.
* 896 SCHMITT
Jean-Noël, La médecine carcérale, op.cit., p.3.
* 897 DAP,
Journées nationales de médecine pénitentiaire,
op.cit., p.4.
* 898 Ancien
résistant, Robert de Vernejoul était un proche du
général de Gaulle. Il fut par ailleurs membre d'honneur du
Mouvement initiative et liberté, « la droite civique,
gaulliste et patriote », tout comme S. Troisier.
* 899 DAP,
Deuxièmes journées européennes de médecine
pénitentiaire, op.cit., p.25.
* 900 DAP,
Premier congrès mondial de médecine
pénitentiaire, op.cit., p.343.
* 901 Cette
analyse repose sur les index des thèses de médecine soutenues en
France (depuis 1950) ainsi que les fichiers manuels (depuis la
Libération) présents à la Bibliothèque
inter-universitaire de médecine (BIUM) à Paris. On a exclu les
thèses consacrées à la psychiatrie pour ne retenir que
celles qui relevaient de la médecine somatique. Malgré le fait
que cette recherche ne prétende pas avoir recensé toutes les
thèses portant sur le milieu pénitentiaire, en l'absence d'un
fichier centralisant toutes les thèses françaises de
médecine depuis les années cinquante, elle donne un aperçu
de l'évolution de la place de l'organisation des soins en prison au sein
du champ médical. Pour la liste des thèses voir l'Annexe
n°4.
* 902 PAPELARD
Alain, Histoire de la médecine pénitentiaire en France,
thèse de médecine, faculté de Paris, 1968.
* 903 GERON Yvan,
Rôle médico-social du médecin
pénitentiaire, op.cit., p.8 ; BERAULT Pierre, Le service
médical en milieu pénitentiaire, thèse de
médecine, Paris 6 Pitié, 1985, p.10.
* 904 FULLY
Georges, « Médecine pénitentiaire et
criminologie », art.cit., p.11.
* 905 Cette
rubrique disparaît en 1982, alors que la médecine
pénitentiaire est l'objet d'une large remise en cause.
* 906 TROISIER
Solange, J'étais médecin des prisons. L'affaire des
grâces médicales, op.cit., p.46.
* 907 LALE,
« Le personnel pénitentiaire », RPDP,
04-06/1981, p.179.
* 908
« La médecine en milieu pénitentiaire »,
cours de l'ENAP, 22/11/1978, p.29. Archives internes DAP.
* 909 TROISIER
Solange, « Séance inaugurale de Madame le Professeur S.
Troisier », Attestation d'études relatives à la
médecine pénitentiaire. Année universitaire 1979-1980,
Université Paris VII, Faculté de médecine de
Lariboisière- Saint Louis, p.8.
* 910 SCHMITT
Jean-Noël, La médecine carcérale, op.cit.,
p.279.
* 911 Ibidem,
pp.241-242.
* 912 TROISIER
Solange, « Intervention de fin de session de l'enseignement par le
Professeur Solange Troisier », Attestation d'études
relatives à la médecine pénitentiaire. Année
universitaire 1979-1980, Université Paris VII, Faculté de
médecine de Lariboisière- Saint Louis, p.3
* 913
« La médecine pénitentiaire : une démission
complice », Actes, n°13-14, printemps 1977,
pp.34-35.
* 914 Jean-Michel,
chirurgien-orthopédiste à l'Hôpital de Fresnes de 1979
à 1988. Entretien réalisé le 9/12/2005 à son
domicile à Bourg la Reine (Hauts de Seine). Durée : 2H40.
* 915 Le premier
chiffre indique la rémunération dans les villes de moins de
200.000 habitants et le second en région parisienne. À ce taux
s'ajoute une indemnité de 2 F par heure pour exercice en milieu
carcéral.
* 916
« La justice des hommes. La prison de Fresnes »,
1ère chaîne, 19/10/1959, 49 min, Archives INA ; «La
justice des hommes. La prison de Rennes », 1ère chaîne,
29/01/1960, 20 min, Archives INA ; « Les prisons, l'homme et la
réforme », 1ère chaîne, 22/01/1963, 26 min,
Archives INA.
* 917
« La médecine pénitentiaire », documentaire,
04/11/1965, ORTF, 68 minutes. Archives de l'INA.
* 918
« La médecine derrière les barreaux », France
Inter, 03/06/1977, 17 min. Archives de l'INA.
* 919
« La médecine pénitentiaire », JT 13H, TF1,
31/01/1977. Archives de l'INA.
* 920
« Les journées de médecine pénitentiaire,
à Strasbourg », France Inter, JT 19H, 02/12/1972. Archives de
l'INA.
* 921 Le programme
du congrès de 1968 précise ainsi que « les discussions
se feront en groupe de travail. Il n'y aura pas de
conférence » (« Programme des journées
médicales pénitentiaires », document
dactylographié, deux pages. Fonds Etienne Bloch. ARC 3017-13. IV-9-10
Enseignement).
* 922 DAP,
Deuxièmes journées européennes de médecine
pénitentiaire, Imprimerie Administrative de Melun,
« Etudes et documentation », 1976, p.16.
* 923 Daniel
Gonin, psychiatre travaillant comme généraliste à la M.A
de Lyon de 1962 à 1989. Entretiens réalisés les
25/02/2008, 10/03/2008, 26/03/2008. Durées : 2H ; 2H ; 2H.
* 924
Ibidem.
* 925 Cf.
Encadré : « Une prise de parole interne difficile :
l'exemple du congrès de médecine pénitentiaire de
Strasbourg de 1972 ».
* 926
« La sous-médecine pénitentiaire », Le
Monde, 24/12/1975.
* 927
« Congrès mondial de médecine
pénitentiaire », 3ème chaîne, 23/11/1978, JT Soir
3, Archives INA.
* 928
« Médecins des prisons : 1ère
partie », 1ère chaîne, 17/03/1976, 55
minutes, Archives INA.
* 929 WILENSKY
Harold, « The professionalisation of everyone »,
art.cit.
* 930 Une
semi-profession se définit comme un groupe présentant les
critères distinctifs d'une profession de façon
dégradée ou incomplète : une courte période de
formation ; l'absence de monopole sur les critères de leur recrutement ;
l'existence d'un code d'éthique mais vague et inconsistant ; des
associations professionnelles inefficaces ou sans pouvoir (TOREN Nina,
« Semi-professionalism and Social Work. A theoretical
perspective » dans ETZIONI Amitai, The semi-professions
and their organization : Teachers, Nurses, Social Workers, New York,
Free Press, 1969, pp. 141-195)
* 931
« Dijon, capitale de la médecine
pénitentiaire », JT 20H, Antenne 2, 24/11/1978, Archives
INA.
* 932 PINATEL
Jean, « La crise pénitentiaire », art.cit,
p.14.
* 933 GONIN
Daniel, La santé incarcérée, op.cit., p.75.
* 934 Annexe
20 : « Asclépios au service de Thémis ou la
position controversée de Solange Troisier en matière de
grèves de la faim ».
* 935 FULLY
Georges, « La grève de la faim en milieu
carcéral », Cours de médecine pénitentiaire
à la Faculté de médecine de Paris, cours n°29,
1968-1969, 10 pages (CAC. 19960136. Art.99 (Extraits). Dossier K 362).
* 936 DAP,
« Rapport général pour l'année 1964 »,
RPDP, 10-12 1965, p.521.
* 937 DAP,
« Rapport général pour l'année 1965 »,
RPDP, 10-12 1966, p.695.
* 938 Cité
dans SAINT PLANCAT C., « La médecine dans les
prisons », Le concours médical, 29/01/1972, p.859.
* 939 Cf. ARNAUD
Claude, Organisation de la médecine pénitentiaire en
France, thèse de médecine, Université de Lyon, 1976,
p.30.
* 940 DAP,
Journées nationales de médecine pénitentiaire,
op.cit, pp.5-6.
* 941
« Rapport de l'Administration pénitentiaire pour
l'année 1972 », RPDP, 10-12/1973, pp.645 et suiv.
* 942 Cf.
Encadré : « Un statut des médecins comme
réponse à leur responsabilité
médicale ».
* 943 Pour
répondre à la critique d'un morcellement des interventions qui
ont lieu en détention, un décret du 12/09/1972 crée les
Commissions d'application des peines qui réunissent une fois par semaine
directeur, assistants sociaux, généralistes et psychiatres sous
la présidence du Juge d'application des peines. Une loi du 29/09/1972
confère à ce dernier le pouvoir d'accorder la libération
conditionnelle à tous les condamnés à une peine privative
de liberté jusqu'à trois ans.
* 944 ALOZY,
« Attestation d'études relatives à la médecine
pénitentiaire », art.cit., p.195.
* 945 En effet
plusieurs médecins semblent soucieux des relations établies avec
le personnel de surveillance. Dans une thèse consacrée à
la connaissance des surveillants de prison, un interne observe à partir
d'entretiens conduits avec des gardiens de la M.A de Lyon
l'« hostilité défensive » et le
« complexe d'infériorité » ressenti à
l'égard des personnels médico-sociaux. Afin que la prise en
charge des détenus soit l'oeuvre d'une « équipe
thérapeutique », il suggère la mise en place
d'« un dialogue entre les divers personnels » ainsi que la
valorisation du métier de surveillant (GROUZY Jean, Contribution
à la connaissance de la surveillance des prisons. « Le
complexe de la Pénitentiaire », thèse de
médecine, Université de Lyon, 1971).
* 946 DAP,
Journées européennes de médecine
pénitentiaire, op.cit., pp.66.
* 947 GONIN
Daniel, « L'exercice de la médecine en milieu
pénitentiaire », art.cit., p.25
* 948 Il est
néanmoins ressorti des entretiens une différence entre les
psychiatres travaillant depuis les années soixante ou soixante-dix en
prison, qui considèrent normal de participer à la CAP, et ceux
ayant initié à partir des années quatre-vingt, plus
réfractaires à cette mission car plus attachés à la
notion de secret médical.
* 949 SCHMITT
Jean-Noël, La médecine carcérale, op.cit.,
p.318.
* 950 DAP,
Deuxièmes journées européennes de médecine
pénitentiaire, op.cit., p.82.
* 951 POTTIEZ
Serge, HIVERT Paul, « Le médecin pénitentiaire le secret
professionnel », RPDP, 04/1977, p.218.
* 952 LAURENT
Geneviève, La Maison d'Arrêt de Besançon : son
organisation, ses différents quartiers, thèse de
criminologie, Paris 2, 1978, p.130.
* 953 BUFFARD
Simone, BARRAL DO Jean-Pierre, GONIN Daniel, « Le médecin en
institution pénitentiaire », Médecine et
hygiène, 42, 1559, 11/04/1984, pp.1198-1200.
* 954 BUFFARD
Simone, BROUSSOLE M., COLIN Marcel, COTTREAUX Jean, DUCOTTET François,
GONIN Daniel, « L'équipe médico-psychologique en milieu
pénitentiaire », art.cit, p.2399.
* 955
« Les détenus punis doivent être visités par le
médecin, si possible dès leur mise en cellule et en tous cas deux
fois par semaine au moins. La punition est suspendue si le médecin
constate que sa continuation est de nature à compromettre la
santé du détenu » (Article D.168 du Code de
procédure pénale).
* 956 Un ancien
détenu dénonce ainsi le rôle des médecins :
« Pour subir ce régime particulier, il faut une soit-disant
assistance médicale. Dans la réalité, c'est avec grande
complaisance que le toubib déclare le détenu tout à fait
apte à subir sa punition » (AGRET Roland, Et si vous saviez ! :
la prison au quotidien, Paris, Plon, 1987, p.72).
* 957 GONIN dans
DAP, Premier congrès mondial de médecine
pénitentiaire, op.cit., p.125.
* 958
Ibidem.
* 959 Bernard,
médecin aux Baumettes de 1975 à 1985. Entretien
réalisé le 22/02/2006, 2H20.
* 960 Bruno,
généraliste à la M.A de Besançon de 1969 à
1980. Entretien réalisé le 17/01/2006, 2H.
* 961
« Les quartiers de haute sécurité fabriquent des fauves
», Le Monde, 12/11/1977 ; « Grève de la
faim de 685 détenus le 9 janvier contre le régime des quartiers
haute sécurité », Le Monde, 11/01/1978 ;
« Une remise en question des quartiers de sécurité
renforcée (Q.S.R) », Le Monde, 10/05/1978 ;
« Des femmes détenues à Fleury-Mérogis entament,
le 7 Août, une grève de la faim pour protester contre les Q.S.R
», Le Monde, 9/08/1978.
* 962 Gilles,
psychiatre à Fresnes de 1975 à 2002. Entretien
réalisé le 20/01/2006, 2H40.
* 963 Claude,
généraliste à la M.A de Pontoise de 1979 à 1991.
Entretien réalisé le 12/01/2006, 1H10.
* 964
Jérôme, généraliste puis médecin-chef aux
Baumettes de 1979 à 1983. Entretien réalisé le 24/02/2006,
1H50.
* 965 Claude,
généraliste à la M.A de Pontoise de 1979 à 1991.
Entretien réalisé le 12/01/2006, 1H10.
* 966 LAZARUS
Antoine, « Le médecin pénitentiaire entre deux
demandes », art.cit., p.70.
* 967 Julien,
infirmier à Fresnes de 1974 à 1976 puis interne à La
Santé de 1977 à 1978 puis médecin à Bois d'Arcy de
1981 à 1987. Entretien réalisé le 16/01/2008.
Durée : 3H.
* 968 Bruno,
généraliste à la M.A de Besançon de 1969 à
1980. Entretien réalisé le 17/01/2006, 2H.
* 969 DEJOURS
Christophe, « Réflexions sur les rôles respectifs de
l'administration et de la médecine dans l'institution
pénitentiaire », art.cit., p.18.
* 970
« La médecine pénitentiaire », documentaire,
04/11/1965, ORTF, 68 minutes, archives de l'INA.
* 971 Pierre
Bellemare raconte dans Complots. Ils s'entendent pour tuer comment le
Dr Petit a assisté le 11 mars 1963 à l'exécution de
Bastin-Thiry, connu pour avoir dirigé l'attentat du Petit-Clamart en
1962.
* 972 Julien,
infirmier à Fresnes de 1974 à 1976 puis interne à La
Santé de 1977 à 1978 puis médecin à Bois d'Arcy de
1981 à 1987. Entretien réalisé le 16/01/2008.
Durée : 3H.
* 973 DAP, Le
service médical en milieu pénitentiaire, op.cit., p.57.
* 974 L'article 85
du Code de déontologie médical stipule que « nul ne
peut être à la fois médecin expert et médecin
traitant pour un même malade ».
* 975 DAP, Le
service médical en milieu pénitentiaire, op.cit., p.43.
* 976
Ibidem, p.31.
* 977 DAP,
Journées nationales de médecine pénitentiaire,
op.cit., p.23.
* 978
Ibidem, op.cit., p.46.
* 979 DAP, Le
service médical en milieu pénitentiaire, op.cit., p.43.
* 980 BETHEMONT
Vincent, L'exercice de la médecine générale à
la maison d'arrêt Saint-Paul, thèse de médecine,
université de Lyon, 1979, p.65.
* 981 Une
incapacité inférieure ou égale à huit jours
détermine une contravention et envoie le détenu au tribunal de
police, tandis qu'une durée supérieure classe l'infraction en
délit et saisit la chambre correctionnelle.
* 982 GONIN
Daniel, La santé incarcérée, op.cit., p.74.
* 983
« Journées de médecine pénitentiaire de
Marseille », Instantanés criminologiques, n°12,
1971, p.41.
* 984 Cf.
Encadré : « Une prise de parole interne difficile :
l'exemple des congrès médicaux ».
* 985
« Journées européennes de médecine
pénitentiaire », Instantanés criminologiques,
n°18, 1972, p.20.
* 986 DAP,
Journées européennes de médecine
pénitentiaire, op.cit., p.26.
* 987 SPES,
Bulletin d'information et de liaison, n°5, 02/1973, p.12-13.
* 988 DAP,
Journées européennes de médecine
pénitentiaire, op.cit., p.69.
* 989
« La médecine pénitentiaire : une démission
complice », Actes, n°13-14, printemps 1977,
pp.34-35.
* 990 Cité
dans LIVROZET Serge, Aujourd'hui, la prison, op.cit., pp.161-162.
* 991
« Prisons. Une répression nouvelle : la camisole
chimique », Libération, 6/02/1974.
* 992 DAP,
Deuxièmes journées européennes de médecine
pénitentiaire, op.cit., p.102.
* 993 Le programme
prévoyait ainsi les interventions suivantes (avec les durées
indiquées entre parenthèses) : le médecin-chef (5),
le directeur (5) et la pharmacienne (35) de Fresnes, un criminologue (15), une
gynécologue (15), une sage femme (10), un cardiologue (10), un
odontologiste (15 min), le médecin-chef de Muret (15), le
médecin-chef de La Santé (10 min). (Programme officiel du
congrès de médecine pénitentiaire. CAC. 200010085. Art.
118 : archives d'Alain Peyrefitte, ministre de la Justice : Groupes
de travail, séminaires, conseil supérieur de la magistrature,
notes aux membres du cabinet, budget, audience, 1977-1981).
* 994 DAP,
Premier congrès mondial de médecine
pénitentiaire, op.cit., p.286. ,
* 995
Ibidem, p.174.
* 996
« Les psychiatres pénitentiaires s'interrogent sur les risques
d'une normalisation "excessive" des détenus », Le
Monde, 28/11/1978.
* 997 TROISIER
Solange, J'étais médecin des prisons. L'affaire des
grâces médicales, op.cit., p.54.
* 998 FULLY
Georges, « La médecine pénitentiaire »,
art.cit., p.1992.
* 999 GEUDET
Bernard, « Le service médical en milieu
pénitentiaire », RSCDPC, 177, n°1, p.144.
* 1000
« Réussir le mariage de Thémis et
d'Asclépios », Le Quotidien du Médecin,
26/11/1981.
* 1001 Projet de
discours du ministre pour le congrès de médecine
pénitentiaire du 23/11/1978 annoté : trois pages. CAC.
200010085. Art. 111 : archives d'Alain Peyrefitte, ministre de la
Justice).
* 1002 Il fut
reproché à des praticiens de délivrer des certificats de
coups et blessures à des détenus ou leurs familles.
* 1003 JACOMET,
« Le rôle du Médecin Pénitentiaire vu par un
magistrat », Attestation d'études relatives à la
médecine pénitentiaire, année universitaire
1979-1980, faculté de médecine Lariboisière Saint-Louis,
document ronéotype, 6 pages.
* 1004
LALONDRELLE Joël, Travail de l'interne à la maison
d'arrêt de la Santé, op.cit., p.46.
* 1005 Cf. Annexe
20 : « Asclépios au service de Thémis ou la position
controversée de Solange Troisier en matière de grèves de
la faim ».
* 1006 PONS
MOUREOU Jean-Michel, La grève de la faim en milieu carcéral,
thèse de médecine, sous la direction de Solange Troisier,
Lariboisière saint Louis, 1988.
* 1007 Un long
débat divise la médecine pour savoir dans quelle mesure une
grève de la faim peut-être considérée comme
« pathologique », assimilable ainsi à une tentative
de suicide. Tout en considérant qu'il s'agit à l'origine d'une
attitude rationnelle à l'origine, thèse largement admise depuis
les années soixante-dix, ce médecin en souligne les
évolutions pathologiques possibles.
* 1008
Ibidem., pp.51-52.
* 1009 Cf. Annexe
21 : « Entre opportunisme et adhésion idéologique,
la justification de la médecine pénitentiaire par un
interne ».
* 1010 Note du
Médecin-inspecteur au Bureau des personnels datée du
29/07/1982 (CAC. 19940511. Art. 96).
* 1011 Note de
Solange Troisier à Monsieur Besson datée du 11/10/1982
(CAC.19940511. Art 87).
* 1012 Lettre de
Solange Troisier au DAP au sujet du médecin-chef de la M.A de Nice
datée du 4/03/1975 (CAC. 19830701. Art.481).
* 1013 Rapport du
directeur de la M.A de Nice au DAP datée du 30/10/1973 (CAC. 19830701.
Art.481).
* 1014 Lettre de
Solange Troisier au DAP datée du 19/02/1974 (CAC. 19830701. Art.481).
* 1015 Lettre de
Solange Troisier à Melle Lalle, chef du Bureau des personnels,
datée du 18/12/1975 (CAC. 19830701. Art.481).
* 1016 Jacques,
magistrat chargé à la DAP de la réglementation sanitaire
de 1982 à 1989. Entretien réalisé le 11/01/2008, 3H30.
* 1017 Bien que
toutes les archives du service de l'inspection médicale aient disparues
à notre connaissance, deux rapports de visite ont été
retrouvés dans les dossiers de carrière des médecins
officiant dans ces établissements.
* 1018 Compte
rendu de visite de Solange Troisier de la M.A de Bonneville daté du
17/05/1974, 4 pages (CAC. 19940511. Art.92).
* 1019 Compte
rendu de visite de Solange Troisier de la M.C de Clairvaux daté du
17/12/1973, 5 pages (CAC. 19940511. Art.97).
* 1020 Lettre de
Solange Troisier à M. Bonny datée du 25/12/1974 (CAC. 19830701.
Art.481).
* 1021 Lettre de
Yvonne Lalle à Solange Troisier datée du 29/01/1975 (CAC.
19830701. Art.481).
* 1022 Lettre de
Solange Troisier à Yvonne Lalle datée du 9/03/1976 (CAC.19830701.
Art.481)
* 1023 Lettre de
Solange Troisier à Yvonne Lalle datée du 9/05/1976 (CAC.19830701.
Art.481)
* 1024 Lettre de
Yvonne Lalle à Solange Troisier datée du 13/08/1976
(CAC.19830701. Art.481)
* 1025 Lettre de
Solange Troisier à M. Erbes datée du 22/09/1976 (CAC.19830701.
Art.481).
* 1026 En
témoigne l'assimilation des médecins, faite par Solange Troisier,
à la « grande famille pénitentiaire » ou
l'expression fréquemment utilisée par elle de « nous,
Administration pénitentiaire ».
* 1027 Un
directeur d'établissement pénitentiaire demande par exemple
à un praticien de constituer « des dossiers de
personnalité pour les détenus », ces derniers
présentant selon lui une « grande valeur »
« notamment pour la commission d'application des peines ou en cas de
crise grave (j'ai personnellement vécu une prise d'otage où
grâce à l'analyse antérieure du médecin, des
décisions graves ont pu être prises) » (Lettre du
21/11/1983 du directeur au médecin généraliste d'un Centre
de détention. CAC. 19950511. Art.89).
* 1028 SCHMITT
Jean-Noël, La médecine carcérale, op.cit.,
p.320.
* 1029 Le cours
du sous-directeur pénitentiaire est cité en premier tandis que
les lettres renvoient aux annotations de l'interne (Ibidem, p.93 et
suiv.).
* 1030 Cf. Annexe
22 : « De la curiosité à la révolte,
parcours d'un interne lyonnais ».
* 1031 Cf.
Chapitre 1 - Section 1-2 : « De la revendication du droit
à la mobilisation des professionnels de la prison ».
* 1032 BUFFARD
Simone, BARRAL DO Jean-Pierre, GONIN Daniel, « Le médecin en
institution pénitentiaire », Médecine et
hygiène, 42, 1559, 11/04/1984, p.1202.
* 1033 GONIN
Daniel, BUFFARD Simone, « Aptitude à la
détention », texte remis par Simone Buffard, pp.150-151.
* 1034 MILLET
Gilles, « Soumettre les prisons au contrôle de
tous », Libération, 13/03/1974.
* 1035 On
rappelle que l'évocation des critiques adressées à la
prise en charge sanitaire des détenus ne vise pas à scandaliser
le lecteur mais à souligner la pression qui s'exerce sur la
médecine pénitentiaire. La DAP semble d'ailleurs très
attentive à ces critiques. En attestent les propos de ce praticien ayant
conseillé à un détenu d'écrire à
Libération concernant sa non-prise en charge
médicale : « Comme c'était une grande gueule, il a
écrit à Libération. Deux jours plus tard,
j'étais convoqué au ministère par Troisier : "Qu'est
ce que c'est ce bordel ? Vous ne vous rendez pas compte ? "
[Rires] » (Julien, infirmier à Fresnes de 1974 à 1976
puis interne à La Santé de 1977 à 1978 puis médecin
à Bois d'Arcy de 1981 à 1987. Entretien le 16/01/2008.
Durée : 3H).
* 1036
« Lyon : un détenu galeux et cardiaque soigné par
le cachot », Libération, 11-13/08/1978.
* 1037
« Pour une rage de dents à la prison de la
Santé », Libération, 18/06/1976.
* 1038 Directrice
de Libération de 1974 à 1981, Zina Rouabah fut
secrétaire générale de l'Observatoire international des
prisons (OIP) à la fin des années quatre-vingt-dix, soulignant
son intérêt pour le monde carcéral.
* 1039
« Incarcéré, Antoine Lamanna risque l'infirmité
à cause d'un juge d'instruction », Libération,
20/02/1974.
* 1040 «
À Fleury-Mérogis, un prévenu meurt pour des raisons plus
que douteuses... », Libération, 27/02/1974.
* 1041 C.A.P
Fleury, « La santé à Fleury », Journal
des prisonniers, n°38, 07/1976, p.8.
* 1042
« Le récent décès d'un détenu est tenu
pour suspect par le Comité d'action des prisonniers », Le
Monde, 29/10/1974 ; « Le procureur de la République
affirme que la mort de M. Renaud est naturelle», Le Monde,
31/10/1974.
* 1043 Pour faire
face à la pénurie de personnel soignant, l'article D.367 du CPP
prévoyait depuis 1959 que « des surveillants
spécialisés peuvent avec l'accord du médecin, assister
l'infirmier(e) dans sa tâche ». Ces surveillants-infirmiers,
souvent appelés « auxiliaires » étaient
affectés dans l'infirmerie et portaient une blouse blanche. Certains
étaient amenés à effectuer des soins (dilution des
médicaments, injections, points de suture). Symbole de l'absence
d'autonomie du médical par rapport au pénitentiaire, cette
pratique sera largement dénoncée. L'éviction de ces
surveillants lors de la mise en oeuvre de la loi du 18 janvier 1994 sera ainsi
mal vécue par ces derniers obligés de revenir à un
rôle de surveillance jugé nettement moins valorisant. En effet,
certains exerçaient cette fonction depuis de nombreuses années et
se sentaient davantage soignant que surveillants.
* 1044
« Prions Dieu pour ne pas tomber gravement malade à la prison
de Rouen », Libération, 1-2/04/1978.
* 1045 La
« cantine » est le service permettant aux détenus
d'acheter des produits qui ne sont pas remis par la DAP.
* 1046 LIVROZET
Serge, Aujourd'hui, la prison, op.cit., p.149.
* 1047 Dans
certains établissements les détenus souhaitant voir le
médecin devaient, en effet, nécessairement recevoir l'approbation
de l'infirmière qui assure une fonction de tri des demandes. Des
entretiens réalisés, il ressort en outre que certaines
infirmières avaient parfois leurs « favoris » et
leurs « souffre-douleurs ».
* 1048
« Lettre d'un détenu sur la médecine de
prison », Libération, 29/06/1976.
* 1049 Le
chirurgien de l'Hôpital de Fresnes sera au cours des années
quatre-vingt au centre d'un scandale au terme duquel le bloc opératoire
sera fermé et l'Hôpital sera rattaché au système
hospitalier.
* 1050
« Heureusement qu'on est bien soigné en prison... »,
Libération, 15-16/10/1977.
* 1051
« "Soignés" en prison », Rouge,
1/09/1977.
* 1052
L'Hôpital des prisons de Fresnes était souvent comparé
à un « paradis » en raison de ses bonnes conditions
de détention, la DAP y plaçant des détenus
particulièrement sensibles. C'est ce que confirme l'un des
interviewés : « Et puis y avait une population qui
n'avait pas grand-chose à voir avec le... le recrutement pour des
raisons de santé. C'était une population qu'on mettait un peu au
chaud, qu'on mettait un peu à l'abri. Avec des truands du type
Guérini. C'était surtout pour lui éviter des soucis. Et
c'était un milieu assez à part, très fermé et
où il y avait très très peu de mouvements. Quand ils
étaient là, ils passaient des années... C'était un
peu une rente de situation pour eux » (Julien, infirmier à
Fresnes de 1974 à 1976 puis interne à La Santé de 1977
à 1978 puis médecin à Bois d'Arcy de 1981 à 1987.
Entretien réalisé le 16/01/2008. Durée : 3H).
* 1053 Cf. Annexe
23 : « La stratégie dénonciatrice de
Libération :
l'"affaire" Michel Henge »
* 1054 La liaison
établie entre les deux morts suspectes et le témoignage est
d'autant plus trompeuse que le médecin est présente comme ayant
travaillé aux Baumettes alors qu'on apprend dans le reste de l'article
qu'il intervenait à la M.A d'Aix en Provence (CHERKI Pauline,
« La médecine carcérale en accusation. Prison
hôpital des Baumettes : un ancien médecin de la maison
d'arrêt parle », Libération, 26/01/1981).
* 1055 TROISIER
Solange, « Attention, enfant ! », Le Monde,
18/02/1971.
* 1056
« Peu importe que l'embryon soit doué ou non de
conscience ! Il suffit de savoir qu'il vit. Et au moment où la
morale sociale se penche tellement sur le sort des animaux, on ne voit pas
pourquoi, au nom de quel égoïsme, elle refuserait à
l'embryon ce qu'elle accorde au chien errant » (J.O des
débats de l'A.N, séance du 7/12/1972).
* 1057
« "La privation de sexualité fait partie de la peine"
déclare Solange Troisier », Le Quotidien du
Médecin, 21/03/1978.
* 1058 TROISIER
Solange, Une sacrée bonne femme, op.cit., p.139.
* 1059
« Solange Troisier », France Inter, 14/01/1974, 57 min,
Archives INA.
* 1060 Cf. Annexe
20: « Asclépios au service de Thémis ou la position
controversée de Solange Troisier en matière de grèves de
la faim ».
* 1061
« Agret Mme Troisier », JA2 20h, 17/03/1976, 1 min 45.
* 1062 L'opinion
publique, troublée par le climat de violences actuelles, ne souhaite pas
cette suppression. Moi non plus. Je suis médecin, humaniste
chrétienne, et je pense qu'il faut parfois le courage d'aller jusqu'au
bout de ses obligations » (« Le docteur Solange Troisier,
"humaniste", chrétienne et favorable à la peine de mort »,
Le Monde, 16/11/1977).
* 1063
« On achève bien les chevaux »,
Libération, 17/11/1977.
* 1064
« Patrick Henry rejugé !», Le Monde,
17/11/1977.
* 1065
« Patrick Henry rejugé !», Le Monde,
17/11/1977.
* 1066
« Des fonctionnaires pénitentiaires "s'étonnent"
des propos de Mme Troisier », Le Monde, 24/11/1977.
* 1067 Parmi les
nombreuses feuilles de soin trouvées dans les dossiers de
carrière des médecins pénitentiaires, seules trois
faisaient figurer cette mention. Citons le cas exceptionnel de ce praticien,
exerçant depuis 1970 en prison, demandant lors de son départ
à la retraite à « conserver le titre de médecin
honoraire des prisons et pouvoir continuer d'autre part à collaborer
à l'environnement pénitentiaire auquel j'étais très
attaché, comme visiteur des détenus, par exemple »
(Lettre du médecin de la M.A de Montpellier au DRSP de Toulouse
datée du 27/02/1984. CAC. 19940511. Art. 99)
* 1068 TROISIER
Solange, « La médecine pénitentiaire et les droits de
l'homme », art.cit., p.609.
* 1069
« Médecins des prisons : 2ème
partie », 1ère chaîne, 24/03/1976, 1 heure,
Archives INA.
* 1070
« La médecine pénitentiaire : une démission
complice », Actes, n°13-14, printemps 1977, pp.33.
* 1071
Ibid., p.33.
* 1072 Bruno,
généraliste à la M.A de Besançon de 1969 à
1980. Entretien réalisé le 17/01/2006, 2H.
* 1073 LAURENT
Geneviève, La Maison d'Arrêt de Besançon, op.cit,
p.130.
* 1074
Ibidem, p.129.
* 1075
Ibidem.
* 1076
Ibidem, p.136.
* 1077 La
« dilution » est une pratique du milieu carcéral qui
consistait à distribuer les médicaments, notamment les
psychotropes, dilués dans de l'eau et mélangés tous
ensembles. La potion, parfois préparée plusieurs jours à
l'avance, était distribuée au détenu en coursive et devait
être bue devant le surveillant.
* 1078 LAURENT
Geneviève, La Maison d'Arrêt de Besançon, op.cit,
p.132.
* 1079 Je
remercie Bruno pour la photocopie de la décision de justice qu'il m'a
remise.
* 1080
« Un médecin bisontin obtient gain de cause contre
l'administration pénitentiaire », Le Monde,
5/0/1980.
* 1081 TROISIER
Solange, « La médicine pénitentiaire et les droits de
l'homme », art.cit., p.609.
* 1082 TROISIER
Solange, « Intervention de fin de session de l'enseignement par le
Professeur Solange Troisier », Attestation d'études
relatives à la médecine pénitentiaire. Année
universitaire 1979-1980, Université Paris VII, Faculté de
médecine de Lariboisière- Saint Louis, p.1.
* 1083 DAP,
Premier congrès mondial de médecine
pénitentiaire, op.cit., pp.18-19.
* 1084
« Voyage au coeur de la médecine
pénitentiaire », Le Quotidien du médecin,
21/04/1982.
* 1085 BUFFARD
Simone, Le froid pénitentiaire, Paris, Editions du Seuil,
1973.
* 1086 FERRERI
Maurice, Contribution à l'étude des troubles fonctionnels de
la sphère oro-digestive et des troubles du comportement alimentaire en
milieu carcéral, thèse de médecine, Paris
Créteil, 1973, p.103.
* 1087 STEINBACH
Guy, Régression et système pénitentiaire,
thèse de médecine, Nancy 1, 1977, p.5-6.
* 1088 FERRERI
Maurice, Contribution à l'étude des troubles fonctionnels de
la sphère oro-digestive, op.cit., p.104.
* 1089
Ibidem, p.105.
* 1090 BARROIS
Eric, Corps étrangers intrathoraciques chez l'homme en milieu
carcéral, op.cit., p.25.
* 1091 COLIN
Marcel, GONIN Daniel, DUCOTTET F., « Le suicide en
prison », Psychologie médicale, 1977, 9, 1,
pp.115-122.
* 1092 GALTIE
Dominique, La médecine en milieu carcéral. À propos
d'une enquête menée dans les prisons de Limoges et de
Guéret, thèse de médecine, Université de
Limoges, 1981, p.325.
* 1093
« Médecins des prisons : 2ème partie »,
1ère chaîne, 24/03/1976, 1 heure, Archives INA.
* 1094
« Dijon, capitale de la médecine
pénitentiaire », JT 20H, Antenne 2, 24/11/1978, Archives
INA.
* 1095 ROUSSEL
Brice, Paroles de détenus. Enquêtes sur la Médecine
avant et pendant la prison, thèse de médecine,
Faculté de Paris-Sud, 1979.
* 1096 Les termes
utilisés sont bien sûr de l'auteur de la thèse
lui-même.
* 1097 DAP,
Premier congrès mondial de médecine
pénitentiaire, op.cit., p.310.
* 1098 Faute de
sources, on dispose de peu d'éléments sur ces soutiens. On sait
cependant que Solange Troisier a bénéficié de l'aide de
Christian Dablanc, Directeur de l'Administration pénitentiaire.
* 1099 On pense
par exemple ici aux règles déontologiques ou aux
procédures qualité mais également à des
règles plus pragmatiques qui assurent la régulation de la
médecine pénitentiaire. Par exemple, celle selon laquelle les
praticiens ne réalisent qu'une faible part de leur vacation (entre un
dixième et la moitié selon les établissements). Celle-ci
ne sera remise en cause après l'alternance et après le transfert
de la mission de contrôle au ministère de la Santé (Cf.
Introduction du chapitre 5 : « Les spécificités
carcérales à l'épreuve du
"décloisonnement" »).
* 1100 DAP,
Premier congrès mondial de médecine
pénitentiaire, op.cit., p.250.
* 1101 GOLDSMITH
Seth B., Prison health. Travesty of justice, New York, Prodist, 1975,
in RSCDPC, 1977, p.981.
* 1102 DAP,
Journées européennes de médecine
pénitentiaire, op.cit., p.2.
* 1103 Myriam
Ezratty, magistrat et directrice de la DAP d'avril 1983 à juillet 1986.
Entretien le 8/02/2008, 3H30.
* 1104 On se
permet de citer à nouveau le passage du compte-rendu de cette
réunion faisant état de cette opposition : « Il
paraît finalement difficile de concilier les deux impératifs dans
le cadre du décloisonnement total qui a été
envisagé, car si tous les personnels sont soumis au statut des
hôpitaux publics, il est à craindre qu'il ne se développe
en leur sein une autonomie qui risque de les faire échapper
complètement au contrôle de l'Administration
pénitentiaire » (AP, « Mémorandum de la
réunion du 28 novembre 1974 au sujet de la réforme du statut de
la médecine pénitentiaire ». Document
dactylographié, trois pages (CAC. 19960136. Art. 112))
* 1105
« Le personnel pénitentiaire », RPDP,
04-06/1981, p.179.
* 1106
Après son départ, Pierre Aymard défend dans une tribune
une plus grande implication des autres ministères, dans le sens du
décloisonnement : « La prison doit être l'affaire
de tous. La ville doit la prendre en charge » (LM,
15/06/1978).
* 1107 Jacques
Mesrine est considéré comme « l'ennemi public
numéro un » après qu'il se soit évadé, en
mai 1978, et qu'il ait adressé, après s'être introduit chez
un magistrat, une lettre ouverte aux journaux pour obtenir la suppression des
QHS. « Des conséquences sérieuses doivent être
tirées en ce qui concerne l'organisation du système
pénitentiaire », déclare alors un communiqué de
l'Elysée. (LETENEUR Henri, art.cit., p.193)
* 1108
« Dans les prisons U.S., j'ai pris ces idées de
réforme », Paris-Match, 1979.
* 1109 SOYER
Jean-Claude, « Il faut oser punir », Le Figaro,
27/09/1979.
* 1110 LE NEZET
Marie Pierre, La régression de la politique pénitentiaire
depuis 1975, op.cit., pp.24-25..
* 1111 Cf. Annexe
12: « La réforme Amor de 1945 et le modèle du
"tout-carcéral" ».
* 1112 MULLER Pierre,
SUREL Yves, L'analyse des politiques publiques, Montchrestien, Paris,
1998, p.31.
* 1113 Il est
d'usage de distinguer le modèle paradigmatique de Peter Hall, la
« coalition de cause » de Paul Sabatier, ainsi que le
modèle du référentiel de Pierre Muler et Bruno Jobert.
* 1114 Pour une
description des trois modèles selon leurs principes
métaphysiques, leurs principes spécifiques et leurs modes
d'action. Cf. SUREL Yves, « Idées, intérêts,
institutions dans l'analyse des politiques publiques », Pouvoirs,
n°87, 1998, p.161-178.
* 1115 Cette
présentation s'appuie notamment sur SMITH Andy,
« Paradigme », dans BOUSSAGUET L., JACQUOT S.,
RAVINET P. (dir.), Dictionnaire des politiques publiques, Paris,
Presses de Sciences Po, 2004 ; MULLER Pierre, SUREL Yves, L'analyse
des politiques publiques, Montchrestien, Paris, 1998, pp.140 et suiv.
* 1116 HALL
Peter, «Policy Paradigms, Social Learning and the State. The Case of
Economics Policymaking in Britain», Comparative politics, vol.25,
1993, p.297.
* 1117
Assemblée Nationale, 2 aout 1982, Journal Officiel. Cité
dans CASSIA Paul, Robert Badinter. Un juriste en politique,
Éditions Fayard, Paris, 2009, p.164.
* 1118 HOWLETT
Michael, RAMESH M., Studying public policy: policy cycles and policy
subsystems, Toronto, Oxford University Press, 1995. On s'appuie là
aussi sur MULLER Pierre, SUREL Yves, L'analyse des politiques
publiques, Montchrestien, Paris, 1998, p.139.
* 1119 Il serait
intéressant de retracer, de manière plus fine que nous n'avons pu
le faire, la trajectoire de la plupart des dirigeants qui composent la DAP
entre le début des années soixante-dix et la fin des
années quatre-vingt. On se contentera d'analyser le parcours de
quelques-uns de ces magistrats.
* 1120 Jacques,
magistrat chargé de la réglementation sanitaire de 1982 à
1989. Entretien réalisé le 11/01/2008, 3H30.
* 1121 LABORIER Pascale,
« Historicité et sociologie de l'action publique »,
dans LABORIER Pascale, TROM Dany, Historicité de l'action
publique, 2003, p.428.
* 1122 Peter Hall
explique ainsi la remise en cause du paradigme keynésien, qui a
orienté la politique macroéconomique en Grande Bretagne depuis
l'après-guerre jusque dans les années 1970, par les nombreuses
anomalies économiques ainsi que par l'arrivée au pouvoir de
Margaret Thatcher qui a consacré le paradigme monétariste (HALL
Peter, « Policy Paradigms, Social Learning, and the State. The Case
of Economic Policymaking in Britain», Comparative Politics, vol.
25, n°3, p. 275-296). De la même manière, Yves Surel rend
compte de la loi sur le prix unique du livre par une série de conflits
survenus dans les années soixante-dix ainsi que par l'arrivée de
Jack Lang en 1981 à la tête du ministère de la culture
(SUREL Yves, L'Etat et le livre, Paris, L'Harmattan, 1997).
* 1123 Jean
Favard, magistrat à la DAP de 1970 à 1975 puis Conseiller
technique du ministre de la Justice de 1981 à 1986. Entretien
réalisé le 10/01/2008, durée: 3H00.
* 1124 Dans leur
modèle de la poubelle, Cohen, March et Olsen définissent ainsi
une réforme comme étant la rencontre fortuite entre des
problèmes, des solutions, des participants et des « occasions
de choix » dont le désordre évoque celui d'une poubelle
(COHEN Michael, MARCH James, OLSEN Johan, « Le modèle du
"garbage can" dans les anarchies organisées » dans
MARCH James, Décisions et organisations, Paris, Editions
d'Organisation, 1991, pp.163-204).
* 1125
Ibidem, p.166.
* 1126 MENY Yves,
THOENIG Jean-Claude, Politiques publiques, Paris, PUF, 1989.
* 1127 KINGDOM
John W., Agendas, Alternatives and Public Policies, Boston, Little,
Brown and Co, 1984. Cf. RAVINET Pauline, « Fenêtre
d'opportunité » dans Boussaguet L., Jacquot S.,
Ravinet P. (dir.), Dictionnaire des politiques publiques, Paris,
Presses de Sciences Po, 2004, pp.217-225.
* 1128 KINGDOM
John W., Agendas, Alternatives and Public Policies, op.cit., p.173.
* 1129
Ibidem, p.210.
* 1130 On entend
par « problème » la perception d'un
« écart entre ce qui est, ce qui pourrait être ou ce qui
devrait être » (PADIOLEAU Jean-Gustave, L'Etat au concret,
Paris, PUF, 1982, p.25).
* 1131 PERIER
DAVILLE Denis, « La politique pénale de la gauche »,
Etudes, n°363, 07-08/1985, p.43-51.
* 1132 KEELER
John, Réformer. Les conditions du changement politique, Paris,
PUF, 1994.
* 1133
Ibidem, p.72.
* 1134 CHEVALLIER
Jean-Jacques, CARCASSONNE Guy, DUHAMEL Olivier, La Ve
République., op.cit., p.275.
* 1135
« En attendant de démolir les prisons »,
Justice, n°86, 1981, p.11-12.
* 1136 SCHLEGEL
Jean-Louis, « Le droit s'arrête-t-il à la porte des
prisons ? », Projet, n°194, 07-08/1985, pp.2-6.
* 1137 Audition
de Robert Badinter dans La France face à ses prisons, Rapport
au nom de la commission d'enquête sur la situation dans les prisons
françaises, Assemblée Nationale, n°2521, 28 juin 2000, tome
II, p.160.
* 1138 Seule la
proposition n°96, prévoyant la suppression de « toute
censure », fait référence à la prison.
* 1139 FOUCAULT
Michel, « Il faut tout repenser, la loi et la prison »,
Libération, 5/07/1981 ; KNOBELPIESS Bruno, « À
quand la réforme pénitentiaire »,
Libération, 5/07/1981.
* 1140
Entré au barreau de Paris en 1951, Robert Badinter obtient
l'agrégation de droit, puis enseigne à Dijon et à Paris.
Bien que non pénaliste, il construit une grande partie de sa
carrière d'avocat à partir de la défense de criminels
passibles de la peine capitale à l'occasion de procès
retentissants. De par ses nombreuses déclarations abolitionnistes, il
fait alors figue de symbole de la lutte contre la guillotine. Robert Badinter
partage avec F. Mitterrand une même sensibilité à
l'idéologie radicale traditionnelle puisqu'ils se rencontrèrent
dans la Convention des institutions républicaines (CIR),
créée par ce dernier en 1964 (QUANG SANG Julie, La Loi et le
bourreau. La peine de mort en débats (1870-1985), Paris,
L'Harmattan, 2001, pp.160 et suiv).
* 1141 BADINTER
Robert, Les épines et les roses, Paris, LGF/le livre de Poche,
2012, pp.112-113.
* 1142
« Le changement d'orientation de la politique pénale »,
Le Monde, 11/07/1981.
* 1143 BADINTER
Robert, Les épines et les roses, op.cit, p.31.
* 1144 Pierre
Barlet, médecin aux M.A de Lyon depuis 1966 puis responsable du service
des détenus de l'hôpital Lyon Sud depuis 1985. Entretiens
réalisés le 18/04/2003 et le 30/04/2008. Durées: 2H15 et
2H00.
* 1145 Des six
directeurs d'administration du ministère de la Justice, Yvan Zakine fut
le seul à rester en place en 1981.
* 1146 Yvan
Zakine, magistrat affecté à la DAP de 1962 à 1970 puis
directeur de la DAP de 1981 à 1983. Entretien réalisé le
20/03/2008. Durée : 3H00.
* 1147
« La grogne des syndicats de surveillants. Semaine "portes
fermées" dans les prisons », Le Monde, 10/04/1982 ;
« La grève du zèle des gardiens de prison largement
suivie », Le Monde, 17/04/1982.
* 1148
« Le personnel pénitentiaire organise un mouvement d'ampleur
national le 10 mai, après l'échec de la réunion de
concertation », Le Monde, 7/05/1982 ; « Badinter
annule sa rencontre avec les syndicats », Libération,
8-9/05/1982.
* 1149 FROMENT
Jean-Charles, La République des surveillants de prison
(1958-1998), Paris, LGDJ, 1998, p.398.
* 1150
« Les syndicats pénitentiaires ne sont plus hostiles à
toute réforme», Libération, 13/12/1982.
* 1151 Yvan
Zakine, magistrat affecté à la DAP de 1962 à 1970 puis
directeur de la DAP de 1981 à 1983. Entretien réalisé le
20/03/2008. Durée : 3H00.
* 1152
« Les droits sociaux du détenu. Séance de section du 13
mars 1982 », RPDP, n°3, 1982, p.268.
* 1153
« Donner aux détenus le droit de s'associer »,
Libération, 16/10/1984.
* 1154
« 41 détenus en révolte contre la lenteur des
réformes se tailladent les veines », Le Monde,
18/01/1983.
* 1155
« Marseille : 300 détenus sur les toits pour des parloirs
libres », Libération, 20/01/1983 ;
« Après Fleury-Mérogis les Baumettes, une certaine
agitation règne dans les prisons », Le Monde,
21/01/1983 ; « L'agitation dans les prisons
s'étend », Le Monde, 22/01/1983 ;
« Prisons, la troisième manifestation des Baumettes tourne mal
», Libération, 24/01/1983 ; « Huit jours de
manifestations contre une réforme jugée trop
étriquée », Libération, 24/01/1983 ;
« La contagion de l'impatience », Le Monde,
25/01/1983.
* 1156
« Les détenus de Fleury : "Nous voulons une
réforme radicale de la prison" », Libération,
20/01/1983.
* 1157 « Des
surveillants de prison menacent de boycotter la réforme »,
Le Monde, 4/02/1983 ; « Prisons : la révolte des
gardiens », Le Figaro, 4/02/1983.
* 1158
Magistrate, Myriam Ezratty a occupé différentes fonctions
à la Chancellerie, où elle est rentrée en 1959, notamment
à la direction de l'Education surveillée et la direction des
Affaires civiles. Elle fut Conseiller technique de 1974 à 1978 au
cabinet de Simone Veil, ministre de la Santé, l'une de ses amies
d'enfance, avant d'être nommée en juin 1978 à la Cour
d'appel de Paris (Le Monde, 13/04/1983).
* 1159 Myriam
Ezratty, magistrate et directrice de la DAP d'avril 1983 à juillet 1986.
Entretien le 8/02/2008, 3H30.
* 1160 Les
surveillants pénitentiaires n'ayant pas le droit de faire grève
protestent le plus souvent en bloquant l'accès aux établissements
pénitentiaires, sur leur temps de repos, ou en refusant de
procéder à la « mise sous écrou »,
c'est-à-dire aux formalités d'enregistrement des nouveaux
arrivants (empreintes, photos, etc.).
* 1161
« La polémique sur le carnage d'Avignon. La faute à
Badinter ? », Le Quotidien de Paris, 9/08/1983 ;
« Permissions de sortie : Badinter doit s'expliquer »,
Le Quotidien de Paris, 17/08/1983.
* 1162
« Badinter : "La surpopulation rend impossible l'humanisation
des prisons" », Libération, 12/05/1985.
* 1163 PLENEL
Edwy, « La "révolte des prisons" souligne l'urgence d'une
réforme pénitentiaire », Le Monde, 08/05/1985; LEVY
Thierry, « La réforme nécessaire, sans utopie et sans
violence », Libération, 21/05/1985.
* 1164 LECLERC
Henri, « La gauche a échoué »,
Libération, 13 mai 1985.
* 1165 Jean
Favard, magistrat à la DAP de 1970 à 1975 puis Conseiller
technique du ministre de la Justice de 1981 à 1986. Entretien
réalisé le 10/01/2008, durée: 3H00.
* 1166 À
partir du cas du Thatchérisme, Rose et Davies soulignent ainsi le poids
des routines et des décisions antérieures dans les politiques
publiques, davantage héritées que conduites (ROSE Richard, DAVIES
Phillip, Inheritance in Public Policy. Change without Choice in
Britain, New Haven, Yale University Press, 1994).
* 1167 SALLE
Grégory, Emprisonnement et Etat de droit, op.cit., p.308.
* 1168 Philippe
Pottier, éducateur pénitentiaire depuis 1975, secrétaire
général du SNEPAP de 1978 à 1988 et fondateur de la
COSYPE. Entretien réalisé le 27/12/2007, 2H.
* 1169 LOCHAK
Danièle, « La haute administration française à
l'épreuve de l'alternance. Les directeurs d'administration centrale en
1981 » dans CURAPP, La haute administration et la
politique, PUF, 1987, p.49.
* 1170
Ibidem, p.55.
* 1171 En
février 1981, le SM publie un article sur la politisation de la
Chancellerie et l'éviction de certains
syndicalistes (« 13 Place Vendôme : restructuration
et répression », Justice, n°82, 1981,
pp.39-41).
* 1172 L'ancien
siège de la DAP était rue Saint Honoré. Il est aujourd'hui
rue du Renard.
* 1173 TROISIER
Solange, J'étais médecin des prisons. L'affaire des
grâces médicales, op.cit., p.15.
* 1174 DEVILLE
Anne, « Le syndicat de la magistrature en France.
1968-1988 », R.I.E.J, 1993, n°31, p.67.
* 1175 Cf. Annexe
24 : « Entre critique radicale et reforme pragmatique, Le
Syndicat de la magistrature face à la question
pénitentiaire ».
* 1176 BOULANGER
Henri, Six ans d'administration pénitentiaire (1981-1987),
Paris, L'Harmattan, 2004, p.74.
* 1177 Jean
Favard, magistrat à la DAP de 1970 à 1975 puis Conseiller
technique du ministre de la Justice de 1981 à 1986. Entretien
réalisé le 10/01/2008, durée: 3H00.
* 1178 FAVARD
Jean, Le labyrinthe pénitentiaire, Paris, Ed. Le Centurion,
Coll. « Justice humaine », 1981.
* 1179 Jean
Favard, magistrat à la DAP de 1970 à 1975 puis Conseiller
technique du ministre de la Justice de 1981 à 1986. Entretien
réalisé le 10/01/2008, durée: 3H00.
* 1180 Jacques,
magistrat chargé à la DAP de la réglementation sanitaire
de 1982 à 1989. Entretien réalisé le 11/01/2008, 3H30.
* 1181 Myriam
Ezratty, magistrate et directrice de la DAP d'avril 1983 à juillet 1986.
Entretien le 8/02/2008, 3H30.
* 1182 Myriam
Ezratty, magistrate et directrice de la DAP d'avril 1983 à juillet 1986.
Entretien le 8/02/2008, 3H30.
* 1183 Alain
Blanc, responsable de la sous-direction de la réinsertion de 1985
à 1995. Entretien le 19/04/2007, 3H.
* 1184
* 1185
« Un congrès "spécial taulards" », Le
Figaro, 22/11/1985.
* 1186 «Le
citoyen détenu. Le droit à la dignité humaine »,
Justice, n°108, 02/1986, pp.4-6.
* 1187 Yvan
Zakine, magistrat affecté à la DAP de 1962 à 1970 puis
directeur de la DAP de 1981 à 1983. Entretien réalisé le
20/03/2008. Durée : 3H00.
* 1188 Antoine
Lazarus, devient en outre conseiller auprès du ministre des Affaires
sociales, P. Bérégovoy, en 1981.
* 1189 Philippe
Pottier, éducateur pénitentiaire depuis 1975, secrétaire
général du SNEPAP de 1978 à 1988 et fondateur de la
COSYPE. Entretien réalisé le 27/12/2007, 2H.
* 1190 Cf. Annexe
14 : « L'?affaire Mirval? ou la contestation d'un interne
pénitentiaire militant ».
* 1191 Cf. Annexe
25 : « La politique sécuritaire d'Alain Peyrefitte et la
multiplication des pressions envers les professionnels
pénitentiaires ».
* 1192 Philippe
Pottier, éducateur pénitentiaire depuis 1975, secrétaire
général du SNEPAP de 1978 à 1988 et fondateur de la
COSYPE. Entretien réalisé le 27/12/2007, 2H.
* 1193 L'analyse
repose, outre des articles et entretiens, sur les archives de la COSYPE
consultées au siège du SNEPAP à Paris. Que Philippe
Pottier en soit ici remercié.
* 1194 Alain
Blanc, responsable de la sous-direction de la réinsertion de 1985
à 1995. Entretien le 19/04/2007, 3H.
* 1195
« Les détenus et le droit aux soins
médicaux », RPDP, n°1, 01/03, pp.9-17.
* 1196 On
rappelle que Serge Livrozet du C.A.P, considéré comme l'un des
plus critiques à l'égard de la prison, fut alors reçu par
Jean Favard, le Conseiller technique aux prisons de Robert Badinter
(« Comité d'Action des Prisonniers : la prise de
parole », Dedans-Dehors, n°45, 10/2004, pp.18-19).
* 1197 Philippe
Pottier, éducateur pénitentiaire depuis 1975, secrétaire
général du SNEPAP de 1978 à 1988 et fondateur de la
COSYPE. Entretien réalisé le 27/12/2007, 2H.
* 1198
« Huit organisations réclament le "strict respect" des droits
des détenus », Le Monde, 17/07/1981.
* 1199 COSYPE,
« Il n'y a pas de rééducation
pénitentiaire », Actes, n°33, 1981, pp.46-49.
* 1200 COSYPE,
« La question pénitentiaire », Après
demain, n°254-255, 05-06/1983, pp.9-11
* 1201 Ces
informations sont extraites de courriers consultés dans les archives
internes du SNEPAP.
* 1202 Jean
Favard, magistrat à la DAP de 1970 à 1975 puis Conseiller
technique du ministre de la Justice de 1981 à 1986. Entretien
réalisé le 10/01/2008, durée: 3H00.
* 1203 Philippe
Pottier, éducateur pénitentiaire depuis 1975, secrétaire
général du SNEPAP de 1978 à 1988 et fondateur de la
COSYPE. Entretien réalisé le 27/12/2007, 2H.
* 1204 Lettre de
P. Pottier au Conseiller technique du garde des Sceaux datée du
10/08/1982. Archives SNEPAP.
* 1205 Philippe
Pottier, éducateur pénitentiaire depuis 1975, secrétaire
général du SNEPAP de 1978 à 1988 et fondateur de la
COSYPE. Entretien réalisé le 27/12/2007, 2H.
* 1206
« Prisons : "Rien n'a changé" »,
Libération, 26/01/1982.
* 1207 Tandis que
les Quartiers de sécurité renforcés, surnommés QHS,
étaient réservés aux condamnés, les Quartiers de
plus grande sécurité (QPGS) étaient destinés aux
prévenus.
* 1208 COSYPE,
« Dix variations sur le thème du changement »,
Actes, n°37, 1982, pp.11-12.
* 1209
« Des magistrats, des avocats et des éducateurs
dénoncent le "lobby pénitentiaire" »,
Libération, 22/09/1982.
* 1210 La
grève du 10 mai 1982 reçut un accueil mitigé de la part
des surveillants du fait des syndicats Autonome et CFTC qui se
désolidarisèrent des autres syndicats pénitentiaires.
* 1211 On trouve
une synthèse de cette note dans la revue du Syndicat de la magistrature
(COSYPE, « Le lobby pénitentiaire »,
Justice, n°92, 1982, pp.7-21).
* 1212 Philippe
Pottier, éducateur pénitentiaire depuis 1975, secrétaire
général du SNEPAP de 1978 à 1988 et fondateur de la
COSYPE. Entretien réalisé le 27/12/2007, 2H.
* 1213 En 1983,
la CGT exclue la CGT Justice de la confédération syndicale au
motif de cotisations non payées.
* 1214 Jean
Favard, magistrat à la DAP de 1970 à 1975 puis Conseiller
technique du ministre de la Justice de 1981 à 1986. Entretien
réalisé le 10/01/2008, durée: 3H00.
* 1215
« Prisons : le difficile changement », Le Matin,
8/11/1982 ; « Prisons : le "changement"
tarde », Le Monde, 14-15/11/1982.
* 1216 Les
brochures de présentation du colloque annoncent ainsi en couverture sa
présence. Archives SNEPAP.
* 1217
« Après le 10 mai, les prisons restent les prisons »,
Libération, 8/11/1982.
* 1218 BERNAT DE
CELIS Jacqueline, « Le colloque de la COSYPE : prisons : quel changement ?
», RSCDPC, 1983, p.158.
* 1219 Jean
Favard, magistrat à la DAP de 1970 à 1975 puis Conseiller
technique du ministre de la Justice de 1981 à 1986. Entretien
réalisé le 10/01/2008, durée: 3H00.
* 1220 ANEP,
« Situation de l'enseignement dans les prisons », 4 pages,
non daté. Archives internes SNEPAP.
* 1221
« Huit organisations réclament le "strict respect" des droits
des détenus », Le Monde, 17/07/1981.
* 1222
Souligné par nous (Alain Blanc, responsable de la sous-direction de la
réinsertion de 1985 à 1995. Entretien le 19/04/2007, 3H).
* 1223 On
rappelle qu'on a consulté les trois cartons d'archives internes de la
COSYPE dans les locaux du SNEPAP.
* 1224 SEYLER
Monique, « Une intersyndicale sur les prisons »,
Justice, n°87, 1981, pp.10-11.
* 1225
« Administration pénitentiaire. La remise en cause d'une
puissance sans partage », Justice, n°90, 1982, p.43.
* 1226 Philippe
Pottier, éducateur pénitentiaire depuis 1975, secrétaire
général du SNEPAP de 1978 à 1988 et fondateur de la
COSYPE. Entretien réalisé le 27/12/2007, 2H.
* 1227 COSYPE,
« Pour une politique de la santé en milieu
pénitentiaire », Actes, n°37, 1982, pp.16-17.
* 1228
« La médecine pénitentiaire est une médecine en
miettes », Le Quotidien du Médecin, 10/11/1982.
* 1229
« Le personnel médical veut dépendre du
ministère de la Santé », Le Matin,
8/11/1982.
* 1230 Note de
Jacques Laurens de deux pages datée du 4/10/1982. Archives internes
SNEPAP.
* 1231 COSYPE,
« Pour une politique de la santé en milieu
pénitentiaire », Actes, n°37, 1982, pp.16-17.
* 1232 Le
détenus et le droit aux soins médicaux »,
RPDP, n°1, 01/03, pp.9-17.
* 1233 Il s'agit
de deux documents dactylographiés respectivement de six et sept pages
dont les auteurs sont inconnus.
* 1234 Robert
Badinter lui-même l'a reconnu récemment : « Mais je
le dis franchement, la politique pénitentiaire fut un échec. Ce
qui a manqué c'était l'argent : voilà la raison de
l'échec. Parmi la longue liste des priorités sociales, les
prisons n'arrivaient pas en tête. Et de loin. Malgré toutes les
plaidoiries que j'ai pu faire auprès de Matignon ou du ministère
du Budget. On me donnait un peu là où il aurait fallu beaucoup
pour mettre fin aux conditions de détention
misérables » (Le Nouvel Observateur, 17/03/2011).
* 1235 KEELER
John, Réformer, op.cit., p.18.
* 1236 Peter Haas
définit les communautés épistémiques comme des
réseaux de professionnels qui jouent un rôle de
« réducteurs d'incertitude » à l'égard
des gouvernants, en produisant des idées qui servent de support à
l'action publique (HAAS Peter, « Introduction : Epistemic
communities and international policy coordination »,
International Organization, 1992, vol.49, n°1, pp.1-35).
* 1237 La
politique de recherche du Comité d'organisation des recherches
appliquées sur le développement économique et social
(CORDES), ainsi que celle conduite après 1981, reposent par exemple,
au-delà de l'affinité des trajectoires politiques et syndicales,
sur une même conception de la science et du rôle que doivent y
jouer les pouvoirs publics (BEZES Philippe, CHAUVIERE Michel, CHEVALLIER
Jacques, DE MONTRICHER Nicole et OCQUETEAU Frédéric
(dir.), L'État à l'épreuve des
sciences sociales. La fonction recherche dans les
administrations sous la Ve République. Paris, La
Découverte, 2005).
* 1238 Philippe
Pottier, éducateur pénitentiaire depuis 1975, secrétaire
général du SNEPAP de 1978 à 1988 et fondateur de la
COSYPE. Entretien réalisé le 27/12/2007, 2H.
* 1239 Au sujet
de ces premières communautés épistémiques :
ENGUELEGUELE Stéphane, « Les communautés
épistémiques pénales et la production législative
en matière criminelle », Droit et
société, 1998, pp.563-581.
* 1240 Yves Surel
a réintroduit en science politique le modèle paradigmatique
développé par Thomas Kuhn dans son étude
épistémologique sur la structure des révolutions
scientifiques (SUREL Yves, « Les politiques publiques comme
paradigmes » in FAURE Alain, POLLET Gilles, WARIN Philippe,
La construction du sens dans les politiques publiques, L'Harmattan,
1995, pp.125-151).
* 1241 Alain
Blanc, responsable de la sous-direction de la réinsertion de 1985
à 1995. Entretien le 19/04/2007, 3H.
*
1242 En légitimant les
représentations dont ils sont porteurs, les
« médiateurs » défendent ainsi leurs
intérêts propres (MULLER Pierre, Les politiques
publiques, Que sais je ?, Paris, 1990, p.43 et
suiv).
*
1243 SUREL Yves, « Les
politiques publiques comme paradigmes », art.cit., p.146.
* 1244 COHEN
Michael, MARCH James, OLSEN Johan, « Le modèle du "garbage
can"... », art.cit., p.166.
* 1245 KINGDOM
John W., Agendas, Alternatives and Public Policies, op.cit., p.173.
* 1246
« Médecine pénitentiaire : sombre
bilan », Libération, 30/11/1981.
* 1247
« Fleury-Mérogis, un interne de garde de nuit pour 4 600
détenus », Le Matin, 16/07/1985.
* 1248 TROISIER
Solange, Une sacrée bonne femme, op.cit., p.236.
* 1249
Ibidem, p.279.
* 1250
« Médecine pénitentiaire : sombre
bilan », Libération, 30/11/1981.
* 1251 Jacques,
magistrat chargé de la réglementation sanitaire de 1982 à
1989. Entretien réalisé le 11/01/2008, 3H30.
* 1252 Lettre du
21/10/1981 d'André Braunschweig, directeur de cabinet du garde des
Sceaux, à Yvan Zakine (CAC.20020055. Art.1. Courriers de J. Favard).
* 1253 Jean
Favard, magistrat à la DAP de 1970 à 1975 puis Conseiller
technique du ministre de la Justice de 1981 à 1986. Entretien
réalisé le 10/01/2008, durée: 3H00.
* 1254 BADINTER
Robert, Les épines et les roses, op.cit, pp.120-121.
* 1255 Ce fait
est raconté à travers la description qu'en donne Jean Favard dans
son ouvrage ainsi qu'à partir de ses archives consultées au CAC.
Il n'a été cité qu'une seule fois dans la presse par un
médecin anesthésiste de Fresnes ayant été
licencié, selon lequel la patiente se serait opposée à
cette opération (Le Monde, 27/11/1983).
* 1256 Lettre de
Jean Favard à Robert Badinter du 29/08/1981 (CAC. 20020055. Art..1.
Courriers de Jean Favard).
* 1257 Lettre de
Jean Favard à Robert Badinter du 29/08/1981 (CAC. 20020055. Art..1.
Courriers de Jean Favard).
* 1258 Il
semblerait que ce ne soit pas la première fois que le
Médecin-inspecteur effectue des actes médicaux sans le
consentement du patient et sans qu'elle ait le statut de soignant. Elle
décrit ainsi dans l'un de ses ouvrages avoir pratiqué un examen
forcé sur une autre patiente afin de détecter si la grossesse
qu'elle prétendait était simulée : « Le
juge voulait en être sûr car cette détenue refusait de se
laisser examiner [...] Je "reniflai" la supercherie et, après maints
discours, j'arrivai non sans mal à l'examiner. Elle s'était
débattue, nous avait injuriés mais j'étais sûre de
moi, il n'y avait pas de grossesse. J'en prévins le juge, il sembla
soulagé » (TROISIER Solange, J'étais médecin
des prisons. L'affaire des grâces médicales, op.cit.,
p.62).
* 1259 Note de
Jean Favard à l'attention de Robert Badinter du 7/10/1981 (CAC.
20020055. Art.1).
* 1260 FAVARD
Jean, Des prisons, op.cit., p.142.
* 1261 TROISIER
Solange, J'étais médecin des prisons. L'affaire des
grâces médicales, op.cit., p.59.
* 1262 Note de
Jean Favard à l'attention de Robert Badinter du 7/10/1981 (CAC.
20020055. Art.1).
* 1263 Le nom a
bien sûr été remplacé par un autre à la
même consonance alsacienne.
* 1264 Note du
Chef du Bureau du personnel à l'attention du DAP du 5/11/1982 (CAC.
19940511. Art.95). Tous les documents cités ici sont extraits du dossier
de carrière du Dr Hergothe consulté à Fontainebleau.
* 1265 Rapport du
Dr Hergothe au DAP, Christian Dablanc, datée du 29/10/1979.
* 1266 La
réglementation prévoyait qu'au cas où
l'établissement disposerait d'un fauteuil de dentiste, le praticien
devait effectuer un abattement de 60% sur les tarifs conventionnés,
rendant ces postes peu attractifs.
* 1267 Lettre du
DAP, Christian Dablanc, au Dr Hergothe datée du 4/03/1981.
* 1268 Note du
Bureau des méthodes et de la réinsertion sociale au DAP,
Christian Dablanc, datée du 15/01/1980.
* 1269 Note du
Bureau des méthodes et de la réinsertion sociale au DAP,
Christian Dablanc, datée du 23/12/1980.
* 1270 Lettre du
DAP, Yvan Zakine, au Dr Hergothe datée du 7/07/1981.
* 1271 Note de
Jean Favard à l'attention du DAP, Yvan Zakine, datée du
21/05/1982.
* 1272 Lettre du
DRSP de Strasbourg au DAP, Yvan Zakine, datée du 13/10/1982.
* 1273 Rapport du
directeur de la Maison centrale d'Ensisheim au DRSP de Strasbourg, datée
du 29/10/1982.
* 1274 Lettre du
DRSP de Strasbourg au DAP, Yvan Zakine, datée du 13/10/1982.
* 1275 C'est
notamment le cas de l'Hôpital des prisons de Fresnes souvent
comparé à un « paradis » en raison de ses
bonnes conditions de détention, certains détenus cherchant
à s'y faire hospitaliser à tout prix.
* 1276 Tandis que
les médecins pénitentiaires ont un rôle consultatif, le
Médecin-inspecteur avait pour tâche de signer la requête
transmise au service des grâces de la Chancellerie avant le décret
du président de la République.
* 1277 Jean
Favard, magistrat à la DAP de 1970 à 1975 puis Conseiller
technique du ministre de la Justice de 1981 à 1986. Entretien
réalisé le 10/01/2008, durée: 3H00.
* 1278 Jean
Favard, magistrat à la DAP de 1970 à 1975 puis Conseiller
technique du ministre de la Justice de 1981 à 1986. Entretien
réalisé le 10/01/2008, durée: 3H00.
* 1279 Solange
Troisier semblait depuis plusieurs années suspectée au sein du
ministère de la Justice. Dans un courrier daté du 17/01/1975 et
adressé au DAP, le Directeur des affaires criminelles et des
grâces s'interroge sur une lettre adressée le 3 octobre 1974 par
Solange Troisier au président de la République dans laquelle elle
appuie la demande de recours en grâce déposée par l'avocat
d'un détenu résidant à l'étranger. « Il
m'apparaît surprenant, en effet, que Mme le Médecin Inspecteur
Général de l'Administration Pénitentiaire, alors que M.
[...] n'est pas détenu, ait pu, ès qualités, saisir
directement la Présidence de la République d'un recours en
grâce fondé sur des motifs d'ordre médical qu'apparemment
elle n'était pas en mesure de vérifier, s'agissant d'un
condamné absent du territoire français ». Ce directeur
s'interroge également au sujet d'un autre détenu pour lequel le
Médecin-inspecteur avait demandé une grâce à titre
médical. Dans une lettre datée du 27 janvier 1975 le DAP
l'informe en réponse qu'un examen médical effectué
auprès de ce détenu atteste que son état de santé
est compatible avec la détention et que « la grâce de
l'intéressé n'est pas médicalement justifiée en
l'état » (CAC. 19960136. Art.114).
* 1280 Note de
Jean Favard à l'attention de Robert Badinter du 7/10/1981 (CAC.
20020055. Art.1).
* 1281 Cf. Annexe
26 : « Le "scandale des grâces médicales" : le
récit des faits ».
* 1282 DEROGY
Jacques, « Qui a peur de Solange Troisier ? »,
L'Express, 22/07/1983.
* 1283 CARMOUZE
Patrice, « Les faiblesses de l'accusation », Le
Quotidien du Médecin, 17/06/1983.
* 1284 CARMOUZE
Patrice, « Loin de Marseille une justice plus sereine », Le
Quotidien du Médecin, 19/9/1983.
* 1285 CARMOUZE
Patrice « Tous innocents ! », Le Quotidien du
Médecin, 22/02/1984
* 1286 Cf. Annexe
20 : « Asclépios au service de Thémis ou la
position controversée de Solange Troisier en matière de
grèves de la faim ».
* 1287 DEROGY
Jacques, « Les prisons malades de leur médecine »,
L'Express, 18-24/03/1983.
* 1288 TROISIER
Solange, J'étais médecin des prisons. L'affaire des
grâces médicales, op.cit., p.26.
* 1289 FAVARD
Jean, Des prisons, op.cit., p.142.
* 1290
« La médecine pénitentiaire est salement
malade », Le Canard enchaîné, 3/11/1982.
* 1291 Lettre de
Robert Badinter à Jack Ralite, ministre de la Santé, du 2/12/1982
(CAC. 20020055. Art.1).
* 1292 MINISTERE
DE LA JUSTICE, Rapport présenté à Monsieur le garde
des Sceaux par la commission d'étude de la vie quotidienne dans les
prisons, 1982, pp.40-44.
* 1293
Ibidem, p.44.
* 1294 Lettre de
Robert Badinter à Jack Ralite, ministre de la Santé, du 2/12/1982
(CAC. 20020055. Art.1).
* 1295 Jacques,
magistrat chargé de la réglementation sanitaire de 1982 à
1989. Entretien réalisé le 11/01/2008, 3H30.
* 1296
« Une véritable médecine pour les
détenus », Libération, 15/12/1982.
* 1297 Jacques,
magistrat chargé de la réglementation sanitaire de 1982 à
1989. Entretien réalisé le 11/01/2008, 3H30.
* 1298 Myriam
Ezratty, magistrate et directrice de la DAP d'avril 1983 à juillet 1986.
Entretien le 8/02/2008, 3H30.
* 1299 Favard
Jean, magistrat à la DAP de 1970 à 1975 puis Conseiller technique
du ministre de la Justice de 1981 à 1986. Entretien
réalisé le 10/012008, 3H00.
* 1300
« Le commissariat, l'hôpital, la prison... et la
mort », Libération, 1/08/1980.
* 1301
« Histoire macabre pour un détenu décédé
aux "Baumettes" d'une tuberculose », Libération,
19/12/1980.
* 1302 Cf. Annexe
23 : « La stratégie dénonciatrice de
Libération : l'"affaire" Michel Henge ».
* 1303 Francis
Chateaureynaud et Didier Torny définissent le lanceur d'alerte comme
« un personnage ou un groupe non officiel, ou se dégageant de
leur rôle officiel, pour lancer un avertissement à titre
individuel et selon des procédures inhabituelles »
(CHATEAUREYNAUD Francis, TORNY Didier, Les Sombres précurseurs, une
sociologie pragmatique de l'alerte et du risque,
Paris, Éditions de l'École des Hautes
Études en Sciences Sociales, Paris, 1999).
* 1304 HUGUENARD
Pierre, Combats pour la vie. Du maquis au SAMU, Paris, Albin Michel,
1981, p.221.
* 1305 Le nom de
ce praticien a bien sûr été modifié (« Un
détenu meurt des suites d'une opération pratiquée en
prison », Libération,
6/10/1982 ; « Polémiques entre médecins
après le décès d'un détenu », Le
Monde 7/10/1982 ; « Un médecin part en guerre contre
l'hôpital des prisons », Le Matin, 8/10/1982 ;
« Médecine carcérale : le Pr Huguenard
accuse », Tonus, 15/10/1982).
* 1306
« Professeur Huguenard », JT Antenne 2, 20h, 5/10/1982,
archives de l'INA.
* 1307
« Prisons : nouvelle "bavure" à l'hôpital de
Fresnes », Libération, 9/11/1982;
« Fresnes : conflit pour un transfert », Le
Quotidien du Médecin, 9/11/1982.
* 1308 On
rappelle que les « extractions » désignent
d'après le Code de procédure pénale le fait d'escorter le
détenu à l'extérieur de l'établissement, soit pour
les besoins de l'instruction judiciaire, soit pour des examens médicaux.
* 1309
« Nouveau décès à l'hôpital des
prisons », Libération, 6/04/1983 ;
« Décès suspect à l'hôpital de
Fresnes », L'Humanité, 7/04/1983 ; «
À l'hôpital des prisons de Fresnes. Un jeune détenu meurt
après une intervention chirurgicale », Le Monde,
7/04/1983.
* 1310 Lettre du
docteur Perdrot au directeur des prisons de Fresnes du 7/04/1983 (CAC.
19940511. Art.92).
* 1311
« Hôpital de Fresnes : le chirurgien se rebiffe »,
Le Quotidien du Médecin, 7/04/1983.
* 1312
« Le chirurgien-chef de Fresnes met en cause l'administration
pénitentiaire », Libération, 7/04/1983.
* 1313
« Médecine pénitentiaire. On en a assez
d'entendre : "Docteur, calmez-le !" », Le Matin,
30/11/1983.
* 1314
« Médecine pénitentiaire : état
critique », Libération, 30/11/1983.
* 1315
« Polémiques entre médecins après le
décès d'un détenu », Le Monde
7/10/1982 ; « Fresnes : conflit pour un
transfert », Le Quotidien du Médecin, 9/11/1982.
* 1316
« Les médecins des prisons à la Santé : ce
qu'ils en pensent », QDM, 31/1/1983.
* 1317
« Rapport oral de Mme Ezratty au conseil supérieur de la DAP
du 19 novembre 1983 », RPDP, 04-06/1984, p.356.
* 1318 La
circulaire sur l'« autorisation de pénétrer dans les
établissements pénitentiaires » du 20/04/1982 instaure
le traitement régional des autorisations de visite, auparavant
gérées au niveau central.
* 1319
« Rapport oral de Mme Ezratty au conseil supérieur de la DAP
du 19 novembre 1983 », art.cit., p.357.
* 1320 Jacques,
magistrat chargé de la réglementation sanitaire de 1982 à
1989. Entretien réalisé le 11/01/2008, 3H30.
* 1321
Jusqu'alors intégrée à la DAP, l'Education
surveillée chargée de la mise en oeuvre de la Justice des mineurs
devient en 1945 une direction ministérielle autonome. Elle devient la
Direction de la Protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) en 1990.
* 1322 Myriam
Ezratty, magistrate et directrice de la DAP d'avril 1983 à juillet 1986.
Entretien le 8/02/2008, 3H30.
* 1323 Myriam
Ezratty, magistrate et directrice de la DAP d'avril 1983 à juillet 1986.
Entretien le 8/02/2008, 3H30.
* 1324 La culture
apparaît également comme un autre champ d'application, comme en
témoigne ce courrier adressé par le garde des Sceaux au Ministre
de la culture : « Il me parait tout à fait opportun que
cette action de sensibilisation à la culture soit prise en charge par
vos services. Cette intervention constituera une ouverture de la prison sur le
monde extérieur et un échange réciproque de nature
à favoriser la future réinsertion des
intéressés » (Lettre du garde des Sceaux au ministre de
la Culture datée du 19/11/1981 (CAC. 20020055. Art.1).
* 1325 Cf.
Conclusion de la Première partie.
* 1326
« Rapport de Mme Ezratty au conseil supérieur de la DAP du 7
janvier 1986 », RPDP, 04-06/1986.
* 1327 Note de
Ezratty Myriam sur la politique de santé en milieu carcéral
datée du 9/10/1984. Archives DAP.
* 1328 Myriam
Ezratty, magistrate et directrice de la DAP d'avril 1983 à juillet 1986.
Entretien le 8/02/2008, 3H30.
* 1329 FARGEAS
Colette, Détenus-Médecine-Prison. Analyse sociologique d'une
infirmerie de prison, thèse de médecine, université
de Limoges, 1987, p.29.
* 1330 Note de
Philippe Chemithe au DAP datée du 12/11/1982 (CAC 19940511. Art. 98).
* 1331 Lettre de
Jean Favard à Yvan Zakine datée du 11/05/1982 (CAC. 2002055. Art
.1).
* 1332 Lettre de
Jean Favard à Yvan Zakine datée du 21/05/1982 (CAC. 2002055. Art
.1).
* 1333 Yvan
Zakine a attiré notre attention sur les conséquences qui ont
découlé de l'ouverture d'un concours
« externe » pour les directeurs d'établissement,
permettant l'arrivée de nombreux étudiants à cette
fonction.
* 1334 Lettre du
directeur du CP de Fleury-Mérogis au Bureau des personnels datée
du 3/11/1986 (CAC. 199405111. Art.90).
* 1335 Lettre du
Procureur général de Pau au surveillant-chef de la M.A de Pau
datée du 16/08/1976 (CAC. 19940511. Art. 97).
* 1336 Lettre du
Procureur général de Pau au surveillant-chef de la M.A de Pau
datée du 27/01/1982 (CAC. 19940511. Art. 97).
* 1337 Cf.
Introduction du Chapitre 3 - Section 1 : « La
réhabilitation d'un secteur d'action publique
discrédité ».
* 1338
Relevés manuels des dates et heures de visite du médecin de la
M.A de Vesoul. CAC. 199405111. Art.90.
* 1339 Ce
praticien n'effectuait ainsi qu'environ 60 heures par an au lieu des 485 qui
lui étaient payées, faisant de l'activité de
médecin pénitentiaire quelque chose de relativement
rémunérateur.
* 1340 Note du
surveillant-chef de la M.A de Vesoul au Bureau du personnel du 17/01/1980.
CAC.199405111. Art.90.
* 1341 Jacques,
magistrat chargé de la réglementation sanitaire de 1982 à
1989. Entretien réalisé le 11/01/2008, 3H30.
* 1342 Note du
chef du Bureau des personnels au DRSP de Toulouse datée du 30/10/1985
(CAC.19940511. Art. 97).
* 1343 Note de P.
Chemithe au chef du Bureau des personnels datée du 30/10/1985
(CAC.19940511. Art. 97).
* 1344 Tout
établissement est tenu par le règlement de noter sur un registre
l'heure d'arrivée et de départ de chaque personne
pénétrant dans son enceinte.
* 1345 Dossier de
carrière d'un cardiologue de la M.A de Nice (CAC. 19950511. Art.89).
* 1346 Lettre du
DRSP de Lyon au Bureau du personnel datée du 9/10/1983 (CAC.199405111.
Art.90).
* 1347 Lettre du
Bureau du personnel à Philippe Chemithe datée du 7/03/1983 (CAC.
19940511. Art.87).
* 1348 Lettre du
Chef d'établissement de la M.A de Saverne au DRSP de Strasbourg
datée du 10/03/1983 (CAC.19940511. Art.95)
* 1349 Lettre du
Chef des services d'inspection au Bureau du personnel datée du
24/03/1983 (CAC.19940511. Art.87).
* 1350 La
médaille pénitentiaire est une distinction honorifique
décernée par la DAP à ses membres les plus
méritants.
* 1351 Note de
Solange Troisier au DAP concernant la MA de Metz datée du 19/04/1979
(CAC 19940511. Art. 96).
* 1352 Note de
service du DRSP de Strasbourg à la DAP datée du 6/05/1983 (CAC
19940511. Art. 96).
* 1353 Note de P.
Chemithe au Chef du Bureau du personnel datée du 19/06/1983 (CAC
19940511. Art. 96).
* 1354 La
circulaire n°25 de Myriam Ezratty adressée aux directeurs
régionaux et directeurs d'établissements pénitentiaires le
27/09/1985 limite à trois ans renouvelables la durée des
fonctions de médecine pénitentiaire (Archives internes DAP)
* 1355 Lettre du
DRSP de Lille au médecin du CD de Loos datée du 4/02/1987 (CAC.
19940511. Art.92).
* 1356 Lettre de
la DAP au médecin généraliste de la M.A de Nice
datée du 1/12/1983 (CAC. 19940511. Art.87).
* 1357 Outre le
non-respect de leurs horaires, il faut souligner également que certains
médecins effectuaient les examens médicaux d'aptitude des
candidats aux fonctions de surveillant, pour lesquels ils étaient
spécifiquement rémunérés, sur le temps normalement
consacré à la visite des détenus. C'est ce que constate le
rapport de l'IGAS au sujet du médecin-chef de la M.A de Pontoise qui
ainsi « ne réserve guère plus de 3 minutes d'examen
pour chaque détenu » (REYNES, GREGOIRE, TCHERIATCHOUKINE,
Rapport sur la maison d'arrêt de Pontoise, octobre 1984, Rapport
de l'IGAS n°19840133, p.6).
* 1358 Lettre de
démission du médecin de la M.A Dunkerque datée du
20/11/1985 (CAC.19940511. Art. 96).
* 1359 Lettre du
directeur du CD de la réunion au Bureau du personnel datée du
3/05/1984 (CAC. 19950511. Art.89).
* 1360 Lettre du
médecin de la M.A de Châlons-sur-Marne au Bureau du personnel
datée du 8/05/1985 (CAC. 19950511. Art.89).
* 1361 Lettre du
médecin du CD Melun au Bureau du personnel datée du 10/03/1988
(CAC.19950511. Art.89).
* 1362 Lettre du
médecin de la M.A de Chalons sur Saône au Bureau du personnel
datée du 23/12/1982 (CAC. 199405111. Art.90).
* 1363 Jacques,
magistrat chargé de la réglementation sanitaire de 1982 à
1989. Entretien réalisé le 11/01/2008, 3H30.
* 1364
Compte-rendu de la session d'information du 10 décembre 1987
« Soins et hygiène en milieu carcéral », 24
pages ronéotypée. Archives internes DGS.
* 1365
Jérôme, généraliste puis médecin-chef aux
Baumettes de 1979 à 1983. Entretien réalisé le 24/02/2006,
1H50.
* 1366 Jean
Favard, magistrat à la DAP de 1970 à 1975 puis Conseiller
technique du ministre de la Justice de 1981 à 1986. Entretien
réalisé le 10/01/2008, durée: 3H00.
* 1367 Jacques,
magistrat chargé de la réglementation sanitaire de 1982 à
1989. Entretien réalisé le 11/01/2008, 3H30.
* 1368 Note du
Bureau des méthodes et de la réinsertion à l'attention du
Bureau des personnels datée du 3/01/1984 (CAC.19940511. Art.87).
* 1369 Note de
Philippe Chemithe, Chef de l'inspection des services pénitentiaires, au
directeur de l'Administration pénitentiaire du 3/03/1983. Archives
internes DAP.
* 1370 Lettre de
la DAP, Myriam Ezratty, au Chef de l'IGAS du 18/09/1984. Dossier C3 Inspections
médicales. Archives internes DAP.
* 1371 Aucun des
membres de l'IGAS n'a pu être interviewé. Celui qui fut le plus
chargé de ces questions alors, le Dr Tchériatchoukine fut
contacté téléphoniquement mais n'a pu être
rencontré pour des raisons pratiques.
* 1372
AVRIL J., TCHERIATCHOUKINE Jean, Rapport sur l'hôpital de
Fresnes, Rapport IGAS, juin 1983.
* 1373 Favard
Jean, magistrat à la DAP de 1970 à 1975 puis Conseiller technique
du ministre de la Justice de 1981 à 1986. Entretien
réalisé le 10/012008, 3H00.
* 1374 Cf. Annexe
27 : « L'anesthésiste et le chirurgien : la prise en
compte par l'IGAS des contraintes pénitentiaires ».
* 1375
AVRIL J., TCHERIATCHOUKINE Jean, Rapport sur l'hôpital des
prisons de Fresnes, op.cit, pp.7-9.
* 1376 BROYELLE
Jean, TCHERIATCHOUKINE Jean, Rapport sur l'hôpital des prisons de
Marseille, Rapport IGAS, janvier 1984, n°1984001, p.3.
* 1377
Ibidem, pp.16-17.
* 1378
Ibidem, p.25.
* 1379 Circulaire
DAP du 24/01/1984 relative aux hospitalisations à la prison
hôpital des Baumettes.
* 1380 Jacques,
magistrat chargé à la DAP de la réglementation sanitaire
de 1982 à 1989. Entretien réalisé le 11/01/2008, 3H30
(Souligné par nous).
* 1381 Courrier
du garde des Sceaux à Edmond Hervé, secrétaire d'Etat
chargé de la Santé, du 18 octobre 1983 (CAC. 19950151 Art.6.
Archives de Jacques Roux, Directeur général de la
santé : médecine pénitentiaire).
* 1382 Courrier
d'Edmond Hervé à Robert Badinter, garde des Sceaux, du 17
novembre 1983 (CAC. 19950151 Art.6)
* 1383 BROYELLE
Jean, AVRIL J., TCHERIATCHOUKINE Jean, Rapport sur les problèmes de
santé dans les établissements pénitentiaires, Rapport
IGAS, mai 1984, n°1984060, p.6
* 1384 Cf. Annexe
28 : « Entre surmenage et lassitude, portraits de trois
infirmières pénitentiaires exerçant dans les années
quatre-vingt ».
* 1385 28 postes
d'infirmières furent pourvus par concours de 1978 à 1979, contre
82 cessations de fonction, dont 55 par démission, au cours de la
même période (FAVARD Jean, Le Labyrinthe
pénitentiaire, op.cit., p.54).
* 1386
Souligné par nous.
* 1387 Cf.
Chapitre 1, section 2-1 : « La dénonciation par les
militants de la cause carcérale de la prise en charge médicale
des détenus ».
* 1388 BROYELLE
Jean, AVRIL J., TCHERIATCHOUKINE Jean, Rapport sur les problèmes de
santé, op.cit., p.54.
* 1389
Ibidem, p.138.
* 1390 LUCAS
Michel, « Note relative à la médecine
pénitentiaire », 15/12/1983, 5 pages (CAC. 19950151 Art.6).
* 1391
« Pour une médecine pénitentiaire plus libre »,
Le Quotidien du médecin, 13/02/1984.
* 1392
« Pour Myriam Ezratty, directrice de l'administration
pénitentiaire : "Il n'y a pas deux médecines : l'une
pour la société civile, l'autre pour le monde carcéral"
», Panorama du médecin, 1984.
* 1393 Il est
prévu une distinction entre « établissements d'une
certaine importance » qui seraient dotés d'une
« unité de soins médicaux » dans laquelle les
soins seront assurés par du personnel doté du statut d'agent
public : médecin directeur responsable de l'unité, personnel
médical, para-médical et social ». Et, d'autre part,
des établissements « de moindre importance »
où le personnel médical serait vacataire et un personnel
paramédical de statut public (DGS, « Note sur l'organisation
de la médecine pénitentiaire », document non
daté (CAC. 19950151 Art.6).
* 1394 DGS,
« Note sur l'organisation de la médecine
pénitentiaire », document non daté (CAC. 19950151
Art.6).
* 1395 DAP,
« Note sur la prise en charge hospitalière des
détenus », 2/04/1984, 10 pages (CAC. 19950151 Art.6).
* 1396 DGS,
« Note sur l'organisation de la médecine
pénitentiaire », document non daté (CAC. 19950151
Art.6).
* 1397 BROYELLE
Jean, AVRIL J., TCHERIATCHOUKINE Jean, Rapport sur les problèmes de
santé, op.cit., p.137.
* 1398 Courrier
de Myriam Ezratty à Jacques Roux, DGS, du 11 avril 1984 (CAC. 19950151
Art.6).
* 1399 DAP,
« Synthèse du rapport sur les problèmes de santé
dans les établissements pénitentiaires », document
ronéotypé de la bibliothèque DAP, 1993.
* 1400 La DSS
s'oppose à l'application de la loi du 29 janvier 1975 prévoyant
l'immatriculation de tous les détenus aux assurances maladie et
maternité du régime général au nom de l'article
D.380 du CPP qui prévoit la gratuité des soins prise en charge
par la DAP. Interrogé sur cette question, le Conseil d'Etat confirme
dans un avis du 10/06/1986 que cet article rend impossible la mise en oeuvre de
la réforme de 1975. Cet avis du Conseil d'Etat sera mis en avant par la
DSS jusqu'à la réforme de 1994 qui modifiera l'article D.380 du
CPP.
* 1401 Jacques,
magistrat chargé de la réglementation sanitaire de 1982 à
1989. Entretien réalisé le 11/01/2008, 3H30.
* 1402 DAP,
« Note sur la prise en charge hospitalière des
détenus », 2/04/1984, 10 pages (CAC. 19950151 Art.6).
* 1403 DAP,
« Synthèse du rapport sur les problèmes de
santé...», document ronéotypé, bibliothèque
DAP, 1993.
* 1404
« Médecine pénitentiaire : la réforme est
toujours à venir», Le Quotidien du médecin,
24/10/1984.
* 1405
Interniste, gastro-entérologue et urgentiste à l'APHP, Pierre
Espinoza exerce alors en tant que médecin généraliste
remplaçant en banlieue parisienne. Faute d'être praticien
hospitalier à l'APHP, il envisage d'ouvrir son cabinet en tant que
gastro-entérologue avant d'accepter en 1983 le poste de
médecin-coordinateur à l'Hôpital de Fresnes.
* 1406 Pierre
Espinoza, chef de service de l'Unité de soins intensifs de
l'Hôpital de Fresnes de janvier 1983 à septembre 1991. Entretiens
réalisés le 16/05/2006, le 31/05/2006 et le 22/04/2008.
Durées :1H45, 2H00 et 1H50.
* 1407
« Un vrai hôpital pour les détenus »,
Libération, 19/12/1984.
* 1408 Myriam
Ezratty, magistrate et directrice de la DAP d'avril 1983 à juillet 1986.
Entretien le 8/02/2008, 3H30.
* 1409 REYNES,
GREGOIRE, TCHERIATCHOUKINE, Note concernant les règlements
intérieurs des Hôpitaux des prisons de FRESNES et des BAUMETTES de
MARSEILLE, Rapport IGAS, septembre 1984, n°19840124, 12p.
* 1410 Myriam
Ezratty, magistrate et directrice de la DAP d'avril 1983 à juillet 1986.
Entretien le 8/02/2008, 3H30.
* 1411 Jacques,
magistrat chargé de la réglementation sanitaire de 1982 à
1989. Entretien réalisé le 11/01/2008, 3H30.
* 1412 Le
décret du 30/01/1984 est complété par la circulaire D.G.S.
/3A/390 du 30 août 1984 relative au contrôle exercé par les
services extérieurs du ministère chargé de la santé
dans les établissements pénitentiaires.
* 1413 On
distingue le « Médecin-inspecteur », poste
anciennement occupé par Solange Troisier et dépendant de la DAP,
du « médecin inspecteur » de santé publique
des services du ministère de la Santé.
* 1414 RAIMONDEAU
Jacques, BRECHAT Pierre-Henri, « 100 ans d'une histoire des
médecins inspecteurs de santé publique »,
Actualité et dossiers en santé publique, n°41,
12/2002, pp.67-71.
* 1415 Jacques,
magistrat chargé à la DAP de la réglementation sanitaire
de 1982 à 1989. Entretien réalisé le 11/01/2008, 3H30.
* 1416
Compte-rendu de la session d'information du 10 décembre 1987
« Soins et hygiène en milieu carcéral », 24
pages ronéotypée. Archives internes DGS.
* 1417 Document
manuscrit interne DGS. Archives internes DGS.
* 1418
Compte-rendu de la session d'information du 10 décembre 1987
« Soins et...». Archives internes DGS.
* 1419 Courrier
de la Sous direction de l'organisation des soins (Bureau 3A) de la DGS au MISP
de Haute-Marne daté du 25/09/1985. Archives internes DGS.
* 1420
Danièle
Fuchs, MISP, chargée de mission à la Direction des
Hôpitaux de 1987 à 1991, membre du rapport du Haut comité
à la santé publique. Entretien réalisé le
24/05/2006 à Paris, 1H45.
* 1421 DGS,
« Note sur le contrôle exercé par les médecins
inspecteurs de la santé dans les établissements
pénitentiaires pour l'année 1985 », document
dactylographie, 5 pages, 8/08/1986. Archives internes DGS.
* 1422 Rapport du
MISP des Landes sur la M.A de Mont de Marsan daté du 5/08/1985, 9 pages
(CAC. 19940511. Art.97).
* 1423 DDASS
Moselle, « Rapport d'inspection du Médecin inspecteur de la
santé », 6/08/1990. Archives DGS.
* 1424 Anne,
infirmière Croix-Rouge à la M.A de Pontoise de 1980 à
1990. Entretien réalisé le 5/01/2006, 2H.
* 1425 Yvette,
infirmière-chef de la M.A de Bois d'Arcy de 1980 à 1998 et ayant
participé au Comité Santé /Justice de 1984 à 1988.
Entretiens réalisés le 31/04 et le 4/05/2006, 3H et 3H.
* 1426 Dans son
rapport un MISP constate ainsi que l'établissement accueillant 100
détenus ne dispose que d'une infirmière sur les 4 postes
théoriques (Rapport d'inspection du Médecin inspecteur de la
santé relatif à la M.A de Metz, 6/08/1990, 3 pages. Archives
internes DGS). Le rapport fut suivi d'un courrier de la DGS demandant à
la DAP de trouver une solution à « cette situation de
pénurie gravement préjudiciable » (Lettre de la DGS au
Bureau GB3 de la DAP datée du 18/09/1990. Archives internes DGS).
* 1427 Florent,
infirmier à la M.A de Caen de 1988 à 1995. Entretien
réalisé le 25/01/2007, 1H20.
* 1428 Claude,
généraliste à la M.A de Pontoise de 1979 à 1991.
Entretien réalisé le 12/01/2006, 1H10.
* 1429
Françoise, généraliste à Bois d'Arcy de 1986 puis
à Fleury-Mérogis depuis 1996. Entretien le 13/01/2006, 3 H.
* 1430 MASSON
Bernard, « La santé en prison. Médecin de
prison », Médecine de l'homme, n°188,
07-08/1990, pp.7-9.
* 1431 Lettre
manuscrite du médecin de la M.A de Loos au DRSP de Lille datée du
11/11/1986, trois pages (CAC. 199405111. Art 90).
* 1432 Cette
analyse repose sur les minutiers chronologiques de l'IGAS regroupant
essentiellement le suivi des plaintes transmises entre 1986 et 1991 (CAC.
19950229. Art.1-2 : IGAS Minutiers chronologiques)
* 1433 Dans une
lettre du 17/11/1987 adressée à une DDASS, Michel Lucas regrette
« qu'il a été nécessaire d'adresser trois
rappels (dont un téléphonique) pour obtenir un compte-rendu
d'enquête » (CAC. 19950229. Art.1)
* 1434 17
plaintes en 1983, 78 en 1984, 248 en 1985, 171 en 1986, 266 en 1987 (REYNES,
« Les plaintes des détenus » dans
« Soins et hygiène en milieu carcéral »,
op.cit., p.11. Archives internes DGS).
* 1435 Lettre du
Chef de l'IGAS, Michel Lucas, du 9/04/1986 (CAC. 19950229. Art.1).
* 1436 Lettre du
Chef de l'IGAS, Michel Lucas, à un détenu plaignant, le
17/04/1986 (CAC. 19950229. Art.1).
* 1437 REYNES,
« Les plaintes des détenus » dans
« Soins et hygiène en milieu carcéral »,
op.cit., p.12.
* 1438 Lettre du
Chef de l'IGAS, Michel Lucas, à Jean-Pierre Dinthillac datée du
6/11/1986 (CAC. 19950229. Art.1.
* 1439 Lettre du
Chef de l'IGAS, Michel Lucas, au DAP, Arsène Lux, datée du
10/09/1986 (CAC. 19950229. Art.1).
* 1440 REYNES,
TALON, Conditions de décès d'un détenu au centre de
détention de Caen, 01/1986 (Dossier C3 Inspection médicales.
Archives internes DAP).
* 1441 Lettre du
chef de l'IGAS au médecin-chef de Fleury-Mérogis datée du
2/09/1986 (CAC. 19950229. Art.1).
* 1442 Note du
MISP de l'Allier au Chef de l'IGAS, Michel Lucas, datée du 27/08/1986
(CAC. 19950229. Art.1).
* 1443 Lettres
s'échelonnant entre le 1/06/1988 et le 17/04/1989 (CAC. 19950229. Art.2.
IGAS).
* 1444 Lettre du
dentiste de la M.A d'Amiens au MISP Picardie datée du 21/12/1987 (CAC.
199405111. Art.90).
* 1445
« Fleury-Mérogis, un interne de garde de nuit pour 4.600
détenus », Le Matin, 16/07/1985.
* 1446
Hervé, médecin O.R.L à l'Hôpital de Fresnes de 1981
à 2004. Entretien réalisé le 13/02/2006.
Durée : 2h25.
* 1447 Bernard,
médecin aux Baumettes de 1975 à 1985. Entretien
réalisé le 22/02/2006, 2H20.
* 1448 C'est
selon un interviewé suite à un décès que la mission
de l'IGAS fut déclenchée.
* 1449
Jérôme, généraliste puis médecin-chef aux
Baumettes de 1979 à 1983. Entretien réalisé le 24/02/2006,
1H50.
* 1450 DGS,
« Circulaire relative au contrôle exercé par les
médecins inspecteurs de la santé dans les établissements
pénitentiaires », p.2. Archives non versées du
ministère de la Santé.
* 1451 Lettre du
Chef de l'IGAS au MISP des Hautes-Pyrénées datée du
16/06/1988 (CAC. 19950229. Art.1).
* 1452 Lettre de
Roquel, Delomenie et Guirriec à Michel Lucas datée du 2/11/1990.
IGAS/2002/001. Carton n°4.
* 1453 La
« dilution » est une pratique du milieu carcéral qui
consistait à distribuer les médicaments, notamment les
psychotropes, dilués dans de l'eau et mélangés tous
ensembles. La potion, parfois préparés plusieurs jours à
l'avance, était distribuée au détenu en coursive et devait
être bue devant le surveillant qui la distribuait.
* 1454 Yvette,
infirmière-chef de la M.A de Bois d'Arcy de 1980 à 1998 et ayant
participé au Comité Santé /Justice de 1984 à 1988.
Entretiens réalisés le 31/04 et le 4/05/2006, 3H et 3H.
* 1455 Lettre de
la DAP, Myriam Ezratty, au chef de l'IGAS, Michel Lucas, datée du
27/06/1984. Dossier C3 Inspection médicales. Archives internes DAP.
* 1456 Pierre
Espinoza, chef de service de l'Unité de soins intensifs de
l'Hôpital de Fresnes de janvier 1983 à septembre 1991. Entretiens
réalisés le 16/05/2006, le 31/05/2006 et le 22/04/2008.
Durées :1H45, 2H00 et 1H50.
* 1457 Jean
Favard, magistrat à la DAP de 1970 à 1975 puis Conseiller
technique du ministre de la Justice de 1981 à 1986. Entretien
réalisé le 10/01/2008, durée: 3H00.
* 1458 Myriam
Ezratty, magistrate et directrice de la DAP d'avril 1983 à juillet 1986.
Entretien le 8/02/2008, 3H30.
* 1459 Pierre
Espinoza, chef de service de l'Unité de soins intensifs de
l'Hôpital de Fresnes de janvier 1983 à septembre 1991. Entretiens
réalisés le 16/05/2006, le 31/05/2006 et le 22/04/2008.
Durées :1H45, 2H00 et 1H50.
* 1460
Décret 85-836 du 6 août 1985 modifiant certaines dispositions du
CPP (J.O du 8 août 1985).
* 1461 À
partir de 1988, le Comité sera co-présidé par le ministre
de la Santé et le garde des Sceaux. Il est dans les faits
présidé par la DAP, Myriam Ezratty et par Michel Lucas, Chef de
l'IGAS.
* 1462 Les
comptes-rendus du Comité ont officiellement disparus des archives de
l'IGAS tout comme de celles du ministère de la Justice. On les a
cependant trouvés, bien qu'incomplets, dans des dossiers non
versés de la DAP.
* 1463 On peut
citer en particulier M.M Boulanger, Dinthillac, Matagrin, Darbeda, Chemithe.
* 1464 Pierre
Espinoza, chef de service de l'Unité de soins intensifs de
l'Hôpital de Fresnes de janvier 1983 à septembre 1991. Entretiens
réalisés le 16/05/2006, le 31/05/2006 et le 22/04/2008.
Durées :1H45, 2H00 et 1H50.
* 1465 P.V du
Comité de coordination de la santé en milieu carcéral du
17/12/1984, 5 pages. Archives internes DAP.
* 1466 P.V du
Comité de coordination de la santé en milieu carcéral du
16/09/1985, 4 pages. Archives internes DAP.
* 1467 Pierre
Espinoza, chef de service de l'Unité de soins intensifs de
l'Hôpital de Fresnes de janvier 1983 à septembre 1991. Entretiens
réalisés le 16/05/2006, le 31/05/2006 et le 22/04/2008.
Durées :1H45, 2H00 et 1H50.
* 1468 Yvette,
infirmière-chef de la M.A de Bois d'Arcy de 1980 à 1998 et ayant
participé au Comité Santé /Justice de 1984 à 1988.
Entretiens réalisés le 31/04 et le 4/05/2006, 3H et 3H.
* 1469 Cf. Annexe
29 : « Les effets limités des contrôles de
l'IGAS : l'exemple de la M.A de
Pontoise ».
* 1470 Cf.
PIERSON Paul, Politics in time: history, institutions, and social
analysis, Oxford, Princeton University Press, 2004. Pour une
présentation générale : PALIER Bruno, « Path
dependence (Dépendance au chemin emprunté) »,
dans Boussaguet L., Jacquot S., Ravinet P. (dir.), Dictionnaire
des politiques publiques, Paris, Presses de Sciences Po, 2004,
pp.318-325.
* 1471 Cf. Annexe
30 : « Les effets pervers d'une modernisation et d'une nouvelle
régulation de la médecine pénitentiaire: le difficile
recrutement des chirurgiens-dentistes ».
* 1472 Note du
Bureau des personnels adressée au DAP Zakine datée du 17/12/1982
(CAC.19940511. Art 88).
* 1473 Lettre de
l'interne de l'Hôpital de Fresnes au DAP Zakine datée du
19/01/1983 (CAC.19940511. Art 88).
* 1474 Lettre du
Bureau des personnels à l'inspecteur Chemithe datée du 11/02/1983
(CAC.19940511. Art 88).
* 1475 Lettre du
DAP Zakine au directeur de l'Hôpital Fresnes du 25/02/1983 (CAC.19940511.
Art 88).
* 1476 Lettre de
la DAP Ezratty au Conseiller technique Jean Favard datée du 8/06/1983
(CAC.19940511. Art 88).
* 1477
JÖNSSON Alexandra, « Incrémentalisme »,
dans BOUSSAGUET L., JACQUOT S., RAVINET P. (dir.), Dictionnaire
des politiques publiques, Paris, Presses de Sciences Po, 2004,
pp.259-266 ; FARGES Eric, « Inquiry and change ou
l'aspiration d'une démocratie fondée sur
l'enquête », Politiques et management public (PMP),
06/2006, pp.146-157.
* 1478 Cf.
Chapitre 1-Section 2-3 : « La contestation de la psychiatrie
pénitentiaire et son intégration au dispositif... ».
* 1479 Cf. Annexe
31 : « La création des Services
médico-psychologiques régionaux (SMPR) en 1986, acte de
décès de la
"psychiatrie pénitentiaire" ».
* 1480 «
Prisons : dangereuse libéralisation. Robert Badinter adoucit encore
le régime carcéral», Le Figaro, 9/08/1985.
* 1481
« Mes 48 heures dans la prison dont l'on ne s'évade
jamais », Le Figaro-Magazine, 10/05/1986.
* 1482
« Cinquante-six mois à la chancellerie. Abolir, humaniser,
moderniser », Le Monde, 21/02/1986.
* 1483 LEGOUX
Alain, L'impératif pénal, Paris, Robert Laffont, 1986,
p.149.
* 1484
« Un syndicat "apolitique" créé en 1981 contre M.
Badinter », Le Monde, 03/12/1998.
* 1485 Alain
Blanc, responsable de la sous-direction de la réinsertion de 1985
à 1995. Entretien le 19/04/2007, 3H.
* 1486 LEGOUX
Alain, L'impératif pénal, op.cit.p.148.
* 1487 Alain
Blanc, responsable de la sous-direction de la réinsertion de 1985
à 1995. Entretien le 19/04/2007, 3H.
* 1488
Conçu par Albin Chalandon comme un programme de 15.000 places, le projet
sera ramené à 13.000 places par Pierre Arpaillange qui lui
succède en 1988. L'expression « programme 13.000 »
bien connue dans la Pénitentiaire sera cependant utilisée par
simplicité.
* 1489 SOLARO
Chantal, « Prisons privées : le choix du
tout-carcéral », Justice. Journal du syndicat de la
magistrature, n°114, 03/1987, pp.26-27.
* 1490 CHEVALLIER
Jean-Jacques, CARCASSONNE Guy, DUHAMEL Olivier, La Ve
République., op.cit., p.347.
* 1491 Homme de
finance, Albin Chalandon est élu député d'Asnières
en mars 1967 aux couleurs de l'UDR. Il est nommé ministre de
l'Equipement et du Logement de juillet 1968 à juillet 1972, phase
où il est remarqué pour la privatisation des autoroutes ainsi que
le projet des « chalandonnettes », avant de quitter la
« politique active » en 1976 pour assurer la
présidence d'Elf Aquitaine jusqu'en 1983 (Le Monde,
3/04/1986 ; Libération, 29/04/1986).
* 1492 Voir la
série d'articles consacrée en juin 1986 par Le Figaro
à la surpopulation aux prisons de Lyon.
* 1493 FROMENT
Jean-Charles, La République des surveillants de prison
(1958-1998), op.cit., p.249.
* 1494 On devrait
peut-être parler de contre-modèle, si l'on en croit la
réponse apportée par le Directeur du Bureau des prisons
américaines à son homologue français :
« Bien qu'il n'y ait pas eu de problèmes opérationnels
majeurs avec ces contrats de services privés, nous n'en avons
retiré aucun bénéfice financier, ou de qualité de
service. En fait, les coûts ont été supérieurs
à ceux du Bureau des prisons pour des établissements
correctionnels de même niveau de sécurité »
(Lettre de Normal A. Carlson, chef du Federal Bureau of prison, au DAP du
19/12/1986. Document bibliothèque DAP). Le Federal Bureau of prison,
équivalent américain de la DAP, n'est chargée que des
seules prisons fédérales. Ces dernières ont cependant vu
leur population fortement augmenter depuis les années quatre-vingt,
dépassant ainsi celle du Texas et de la Californie, et ont surtout
multiplié le recours depuis les années 2000 au système de
délégation privé.
* 1495
« Les projets de M. Albin Chalandon. Prisons "made in
USA" », Le Monde, 15-16/06/1986.
* 1496
« Chalandonnettes à barreaux »,
L'Humanité, 17/06/1986.
* 1497 SALLE
Grégory, Emprisonnement et Etat de droit, op.cit., p.315.
* 1498
« Prisons privée : la majorité divisée.
Raymond Barre est très réservé sur le projet »,
Le Matin, 20/11/1986.
* 1499
« Les prisons privées provoquent une fêlure dans la
majorité », Le Monde, 21/11/1986.
* 1500 PETIT
Jacques-Guy, « Prisons privées, prisons
d'autrefois », Le Monde, 11/09/1986 ; MICHEL
Jean-Pierre, « On ne privatise pas les prisons comme les
autoroutes », Le Matin, 25/09/1986 ; GABORIAUX Simone,
« Prisons : non à la logique du marché »,
Le Monde, 26/09/1986 ; DORLHAC DE BORNE Hélène,
« Le droit de punir incombe à l'Etat », Le
Monde, 19/11/1986.
* 1501
TARTAKOWSKY Pierre, La prison, op.cit., p.323.
* 1502 «
Prisons privées : les gardiens sont pour », Le
Figaro, 18/06/1986.
* 1503 LECLERC
A., « Politique publique : chronique d'une réforme
avortée : la loi pénitentiaire », dans
PÉCHILLON E., HERZOG-EVANS E. (dir.), Le droit de
l'exécution des peines, problème et enjeux d'une discipline
juridique en formation, Rapport de recherche pour le GIP Justice, Rennes
1, 2003, p.18.
* 1504 On
s'inspire ici du document suivant trouvé à la bibliothèque
de la DAP : Délégation pour la réalisation
d'établissements pénitentiaires, « Programme
15.000 », 13/05/1989.
* 1505 Louis
Joinet, membre fondateur du SM, est alors membre du cabinet du premier
ministre, Michel Rocard.
* 1506 Alain
Blanc, responsable de la sous-direction de la réinsertion de 1985
à 1995. Entretien le 19/04/2007, 3H.
* 1507 Lettre de
la DGS au garde des Sceaux du 19/04/1989. Archives internes DGS.
* 1508 DGS,
compte-rendu du groupe de travail relatif au fonctionnement du service
médical des établissements pénitentiaires du programme
« 13.000 » du 24/03/1989 Document manuscrit. Archives
internes DGS.
* 1509 Lettre de
la DGS au garde des Sceaux du 19/04/1989. Archives internes DGS.
* 1510 Philippe
Pottier, éducateur pénitentiaire depuis 1975, secrétaire
général du SNEPAP de 1978 à 1988 et fondateur de la
COSYPE. Entretien réalisé le 27/12/2007, 2H.
* 1511 Alain
Blanc, responsable de la sous-direction de la réinsertion de 1985
à 1995. Entretien le 19/04/2007, 3H.
* 1512 THIBAULT
Philippe Michel, Le défi des prisons "privées", Paris,
Albin Michel, 1995, pp.174-175.
* 1513 Tandis
qu'en matière de maintenance, de restauration ou de travail, seules des
obligations de résultats sont imposées aux groupements, des
obligations de moyens, notamment en termes d'effectifs, sont définies
par la DAP en matière de santé sous la forme de cahiers des
charges.
* 1514 Jean-Paul
Jean, magistrat, Conseiller technique du ministre de la Santé de mai
1988 à mai 1991 puis Conseiller
technique des ministres de la Justice de mai 1991 à avril 1992.
Entretien réalisé le 6/07/2005, 2H.
* 1515 Alain
Blanc, responsable de la sous-direction de la réinsertion de 1985
à 1995. Entretien le 19/04/2007, 3H.
* 1516 Lettre du
DAP, Jean-Pierre Dintilhac, au Bureau de l'action sanitaire et à IGAS,
« Projet de circulaire sur la délivrance des
médicaments dans les établissements pénitentiaires du
programme 13 000 », 29 juin 1990 (IGAS/2002/001 Carton n°4)
* 1517 Voir les
fiches de contrôle qualité santé et le tableau
régional santé du Manuel des procédures de
contrôle et de suivi de l'exécution des marchés de
fonctionnement du 3/10/1991. Bibliothèque DAP.
* 1518 Cf. Annexe
1 : « Présentation de l'Administration
pénitentiaire ».
* 1519 Jacques,
magistrat chargé de la réglementation sanitaire de 1982 à
1989. Entretien réalisé le 11/01/2008, 3H30 (Souligné par
nous).
* 1520 On
s'appuie ici sur les archives internes non-versées de la DGS
consultées au ministère de la Santé.
* 1521 Note de la
DGS à Monsieur le Chef de l'IGAS datée du 29/09/1987. Archives
internes DGS.
* 1522 Lettre du
ministère de la Santé au garde des Sceaux datée du
13/11/1987. Archives internes DGS.
* 1523 Avis du
médecin inspecteur de la santé publique sur le projet de M.A de
600 places à Villepinte daté du 12/11/1987. Archives internes
DGS.
* 1524 Compte
rendu de la MISP de la DDASS de l'Essonne sur la Commission d'appel d'offre
pour les prisons privées. 16/01/1988. Archives internes DGS.
* 1525 Ces
informations sont extraites des synthèses d'évaluation
trouvées dans les archives de la DGS internes.
* 1526 En dehors
de quelques très grands établissements, les prisons ne disposent
pas de personnel médical la nuit. Cette question fait encore
débat aujourd'hui.
* 1527 C'est en
partie parce que l'enveloppe budgétaire ne recouvrait pas les
dépenses que HPI et Dumez se sont retirés du marché en
question par la suite.
* 1528 DGS,
compte rendu du groupe de travail relatif au service médical des
nouveaux établissements pénitentiaire du programme
« 13.000 » du 18/10/1988. Document manuscrit. Archives DGS
internes.
* 1529 DGS,
prises de notes manuscrites lors de la réunion du 8/11/1989 du groupe de
travail relatif au fonctionnement médical des prisons
« 13.000 ». Archives internes DGS.
* 1530 DGS,
compte rendu du groupe de travail relatif au service médical des
nouveaux établissements pénitentiaire du programme
« 13.000 » du 8/11/1988. Document manuscrit. Archives
internes DGS.
* 1531 DGS,
compte rendu du groupe de travail relatif au service médical des
nouveaux établissements pénitentiaire du programme
« 13.000 » du 7/10/1988. Document manuscrit. Archives
internes DGS.
* 1532 DAP,
« Les effectifs du service médical dans les
établissements du programme 13.000 »,
01/1989.Bibliothèque DAP.
* 1533 Note DGS
au Conseiller technique du ministre de la Santé datée du
20/01/1989. Archives internes DGS.
* 1534 DAP,
Programme 13.000. Rapport de fonctionnement 1991. Bibliothèque DAP.
* 1535 Sylvie,
médecin-chef à la M.A de Villepinte de 1991 à 1997 puis
Directeur médical de la zone Nord GEPSA. Entretien réalisé
le 17/06/2005, 2H50.
* 1536 AKRICH
Madeleine, CALLON Michel, « L'intrusion des entreprises
privées dans le monde carcéral français : le
programme 13000 » dans ARTIERES Philippe, LASCOUMES Pierre, (dir.),
Gouverner, enfermer. La prison, un modèle
indépassable ?, Paris, Presses de Sciences Po, 2004, p.303
* 1537 MYNARD
Dominique, « Administration des médicaments en milieu
pénitentiaire : une évolution possible », document
de travail GEPSA, 18/07/1990 (CAC. 20020140. Art.13 : Rapport IGAS sur les
médicaments en milieu carcéral).
* 1538
« Pour un guide de conduite éthique et
déontologique » in DAP, Soigner absolument ! Pour une
médecine sans rupture entre la prison et la ville, actes du
colloque des 4 et 5 avril, Paris, 1992, p.11.
* 1539
Hervé Dubost-Martin, cadre de GEPSA devenu DG en 1995. Entretien
réalisé le 24/06/2005, 2H20.
* 1540 AKRICH
Madeleine, CALLON Michel, « L'intrusion des entreprises
privées...», art.cit., p.308.
* 1541 Lettre du
directeur des Hôpitaux de Paris International à M. De
Véricourt, PDG de GEPSA, du 24/08/1990 (CAC. 20020140. Art.13).
* 1542
Hervé Dubost-Martin, cadre de GEPSA devenu DG en 1995. Entretien
réalisé le 24/06/2005, 2H20.
* 1543
Hervé Dubost-Martin, cadre de GEPSA devenu DG en 1995. Entretien
réalisé le 24/06/2005, 2H20.
* 1544 Sylvie,
médecin-chef à la M.A de Villepinte de 1991 à 1997 puis
Directeur médical de la zone Nord GEPSA. Entretien réalisé
le 17/06/2005, 2H50.
* 1545 En vertu
du décret du 31 juillet 1987, l'habilitation nécessaire pour
exercer en milieu carcéral ne peut être retirée que pour
des raisons graves et cela suppose une démarche administrative
susceptible de recours.
* 1546 On
s'appuie ici sur les archives du cabinet Méhaignerie saisi de cette
question (CAC. 19950466. Art.44).
* 1547 Lettre de
la DRSP de Lille à J. Schmelck, DG de GEPSA, datée du 30/07/1992
(CAC. 19950466. Art.44).
* 1548 Lettre de
J. Schmelck, DG de GEPSA, au DRSP de Lille du 25/08/1992 (CAC. 19950466.
Art.44).
* 1549 Note
interne de la société GEPSA du directeur général
délégué datée du 18/02/1993 (CAC. 19950466.
Art.44).
* 1550 Lettre de
J.C Karsenty, DAP, à J. Gabriel, PDG de GEPSA, datée du 9/11/1992
(CAC. 19950466. Art.44).
* 1551 Lettre de
J-C. Karsenty, DAP, à J. Schmelck, DG de GEPSA, datée du
6/05/1993 (CAC. 19950466. Art.44).
* 1552 Lettre de
J. Schmelck auprès de Philippe Léger, directeur de cabinet du
garde des Sceaux, datée du 11/05/1993.
* 1553 Une
psychiatre médecin-chef du SMPR de Rouen ayant rédigé
l'arrêté fixant le règlement intérieur des SMPR
rappelle les enjeux de pouvoir que revêtait la distribution des fioles de
psychotropes en détention ces derniers ayant une fonction
d'échange : « "Si tu me dis ce qui s'est passé cet
après midi à l'atelier, je te la donne, sinon je te la donne
pas !". Donc, ils [les surveillants] avaient un pouvoir de maîtrise
phénoménal ! C'est à dire qu'ils avaient une
maîtrise, notamment sur les toxicomanes qui avaient une dépendance
et qui sont totalement dépendants de leur traitement et qui donc
étaient prêts à dire n'importe quoi pour avoir leur
fiole » (Lucie, psychiatre, membre de la DGS de 1985 à 1988,
médecin-chef du SMPR de Rouen de 1989 à 1996 et membre de la DGS
de 1994 à 1996. Entretiens réalisés les 2/02/2006 et
5/05/2006, 4H et 2H45).
* 1554 AKRICH
Madeleine, CALLON Michel, « L'intrusion des entreprises
privées...», art.cit., p.303.
* 1555 Julien,
généraliste aux Baumettes de 1992 à 1996 puis à
Luynes de 1996 à 1999 puis médecin-chef de la M.A de Salon de
Provence de 1999 à 2000. Entretien réalisé le 21/02/2006,
1H40.
* 1556 Lettre
d'un MISP à l'IGAS du 12/08/1991. 19950229. Art.2. IGAS.
* 1557
BERUT-BERSIER Evelyne, La santé en milieu carcéral,
op.cit., p.125.
* 1558 Jean-Paul
Jean, magistrat, Conseiller technique du ministre de la Santé de mai
1988 à mai 1991 puis Conseiller
technique des ministres de la Justice de mai 1991 à avril 1992.
Entretien réalisé le 6/07/2005, 2H.
* 1559 HPI,
filiale à 50% de l'Assistance publique de Paris, aurait également
fait l'objet d'une mauvaise gestion interne ce qui expliquerait en partie cette
décision. La société sera liquidée peu de temps
après et fera l'objet d'un rapport de la Chambre régionale des
comptes d'IDF (Communiqué APM,
« Villefranche-sur-Saône : HPI ne veut plus assumer les
soins médicaux de la prison "privée" », 29/04/1992).
* 1560 Sylvie,
médecin-chef à la M.A de Villepinte de 1991 à 1997 puis
Directeur médical de la zone Nord GEPSA. Entretien réalisé
le 17/06/2005, 2H50.
* 1561 C'est la
conclusion à laquelle aboutit également le rapport
effectué par un groupe de travail de l'Ecole nationale d'administration
en 1994 : « La délégation des prestations de
santé a constitué une réponse appréciable aux
insuffisances flagrantes de la santé en milieu carcéral [...]
L'existence d'une fonction médicale autonome a permis une transformation
des pratiques médicales au sein de l'établissement. La
distribution des médicaments est systématiquement prise en charge
par les infirmières et non plus par les surveillants. Le respect du
secret médical est assuré avec davantage de vigueur » (ENA,
La gestion de nouveaux établissements pénitentiaires dans le
contexte du programme pluriannuel pour la Justice, Bilan de la promotion
René Char, séminaire décembre 1994, p.7).
* 1562 FARGES
Eric, La gouvernance de l'ingérable. Quelle politique de
santé publique en milieu carcéral ? Analyse du
dispositif soignant des prisons de Lyon et perspectives italiennes,
op.cit, pp.61 et suiv.
* 1563 AKRICH
Madeleine, CALLON Michel, « L'intrusion des entreprises
privées...», art.cit., p.297.
* 1564 ENA,
La gestion de nouveaux établissements pénitentiaires...,
op.cit., p.7.
* 1565 C'est dans
cet objectif que Pierre Arpaillange retire de la gestion semi-privée
quatre établissements destinés à faciliter la comparaison
entre les deux systèmes sur des bases comparables.
* 1566
Ministère de la Justice, Nouvelles prisons - le programme
13.000, 1990. Bibliothèque DAP.
* 1567 DGS,
prises de notes manuscrites lors de la réunion du 27/01/1989 du groupe
de travail relatif au fonctionnement médical des prisons
« 13.000 ». Archives internes DGS.
* 1568 En 1992,
le coût moyen des dépenses médicales pour un détenu
s'élève à 12,50 francs par jour dans un
établissement public classique contre 29 francs dans un
établissement « 13.000 » (Chouquet Sylvie,
« 2 737 500F : c'est le coût d'un détenu
condamné à 30 ans », Le quotidien de Paris,
14/10/1993).
* 1569 DELTEIL
Gérard, Prisons : la marmite infernale, Paris, Syros
Alternatives, 1990, p.200.
* 1570 Lettre de
la section des affaires économiques de la DAP aux sous directeurs du
24/08/1990 sur le bilan de la gestion 1988 et 1989, 3 pages
dactylographiées. Archives internes DAP.
* 1571 Jean-Paul
Jean, magistrat, Conseiller technique du ministre de la Santé de mai
1988 à mai 1991 puis Conseiller
technique des ministres de la Justice de mai 1991 à avril 1992.
Entretien réalisé le 6/07/2005, 2H.
* 1572
Michèle Colin, magistrate, chef de Bureau de l'action sanitaire et de la
lutte contre la toxicomanie à la direction de l'Administration
Pénitentiaire de 1990 à 1994. Entretien réalisé le
6/01/2006 à Paris. Durée : 1H50.
* 1573 Les
informations suivantes sont extraites du dossier de carrière de Patrick
consulté au CAC de Fontainebleau.
* 1574 Note du
DRSP Bordeaux à la DAP datée du 8/02/1988 (CAC. 19940511. Art.
96. Dossiers de carrière des médecins ayant cessé leurs
fonctions en 1981-1989).
* 1575 Note du
directeur du CD d'Eysses au DRSP de Bordeaux datée du 16/09/1987.
* 1576 Lettre du
surveillant auxiliaire sanitaire au directeur du CD d'Eysses datée du
28/08/1987.
* 1577 Note du
directeur du CD d'Eysses au DRSP de Bordeaux datée du 16/09/1987.
* 1578 Lettre du
MISP Garonne à la DAP datée du 22/01/1988.
* 1579 Note du
directeur du CD d'Eysses à la DAP du 28/01/1988.
* 1580 Note du
directeur du CD d'Eysses à l'Inspection des services
pénitentiaires datée du 23/03/1988.
* 1581 Note du
avis du service d'Inspection de la DAP au Chef du Bureau du personnel et des
statuts du 1/04/1988.
* 1582 On
rappelle que le personnel effectuait parfois des pressions auprès des
médecins pénitentiaires dans la détermination du nombre de
jours d'arrêts de travail permettant de qualifier la nature de
l'infraction.
* 1583 Lettre du
chef de la M.A de Saintes au DRSP de Bordeaux datée du 28/10/1987 (CAC.
19940511. Art.92).
* 1584 Lettre du
chef de la M.A de Saintes au DRSP de Bordeaux datée du 23/11/1987 (CAC.
19940511. Art.92).
* 1585 Les
informations suivantes sont extraites du dossier de carrière de ce
médecin consulté au CAC.
* 1586 Lettre
manuscrite du médecin de la M.A de Saintes à Albin Chalandon
datée du 20/04/1986, 7 pages (CAC. 199405111. Art 90).
* 1587 Ce
médecin met en avant à plusieurs reprises le fait que son
père intervienne depuis cinquante deux ans à la M.A en tant que
dermatologue ainsi que le fait qu'il soit diplômé de
médecine pénitentiaire. Il est d'ailleurs l'un des rares à
faire figurer ce diplôme sur ses feuilles d'ordonnance.
* 1588 Lettre
manuscrite du médecin de la M.A de Saintes à Albin Chalandon
datée du 11/11/1986, six pages (CAC. 199405111. Art 90).
* 1589
« Pour Myriam Ezratty, directrice de l'administration
pénitentiaire : "Il n'y a pas deux médecines : l'une
pour la société civile, l'autre pour le monde
carcéral" », Panorama du médecin 1984.
* 1590 GUION
Pascale, L'hospitalisation des détenus, op.cit., p.90.
* 1591
Ibidem, p.90.
* 1592 Cf.
Encadré : « L'intégration de la psychiatrie
pénitentiaire dans le secteur hospitalo-universitaire : l'exemple
lyonnais ».
* 1593
« Des lits civils pour la médecine pénitentiaire
», Libération, 8-9/06/1985.
* 1594 GONIN
Daniel, La santé incarcérée, op.cit., p.254.
* 1595
Ibidem., p.74.
* 1596
« Lyon va proposer la seule capacité de médecine
pénitentiaire en France », Le Quotidien du médecin,
26/05/1988.
* 1597 MICHELLAND
Françoise, Les délinquants à l'entrée en
prison : les caractéristiques culturelles, familiales, sociales et
pathologiques de cette population, thèse de médecine,
Faculté de Lyon, 1987.
* 1598
« Médecine légale : l'école lyonnaise au
premier rang », Libération, 2/06/1991.
* 1599 COLIN
Marcel, LE GUEUT Jean, MARIN André, ROCHE Louis, « La
médecine légale. Domaine, organisation,
fonctionnement », RSCDPC, 1961, n°4, p.705.
* 1600 Cf. Annexe
32 : « La crise de la médecine légale : une
difficile intégration hospitalo-universitaire et sa nécessaire
reconversion ».
* 1601 Daniel
Gonin, psychiatre travaillant comme généraliste à la M.A
de Lyon de 1962 à 1989. Entretiens réalisés les
25/02/2008, 10/03/2008, 26/03/2008. Durées : 2H ; 2H ; 2H.
* 1602 Pierre
Barlet, médecin aux M.A de Lyon depuis 1966 puis responsable du service
des détenus de l'hôpital Lyon Sud depuis 1985. Entretiens
réalisés le 18/04/2003 et le 30/04/2008. Durées: 2H15 et
2H00.
* 1603 Georges
Fully avait développé, avec le Dr Pineau, une méthode de
reconstitution du squelette qu'il avait développée lors de son
travail d'identification des corps au sein des camps de concentration.
* 1604 Professeur
de médecine légale, de droit médical et de
déontologie médicale à l'université René
Descartes (Paris V), Léon Dérobert (1910-1980) fut pendant
longtemps le directeur de l'Institut médico-légal de Paris
(1962-1979).
* 1605 DAP,
Premier congrès mondial de médecine
pénitentiaire, op.cit, p.22-23.
* 1606 TROISIER
Solange, « Médecine pénitentiaire et droits de
l'homme », Bulletin de l'académie nationale de
médecine, 1993, 177, n°6, 999-1012, 29/06/1993.
* 1607 DAP,
Premier congrès mondial de médecine
pénitentiaire, op.cit, p.312.
* 1608 DURIGON
Michel, Pour une réforme profonde de la médecine de
légale en France, faculté de médecine de Paris,
juillet 1981, p.3.
* 1609 A ce
sujet, les services de l'ambassade de France à Londres, soucieux de la
représentation française à l'étranger, racontent
comment : « Le monde anglo-saxon y était nettement
dominant, les participants de sensibilité francophone n'étant
guère qu'une dizaine, dont deux seuls Français, Madame le
Professeur Solange Troisier et le Docteur Lamothe. Seul l'anglais était
utilisé et sans traduction. Ce qui est notable, c'est que dans un tel
contexte, Madame Troisier ait pu, après de savantes manoeuvres de
couloirs et ayant évité un vote réel, se maintenir pour
1988 à la Présidence du CISMP, dont le siège, en France,
n'est pour l'instant pas contesté. [...] Mais il est probable,
qu'après la conférence de fin 1988 du Bureau du Conseil, il sera
difficile à madame Troisier de se maintenir à la
Présidence du CISMP » (Compte rendu du 3ème
congrès mondial du CISMP tenu à Bristol en 08/1988 par le service
des Affaires sociales de l'Ambassade de France à Londres. Archives
internes DGS).
* 1610 TROISIER
Solange, « Médecine pénitentiaire », Le
Figaro, 14/12/1989.
* 1611 Favard
Jean, magistrat à la DAP de 1970 à 1975 puis Conseiller technique
du ministre de la Justice de 1981 à 1986. Entretien
réalisé le 10/012008, 3H00.
* 1612 BLANC
Alain, « Santé en prison : la nécessaire poursuite du
décloisonnement », Actualité et dossier en
santé publique, septembre 2003, n°44, p. 46.
* 1613 LHUILIER
Dominique, RIDEL Luc, SIMONPIETRI Aldona, VEIL Claude, « Effets
révélateurs du sida en prison : résistance et
changement », Le journal du sida, n°112-113, janvier
1999.
* 1614 DEFERT
Daniel, « Un nouveau réformateur social : le
malade », SIDA 89, juin 1989.
* 1615 De
nombreux travaux sociologiques, notamment ceux de Jeannine Barbot et de
Christophe Broqua, ont depuis souligné l'apport des associations de
malades, notamment en matière d'innovation thérapeutique.
* 1616 La seule
association d'anciens détenus d'envergure, le C.A.P, prend fin au
début des années quatre-vingt.
* 1617
« Editorial. Les fluctuations d'une devise », Sida
89, n°6, juillet-août 1989, p.1.
* 1618 PRESTEL
Thierry, « Prison et sida : la politique de
l'autruche », Remaides, n°24, juin 1997.
* 1619 Cf.
PROVOST Jean-Michel, Sida, toxicomanie et milieu carcéral :
enquête épidémiologique à la Maison d'arrêt de
Bordeaux Gradignan, thèse de médecine, Université de
Bordeaux, 1987, p.7
* 1620 NOEL L.,
DUEDARI N., « Les difficultés de la sélection des
donneurs de sang en milieu carcéral », réunion
scientifique de la Société nationale de transfusion sanguine,
7/03/1986.
* 1621 BENEZECH
M., RAGER P., « Les détenus toxicomanes anti-LAV
positifs », La nouvelle gazette de la transfusion, 1985, 40,
1 ; BENEZECH M., « S.I.D.A et vie carcérale : un
constat rassurant », La pratique médicale
quotidienne, 1985, 271, 2 ; BENEZECH M., RAGER P., DUTASTA P.,
ANDRIEUX-LACLAVETINE A., LALANNE B., « Implications
médico-sociales du dépistage du S.I.D.A chez les détenus
toxicomanes », J. mé.lég. droit méd.,
1986, n°29, 5, pp.423-426 ; BENEZECH M., RAGER P.,
« recherche des anticorps anti-LAV chez les
détenus », La nouvelle gazette de la transfusion,
1986, 42, 11.
* 1622
Souligné par nous (PROVOST Jean-Michel, Sida, toxicomanie et milieu
carcéral : enquête épidémiologique à la
Maison d'arrêt de Bordeaux Gradignan, op.cit. p.99).
* 1623 On entend
par « politique discrète » une succession de mesures
ne s'inscrivant pas dans le cadre d'une action concertée et
n'étant pas placées volontairement au coeur du débat
public. Cette gestion discrète caractérise par exemple le
comportement du ministère de la Santé en matière de
gestion du sida (hors détention) jusqu'en 1985 où apparaissent
les prémisses d'une politique publique.
* 1624 On renvoie
ici, entre autres, aux travaux de Michael Pollak, de Frédéric
Martel et de Patrice Pinell.
* 1625 Pierre
Barlet, responsable du service de prise en charge des détenus de Lyon
(Lyon Figaro, 10/03/1987).
* 1626 Pierre
Espinoza, chef de service de l'Unité de soins intensifs de
l'Hôpital de Fresnes de janvier 1983 à septembre 1991. Entretiens
réalisés le 16/05/2006, le 31/05/2006 et le 22/04/2008.
Durées :1H45, 2H00 et 1H50.
* 1627 Pierre
Espinoza, chef de service de l'Unité de soins intensifs de
l'Hôpital de Fresnes de janvier 1983 à septembre 1991. Entretiens
réalisés le 16/05/2006, le 31/05/2006 et le 22/04/2008.
Durées :1H45, 2H00 et 1H50.
* 1628 Lettre du
Dr Du Couedic à Mme Akoun de la DGS datée du 31/05/1985. Archives
internes DGS. Le journaliste écrit en effet que la découverte
d'anticorps du sida « ne doit pas les [personnes] affoler mais les
inciter à guetter toute infection ou fièvre mal
expliquées. Mais cela ne veut pas dire qu'ils ont le S.I.D.A »
(EUGENE Didier, « Dépistage du S.I.D.A à Rennes :
un risque élevé chez les toxicomanes », Ouest
France, 31/05/1985).
* 1629 En 1983,
lors de la première description du virus responsable du sida par
l'équipe Pasteur le virus est dénommé LAV, pour
«Lymphadenopathy Associated Virus». Depuis 1986,
l'adoption d'une nomenclature scientifique internationale le désigne
sous l'appellation VIH pour Virus de l'immunodéficience
humaine.
* 1630
Procès-verbal du Comité de coordination de la santé en
milieu carcéral, 1/07/1985. Archives internes DAP.
* 1631 Ce terme
désignait alors les patients présentant les premiers
symptômes : fatigue, fièvre, diarrhée, etc.
* 1632 Cf.
Annexe 33 : « Les soignants et le sida en prison : entre
gestion des peurs et prise en charge impossible ».
.
* 1633 Claude,
généraliste à la M.A de Pontoise de 1979 à 1991.
Entretien réalisé le 12/01/2006, 1H10.
* 1634 Les faits
cités sont tirés du compte-rendu qui en est donné par le
préfet après enquête (Lettre du préfet de Gironde au
cabinet du ministère de la Santé et transmise à la DGS le
10/09/1985. Archives internes DGS).
* 1635 On y
apprend que les autres morts n'ont pas eu lieu en prison à laquelle est
pourtant consacré l'article.
* 1636 HERZLICH
Claudine, PIERRET Janine, « Une maladie dans l'espace public. Le SIDA
dans six quotidiens français », Annales. Histoire,
Sciences Sociales, 1988, Volume 43, n° 5, p.1127.
* 1637 On
rappelle qu'on a analysé les dossiers de presse relatifs à la
question du sida en France à la FNSP, à la DAP et à la BPI
de Beaubourg. Aucun article traitant du sida ne fait référence
aux prisons en France avant août 1985.
* 1638 Cf. Annexe
34 : « Le traitement médiatique du sida : de la
psychose à la dédramatisation ».
* 1639 Nicolas
Dodier met en évidence la mise en place durant les premières
années de l'épidémie d'une « option
moderne-libérale » consistant à diffuser dans l'espace
public une information unifiée et contrôlée par les
institutions scientifiques, afin de s'opposer aux pratiques de stigmatisation
et de dédramatiser (DODIER Nicolas, Leçons politiques de
l'épidémie de sida. Paris, Éditions de l'EHESS, 2003,
pp.65 et suiv).
* 1640 La
diffusion de cette photo aurait été à l'origine de peurs
parmi les surveillants français, si l'on en croit les propos de ce
sociologue ayant enquêté aux Baumettes : « Certains
auraient été jusqu'à exiger le port de masques. Il est
vrai qu'une photo montrant des gardiens de prison américains en
combinaison protectrice, casqués et gantés, a fait monter les
inquiétudes » (PAILLARD Bernard, L'épidémie.
Carnets d'un sociologue, Paris, Stock, 1994, p.298).
* 1641 Jean
Favard, magistrat à la DAP de 1970 à 1975 puis Conseiller
technique du ministre de la Justice de 1981 à 1986. Entretien
réalisé le 10/01/2008, durée: 3H00.
* 1642 BADINTER
Robert, Les épines et les roses, op.cit, p.193.
* 1643
Ibid., p.206.
* 1644 Pierre
Espinoza, chef de service de l'Unité de soins intensifs de
l'Hôpital de Fresnes de janvier 1983 à septembre 1991. Entretiens
réalisés le 16/05/2006, le 31/05/2006 et le 22/04/2008.
Durées :1H45, 2H00 et 1H50.
* 1645 Lettre
circulaire des ministères de la Santé et de la Justice aux DDASS,
DRASS, directeurs et médecins d'établissements
pénitentiaires du 5/09/1985 accompagnée d'une « fiche
technique » (CAC. 19950151 Art.6).
* 1646 Selon
Renaud Crespin, tandis qu'à l'irruption de l'épidémie, le
dépistage du VIH est pensé sur le modèle en matière
de tuberculose, c'est à dire en tant qu'outil de protection de
l'institution, l'Administration pénitentiaire recourt rapidement au
modèle du dépistage proposé par l'Organisation mondiale de
la santé (OMS) en tant qu'outil de diagnostic et d'accès aux
soins. Cette utilisation témoigne, selon nous, d'une volonté du
ministère de la Justice ne pas stigmatiser les détenus (CRESPIN
Renaud, « Entre Santé publique et maintien de l'ordre :
le parcours des tests de dépistage du SIDA dans les prisons
françaises », Lien social et politiques, n° 55,
printemps 2006, pp.137-148).
* 1647 Circulaire
AP-DGS n°85-29 du 7/11/1985. Bibliothèque DAP.
* 1648
Souligné par nous (Jacques, magistrat chargé à la DAP de
la réglementation sanitaire de 1982 à 1989. Entretien
réalisé le 11/01/2008, 3H30).
* 1649 Evelyne,
infirmière à Fleury-Mérogis de 1983 à 1985 puis
à Fresnes de 1985 à 1986 puis à Fleury-Mérogis de
1987 à 1993. Entretien réalisé le 8/02/2006, 2H30.
* 1650 Yvette,
infirmière-chef de la M.A de Bois d'Arcy de 1980 à 1998 et ayant
participé au Comité Santé /Justice de 1984 à 1988.
Entretiens réalisés le 31/04 et le 4/05/2006, 3H et 3H.
* 1651 LETELLIER
Laurent, Toxicomanie et VIH, éthique : aspects particuliers en
milieu carcéral. Un certain regard sur l'extérieur,
thèse de médecine, 1988, p.62.
* 1652 Seuls le
Luxembourg et le Portugal mirent en place un dépistage obligatoire de
tous les entrants.
* 1653 Valentin,
interne puis généraliste à l'EHPNF de 1982 à 1995.
Entretien réalisé le 4/01/2006. Durée : 2H.
* 1654 Christine,
infirmière à la M.A de Rouen depuis 1984. Entretien
réalisé le 8/02/2006, 2H45.
* 1655 Julie,
infirmière à Pontoise de 1987 à 1990 puis à Poissy
de 1990 à 1992. Entretien réalisé le 31/01/2005, 2H.
* 1656 Florent,
infirmier à la M.A de Caen de 1988 à 1995. Entretien
réalisé le 25/01/2007, 1H20.
* 1657 LETELLIER
Laurent, Toxicomanie et VIH, éthique, op.cit., pp.63-64.
* 1658 PAREAU
Odile, L'infirmière a-t-elle sa raison d'être dans le milieu
carcéral, mémoire de fin d'études, Ecole
d'enseignement des soins infirmiers du Centre hospitalier Léon Binet,
1989-1992, p.17.
* 1659 Cf.
Introduction du chapitre 5 : « Les spécificités
carcérales à l'épreuve du
"décloisonnement" ».
* 1660
René, chirurgien et médecin-chef des Baumettes
de janvier 1987 à 1991. Entretien réalisé le 20/02/2006, 2
H.
* 1661 La lettre
du préfet de Gironde est accompagnée d'un document interne de la
DGS indiquant qu'« il appartient à la D.H de faire
connaître à ce praticien notre façon de voir sa
stratégie » (Archives internes DGS). On apprit, bien plus tard, que
le préfet somma le Dr Bénézech d'interrompre le
dépistage systématique des toxicomanes (La Croix,
10/03/1999).
* 1662 BENEZECH
M., RAGER P., LARCHE-MOCHEL M., « Problèmes d'hygiène
et d'information posés par certaines maladies épidémiques
(hépatites virales, SIDA) en milieu carcéral »,
Archives de maladies professionnelles de médecine du travail,
1986, 47, 4, p.282.
* 1663 BENEZECH
M., RAGER P., DUTASTA P., ANDRIEUX-LACLAVETINE A., LALANNE B.,
« Implications médico-sociales du dépistage du S.I.D.A
chez les détenus toxicomanes », Journal de médecine
légale- droit médical, 1986, n°29, 5, pp.423-426.
* 1664 PIAL
Gilles, « SIDA en prison : le virus de l'extrapolation »,
Libération, 15-16/02/1986.
* 1665
ESCOFFIER-LAMBIOTTE Claudine, « Dans les prisons françaises.
Plus de la moitié des détenus toxicomanes sont contaminés
par le virus du SIDA », Le Monde, 15/02/1986.
* 1666 Cf. Annexe
20: « Asclépios au service de Thémis ou la position
controversée de Solange Troisier en matière de grèves de
la faim ».
* 1667 Le Dr
Escoffier-Lambiotte, qui tient la rubrique médicale au Monde
depuis 1956, est le premier journaliste-médecin. Outre sa bonne
intégration dans les milieux de recherche, elle est nommée
secrétaire général de la Fondation pour la recherche
médicale, elle est connue pour « ses prises de position
tranchées en faveur de la contraception à une époque
où ce n'était pas encore populaire, ou contre l'acharnement
thérapeutique ». (FAVEREAU Eric, « Le journalisme,
de l'information médicale à l'information
santé », Sève. Les tribunes de la santé,
hiver 2005, pp.21-27).
* 1668 Une
polémique a d'ailleurs lieu entre les Dr Bénézech et
Espinoza quant au caractère « sidatogène » du
milieu carcéral que défend le premier et réfute le second.
Il ne nous appartient bien sûr pas de trancher ce débat. On
souhaiterait ici simplement souligner que la crainte de l'association entre le
sida et la prison a amené la DAP à privilégier une
« politique discrète » en la matière.
* 1669 Martine,
interne de 1984 à 1986 puis chef de service à l'Hôpital de
Fresnes. Entretien réalisé le 5/04/2006, 2H.
* 1670 Ces
résultats sont en fait ceux de la thèse de Martine :
Prévalence des infections à virus B et LAV chez 113
toxicomanes incarcérés, thèse de médecine,
Université Paris Sud, 1986.
* 1671
« SIDA : les séropositifs de la prison de Fresnes »,
Le Monde, 23-24/11/1986.
* 1672 Pierre
Espinoza, chef de service de l'Unité de soins intensifs de
l'Hôpital de Fresnes de janvier 1983 à septembre 1991. Entretiens
réalisés le 16/05/2006, le 31/05/2006 et le 22/04/2008.
Durées :1H45, 2H00 et 1H50.
* 1673 ESPINOZA
Pierre, « Infection HIV et prison », intervention au
colloque Sida droit et liberté à Paris les 11 et 12
décembre 1987, Bulletin de l'APSP n°0, pp.8-12.
* 1674
« La prison, lieu de contamination par le virus HIV peut aussi
être le lieu de prévention », QDM, 28/01/1987.
* 1675 BENEZECH
M., RAGER P., BEYLOT J., « Sida et hépatite B dans la population
carcérale : une réalité épidémiologique
incontournable », Bulletin Académie National de
Médecine, 1987, n°171, pp.215-218.
* 1676
« Un rapport alarmant. Le virus du sida prolifère dans les
prisons françaises », Le Monde, 12/02/1987.
* 1677
« S.I.D.A : dans les prisons, l'épidémie
explose », Le Figaro, 13/02/1987.
* 1678 On note la
distinction entre « groupe à risque » et
« milieu à risque », expression moins discriminante
à l'égard des détenus (Souligné par nous).
* 1679
« Le sida en milieu carcéral : choc de deux
tabous », Lyon Figaro, 10/03/1987.
* 1680 Le
récent scandale des grâces médicales explique que les
détenus malades du sida ne pouvaient bénéficier d'une
telle mesure que peu de temps avant leur décès.
* 1681
« Un condamné à mort est
libéré », Le quotidien de Paris,
21/09/1987.
* 1682 PIAL
Gilles, « La prison des séropositifs »,
Libération, 1/10/1987.
* 1683 Note de F.
Bonnelle, DAP, au Conseiller technique du garde des Sceaux, du 1/10/1987.
Archives internes DAP.
* 1684 DODIER
Nicolas, Leçons politiques de l'épidémie de sida,
op.cit., p.121.
* 1685 MATHIOT
Pierre, « Le sida dans la stratégie et la rhétorique du
Front National », dans Favre Pierre (dir.), SIDA: Les
premiers affrontements (1981-1987), Paris, L'Harmattan, 1992,
pp.189-201.
* 1686 Les
Centres d'information et de soins de l'immunodéficience humaine,
créés en 1987, constituent la pièce maîtresse de la
lutte contre le Sida en milieu hospitalier.
* 1687 Le fait
que l'alerte ait été lancée par le chef de service d'un
CMPR n'est pas le fait du hasard. Seuls médecins plein-temps dans les
prisons à cette époque, les psychiatres des CMPR sont
responsables de la prise en charge des toxicomanes (les Antennes toxicomanies
ne sont cependant créées qu'en 1988) chez lesquels la
prévalence VIH est très forte. Enfin, du fait de leur statut
hospitalier, ils bénéficient de ressources extérieures
à l'établissement, ayant par exemple rendu possible
l'intervention de Michel Bénézech à l'Académie de
médecine ou la mise en place de consultations hospitalières avec
le service du Pr Jacques Beylot avant 1988.
* 1688 C'est
ainsi qu'est réalisée par des détenus, et avec l'aide des
éducateurs, une vidéo sur la maladie à la M.A de Nice
(« Une vidéo sur le sida en prison », La
Croix, 23/03/1988).
* 1689 Antenne 2,
JT 20H, « Administration pénitentiaire en cause »,
3/03/1988. Retranscription bibliothèque DAP.
* 1690 Estimant
à 10% le nombre de détenus séropositifs en Europe, l'OMS
appelle en 1987 à mettre en oeuvre des mesures urgentes (consultations
hospitalières, distribution de préservatifs) au nom du
« droit à la santé » (« Le sida
dans les prisons : l'OMS tire la sonnette d'alarme», Le Quotidien
du médecin, 23/11/1987). Quelques mois plus tard, le Conseil de
l'Europe préconise la distribution de préservatifs et de
seringues (Libération, 1/07/1988).
* 1691 Circulaire
n°A.P.88-01G 2-0102-88 du 1er février 1988 relative
à la participation de l'administration pénitentiaire à la
politique nationale de lutte contre le sida.
* 1692 Dans une
interview réalisée suite au rapport, Mme Troisier fait pourtant
état de chiffres beaucoup plus inquiétants : « Le
nombre de séropositifs a plus que doublé à La
Santé, en l'espace d'un an ! En 1986, nous n'avions que 20% de
séropositifs recensés. En 1987, nous en avons 50% ! [...] Il
ne faut bien sûr pas généraliser, mais j'ai trouvé
exactement les même chiffres à Fleury-Mérogis : plus
de 50% de séropositifs recensés, et même 60% à Nice
et Draguignan ! Pour les femmes, le problème est dramatique :
le pourcentage de sérologies positives est de près de 90%
à Draguignan et à Nice. Ainsi, par exemple à Nice, sur
cinquante femmes détenues, trente-deux ont subi le test :
vingt-sept d'entre elles se sont révélées positives. Mais
je vous le répète, il faut se garder de toute extrapolation
à partir de ces chiffres qui ne concernent qu'une population à
risques médicalement sélectionnée »
(« Le sida dans les prisons : un rapport explosif du docteur
Solange Troisier », Le Figaro, 19/03/1988).
* 1693 Note de la
DAP à l'attention des DRSP datée du 6/05/1988.
Bibliothèque DAP.
* 1694 Cf. Annexe
33 : « Les soignants et le sida en prison : entre gestion
des peurs et prise en charge impossible ».
* 1695 En 1989,
les cas de sida représentaient 22% de l'ensemble des porteurs du VIH en
prison (ESPINOZA Pierre, « L'infection par le VIH en milieu
carcéral », La revue du praticien. MG, 17/06/1991,
pp.1545-1562).
* 1696
Compte-rendu de la session d'information du 10 décembre 1987
« Soins et...», p.22. Archives internes DGS.
* 1697 Lettre du
médecin-chef des Baumettes au DRSP de Marseille datée 29/09/1987.
Archives internes DAP.
* 1698 Note du
DAP sur le rapport du médecin-chef des Baumettes datée du
17/11/1987. Archives internes DAP.
* 1699 LACOSTE
Denis, BEYLOT Jacques, BENEZECH Michel, « L'observation et le suivi
médical dans les maisons d'arrêt. Quatre ans de consultation
à Bordeaux-Gradignan », Le journal du sida,
n°37, mars 1992.
* 1700 P.V du
Comité de coordination de la santé en milieu carcéral.
Réunion du 26/09/1988. On dispose de deux compte-rendus : l'un
établi par l'Administration pénitentiaire, trouvé dans les
archives internes de la DAP, et l'un du ministère de la Santé,
trouvé dans les archives internes de la DGS.
* 1701 Lettre de
T. Roquel au Chef de l'IGAS Lucas, « Réunion destinée
à fixer les choix de la politique en matière de lutte contre le
SIDA en milieu carcéral », 23/01/1989, 4 pages (IGAS/2002/001
Carton n°4)
* 1702 Jean-Paul
Jean, magistrat, Conseiller technique du ministre de la Santé de mai
1988 à mai 1991 puis Conseiller
technique des ministres de la Justice de mai 1991 à avril 1992.
Entretien réalisé le 6/07/2005, 2H.
* 1703
Destinée à éviter la formation de services pour
sidéens, les CISIH, dont le champ d'action est régional, sont des
structures transversales qui ont permis à des praticiens hospitaliers
non agrégés d'acquérir rapidement une forte reconnaissance
(BORRAZ Olivier, ARROUET C., LONCLE-MORICEAU P., Les politiques locales de
lutte contre le sida. Une analyse dans trois départements
français, Paris, L'Harmattan, 1998).
* 1704 Jean-Paul
Jean, magistrat, Conseiller technique du ministre de la Santé de mai
1988 à mai 1991 puis Conseiller
technique des ministres de la Justice de mai 1991 à avril 1992.
Entretien réalisé le 6/07/2005, 2H.
* 1705 Fresnes,
Fleury-Mérogis, Bois d'Arcy, les Baumettes, Nice, Toulouse,
Loos-Lès-Lille, Bordeaux Gradignan.
* 1706 P.V du
Comité de coordination de la santé en milieu carcéral.
Réunion du 23/03/1989. Archives internes DAP.
* 1707 La
Santé, Lyon, Rouen, Villefranche-sur-Saône, Aix-Luynes, Nanterre,
Villeneuve-les-Maguelonne, Perpignan, Draguignan, Toulon.
* 1708 En 1989,
VSD signale le retard d'une subvention de 100.000 Frs pourtant accordée
à Fleury-Mérogis (VSD, 24-30/08/1989). Bien qu'ayant signé
un accord en septembre 1989 avec l'hôpital Cochin, la M.A de La
Santé, qui compte alors 240 séropositifs, ne disposait pas en
février 1990 de médecin hospitalier (« Condamné
à VIH. La double prison », Journal international de
médecine, 28/02/1990).
* 1709
René, chirurgien et médecin-chef des Baumettes
de janvier 1987 à 1991. Entretien réalisé le 20/02/2006, 2
H.
* 1710
Hélène, interne puis généraliste à
Fleury-Mérogis de 1983 à 2000. Entretien réalisé le
8/12/2005, 2H40.
* 1711 Xavier
Emmanuelli, médecin-chef de Fleury-Mérogis de 1988 à 1992.
Entretien réalisé le 11/02/2008, 1H.
* 1712 Jean-Paul
Jean, magistrat, Conseiller technique du ministre de la Santé de mai
1988 à mai 1991 puis Conseiller
technique des ministres de la Justice de mai 1991 à avril 1992.
Entretien réalisé le 6/07/2005, 2H.
* 1713 Lise,
infirmière pénitentiaire à la prison des Baumettes de 1979
à 1997. Entretien réalisé le 23/02/2006, 3H00.
* 1714 Laurent,
généraliste, médecin-adjoint aux Baumettes de 1990
à 1997. Entretien réalisé le 20/02/2006, 2H30.
* 1715
Thérèse, infirmière Assistance publique aux Baumettes de
1980 à 1992. Entretien réalisé le 21/02/2006, 2H40.
* 1716 Laurent,
généraliste, médecin-adjoint aux Baumettes de 1990
à 1997. Entretien réalisé le 20/02/2006, 2H30.
* 1717 Ludovic,
généraliste à Fleury-Mérogis de 1988 jusqu'en 1999.
Entretien réalisé le 12/01/2006, 2H10.
* 1718
Hélène, interne puis généraliste à
Fleury-Mérogis de 1983 à 2000. Entretien réalisé le
8/12/2005, 2H40.
* 1719 Jean-Paul
Jean, magistrat, Conseiller technique du ministre de la Santé de mai
1988 à mai 1991 puis Conseiller
technique des ministres de la Justice de mai 1991 à avril 1992.
Entretien réalisé le 6/07/2005, 2H.
* 1720 Un conflit
aurait opposé son équipe et le médecin-chef des Baumettes
ne comprenant pas pourquoi il ne pouvait avoir accès à la
sérologie des détenus dépistés. Au bout d'un mois
l'anonymat fut remis en cause et les résultats d'analyses envoyés
au médecin-chef (Cf. PAILLARD Bernard, L'Epidémie. Carnets
d'un sociologue, op.cit., p.303-307).
* 1721 Lettre du
Pr Gastaut au directeur de la M.A des Baumettes datée du 10/01/1989.
Citée dans GUBLER C., TCHERIATCHOUKINE Jean, Rapport
relatif aux modalités d'accès et de distribution des soins aux
détenus malades au sein du C.H.R.U de Marseille, Rapport de l'IGAS,
juin 1991, p.4.
* 1722 LACOSTE
Denis, « VIH et prison », p.6. Bibliothèque de la
DAP.
* 1723 TABONE
Dominique, « Quelques réflexions à propos du sort des
détenus séropositifs et sidéens dans et hors des murs de
la prison », La revue Agora, 1991, n°18-19,
pp.91-92.
* 1724 Jean-Paul
Jean, magistrat, Conseiller technique du ministre de la Santé de mai
1988 à mai 1991 puis Conseiller
technique des ministres de la Justice de mai 1991 à avril 1992.
Entretien réalisé le 6/07/2005, 2H.
* 1725 GOT
Claude, Rapport sur le Sida, Paris, Flammarion, 1989, pp.87-88.
* 1726
« L'agonie de Pascal, de Bois d'Arcy à Fresnes »,
Libération, 6/05/1988.
* 1727
« Stéphane, 25 ans, le sida dans une cellule de huit
mètres carrés », Libération, 22/12/1988.
* 1728
« Prisonniers du sida à l'hôpital de
Fresnes », Libération, 9/06/1989.
* 1729 La
question de la distribution de préservatifs en détention a
été l'objet de nombreuses interventions, notamment dans la presse
ou de la part des militants de la cause carcérale. On a
écarté délibérément cette question car elle
traduit moins, selon nous, l'évolution du système de santé
en prison que la difficulté d'une institution à faire face
à certaines contradictions (à l'image, toutes proportions
gardées, du dopage dans le sport). C'est d'ailleurs peut-être pour
cette raison que la présence de préservatifs en prison
préoccupa davantage les militants que les professionnels de
santé.
* 1730 Pierre
Espinoza, chef de service de l'Unité de soins intensifs de
l'Hôpital de Fresnes de janvier 1983 à septembre 1991. Entretiens
réalisés le 16/05/2006, le 31/05/2006 et le 22/04/2008.
Durées :1H45, 2H00 et 1H50.
* 1731 DAP,
« Programme de lutte contre le sida. Bilan 1989-1990 et
perspectives », 04/03/1990.
* 1732 «
Discours de M. Claude Evin. Plan national de lutte contre le sida »,
3/10/1988 (CAC. 19910611. Art.1. Archives de Bruno Varet, Conseiller technique
de Claude Evin, en matière de politique gouvernementale de lutte contre
le S.I.D.A).
* 1733 C'est ce
que révèle la comparaison entre le projet et la communication
finale («Projet de communication au conseil des ministres ».
CAC. 19910611. Art.1).
* 1734 P.V du
Comité de coordination de la santé en milieu carcéral.
Réunion du 26/09/1988.
* 1735 Jean-Paul
Jean, Conseiller technique du ministre de la Santé de mai 1988 à
mai 1991 puis Conseiller technique des
ministres de la Justice de mai 1991 à avril 1992. Entretien
réalisé le 6/07/2005, 2H.
* 1736 Par
exemple à la M.A de La Santé, le coût global de traitement
(y compris dépistage) était de 540.000 francs en 1990 pour 200
séropositifs dont une cinquantaine sous traitement à l'AZT
(TABONE Dominique, « Quelques réflexions à propos du
sort des détenus séropositifs... », art.cit,
p.90).
* 1737 Note de
Noëlle Lenoir, directrice de cabinet au ministère de la Justice,
à M. Lyon Caen, directeur adjoint du cabinet du Premier ministre en
vue de la réunion du 17/01/1989 du Comité
interministériel, datée du 13/01/1989 (IGAS/2002/001 Carton
n°4).
* 1738 Ludovic,
généraliste à Fleury-Mérogis de 1988 jusqu'en 1999.
Entretien réalisé le 12/01/2006, 2H10.
* 1739 Florent,
infirmier à la M.A de Caen de 1988 à 1995. Entretien
réalisé le 25/01/2007, 1H20.
* 1740 Lettre du
médecin de la M.A de Poitiers au directeur de la prison du 18/12/1985
(CAC 19940511. Art.88).
* 1741 Lettre du
directeur de la M.A Saint Etienne à la DAP datée du 7/02/1987
(CAC 199405111. Art.90).
* 1742
Hélène, interne puis généraliste à
Fleury-Mérogis de 1983 à 2000. Entretien réalisé le
8/12/2005, 2H40.
* 1743 Xavier
Emmanuelli, médecin-chef de Fleury-Mérogis de 1988 à 1992.
Entretien réalisé le 11/02/2008, 1H.
* 1744 Cf.
Introduction du chapitre 5 : « Les spécificités
carcérales à l'épreuve du
"décloisonnement" ».
* 1745 Note du
Chef du Bureau des personnels, Antonioni, au DAP datée du 8/07/1985
(CAC.19940511. Art. 97).
* 1746 Ce chiffre
associe les départs en retraite et les démissions,
spécifiquement indiquées entre parenthèses.
* 1747 Toutes ces
informations sont tirées du Rapport général sur
l'exercice publié chaque année par la DAP.
* 1748
Françoise, généraliste à Bois d'Arcy de 1986 puis
à Fleury-Mérogis depuis 1996. Entretien le 13/01/2006, 3 H.
* 1749
Hélène, interne puis généraliste à
Fleury-Mérogis de 1983 à 2000. Entretien réalisé le
8/12/2005, 2H40.
* 1750 Martine,
interne de 1984 à 1986 puis chef de service à l'Hôpital de
Fresnes. Entretien réalisé le 5/04/2006, 2H.
* 1751 Lettre de
démission du médecin de la M.A d'Evreux au DRSP Lille du
28/07/1988 (CAC 19950511. Art.89).
* 1752 On
rappelle que les « extractions » désignent
d'après le Code de procédure pénale le fait d'escorter le
détenu à l'extérieur de l'établissement, soit pour
les besoins de l'instruction judiciaire, soit pour des examens médicaux.
* 1753 Lettre de
démission du médecin de la M.A de Beauvais au directeur de
l'établissement datée du 22/04/1988 (CAC. 19940511. Art.92).
* 1754 Lettre de
démission du médecin de Bois-d'Arcy au directeur de la M.A
datée du 20/01/1987 (CAC. 19940511. Art.87).
* 1755 Lettre de
démission adressée au DRSP de Rennes datée du
3/01/1989 (CAC.19940511. Art. 91).
* 1756 Florent,
infirmier à la M.A de Caen de 1988 à 1995. Entretien
réalisé le 25/01/2007. Durée : 1H20.
* 1757
Jusqu'à la réforme de 1994, les infirmiers n'avaient pas
accès aux cellules pour des raisons de sécurité. Ne
pouvant voir les détenus qu'à l'infirmerie, ils
dépendaient donc du bon vouloir des surveillants pour assurer les
transferts. Ces derniers émettaient parfois des avis sur le bien
fondé des consultations.
* 1758 En 1988,
tandis que 140 infirmier(e)s disposaient d'un statut
pénitentiaire, 170 dépendaient de la Croix-Rouge.
* 1759 L'APSP
disparaît à la fin des années quatre-vingt mais une
nouvelle association a été créée en 1997, l'APSEP
(Association des Professionnels de Santé Exerçant en Prison) qui
réunit chaque année le personnel des UCSA.
* 1760 Bulletin
de l'APSP n°1, document de 8 pages ronéotypé. Archives
internes DGS.
* 1761 Seules les
communications relatives à la toxicomanie feront l'objet d'une
publication en lien avec la DAP.
* 1762 Cette
association est la première à se démarquer par le langage
refusant les appellations de soignants ou médecins
pénitentiaires. Prenant acte de leur volonté de rupture avec le
passé, il nous sera pardonné de continuer néanmoins
à utiliser ces expressions par facilité.
* 1763 APSP,
Actes du colloque national de réflexion sur les soins en milieu
pénitentiaire. Paris. 29/30 Janvier 1988, document
dactylographié, 19 pages (IGAS/2002/001).
* 1764 Martine,
interne de 1984 à 1986 puis chef de service à l'Hôpital de
Fresnes. Entretien réalisé le 5/04/2006, 2H.
* 1765 Bulletin
de l'APSP n°1, document de 8 pages ronéotypé. Archives
internes DGS.
* 1766
Françoise, généraliste à Bois d'Arcy de 1986 puis
à Fleury-Mérogis depuis 1996. Entretien le 13/01/2006, 3 H.
* 1767 ESPINOZA
Pierre, « Infection par le VIH et prison », Le journal du
sida, n°31, 09-10/1991.
* 1768 Bulletin
de l'APSP n°2-3, document de 38 pages ronéotypé. Archives
internes DGS.
* 1769 Pierre
Espinoza, chef de service de l'Unité de soins intensifs de
l'Hôpital de Fresnes de janvier 1983 à septembre 1991. Entretiens
réalisés le 16/05/2006, le 31/05/2006 et le 22/04/2008.
Durées :1H45, 2H00 et 1H50.
* 1770 APSP,
Actes du colloque national de réflexion sur les soins en milieu
pénitentiaire. Paris. 29/30 Janvier 1988, document
dactylographié, 19 pages (IGAS/2002/001).
* 1771 SEYLER
Didier, « Santé et prisons », Hélix
magazine, n°2, 11/1988, pp.28-29.
* 1772 SEYLER
Didier, « Une médecine à risque (à propos de
l'accès aux soins dans les prisons) », Agora,
n°5, 01-02/1988, pp.42-44.
* 1773
« Prévention et suivi de l'infection à VIH à la
maison d'arrêt de Bois d'Arcy », QDM, 19/12/1988.
* 1774
« Flagrant délit de pauvreté », Le
généraliste, 6/12/1988.
* 1775
« Les prisonniers interdits de santé ? »,
Tonus, 7/06/1988.
* 1776 Le
document original de neuf pages dactylographiées m'a été
remis par Françoise que je remercie (SOMMIER B., SEYLER D.,
« Le secret médical à Fresnes »,
Médecine de l'homme, n°189, 09/1990, p.24).
* 1777
« M.G vacataire dans les prisons. Mission impossible »,
Le généraliste, 6/12/1988.
* 1778 SEYLER
Didier, « Une médecine à risque (à propos de
l'accès aux soins dans les prisons) », art.cit.
* 1779 Se diffuse
à ce moment parmi les personnels de santé la description de ce
mécanisme, fréquemment cité dans les articles de presse,
de « déresponsabilisation » en cascade des
tâches médicales du médecin vers l'infirmière, de
l'infirmière vers le surveillant et du surveillant vers le
détenu, venant illustrer le manque de moyens.
* 1780 SEYLER
Didier, « Santé et prisons », Hélix
magazine, novembre 1988, n°2, pp.28-29.
* 1781 Pierre
Espinoza, chef de service de l'Unité de soins intensifs de
l'Hôpital de Fresnes de janvier 1983 à septembre 1991. Entretiens
réalisés le 16/05/2006, le 31/05/2006 et le 22/04/2008.
Durées :1H45, 2H00 et 1H50.
* 1782 Jean
Favard, magistrat à la DAP de 1970 à 1975 puis Conseiller
technique du ministre de la Justice de 1981 à 1986. Entretien
réalisé le 10/01/2008, durée: 3H00.
* 1783 Jacques,
magistrat chargé à la DAP de la réglementation sanitaire
de 1982 à 1989. Entretien réalisé le 11/01/2008, 3H30.
* 1784 APSP,
« Actes du colloque national de réflexion sur les soins en
milieu pénitentiaire », document dactylographié, 19
pages (IGAS/2002/001)
* 1785 Cette
tentative d'institutionnalisation se répétera quelques
années plus tard lorsque le Dr Espinoza proposera « la
création d'un observatoire de santé en milieu
carcéral ». Interrogés sur cette question par le
Conseiller technique du ministre de la Santé, deux inspecteurs de l'IGAS
émettront un avis défavorable remarquant que « ce praticien
souhaite la création d'un observatoire de la Santé dont il
briguerait selon toutes vraisemblances la responsabilité, ce qui lui
permettrait au surplus de trouver une certaine "aura" » (Note de
T. Roquel et J. Tchériatchoukine à M. Lucas, Chef de l'IGAS,
datée du 5/09/1990. CAC 19950229. Art.2. IGAS).
* 1786 C'est
ainsi qu'une recherche action financée par DGS sur
l'« évaluation de l'impact de la mise en vente libre des
seringues chez les toxicomanes » est réalisée en 1988
à Fresnes.
* 1787 Martine,
interne de 1984 à 1986 puis chef de service à l'Hôpital de
Fresnes. Entretien réalisé le 5/04/2006, 2H.
* 1788 Lettre
d'un médecin travaillant en maison d'arrêt adressée au Haut
comité à la santé publique et datée du 25/03/1993.
HCSP/2006/001 Dossier n°4 : La santé en milieu
carcéral.
* 1789 Jacques,
magistrat chargé de la réglementation sanitaire de 1982 à
1989. Entretien réalisé le 11/01/2008, 3H30.
* 1790 Jacqueline
Tuffelli, médecin-chef de la Maison d'arrêt de Fresnes de 1986
à 2003, membre du Rapport du Haut comité à la Santé
publique. Entretien réalisé les 20 et 22/06/2005.
Durée : 5H00.
* 1791 Claudine,
infirmière de l'Assistance publique détachée à
Fresnes depuis 1986. Entretien le 15/12/2005, 1H40.
* 1792 Laurence,
infirmière de l'Assistance publique détachée à
Fresnes depuis 1986. Entretien le 30/06/2005, 1H10.
* 1793 Jacqueline
Tuffelli, médecin-chef de la Maison d'arrêt de Fresnes de 1986
à 2003, membre du Rapport du Haut comité à la Santé
publique. Entretien réalisé les 20 et 22/06/2005, 5H00.
* 1794 Jacqueline
Tuffelli, médecin-chef de la Maison d'arrêt de Fresnes de 1986
à 2003, membre du Rapport du Haut comité à la Santé
publique. Entretien réalisé les 20 et 22/06/2005, 5H00.
* 1795 Claudine,
infirmière de l'Assistance publique détachée à
Fresnes depuis 1986. Entretien le 15/12/2005, 1H40.
* 1796 Claudine,
infirmière de l'Assistance publique détachée à
Fresnes depuis 1986. Entretien le 15/12/2005, 1H40.
* 1797 Pendant
longtemps, certains surveillants ont mis à profit l'absence
d'homogénéité entre praticiens en recourant à
différents médecins, en cas de refus d'obtempérer à
leurs demandes.
* 1798 Virginie,
généraliste à Fresnes depuis 1990. Entretien
réalisé le 30/06/2005, 2H10.
* 1799 Du fait de
son expérience, Jacqueline Tuffelli sera appelée à
participer à la commission Santé /Justice puis, en 1992, à
la réforme de la médecine pénitentiaire à travers
le rapport du Haut comité à la santé publique.
* 1800 Suite
à la protestation d'internes en 1983 et la publication d'articles
critiquant l'organisation des soins (« Fleury-Mérogis, un
interne de garde de nuit pour 4.600 détenus », Le Matin,
16/07/1985), la mission de l'IGAS avait relevé
« l'insuffisance de personnel médical et para-médical
», l'établissement disposant de 3,5 médecins plein temps et
de quatorze infirmières (AVRIL J., BROYELLE Jean, Notes sur
l'organisation sanitaire du Centre pénitentiaire de
Fleury-Mérogis et sur le Centre Médico-psychologique
Régional, Rapport IGAS, avril 1984, n°1984062, 15p).
* 1801 Lettre de
Michel Lucas au cabinet du garde des Sceaux datée du 1/04/1984 (CAC.
19990278. Art.3 (extrait) : Notes sur l'organisation sanitaire du Centre
pénitentiaire de Fleury-Mérogis).
* 1802 Né
en 1938 et fils d'un médecin de banlieue parisienne, Xavier Emmanuelli
s'engage, au terme de ses études de médecine à Paris, au
sein de la marine marchande où il se sensibilise à la question de
l'urgence médicale. À son retour en France. Il devient assistant
en consultation de chirurgie dans un hôpital situé au coeur des
mines du bassin lorrain. En 1971, il décide de rejoindre le service des
urgences du Professeur Huguenard au centre hospitalier Henri Mondor ce qui
l'amène à travailler au SAMU 95. Il obtient alors le statut de
médecin-chef dans plusieurs services d'anesthésie
réanimation. Il s'engage, parallèlement à sa
carrière médicale, dans l'aide d'urgence internationale
co-fondant l'ONG Médecins sans frontières (MSF) dont il est
vice-président de 1971 à 1988. C'est alors qu'il
bénéficie d'une relative notoriété (il a
déjà publié sept ouvrages), qu'il décide de
postuler en tant que médecin-chef de Fleury-Mérogis.
* 1803 Xavier
Emmanuelli, médecin-chef de Fleury-Mérogis de 1988 à 1992.
Entretien réalisé le 11/02/2008, 1H.
* 1804
Hélène, interne puis généraliste à
Fleury-Mérogis de 1983 à 2000. Entretien réalisé le
8/12/2005, 2H40.
* 1805 Ludovic,
généraliste à Fleury-Mérogis de 1988 jusqu'en 1999.
Entretien réalisé le 12/01/2006, 2H10.
* 1806 Xavier
Emmanuelli, médecin-chef de Fleury-Mérogis de 1988 à 1992.
Entretien réalisé le 11/02/2008, 1H.
* 1807 Xavier
Emmanuelli, médecin-chef de Fleury-Mérogis de 1988 à 1992.
Entretien réalisé le 11/02/2008, 1H.
* 1808 Ludovic,
généraliste à Fleury-Mérogis de 1988 jusqu'en 1999.
Entretien réalisé le 12/01/2006, 2H10.
* 1809 Xavier
Emmanuelli, médecin-chef de Fleury-Mérogis de 1988 à 1992.
Entretien réalisé le 11/02/2008, 1H.
* 1810 Il faut
ici rappeler que Fleury-Mérogis comporte plus de 4.000 détenus
tandis que la M.A de Fresnes en compte « seulement » 1.500,
le pouvoir syndical étant plus affirmé à Fleury
qu'à Fresnes.
* 1811 Evelyne,
infirmière à Fleury-Mérogis de 1983 à 1985 puis
à Fresnes de 1985 à 1986 puis à Fleury-Mérogis de
1987 à 1993. Entretien réalisé le 8/02/2006, 2H30.
* 1812 Xavier
Emmanuelli, médecin-chef de Fleury-Mérogis de 1988 à 1992.
Entretien réalisé le 11/02/2008, 1H.
* 1813 Ludovic,
généraliste à Fleury-Mérogis de 1988 jusqu'en 1999.
Entretien réalisé le 12/01/2006, 2H10.
* 1814 Xavier
Emmanuelli, médecin-chef de Fleury-Mérogis de 1988 à 1992.
Entretien réalisé le 11/02/2008, 1H.
* 1815
Hélène, interne puis généraliste à
Fleury-Mérogis de 1983 à 2000. Entretien réalisé le
8/12/2005, 2H40.
* 1816 Jacques,
magistrat chargé à la DAP de la réglementation sanitaire
de 1982 à 1989. Entretien réalisé le 11/01/2008, 3H30.
* 1817 Jacqueline
Tuffelli, médecin-chef de la Maison d'arrêt de Fresnes de 1986
à 2003, membre du Rapport du Haut comité à la Santé
publique. Entretien réalisé les 20 et 22/06/2005, 5H00.
* 1818 Il est
fait bien sûr ainsi référence au décret supprimant
le poste de Médecin-inspecteur en 1983, considéré
unanimement comme la première étape du décloisonnement.
* 1819 ESPINOZA
Pierre, « L'infection par le VIH en milieu
carcéral », art.cit.
* 1820 ESPIOZA
Pierre, « L'ombre du second choc sida. Sida, toxicomanie et
système pénitentiaire », Revue française des
affaires sociales, hors-série Les années sida, 1990,
pp.84-86.
* 1821 ESPINOZA
Pierre, « Les exclus du débat », Le journal du
sida, supplément au n°31-32, 09-10/1990, pp.35-36.
* 1822 ESPINOZA
Pierre, « Un maillon dans la chaine de prévention »,
Le journal du sida, n°31-32, 09-10/1991, pp.54-55.
* 1823
« Le sida en milieu carcéral : choc de deux
tabous », Lyon Figaro, 10/03/1987.
* 1824 Brigitte,
infirmière de 1984 à 1995 à la Prison Hôpital des
Baumettes. Entretien réalisé le 21/02/2006, 2H15.
* 1825 Julie,
infirmière à Pontoise de 1987 à 1990 puis à Poissy
de 1990 à 1992. Entretien réalisé le 31/01/2005, 2H.
* 1826
« Table ronde autour des questions de sida en prison en milieu
carcéral et en milieu ouvert », Les cahiers d'action
juridique, 1990/06, n°71-72, pp.91.
* 1827 Lettre de
la section des affaires économiques de la DAP aux sous directeurs sur le
bilan de la gestion 1988 et 1989 datée du 24/08/1990. Archives internes
DAP.
* 1828 Guy
Nicolas, vice-président du Haut comité à la santé
publique. Entretien réalisé le 15/06/2005. Durée :
2H20.
* 1829 DAP,
Actes du colloque Soigner absolument, 1992, p.22. Bibliothèque
DAP.
* 1830 Aucune
trace écrite ce dette intention de réforme n'a a
été trouvée.
* 1831 Jean-Paul
Jean, magistrat, Conseiller technique du ministre de la Santé de mai
1988 à mai 1991 puis Conseiller
technique des ministres de la Justice de mai 1991 à avril 1992.
Entretien réalisé le 6/07/2005, 2H.
* 1832
Jusqu'à son décès en 2008, Solange Troisier ne fera plus
parler d'elle dans l'espace public, si ce n'est par la publication d'ouvrages
autobiographiques.
* 1833 Rappelons
cependant le maintien d'une exception lyonnaise où demeure à la
fin des années quatre-vingt le seul enseignement de médecine
pénitentiaire ainsi qu'un service hospitalier qui lui est
consacré.
* 1834 C'est de
ce partage du pouvoir que naitra la polémique, explicitée en
conclusion, afin de savoir à qui imputer l'absence de décision
quant à l'arrêt des collectes de sang en milieu
carcéral.
* 1835 L'analyse
néocorporatiste analyse les politiques publiques comme le produit d'un
système de cogestion qui repose sur des organisations auxquelles l'Etat
attribue un monopole de représentation légitime des
intérêts d'un secteur d'action publique (SCHMITTER P., LEHMBRUCH
G., (ed.), Trends Toward Corporatisf IntermedialÎon, Londres,
Sage, 1979).
* 1836 Les
médiateurs sont des agents qui occupent une fonction sociale
spécifique (haute fonction publique, syndicats dominants, etc.) et qui
imposent leur représentation d'une politique sectorielle
vis-à-vis d'autres agents avec lesquels ils sont en concurrence. Ainsi
ils « réalisent la construction du référentiel
d'une politique, c'est-à-dire la création des images cognitives
déterminant la perception du problème par les groupes en
présence et la définition des solutions
appropriées » (MULLER Pierre, Les politiques
publiques, Que sais-je ?, Paris, 1990, p.50).
* 1837 JOBERT
Bruno, MULLER Pierre, L'Etat en action, politiques publiques et
corporatisme, Presses Universitaires de France, Paris, 1987.
* 1838 DGS/SDOS,
« Note pour Monsieur le Directeur Général de la
Santé sur la situation actuelle des soins en milieu
carcéral », 27/04/1992, document dactylographié, 9
pages. Archives internes DGS.
* 1839 GONIN
Daniel, La santé incarcérée, Paris, Editions de
l'Archipel, 1991.
* 1840
Ibidem, p.256.
* 1841 Le
transfert de la médecine pénitentiaire au service public
hospitalier fut une première fois adopté sous forme de
décret par le gouvernement socialiste de Pierre Bérégovoy
face à l'imminence des législatives de mars 1993. Cependant
l'immatriculation des détenus à la Sécurité sociale
relevant de la compétence du législateur, la réforme ne
fut pas appliquée immédiatement et fut reprise par le
gouvernement d'Edouard Balladur sous une forme législative.
* 1842
Arrêté du 6/06/1990 fixant l'organisation en bureaux de la
direction de l'administration pénitentiaire.
* 1843 Alain
Blanc, responsable de la sous-direction de la réinsertion de 1985
à 1995. Entretien le 19/04/2007, 3H.
* 1844
Michèle Colin, chef du Bureau de l'action sanitaire et de la lutte
contre la toxicomanie à la DAP de 1990 à 1994. Entretien
réalisé le 6/01/2006 à Paris. Durée : 1h50.
* 1845 COLIN
Michèle, « Pourquoi une Réforme sur la
santé ? » in La prison, aujourd'hui. Maladie et mort
en prison. Vers une santé libérée ?,
4ème université du Cri, 10,11 et 12 novembre 1995
à Achères (78), document ronéotypé, pp.35-38.
Bibliothèque DAP.
* 1846 Cf.
Chapitre 5- section 2.1 : « Le Programme 13.000 et la
délégation de gestion à des groupements
privés : une forme de décloisonnement ? »
* 1847
Michèle Colin, chef de bureau de l'action sanitaire à la DAP de
1990 à 1994. Entretien réalisé le 6/01/2006 à
Paris. Durée : 1H50.
* 1848
« Les prisons se refont une santé », Impact
médecin, 23/03/1992.
* 1849 Cf.
FROMENT Jean-Charles, La république des surveillants de prison,
op.cit., p.283.
* 1850 « Le
rapport escamoté », Le Figaro, 5/05/1990 ; «La
chancellerie publie une synthèse édulcorée du rapport
Karsenty », Le Monde, 5/05/1990.
* 1851
« Jean-Claude Karsenty : monsieur anti-évasions »,
La Croix, 26/10/1990.
* 1852
Jean-Claude Karsenty, DAP de 10/1990 à 06/1993. Entretien
réalisé le 24/05/2007, durée : 2 heures.
* 1853 La
création en 1987 des Antennes toxicomanies au sein des SMPR n'a pas
été traitée dans la thèse car elle porte sur une
époque où les prises en charge psyhciatriques et somatiques
étaient déjà distinguées.
* 1854
Jean-Claude Karsenty, DAP de 10/1990 à 06/1993. Entretien
réalisé le 24/05/2007, durée : 2 heures.
* 1855
Michèle Colin, chef du Bureau de l'action sanitaire et de la lutte
contre la toxicomanie à la DAP de 1990 à 1994. Entretien
réalisé le 6/01/2006. Durée : 1H50.
* 1856 Les
principaux quotidiens nationaux consacrèrent d'ailleurs à
l'occasion des articles à cette pratique médicale peu connue,
insistant notamment sur la pénurie et sur le manque de moyens dont
souffre l'organisation des soins des prisons. Libération publia
une interview de la généraliste de Bois-d'Arcy soulignant le peu
de moyens disponibles et les problèmes déontologiques qui en
résultent (« Faute de moyens, c'est le grand bricolage »,
Libération, 6/04/1992) Le Monde publia un article
relatant la difficulté de concilier les missions de soins et de
surveillance au sein de l'hôpital prison de Fresnes (07/04/1992).
* 1857 Cf.
Encadré : « Une prise de parole interne difficile :
l'exemple des congrès médicaux ».
* 1858
Peut-être certains reportages ont grossi certains dysfonctionnements.
Ainsi, au lendemain du colloque, une généraliste du C.D de
Liancourt, se voyant reprocher les propos qu'elle aurait tenus quant aux
demandes de la direction de l'établissement pour connaitre la
sérologie HIV des détenus, déclare s'être fait
« manipulée » par ce reportage vidéo
considéré comme « malhonnête » (Lettre
du directeur du CD de Liancourt au DAP du 13/04/1992. Archives internes
DAP).
* 1859
Trente-cinq journalistes (radio, télé et presse écrite)
étaient inscrits à ce colloque (« Liste des
participants au colloque « Soigner absolument », document
imprimé, 20 pages. Archives internes DAP). Un petit déjeuner avec
la presse a eu lieu, d'ailleurs, le 19 mars 1992 afin de préparer le
colloque.
* 1860
Souligné par nous (« Avant-projet d'un congrès national
de médecine en environnement pénitentiaire », document
non daté, 4 pages. Archives internes DAP).
* 1861 Bernard
Kouchner, Secrétaire d'État chargé de l'Action humanitaire
dans le précédent gouvernement est nommé le 4 avril
ministre de la Santé et de l'Action humanitaire mais il n'effectue sa
prise de fonction que le lundi 6 avril, de même que Michel Vauzelle,
nommé Garde des Sceaux.
* 1862 Guy Nicolas, ancien
vice-président du Haut Comité à la Santé Publique
et Conseiller technique auprès de la Direction des Hôpitaux.
Entretien réalisé le 15/06/2005 à Paris.
Durée : 2h20.
* 1863 Jean-Paul Jean,
magistrat, Conseiller technique des ministres de la Justice Henri Nallet puis
Michel Vauzelle de mai 1991 à avril 1992. Entretien
réalisé le 6/07/2005 à Paris. Durée : 2h00.
* 1864 DGS/SDOS,
« Compte rendu de la réunion du 30 avril 1992 entre le
Directeur général de la santé et le Directeur de
l'administration pénitentiaire », . Archives internes DGS.
* 1865 DGS/SDOS,
« Note pour Monsieur le Directeur Général de la
Santé sur la situation actuelle des soins en milieu
carcéral », 27/04/1992. Archives internes DGS
* 1866 DGS/SDOS,
« Compte rendu de la réunion du 30 avril 1992 entre le
Directeur général de la santé et le Directeur de
l'administration pénitentiaire », . Archives internes DGS.
* 1867 Les
divergences de vue entre la DGS et la DAP aboutissent à la
rédaction de deux procès-verbaux. Dans une note du 14 juin, la
DGS relate au directeur de cabinet Santé cette
incompréhension : « Il se confirme que les services de la
Chancellerie (direction de l'administration pénitentiaire) voient dans
l'exercice en cours entre le Ministère de la Santé et de la
Justice avant tout l'occasion de faire admettre et annoncer publiquement par
les deux ministres, le principe d'un transfert progressif de tutelle ou au
moins d'une tutelle partagée. Il en résulte une divergence sur la
formulation du mandat du groupe de travail Santé-Justice »
(Note DH-DGS du 14/06/1992 de Mme Khodoss (DGS/3S/57) du 14 juin 1992 à
l'attention de M. Tabuteau).
* 1868 Note
DH-DGS de Mme Khodoss (DGS/3S) à Didier Tabuteau datée du
14/06/1992. Archives internes DGS.
* 1869 DGS/
bureau « 3S »/ Mme Khodoss, « Note de
problématique. Santé en milieu pénitentiaire. Question du
« transfert de tutelle » », 18/05/1992, p.3.
* 1870 DGS/SDOS
« Note à destination de M. Tabuteau, directeur de cabinet du
ministre de la santé », 3/06/1992.
* 1871 En atteste
cette note de la DGS : « Il ne parait pas raisonnable d'accepter la
charge d'un problème peu gérable en opérant un transfert
de tutelle, ou même en l'envisageant pour le long terme et de
façon progressive [...] En revanche il ne parait pas possible de refuser
toute responsabilité sur cette question, qui est un vrai problème
de santé publique » (DH-DGS/3S/57, « Note à
destination de M. Tabuteau, directeur de cabinet du ministre de la
santé », 14/06/1992).
* 1872 Jean-Paul
Jean, magistrat, Conseiller technique du ministre de la Santé de mai
1988 à mai 1991 puis Conseiller
technique des ministres de la Justice de mai 1991 à avril 1992.
Entretien réalisé le 6/07/2005, 2H.
* 1873 DGS,
« Compte rendu de la réunion du 12/06 des cabinets
Santé-Justice », 2p. Archives DGS.
* 1874 On
rappelle que dans le gouvernement Bérégovoy du 2/04/1992 au
29/03/1993, Bernard Kouchner est ministre de la Santé et de l'action
humanitaire tandis que René Teulade est ministre des Affaires sociales
et de l'intégration dont relève la Direction de la
sécurité sociale (DSS). Déjà dans la note du 14
juin, la DGS et la DH soulignaient la nécessité d'engager des
négociations, préalablement à toute prise de
décision, avec la DSS (DH-DGS/3S, « Note à destination
de M. Tabuteau, directeur de cabinet du ministre de la
santé », 14/06/1992. Archives internes DGS).
* 1875 (DGS/3S/
Mme Khodoss, « Note à l'attention de M. Tabuteau, directeur de
cabinet du Ministre de la Santé. Relevé de décisions de la
réunion du 12 juin 1992 entre les cabinets du Garde des Sceaux et du
Ministre de la Santé », 17/06/1992). La fiche de transmission
relève que « cette note est faite sur la suggestion insistante
de Tchériatchoukine et du Pr Nicolas, qui sont inquiets que le cabinet
Teulade n'ait pas été mis dans le coup ».
* 1876 DGS,
« Compte rendu de la réunion du 12/06 des cabinets
Santé-Justice », 2p. Archives DGS.
* 1877
DGS-DH-DAP, « Note aux ministres de la santé et de la Justice.
La santé des personnes détenus et la médecine en milieu
pénitentiaire », 6/07/1992, p.7. Archives internes DGS.
* 1878
« Lettre de mission du 15 juillet 1992 de saisine du Haut
Comité de la Santé Publique » in HAUT COMITE
DE LA SANTE PUBLIQUE, Santé en milieu carcéral, ENSP
Collection Avis et Rapports du HCSP, janvier 1993, 68 p.
* 1879 Guy
Nicolas, ancien vice-président du Haut Comité à la
Santé Publique et Conseiller technique auprès de la Direction des
Hôpitaux. Entretien réalisé le 15/06/2005 à Paris.
Durée : 2h20.
* 1880 Il s'agit
uniquement de médecins-chefs nommés afin de réformer
l'organisation des soins : les Dr Emmanuelli à
Fleury-Mérogis, Tuffelli à Fresnes et Galinier-Pujol aux
Baumettes (Cf. Chapitre 6. Section 2-1 : « L'arrivée de
médecins-chefs réformateurs : une même médecine
entre le dedans et le dehors ? »).
* 1881
Denis,
cadre infirmier du Service médico-psychologique régional (SMPR)
de Loos-lès-Lille, membre du rapport du Haut comité de la
santé publique. Entretien réalisé le 14/02/2007 au
téléphone. Durée : 1H.
* 1882 Jacqueline
Tuffelli, médecin-chef de la Maison d'arrêt de Fresnes de 1986
à 2003, membre du Rapport du Haut comité à la Santé
publique. Entretien réalisé les 20 et 22/06/2005.
Durée : 5H00.
* 1883 Le
pré-rapport du HCSP sera soumis à la critique de Jeannine
Pierret, sociologue de la santé, membre du Haut Comité, qui
observe que ce dernier « souffre, d'une façon
générale, d'un manque de données et de connaissances pour
étayer l'argumentation » (PIERRET Jeannine, « Notes
de son intervention sur le pré-rapport relatif à
l'amélioration de la prise en charge sanitaire des
détenus », 23/11/1992, p.3. Archives DGS).
* 1884 A titre
d'exemple, Le Monde observe à partir du rapport :
« Son constat est accablant : 15% des détenus sont
toxicomanes, 30% sont alcoolo-dépendants ; 30% prennent
régulièrement des médicaments ; 80%
nécessitent des soins dentaires. Le taux de contamination par les virus
de l'hépatite B ou C sont très élevés. La
proportion de personnes infectées par le virus du sida est dix fois plus
élevée en prison que dans la population générale.
Les tuberculeux y sont trois fois plus nombreux et les équipes
médicales manquent cruellement de moyens » (LM,
16/08/1993).
* 1885 Le rapport
relève l'absence « d'études
épidémiologiques fiables » avant de noter que
« cependant, il est communément admis que 20% des
détenus relèvent de soins psychiatriques ». HCSP,
op.cit., p.52.
* 1886 Jean-Paul
Jean, magistrat, Conseiller technique des ministres de la Justice Henri Nallet
puis Michel Vauzelle de mai 1991 à avril 1992. Entretien
réalisé le 6/07/2005 à Paris. Durée : 2h00.
* 1887 DGS/3S,
« Note à l'attention de M. Girard » datée du
13/12/1992. Archives internes DGS.
* 1888 La
Direction des hôpitaux est également à ce stade de la
réforme peu impliquée directement puisque assiste à la
réunion seulement Joseph Alos, le directeur du Centre hospitalier de
Laon avec lequel une convention a été signée. Gilbert
Chodorge assure cependant une fonction de relais importante avec la Direction
des hôpitaux.
* 1889 Cabinet du
ministre de la Santé, « Réunion du 22 décembre
1992. Médecine pénitentiaire » daté du
11/01/1993. Archives internes DGS.
* 1890
Décret n°93-704 du 27 mars 1993 relatif aux soins dispensés
en milieu pénitentiaire par les établissements publics de
santé.
* 1891 Guy
Nicolas, ancien vice-président du Haut Comité à la
Santé Publique et Conseiller technique auprès de la Direction des
Hôpitaux. Entretien réalisé le 15/06/2005 à Paris.
Durée : 2h20.
* 1892 Fax en vue
de la préparation de la réunion du 25 juin de Cédric
Grouchka, Conseiller technique (santé publique) à la
Santé, à Bertrand Augonnet, Conseiller technique (prisons)
à la Justice, daté du du 24 juin 1993, 4p (CAC.19950466, art.44
(A666) extrait : Santé en milieu carcéral).
* 1893
Secrétariat général du gouvernement, « Compte
rendu de la réunion interministérielle du 25 juin 1993 sous la
présidence de Mme de Danne, Conseiller technique au cabinet du Premier
ministre », Paris, 25/06/1993, 4p (CAC.19950466, art.44).
* 1894 Il
semblerait que les cabinets aient adopté la réforme bien que
craignant son coût éventuel. Un fax du Conseiller technique de la
Santé au cabinet Justice préparant cette réunion remarque
que « le coût minimal de la réforme pour le
régime général est égal à 200 MF »
mais que « le coût réel pourrait dépasser 600
à 700 MF par an.» (Fax en vue de la préparation de la
réunion du 25 juin de Cédric Grouchka, Conseiller technique
(santé publique) à la Santé, à Bertrand Augonnet,
Conseiller technique (prisons) à la Justice, daté du du 24 juin
1993, 4p (CAC.19950466, art.44). Signe du flou entourant cette question
financière, certains journalistes évoquent au moment de la
réforme un coût de seulement 100 millions de francs (Le Monde,
7/10/1993). Les auteurs du rapport du HCSP confirmèrent avoir
délibérément largement sous-estimé le coût de
cette réforme.
* 1895 PAYEN
Guillaume, « Décision et entrepreneurs politiques »
dans LACASSE François, THOENIG Jean-Claude (dir.), L'action
publique, Paris, L'Harmattan, 1996, p. 189.
* 1896 On pense
bien sûr ici au scandale du sang contaminé relatif aux produits
sanguins non chauffés qui furent utilisés et pour lequel des
médecins responsables du Centre national de transfusion sanguine (CNTS)
furent jugés dès 1992 dans ce qui sera considéré
comme le premier volet du sang contaminé.
* 1897 Cf.
Chapitre 6 : « Le sida, "réformateur" de la politique de
santé en prison ? ».
* 1898 ESPINOZA
Pierre, « Infection par le VIH et prison. Le suivi du
malade », Le journal du sida, n°31-32, septembre-
octobre 1991.
* 1899
Michèle Colin, chef du Bureau de l'action sanitaire et de la lutte
contre la toxicomanie à la DAP de 1990 à 1994. Entretien
réalisé le 6/01/2006 à Paris. Durée : 1h50.
* 1900 DAP,
« Compte rendu de la réunion du 14 mai 1992 », 2
pages. Archives internes DGS.
* 1901 Note de
Michèle Colin concernant les enjeux d'une réforme de
l'organisation des soins en prisons datée de juin 1993 et transmise par
de Bertrand Augonnet à Philippe Léger pour transmission
(19950466, art.44 (A666) extrait : Santé en milieu carcéral)
* 1902 Alain
Blanc, responsable de la sous-direction de la réinsertion de 1985
à 1995. Entretien le 19/04/2007, 3H.
* 1903 FOLLEA
Laurence, « Selon une étude du Conseil national du sida, la
médecine pénitentiaire devrait passer sous contrôle
« exclusif » du ministère de la
Santé », Le Monde, 13/03/1993 ; CELERIER
Isabelle, « Sida en prison : selon le CNS la
confidentialité n'est pas respectée », Le Quotidien
du médecin, 12/03/1993. « Une atteinte au secret
médical dans les prisons », L'Humanité,
11/03/1993.
* 1904
Après avoir constamment diminué, le nombre de tuberculoses en
France augmente de 11% entre 1991 et 1993 pour plusieurs raisons:
dégradation des conditions socio-économiques, migration en
provenance de pays à forte endémie tuberculeuse et effet
amplificateur de l'épidémie VIH.
* 1905
« Prisons : foyers d'infection », le Point,
23/01/1993.
* 1906 Quatre
médecins transfuseurs, dont l'ancien directeur du Centre national de
transfusion sanguine (CNTS), Michel Garretta, sont jugés entre 1992 et
1993 pour tromperie et non-assistance à personne en danger
* 1907 Cf Annexe
35 : « Le scandale des collectes de sang en milieu
carcéral comme révélateur des faiblesses de l'organisation
des soins en prison ».
* 1908
Les médias portèrent alors leur attention principalement sur
les CTS. Le Monde publia néanmoins l'extrait du rapport
d'enquête consacré à l'« insuffisance de moyens
médicaux dont disposait l'Administration
pénitentiaire » (Le Monde, 11/11/1992).
* 1909
« Michel Vauzelle sonde la pénitentiaire », La
Croix, 22/11/1992.
* 1910
« Compte rendu de la réunion du 12/06/1992 des cabinets
Santé-Justice », 2p.
* 1911 Texte de
présentation de la réforme de Mme Colin (D.A.P) à M. Rey
(D.S.S), juin 1993. Archives internes DGS.
* 1912
« La prison malade du sida », L'événement
du jeudi, 18-24/03/1994.
* 1913 Alain
Blanc, responsable de la sous-direction de la réinsertion de 1985
à 1995. Entretien le 19/04/2007, 3H.
* 1914
Michèle Colin, chef du Bureau de l'action sanitaire et de la lutte
contre la toxicomanie à la DAP de 1990 à 1994. Entretien
réalisé le 6/01/2006 à Paris. Durée : 1h50.
* 1915 Nous ne
disposons bien sûr pas de chiffres sur les groupes en présence.
Les partisans d'une médecine pénitentiaire, rattachée
à la DAP, se situaient majoritairement parmi les infirmières
ainsi que quelques généralistes exerçant depuis longtemps.
Tous les médecins ayant initié leur carrière dans les
années quatre-vingt qui ont été rencontrés se sont
déclarés favorables à cette réforme.
*
1916 Titre d'un dossier spécial de
La Revue française des affaires sociales, n°1,
janvier-mars, 51ème année, 1997.
* 1917 OBRECHT Olivier,
« La réforme des soins en milieu pénitentiaire de 1994
: l'esprit et les pratiques », dans VEIL Claude, LHUILIER
Dominique, La prison en changement, Paris, Erès, 2000,
p.231.
* 1918
Cité dans ASSEMBLEE NATIONALE, La France face à ses
prisons, op.cit.
* 1919 PAYRE
Renaud, POLLET Gilles, Sociohistoire de l'action publique, op.cit.
* 1920 BIENVENU
Noémie, Le médecin en milieu carcéral : étude
comparative France / Angleterre et Pays de Galle, L'Harmattan, coll.
Bibliothèques de droit, Paris, 2006, p.16.
* 1921
Jusqu'à la réforme de 1994, la plupart des praticiens
hospitaliers ne connaissaient rien de la prise en charge médicale des
détenus à l'exception des consultations et des hospitalisations
qui, du fait des conditions de sécurité draconiennes
(détenu entravé, escorte policière), étaient
souvent très peu appréciées. La loi du 18 janvier 1994 fut
d'ailleurs présentée par les réformateurs comme un moyen
de diminuer ces visites. Dans les faits, il semblerait que les praticiens
hospitaliers aient à l'inverse davantage envoyé les
détenus procéder à des examens complémentaires
à l'hôpital.
* 1922 Dans les
faits il semblerait que les services soient partagés entre ceux de
médecine légale, ceux d'urgence et ceux de médecine
interne. On peut relever cependant quelques incongruités, tel qu'un
service d'ophtalmologie.
* 1923 Entretien
avec la responsable du bureau d'action sanitaire de la DRSP Rhône-Alpes
daté du 22/04/2003, 2h20.
* 1924 Entretien
avec la responsable du bureau d'action sanitaire de la DRSP Rhône-Alpes
daté du 22/04/2003, 2h20.
* 1925
« [Les personnels de l'UCSA] ont du mal à se faire
reconnaître par leur propre direction hospitalière. Ils me le
disent et puis je m'en rends compte si vous voulez lors des réunions, on
voit bien que les directions hospitalières sont très loin de
l'UCSA. Il y a des choses qui se disent en réunion annuelle des
comités de coordination et qui pour moi devraient être dites
avant, directement entre l'UCSA et la direction hospitalière et donc
ça démontre bien qu' il n'y a pas de dialogue ». Entretien
avec la responsable du bureau d'action sanitaire de la DRSP Rhône-Alpes
daté du 22/04/2003, 2h20.
* 1926 Entretien
avec la responsable du bureau d'action sanitaire de la DRSP Rhône-Alpes
daté du 22/04/2003, 2h20.
* 1927 Entretien
avec le médecin à la DRASS Rhône-Alpes chargée de la
médecine en prison daté du 26/06/2003, durée 1H.
* 1928 Entretien
avec la responsable du bureau d'action sanitaire de la DRSP Rhône-Alpes
daté du 22/04/2003, 2h20.
* 1929
L'exception à ce constat serait, selon Marie Héléne
Lechien, les infirmières qui représenteraient la
« seule catégorie "volontaire" pour les UCSA ».
Leur motivation s'expliquerait néanmoins par des raisons
professionnelles : « Les infirmières quittent
l'institution hospitalière en raison de son rythme usant et de ses
horaires décalés [...] En prison, elles éprouvent un
sentiment de "plénitude" professionnelle ». LECHIEN
Marie-Hélène, « L'impensé d'une réforme
pénitentiaire », Actes de la recherche en sciences
sociales, mars 2001, n°136-137, p.23.
* 1930 Entretien
avec la responsable du bureau d'action sanitaire de la DRSP Rhône-Alpes
daté du 22/04/2003, 2h20.
* 1931 MILLY
Bruno, Soigner en prison, Paris, PUF, coll. « Le lien
social », 2001, p.226.
* 1932 PARIZOT
Isabelle, Soigner les exclus, PUF, Paris, coll. « Le lien
social », 2003, p.49.
* 1933 C'est
ainsi que la Commission d'enquête de l'Assemblée Nationale a pu
observer « que des établissements pénitentiaires
disposent d'appareils de radiologie neufs qui restent inutilisés faute
d'un manipulateur radio ou d'un médecin généraliste
formé à leur utilisation. En conséquence de quoi, les
détenus doivent se rendre à l'hôpital de rattachement pour
effectuer ces examens avec toutes les difficultés qu'impliquent les
"extractions" » (ASSEMBLEE NATIONALE, La France face à ses
prisons, op.cit., p.211).
* 1934 FATOME
Thomas, et alii, L'organisation des soins aux détenus, op.cit.,
p.53.
* 1935 C'est ce
dont témoigne un directeur d'établissement :
« J'ai été atterré par les gens que
l'hôpital nous a envoyés : [...] des comportements de
défiance vis-à-vis de l'administration pénitentiaire [...]
Les médecins me disaient : « Nous, on n'a rien n'a voir
avec vous, on se salue, bonjour-bonsoir, mais on veut même pas vous
voir » [...] En gros, il y avait d'un côté, selon eux,
un courant progressiste, humaniste, pour ne pas dire humanitaire,
incarné par les gens du ministère de la Santé. Nous, on
était les gardiens-chefs [...] Nous, on était les abrutis du
milieu pénitentiaire et eux arrivaient avec la toute-puissance de la
connaissance de la personne humaine » (Entretien cité in
LECHIEN Marie-Hélène, « L'impensé d'une
réforme pénitentiaire », art.cit., p.23).
* 1936 BESSIN
Marc, L'hôpital incarcéré ? Modalité de
cohabitation des logiques hospitalière et pénitentiaire,
GRASS/IRESCO, juin 1994, 32p.
* 1937 La visite
médicale d'entrée a normalement lieu dans une limite de
quarante-huit heures pour la médecine somatique (UCSA) après
l'incarcération. Le Code de procédure pénal permet
cependant au magistrat d'exiger une visite médicale immédiate en
cas de risque pour la vie du détenu, notamment contre les risques de
suicide.
* 1938 Entretien
avec le médecin à la DRASS Rhône-Alpes chargée de la
médecine en prison daté du 26/06/2003, durée 1H.
* 1939 FATOME
Thomas, et alii, L'organisation des soins aux détenus, op.cit.,
p.42.
* 1940 Entretien
avec deux agents d'insertion et de probation (SPIP) des prisons de Lyon
daté du 6/05/2003, 1H20.
* 1941 FATOME
Thomas, et alii, L'organisation des soins aux détenus, op.cit.,
p.37.
* 1942 Pierre
Barlet, médecin aux M.A de Lyon depuis 1966 puis responsable du service
des détenus de l'hôpital Lyon Sud depuis 1985. Entretiens
réalisés le 18/04/2003 et le 30/04/2008. Durées: 2H15 et
2H00.
* 1943 LECHIEN
Marie-Hélène, « L'impensé d'une réforme
pénitentiaire », art.cit, p.26.
* 1944 Entretien
avec la directrice-adjointe des prisons de Lyon depuis 1999, entretiens
réalises les 13/02/2003 et 1/07/2003, durées : 2H et
2H15.
* 1945 Syndical
local UFAP Fleury-Mérogis, tract distribué dans
l'établissement pénitentiaire, 13 février 1998,
Cité in Observatoire international des prisons, Prisons :
un état des lieux, Paris, L'Esprit frappeur, 2000, p.140.
* 1946 Entretien
avec Pierre Lamothe, médecin psychiatre responsable du SMPR de Lyon
réalisé le 8/07/2003, durée 1H20.
* 1947 BIENVENU
Noémie, Le médecin en milieu carcéral, op.cit.,
pp.61-62.
* 1948 Ce fut par
exemple le cas lorsqu'en septembre 2008 à Rouen un détenu a
assassiné son codétenu après qu'un médecin ait
demandé la suspension de la mesure d'isolement frappant ce premier
détenu. La direction de la M.A avait alors suspendu l'accès du
praticien en question (« Les soignants des UCSA inquiets »,
17/10/2008, www.infirmiers.com).
* 1949 La
modification du Code pénal en 1992 en serait en partie à
l'origine. Tandis que pour l'article 64 jusqu'alors, il n'y avait
« ni crime ni délit lorsque le prévenu était en
état de démence » durant les faits, l'article L.122-1
du nouveau Code pénal prévoit que le malade dont le discernement
est « aboli » « n'est pas pénalement
responsable » tandis que la personne ayant un
discernement « altéré » demeure
punissable mais il doit en être tenu compte dans la détermination
de la peine. « Cette définition devait jouer comme un facteur
d'atténuation de la responsabilité et, en conséquence, de
diminution de la peine. Elle aurait dû se traduire par une diminution du
nombre de personnes détenus souffrant de troubles mentaux [en
détention]. C'est l'inverse qui s'est produit ».
(« Le Sénat veut endiguer la progression du nombre de malades
mentaux en prison », Le Monde, 26/01/2011).
* 1950 A titre
d'exemple, le centre de détention d'Uzerche n'a disposé d'aucun
intervenant psychiatrique depuis juillet 2001 alors qu'il s'agit d'un
établissement de 600 détenus, parmi lesquels un nombre important
de patients addictifs et d'auteurs d'agressions sexuelles (JUAN Fabien, Le
dispositif de soins en santé mentale, op.cit, p.201)
* 1951 JUAN
Fabien, Le dispositif de soins en santé mentale, op.cit, p.238.
* 1952
Jusqu'à présent trois UHSA ont été
créées (Lyon, Toulouse et Nancy), neuf étant
prévues, où sont hospitalisées des personnes
incarcérées, avec ou sans consentement, qui sont
gérées par l'Administration pénitentiaire et font
exception ainsi à l'organisation sectorielle de la psychiatrie.
* 1953 CHAUVIN
Isabelle, La santé en prison, Paris, ESF Editeur, 2000,
p.85.
* 1954
Ibidem, p.87.
* 1955 OBRECHT
Olivier, « Des progrès pour la santé en
prison », Projet n°269, juin 2002, p.114
* 1956 BASZANGER
Isabelle, « Emergence d'un groupe professionnel et travail de
légitimation. Le cas des médecins de la douleur »,
art.cit., p.268.
* 1957 PINELL
Patrice, « La genèse du champ médical : le cas de la France
(1795-1870) », art.cit., p.318.
* 1958 Il serait
à cet égard intéressant d'effectuer une sociologie des
procédures de recrutement de ces professionnels ainsi que de leur
formation. On a par exemple, à cet égard, évoqué
les conséquences de la création d'un concours externe de
directeur d'établissement dans les années soixante-dix provoquant
une élévation sensible du niveau de diplôme à mesure
qu'apparaissait un chômage de masse. Il en est de même aujourd'hui
des surveillants dont le niveau de diplôme s'est considérablement
accru.
* 1959 ARTIERES
Philippe, LASCOUMES Pierre, SALLE Grégory, « Gouverner,
enfermer...» art.cit., p.40.
* 1960
Peut-être encore plus que pour les autres administrations, on peut
regretter en matière pénitentiaire le fait que la fonction
publique favorise une logique de carrière, établissant peu de
passerellles entre les différents corps d'Etat.
* 1961 VASSEUR
Véronique, Médecin-chef à la prison de la
Santé, Le cherche midi, Paris, 2000.
* 1962 Le fait
que les deux rapports des commissions d'enquête parlementaires,
jugés éloquents, n'aient pas débouché finalement
sur une réforme pénitentiaire ne préjuge cependant pas des
effets que cet ouvrage, et ces rapports, ont pu avoir sur les consciences.
* 1963 Beaucoup
de praticiens et de membres de l'Administration pénitentiaire
reprochèrent à Véronique Vasseur de ne jamais avoir
signalé en interne ce qu'elle a dénoncé dans son livre. La
publication d'un nouvel ouvrage sensationnel en 2005 concernant l'hôpital
public où elle travaillait depuis 2001 attesterait d'une certaine
propension à « dénoncer », probablement
à des fins commerciales..
* 1964 C'est
à ce titre que certains demandent l'inscription dans le droit
français d'un statut protecteur de « lanceur
d'alerte » pour les fonctionnaires (SOS Fonctionnaires-victimes,
« Une loi pour protéger les lanceurs d'alerte de la fonction
publique », Médiapart, 1/12/2012).
* 1965 C'est
d'ailleurs pour pallier l'abscence d'un tel contrôle que le journaliste
lyonnais Bernard Bolze a lancé en 1991 la création d'un
Observatoire indépendant des prisons qui diffuse toujours une revue
bimestrielle (Dedans dehors), un guide du prisonnier ou encore un
rapport annuel. Après avoir été présidé par
Florence Aubenas (2008-2012), l'OIP est actuellement présidé par
Antoine Lazarus.
* 1966 Loi
n° 2007-1545 du 30 octobre 2007 instituant un Contrôleur
général des lieux de privation de liberté.
* 1967
Dotée d'environ 35 contrôleurs, l'équipe du
Contrôleur général a visité en 2012 159
établissements, soit 665 depuis sa création, sur un total de
5.219 lieux privatifs de liberté (prisons mais aussi zones de
rétention administrative, centres éducatifs fermés,
hôpitaux psychiatriques, locaux de garde à vue, etc). CGLPL,
Rapport d'activité 2012, disponible en ligne sur le site :
http://www.cglpl.fr/.
* 1968 ECOLE
NATIONALE D'ADMINISTRATION, L'Administration pénitentiaire et les
droits des personnes détenus, Mémoire d'approfondissement
n°9, promotion Robert Badinter, février 2011, 52p.
* 1969
HERZOG-EVANS Martine, « Loi pénitentiaire n° 2009-1436 du
24 novembre 2009 : changement de paradigme pénologique et toute
puissance administrative », Recueil Dalloz, 2010, pp. 31 et
suiv.
* 1970 Ces
informations reposent sur (Nicot Xavier, « Prison »,
Encyclopédie de droit pénal et de procédure
pénale, Dalloz, 1978 ; La lettre de la chancellerie,
n°35, 15/02/1979 ) mais surtout sur le site très bien
réalisé des archives du ministère de la Justice :
http://www.archives-judiciaires.justice.gouv.fr.
* 1971 Les
principales réorganisations sont celle de 1978 (arrêté du
22/12/1978), celle de 1984 (arrêté du 02/05/1984), et celle de
1990 (arrêté du 6/06/1990) ainsi que celle de 1998.
* 1972
« Rapport général pour l'année 1964 »,
RPDP, octobre-décembre 1965, p.519
* 1973
« Brefs renseignements sur la médecine
pénitentiaire », L'information psychiatrique,
11/1966, n°9, p.853
* 1974
GOLPAYEGANI Behrouz, op.cit., p.235.
* 1975 DAP, Note
sur l'organisation des services médicaux en prison à l'attention
de M. Darmon, Conseiller technique auprès du garde des Sceaux en vue de
l'entretien avec le Dr Petit, 1/10/1973 (19960136. Art. 112. M1).
* 1976 Bureau des
méthodes et de la réglementation, « Note sur la
situation sanitaire dans les établissements
pénitentiaires », 05/1976. Document dactylographiée et
annotée de 17 pages. (19960136. Art. 112. M0).
* 1977 ARNAUD
Claude, Organisation de la médecine pénitentiaire en
France, op.cit., p.28.
* 1978
« La médecine en milieu pénitentiaire »,
cours de l'ENAP, 22/11/1978, pp.22-23. Archives internes DAP.
* 1979
« Le personnel pénitentiaire », RPDP,
04-06/1981, p.179.
* 1980
Attestation d'études relatives à la médecine
pénitentiaire (diplôme d'université), tome VII,
Université pari VII, Faculté de médecine
Lariboisière Saint-Louis, 1984-1985, p.108.
* 1981 BERAULT
Pierre, Le service médical en milieu pénitentiaire,
op.cit., 1985.
* 1982 DARBEDA
Pierre, « Prison et santé », RSCDP,
n°3, 07-09/1987, p. 744.
* 1983 Bulletin
de l'APSP n°2-3, document de 38 pages ronéotypé. Archives
internes DGS.
* 1984
« La santé sous les verrous », Impact médecin,
n°125, 22/11/1991, pp.6-7.
* 1985 FAUGERON
Claude, « De la Libération à la guerre
d'Algérie...», art.cit., p.315.
* 1986 FAUGERON
Claude, LE BOULAIRE Jean-Michel, « La création du service social...
», art.cit., p.354.
* 1987 Yvan
Zakine, magistrat affecté à la DAP de 1962 à 1970 puis
directeur de la DAP de 1981 à 1983. Entretien réalisé le
20/03/2008. Durée : 3H00.
* 1988 SCHMELCK
Robert, « Evolution de la politique pénale et
pénitentiaire », Gazette du Palais, 28-30 octobre
1979, cité in FAVARD Jean, Des prisons,
op.cit.,p.17.
* 1989 FAUGERON
Claude, « Les prisons de la Vème République :
à la recherche d'une politique », art.cit. p.322.
* 1990
Ibid., pp.327-328
* 1991 Georges
Fully (1926-1973) né à Saint-Etienne est arrêté en
janvier 1944 pour des faits de résistance. Il est déporté
en juillet 1944 à Dachau où il sauve Edmond Michelet du typhus. A
son retour, avec l'aide du Dr Léon Dérobert à qui il fut
recommandé, Fully réalise ses études de médecine
à Paris. Il effectue en 1954 dans le cadre de la
Fédération des anciens combattants la reconnaissance de corps au
sein des camps de concentration, sujet auquel il consacre sa thèse en
1955 sous la direction du Pr Piedelièvre. Après sa nomination en
tant que médecin-inspecteur, il délaisse le domaine de la
médecine légale où il avait publié plusieurs
articles remarqués (notamment en élaborant une méthode de
reconstitution du squelette avec le Dr Perdrot) pour se consacrer à la
« médecine pénitentiaire » (STEWARD T.D.,
« A tribute to the French Forensic Anthropologist Georges Fully
(1926-1973) », Journal of Forensic Science, octobre
1979, vol.24, n°4, pp.916-924).
* 1992 DAP,
Rapport général pour l'année 1965 (extraits),
dans RPDP, 10-12/1966, p.691.
* 1993 Yvan
Zakine, magistrat affecté à la DAP de 1962 à 1970 puis
directeur de la DAP de 1981 à 1983. Entretien réalisé le
20/03/2008. Durée : 3H00.
* 1994 FULLY
Georges, « Les problèmes posés par les alcooliques en
prison », RPDP, 07-09/1966, p.420.
* 1995 Georges
Fully fut à l'origine de quatres « journées
d'études » consacrées à la médecine
pénitentiaire : en 1963 à Paris, en 1968 à
Fleury-Mérogis, en 1970 à Marseille et en 1972 à
Strasbourg.
* 1996 Cf.
Encadré : « L'intégration de la psychiatrie
pénitentiaire dans le champ hospitalo-universitaire : l'exemple
lyonnais ».
* 1997 Daniel
Gonin, psychiatre travaillant comme généraliste à la M.A
de Lyon de 1962 à 1989. Entretiens réalisés les
25/02/2008, 10/03/2008, 26/03/2008. Durées : 2H ; 2H ; 2H.
* 1998 Note de
Georges Fully au DAP pour le « projet de budget 1967
» datée du 10/02/1966 (CAC.19960279, art. 112 (E4580). M11.
Personnel sanitaire)
* 1999 Lettre de
démission de Mme Pelou, infirmière-chef de l'Hôpital de
Fresnes, datée du 17 mars 1966 (CAC.19960279, art. 112 (E4580). M11).
* 2000 Lettre du
Dr Petit à Georges Fully datée du 28 mars 1966 (CAC.19960279,
art. 112 (E4580). M11).
* 2001 Lettre de
G. Fully au DAP datée du 31/03/1966. CAC.19960279, art. 112 (E4580).
* 2002 L'article
D.390 du CPP établit ainsi que « si un détenu se livre
à une grève de la faim prolongée, il peut être
procédé à son alimentation forcée mais seulement
sur décision et sous surveillance médicale et lorsque ses jours
risquent d'être mis en danger ».
* 2003
ALBERT-WEIL Jean, J'ai été 16 ans médecin à
Fresnes, op.cit., p.155 (Souligné par l'auteur).
* 2004
ALBERT-WEIL Jean, « La grève de la faim en milieu
pénitentiaire. Le rôle du médecin et les enseignements
à tirer », document ronéotypé de 12 pages (CAC.
19960136. Art.99 (Extraits). Dossier K 362 : mesures à prendre en
cas de grèves de la faim).
* 2005 FULLY
Georges, « Les grèves de la faim en milieu
pénitentiaire », document de 7 pages, 10/05/1960 (CAC.
19960136. Art.99 (Extraits). Dossier K 362).
* 2006
« Le refus de M. Ben Bella », Le Monde,
20/05/1981.
* 2007 MANGEON
Jean-Philippe, « Attitudes médicales devant les grèves de la
faim », RPDP, 04-06/1983, p.113.
* 2008
Ibidem, p.113.
* 2009 FULLY
Georges, « La grève de la faim en milieu
carcéral », Cours de médecine pénitentiaire
à la Faculté de médecine de Paris, cours n°29,
1968-1969, 10 pages (CAC. 19960136. Art.99 (Extraits). Dossier K 362).
* 2010 Lettre du
responsable du Bureau d'application des peines, M. Amathieu, au directeur de
cabinet du garde des Sceaux, 21/07/1967 (CAC. 19960136. Art.99 (Extraits).
Dossier K 363 : alimentation forcée).
* 2011 Note de
Georges Fully au responsable du Bureau d'application des peines, M. Amathieu,
« De l'emploi des méthodes de force dans les grèves de
la faim », 1/02/1968 (CAC. 19960136. Art.99 (Extraits). Dossier K
363).
* 2012 Cf. Annexe
20: « Asclépios au service de Thémis ou la position
controversée de Solange Troisier en matière de grèves de
la faim ».
* 2013 HIVERT
Paul, « Les CMPR. Aspects historiques », L'information
psychiatrique, 02/1983, p.155.
* 2014 VOULET
Jacques, Les prisons, coll. Que-sais-je?, Paris, PUF, p.82.
* 2015 JUAN
Fabien, Le dispositif de soins en santé mentale en milieu
carcéral : évolution et actualités, thèse de
médecine, 2005, Université d'Angers, p. 42.
* 2016 POUYOLLON
François, BERTHET Jean-Paul, « La vie au
C.M.P.P.R », Présences et perspectives en santé
mentale, n°93, juin 1984, pp.11-14 (p.14.
* 2017 HIVERT
Paul, « Le Centre médico-psychologique régional
pénitentiaire de Paris. Evolution d'une institution »,
RPDP, 01-03/1979, p.122. pp.121-127.
* 2018 HIVERT
Paul, « Trente ans de prison », Perspectives
psychiatriques, 1989, 28ème année, n°19,
p.223.
* 2019 DAP,
Premier congrès mondial de médecine
pénitentiaire, imprimerie administrative de Melun, 1978, p.88.
* 2020 Jacques,
magistrat chargé à la DAP de la réglementation sanitaire
de 1982 à 1989. Entretien réalisé le 11/01/2008, 3H30.
* 2021 «
Quatrième congrès français de criminologie »,
RPDP, 1963, p.372.
* 2022 HIVERT
Paul, « De l'annexe psychiatrique au centre de criminologie
clinique », RPDP, 1963, p.437. (432-437
* 2023 SIZARET
Pierre, Psychiatrie et milieu pénitentiaire (rapport de
médecine légale au congrès de psychiatrie et neurologie de
langue française), Paris, Masson, 1967, p.103.
* 2024 AYME Jean,
« Les rapports historiques de la psychiatrie et de la médecine
légale, de l'hôpital psychiatrique et de la prison »
art.cit. p.32.
* 2025 HIVERT
Paul, « Les CMPR. Aspects historiques », art.cit.,
p.156.
* 2026 DAVID
Michel, Psychiatrie en milieu pénitentiaire, Edition PUF,
collection Nodules, 1993, p.25.
* 2027
« Malaise aussi à la prison de Dijon », La
dépêche, 26/08/1972.
* 2028
L'Aurore (26/08/197), Le Monde (27/08/1972), Le Soir
(27/08/1972).
* 2029 Toutes les
informations suivantes sont extraites du dossier de carrière du Dr
Pivert consulté au Centre des archives contemporaines de
Fontainebleau.
* 2030 Note de
Georges Beljean, DAP, au directeur de cabinet du garde des Sceaux datée
du 7/07/197 (CAC. 19830701. Art.483).
* 2031 Lettre du
DRSP de Dijon au cabinet du DAP datée du 21/09/1972 (CAC. 19830701.
Art.483).
* 2032 Rapport de
Georges Fully au DAP daté du 12/09/1972 (CAC. 19830701. Art.483).
* 2033 Lettre du
DRSP de Dijon au Bureau des personnels datée du 13/11/1970 (CAC.
19830701. Art.483).
* 2034 Lettre du
Dr Pivert au Médecin-inspecteur datée du 22/06/1972 (CAC.
19830701. Art.483).
* 2035 Rapport du
surveillant-chef au directeur de la M.A de Dijon daté du 28/06/1972
(CAC. 19830701. Art.483).
* 2036 Rapport du
chef de la M.A de Dijon au DRSP daté du 29/06/1972 (CAC. 19830701.
Art.483).
* 2037 Simone Buffard,
psychologue de 1961 à 1984 à la M.A de Lyon. Entretien
réalisé le 16/02/2006. Durée : 3h00.
* 2038 La
relégation est une pratique née de la loi Waldeck-Rousseau, alors
ministre de l'Intérieur, de 1885 consistant à reléguer de
manière perpétuelle certains récidivistes.
Exécutée d'abord au bagne de Cayenne et en
Nouvelle-Calédonie, cette pratique s'effectue en métropole de
1938 à 1970, année de sa suppression (VIMONT Jean-Claude, «
Les dossiers judiciaires de personnalité et la Réforme
pénitentiaire (1945-1970) » in BANTIGNY Ludivine et VIMONT
Jean-Claude (dir.), Sous l'oeil de l'expert, Rouen, Presses
universitaires de Rouen et du Havre (PURH), 2010, pp.147-164).
* 2039 Daniel
Gonin, psychiatre travaillant comme généraliste à la M.A
de Lyon de 1962 à 1989. Entretiens réalisés les
25/02/2008, 10/03/2008, 26/03/2008. Durées : 2H ; 2H ; 2H.
* 2040 BUFFARD
Simone, Le froid pénitentiaire, Paris, Le Seuil, 1973,
p.198.
* 2041
Ibidem, p.200.
* 2042 Le
succès de cet ouvrage s'explique également par le sous-titre de
ce livre (« L'impossible réforme des prisons ») et
la 4ème de couverture, explicitement abolitionniste, alors
qu'avait lieu une grande réforme des conditions de détention par
le nouveau Président de la république.
* 2043 BUFFARD
Simone, Le froid pénitentiaire, op.cit, pp.211-213.
* 2044 MATTONTI
Frédérique, « Les nouvelles frontières du normal et
du pathologique » in DAMAMME Dominique, GOBILLE Boris, MATONTI
Frédérique, PUDAL Bernard, Mai-Juin 68, Éditions
de l'Atelier, 2008, p. 158-171.
* 2045 JAEGER
Marcel, Le désordre psychiatrique. Des politiques de la santé
mentale en France, Paris, Payot, 1981, p.114.
* 2046 AYME Jean,
« Les rapports historiques de la psychiatrie et de la médecine
légale, de l'hôpital psychiatrique et de la prison »
art.cit. p.30.
* 2047
Ibidem, p.151.
* 2048
Ibidem, p.179.
* 2049 Cyril,
interne en psychiatrie aux Baumettes de 1971 à 1973. Entretien
réalisé le 23/02/2006. Durée : 2H00.
* 2050 DE
FREMIVILLE Bernard, « Les mouvements de remise en cause »,
Autrement, hiver 1975, pp.78-83.
* 2051 Le
Syndicat national des psychiatres en formation crée ainsi
Psychiatrie d'aujourd'hui. Cf. le numéro spécial de
La nef (n°42, 1971), consacrée à
l'antipsychiatrie.
* 2052 Cf.
« L'internement psychiatrique arbitraire en Russie »,
Economie et humanisme, 05-06/1971, pp.33-36 ;« Les
hôpitaux-prisons », Esprit, 01/1972, pp.59 et suiv.
* 2053
« L'affaire Caro », Le Nouvel Observateur,
n°360, 4-10/10/1971.
* 2054 HOF
Gérard, Je ne serai plus psychiatre, Paris, Stock, collection
Témoignages, 1976.
* 2055 AERLIP,
Des infirmiers psychiatriques prennent la parole, Copédith,
Paris, 1974 ; BERNARD Paul, Manuel de l'infirmier en psychiatrie,
Masson, 1974; REOUMIEUX André, Je travaille à l'asile
d'aliénés, Editions Champ libre, 1974.
* 2056 JAUBERT
Alain, Guide de la France des luttes, Paris, Stock 2, 1974, p.370.
* 2057 RICHARD
Michel, « Violence et psychiatrie », Chronique sociale
de France, Cahier 1, février 1972, p36.
* 2058 On
s'appuie ici sur deux thèses de médecine : AUBERT Jean-Pierre,
Contribution à l'étude du mouvement de Mai 68 dans les
facultés de médecine parisiennes, thèse de
médecine, Paris 5 Necker, 1983; BEN MERABET BELOUIZDAD Zahia, Mai 68
dans le milieu hospitalo-universitaire parisien, thèse de
médecine, Paris 12 Créteil, 2004.
* 2059 PASSERON
J.C (dir.), Enquête sur les étudiants en médecine,
Paris, EHESS, Centre de sociologie européenne, 1964.
* 2060 AUBERT
Jean-Pierre, Contribution à l'étude du mouvement de Mai
68..., op.cit., p.18.
* 2061 Idem,
p.20.
* 2062
Cité in BEN MERABET BELOUIZDAD Zahia, Mai 68 dans le milieu
hospitalo.., op.cit, p.132-133.
* 2063 A
l'occasion des quarante ans de Mai 68, B. Kouchner récuse cette
filiation soixante-huitarde, se réclamant avant tout de celle de
l'urgentisme et déclarant : « L'événement
marquant de l'année 1968 fut pour moi le Printemps de Prague [...]
L'indifférence de la révolte française à ce qui se
passait à Prague était le signe d'une indifférence plus
générale à l'égard du monde, indifférence
à vrai dire insupportable et dangereuse » (« Sous les
pavés, le sans-frontiérisme ? », Le Quotidien du
Médecin, 29/04/2008).
* 2064
GUILLEMOLES Alain, Bernard Kouchner, la biographie, Bayard, Paris,
2002.
* 2065 GARCIA
Sandrine, « Expertise scientifique et capital militant. Le rôle
des médecins dans la lutte pour la légalisation de
l'avortement », Actes de la recherche en sciences sociales,
n°158, 2005, pp.96-115 ; GAUDILLIERRE Jean-Paul,
« Intellectuels engagés et experts : biologistes et
médecins dans la bataille de l'avortement », Natures
Sciences Sociétés, 2006, n°14, pp.239-248.
* 2066 GARCIA
Sandrine, « Expertise scientifique et capital militant »,
art.cit., p.108.
* 2067 SEYLIER
Monique, « La banalisation pénitentiaire »,
Déviance et société, vol.4., n°2, 1980,
p.133.
* 2068 FAUGERON
Claude, « De la Libération à la guerre
d'Algérie », art.cit., p.289.
* 2069 FAUGERON
Claude, LE BOULAIRE Jean-Michel, « La création du service
social des prisons et l'évolution de la réforme
pénitentiaire de 1945 à 1958 », Déviance et
société, vol.12., n°4, 1988, p.319.
* 2070 FAUGERON
Claude, « De la Libération à la guerre
d'Algérie », art.cit., p.292.
* 2071 LETENEUR
Henri, « La politique pénitentiaire
française », art.cit., p.188.
* 2072 BOUZAT P.,
« De quelques réformes pénitentiaires actuellement
réalisables », Revue internationales de droit
pénal, 1946, p.88.
* 2073 GAYRAND
M., « La réforme pénitentiaire »,
RPDP, 1958, p.702.
* 2074 FAUGERON
Claude, LE BOULAIRE Jean-Michel, « La création du service
social des prisons et l'évolution de la réforme
pénitentiaire de 1945 à 1958 », Déviance et
société, vol.12., n°4, 1988, p.319
* 2075
« Combattre le droit en tant que "vérité
établie" », Le Monde, 26/12/1972.
* 2076 ARNAUD
André Jean, « Dix ans de critique du droit en
France », Actes, n°32/33, 1982, pp.35-37 ;
ISRAËL Liora, « Le 68 des juristes : défense, revendication,
organisation (1968-1974) » dans ARTIERES Philippe et
ZANCARINI-FOURNEL Michelle, 68, Une histoire collective (1968-1981),
La Découverte, « Cahiers Libres », Paris, 2008, pp.583-591.
* 2077 ZIWE
William Francis, Droits du détenu et droits de la
défense, op.cit, p.421.
* 2078
Ibidem, p.18.
* 2079
ISRAËL Liora, « Le 68 des juristes : défense, revendication,
organisation (1968-1974) », art.cit., p.589.
* 2080
Ibidem, p.589.
* 2081
Ibidem, p.421.
* 2082 VARAUT
Jean-Marc, La prison pour quoi faire ?, op.cit., p.196.
* 2083 Cf. Annexe
24 : « Entre critique radicale et reforme pragmatique, Le
Syndicat de la magistrature face à la question
pénitentiaire ».
* 2084 Myriam
Ezratty, magistrate et directrice de la DAP d'avril 1983 à juillet 1986.
Entretien le 8/02/2008, 3H30.
* 2085 Yvan
Zakine, magistrat affecté à la DAP de 1962 à 1970 puis
directeur de la DAP de 1981 à 1983. Entretien réalisé le
20/03/2008. Durée : 3H00.
* 2086 Cf. Annexe
24 : « Entre critique radicale et réforme pragmatique, le
Syndicat de la magistrature face à la question
pénitentiaire ».
* 2087 BLOCH
Etienne, Texte sur la responsabilité du juge, non daté, 10 pages.
Fonds Etienne Bloch. 3017-13. IV-1.
* 2088 LYON-CAEN
Pierre, « La crise pénitentiaire »,
Justice, n°16, 1972, p.27.
* 2089 BLOCH
Etienne, « Le syndicat de la magistrature et la prison »,
Bulletin du GMP (Fonds Etienne Bloch. ARC 3017-15. IV-28
Groupe Multiprofessionnel).
* 2090 Cf.
Chapitre 1 - section 3.2 : « La contestation des internes, effet
de la politisation des étudiants de médecine ».
* 2091 Cf.
BOULLANT François, « 1974 : "L'affaire
Mirval" », art.cit, pp.97-115.
* 2092 CUAU
Bernard, L'Affaire Mirval ou Comment le récit abolit le crime,
Paris, Les Presses d'aujourd'hui, coll. La France sauvage, 1976, p.18.
* 2093
« Manifestation devant le ministère de la Justice à
propos de la mort de Patrick Mirval », Le Monde,
21/03/1974 ; « Manifestation du 22 mars du C.A.P devant le
ministère de la Justice », Le Monde, 21/03/1974.
* 2094 BOULLANT
François, « 1974 : "L'affaire Mirval" »,
art.cit., p.101.
* 2095
Ibidem, p.99.
* 2096
VIDAL-NAQUET Pierre, « Deux crimes, un procès », Le
Monde, 25/01/1977.
* 2097
« Médecins des prisons : 2ème partie »,
1ère chaîne, 24/03/1976, 1 heure, Archives INA.
* 2098 Dans
LIVROZET Serge, Aujourd'hui, la prison, Paris, Hachette, Essais, 1976,
pp.159-163.
* 2099 LAZARUS
Antoine, « Le médecin pénitentiaire entre deux
demandes », Connexions, n°20, 1976, pp.64-66.
* 2100 Cf.
Chapitre 4 - Section 1-2 : « L'influence d'une
« communauté épistémique
réformatrice » sur la politique carcérale : la
Coordination syndicale pénale (COSYPE) ».
* 2101 Luc,
interne aux prisons de Lyon de 1974 à 1975 puis assistant en psychiatrie
au CMPR de 1977 jusqu'en 1984. Aujourd'hui chef de service à
l'hôpital du Vinatier. Entretien réalisé le 25/02/2008.
Durée : 2H.
* 2102 La
« fiole » est un mode de préparation et de
distribution des médicaments propre au monde carcéral apparu
durant les années soixante et qui s'est systématisé durant
les années soixante-dix suite aux nombreuses tentatives de suicides. Il
consistait à diluer tous les médicaments pour un même
détenu, et notamment les psychotropes, dans de l'eau et à les
mélanger tous ensembles. La fiole, parfois préparée
plusieurs jours à l'avance, était distribuée au
détenu en coursive et devait être bue devant le surveillant. Ce
mode de préparation, également appelée
« dilution », apparaitra progressivement comme l'un des
symboles de l'archaïsme de la médecine pénitentiaire du fait
du rôle des contraintes carcérales dans l'administration des
médicaments.
* 2103 Luc,
Essai d'approche psychodynamique individuelle et institutionnelle de la
relation médico-psychologique en milieu pénitentiaire,
thèse de médecine, université de Lyon, 1976, p.13.
* 2104 Cf.
Chapitre 2 - section 1.2 : « De la revendication du droit
à la mobilisation des professionnels de la prison :
l'émergence d'un nouveau militantisme carcéral ».
* 2105 Julien,
infirmier à Fresnes de 1974 à 1976 puis interne à La
Santé de 1977 à 1978 puis médecin à Bois d'Arcy de
1981 à 1987. Entretien réalisé le 16/01/2008.
Durée : 3H.
* 2106 Lettre de
démission du médecin de Bois-d'Arcy au directeur de la M.A
datée du 20/01/1987 (CAC. 19940511. Art.87).
* 2107 La
rémunération des infirmières est à la charge de la
CRF tandis que les fournitures d'ordre matériel sont
réglées par l'Administration (« Infirmières »,
circulaire à M.M. les Directeurs régionaux, Paris, 30 mai
1945).
* 2108 Lettre du
DRSP de Marseille adressée au 2ème bureau de
l'application des peines de la DAP datée du 27/07/1945 (CAC. 19960279,
art.19 (extrait) : dossier n°62 : infirmières,
1945-1951)
* 2109 Au sujet
du Camp pénitentiaire d'Ecrouves, la CRF relate la visite de sa
délégation départementale s'étant vu
répondre au sujet de la mise en place d'une infirmerie « que
le Directeur lui-même, n'en voyait pas la nécessité, ni la
possibilité ». Le Bureau de l'application des peines
répond alors à la CRF qu'« il n'y aura pas de tenir
compte de certaines objections présentes sur le plan local »
(Lettre de la CRF au Bureau de l'application des peines de la DAP datée
du 14/08/1947 et lettre du Bureau de l'application des peines de la DAP
à la CRF datée du 7/11/1947. CAC. 19960279, art.19 (extrait))
* 2110 «
Conseil Supérieur de l'Administration Pénitentiaire.
Séance du jeudi 30/01/1947 », RPDP, 04/1947, p.168.
* 2111 Cette
tentative se heurte toutefois à un problème budgétaire
puisqu'en 1946 on compte 30 infirmières pénitentiaires contre 157
infirmières CRF, et en 1950 18 pénitentiaires contre 201 CRF..
* 2112 Lettre du
directeur du service sanitaire des prisons de la CRF au Bureau de l'application
des peines datée du 19/10/1945 (CAC. 19960279, art.22. Dossier
n°72 : commission de la santé publique).
* 2113 Compte
rendu de la réunion consacrée à l'établissement de
Liancourt au sein de la commission interministérielle du
7/05/1946 (CAC. 19960279, art.22. Dossier n°72 : commission de
la santé publique).
* 2114 On trouve
parmi les dossiers de carrière de la CRF des comptes rendus
effectués par les infirmières- assistantes sociales de la Croix
Rouge de l'établissement. Leur régularité, trimestrielle
ou semestrielle, mais surtout leurs formes sont
hétérogènes bien qu'un questionnaire imprimé a
été élaboré par la CRF mais peu
d'infirmières semblent en disposer.
* 2115 Lettre de
la CRF à la DAP transmettant les rapports des infirmières de
l'année 1950 et datée du 28/05/1951 (CAC. 19960279, art.19
(extrait)).
* 2116 Une
version antérieure du courrier daté du 13 juillet demandait
à ce que ces rapports soient « adressés par la voie
hiérarchique des Directeurs de circonscription pénitentiaire, par
toutes les assistantes sociales d'établissement pénitentiaire,
quel que soit leur mode de rémunération » (Lettre du
DAP, Charles Germain, adressé au Directeur de la CRF datée du
19/07/1951 CAC. 19960279, art.19 (extrait)).
* 2117 «
Détenus tuberculeux », circulaire du 20 juin 1947, Paris, dans
RPDP, 01-02-03/1947, p.99.
* 2118 En vertu
de la loi du 18 août 1948 ainsi que de la circulaire du 13 janvier 1949,
le Directeur départemental de la Santé est chargé, en
concertation avec le préfet, de mettre en place les soins
antivénériens des détenus, déchargeant ainsi les
médecins et infirmières pénitentiaires de cette
responsabilité (RSCDP, 1949, n°2, pp.455-456).
* 2119 Lettre de
la Direction de la Santé à la DAP datée du 27/07/1945
(CAC. 19960279, art.22. Dossier n°72 : commission de la santé
publique).
* 2120 «
Commission interministérielle de l'hygiène dans les
établissements pénitentiaires », compte-rendu de la
réunion du 17 décembre 1945, dans RPDP, 01-02-03/1947,
p.94.
* 2121 «
État sanitaire des prisons », circulaire du directeur de
l'administration pénitentiaire, Paris, 6 mars 1946.
* 2122 «
Conseil Supérieur de l'Administration Pénitentiaire.
Séance du jeudi 30 janvier 1947 », RPDP, 04-05-06/1947,
pp.170-171.
* 2123 En atteste
la réponse du garde des Sceaux en 1957 à une proposition de la
CRF d'instaurer des visites semestrielles des Directrices des Bureaux des
Infirmières des Conseils Départementaux : « J'ai
l'honneur de vous remercier vivement de cette proposition, mais je ne pense pas
qu'il y ait lieu de lui donner suite pour l'instant. En effet, l'organisation
d'une inspection médicale est actuellement à l'étude et
parait susceptible d'aboutir à bref délai » (Lettre du
garde des Sceaux, Robert Lecourt, au Président de la CRF datée du
21/12/1957. CAC. 19960136, art.3 (extrait : A.441) : inspection
médicale,1960-1969).
* 2124 Circulaire
Justice, Intérieur, Armées, Santé du 6/10/1961 sur
l'« hospitalisation et conduite à une consultation dans un
service hospitalier des détenus de la catégorie A »
(CAC. 19960279. Art.121. Dossier M.404 : « Mesures en vue
d'éviter les abus d'hospitalisation »).
* 2125 Les
« extractions » désignent d'après le Code de
procédure pénale le fait d'escorter le détenu à
l'extérieur de l'établissement, soit pour les besoins de
l'instruction judiciaire, soit pour des examens médicaux. Du fait de
l'importante charge de travail que cela représente, les extractions ont
toujours été un sujet litigieux entre la police qui en a la
charge et l'Administration pénitentiaire. Cette dernière s'est
vue confiée cette mission depuis la Loppsi 2 votée en 2010.
* 2126 Note du 27/10/1962
adressée par le responsable du Bureau de la détention au
Directeur régional des services pénitentiaires de Lille (CAC.
19960136. Art.123. Dossier M.456 « Hospitalisations
civiles »).
* 2127 Note du
16/01/1962 du Bureau de l'application des peines au DAP au sujet
d'« hospitalisations abusives de détenus
activistes » à la M.A de Bayonne (CAC. 19960279. Art.121.
Dossier M.404).
* 2128 En 1971,
le prix d'une journée en chirurgie générale dans un
hôpital civil était de 212 francs contre 40 francs à
l'hôpital de Fresnes (DAP, Rapport d'exercice 1971, p.69).
* 2129 DAP,
Le service médical en milieu pénitentiaire, op.cit.,
p.32.
* 2130
« La médecine en milieu pénitentiaire »,
cours de l'ENAP, 22/11/1978, pp.22-23. Archives internes DAP.
* 2131 DAP,
Deuxièmes journées européennes de médecine
pénitentiaire, op.cit., pp.18-19.
* 2132
LALONDRELLE Joël, Travail de l'interne à la maison
d'arrêt de la Santé et aspects de la médecine en milieu
carcéral, thèse de médecine, Paris Cochin Port-Royal,
1981, p.43.
* 2133 Compte
rendu de visite de Solange Troisier à la M.A de Nice du 28 /09/1977,
document 2 pages daté du 6/10/1977 (CAC. 19940511. Art.87.)
* 2134 Lettre du
chef de la M.A de Bastia au DRSP de Marseille datée du 11/02/1979 (CAC.
19830701. Art.482).
* 2135 Lettre de
Solange Troisier à Mme Lalle datée du 9/05/1979 (CAC. 19830701.
Art.482).
* 2136 GUION
Pascale, L'hospitalisation des détenus : législation et
aspect médical, thèse de médecine, Faculté de
Lyon, 1983, p.112.
* 2137 BACQUIAS
Philippe, Pratique d'une psychiatrie quotidienne en milieu carcéral.
A propos d'une expérience de consultation psychiatrique dans un
bâtiment de jeunes détenus à la M.A de
Fleury-Mérogis, thèse de médecine, sous la direction
du Pr Duché, faculté de médecine
Pitié-Salpêtrière, Paris VI, 1977.
* 2138 «
Conseil Supérieur de l'Administration Pénitentiaire », dans
RPDP, 04-05-06/1948, p.158.
* 2139 FAUGERON
Claude, LE BOULAIRE Jean-Michel, « La création du service social
des prisons...», art.cit., p.355.
* 2140 DAP,
« Rapport général pour l'année 1965 »,
art.cit., p.789.
* 2141 Cf. Lettre
de démission de Mme Pelou, infirmière-chef au
Médecin-inspecteur G. Fully, 17/03/1966 (CAC. 19960136. Art. 112.
(E4580). M 11 : Personnel sanitaire)
* 2142 Lettre du
Dr Petit au Médecin-inspecteur G. Fully, 28/03/1966 (CAC. 19960136. Art.
112. M 11).
* 2143 DAP,
« Rapport général pour l'année 1965 »,
art.cit., p.789.
* 2144 DAP,
« Rapport général pour l'année 1964 »,
art.cit., p.586.
* 2145 DAP,
« Rapport général pour l'année 1965 »,
art.cit.., p.692.
* 2146 Note du
Médecin-inspecteur, Georges Fully, au directeur de l'Administration
pénitentiaire pour le « projet de budget 1967 »,
10/02/1966 (CAC. 19960136. Art. 112. M 11).
* 2147 Bureau des
méthodes et de la réglementation, « Note sur la
situation sanitaire dans les établissements
pénitentiaires », 05/1976, 17 pages (CAC. 19960136. Art. 112 M
0 : Généralités).
* 2148 Bureau des
méthodes et de la réglementation, « Note sur la
situation sanitaire... ». Document cité.
* 2149 SCHMITT
Jean-Noël, La médecine carcérale, op.cit.,
p.121.
* 2150
Ibidem, p.119.
* 2151 LIVROZET
Serge, Aujourd'hui, la prison, op.cit, p.158.
* 2152 DAP,
« Note sur l'organisation des services médicaux en prison
à l'attention de M. Darmon, Conseiller technique auprès du garde
des Sceaux en vue de l'entretien avec le Dr Petit », 1/10/1973
(19960136. Art. 112. (E4580). M1 : Organisation sanitaire).
* 2153 ALOZY,
« Attestation d'études relatives à la médecine
pénitentiaire », Paris VII, 1978. Cité dans SCHMITT
Jean-Noël, La médecine carcérale, op.cit., p.113
* 2154 On renvoie
ici aux rapports d'activités de l'Administration pénitentiaire
consultés à la bibliothèque de la DAP.
* 2155 SCHMITT
Jean-Noël, La médecine carcérale, op.cit.,
p.126.
* 2156 Cf. Annexe
6 : « La défense par Georges Fully de l'autonomie des
médecins pénitentiaires en matière de grèves de la
faim ».
* 2157 Bureau de
la détention, « Note concernant l'alimentation forcée
des grévistes de la faim », 13/07/1976 (CAC. 19960136. Art.99
(Extraits). Dossier K 363).
* 2158 DEROBERT
L., FULLY G., BRETON J., « La grève de la faim en milieu
pénitentiaire », dans Médecine légale et
domination corporelle, 1971, 4, pp.327-339.
* 2159
L'Assemblée médicale mondiale est une association internationale
fondée en 1947 à Paris destinée à élaborer
une déontologie commune alors qu'ont lieu les procès des
médecins nazis à Nuremberg. Elle adopta en 1964 à Helsinki
une déclaration s'appliquant essentiellement à la recherche
médicale. En 1975, à Tokyo, elle formula des « directives
à l'intention des médecins en ce qui concerne la torture et
autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants en relation
avec la détention et l'emprisonnement ». Son article 5
stipule : « Lorsqu'un prisonnier refuse toute nourriture et que
le médecin estime que celui-ci est en état de formuler un
jugement conscient et rationnel quant aux conséquences
qu'entraînerait son refus de se nourrir, il ne devra pas être
alimenté artificiellement. La décision en ce qui concerne la
capacité du prisonnier à exprimer un tel jugement devra
être confirmée par au moins un deuxième médecin
indépendant. Le médecin devra expliquer au prisonnier les
conséquences que sa décision de ne pas se nourrir pourraient
avoir sur sa santé ».
* 2160 La
première version de ce document, modifiée par le directeur de
l'Administration pénitentiaire en personne comme en atteste le projet,
était nettement plus restrictive : « Dès lors que
la vie du gréviste lui semblera en danger, même si ce dernier n'a
pas perdu conscience ». Document du 18/12/1978 (CAC. 19960136. Art.99
(Extraits). Dossier K 363). Il semblerait que ce document, nommé
« engagement de service » fut signé uniquement par
quelques praticiens ayant des postes clefs. On en trouve ainsi un exemplaire
dans le dossier de carrière du médecin-chef de l'Hôpital de
Fresnes (CAC. 199405111. Art.90)
* 2161
GOLPAYEGANI Behrouz, L'humanisation de la peine privative de
liberté, op.cit., p.445.
* 2162
« Elaborer au niveau mondial une éthique de la médecine
en prison », Le Quotidien du Médecin, 1/12/1978.
* 2163 MERGER
Robert, « Quelle doit être la conduite d'un médecin
devant une personne faisant la grève de la faim ? »,
document ronéotypé, 16 pages (CAC. 19960136. Art.99 (Extraits).
Dossier K 362). Cette conclusion est reproduite dans le Bulletin de
l'Académie nationale de médecine, 1977, 161, n°5.
* 2164 TROISIER
Solange, Une sacrée bonne femme, op.cit., p.269.
* 2165 NAU
Jean-Yves, « Des militants corses grévistes de la faim sont
placés sous perfusion contre leur volonté », Le
Monde, 4-5/01/1981.
* 2166 CASTERET
Anne-Marie, « Les médecins de Fresnes désavouent
l'administration pénitentiaire », Tonus, n°540,
16/01/1981.
* 2167 Le Conseil
de l'Ordre publie un fascicule « Liberté du malade,
indépendance des médecins » où il est
précisé que « le médecin ne peut rien
entreprendre sans le consentement du sujet et contre sa volonté tant que
celui-ci n'est manifestement pas en danger de mort. À partir du moment
où l'état de faiblesse est tel que la vie est menacée
à brève échéance et sans nécessairement
attendre la perte de connaissance, le devoir du médecin est de prescrire
l'hospitalisation et de donner les soins qui s'imposent »
(Le Quotidien du Médecin, 22/04/1981).
* 2168 CASTERET
Anne-Marie, « Les médecins de Fresnes désavouent
l'administration pénitentiaire », art.cit.
* 2169
ESCOFFIER-LAMBIOTTE Claudine, « Droits de l'homme et
déontologie », Le Monde, 20/05/1981.
* 2170
« Grèves de la faim en prison : l'acte médical
peut-il être violent ? », Le Quotidien du Médecin,
21/12/1982.
* 2171
« Ils m'ont attrapé, et m'ont lié sur la chaise
roulante pour me conduire à la cellule de perfusion. Arrivé
là bas, je n'ai pas voulu accepter la perfusion, on m'a jeté sur
le lit. Je tremblais. Puis ils sont allés chercher une camisole. On m'a
entravé les chevilles en serrant sur les os autant qu'on pouvait. Puis,
on m'a passé une grosse ceinture sur le ventre en m'attachant par le bas
du lit. Ensuite, on m'a passé une autre ceinture sur l'estomac, une
ceinture très épaisse, avec du fer et des vis. Deux serre
poignets ont emprisonné mes poignets sur l'estomac [...]
L'infirmière ne pouvait pas me piquer dans cette position, on m'a donc
détaché un bras. Deux matons maintenaient ce bras pendant que
l'infirmière me piquait. À la fin, j'ai tiré sur les
tuyaux, l'infirmière m'a giflé. Je ne pouvais pas faire un
mouvement. J'ai été perfusé le mardi après midi et
toute la journée du mercredi. J'ai souffert comme jamais je n'aurai
pensé » (Tonus, n°540, 16/01/1981).
* 2172 NAU
Jean-Yves, « Grève de la faim et déontologie
médicale », Le Monde, 15/01/1981.
* 2173
« L'Ordre : le médecin pénitentiaire reste soumis
au Code de déontologie », Le Quotidien du Médecin,
9/11/1982.
* 2174 MANGEON
Jean-Philippe, « Attitudes médicales devant les grèves de la
faim », art.cit., p.118.
* 2175 Cette
présentation repose, outre la thèse de ce praticien, sur un
entretien effectué avec cet interne dont le nom fut modifié afin
de préserver l'anonymat.
* 2176 Yvan,
Rôle médico-social du médecin
pénitentiaire, thèse de médecine, Paris 6, 1980,
p.26.
* 2177 Yvan,
interne à Fleury-Mérogis de 1979 à 1981. Entretien
réalisé le 14/02/2008, 1H30.
* 2178 Lettre de
démission d'un interne des prisons de Fresnes datée du 5/09/1977
(CAC. 19830701. Art.482).
* 2179 Lettre du
Directeur des prisons de Fresnes au bureau du personnel datée du
26/05/1978 (CAC. 19830701. Art.481).
* 2180 BETHEMONT
Vincent, L'exercice de la médecine générale à
la maison d'arrêt Saint-Paul, thèse de médecine,
université de Lyon, 1979, p.1 (Tous les numéros de pages
renvoient à ce document).
* 2181 Les
prisons de Lyon sont particulièrement bien dotées en personnel
puisque outre deux infirmières plein temps, un surveillant infirmier,
deux détenus auxiliaires, un interne et un médecin vacataire, on
y trouve un CMPR composé d'une infirmière, d'un interne, d'un
stagiaire-interné, d'un médecin-chef et d'un psychiatre de
secteur.
* 2182
« Le sadisme d'un médecin va-t-il finir par assassiner un
détenu qui en sait trop ? », Libération,
22/05/1974.
* 2183
« Michel Henge est en train de crever. Un juge sera-t-il complice
d'assassinat ? », Libération, 30/05/1974.
* 2184
« Après la mort de Gilles Delhotal. Une lettre des internes en
médecine de Fleury-Mérogis »,
Libération, 8/06/1974.
* 2185
« Prison. Après la lettre des internes de
Fleury-Mérogis », Libération, 12/06/1974.
* 2186
« Les détenus de Fleury-Mérogis répondent aux
internes en médecine », Libération,
13/06/1974.
* 2187
« L'affaire Michel Henge. Les internes de Fleury-Mérogis et
leurs chefs répondent à une information
précise », Libération, 24/06/1974.
* 2188 DEVILLE
Anne, « L'entrée du syndicat de la magistrature dans le champ
juridique en 1968 », Droit et société,
n°22, 1992, pp.639-671.
* 2189 LYON-CAEN
Pierre, « L'expérience du syndicat de la magistrature »,
Pouvoirs, n°16, 1981, p.57.
* 2190 CHAZAL
Jean, « Le juge de l'application des peines... un
intrus ? », Justice, n°16, 1972, p.25-26.
* 2191 MOUNIER
Jean-Pierre, « Du corps judiciaire à la crise de la
magistrature », Actes de la recherche en sciences sociales,
1986, n° 1, p.26.
* 2192 DEVILLE
Anne, « L'entrée du syndicat de la magistrature dans le champ
juridique en 1968 », art.cit., p.654.
* 2193
« La parole est aux magistrats »,
Frontières, 9/09/1973, p14.
* 2194 DEVILLE
Anne, « Le syndicat de la magistrature en France.
1968-1988 », art.cit., p.55-68.
* 2195 BUREAU
SYNDICAL, « Nouvelles prisons. Entre le réformisme et le
réformite », Justice, n°17, 1972, pp.4-7.
* 2196 Cf.
« Les prisons : en sortir... », Justice,
n°17, 1972; « Prisons : questions ouvertes »,
Justice, n°33, 1974.
* 2197 Cf.
Chapitre 2, section 1-2 : « L'émergence d'un nouveau
militantisme carcéral ».
* 2198
Description faite par l'Institut d'histoire du temps présent (IHTP)
où sont conservées ses archives personnelles.
* 2199 BLOCH
Etienne, « Le juge d'application des peines ou la bonne conscience de
la Justice », Justice, n°17, 1972, pp.10-11.
* 2200 Jean
Favard, magistrat à la DAP de 1970 à 1975 puis Conseiller
technique du ministre de la Justice chargé des questions
pénitentiaires de 1981 à 1986. Entretien réalisé le
10/01/2008. Durée: 3H00.
* 2201 Jean
Favard, magistrat à la DAP de 1970 à 1975 puis Conseiller
technique du ministre de la Justice de 1981 à 1986. Entretien
réalisé le 10/01/2008, durée: 3H00.
* 2202 COLCOMBET
François, « La crise pénitentiaire »,
Justice, n°33, 1974, pp.1-2.
* 2203 Jean
Favard, magistrat à la DAP de 1970 à 1975 puis Conseiller
technique du ministre de la Justice chargé des questions
pénitentiaires de 1981 à 1986. Entretien réalisé le
10/01/2008. Durée: 3H00.
* 2204 Yvan
Zakine, magistrat directeur de la DAP de 1981 à 1983. Entretien
réalisé le 20/03/2008. Durée : 3H00.
* 2205 BLOCH
Etienne, « La justice dans la prison », Justice,
n°73, 1979, p.1-2.
* 2206 POTTIER
Philippe, « Les éducateurs », Esprit,
11/1979, p.45.
* 2207
SNEPAP/CTJ, « Forum prison et communication »,
1er octobre 1977, feuille RV (Fonds Etienne Bloch. ARC 3017-15.
IV-25 Syndicats pénitentiaires).
* 2208
« La pratique des personnels pénitentiaires »,
1er octobre 1977, feuille RV (Fonds Etienne Bloch. ARC 3017-15.
IV-25 Syndicats pénitentiaires).
* 2209
« Les difficultés des éducateurs de prison. Mission
impossible ? », Le Monde, 11/07/1978.
* 2210
« Les visiteurs de prison en question », Le Monde,
9/08/1978.
* 2211 POTTIER
Philippe, « Le choix des éducateurs », Journal
des prisonniers, n°3, 12/1980, pp.4-5.
* 2212 Philippe
Pottier était par ailleurs sous-directeur de l'Administration
pénitentiaire lors de l'entretien en 2007, manifestant la même
volonté de transformer les choses de l'intérieur.
* 2213 Philippe
Pottier, éducateur pénitentiaire depuis 1975, secrétaire
général du SNEPAP de 1978 à 1988 et fondateur de la
COSYPE. Entretien réalisé le 27/12/2007, 2H. Souligné par
nous.
* 2214
AVRIL .J., TCHERIATCHOUKINE Jean, Rapport sur l'hôpital de
Fresnes, op.cit., p.6.
* 2215 A notre
connaissance, ce diplôme n'a jamais existé, la médecine
pénitentiaire ayant seulement été enseignée sous la
forme d'une capacité.
* 2216
Ibidem, p.17.
* 2217 Cette
phrase soulignée par nous peut être vue comme l'indice d'un accord
entre l'IGAS et le médecin-chef.
* 2218
Ibidem, pp.24-25.
* 2219 Jacques,
magistrat chargé à la DAP de la réglementation sanitaire
de 1982 à 1989. Entretien réalisé le 11/01/2008, 3H30.
* 2220
Jean-Michel, chirurgien-orthopédiste à l'Hôpital de Fresnes
de 1979 à 1988. Entretien réalisé le 9/12/2005 à
son domicile à Bourg la Reine (Hauts de Seine). Durée :
2H40.
* 2221 Le Dr
Montot aurait, selon l'IGAS, été recrutée parce que seule
candidate. Le P.V de la réunion de la commission de classement des
médecins de l'hôpital de Fresnes du 2/12/1980 fait état
cependant de la candidature de trois médecins, avant de conclure :
« La commission a longuement hésité avant de proposer
ce classement » (CAC.19940511. Art. 98).
* 2222 Monique,
infirmière panseuse-chef à l'EHPNF de 1954 à 1990.
Entretien réalisé le 28/06/2005. Durée : 2H30.
* 2223
Hervé, médecin O.R.L à l'Hôpital de Fresnes de 1981
à 2004. Entretien réalisé le 13/02/2006.
Durée : 2h25.
* 2224
Jean-Michel, chirurgien-orthopédiste à l'Hôpital de Fresnes
de 1979 à 1988. Entretien réalisé le 9/12/2005 à
son domicile à Bourg la Reine (Hauts de Seine). Durée :
2H40.
* 2225
AVRIL J., TCHERIATCHOUKINE Jean, Rapport sur l'hôpital de
Fresnes, op.cit., p.6.
* 2226 Document
manuscrit d'une page qui me fut remis par Monique Montot lors d'un
entretien.
* 2227 Rapport du
Procureur général près la Cour d'appel de Paris au garde
des Sceaux daté du 13/05/1985 (CAC.19940511. Art.91).
* 2228 Note de la
Direction des affaires criminelles et des grâces au directeur adjoint de
cabinet du garde des Sceaux du 1/06/1985 (CAC.19940511. Art.91).
* 2229 Mme Montot
obtient par jugement du 27 avril 1984 du Tribunal de Paris la condamnation de
Jacques Hersant, directeur de publication de France-soir, pour
« diffamation » pour avoir dans un article publié le
8/09/1983 avoir insinué « un lien de causalité entre
les morts suspectes et les sanctions tendant à laisser penser que Madame
Montot pourrait avoir quelques responsabilités dans ces morts
suspectes » (CAC.19940511. Art. 98).
* 2230 Pierre
Espinoza, chef de service de l'Unité de soins intensifs de
l'Hôpital de Fresnes de janvier 1983 à septembre 1991. Entretiens
réalisés le 16/05/2006, le 31/05/2006 et le 22/04/2008.
Durées :1H45, 2H00 et 1H50.
* 2231 Note du
bureau des personnels à l'attention de la DAP datée du 9/05/1983
(CAC.19940511. Art. 98).
* 2232 Lise,
infirmière pénitentiaire à la prison des Baumettes de 1979
à 1997. Entretien réalisé le 23/02/2006, 3H00.
* 2233 Christine,
infirmière à la M.A de Rouen depuis 1984. Entretien
réalisé le 8/02/2006, 2H45.
* 2234 Un
oedème de Quincke est une réaction allergique grave,
considérée comme une urgence, qui se manifeste par un gonflement
des tissus au niveau du visage et des voies respiratoires pouvant provoquer la
mort par asphyxie.
* 2235 Evelyne,
infirmière à Fleury-Mérogis de 1983 à 1985 puis
à Fresnes de 1985 à 1986 puis à Fleury-Mérogis de
1987 à 1993. Entretien réalisé le 8/02/2006, 2H30.
* 2236
Travaillait à Fleury-Mérogis une sage-femme à laquelle
rendit hommage Solange Troisier, qui était présidente de l'Ordre
national des sages-femmes, pour son « travail tout-à-fait
remarquable dans la dissuasion à l'avortement » (TROISIER
Solange, « Séance inaugurale de Madame le Professeur S.
Troisier », Attestation d'études relatives à la
médecine pénitentiaire. Année universitaire 1979-1980,
Université Paris VII, Faculté de médecine de
Lariboisière- Saint Louis, p.8).
* 2237 On
rappelle que si les soignants rencontrés ont eu des carrières
exceptionnellement longues c'est en raison d'un biais de sélection des
entretiens puisqu'on a été amené à rencontrer des
soignants dont on a réussi à trouver la trace et ayant eue une
expérience professionnelle significative en milieu carcéral.
* 2238 En dehors
des entretiens toutes les informations citées ici sont extraites du
rapport de l'IGAS suivant : REYNES, GREGOIRE, TCHERIATCHOUKINE,
Rapport sur la maison d'arrêt de Pontoise, octobre 1984, Rapport
de l'IGAS n°19840133, 19p.
* 2239 Michel,
généraliste à la M.A de Pontoise de 1979 à 1991.
Entretien réalisé le 12/01/2006, 1H10.
* 2240 Anne,
infirmière Croix-Rouge à la M.A de Pontoise de 1980 à
1990. Entretien réalisé le 5/01/2006, 2H.
* 2241 Michel,
généraliste à la M.A de Pontoise de 1979 à 1991.
Entretien réalisé le 12/01/2006, 1H10.
* 2242 Michel,
généraliste à la M.A de Pontoise de 1979 à 1991.
Entretien réalisé le 12/01/2006, 1H10.
* 2243 Anne,
infirmière Croix-Rouge à la M.A de Pontoise de 1980 à
1990. Entretien réalisé le 5/01/2006, 2H.
* 2244 Anne,
infirmière Croix-Rouge à la M.A de Pontoise de 1980 à
1990. Entretien réalisé le 5/01/2006, 2H.
* 2245 Anne,
infirmière Croix-Rouge à la M.A de Pontoise de 1980 à
1990. Entretien réalisé le 5/01/2006, 2H.
* 2246 Les
« extractions » ne se réfèrent pas ici
à la terminologie dentaire mais désignent d'après le Code
de procédure pénale le fait d'escorter le détenu à
l'extérieur de l'établissement, soit pour les besoins de
l'instruction judiciaire, soit pour des examens médicaux.
* 2247 POUYOLLON
François, « Problèmes éthiques et
déontologiques soulevés par la pratique de la psychiatrie dans
les centres médico-psychologiques pénitentiaires
régionaux », L'information psychiatrique, 02/1983,
p.167.
* 2248 Lucie,
psychiatre, membre de la DGS de 1985 à 1988, médecin-chef du SMPR
de Rouen de 1989 à 1996 et membre de la DGS de 1994 à 1996.
Entretiens réalisés les 2/02/2006 et 5/05/2006, 4H et 2H45.
* 2249 Jacques,
magistrat chargé à la DAP de la réglementation sanitaire
de 1982 à 1989. Entretien réalisé le 11/01/2008, 3H30.
* 2250 ALEZRAH
C., PECASTAING J.P., REYNAUD M.J., « Approche pénologique et
psychiatrique du délinquant en milieu fermé »,
RPDP, 1983, n°1, pp.55-56.
* 2251 Cf.
Annnexe 7 : « la création des CMPR en 1967 : un
début de reconnaissance de la psychiatrie
pénitentiaire ».
* 2252 POUYOLLON
François, « Problèmes éthiques et
déontologiques... », art.cit., p.167.
* 2253 ROBIN
Isabelle, Le secteur psychiatrique en milieu carcéral. Une
année d'expérience au centre médico-psychologique de
Fleury-Mérogis, thèse de médecine, Faculté de
médecine Necker Enfants-malades, Université René
Descartes, 1983, p.88.
* 2254 PALANT
Eliane, Essai d'analyse de deux ans et demi de pratique au Centre
pénitentiaire de Fleury-Mérogis, thèse de
médecine, Faculté de médecine Paris IV, 1979, p.54.
* 2255 HEU
Patricia, Psychiatrie en milieu carcéral. Expérience d'une
année au CMP de Fleury-Mérogis, thèse de
médecine, faculté de médecine de Paris IV, 1983,
pp.72-74.
* 2256 REYNES
Nicole, GREGOIRE G., TCHERIATCHOUKINE Jean, Rapport sur les Centres
médico-psychologiques régionaux, Rapport IGAS, avril 1986,
Rapport de l'IGAS n°860029, pp.10-11.
* 2257 HIVERT
Paul, « Trente ans de prison », art.cit, p.224.
* 2258
« Le point de vue du Syndicat des Psychiatres des
Hôpitaux », L'information psychiatrique, vol.59,
n°2, 02/1983, pp.211-212.
* 2259 Lucie,
psychiatre, membre de la DGS de 1985 à 1988, médecin-chef du SMPR
de Rouen de 1989 à 1996 et membre de la DGS de 1994 à 1996.
Entretiens réalisés les 2/02/2006 et 5/05/2006, 4H et 2H45.
* 2260 Les
secteurs de psychiatrie sont des aires géographiques
délimitées selon la population, desservies par un service de
psychiatrie, la même équipe médico-sociale assurant les
soins intra- et extra-hospitaliers. Apparus dans une circulaire du 15 mars
1960, ils sont officialisés par la loi n° 85-1468 du 31
décembre 1985 relative à la sectorisation psychiatrique.
* 2261 DAVID
Michel, Psychiatrie en milieu pénitentiaire, op.cit., p.51.
* 2262 Circulaire
DGS n°1164 du 5/12/1988 relative à l'organisation de la psychiatrie
en milieu pénitentiaire.
* 2263 GRAVIER
Bruno, « Le délinquant "fou" en prison », Nervure,
tome V, n°5, juin 1992, pp.70-74.
* 2264 Henri,
psychiatre de la MC de Poissy de 1972 à 1977 puis médecin-chef du
SMPR de Fresnes jusqu'en 1999. Entretien réalisé le 6/05/2006,
3H15.
* 2265 Gilles,
psychiatre à Fresnes de 1975 à 2002. Entretien
réalisé le 20/01/2006, 2H40.
* 2266 Lucie,
psychiatre, membre de la DGS de 1985 à 1988, médecin-chef du SMPR
de Rouen de 1989 à 1996 et membre de la DGS de 1994 à 1996.
Entretiens réalisés les 2/02/2006 et 5/05/2006, 4H et 2H45.
* 2267 MANGIN
Gilbert, CECCALDI Pierre, Rapport à Monsieur le Garde des Sceaux sur
la situation de la médecine légale en France, 37/09/1983, 6
pages (CAC. 19950151. Art.6. Archives de Jacques Roux, Directeur
général de la santé)
* 2268 DAVENAS
F., « L'organisation de la médecine légale : le
point de vue d'un magistrat », actes de la 12ème
réunion de l'Association italo-franco-suisse de médecine
légale, 4 et 5 juin 1982, Journal de médecine
légale, 1982, t.25, n°4.
* 2269 Lettre du
Groupe interministériel de médecine légale adressée
au Pr Roux, DGS datée du 3/03/1982 (CAC. 19950151. Art.6).
* 2270 GORTAIS
Jean, La médecine légale en France, Ministère de
la Justice, SPEC, Etudes et données pénales, 1983, n°22.
* 2271 MANGIN
Gilbert, CECCALDI Pierre, Rapport à Monsieur le Garde des
Sceaux..., op.cit.
* 2272 Note du
ministre de la Justice, Robert Badinter, aux services de la Santé sur la
« situation de la médecine légale » et
datée du 3/04/1984 (CAC. 19950151. Art.6).
* 2273 ROCHE
Louis, « Histoire de la chaire de médecine
légale », Instantanés criminologiques,
n°26, 1975, pp.7-10.
* 2274 ROCHE
Louis, « La médecine légale. Réflexions sur son
enseignement, son organisation, son domaine », Journal de
médecine légale, 1981, t.24, n°5.
* 2275 Daniel
Gonin, psychiatre travaillant comme généraliste à la M.A
de Lyon de 1962 à 1989. Entretiens réalisés les
25/02/2008, 10/03/2008, 26/03/2008. Durées : 2H ; 2H ; 2H.
* 2276 THOMAS
Jérôme, Dire(s) d'urgence. La psychiatrie d'urgence
comme structure de médiation. Statut de la parole et de la communication
à l'hôpital, thèse de doctorat en sciences de
l'information et de la communication, Université Lyon 2, sous la
direction de Bernard Lamizet, 2010, p.102 et suiv.
* 2277 ROCHE
Louis, « Intégration de la médecine légale
à l'hôpital », Journal de médecine
légale, 1982, t.25, n°4, pp.13-24.
* 2278
Créé en 1948, ce centre d'hébergement connaît une
croissance importante à partir de 1956 et il formera un
« petit village » quadrillé par le FLN comprenant
jusqu'à 2000 personnes réparties dans dix-neuf dortoirs (ELONGBIL
EWAE Émilie, La guerre d'Algérie à Lyon : la bataille
pour le contrôle de l'habitat, 5 pages ; consulté sur le
site : http://www.metropolitiques.eu/)
* 2279 Daniel
Gonin, psychiatre travaillant comme généraliste à la M.A
de Lyon de 1962 à 1989. Entretiens réalisés les
25/02/2008, 10/03/2008, 26/03/2008. Durées : 2H ; 2H ; 2H.
* 2280 Daniel
Gonin, psychiatre travaillant comme généraliste à la M.A
de Lyon de 1962 à 1989. Entretiens réalisés les
25/02/2008, 10/03/2008, 26/03/2008. Durées : 2H ; 2H ; 2H.
* 2281 Evelyne,
infirmière pénitentiaire à Fleury-Mérogis de 1983
à 1985 puis à Fresnes de 1984 à 1986 puis à
Fleury-Mérogis de 1987 à 1993. Entretien réalisé le
8/02/2006, 2H30.
* 2282 Anne,
infirmière à la M.A de Pontoise de 1980 à 1990. Entretien
réalisé le 5/01/2006, 2H.
* 2283
Hélène, interne puis généraliste à
Fleury-Mérogis depuis 1983, médecin-chef de 1992 jusqu'en 2000.
Réalisé le 8/12/2005, 2H40.
* 2284
« Table ronde autour des questions de sida en prison en milieu
carcéral et en milieu ouvert », Les cahiers d'action
juridique, 1990/06, n°71-72, p.90.
* 2285 Valentin,
infirmier à la M.A de Caen de 1988 jusqu'à 1995. Entretien
réalisé le 25/01/2007, 1H20.
* 2286
Michèle, infirmière à la M.A de Fresnes depuis 1986.
Entretien réalisé le 15/12/2005, 1H40.
* 2287 Yvette,
infirmière-chef de la M.A de Bois d'Arcy de 1980 à 1998 et ayant
participé au Comité Santé /Justice de 1984 à 1988.
Entretiens réalisés le 31/04 et le 4/05/2006, 3H et 3H.
* 2288 Julie,
infirmière à Pontoise de 1987 à 1990 puis à Poissy
de 1990 à 1992. Entretien réalisé le 31/01/2005, 2H.
* 2289 Anne,
infirmière à la M.A de Pontoise de 1980 à 1990. Entretien
réalisé le 5/01/2006, 2H.
* 2290 Bernard,
médecin aux Baumettes de 1975 à 1985. Entretien
réalisé le 22/02/2006, 2H20.
* 2291 Le premier
traitement par AZT apparaît en 1987 mais celui-ci ne fait que retarder
les effets de la maladie.
* 2292 Yvette,
infirmière-chef de la M.A de Bois d'Arcy de 1980 à 1998 et ayant
participé au Comité Santé /Justice de 1984 à 1988.
Entretiens réalisés le 31/04 et le 4/05/2006, 3H et 3H.
* 2293 Anne,
infirmière à la M.A de Pontoise de 1980 à 1990. Entretien
réalisé le 5/01/2006, 2H.
* 2294 Bernard,
médecin aux Baumettes de 1975 à 1985. Entretien
réalisé le 22/02/2006, 2H20.
* 2295
« Table ronde autour des questions de sida en prison en milieu
carcéral et en milieu ouvert », Les cahiers d'action
juridique, 1990/06, n°71-72, p.90.
* 2296 Lettre de
démission du médecin pénitentiaire adressé au
directeur de la M.A de Bourges datée du 21/10/1986.
* 2297
Françoise, médecin à la M.A de Bois d'Arcy de 1986
à 1996 puis à Fleury-Mérogis depuis 1996. Entretien
réalisé le 13/01/2006, 3 H.
* 2298 Face
à une plaie, la suture peut-être faite par couture ou par la pose
d'agrafes métalliques. Cette seconde méthode est plus rapide mais
présente davantage de risques d'infection et est surtout moins
esthétique. Les agrafes sont réservées souvent à
des plaies peu profondes.
* 2299 Claude,
médecin à la M.A de Pontoise de 1979 à 1991. Entretien
réalisé le 12/01/2006, 1H10.
* 2300 Anne,
infirmière à la M.A de Pontoise de 1980 à 1990. Entretien
réalisé le 5/01/2006, 2H.
* 2301 Laurent,
médecin-adjoint aux Baumettes de 1990 à 1997. Entretien
réalisé le 20/02/2006. Durée : 2H30.
* 2302 Yvette,
infirmière-chef de la M.A de Bois d'Arcy de 1980 à 1998 et ayant
participé au Comité Santé /Justice de 1984 à 1988.
Entretiens réalisés le 31/04 et le 4/05/2006, 3H et 3H.
* 2303 Lucie,
psychiatre, membre de la DGS de 1985 à 1988, médecin-chef du SMPR
de Rouen de 1989 à 1996 et membre de la DGS de 1994 à 1996.
Entretiens réalisés les 2/02/2006 et 5/05/2006, 4H et 2H45.
* 2304 Cf.
Chapitre 6 - section 2 : « Une nouvelle conception des soins en
prison ? L'affirmation d'une médecine
non-pénitentiaire ».
* 2305 HERZLICH
Claudine, PIERRET Janine, « Une maladie dans l'espace public »,
art.cit., p.1121.
* 2306
« La maladie des homosexuels », Le Matin de Paris,
18/06/1983.
* 2307 RUFFIE
Jacques, « Le SIDA, châtiment des dieux », Le
Monde, 23/10/1985.
* 2308 STRAZZULA
Jérôme, Le sida (1981-1985) : les débuts d'une
pandémie, La documentation française, 1993.
* 2309
« Sida des enfants. Halte à la psychose », Le
Quotidien de Paris, 13/09/1985.
* 2310
« Sida : le virus de la panique », Le Point,
4/03/1985 ; « SIDA : la grande phobie »,
Le Figaro, 2/06/1985.
* 2311 Quelques
jours avant les déclarations du Dr Bénézech était
survenue une scène de psychose à la prison de Tours, où
surveillants, policiers et infirmières refusaient d'approcher un
détenu soupçonné de sida (AFP, « Le
détenus de Tours n'avait pas le SIDA... mais certains en avaient
peur », 17/08/1985).
* 2312
« Contaminés... par la peur du sida »,
Libération, 23/08/1985.
* 2313 HERZLICH
Claudine, PIERRET Janine, « Une maladie dans l'espace public »,
art.cit., p.1125.
* 2314 C'est le
cas des prostituées qui, qualifiées en octobre 1985, selon des
« conclusions alarmistes », de « nouveau vecteur
du SIDA », sont considérées par certains journalistes
comme n'étant pas parmi les plus exposées (« Le spectre
du Sida s'estompe pour les prostituées européennes »,
Libération, 30/12/1985). Six mois plus tard « aucune
étude épidémiologique n'a encore été
publiée sur ce sujet brûlant » (Le Monde,
5/07/1986). « Il faut dorénavant que tout le monde sache que
l'on prend un risque en ayant des rapports sexuels avec une femme ou un homme
prostitué » déclare, à l'occasion d'une
enquête épidémiologique, un responsable français de
la lutte contre le sida (« Apparition du virus dans les milieux de la
prostitution à Paris », Le Monde, 9/01/1987).
* 2315
« Anatomie d'une épidémie moderne »,
Sciences et avenir, n°464, 10/1985.
* 2316 NOUCHI
Franck, NAU Jean-Yves, « Contamination : le sang des
prisons », Le Monde, 11/04/1992.
* 2317 Une note
datée du 13/01/1984 et signée par la DAP Myriam Ezratty fut
adressée aux chefs d'établissement autorisant l'accroissement des
collectes de sang en prison, jusque-là limitées à deux
fois par an dans le même établissement. Ce document fut largement
au centre des polémiques.
* 2318 NOUCHI
Franck, NAU Jean-Yves, « Contamination : le sang des
prisons », Le Monde, 12-13/04/1992.
* 2319 En
novembre 1992, L'Evénement du jeudi accuse les deux
journalistes du Monde d'avoir entretenu une relation de
« connivence » avec Me Charvet, l'avocat de
Michel Garretta, condamné le 23 octobre 1992 à quatre ans de
prison ferme. Me Charvet aurait notamment demandé conseil
à Franck Nouchi, un ami de Michel Garretta, afin de mettre au point la
meilleure stratégie pour défendre son client. Le journaliste
aurait, au cours d'une conversation retranscrite dans l'hebdomadaire,
laissé entendre que d'autres affaires éclateront prouvant que
Garretta n'est pas seul fautif. Une polémique s'enclenchera alors entre
Le Monde et L'Evénement du jeudi qui évoque
l'existence « d'un plan marketing visant à organiser une
campagne médiatique [...] pour absoudre en grande partie le Dr Garretta
[...] en noyant sa responsabilité particulière dans une
culpabilité collective » (KAHN Jean-François,
« Le scandale du sang, « L'EDJ », « Le
Monde » et l'information volée »,
L'Evénement du jeudi, 12-18/11/1992).
* 2320
« Les suites de l'affaire du sang contaminé. Le drame des
collectes en prison », Le Monde, 5/11/1992.
* 2321 Patrick
Champagne et Dominique Marchetti rendent ainsi compte largement du scandale du
sang contaminé par le développement d'un journalisme
d'investigation « à scandales » en lien avec la
démédicalisation de l'information médicale au sein du
champ journalistique (CHAMPAGNE Patrick, MARCHETTI Domonique,
« L'information médiatique sous contrainte. A propos du
"scandale du sang contaminé" », art.cit.).
* 2322 Les
membres de l'IGSJ étaient Jérôme Géronimi, Patrick
Henry-Bonnot et François Feltz. Les membres de l'IGAS étaient
Aquilino Morelle, Thérèse Roquelle et Michel Vernerey. Toutes les
citations sont extraites du rapport final (IGAS-IGSJ, Les collectes de sang
en milieu pénitentiaire, Paris : I.G.S.J. (éditeur), Paris :
I.G.A.S (éditeur), 1992/11, 190 p).
* 2323 Cette
analyse des responsabilités fut cependant contestée, notamment
par le Dr Michel Garretta, en raison de la partialité supposée de
Michel Lucas qui était à l'époque chargé, en tant
que Chef de l'IGAS, de contrôler la prise en charge sanitaire en prison.
Le service d'inspection dont il a encore la charge en 1992 n'aurait pas du
être chargé selon certains de ce rapport.
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