UNIVERSITE DE GOMA
B.P. 204 Goma
FACULTE DE DROIT
DEPARTEMENT DE DROIT PUBLIC
L'immunité de juridiction pénale
étrangère
d'un agent diplomatique en cas de
commission des crimes internationaux graves
Par KAMBALE MASHAURI Fabrice
Mémoire présenté pour l'obtention du
diplôme de licencié en Droit
Directeur : Professeur Associé KAMBALE MAHUKA
Encadreur : Chef de travaux KAMBERE KASAY
Dalmond
Année académique
2014-2015
« Le droit n'est ni un Dieu de bonté ni un terrifiant
labyrinthe, mais une manière de rendre la société pus
vivable »1
1 Philippe JESTAZ, Le droit, 3e
éd., Paris, Dalloz, 1996, p. 1
Dédicace au Professeur Jean-Paul SEGIHOBE BIGIRA !
Fabrice MASHAURI
Nos remerciements au Professeur KAMBALE MAHUKA Pigeon et au C.T.
KAMBERE KASAY Dalmond pour la direction et l'encadrement de ce travail !
Nos gratitudes à tous ceux qui ont contribué
à la construction de cette oeuvre scientifique !
Nos remerciements à notre Dieu !
Fabrice MASHAURI
iv
Sigles et abréviations
CAD : Club des amis du droit du Congo
CDI : Commission de droit international
CEDH : Cour européenne des droits de l'homme
CIJ : Cour internationale de justice
CPI : Cour pénale internationale
DIP : Droit international public
éd. : Edition
LGDJ : Librairie générale de droit et de
jurisprudence
O.I. : Organisation internationale
ONU : Organisation des Nations Unies
Op.cit. : Opus citatum
p. : Page
Par. : Paragraphe
RDC : République démocratique du Congo
SD : Sans date
TPIR : Tribunal pénal international pour le Rwanda
TPIY : Tribunal pénal international pour
l'ex-Yougoslavie
UA : Union africaine
UCL : Université catholique de Louvain
UNIGOM : Université de Goma
UNIKIN : Université de Kinshasa
Vol. : Volume
1
INTRODUCTION
I. Contexte et problématique
« Aucun Etat n'a jamais pu vivre en complète
autarcie (...) ; des relations (...) ont toujours été
liées entre les sociétés humaines »2.
D'ailleurs, « après l'apparition du phénomène
étatique, la pratique révèle que le critère le plus
sûr de la souveraineté d'un Etat est le fait qu'il entretient
effectivement des relations diplomatiques (...) avec d'autres Etats souverains
»3.
Ainsi, l'Etat « envoie ou reçoit des ambassades
»4, le jus gentium5, « le droit
international classique, (lui) reconnaiss(ant) «le droit de
légation» qui comporte deux aspects »6. La
légation active est le droit « d'envoyer des représentants
diplomatiques auprès d'autres Etats étrangers »7,
la mission diplomatique étant, avant tout, une mission de «
représenter l'Etat accréditant auprès de l'Etat
accréditaire »8. Et, par contre, c'est par la
légation passive qu'un « Etat (...) reçoit les
représentants accrédités auprès de
lui»9.
Les agents diplomatiques représentants de l'Etat
accréditant, logiquement, méritent le respect dû à
l'Etat qui les mandate comme «le droit des gens a voulu que les Princes
s'envoyassent des Ambassadeurs ; et la raison tirée de la nature des
choses n'a pas permis que ces ambassadeurs dépendissent du souverain
chez qui ils sont envoyés, ni de ses tribunaux »10 .
C'est dans cette perspective que, depuis la Convention de Vienne de 1961
relative aux relations diplomatiques, « la mission diplomatique et l'agent
diplomatique »11 bénéficient « des
privilèges, facilités et des immunités »12
dans l'Etat accréditaire durant le mandat de la fonction diplomatique
« en vue de garantir l'indépendance de l'exercice des fonctions
à ceux qui en sont bénéficiaires »13.
Ainsi, de « la rencontre de la volonté des Etats
»14, gardant à l'esprit « l'égalité
et les avantages mutuels »15 entre Etats, il a
été institué l'immunité pour l'agent
2 Patrick DALLIER et Alain PELLET,
Droit international public, 7e éd., Paris, LGDJ,
2002, p.731
3 Idem, p.739
4 Montesquieu, De l'esprit des
lois, Paris, Librairie Larousse, 1969, p.8
5 Patrick DALLIER et Alain PELLET,
op.cit., p.36
6 Idem, p.740
7 Ibidem
8 Article 3 §1 a)
Convention de vienne du 18 avril 1961 relative aux relations
diplomatiques
9 Patrick DALLIER et Alain PELLET,
op.cit., p.740
10 Gérard BALANDA MIKUIN,
Le droit des organisations internationales, Kinshasa, CEDI, 2006,
p.78
11 Idem, p.68
12 Idem, p.67
13 Ibidem
14 KADONY NGUWAY, Droit
international public, Lubumbashi, Editions d'Essai, 2009, p.36
2
diplomatique ; une immunité partielle en matière
civile, alors qu'au pénal, « cette immunité est absolue
»16 peu importe que « l'agent (diplomatique) soit ou non
dans l'exercice de ses fonctions »17. On dirait tout net que
« la personne de l'agent diplomatique est inviolable. (Et qu') il ne peut
être soumis à aucune forme d'arrestation ou de détention
»18 puisqu'il « jouit de l'immunité de juridiction
pénale de l'Etat accréditaire »19quelle que soit
l'infraction dont il est présumé auteur.
Ici, on s'aperçoit que c'est en raison de la fonction
ou la qualité de diplomate, ou mieux du statut d'organe public de l'Etat
accréditant que l'agent diplomatique bénéficie d'un statut
privilégié20 devant les institutions de l'Etat
accréditaire vu que « ces immunités trouvent exclusivement
leur fondement dans la volonté de permettre à la mission
d'exercer le plus efficacement possible ses fonctions»21. En
fait, « les immunités consistent au fait de ne pas assujettir ceux
qui en sont les bénéficiaires à la souveraineté de
l'Etat territorial. Il s'agit particulièrement de l'inviolabilité
et de l'immunité de juridiction »22.
Contrairement à cette sacralisation de la
qualité officielle du diplomate, le Statut de Rome de la Cour
pénale internationale, avec d'autres textes juridiques, défient
toute « pertinence de la qualité officielle »23 en
plaçant tout intérêt en la répression des crimes
internationaux de la compétence de la Cour pénale internationale,
comme il a été reconnu « que les crimes d'une telle
gravité menacent la paix, la sécurité et le
bien-être du monde, (et qu'étant) les crimes les plus graves qui
touchent l'ensemble de la communauté internationale, ne sauraient rester
impunis »24.
Et à voir que les Etats furent déterminés
« à mettre un terme à l'impunité des auteurs de ces
crimes »25, leur répression a été
organisée de manière à être « assurée
par les mesures prises dans le cadre national et par le renforcement de la
coopération internationale »26. Ce qui fait entendre
« qu'un individu accusé d'être l'auteur d'un crime
15 LABANA LASAY' ABAR, Les relations
internationales, Lubumbashi, Africa, 2005, p.30
16 Patrick DALLIER et Alain PELLET, op.cit.,
p.752
17 Ibidem
18 Article 29, Convention de Vienne sur les relations
diplomatiques de 1961
19 Article 31, Convention de Vienne sur les relations
diplomatiques de 1961
20 J. VERHOEVEN, Droit international public,
2e partie, Bruxelles, UCL, (SD), p.52
21 Ibidem
22 Gérard BALANDA MIKUIN, op.cit.,
p.70
23 Article 27, Statut de Rome de la Cour pénale
internationale
24 Préambule §3 et §4, Statut de Rome
de la Cour pénale internationale
25 Préambule §5, Statut de Rome de la Cour
pénale internationale
26 Préambule §4, Statut de Rome de la Cour
pénale internationale
3
international est nécessairement soumis, non seulement
au droit international, mais aussi au droit interne d'un Etat, voire de
plusieurs Etats »27. Cela renvoie à la théorie de
« la compétence universelle »28 car l'auteur du
crime international peut être soumis « à la répression
dans son propre pays, ou dans n'importe quel autre pays...
»29même si le crime n'a pas été commis sur
son territoire ni dont les nationaux n'ont pas été victimes,
pourvu qu'il s'agisse des crimes contre l'humanité, des crimes de
guerre, du génocide ou du crime d'agression30. C'est pareil
pour plusieurs traités conclus en matière de répression
des infractions internationales. En guise d'illustration, l'article 12 du
Statut de Rome de la cour pénale internationale dispose qu'est
compétent « l'État sur le territoire duquel le comportement
en cause a eu lieu ou, si le crime a été commis à bord
d'un navire ou d'un aéronef, l'État du pavillon ou l'État
d'immatriculation »31.
Cependant, il convient, non par simple modération, de
garder certaines hésitations lorsqu'il s'agit d'un agent diplomatique
entant qu'accusé d'avoir commis ou participé à la
commission des crimes internationaux graves, devant les juridictions de l'Etat
accréditaire puisqu'il y « jouit de l'immunité de la
juridiction pénale »32, ou devant celles de tout autre
Etat dont « l'agent diplomatique traverse le territoire ou se trouve sur
(son) territoire (...), qui lui a accordé un visa de passeport au cas
où ce visa est requis pour aller assumer ses fonctions ou rejoindre son
poste, ou pour son passage ou son retour »33 puisqu'il a été
convenu que, en cas de sa présence sur le territoire d'un Etat où
l'agent diplomatique n'est pas accrédité, pour les raisons
ci-haut énoncées, « l'Etat tiers lui accordera
l'inviolabilité et toutes autres immunités nécessaires
pour permettre son passage ou son retour »34. De cela, qu'on
vienne à réaliser que la compétence universelle des Etats
en matière de droit international pénal ou de la
répression, au niveau national, « des infractions contre la paix et
la sécurité de l'humanité »35 court de
géants risques à se voir inopérante.
Par là-même, la poursuite d'un agent
diplomatique, au niveau international, pour des crimes graves, pourrait se voir
freinée puisque, « la personne de l'agent
27 E. ASCENSIO HERVE et Alain PELLET,
Droit international pénal, Paris, Pédone, 2000, p.246
28 Idem, p.627
29 Idem, p.246
30 Article 5 §1, Statut de Rome
de la cour pénale internationale
31 Article 12 §2 a), Statut de
Rome de la cour pénale internationale
32 Article 31 §1, Convention de
Vienne sur les relations diplomatiques du 1961
33 Article 40 §1, Convention de
Vienne sur les relations diplomatiques du 1961
34 Ibidem
35 E. ASCENSIO HERVE et Alain PELLET,
op.cit., p.240
4
diplomatique (étant) inviolable, (et ne pouvant)
être soumise à aucune forme d'arrestation ou de détention
»36 par l'Etat accréditaire, ce dernier ne saurait
coopérer avec la CPI pour le lui « déférer
»37. Dans la même logique, l'Etat accréditaire a
le devoir de prendre « toutes mesures appropriées pour
empêcher toute atteinte à la personne » 38du
diplomate ; pour ainsi dire que l'Etat accréditaire est obligé
d'empêcher toute force interne ou étrangère39de
violer l'inviolabilité du diplomate comme il est dit que
l'immunité de juridiction pénale est absolue40 quelle
que soit l'infraction, serait-ce un crime international grave.
Tel est le point de mire pour le présent travail qui
s'annonce être un sillage entre la Convention de Vienne sur les relations
diplomatiques de 1961 et le Statut de Rome de la cour pénale
internationale, ou mieux entre les thèses légales,
jurisprudentielles, coutumières et doctrinales opposées sur la
question de l'immunité diplomatique et de la répression des
crimes graves. Mais que dirions-nous donc enfin ? L'immunité de
juridiction pénale du diplomate défie-t-elle la compétence
universelle des Etats en matière de répression des crimes graves
? Ou mieux, affirmerions-nous que la Convention de Vienne vide, ou suspend tout
simplement, le sens du principe de la
complémentarité41de la CPI en cas des crimes graves
commis par un agent diplomatique puisque la justice de l'Etat
accréditaire ne pouvant connaitre de son cas ? Que pourrions retenir, en
définitive, du principe du défaut de pertinence de la
qualité officielle pour un diplomate devant les juridictions
internationales? Par là-même, poussant plus loin, nous
interrogerions-nous, par ricochet, sur le comportement des juridictions
internationales et nationales, autres que celles de l'Etat accréditaire,
dans la répression d'un diplomate accusé des crimes
internationaux. Plus encore, nous demanderions-nous : que reste-t-il de la
nécessité de réprimer les crimes graves si, pour un
diplomate, l'immunité est consacrée par un traité, la
Convention de Vienne ci-haut citée ? Que dirions-nous aussi du sort des
victimes des crimes commis par un agent diplomatique ?
Face à ce questionnement, il convient d'émettre
quelques hypothèses.
36 Article 29 Convention de Vienne
sur les relations diplomatiques de 1961
37 Article 13 a) Statut de Rome de la
Cour pénale internationale
38 Article 22 §2, Convention de
Vienne sur les relations diplomatiques de 1961
39 CIJ, arrêt du 24 mai
1980, affaire relative au personnel et consulaire des Etats-Unis
d'Amérique à Téhéran (Etats-Unis d'Amérique
c. Iran), par. 61
40 Patrick DALLIER et Alain PELLET,
op.cit., p.752
41 Préambule §10, Statut
de Rome de la cour pénale internationale
5
II. Hypothèses
L'agent diplomatique représentant son
Etat42, ou mieux étant un organe de l'Etat
accréditant, les juridictions de l'Etat accréditaire ne
pourraient poursuivre ses infractions puisque «par in parem non habet
juridictionem43» en vertu du principe de
l'égalité souveraine des Etats44 puisqu'il est, au
travers de ce principe, inconcevable qu'un Etat juge un autre Etat. Autrement
dit, un Etat ne peut « prétendre exercer sa juridiction à
l'égard d'un autre État »45 en « s'abstenant
d'exercer sa juridiction dans une procédure devant ses tribunaux contre
un autre État et, à cette fin, veille à ce que ses
tribunaux établissent d'office que l'immunité de cet autre
État (...) est respectée»46 donnant ainsi effet
au « respect des immunités consacré par le droit
international »47.
Par contre, devant les juridictions internationales, en
l'occurrence la CPI, puisque naissant « de la rencontre de la
volonté des Etats »48, et que pacta sunt
servanda49 (pour dire que « tout traité en vigueur
lie les parties et doit être exécuté par elles de bonne
foi»50, ou simplement, on dirait que « les traités
doivent être respectés par les Etats et les organisations
internationales qui y sont parties »51), il est
clair que « les immunités ou règles de procédure
spéciales qui peuvent s'attacher à la qualité officielle
d'une personne, en vertu du droit interne ou du droit international,
n'empêchent pas la Cour d'exercer sa compétence à
l'égard de cette personne »52. On comprendrait ici que
le Statut de Rome, pour la seule CPI, et non pour les juridictions
pénales nationales, laisse entendre que « la qualité
officielle de chef d'État ou de gouvernement, de membre d'un
gouvernement ou d'un parlement, de représentant élu ou d'agent
d'un État, n'exonère en aucun cas de la responsabilité
pénale »53.
42 Article 3 §1 a), Convention de Vienne sur les
relations diplomatiques de 1961
43 M. GIONATA P. BUZZINI, l'immunité de
juridiction pénale étrangère des organes de
l'état, Cours régional de droit international, Addis-Abeba,
Division de la codification des affaires juridiques des Nations Unies, 2012, p.
65
44 Article 2 §1, Charte des Nations Unies de
1945
45 M. GIONATA P. BUZZINI, op.cit., p. 22
46 Article 6, Convention des Nations Unies sur les
immunités juridictionnelles des États et de leurs biens de
2005.
47 CAD, la répression des crimes
internationaux par les juridictions congolaises, Kinshasa, 2010, p.18
48 KADONY NGUWAY, op.cit., p.2
49 Patrick DALLIER et Alain PELLET, op.cit.,
p.218
50 Article 26, Convention de Vienne sur le droit
des traités entre Etats et organisations internationales ou entre
organisations internationales de 1986
51 Confédération
Suisse-Département des affaires étrangères (DFAE), ABC
de la diplomatie, Berne, 2008, p. 29
52 Article 27 §2, Statut de Rome de la Cour
pénale internationale
53 Article 27 §1, Statut de Rome de la Cour
pénale internationale
6
Autrement, pour les juridictions étrangères,
« il est clairement établi en droit international que certaines
personnes occupant un rang élevé dans l'Etat, telles que le chef
de l'Etat, le chef du gouvernement ou le ministre des Affaires
étrangères, de même que les agents diplomatiques et
consulaires, jouissent dans les autres Etats d'immunités de juridiction,
tant civiles que pénales »54en raison du principe de
« l'égalité souveraine et l'indépendance de tous les
Etats »55. Qu'il soit donc encore dit, sans laisse, que des
contraintes ou des menaces sous toutes formes, un ultimatum56 par
exemple, ne doivent pas avoir comme destinataires les
bénéficiaires de l'inviolabilité puisque sous couvert de
l'immunité de contrainte57.
Pour le TPIR et le TPIY, « La qualité officielle
d'un accusé, soit comme chef d'État ou de gouvernement, soit
comme haut fonctionnaire, ne l'exonère pas de sa responsabilité
pénale »58.
Qu'il ne puisse pas être entendu de ce qui
précède que «la qualité officielle
n'exonère pas»59 veut dire poursuivre le
bénéficiaire de l'immunité pendant qu'il est en fonction.
Non plus, il n'est pas dit expressément ni tacitement que ces deux
tribunaux pénaux internationaux verront leurs compétences
suspendues par l'exercice de la fonction du bénéficiaire de
l'immunité. Mais s'il faut rester à ce que prévoient les
deux Statuts de Tribunaux pénaux internationaux, on ne lit que « la
qualité officielle d'un accusé (...) ne l'exonère pas de
sa responsabilité pénale »60alors que le Statut
de Rome pousse plus loin en rendant, sans ambiguïté,
compétente la CPI à poursuivre les bénéficiaires
d'immunités même pendant l'exercice de leur fonction entendu que
« les immunités ou règles de procédure
spéciales qui peuvent s'attacher à la qualité officielle
d'une personne, en vertu du droit interne ou du droit international,
n'empêchent pas la Cour (pénale internationale) d'exercer sa
compétence à l'égard de cette personne
»61. De cela, qu'on retienne que l'immunité du diplomate
ne pourrait donc empêcher ou suspendre la compétence de la
Cour.
Pendant que les grandes questions de droit seraient en train
d'opposer les juristes sur la compétence des juridictions nationales sur
la répression des diplomates
54 CIJ, Requête, Affaire du
mandat d'arrêt du 11 avril 2000 (RDC c. la Belgique), par.1
55 Préambule §5, Convention de Vienne sur
le droit des traités de 1969
56 Charles ONANA, Ces tueurs
tutsi au coeur de la tragédie congolaise, Paris, Editions Duboiris,
2009, p.206
57 M. GIONATA P. BUZZINI, op.cit., p. 157
58 Article 6 §2, Statut du
tribunal pénal international pour le Rwanda de 1994 et article 7 §2
Statut du tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie de 1993
59 Ibidem
60 Ibidem
61 Article 27 §1, Statut de Rome de la Cour
pénale internationale
7
auteurs des crimes graves, en traversant des maelstroms de la
politique sur la scène internationale, les victimes des crimes graves
commis par un diplomate seront en train de penser aux réparations des
dommages subis. Sans ouvrir aucune poursuite judiciaire, une procédure
diplomatique en réparation se verrait être lancée 62.
Pour soutenir scientifiquement nos réponses provisoires
ci-haut formulées, une méthodologie est indispensable.
III. Approche méthodologique
Selon que se laisse voir la percée du présent
travail depuis les premières lignes de l'introduction, le hic du
problème de cette réflexion juridique mérite d'être
abordé logiquement sur la tracée d'une méthodologie
d'étude dans la science du droit, singulièrement du droit
international public63.
Ainsi, dans la construction de cet édifice
scientifique, la dogmatique juridique64 nous servira d'approche dans
le sens que cette technique juridique « vise à exposer
l'état du droit tel qu'il existe et à en déterminer le
contenu»65.
Le choix pour la dogmatique juridique n'est pas à
justifier puisqu'il nous semble être le minimum raisonnable, pour toute
question de droit constituant un sujet d'étude, d'avoir une idée
sur « le droit positif, les normes juridiques mises en vigueur
»66, ou mieux, « les règles de droit qui
délimitent formellement »67 cette question
d'étude.
Et en l'espèce, cette approche permet d'exposer
l'état de droit sur l'immunité de juridiction pénale d'un
agent diplomatique, et sur les principes en faveur de la répression des
crimes graves, comme pour la dogmatique juridique, « il s'agit
d'évaluer et d'interpréter (des) règles juridique (s)
»68.
Le droit déterminé sur ces matières,
l'approche dialectique aidera à confronter les oppositions y
rencontrées tout en les conciliant comme « l'application de la
méthode dialectique à l'analyse du droit et en particulier du
droit international, n'est pas
62 Gérard BALANDA MIKUIN,
Le droit des organisations internationales. Théorie
générale, Kin., CEDI, 2006, p. 80
63 Olivier CORTEN,
Méthodologie en droit international public, Bruxelles,
Université de Bruxelles, 2009, p.
1
64 Paul AMSELEK,
L'interprétation dans la Théorie pure du droit de Hans
Kelsen, Paris, Université Panthéon-Assas, p. 4
65 Olivier CORTEN, op.cit.,
p.23
66 Paul AMSELEK, op.cit., p.
4
67 Michel Foucault, Il faut
défendre la société, Cours au Collège de
France, Edition numérique, août 2012, p. 20
68 Ibidem
8
nécessairement liée à une
idéologie exclusive »69, elle ne solidifie pas les
extrémités ou les pôles des oppositions, plutôt les
fait interagir pour construire une observation relativement plus objective
« dans leur solidarité conflictuelle et leur articulation
»70. Simplement, la dialectique nous permettra de nous rendre
compte des controverses doctrinales et jurisprudentielles sur ce thème
et prendre position après critique de divers points de vue.
IV. Choix et intérêt du sujet
Le présent travail ne se fixe pas de jouer à une
panacée, mais placer une réflexion en droit sur l'immunité
de juridiction pénale du diplomate mise en face du principe de
défaut de pertinence de la qualité officielle des personnes
institué pour la répression des crimes internationaux de la
compétence de la CPI, et des juridictions nationales en vertu de la
compétence universelle71.
L'intérêt ici est que cette étude offre
une vue de réaliser qu'il y a une différence de degrés de
force du principe de défaut de pertinence de la qualité
officielle selon que l'auteur des crimes graves est devant la CPI, devant les
tribunaux pénaux internationaux ad hoc, et devant les juridictions
nationales. Il s'agit d'examiner la manière dont joue l'immunité
de juridiction pénale du diplomate devant ces différents types de
juridictions. Mais bien, un intérêt particulier se verrait
retrouvé selon qu'on se place sur le plan scientifique et sur le plan
social.
- Au niveau scientifique
Ce travail construit un sillage entre l'immunité du
diplomate et le défaut de pertinence de la qualité
officielle72 de l'auteur des crimes graves mettant fin à un
éventuel dilemme que rencontrerait un chercheur dans la confrontation de
ces deux principes. Aussi vient-il confronter les intérêts
nationaux à la nécessité de punir les auteurs de crimes
graves. Bref, la présente étude se veut être une
réflexion sur la répression des crimes graves mise en face de
l'immunité de juridiction pénale d'un agent diplomatique.
69 Charles CHAUMONT,
Méthode d'analyse du droit international, p. 2, online sur
www.google.com consulté le 11
aout 2015 à 11h 01'
70 Jean-Paul SEGIHOBE, op.cit.,
p. 46
71 Nicolas PEREZ, Le
règlement pénal de l'affaire de l'incident aérien de
Lockerbie, Mémoire de D.E.A., Université de
Panthéon-Sorbonne, 1999-2000, p. 21
72 CAD, Op.cit., p.39
9
- Au niveau social
Traiter de l'immunité de juridiction amènerait
la société, et les tenants de l'attitude sceptique qui voient que
le droit n'est en fait qu' « un art juridique »73 au sens
d'un instrument du pouvoir à mener la politique, à ne pas croire
que l'immunité consacre l'impunité74, et que l'agent
diplomatique semble être au-dessus de la loi car soustrait de la
répression des infractions, mais bien plutôt que l'immunité
de l'agent diplomatique c'est aussi du droit, et que le même droit
prévoit des exceptions à cette immunité du diplomate.
Pas comme un dictionnaire qui cherche à tout
définir, le présent travail ne traitera pas de toute question
relative aux immunités ni aux crimes graves comme il est circonscrit
dans un champ temporel, spatial et thématique.
V. Délimitation du champ d'étude
- Délimitation temporelle
Notre étude est « circonscrite à la
période durant laquelle le représentant de l'État
concerné exerce ses fonctions »75comme «
après la cessation de ses fonctions, l'intéressé n'est
plus couvert76 » d'immunité pour les actes qu'il posera.
Ce travail pourrait bien partir des temps que furent observés les «
principes du droit international coutumier et général de ne pas
porter atteinte aux immunités, à l'honneur et à la
dignité»77du Prince, aussi, logiquement, de tous ceux
qui le représentent auprès d'autres Princes78. Mais
bien plus précisément, et plus singulièrement en ce qui
concerne particulièrement l'immunité de l'agent diplomatique, la
présente étude recule son regard vers l'année 1961 depuis
que les « agents diplomatiques bénéficient, sur base d'un
texte juridique, de l'immunité de la juridiction pénale de
l'État accréditaire en vertu du paragraphe 1 de l'article 31 de
la Convention de Vienne sur les relations diplomatiques »79.
- Délimitation spatiale
Encadrant spatialement notre travail, nous restons dans les
limites des « États parties »80 à la
Convention de Vienne de 1961, et à tous les autres Etats qui seraient
73 Hart TORRIONE, Philosophie
du droit, Notes de cours polycopiées, 2008-2009,
p. 30. www.google.com
consulté le 11 aout 2015 à 10h 33'
74 Nicolas ANGELET, « Le
droit des relations diplomatiques et consulaires dans la pratique
récente du conseil de sécurité » in Revue belge de
droit international, Bruxelles, Editions Bruylant, 1999, p. 150
75 M. GIONATA P. BUZZINI,
Op.cit., p. 62
76 Ibidem
77 CIJ, Arrêt du 4 juin
2008, Affaire relative à certaines questions concernant l'entraide
judiciaire en matière pénale (Djibouti c. France), par.18
78 Gérard BALANDA,
op.cit., p.78
79 M. GIONATA P. BUZZINI,
op.cit., p. 61
80 Préambule §1,
Convention de Vienne sur les relations diplomatiques de 1961
10
liés à la reconnaissance des immunités
des représentants de l'Etat par des règles
coutumières81, aussi parties aux textes juridiques
internationaux qui répriment les crimes graves.
- Délimitation thématique
De peur qu'il nous soit collé l'oisiveté, le
champ d'étude du présent travail est circonscrit au droit
international public, plus principalement entre le droit diplomatique et le
droit international pénal, et le droit pénal
international82, sur base du positivisme83 du
système de l'organisation des Nations Unies.
Sans nulle ambition de construire une encyclopédie en
ces matières, la présente étude « se limite
(premièrement) à l'immunité de juridiction
pénale, et ne traite pas d'autres formes d'immunités,
notamment celle de juridiction civile»84, qu'aucun Etat ne peut
violer, et ne pas voir être engagée sa responsabilité
internationale85. Deuxièmement, l'étude porte sur
« l'immunité de juridiction pénale
étrangère, à savoir l'immunité dont
jouissent les représentants d'un État devant les autorités
d'un État étranger, et non sur les immunités qui peuvent
leur être reconnues dans leur propre État, ou devant les
juridictions internationales »86. Troisièmement, le
champ d'étude ne s'étend pas à toutes «
catégories de représentants de l'État »87
mais se circonscrit au seul « agent diplomate »88.
Quatrièmement et enfin, pas pour toutes les infractions, plutôt en
cas de commission des infractions internationales, mieux, des crimes
graves89.
Mais puisque toute construction, plus encore celle d'un
édifice scientifique, part d'un plan, il convient de présenter
l'ossature de notre travail.
VI. Subdivision du travail
Outre l'introduction et la conclusion, ce travail s'articule
autour de deux chapitres. Nous confronterons tout d'abord le droit diplomatique
au droit international pénal pour ce qui de l'immunité de
juridiction pénale d'un agent diplomatique (Chapitre I). puis, nous
aborderons la problématique de l'immunité diplomatique au regard
de la répression des crimes internationaux graves (Chapitre II).
81 Article 38, Statut de la Cour
internationale de justice
82 P. AKELE ADAU, SITA MUILA AKELE A.
et Ngoy ILUNGA wa Ns T., Droit pénal spécial,
Université protestante au Congo, Faculté de droit,
Troisième graduat, 2003-2004, p. 268
83 Sandrine PINA, La connaissance
pure du droit et ses limites, Université d'Auvergne, p. 3
84 M. GIONATA P. BUZZINI,
op.cit., p.9
85 Patrick DALLIER et Alain PELLET,
op.cit., p.715
86 M. GIONATA P. BUZZINI,
op.cit., p.10
87 Idem, p.10
88 Article 1er §1 e),
Convention de Vienne sur les relations diplomatiques de 1961
89 Article 5, Statut de Rome de la
Cour pénale internationale de 1998
11
CHAPITRE I. CONFRONTATION DU DROIT DIPLOMATIQUE AU
DROIT INTERNATIONAL PENAL
Traiter de l'immunité de juridiction pénale
étrangère d'un diplomate en cas de commission des crimes graves
revient en la confrontation du droit diplomatique au droit international
pénal voire au droit pénal international, ne pouvant faire fi de
la rencontre opposée de deux « principes de droit
»90international , par exemple, le défaut de pertinence
de qualité officielle en matière des crimes graves91
consacré dans bien des textes internationaux, et l'immunité de
juridiction pénale étrangère92 d'un diplomate
qui suppose son inviolabilité93 comme une dimension de son
statut privilégié94 lui reconnue par la Convention de
Vienne de 1961, et par la jurisprudence internationale95.
Pour la Convention de Vienne ci-haut citée, «
l'agent diplomatique jouit de l'immunité de la juridiction pénale
»96, le Statut de Rome, par contre, annihile toute
prétention du genre car voici qu'il établit que « les
immunités (...) qui peuvent s'attacher à la qualité
officielle d'une personne, en vertu du droit interne ou du droit international,
n'empêchent pas à la Cour (pénale internationale) d'exercer
sa compétence à l'égard de cette
personne»97.
On réalise, à la lecture de ce qui
précède, qu'un texte protège la qualité officielle
du diplomate, alors qu'un autre la défie. Ce qui inspire que cette
opposition ait une place dans notre réflexion dans un quelconque but de
voir comment ces immunités se comportent selon que le diplomate
présumé98 auteur des crimes graves est devant la Cour
pénale internationale, devant « les tribunaux pénaux
internationaux ad hoc »99 ou devant les juridictions
nationales100.
90 Article 38 §3, Statut de la
Cour internationale de justice
91 Article 27, Statut de Rome de la
Cour pénale internationale
92 M. GIONATA P. BUZZINI,
op.cit., p. 55
93 Article 29, Convention de Vienne
sur les relations diplomatiques de 1961
94 Article 11, Déclaration
universelle des droits de l'homme de 1948
95 CIJ, arrêt du 24 mai
1980, affaire relative au personnel diplomatique et consulaire des Etats-Unis
à Téhéran, par. 95 ; CIJ, arrêt du 14 février
2002, affaire du Mandat d'arrêt (RDC c. Belgique), par. 60 ; CIJ,
arrêt du 4 juin 2008, affaire relative à certaines questions
concernant l'entraide judiciaire en matière pénale (Djibouti c.
France), par. 160
96 Article 31, Convention de Vienne
sur les relations diplomatiques de 1961
97 Article 27, Statut de Rome de la
Cour pénale internationale
98 Article 11 §1,
Déclaration universelle des droits de l'homme
99 Marc de Montpellier,
Introduction au droit international public, Exposés au
Collège universitaire français d'Etat de Moscou, mars 2012, p.
70
100 Article 1er, Statut de Rome de la
Cour pénale internationale
12
La question est ici montée sur la pépie de
savoir, en interrogeant « le droit positif »101en cette
matière, si, oui ou non, la qualité du diplomate est vue du
même regard par les juges à ces différents stades de
juridictions en cas des crimes graves. Cela inspire, avant tout, de parler de
la qualité du diplomate en présence du principe du défaut
de la pertinence de la qualité officielle.
SECTION I. La qualité de l'agent diplomatique et
le défaut de pertinence de la qualité officielle
Sans nous répéter sur la sacralisation, d'un
côté, et la désacralisation, d'un autre, de la
qualité officielle de « l'agent diplomatique »102,
il n'est plus qu'à nous intéresser au degré d'application
des immunités du diplomate ou, parallèlement, du défaut de
pertinence de la qualité officielle devant la Cour pénale
internationale (§1), devant les tribunaux pénaux internationaux ad
hoc (§2), et devant les juridictions nationales (§3).
§1. Devant la Cour pénale internationale
Le Statut de Rome de la Cour pénale internationale ne
laisse pas d'ambiguïté sur la question du défaut de
pertinence de la qualité officielle d'un accusé des « crimes
relevant de la compétence de (cette) Cour »103. A
propos, on lit que « les immunités ou règles de
procédure spéciales qui peuvent s'attacher à la
qualité officielle d'une personne, en vertu du droit interne ou du droit
international, n'empêchent pas la Cour d'exercer sa compétence
à l'égard de cette personne »104. On retiendrait
tout simplement que la Cour « n'épargne pas les gouvernants (aussi
les représentants de l'Etat) que (leur) qualité officielle ne met
plus à l'abri des poursuites »105 judiciaires.
En défiant même les immunités qu'aurait
instituées un texte international, ici la Convention de Vienne de 1961,
on ne saurait tout de même pas penser que le Statut de Rome a
abrogé cette dernière, ou lui a dérogé, mais
plutôt, il vient juste écarter toute éventuelle fausse
analogie qui tenterait d'opposer à la Cour pénale internationale
les immunités de juridiction pénale du diplomate.
En fait, il serait bien scientifique et logique de garder
à l'esprit que la Convention de Vienne, dont il est question, est trop
circonscrite en précisant que « l'agent
101 Paul AMSELEK, op.cit., p. 4
102 Article 1er, e), Convention de Vienne sur les relations
diplomatiques de 1961
103 Article 5, Statut de Rome de la Cour pénale
internationale de 1998
104 Article 27 §2, Idem
105 E. Hervé ASCENCIO et Alain PELLET, op.cit.,
p. 85
13
diplomatique jouit de l'immunité de la juridiction
pénale de l'État accréditaire »106. Ici,
qu'on s'aperçoive que les autres juridictions ne sont pas visées,
mais bien, on comprendrait qu'il s'agit, de quelque manière, de «
l'immunité de juridiction d'un Etat (...) devant les tribunaux d'un
autre Etat».107 Clairement dit, le Statut de Rome ne s'est pas
levé contre la Convention sus-citée puisqu' en effet le Statut de
Rome n'a pas posé le principe de défaut de
pertinence108 de la qualité officielle de l'accusé
devant les juridictions nationales auxquelles, plutôt, la Cour est
complémentaire109, et devant laquelle personne ne jouit
d'immunité voire ses propres juges, procureur110...
Quoiqu'il y en ait encore beaucoup à savoir qui demande
une certaine réflexion nourrie, retenons, sans trop méditer, que
la qualité officielle de l'accusé ne peut empêcher à
la Cour d'exercer sa compétence111, et qu'il n'est pas tout
aussi à oublier que, la CPI, ne possédant de force publique
propre, peut « adresser des demandes de coopération aux
États Parties »112 qui, en principe, «
coopèrent pleinement avec la Cour dans les enquêtes et poursuites
qu'elle mène pour les crimes relevant de sa compétence
»113. A ce propos, on serait peut-être tenté de
s'interroger sur le comportement les Etats dans la coopération avec la
Cour pour arrêter un diplomate qui « ne peut être soumis
à aucune forme d'arrestation ou de détention
»114dans l'Etat accréditaire et dans tout autre
Etat115 se trouvant dans les circonstances fixées par la
convention de Vienne de 1961.
Avant que nous plongions dans le vif de cette question, il
faut d'abord savoir comment jouent les immunités du diplomate devant les
juridictions dont la compétence ratione personae116
n'est pas concernée par le défaut de pertinence de la
qualité officielle prévu dans le Statut de Rome dans lequel seule
la « Cour »117 pénale internationale est
visée. Qu'en est-il donc premièrement des tribunaux pénaux
internationaux, et, deuxièmement, des juridictions nationales ?
106 Article 31 §1, Convention de Vienne sur les relations
diplomatiques de 1961
107 Article 1er, Convention des Nations Unies sur les
immunités juridictionnelles des Etats et de leurs biens de 2005
108 Article 27, Statut de Rome de la Cour pénale
internationale
109 Préambule §10, Statut de Rome de la Cour
pénale internationale
110 Article 48, Statut de Rome de la Cour pénale
internationale
111 Article 27 §2, Statut de Rome de la Cour pénale
internationale
112 Article 87 §1, Statut de Rome de la Cour pénale
internationale
113 Article 86, Statut de Rome de la Cour pénale
internationale
114 Article 29, Convention de vienne sur les relations
diplomatiques de 1961
115 Article 40, Convention de vienne sur les relations
diplomatiques de 1961
116 M. GIONATA P. BUZZINI, op.cit., p.
3
117 Article 27 §2, Statut de Rome de la Cour pénale
internationale
14
§2. Devant les tribunaux pénaux internationaux
ad hoc
Les tribunaux pénaux internationaux pour
l'ex-Yougoslavie et pour le Rwanda dont la compétence ratione
personae est sous étude, ici, ont été
créés « par le Conseil de sécurité agissant en
vertu du chapitre VII de la Charte des Nations Unies »118comme
il est régi que « le Conseil de sécurité (peut)
décider quelles mesures seront prises (...) pour maintenir ou
rétablir la paix et la sécurité »119 dans
le monde « afin d'empêcher la situation de
s'aggraver»120pour le climat des relations internationales.
Loin de discuter sur la compétence du Conseil de
sécurité de l'ONU à créer des tribunaux
pénaux internationaux, la question est plutôt ici posée aux
textes créant ces tribunaux pour appréhender la valeur qu'ils
réservent aux immunités du diplomate. En réponse, il
faudra lire, avant tout approfondissement, que, pour le tribunal pénal
international pour l'ex-Yougoslavie, « le Tribunal international est
habilité à juger les personnes présumées
responsables de violations graves du droit international humanitaire commises
sur le territoire de l'ex-Yougoslavie depuis 1991 »121, et pour
le Rwanda, « le Tribunal international (...) est habilité à
juger les personnes présumées responsables de violations graves
du droit international humanitaire commises sur le territoire du Rwanda et les
citoyens rwandais présumés responsables de telles violations
commises sur le territoire d'États voisins entre le 1er janvier et le 31
décembre 1994 »122. A propos des immunités, il
faudra savoir que « la qualité officielle d'un accusé (...)
ne l'exonère pas de sa responsabilité pénale et n'est pas
un motif de diminution de la peine »123.
Comme souligné depuis l'introduction du présent
travail, la phrase : « la qualité officielle d'un accusé
(...) ne l'exonère pas de sa responsabilité pénale
»124ne doit pas être interprétée
hâtivement comme disant que cette « qualité officielle »
ne peut pas « empêcher »125 aux tribunaux
internationaux d'exercer leur compétence. Puisque, autrement que la
formulation des Statuts de ces derniers, le Statut de Rome précise que
« les immunités ou règles de procédure
spéciales qui peuvent s'attacher à la qualité
118 Préambules des Statuts des
tribunaux internationaux pour l'ex-Yougoslavie de 1993, et pour le Rwanda de
1994
119 Article 39, Charte des Nations Unies de
1945
120 Article 40, Charte des Nations Unies de
1945
121 Article 1er, Statut du tribunal pour
l'ex-Yougoslavie de 1993
122 Article 1er, Statut du tribunal
international pour le Rwanda de 1994
123 Article 6 §2, Statut du tribunal
international pour le Rwanda de 1994 ; article 7 §2, Statut du tribunal
international pour l'ex-Yougoslavie de 1993
124 Ibidem
125 Article 27 §2, Statut de Rome de la
Cour pénale internationale
15
officielle d'une personne, en vertu du droit interne ou du
droit international, n'empêchent pas la Cour d'exercer sa
compétence à l'égard de cette personne
»126.
Par contre, pour les tribunaux pénaux internationaux,
attendre par exemple la fin de la fonction127 du diplomate pour le
poursuivre ne pourrait être entendu comme violation de leurs Statuts
puisque cette attente ne les « exonère (toujours) pas de la
responsabilité pénale »128. En effet, les deux
Statuts ne demandent pas de poursuivre le bénéficiaire
d'immunité129pendant la période qu'il est en fonction.
Cette attitude vient échapper à consacrer, de quelque
manière, l'impunité grâce à
l'imprescriptibilité130 heureuse des crimes graves. On dirait
que l'impunité resterait toujours consacrée si, pour certains
cas, la compétence de ces tribunaux internationaux était
exclusive ; mais, loin de là, a été instituée la
complémentarité131 de la Cour qui intervient lorsque
la juridiction qui serait compétente n'a pas de volonté ou est
dans l'incapacité (de jure ou de facto) de mener (...) les
poursuites132. Dans le cas des tribunaux pénaux
internationaux, cette incapacité mériterait d'être vue
comme juridique puisque rencontrée dans la faille des textes de droit
interprétables en faveur de la non poursuite d'un diplomate encore en
fonction. Notons-le, cette complémentarité de la CPI aux
tribunaux pénaux internationaux ne découle que de
l'interprétation analogique et logique de la
complémentarité133 de cette cour aux juridictions
nationales prévue dans le Statut de Rome.
La complémentarité de la CPI ne pourra pas se
présenter comme l'exclusif remède puisqu'il ne doit pas nous
échapper que « l'agent diplomatique jouit de l'immunité de
la juridiction pénale de l'État accréditaire
»134, et il n'est pas dit qu'il en jouit devant les
juridictions internationales auprès desquelles il n'est pas
accrédité comme il l'est pour « représenter
l'État accréditant auprès de l'État
accréditaire »135. On peut enfin dire logiquement que
les immunités diplomatiques ne peuvent empêcher aux tribunaux
pénaux
126 Article 27 §2, Statut de Rome de la
cour pénale internationale
127 CIJ, Arrêt du 14 février 2002,
Affaire du mandat d'arrêt (RDC c. Belgique), par. 57
128 Article 6 §2, Statut du tribunal
international pour le Rwanda, et l'article 7 §2, Statut du tribunal
international pour l'ex-Yougoslavie de 1993
129 CIJ, Arrêt du 14 février 2002,
Affaire du mandat d'arrêt (RDC c. Belgique), par. 57
130 Article 29, Statut de Rome de la cour
pénale internationale
131 Préambule §10, Statut de Rome
de la cour pénale internationale; NYABIRUNGU Mwene SONGA, Droit
international pénal, Kinshasa, DES, 2013, p. 3
132 Article 17, Statut de Rome de la cour
pénale internationale
133 Préambule §10, Statut de Rome de
la Cour pénale internationale
134 Article 31 §1, Convention de Vienne sur
les relations diplomatiques de 1961
135 Article 3 §1, a), Convention de Vienne
sur les relations diplomatiques de 1961
16
internationaux de poursuivre une personne
présumée auteur des crimes de leur
compétence136qu'il s'agisse « des gouvernants, des
fonctionnaires ou des particuliers »137.
§3. Devant les juridictions nationales
On le sait, la Cour pénale internationale « est
complémentaire des juridictions pénales nationales
»138dans la répression des crimes internationaux
relevant de sa compétence139. Cette répression revient
donc d'abord aux juridictions nationales ; mais, dans le cas d'un Etat
accréditaire ou de tout autre Etat placé dans les obligations de
l'Etat accréditaire, quand bien-même partie au Statut de Rome, la
poursuite d'un diplomate accusé des crimes graves est une violation
« de l'immunité de la juridiction pénale de l'Etat
accréditaire »140 dont jouit l'agent diplomatique. De
cette immunité, on ne peut que retenir que « la personne de l'agent
diplomatique est inviolable, (et que) il ne peut être soumis à
aucune forme d'arrestation ou de détention»141cette
immunité étant absolue142. Cela est pareil pour tout
Etat autre que l'Etat accréditaire « si l'agent diplomatique
traverse le territoire ou se trouve sur le territoire d'un État tiers,
qui lui a accordé un visa de passeport au cas où ce visa est
requis, pour aller assumer ses fonctions ou rejoindre son poste, ou pour
rentrer dans son pays, l'État tiers lui accordera l'inviolabilité
et toutes autres immunités nécessaires pour permettre son passage
ou son retour»143.
Mais si tel est l'état des choses dans l'Etat
accréditaire ou dans un Etat tiers, qu'on retienne, par contre,
que « l'immunité de juridiction d'un agent diplomatique dans
l'État accréditaire ne saurait exempter cet agent de la
juridiction de l'État accréditant »144. Mais cela
n'exclut pas qu'un agent diplomatique puisse être couvert des
immunités ou privilèges par le droit national devant les
juridictions internes.
Cela étant le régime des immunités du
diplomate devant les institutions de l'Etat accréditaire ou l'Etat
tiers, serions-nous tenté de vouloir savoir comment se comporterait
cet Etat pour répondre à son « obligation (...) de
coopérer »145avec la Cour
136 Articles 2 - 5, Statut du tribunal
pénal international pour l'ex-Yougoslavie de 1993 ; articles 2 - 4,
Statut du tribunal pénal international pour le Rwanda de 1994
137 E. ASCENSIO HERVE et Alain PELLET,
op.cit., p. 191
138 Article 31 §1, Convention de Vienne sur
les relations diplomatiques de 1961
139 Article 5, Convention de Vienne sur les
relations diplomatiques de 1961
140 Article 31 §1, Convention de Vienne sur
les relations diplomatiques de 1961
141 Article 29, Idem
142 Patrick DALLIER et Alain PELLET,
op.cit., p. 752
143 Article 40 §1, Convention de Vienne sur
les relations diplomatiques de 1961
144 Article 31 §4, Convention de Vienne sur
les relations diplomatiques de 1961
145 Article 86, Statut de Rome de la cour
pénale internationale
17
pénale internationale « dans les enquêtes et
les poursuites »146quand celui-ci a accepté la
compétence de la Cour pénale internationale147, ou est
partie au statut de Rome148.
A notre humble avis, l'immunité du diplomate, en raison
du défaut de pertinence de la qualité officielle149,
ne joue pas lorsque c'est la Cour pénale internationale qui poursuit le
bénéficiaire d'immunité. Dans cette perspective, il peut
être déduit que lorsque la Cour pénale internationale
adresse une demande de coopération150 à
l'Etat accréditaire, celui-ci est en devoir de coopérer «
pleinement avec (elle) dans les enquêtes et poursuites
»151 de l'agent diplomatique. En effet, l'Etat
accréditaire n'agit pas pour son compte ou pour ses juridictions devant
lesquelles le diplomate étranger jouirait des immunités. Par
contre, il agit entant que main de la Cour pénale internationale qui
poursuit.
Dans la même philosophie, l'Etat accréditaire
« peut déférer au Procureur (de la Cour pénale
internationale) une situation dans laquelle un ou plusieurs des crimes relevant
de la compétence de la cour paraissent avoir été commis,
et prier le procureur d'enquêter sur cette situation en vue de
déterminer si une ou plusieurs personnes identifiées devraient
être accusées de ces crimes».152 Malheureusement
ou heureusement, cette possibilité de renvoi d'une situation à la
Cour par un Etat vient être rendue impossible parce que «
l'État qui procède au renvoi indique autant que possible les
circonstances pertinentes de l'affaire et produit les pièces à
l'appui dont il dispose »153et pourtant l'Etat
accréditaire ne peut pas ouvrir une quelconque enquête s'il s'agit
de la personne de l'agent diplomatique qui serait accusée. L'Etat
accréditaire ne pourrait donc pas fournir ces pièces vu qu'il ne
peut ouvrir aucune enquête ou aucune poursuite contre un diplomate. C'est
cela qui a obligé en juin 2014, par exemple, la France à
détruire les informations récoltées des enquêtes
faites sur un jeune congolais de 14 ans accusé d'attouchements sexuels
dès qu'elle se rendit compte que c'est un fils d'un diplomate
congolais.
Revenant à parler de la coopération des Etats
avec la cour pénale internationale, coopérer avec cette
dernière ne semble pas être aussi aisé qu'on peut dire
146 Article 86, Statut de Rome de la Cour
pénale internationale
147 Articles 12 et 13, Statut de Rome de la cour
pénale internationale
148 Préambule §1er,
Statut de Rome de la cour pénale internationale
149 Article 27, Statut de Rome de la cour
pénale internationale
150 Article 87, Statut de Rome de la cour
pénale internationale
151 Article 86, Statut de Rome de la cour
pénale internationale
152 Article 14 §1, Statut de Rome de la
cour pénale internationale
153 Article 14 §2, Statut de Rome de la
cour pénale internationale
18
facilement que « les Etats coopèrent pleinement
avec la Cour... »154, surtout lorsqu'il s'agit d'arrêter
et remettre à la Cour un bénéficiaire de l'immunité
de juridiction pénale étrangère.
On se souviendra, par exemple, qu'il avait été
vociféré que les autorités de la RDC avaient «
l'obligation d'arrêter le Président soudanais recherché par
la CPI »155. Mais cela était avant que « le 9 avril
2014, la Chambre préliminaire II a décidé que la
République démocratique du Congo n'a pas respecté son
obligation de coopérer pleinement avec la Cour en ne procédant
pas à l'arrestation et à la remise d'Omar Al Bashir à la
Cour, lors de sa visite en RDC les 26 et 27 février 2014
»156 au sommet du Marché commun de l'Afrique orientale
et australe (CEMAC) »157. Dans la même affaire, un peu
avant, « le 13 décembre 2011, la Chambre préliminaire I a
décidé que la République du Malawi n'a pas respecté
les demandes de coopération de la Cour concernant l'arrestation et la
remise d'Omar Hassan Ahmad Al Bashir lors de sa visite du 14 octobre 2011
»158. La chambre préliminaire regretta avec la
même douleur le comportement affiché par « la
République du Tchad »159de n'avoir pas
arrêté Al Bashir le 7 et 8 aout 2011. Le même comportement
d'indifférence à la demande la CPI a été celui,
très récemment, de l'Afrique du Sud lors du Sommet de l'Union
africaine en mi-juin 2015.
A propos de « Uhuru Muigai Kenyatta »160,
Président du Kenya poursuivi par la CPI, on ne saurait évoquer la
question que soulèverait une quelconque immunité d'un Chef
puisqu'il a répondu volontiers à l'invitation de la CPI. Aussi ne
saurait-on pas dire que son propre Etat l'y a déféré,
comme l'a imaginé la Chambre II de la CPI qu'un Etat pouvait remettre
à la Cour ses propres protégés car voici qu'elle
s'était plaint « que la République du Soudan n'a pas
coopéré avec la Cour (...) aux fins de l'arrestation et de la
remise d'Omar Al Bashir à la Cour »161.
154 Article 86, Statut de Rome de la cour
pénale internationale
155 La Coalition pour la cour pénale
internationale, La République démocratique du Congo doit
arrêter el-Béchir, Communiqué pour diffusion
immédiate, 25 février 2014, p. 1
156 La Cour pénale internationale,
Fiche d'information sur l'affaire Situation au Darfour (Soudan), le
Procureur c. Omar Hassan Al Bashir, 26 mars 2015, p. 3
157 La Coalition pour la cour pénale
internationale
158 Ibidem
159 Ibidem
160 CPI, Fiche d'information sur
l'affaire Situation en République du Kenya, le Procureur c. Uhuru
Muigai Kenyatta, 13 mars 2015, p. 2
161 CPI, Fiche d'information sur
l'affaire Situation au Darfour (Soudan), le Procureur c. Omar Hassan Al
Bashir, 26 mars 2015, p. 3
19
En gros, mentionnons que « les relations de la Cour
pénale internationale (CPI) avec certains gouvernements africains et
l'Union africaine (UA) se sont heurtées à des défis accrus
»162 alors que, juridiquement, les Etats sont en devoir de
coopérer avec la CPI163dans les enquêtes et poursuites
contre un Chef d'Etat ou un agent diplomatique puisque « la qualité
officielle »164 d'une personne ne peut « empêcher
à la Cour d'exercer sa compétence à l'égard de
cette personne »165. Mais il faut dénoncer que cela
jouerait à la faveur de « compromettre les relations amicales entre
nations »166. Ce qui entraverait donc aux « buts des
Nations Unies »167, voire aux « objectifs de l'Union
(Africaine) »168« compatibles avec les buts et les
principes des Nations Unies »169, s'il peut être
osé d'imaginer l'arrestation du Président soudanais
el-Béchir par un Etat africain, ou celle d'un diplomate de n'importe
quel Etat par tout autre Etat. A la limite, le voudrions-nous, l'Etat du
for170 peut déclarer simplement un agent de l'Etat
étranger persona non grata171, au lieu de le
déférer à la CPI172.
Car en effet, pas facile à se tenir entre les
obligations naturelles des relations étatiques africaines et les
obligations internationales juridiques de coopération avec la CPI,
« la tension entre l'Union africaine (UA) et la CPI en est arrivée
à un point tel que le 11 octobre 2013, les dirigeants africains se sont
réunis à Addis-Abeba, en sommet extraordinaire, pour discuter
d'un éventuel retrait collectif du Statut de Rome créant
la CPI »173. En tout, on a impression d'être en
présence d'un conflit entre l'Union Africaine et la CPI, vu que se
nourrit « l'impression que la CPI ne vis(e) que les Africains
»174. L'Afrique a choisi de « défendre les
positions africaines communes sur les questions
162 Human Rights Watch, L'Afrique et la CPI,
Memorandum for the Twelfth Session of the International Criminal Court
Assembly of States Parties, Novembre 2013, p. 1
163 Article 86, Statut de Rome, op.cit.
164 Article 27 §1, op.cit.
165 Article 27 §2, Idem
166 Article 14, Charte des Nations Unies de 1945
167 Article 1er, Idem
168 Article 3, Acte constitutif de l'Union Africaine de juillet
2000
169 Article 52 §1, Charte des Nations Unies de 1945
170 Nicolas ANGELET, « le droit des relations
diplomatiques et consulaires dans la pratique régente du conseil de
sécurité », in Revue belge de droit international,
Bruxelles, Bruylant, 1999, p. 172 ; CIJ, Arrêt du 20 juillet 2012,
Affaire relative aux questions concernant l'obligation de poursuivre ou
d'extrader (Belgique c. Sénégal), par. 120
171 Article 9 §1, Convention de Vienne de 1961 ; article
23, Convention de Vienne de 1963 ; M. GIONATA P. BUZZINI, op.cit. p.
168
172 Article 14, Statut de Rome de la cour pénale
internationale de 1998
173
Jacques MBOKANI, « la cour pénale internationale :
une cour contre les africains ou une cour attentive à la souffrance des
victimes africaines? », in Revue québécoise de droit
international, février 2013, p. 48
174
Jacques MBOKANI, op.cit., p. 49
20
d'intérêt pour le continent »175
dans le but de «promouvoir la paix, la sécurité et la
stabilité sur le continent »176. El-Béchir
pouvait bien être un diplomate, pour les mêmes raisons, rien ne
fait penser que le comportement de l'Afrique pourrait être autre que
celui affiché dans le cas d'un El-Béchir Chef de l'Etat.
A ce stade, on peut bien être tenté de vouloir
savoir ce qui reste de l'obligation internationale juridique des Etats de
coopérer177 avec le CPI pour un bénéficiaire
d'immunité internationale178, si un Etat africain
préfère entrer en conflit avec la CPI qu'avec un autre Etat
africain, ou mieux, avec l'Union Africaine.
Des oppositions entre textes juridiques, ou entre textes et
leur exécution ou leur «exécutabilité» sont
souvent des problèmes de droit qui demandent des solutions aussi
juridiques. Le souhait ardent est que la CPI et l'Union Africaine harmonisent
pour donner effet au droit.
Les oppositions ne sont pas que rencontrées pour les
seules questions de coopération des Etats avec la CPI, elles peuvent
bien aussi être soulignées en parlant «des théories
justificatives »179 de l'octroi des immunités à
leurs bénéficiaires, si ces théories viennent à
être mises en face des notions ou principes sur lesquels repose la
matière du droit international pénal180 ou du droit
international public. La section, ici-bas, est consacrée à cette
question.
175 Article 3 d), Acte constitutif de l'Union Africaine de
2000
176 Article 3 f), Acte constitutif de l'Union Africaine de
2000
177 Article 86, Statut de Rome de la cour pénale
internationale
178 Article 31, Convention de Vienne de 1961 ; CIJ,
Requête, Affaire relative mandat d'arrêt du 11 avril 2000, (RDC c.
Belgique), p. 2 ; CIJ, Arrêt du 4 juin 2008, Affaire relative à
certaines questions concernant l'entraide judiciaire en matière
pénale (Djibouti c. France), par. 32
179 Gérard BALANDA MIKUIN, op.cit., p. 78
180 P. AKELE ADAU, A. SITA MUILA AKELE et Ngoy ILUNGA wa Ns T,
op.cit., p. 268
21
SECTION II. Des théories justificatives de
l'immunité du diplomate
Restant dans la même philosophie de mettre le droit
diplomatique face au droit international pénal, la présente
section vient faire assoir une confrontation ou une relation entre « les
fondements théoriques des
immunités»181diplomatiques avec quelques principes ou
notions en rapport avec la répression internationale des crimes
graves.
« Trois théories principales ont été
avancées pour justifier la reconnaissance des immunités
»182 : la théorie
d'extraterritorialité183, la théorie de la
représentativité184 et la théorie de la
nécessité de la fonction185. Conjointement et
successivement, nous rattacherons ou nous opposerons, dans l'étude de
ces théories, de la première à la dernière, la
notion de la souveraineté territoriale186 d'un Etat, la
notion de la responsabilité pénale individuelle187 et
la notion des actes détachables de la fonction diplomatique.
§1. Théorie d'extraterritorialité face
à la souveraineté territoriale de l'Etat accréditaire
Il est connu, « le territoire est l'espace
géographique terrestre, maritime et aérien délimité
par les frontières d'un Etat »188. En droit
international, « le respect de l'intégrité territoriale
constitue un grand principe »189faisant que « le
territoire national, valeur souvent sacralisée, ne peut pas être
violé »190. Ce qui fait que les Etats doivent
s'abstenir, « dans leurs relations internationales, de recourir à
la menace ou à l'emploi de la force (...) contre
l'intégrité territoriale (...) de tout Etat »191.
Peu vite, on peut apercevoir que vont ensemble les notions de « la
souveraineté, (de) l'intégrité territoriale et (de)
l'indépendance »192 d'un Etat, puisque ce doit
être en toute indépendance qu'un Etat exerce sa toute
souveraineté sur tout son territoire.
Contre toute cette logique, pourtant l'Etat
accréditaire « détient la souveraineté sur son propre
territoire, souveraineté dont découle pour lui un pouvoir de
181 M. GIONATA P. BUZZINI, op.cit., p.29
182 Ibidem
183 Ibidem
184 Article 3 §1, Convention de Vienne sur les relations
diplomatiques de 1961
185 Préambule §4, Idem
186 Article 2 §4, Charte des Nations Unies de 1945
187 Article 25, Statut de Rome
188 Marc de Montpellier, Introduction au droit international
public, Collège universitaire français de
l'université d'Etat de Moscou, mars 2012, p. 19
189 Ibidem
190 Ibidem
191 Article 2 §4, Charte des Nations Unies de 1945
192 Article 3 b), Acte constitutif de l'Union Afrique de 2000
22
juridiction à l'égard des faits qui se
produisent sur son sol et des personnes qui y sont présentes
»193, de petits espaces peuvent être
considérés comme être en dehors de la souveraineté
de cet Etat, quoique se trouvant sur son territoire, car voici que « les
locaux de la mission (diplomatique) sont inviolables. Il n'est pas permis aux
agents de l'État accréditaire d'y pénétrer, sauf
avec le consentement du chef de la mission »194. Plus encore,
« l'État accréditaire a l'obligation spéciale de
prendre toutes mesures appropriées afin d'empêcher que les locaux
de la mission ne soient envahis ou endommagés, la paix de la mission
troublée ou sa dignité amoindrie »195. On
constate, en fait, que « la souveraineté (d'un Etat) n'est plus
aperçue aujourd'hui comme un pouvoir absolu. La
généralité de la compétence territoriale doit
fléchir devant toutes les obligations internationales quelle qu'en soit
la source »196 comme « l'immunité (se
révèle) comme une exception à la compétence «
totale et absolue » que l'Etat du for était en principe
habilité à exercer sur son propre territoire
»197.
« En vertu de la théorie de
l'extraterritorialité, l'agent diplomatique est considéré
comme n'ayant pas quitté le territoire de son propre Etat et comme se
trouvant, en conséquence, en dehors du territoire de l'Etat
accréditaire bien qu'il y exerce ses fonctions. (Et) les locaux de la
mission (diplomatique) sont traités de la même façon
»198. En pareille conception ou en telle perception des choses,
les juridictions de l'Etat accréditaire, pour elles-mêmes, en
vertu de la compétence universelle199, ou pour le compte de
la CPI dans le cadre de «la coopération internationale et
assistance judiciaire »200, ne sauraient intervenir pour
poursuivre un diplomate qui est considéré comme se trouvant dans
l'Etat accréditant.
Mais avant tout, il faut peut-être dénoncer que
« la théorie d'extraterritorialité également connue
sous le nom de l'exterritorialité se base sur une fiction
»201 puisque, dans le concret, on ne peut pas affirmer que la
superficie du territoire de l'Etat accréditaire est diminuée des
espaces où sont installés les hôtels diplomatiques. Il
193 CIJ, arrêt du 3 février
2012, affaire relative aux immunités juridictionnelles de
l'Etat (Allemagne c. Italie ; Grèce (intervenant)), par. 57
194 Article 22 §1, Convention de
Vienne de 1961
195 Article 22 §2, Idem
196 KADONY NGUWAY, op.cit., p.
212
197 LORNA McGregor, Immunité c.
responsabilité : Etude de la relation entre l'immunité des Etats
et la responsabilité pour torture et autres graves crimes
internationaux, Londres, The Redress Trust, 2005, p. 12
198 Patrick DALLIER et Alain PELLET,
op.cit., p. 748
199 E. HERVE ASCENCIO et Alain PELLET,
op.cit. p. 627
200 Article 86, Statut de Rome de
1998
201 Gérard BALANDA MIKUIN, op.cit.,
p. 79
23
peut être tout simplement accepté, encore avec
hésitation, que « si les représentants des Etats ne sont pas
assujettis à la législation de l'Etat territorial, c'est parce
qu'ils sont considérés comme se trouvant juridiquement en dehors
du territoire dudit Etat ; (et) ils ne s'y trouveraient que sur le plan
physique et matériel »202. Même à ce
niveau, il n'est pas à dire que prétendre, territorialement
parlant, que l'hôtel diplomatique ne se trouve pas sur le territoire de
l'Etat accréditaire dans lequel il est installé, et où il
fonctionne. Mais quoiqu'il en soit, les agents de l'Etat accréditaire ne
peuvent pas pénétrer dans les locaux de la mission diplomatique
sans «autorisation» du chef de la mission203même
dans le but d'arrêter un présumé auteur des crimes graves.
L'exception à cette «autorisation» préalable du Chef de
la mission diplomatique est à trouver dans la compétence de la
Cour pénale internationale dans le cadre de la coopération de
l'Etat accréditaire avec cette cour.
Mais, même cette exception ne pourrait être
totalement opérationnelle même si l'hôtel diplomatique est
considéré comme se trouvant sur le territoire de l'Etat
accréditaire car, dans cette hypothèse, c'est plutôt
à ce dernier que la CPI devrait adresser une demande de
coopération. En effet, tel qu'il sera considéré que
l'hôtel diplomatique est sur le territoire de l'Etat accréditaire
ou de l'Etat accréditant, telle sera aussi établie la
compétence territoriale de la CPI car, en fait, la Cour pénale
internationale peut exercer sa compétence si est partie au Statut de
Rome ou a accepté la compétence de la CPI « l'État
sur le territoire duquel le comportement en cause a eu lieu ou, si le crime a
été commis à bord d'un navire ou d'un aéronef,
l'État du pavillon ou l'État d'immatriculation
»204.
Comme il apparait que cette notion
d'extraterritorialité semble compliquer ou rendre difficile l'ouverture
des poursuites, ou les poursuites elles-mêmes, puisque la personne
à poursuivre, ou le lieu où cette personne se trouve seraient
couverts d'inviolabilité205 sur base de la Convention de
Vienne de 1961 ou sur toute autre source de droit international ; toutes ces
difficultés que poserait l'impasse dans la réflexion à
propos de la fiction qu'installe la théorie d'exterritorialité ne
constituent point d'obstacle pour les poursuites engagées par la CPI
parce que « les immunités ou règles de procédure
spéciales (...), en vertu du droit interne ou du droit international,
n'empêchent pas la Cour d'exercer sa compétence
»206.
202 Gérard BALANDA MIKUIN, op.cit.,
p. 79
203 Article 22, Convention de Vienne sur les
relations diplomatiques de 1961
204 Article 12 §2, Statut de Rome de la
Cour pénale internationale
205 Articles 22 et 29, Convention de Vienne sur
les relations diplomatiques de 1961
206 Article 27 §2, Statut de Rome de la
cour pénale internationale
24
En effet, si la théorie d'extraterritorialité a
pris existence c'était pour « justifier la nécessité
de reconnaître des privilèges et immunités à
certaines catégories de personnes »207 ; or, on le sait,
toute théorie, qui s'arrogerait le culo de justifier des
immunités devant la justice, est inopérante devant la CPI dans sa
« mission de juger le génocide, les crimes contre
l'humanité, les crimes de guerre, et l'agression »208.
Mais bien « l'immunité empêche ou entrave l'exercice par
l'État de sa juridiction, en particulier de sa compétence
judiciaire et répressive »209.
Telle se veut être la chute de notre étude,
parallèlement au droit international pénal ou au droit
international public, sur « la «théorie de
l'extraterritorialité» (qui crée) une fiction juridique
selon laquelle les locaux d'une mission diplomatique ou les locaux
temporairement occupés par un souverain dans un pays étranger
étaient considérés comme des appendices du territoire de
l'État d'envoi »210. Mais cette fiction ne pourrait
être opposable à la CPI aussi longtemps qu'elle s'inscrira dans la
bataille de faire reconnaitre la non-poursuite de certains individus en vertu
des immunités211, puisque, devant la CPI, le sort des
privilèges et immunités est connu.
Parlant aussi de cette théorie en confrontation avec
les Statuts des tribunaux pénaux internationaux pour l'ex-Yougoslavie et
pour le Rwanda, il est préalable que les compétences
territoriales de ces juridictions soient connues. En fait, « le tribunal
international (pour l'ex-Yougoslavie) est habilité à juger les
personnes présumées responsables de violations graves du droit
international humanitaire commises sur le territoire de l'ex-Yougoslavie depuis
1991 »212. Et « le tribunal international pour le Rwanda
est habilité à juger les personnes présumées
responsables de violations graves du droit international humanitaire commises
sur le territoire du Rwanda et les citoyens rwandais présumés
responsables de telles violations commises sur le territoire d'États
voisins entre le 1er janvier et le 31 décembre 1994
»213.
Sans vouloir nier l'existence de la Convention de Vienne sur
les relations diplomatiques sur laquelle prend fondement juridique la
théorie d'extraterritorialité, il peut
207 Gérard BALANDA MIKUIN, op.cit.,
p. 78
208 NYABIRUNGU Mwene SONGA, Droit
international pénal, Kin., DES, 2013, p. 8
209 M. GIONATA P. BUZZINI, op.cit. p.
19
210 Idem, p. 22
211 Confédération
Suisse-Département des affaires étrangères (DFAE),
op.cit., p. 30
212 Article 1er, Statut du tribunal
pénal international pour l'ex-Yougoslavie de 1993
213 Article 1er, Statut du tribunal
pénal international pour le Rwanda de 1994
25
être tout humblement dit que les deux tribunaux
internationaux ne sont pas parties214 à cette Convention.
D'où, toute théorie qui viendrait faire considérer que
sont en dehors les locaux diplomatiques215, pourtant se trouvant
géographiquement sur les territoires ciblés dans les statuts de
ces tribunaux pénaux internationaux, est loin d'être
invoquée devant ces juridictions pour soulever l'exception de leur
incompétence. Sinon, ces Statuts en auraient fait mention.
A côté de cela, sans épouser cette
fiction, non plus, sans renier les immunités diplomatiques, il faut
peut-être souligner, en compendium, que l' « inviolabilité
qui s'étend (...) à la résidence du chef de la mission et
à la demeure privée des agents diplomatiques n'implique aucune
extraterritorialité nonobstant l'attachement prêté par une
certaine doctrine à cette fiction. En conséquence, la loi de
l'Etat accréditaire est en principe pleinement applicable dans les lieux
occupés par l'hôtel diplomatique, les activités qui s'y
déroulent ne pouvant être réputées accomplies en
territoire étranger.»216 Bref, les locaux diplomatiques
restent sur le territoire de l'Etat accréditaire même s'« il
n'est pas permis aux agents de l'État accréditaire d'y
pénétrer »217, « à moins que le chef
de mission n'ait donné son consentement»218.
D'ailleurs, il faut noter aussi que «
l'inviolabilité dont jouit la mission diplomatique lui a permis
d'accorder l'asile diplomatique (mais) la légalité de cette
pratique est (...) contestée (...) considérant qu'elle constitue
un abus de privilège »219.
Que dire aussi de la théorie représentative ?
§2. Théorie représentative face à
la responsabilité pénale individuelle
Pour « la théorie de la représentation
»220, « les diplomates représentent l'Etat
auprès d'autres Etats ; en raison de leur caractère de
représentants de l'Etat, (ils) ont un statut spécial (dont)
découlent des immunités diplomatiques»221alors
que la théorie d'extraterritorialité fonde la justification des
immunités sur le fait que « les locaux d'une mission diplomatique
ou les locaux temporairement occupés par un souverain dans un pays
214 Préambule §1, Convention de Vienne sur les
relations diplomatiques de 1961
215 Article 1er, Idem
216 J. VERHOEVEN, op.cit., p. 53
217 Article 22 §1, Convention de Vienne sur les relations
internationales de 1961
218 Confédération Suisse-Département des
affaires étrangères (DFAE), Op.cit., p. 19
219 J. VERHOEVEN, op.cit.
220 M. GIONATA P. BUZZINI, op.cit. p. 22
221 Adrien MULUMBATI NGASH, Les relations internationales,
Lubumbashi, Africa, 2005, p. 73
26
étranger étaient considérés comme
des appendices du territoire de l'État »222
accréditant. La présente théorie est fondée sur
« le caractère représentatif de l'agent diplomatique et de
la mission diplomatique, l'un et l'autre représentant l'Etat
accréditant et son Chef. C'est en cette qualité qu'ils
bénéficient des privilèges et immunités car, en
respectant leur dignité et leur indépendance, l'Etat
accréditaire respecte en même temps, comme il a le devoir, la
dignité, l'indépendance et la souveraineté de l'Etat
accréditaire »223, « or il n'est pas
nécessairement vrai que seules les personnes qui ont le caractère
représentatif qui bénéficient des privilèges et
immunités. En effet, l'épouse, l'enfant, les personnes vivant
sous sa dépendance »224, bref, « les membres de la
famille de l'agent diplomatique qui font partie de son ménage
bénéficient (également) des privilèges et
immunités »225. Ce qui fragilise la pensée selon
laquelle les immunités diplomatiques tirent leur justification dans le
caractère représentatif de leurs bénéficiaires de
l'Etat accréditant.
Mais plusieurs textes juridiques internationaux traitant, de
loin ou de près, des immunités, utilisent souvent les concepts
« représentants de l'Etat »226, «
représenter l'Etat »227, « ... représentant
un Etat »228, « représentation des Etats
»229, « représentant d'un Etat
»230... En effet, avant tout, un diplomate a la fonction de
représenter l'Etat accréditant auprès de l'Etat
accréditaire231, mais venir à en déduire que
c'est ce caractère représentatif qui justifie ses
immunités devant les juridictions de l'Etat
accréditaire232demanderait une autre réflexion et
aurait une conséquence de renier les immunités diplomatiques des
« membres de la famille de l'agent diplomatique qui font partie de son
ménage »233puisqu'ils ne représentent pas l'Etat
accréditant. Mais bien « un ambassadeur, loin d'être un
simple particulier, représente dans sa majesté, le souverain
qui
222 M. GIONATA P. BUZZINI, op.cit., p.
22
223 Patrick DALLIER et Alain PELLET,
op.cit., p. 749
224 Gérard BALANDA MIKUIN, op.cit.,
p. 79
225 Article 37 §1, Convention de Vienne sur
les relations diplomatiques de 1961
226 Article 2 §1, Convention des Nations
Unies sur les immunités juridictionnelles des Etats et de leurs biens de
janvier 2005 ; article 5, Convention de l'organisation de l'unité
africaine sur les privilèges et immunités de l'organisation de
l'unité africaine de 1965
227 Article 2 §1, Convention de Vienne
sur le droit des traités entre Etats et organisations internationales ou
entre organisations internationales de 1986 ; article 17 §2, Convention de
Vienne sur les relations consulaires de 1963 ; Article 3 §1, Convention de
Vienne de 1961.
228 Article 7, Convention de Vienne sur le droit
des traités de 1969
229 Préambule §5, Convention de
Vienne sur la représentation des Etats dans leurs relations avec les
organisations internationales de caractère universel de 1975
230 Article 27 §1, Statut de Rome de la
cour pénale internationale
231 Article 3 §1, Convention de Vienne sur
les relations diplomatiques de 1961
232 Article 31, Convention de Vienne sur les
relations diplomatiques de 1961
233 Article 37 §1, Convention de Vienne sur
les relations diplomatiques de 1961
27
l'envoie, et dont les pouvoirs ne sauraient être
bornés par l'exercice de la juridiction locale » ...
Et vite, certains ont eu à l'esprit que « les
privilèges que le droit des gens reconnaît à un ambassadeur
procèdent de ce qu'il représente la personne de son maître,
qualité qui lui confère nécessairement tous les droits et
privilèges dont celui-ci, en tant que souverain, jouirait dans les
États d'un autre prince s'il s'y rendait en personne pour y traiter ses
affaires»234.
Tel nous brossons la notion de la théorie
représentative des immunités diplomatiques qui peut être
encore confrontée au principe de le « responsabilité
pénale individuelle »235. En fait, par
représentation de l'Etat, et de la couverture de ses actes par
l'immunité de juridiction puisque représentant l'Etat
accréditant, on comprendrait que l'agent diplomatique agit au nom et
pour le compte de l'Etat même quand il rédige une lettre d'amour
à sa femme, depuis qu'on sait que, à cause de l'immunité
de juridiction pénale, « aucun acte d'instruction, de poursuite, ou
de contrainte ne peut intervenir à l'encontre d'une personne
représentant un Etat»236. Cela signifie que « cette
immunité est totale, générale et absolue en ce sens
qu'elle couvre tous les actes tant officiels ou publics que privés que
cette personne pourrait commettre ».237
On serait tenté, de ce qui précède, de
comprendre que la théorie représentative fait incomber l'Etat
accréditant la responsabilité de tous les actes de son
représentant. Ce qui bloquerait la machine de la répression des
crimes graves parce que l'on ne saurait pas, dans ce cas, qualifier cette
responsabilité de l'Etat accréditant de «
responsabilité (...) des supérieurs hiérarchiques
»238, or en même temps, on ne pourrait hâtivement
affirmer que la responsabilité incombe au Chef de l'Etat de l'Etat
accréditant puisque tout simplement l'agent diplomatique ne
représente pas le Chef de l'Etat mais l'Etat
accréditant239 vu que ce ne sont plus « les Princes (qui
s'envoient) des Ambassadeurs »240depuis le régime «
de l'autorité étatique »241. Or on le sait,
« la Cour est compétente à l'égard des personnes
physiques »242 et non à l'égard des Etats. Dans
ce
234 M. GIONATA P. BUZZINI, op.cit. p.
21
235 Article 25, Statut de Rome de la cour
pénale internationale
236 Gérard BALANDA MIKUIN, op.cit.,
p. 71
237 Ibidem
238 Article 28, Statut de Rome
239 Article 3 §1, Convention de Vienne sur
les relations diplomatiques de 1961
240 Gérard BALANDA MIKUIN, op.cit.,
p. 78
241 Marc de Montpellier, op.cit., p.
20
242 Article 25 §1, Statut de Rome de la
cour pénale internationale
28
contexte, on a l'impression que « la reconnaissance de
l'immunité ratione personae entraînerait un risque grave
d'impunité »243 d'un diplomate auteur des crimes
internationaux, et pourtant il a été du souhait ardent des Etats
que « les crimes les plus graves qui touchent l'ensemble de la
communauté internationale ne sauraient rester impunis ».
D'où, il est à comprendre qu'on peut « privilégier la
règle de l'immunité dans les cas où il n'y a pas de risque
d'impunité »244.
Cette théorie de la représentation ne saurait,
non plus comme celle de l'extraterritorialité, jouer devant la CPI
puisque, s'il venait à être soutenu qu'un agent diplomatique
aurait commis des crimes au nom et pour le compte de l'Etat accréditaire
comme, dans tous ses actes, il reste représentant de ce dernier, et que,
par conséquent, il est « inviolable »245, aussi si,
par impossible, il peut être établi qu'il y avait, au sens du
droit international pénal, des « relations entre supérieur
hiérarchique et subordonnés »246 entre l'Etat
accréditant et l'agent diplomatique, puis démontrer que l'Etat
accréditaire, qui serait l'autorité supérieure dans ce
contexte, « savait que ses subordonnés, (les agent diplomatiques),
commettaient ou allaient commettre ces crimes, ou a
délibérément négligé de tenir compte
d'informations qui l'indiquaient clairement ; (ou encore que) ces crimes
étaient liés à des activités relevant de sa
responsabilité et de son contrôle effectifs ; et (que) le
supérieur hiérarchique n'a pas pris toutes les mesures
nécessaires et raisonnables qui étaient en son pouvoir pour en
empêcher ou en réprimer l'exécution ou pour en
référer aux autorités compétentes aux fins
d'enquête et de poursuites »247, la CPI n'aura pas
compétence de poursuivre ce supérieur hiérarchique puisque
c'est un Etat.
Mais même si cette théorie pouvait batailler pour
que la responsabilité de la commission des crimes graves incombe
à l'Etat accréditant et non à l'agent diplomatique,
celui-ci ne pourrait être déchargé puisque la
responsabilité internationale de l'Etat n'affecte pas celle des
individus248par lesquels il aurait agi, comme à l'inverse,
« la responsabilité pénale des individus n'affecte la
responsabilité des États en droit
international.»249 D'où, l'Etat accréditant peut
engager sa responsabilité internationale, et l'agent diplomatique
engager la sienne.
243 M. GIONATA P. BUZZINI, op.cit. p.
3
244 Idem, p. 105
245 Article 29, Convention de Vienne sur les
relations diplomatiques de 1961
246 Article 28 b), Statut de Rome de la cour
pénale internationale
247 Ibidem
248 Article 4 de la Commission de droit
international concernant la responsabilité de l'Etat
249 Article 25 §4, Statut de Rome de la
cour pénale internationale
29
Et bien d'ailleurs dans la philosophie du droit de la CPI,
pareil raisonnement n'est pas à tenir parce que la théorie de la
représentation s'inscrit sur la ligne de justifier la reconnaissance des
immunités de l'agent diplomatique, et pourtant il n'est pas à
oublier que c'est un principe absolu, « le défaut de pertinence de
la qualité officielle »250, devant la CPI.
Reste de parler de la théorie de la
nécessité de la fonction de la mission diplomatique.
§3. Théorie de la nécessité
fonctionnelle
Pour la théorie de la nécessité de la
fonction de la mission diplomatique, « les privilèges et
immunités sont accordés non pas pour avantager les individus mais
pour leur permettre d'accomplir leurs fonctions en toute indépendance
par rapport à l'Etat accréditaire».251 Toutefois
« toutes les personnes qui bénéficient de ces
privilèges et immunités ont le devoir de respecter les lois et
règlements de l'État accréditaire»252.
C'est dans la même tracée qu'on aime dire que les immunités
ne consacrent pas l'impunité253 car « le but desdits
privilèges et immunités est non pas d'avantager des individus
mais d'assurer l'accomplissement efficace des fonctions des missions
diplomatiques en tant que représentants des États
».254
Mais si le bon exercice des fonctions de la mission
diplomatique était la justification de l'octroi des immunités, on
aurait voulu que ce soit pour les seuls actes de l'agent diplomatique rentrant
dans ses missions qu'il soit « inviolable »255. Ce qui
fait penser à des actes détachables de la fonction du
diplomate256. Car cette « théorie rejoint les
conceptions fonctionnelles modernes des institutions juridiques. Elle est
construite sur seules les nécessités de l'exercice
indépendant de la fonction diplomatique. Tout en mettant l'accent sur
l'intérêt de la fonction, elle ouvre la voie à la
limitation de ces privilèges et immunités, et vise par-là
à l'établissement d'un équilibre entre les besoins de
l'Etat accréditant et les droits de l'Etat accréditaire
»257. Mais comme « cette théorie justif(ie)
l'octroi des (...) immunités par le fait qu'un diplomate ne peut exercer
ses
250 Article 27, Statut de Rome de la cour
pénale internationale
251 Confédération
Suisse-Département des affaires étrangères (DFAE),
op.cit., p. 32
252 Article 41 §1, Convention de Vienne de
1961
253 CIJ, arrêt du 14 février 2002,
affaire du Mandat d'arrêt (RDC c. Belgique), par. 60
254 Préambule §4, Convention de
Vienne de 1961
255 Article 29, Idem
256 CIJ, arrêt du 14 février 2002,
affaire du Mandat d'arrêt (RDC c. Belgique), par. 61
257 Patrick DALLIER et Alain PELLET,
op.cit., p. 749
30
fonctions que s'il est indépendant de l'Etat qui le
reçoit »258, le diplomate doit être mis à
l'abri de toute peur de se voir happé par les institutions de l'Etat
accréditaire dans le sens que « les immunités ont pour but
de supprimer des entraves au bon fonctionnement des activités de l'Etat
(...) du fait de l'Etat d'accueil ».259
Dans cette façon de voir, on ne saurait exclure
certains des actes du diplomate de la couverture des immunités de peur
que les intérêts de l'Etat accréditant, pour lequel il
travaille, ne se voient empiétés par l'Etat accréditaire ;
ce qui peut déclencher des différends entre Etats puisque, en
effet, « les immunités diplomatiques (sont des) prérogatives
reconnues aux agents diplomatiques (...) en vue de favoriser le libre exercice
de leurs fonctions »260dans l'intérêt de l'Etat
qui les a envoyés. C'est ce qui explique que « le but des (...)
immunités (...) n'est pas d'avantager des individus »261
parce que s'ils sont accrédités auprès de l'Etat
accréditaire c'est pour « représenter l'Etat
accréditant »262et protéger ses
intérêts263. D'où, mettre la main sur l'agent
diplomatique revient à porter atteinte à «
l'indépendance politique de (cet) État »264ou sa
souveraineté265. A côté de cela, «engager
des poursuites devant une juridiction étrangère contre tel
représentant de l'État en exercice peut conduire à
l'arrestation de celui-ci et avoir donc pour effet d'entamer directement son
aptitude à continuer de s'acquitter de ses fonctions
»266.
Dans cette perception, au lieu de courir le risque de voir les
relations internationales se désintégrer entre les Etats
accréditaire et accréditant, il a été
institué, par prudence et prévoyance, que « l'agent
diplomatique joui(sse) de l'immunité de la juridiction pénale de
l'État accréditaire »267et qu'il n'y soit «
soumis à aucune forme d'arrestation ou de détention
».268Aussi ont-ils été inviolables les locaux de
la mission diplomatique dont la pénétration par les agents de
l'Etat accréditaire oblige préalablement « l'autorisation du
chef de la mission diplomatique ».269
258 Gérard BALANDA MIKUIN, op.cit.,
p. 80
259 Ibidem
260 Valérie LADEGAILLERIE, Lexique de
termes juridiques, Collection numérique, Anaxagora, 2005, p. 85
261 Préambule §6, Convention de
Vienne de 1975 ; Préambule §4, Convention de Vienne de 1961
262 Article 3 §1 a), Convention de Vienne
sur les relations diplomatiques de 1961
263 Article 3 §1 b), Idem
264 Article 2, 4), Charte des Nations Unies de
1945
265 Article 2, 1), Idem
266 M. GIONATA P. BUZZINI, op.cit., p.
64
267 Article 31 §1, Convention de Vienne sur
les relations diplomatiques de 1961
268 Article 29, Idem
269 Confédération
Suisse-Département des affaires étrangères (DFAE),
op.cit., p. 31
31
Pour la CPI, les choses ne sont pas à voir du
même angle puisque, nous ne le dirons jamais assez, « les
immunités ou règles de procédure spéciales qui
peuvent s'attacher à la qualité officielle d'une personne, en
vertu du droit interne ou du droit international, n'empêchent pas la Cour
d'exercer sa compétence à l'égard de cette personne
».270 Et on ne saura dire que la CPI empiète sur les
intérêts de l'Etat accréditant puisque, si la Cour est
compétente à poursuivre selon les conditions des articles 5, 11,
12, 13 et autres articles du Statut de Rome relatifs à sa
compétence, la Cour, en poursuivant un diplomate, respecte le droit qui
la régit encore que l'Etat accréditant y aurait consenti soit en
acceptant la compétence de la CPI, soit en ratifiant ou en
adhérant au Statut. En fait, il est connu, le
volontarisme271des Etats, selon lequel « le droit international
repose nécessairement sur la volonté des Etats
»272, est un grand principe en droit international.
A présent, après avoir longuement traité
de la confrontation, en général, du droit diplomatique au droit
international pénal, et, quelque peu, au droit international public et
au droit pénal international de quelque manière, il reste
à confronter des notions qui entourent les crimes graves aux
immunités diplomatiques, dans l'espoir de satisfaire aux soifs
intellectuelles sur la question de l'immunité de juridiction
pénale étrangère d'un diplomate en cas de commission des
crimes graves.
270 Article 27 §2, Statut de Rome de la
cour pénale internationale
271 Marc de Montpellier, op.cit.,
p. 12
272 Idem, p. 13
32
CHAPITRE
II. LA REPRESSION DES CRIMES GRAVES ET
L'IMMUNITE DIPLOMATIQUE
Dans ce second chapitre de notre travail, l'objet
d'étude se veut être la rencontre de certaines notions et
principes qui entourent la matière qui organise la réglementation
ou la répression des crimes internationaux les plus graves de la
compétence de la CPI273, et certains principes et
théories qui, de quelque manière, justifient, expliquent ou
soutiennent la reconnaissance des immunités
diplomatiques.274
Cette gymnastique de confronter les crimes graves aux
immunités diplomatiques, restant dans le périmètre de
notre travail, a été incitée par des questions que
soulève la répression, par l'Etat accréditaire, des crimes
graves commis par un agent diplomatique accrédité auprès
de cet Etat. En effet, on peut déjà le réaliser, l'Etat
accréditaire se trouve entre l'obligation de ne pas laisser impunis les
crimes graves275, et l'obligation de ne pas soumettre un diplomate
« à aucune forme de détention ou d'arrestation
».276
Ici, nous partons de l'hypothèse que les juridictions
de l'Etat accréditaire sont compétentes à réprimer
les crimes graves en ce sens que la CPI leur est
complémentaire277. Et donc, sans nous atteler sur les
conditions de la compétence des juridictions nationales pour les crimes
graves, il importe ou suffit, ici, que l'Etat accréditaire soit partie
au Statut de Rome278 ou qu'il ait accepté la
compétence de la CPI279s'il n'est pas partie au Statut de
Rome. Aussi faut-il que cet Etat soit partie à la convention de Vienne
de 1961 sur les relations diplomatiques, sinon qu'il reconnaisse, par la
coutume internationale, les immunités aux représentants d'autres
Etats.
C'est dans ce contexte que nous opposerons le principe de la
compétence universelle280 au principe par in parem non
habet juridictionem281 (SECTION I) qui entend qu'un Etat ne
pourrait être jugé par un autre Etat ; et opposer la
nécessité de réprimer les crimes graves aux
intérêts nationaux et ceux des relations internationales (SECTION
II).
273 Article 5, Statut de Rome de la cour
pénale internationale
274 M. GIONATA P. BUZZINI, op.cit., p.
22
275 Préambule §4, Statut de Rome de
la cour pénale internationale
276 Article 29, Convention de Vienne sur les
relations diplomatiques de 1961
277 Article 1er, Statut de Rome de la
cour pénale internationale
278 Article 12 §1, Statut de Rome de la
cour pénale internationale
279 Article 12 §3, Statut de Rome de la
cour pénale internationale
280 M. GIONATA P. BUZZINI, op.cit., p.
105 ; Marc de Montpellier, op.cit., p. 71
281 Marc de Montpellier, op.cit., p.
46
33
SECTION I. Le principe de la compétence
universelle face au principe par in parem non habet juridictionem
Le principe de la compétence universelle et celui de
par in parem non habet juridictionem fonctionnent tous devant les
juridictions nationales de l'Etat accréditaire, pourtant ils se
repoussent mutuellement. Pour le premier, on part de l'idée qu' «
à travers les personnes qui sont victimes (des crimes internationaux),
c'est toute l'humanité et toute la communauté internationale qui
sont atteintes »282. D'où, tout Etat peut connaitre de
ces infractions même s'elles sont commises (par des étrangers) en
dehors de son territoire, et sur des non-ressortissants de cet
Etat283. Mais, lorsqu'il s'agit de punir les infractions
internationales commises par un diplomate, il est juridiquement prudent de
confronter ce principe au second principe qui veut, par contre, qu'« un
Etat ne saurait être jugé par un autre Etat ».284
En effet, si l'agent diplomatique est couvert d'immunité de juridiction
de l'Etat accréditaire c'est parce qu'étant le
représentant de l'Etat accréditant285, le soumettre
aux juridictions de l'Etat accréditaire serait leur soumettre aussi
l'Etat accréditant. Cette opposition a convoité notre attention
à y réserver une réflexion. Comprenons donc d'abord la
portée de la compétence universelle (§1) et celle du
principe par in parem non habet juridictionem (§2) avant de
confronter les deux principes (§3).
§1. Le principe de la compétence
universelle
Le principe de la compétence universelle donne «
à la fois compétence au tribunal du lieu de commission du
délit et à celui du lieu d'arrestation du coupable
»286« de poursuivre toute personne
soupçonnée des crimes particulièrement graves en l'absence
du critère traditionnel de rattachement territorial, et sans
égard à la nationalité des auteurs ou des
victimes»287.
Les infractions internationales restent « soumises au
principe de la compétence ou de la répression universelle
»288. Et plusieurs théories sont nées de ce
principe dont celle du forum delicti commissi qui entend que sont
compétents « les
282 NYABIRUNGU Mwene SONGA, op.cit., p.
248
283 Ibidem
284 Marc de Montpellier, op.cit., p.
46
285 Article 3 §1, Convention de Vienne de
1961
286 S. DIMUENE PAKU DIASOLWA, L'exercice
de la compétence universelle en droit pénal international comme
alternative aux limites inhérentes dans le système de la cour
pénale internationale, Mémoire de Maitrise en droit
international, Université du Québec à Montréal,
Octobre 2008, p. 43
287 Idem, p. 45
288 P. AKELE ADAU et A. SITA MUILA AKELE, Les
crimes contre l'humanité en droit congolais, Kinshasa, CEPAS, 1999, p.
23
34
tribunaux de l'Etat sur le territoire duquel l'acte a
été commis ».289 Par opposition à cela
tout en complétant, il est aussi un autre principe qui se formule
ubi te invenero, ibi te judicato 290, du latin, qui se
traduit littéralement par « où je te trouverai, là je
te jugerai »291. C'est alors que l'Etat qui viendrait à
détenir l'auteur présumé des crimes graves est soumis
à un autre principe, celui de aut dedere aut judicare qui fait
assoir une obligation internationale « d'extrader ou de juger
»292. Cette obligation des Etats a encré sa marque dans
plusieurs accords internationaux pour « faire en sorte que
l'impunité du génocide, des crimes de guerre et des crimes contre
l'humanité ainsi que des violations du droit international humanitaire
et des violations graves du droit des droits de l'homme ne soit pas
tolérée, et que ces violations fassent l'objet d'enquêtes
sérieuses et de sanctions appropriées, notamment en veillant
à ce que les auteurs de ces crimes ou violations soient traduits en
justice selon la procédure prévue par le droit interne ou, s'il y
a lieu, selon un mécanisme régional ou international, dans le
respect du droit international...»293.
On a vu ainsi s'instaurer « l'obligation de
coopérer pour combattre cette impunité dans de nombreuses
conventions, notamment au moyen de l'obligation d'extrader ou de poursuivre
»294. De ces traités internationaux, mentionnons la
Convention internationale pour la répression du faux monnayage de
1929295, et les quatre Conventions de Genève de 1949 et leur
Protocole additionnel I296 qui prévoient que chaque Partie
contractante a l'obligation de rechercher les personnes prévenues
d'avoir commis ou d'avoir ordonné de commettre des infractions graves,
et qu'elle devra les déférer à ses propres tribunaux,
quelle que soit leur nationalité. Elle peut aussi, si elle le
préfère, et selon les conditions prévues par sa propre
législation, les remettre pour jugement à une autre Partie
contractante intéressée à la poursuite, pour autant que
cette Partie contractante ait retenu contre lesdites personnes des charges
suffisantes297. Citons aussi « la Convention pour la
répression de la capture illicite d'aéronefs (Convention de La
Haye de
289 P. AKELE ADAU et A. SITA MUILA AKELE,
Les crimes contre l'humanité en droit congolais, Kinshasa,
CEPAS, 1999, p. 23
290 Idem, p. 24
291 Ibidem
292 CDI, Obligation d'extrader ou de
poursuivre, Rapport final, Annuaire de la CDI, Vol. II, 2014, p.
2
293 Résolution 67/1 de
l'Assemblée Générale de l'ONU du 24 septembre
2012, par. 22
294 Ibidem
295 Idem, par. 7
296 Konrad Adenauer Stiftung,
Armée et Etat de droit en République démocratique du
Congo, 2e éd., Kinshasa, Novembre 2014, p.
129
297 Articles 49, 50, 129 et 146,
respectivement, des première, deuxième, troisième et
quatrième Conventions de Genève de 1949
35
1970) »298qui dispose que l'État «
contractant sur le territoire duquel l'auteur présumé de
l'infraction est découvert, s'il n'extrade pas ce dernier, soumet
l'affaire ... à ses autorités compétentes pour l'exercice
de l'action pénale»299.
é »302.
L'expression aut dedere aut judicare a eu comme
précurseur l'expression aut dedere aut punire300.
Mais du temps que le principe de la présomption
d'innocence301, pour toute personne poursuivie ou à
poursuivre, doit être respecté en procédure pénale,
le verbe punire ne devait que laisser place au verbe judicare
dans « la terminologie moderne (qui) remplace «punir» par
«poursuivre» comme deuxième branche de l'alternative par
rapport à l'extradition, pour mieux intégrer la
possibilité qu'un suspect soit disculp
Mais même aussi le mot «judicare»
(...) n'est pas véritablement l'équivalent de
«poursuivre»303. Sur cette question de terminologie, la
Commission de droit international « a décidé de se baser sur
l'idée que la question du caractère prioritaire de l'obligation,
soit d'«extrader» soit de «poursuivre» dépend du
contexte et du régime juridique applicable dans chaque cas
particulier»304.
A côté de ces questions de terminologie, pour le
principe de la compétence universelle, « la multiplication des
bases possibles de compétences, ouvrant à un grand nombre d'Etats
le droit de juger les suspects, est le principal (obstacle) ayant
empêché un règlement rapide de l'affaire de Lockerbie, (par
exemple). L'application du principe aut dedere aut judicare -extrader ou
juger- pouvait être vue comme une solution à ce conflit de
compétences, tant du point de vue juridique que matériel,
puisqu'il permettrait d'accorder la priorité à l'Etat sur le
territoire duquel les suspects se trouvent réfugiés et dont le
droit national ne permettait pas l'extradition de ces individus
»305.
En effet, l'affaire de Lockerbie qui oppose La Libye aux
Etats-Unis d'Amérique repose sur la convention de Montréal de
1971 qui prévoit que « tout Etat contractant prend les mesures
nécessaires pour établir sa compétence aux fins de
connaître des infractions dans »306 cette convention, et
que « l'Etat contractant sur le territoire duquel
298 CDI, op.cit., par. 10
299 Article 7, Convention pour la
répression de la capture illicite d'aéronefs de 1970
300 CDI, op.cit., par. 2
301 Valérie LADEGAILLERIE, op.cit.,
p. 179
302 CDI, op.cit.
303 Idem, par. 4
304 Ibidem
305 Nicolas PEREZ, op.cit., p. 12
306 Article 5 §1, Convention de
Montréal de 1971 sur la répression des actes illicites commis
contre l'aviation civile
36
l'auteur présumé de l'une des infractions est
découvert, s'il n'extrade pas ce dernier, soumet l'affaire, sans aucune
exception et que l'infraction ait ou non été commise sur son
territoire, a ses autorités compétentes pour l'exercice de
l'action pénale ».307 Ainsi dans l'affaire relative aux
questions concernant l'obligation de poursuivre ou d'extrader, « dans sa
requête introductive d'instance, la Belgique a demandé à la
Cour de dire et de juger que le Sénégal a l'obligation de
poursuivre pénalement M. Habré et, à défaut, de
l'extrader vers la Belgique »308conformément à la
convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains
ou dégradants309.
Mais quoique tout cela soit, dirait-on, assez clair, «
dans l'affaire de Lockerbie, cette indéniable volonté de chaque
Etat concerné de vouloir juger lui-même les deux suspects (a
été la cause) de l'imbroglio juridique que fut la tentative de
détermination de la juridiction compétente pour ce procès
; et c'est également le désir des gouvernements britanniques et
américains de ne pas faire de concessions quant aux droits de leurs
juridictions pénales qui a (...) engendré la saisine du Conseil
de sécurité des Nations Unies et la réorientation du
différend vers un terrain politique »310. Car, contre ce
que prévoyait la convention de Montréal, décida « le
Conseil de sécurité aux termes des résolutions 731 (1992),
748 (1992) et 883 (1993): a) déterminant que le défaut,
de la part de la Libye, de répondre pleinement et efficacement aux
requêtes lui demandant de livrer les deux accusés, en vue de leur
jugement aux Etats-Unis ou au Royaume-Uni, constitue une menace contre la paix
et la sécurité internationales ; b) décidant que le
Gouvernement libyen doit se conformer ces requêtes
»311.
Heureusement pour la Libye, et pour la convention de
Montréal, la CIJ fut d'avis que « les résolutions 748 (1992)
et 883 (1993) du Conseil de sécurité ne sauraient être
prises en considération à cet égard dès
lorsqu'elles ont été adoptées à une date
ultérieure » à la saisine de la CIJ par la
Libye312. Sinon, la Libye serait, peut-être, obligée
d'extrader ses nationaux au lieu d'avoir librement le choix entre extrader et
juger, et la CIJ
307 Article 7, Convention de Montréal
de 1971 sur la répression des actes illicites commis contre l'aviation
civile
308 CIJ, arrêt du 20 juillet 2012,
Affaire relative aux questions concernant l'obligation de poursuivre ou
d'extrader (Belgique c. Sénégal), par. 71
309 Article 6, conformément à
la convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels,
inhumains ou dégradants de 1984
310 Nicolas PEREZ, op.cit., p. 11
311 CIJ, Exceptions préliminaires,
Affaire relative aux questions d'interprétation et d'application de la
convention de Montréal de 1971 résultant de l'incident
aérien de Lockerbie (JAMAHIRYA ARABE LBYENNE c. ETATS-UNIS D'AMERIQUE),
27 février 1998, par. 40
312 CIJ, op.cit., par. 43
37
se verrait peut-être obligée à ne pas se
saisir de l'affaire. Mais on le saurait pas le dire tout haut puisque, comme la
Charte de l'ONU interdit à l'Assemblée générale de
faire une recommandation au sujet d'un différend à l'égard
duquel le Conseil de sécurité remplit ses
fonctions313, « ni la Charte ni le Statut n'apportent de
restriction semblable à l'exercice des fonctions de la Cour
»314.
Le principe de compétence universelle peut bien
souffrir, ou souffre, de certains problèmes, comme illustré
ci-haut, alors que bien d'autres questions restent à soulever si, en
vertu de ce principe, l'Etat accréditaire est devant le cas de la
commission des crimes graves par un diplomate, celui-ci
bénéficiant des immunités315parce que
représentant de l'Etat accréditant316. Il parait que
poursuivre un diplomate serait synonyme de poursuivre l'Etat qu'il
représente317. Or on le sait, par in parem non habet
juridictionem.
§2. Par in parem non habet juridictionem
Le droit international se fonde sur « le principe de
légalité souveraine »318 des Etats ; ce qui fait qu'un
« Etat ne saurait être jugé par un autre Etat
».319 Ainsi, « un État jouit, pour lui-même
et pour ses biens, de l'immunité de juridiction devant les tribunaux
d'un autre État »320car par in parem non habet
juridictionem. Ce principe se comprend bien dans le fait que «
les personnes juridiques de statut égal ne peuvent pas
régler leurs litiges devant les tribunaux de l'une d'entre elles
»321.
Ce statut privilégié de l'Etat souverain dans
l'ordre juridique de ses pairs comporte de nombreux éléments
relatifs à la personne de l'Etat lui-même, ses services, ses
démembrements, ses « émanations »... à ses actes
de souverain et à ses biens affectés à une activité
souveraine ne relevant pas du droit privé. « Notons quelques cas
remarquables à ce sujet : les banques centrales, les missions
diplomatiques, les forces armées en stationnement à
l'étranger selon des accords multilatéraux ou bilatéraux
prévoyant
313 Article 12, Charte des Nations Unies de
1945
314 CIJ, arrêt du 24 mai 1980, affaire
relative au personnel diplomatique et consulaire des Etats-Unis à
Téhéran (Etats-Unis d'Amérique c. Iran), par. 40
315 Article 31, Convention de Vienne sur les
relations diplomatiques de 1961
316 M. GIONATA P. BUZZINI, op.cit., p.
22
317 Article 3 §1, Convention de Vienne de
1961
318 Article 2 §1, charte des Nations Unies
de 1945
319 Marc de Montpellier, op.cit., p.
46
320 Article 5, Convention des Nations Unies
sur les immunités juridictionnelles des Etats et de leurs biens de
janvier 2005
321 LORNA McGregor, Immunité c.
responsabilité : Etude de la relation entre l'immunité des Etats
et la responsabilité pour torture et autres graves crimes
internationaux, Londres, The Redress Trust, 2005, p. 10
38
généralement des immunités de juridiction
et d'exécution, les chefs d'Etat et ministres en exercice, selon le
droit international coutumier, qui bénéficient de
privilèges en tout lieu alors même qu'ils ne sont pas
présents »322.
Les immunités de l'Etat jouent pour les seules «
activités souveraines relevant du jure imperii c'est-à-dire des
activités utilisées ou destinées à être
utilisées par l'Etat à des fins de service public. (Et non)
lorsque l'Etat fait du commerce relevant du jure gestionis, car ici il se
comporte comme une personne de droit privé et, dans ce cas, il ne
bénéficie en principe d'aucune immunité
»323.
Les difficultés restent à qualifier les actes de
l'Etat du jure imperii ou du jure gestionis reconnaissant « qu'il existe
à ce sujet des interprétations différentes selon les pays
; certains considèrent comme une transaction commerciale ce que d'autres
affirment comme relevant de la souveraineté. Il existe aussi des
divergences sur la qualité des acteurs étatiques de la
souveraineté: ministères, démembrements, entreprises
publiques «émanations» de l'Etat et des divergences
d'interprétation sur la nature de biens de l'Etat
»324.
Sans nous perdre dans les interprétations
opposées entre Etats des activités étatiques, ni comparer
ces interprétations, nous nous arrêtons au principe de
l'égalité des Etats, qui est frère au principe de la
souveraineté325 des Etats. Cette égalité entend
« la souveraineté, l'intégrité territoriale et
l'indépendance de (s) (...) Etats »326, et qu'aucun Etat
ne prévale sur l'autre dans les relations internationales ou dans les
décisions au sein des organisations internationales. C'est ce qui a
amené l'ONU à disposer dans la Charte que « chaque membre de
l'Assemblée générale dispose d'une voix
»327.
Hélas ! Contre le principe d'égalité
qu'elle-même reconnait, la Charte des Nations Unies reconnait et rend
droit les inégalités entre Etats en faveur des Etats dits grandes
puissances car voici que « le Conseil de sécurité se compose
de quinze Membres de l'Organisation. La République de Chine, la France,
l'Union des Républiques socialistes soviétiques, le Royaume-Uni
de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord, et les États-Unis
322 Marc de Montpellier, op.cit., p.
47
323 Marc de Montpellier, op.cit., p. 47
; CIJ, arrêt du 3 février 2012, affaire relative aux
immunités juridictionnelles de l'Etat (Allemagne c. Italie ;
Grèce (intervenant)), par. 60
324 Ibidem
325 Confédération
Suisse-Département des affaires étrangères (DFAE),
op.cit., p. 37
326 Article 3 b), Acte constitutif de l'Union
Africaine de 2000
327 Article 18 §1, Charte des Nations Unies
de 1945
39
d'Amérique sont membres permanents du Conseil de
sécurité. Dix autres Membres de l'Organisation sont élus,
à titre de membres non permanents du Conseil de sécurité,
par l'Assemblée générale »328. Comme pour
pouvoir nous voiler les yeux, il est disposé que « chaque membre du
Conseil de sécurité dispose d'une voix »329, et
pourtant, on le sait, « les décisions du Conseil de
sécurité sur toutes autres questions sont prises par un vote
affirmatif de neuf de ses membres dans lequel sont comprises les voix de tous
les membres permanents »330. Cela est dit droit de veto
dont sont titulaires les cinq membres permanents du Conseil de
sécurité.
On peut bien dire que, juridiquement, malgré la
position de ces cinq puissances, la souveraineté est la même pour
tous les Etats, mais bien, politiquement, la balance de souveraineté des
Etats peut en être inclinée. On se souvient fraichement de «
l'intervention du Conseil de sécurité et de l'abandon d'une
solution purement juridique du litige »331 dans l'affaire de
l'incident aérien de Lockerbie. Ici, « les échecs des
tentatives négociées pour amener la Libye à revenir sur sa
décision de juger elle-même ses ressortissants ont poussé
les Etats-Unis et la Royaume-Uni à réorienter le coeur du
problème en tenant de déplacer ce différend d'un terrain
juridique à un terrain plus politique ».332En effet,
d'une observation juridique, « il apparait très difficile de
remettre en cause la validité du choix opéré par la Libye
»333de poursuivre ses nationaux au lieu de de les extrader.
Mais, avec les pouvoirs élargis du Conseil de sécurité,
comme il lui revient de constater « l'existence d'une menace contre la
paix, d'une rupture de la paix ou d'un acte d'agression et (de faire) des
recommandations ou décide(r) quelles mesures seront prises (...) pour
maintenir ou rétablir la paix et la sécurité
internationales »334, par influence d'un Etat parmi les cinq
grands, il peut accuser un Etat d'être en situation de menacer la paix et
la sécurité internationales, et « entreprendre, au moyen de
forces aériennes, navales ou terrestres, toute action qu'il juge
nécessaire au maintien ou au rétablissement de la paix et de la
sécurité internationales »335.
De ce qui précède, on réalise que, si
juridiquement, un Etat ne peut pas juger un autre parce que les Etats sont tous
égaux, politiquement il le peut via le Conseil de
328 Article 23 §1, Charte des Nations Unies
de 1945
329 Article 27 §1, Charte des Nations Unies
de 1945
330 Article 27 §3, Charte des Nations Unies
de 1945
331 Nicolas PEREZ, op.cit., p. 47
332 Ibidem
333 Ibidem
334 Article 39, Charte des Nations Unies de
1945
335 Article 42, Charte des Nations Unies de
1945
40
sécurité. Comme « en matière de
règlement de différends internationaux, une approche plus
politique signifie que généralement le passage par le Conseil de
sécurité et le chapitre VII de la Charte des Nations Unies en
tant qu'il est susceptible d'imposer un mode particulier de règlements
et de modifier les rapports et obligations juridiques par le biais de ses
résolutions »336. Ce fut le cas dans l'affaire de
Lockerbie ci-haut citée. Mais à lui seul, le droit veto, ou la
position de ces cinq grandes puissances ne leur donne pouvoir de juger un autre
Etat. Par contre, la question est de savoir comment un Etat
accréditaire, peu importe qu'il soit ou non membre permanent du Conseil
de sécurité, peut se comporter devant un cas de commission des
crimes graves, qui relèvent de la compétence universelle, par un
diplomate.
Là, deux opinions s'affrontent : la première qui
soutient qu'un diplomate ne peut être soumis aux juridictions
étrangères puisque, dans le cas contraire, c'est l'Etat
accréditant qu'on aurait soumis aux juridictions d'un autre Etat. En
effet, la « mission diplomatique personnifi(e) l'État
d'envoi»337 qui s'incarne dans la personne de l'agent
diplomatique qui est son représentant. La seconde, qui est de la
compétence universelle, demande à un Etat de poursuivre des
présumés coupables de crimes internationaux peu importe que
ceux-là soient étrangers, que les victimes soient des
étrangers, que les crimes se soient perpétrés à
l'étranger, et que les présumés auteurs se trouvent
à l'étranger. Qu'en est-il alors lorsqu'il s'agit d'un diplomate
qui est présumé auteur des crimes internationaux ? Ici-bas, la
confrontation de ces deux principes.
§3. Confrontation de ces principes
« Le système de l'universalité de punir
aurait sa modeste origine (...) dans un texte du Code de justinien qui,
déterminant le ressort en matière pénale des gouverneurs
de l'empire, donnait à la fois compétence au tribunal du lieu de
commission du délit et à celui du lieu d'arrestation du coupable
»338. Comme longtemps aussi avant, « l'École
espagnole proposa que tous ces malfaiteurs dangereux puissent relever de la
compétence du juge du lieu de leur arrestation »339.
D'où, il revient à l'Etat, qui détient le
présumé
336 Nicolas PEREZ, op.cit., p. 47
337 M. GIONATA P. BUZZINI, op.cit., p. 22
338 S. DIMUENE PAKU DIASOLWA,
L'exercice de la compétence universelle en
droit pénal international comme alternative aux limites
inhérentes dans le système de la Cour pénale
internationale, Mémoire de Maitrise en droit international,
Université du Québec à Montréal, octobre 2008, p.
43
339 S. DIMUENE PAKU DIASOLWA, op.cit., p. 43
41
coupable, d'extrader ou de poursuivre -aut dedere aut
judicare-340, en reconnaissant ainsi la souveraineté de
l'Etat à décider sur toute chose et toute personne qui se trouve
sur son territoire, au lieu de la reconnaitre à tout autre Etat de peur
que ne soient violées « l'intégrité territoriale ou
l'indépendance politique de (l') État »341 qui
détient le présumé auteur des crimes. Ce qui violerait
« le principe de l'égalité souveraine »342
des Etats. Comment se comporterait-il alors lorsqu'il s'agit d'un diplomate qui
est présumé auteur des crimes graves ?
« En vertu du principe de l'égalité
souveraine, aucun État ne pouvait prétendre exercer sa
juridiction à l'égard d'un autre État
»343. Qu'on souligne en effet que, dans la convention des
Nations Unies sur les immunités juridictionnelles des Etas et de leurs
biens, « le terme «Etat» désigne (aussi) (...) les
représentants de l'Etat agissant à ce titre »344.
Or, on le sait, « les fonctions d'une mission diplomatique consistent
notamment à (...) représenter l'État accréditant
auprès de l'État accréditaire ».345 Plus
encore, la même convention note qu'elle « n'affecte pas les
privilèges et immunités dont jouit un État en vertu du
droit international en ce qui concerne l'exercice des fonctions (...) de ses
missions diplomatiques, de ses postes consulaires, de ses missions
spéciales, de ses missions auprès des organisations
internationales, ou de ses délégations dans les organes des
organisations internationales ou aux conférences internationales; et
(...) des personnes qui y sont attachées »346. L'agent
diplomatique se voit ainsi soustrait doublement de la compétence des
juridictions de l'Etat accréditaire vu que, en général,
« un État jouit, pour lui-même et pour ses biens, de
l'immunité de juridiction devant les tribunaux d'un autre État
»347, et que, spécifiquement, « l'agent
diplomatique jouit de l'immunité de la juridiction pénale de
l'État accréditaire »348.
Un Etat ne peut donc se prévaloir de ses lois internes
pour poursuivre un diplomate depuis que « la primauté du droit
international public sur le droit interne est un principe fondamental de
l'ordre juridique international. Elle est essentielle à son
existence.
340 Nicolas PEREZ, op.cit., p. 12
341 Article 2, 4), Charte des Nations Unies de 1945
342 Article 2, 1), Idem
343 M. GIONATA P. BUZZINI, op.cit., p. 22
344 Article 2 1) b) iv), Convention des Nations Unies sur les
immunités juridictionnelles des Etats et de leurs biens de 2005
345 Article 3 1) a), Convention de Vienne sur les relations
diplomatiques de 1961
346 Article 3 1) a) et b), Convention des Nations Unies sur
les immunités juridictionnelles des Etats et de leurs biens de 2005
347 Article 5, Convention des Nations Unies sur les
immunités juridictionnelles des Etats et de leurs biens de 2005
348 Article 31 1), Convention de Vienne sur les relations
diplomatiques de 1961
42
Rien de plus naturel dès lors si les personnes de droit
international public, c'est-à-dire les Etats et les organisations
internationales, jouissent d'un statut juridique qui relève d'un autre
ordre que celui des personnes privées de droit interne : c'est dans
cette logique que s'inscrivent les «privilèges et
immunités» »349. Sur ce point, l'Etat
accréditaire « ne peut invoquer les dispositions de son droit
interne comme justifiant la non-exécution d'un traité
»350 instaurant les immunités pour le diplomate.
Avant tout, «qu'on se rassure, les règles
relatives aux privilèges et immunités ne visent pas à
organiser l'impunité des Etats ! Si l'Etat souverain ne peut être
soumis à l'ordre juridique de chacun de ses pairs, c'est parce qu'il est
entièrement soumis à l'ordre juridique international
».351 Aussi, « dans le cas d'agents publics
représentant l'État dans les relations internationales, il
importe que l'État étranger ne puisse entraver l'exercice de
cette fonction spécifique. C'est pourquoi l'immunité est
particulièrement importante lorsque le représentant de
l'État se trouve à l'étranger»352en ce
sens que « le but desdits privilèges et immunités est non
pas d'avantager des individus mais d'assurer l'accomplissement efficace des
fonctions des missions diplomatiques en tant que représentants des
États »353. « L'obligation de ne pas (poursuivre)
un agent public étranger est violée dès qu'une mesure de
ce type est adoptée, et non uniquement lorsque l'agent à
l'encontre duquel elle est prise se trouve à l'étranger
»354.
Serait-on tenté peut-être de savoir s'il existe
des exceptions à la règle des immunités. « L'opinion
qui prédomine est que, au moins en ce qui concerne les hauts
représentants de l'État - chefs d'État, chefs de
gouvernement et ministres des affaires étrangères - qui sont en
exercice, l'immunité ratione personae de juridiction
pénale étrangère n'est pas susceptible d'exceptions
»355comme est d'avis la Cour internationale de
justice356. Mais bien ici, « la question des exceptions
à la règle de l'immunité se pose
349 Marc de Montpellier, op.cit.
350 Article 27, Convention de Vienne sur le droit des
traités de 1969
351 Marc de Montpellier, op.cit., p. 48
352 M. GIONATA P. BUZZINI, op.cit., p. 325
353 Préambule §4, Convention de Vienne sur les
relations diplomatiques de 1961
354 M. GIONATA P. BUZZINI, op.cit., p. 326
355 Idem, p. 327
356 CIJ, arrêt du 14 février 2002, affaire du
Mandat d'arrêt (RDC c. Belgique), par. 51- 54 ; CIJ, arrêt du 4
juin 2008, affaire relative à certaines questions concernant l'entraide
judiciaire en matière pénale (Djibouti c. France), par. 170 -
174
43
principalement pour les représentants et anciens
représentants de l'État qui jouissent de l'immunité
»357.
Une opinion s'est levée selon laquelle « la
règle de l'immunité ratione personae doit être
susceptible d'exceptions »358. Ce fut la position de la
Belgique dans l'affaire du Mandat d'arrêt359, en ce sens que,
dans une certaine dimension, « il est impératif de défendre
les droits de l'homme contre les violations les plus graves et massives et de
lutter contre l'impunité »360. L'idée, ici, est
de défendre les intérêts de la communauté
internationale dans son ensemble, comme il a été reconnu que
« les crimes d'une telle gravité menacent la paix, la
sécurité et le bien-être du monde »361, et
qu'ainsi, touchant « l'ensemble de la communauté internationale ne
sauraient rester impunis »362. D'où, « la
responsabilité pénale de ceux qui les ont commis, lesquels sont
le plus souvent des représentants de l'État, doit en
conséquence être mise en jeu dans tout Etat compétent
»363. Ce qui justifie la nécessité que
l'immunité de juridiction pénale étrangère des
représentants de l'Etat soit susceptible d'exceptions qui sont
fondées de divers arguments. On note, par exemple, que « certains
sont d'avis que les actes criminels les plus graves au regard du droit
international qui ont été commis par des représentants de
l'État ne peuvent être considérés comme des actes
accomplis à titre officiel »364et ne pouvant donc pas
être couverts d'immunités.
D'autres auteurs « estiment que, étant
donné qu'un crime international commis à titre officiel par un
représentant de l'État est imputable non seulement à
l'État concerné mais également au représentant
lui-même, ce dernier n'est pas couvert par l'immunité ratione
materiae dans une procédure pénale »365 vu
que « la responsabilité pénale des individus n'affecte la
responsabilité des États en droit international
»366.
Contre ces arguments de soutien aux exceptions à la
règle de l'immunité diplomatique, le droit international a
consacré que « la personne de l'agent diplomatique
357 M. GIONATA P. BUZZINI, op.cit., p.
327
358 Idem, p. 328
359 CIJ, arrêt du 14 février 2002,
affaire du Mandat d'arrêt (RDC c. Belgique), par. 56
360 M. GIONATA P. BUZZINI, op.cit., p.
328
361 Préambule §3, Statut de Rome de
la Cour pénale internationale
362 Préambule §4, Idem
363 M. GIONATA P. BUZZINI, op.cit., p.
329
364 M. GIONATA P. BUZZINI, op.cit., p.
329
365 Ibidem
366 Article 25, 4), Statut de Rome de la Cour
pénale internationale
44
est inviolable. Il ne peut être soumis à aucune
forme d'arrestation ou de détention »367, puisqu'il
« jouit de l'immunité de la juridiction pénale de
l'État accréditaire. Il jouit également de
l'immunité de sa juridiction civile et administrative
»368, sauf pour certaines actions civiles. Et la convention des
Nations Unies sur les immunités juridictionnelles des Etats et de leurs
biens « n'affecte pas les privilèges et immunités dont jouit
un État en vertu du droit international en ce qui concerne l'exercice
des fonctions (...) de ses missions diplomatiques (...) (et) des personnes qui
y sont attachées »369.
Une opinion plus ou moins modérée entre les
immunités et les exceptions y relatives est celle des auteurs qui
reconnaissent que « divers éléments ont été
avancés à cet effet par des juges, des législateurs ou des
savants. Aucun d'entre eux ne s'est révélé parfaitement
convainquant. Nul ne sera partant surpris que des incertitudes demeurent. Si
dérangeantes qu'elles puissent être, elles ne portent aux
immunités étatiques aucun coup fatal »370. Et
donc, les immunités, même si bousculées, resteraient
debout.
Mais « on pourrait ici s'interroger sur la portée
réelle de cette institution face à un intérêt
toujours croissant accordé au respect des droits de l'homme
»371 certains avis voulant « stigmatiser l'influence
prépondérante du mouvement de droits de l'homme dans
l'émergence de la notion des crimes de jus cogens372,
encore que des auteurs soutenant les exceptions aux immunités
trouvent que les immunités diplomatiques ont un fondement plus politique
que juridique373.
En dépit des controverses au sujet des immunités
confrontées à la compétence universelle ou aux droits de
l'homme, « dans l'ensemble, l'immunité de juridiction pénale
étrangère des représentants de l'État, à
l'instar des États eux-mêmes, constitue la règle
générale; l'absence d'immunité dans des situations
particulières relève de l'exception »374, alors
qu'une autre tendance interpelle le juriste à ne pas oublier que
367 Article 29, Convention de Vienne sur les
relations diplomatiques de 1961
368 Article 31, 1), Idem
369 Article 3, 1), Convention des Nations
Unies sur les immunités juridictionnelles des Etats et de leurs biens de
2005
370 Murielle TCHOUWO, Les
immunités de juridiction face aux violations graves des droits de
l'homme, 2012, p. 10,
www.google.com consulté le 5
mai 2015 à 23 h 45'
371 Ibidem
372 S. DIMUENE PAKU DIASOLWA, op.cit.,
p. 19
373 Murielle TCHOUWO, op.cit., p. 20
374 M. GIONATA P. BUZZINI, op.cit.,
p. 356 ; article 31, 1), Convention de Vienne sur les relations
diplomatiques de 1961 ; articles 7, 8, 9 et 10, Convention des Nations Unies
sur les immunités juridictionnelles des Etats et de leurs biens de
2005
45
l'immunité est par définition une exception
à la règle générale qui veut qu'être humain
soit juridiquement et moralement responsable de ses actes375.
On noterait aussi que « l'immunité ratione
personae dont bénéficie un cercle étroit de hauts
représentants de l'État s'étend aux actes illicites
accomplis par un représentant tant à titre officiel qu'à
titre privé, y compris avant son entrée en fonctions. C'est ce
qu'on appelle l'immunité absolue »376. Mais cette
immunité est temporaire car liée à l'exercice d'une
fonction, et prend fin avec celui-ci377. C'est ce qui se lit dans
l'Affaire Pinochet378opposant l'Espagne au Chili devant la Chambre
des Lords en Grande-Bretagne, et c'est ce qui explique pourquoi, dans l'Affaire
relative aux questions concernant l'obligation de poursuivre ou d'extrader, le
Sénégal n'est plus revenu sur le fait que M. Hissene Habré
« devait bénéficier de ... l'immunité de juridiction,
qui, selon le Sénégal, a vocation à survivre à la
cessation de fonctions du Président de la République
»379, puisqu'il ne pouvait que revenir à l'esprit pour
le Sénégal que « l'immunité ratione personae
(...) liée à la fonction de celui-ci dans l'administration
publique (...) est de nature temporaire, (et qu')elle prend effet avec
l'entrée en fonctions du responsable et cesse de s'appliquer le jour
où ses fonctions prennent fin »380.
Tant que l'agent diplomatique accusé des crimes graves
est en fonction, l'Etat accréditaire, partie au Statut de Rome ou autres
textes consacrant la compétence universelle et à la Convention de
Vienne de 1961ou à tout texte ou encore reconnaissant les
immunités diplomatiques, a deux obligations internationales. La
première est d'extrader à défaut de juger381,
la seconde est de ne porter atteinte à l'inviolabilité de l'agent
diplomatique382. Puisqu'en même temps qu'il est demandé
à l'Etat que « la répression (des crimes graves) doit
être effectivement assurée par des mesures prises dans le cadre
national »383, l'Etat accréditaire a obligation de ne
pas « soum(ettre l'agent diplomatique) à
375 KAMBALE MAHUKA Pigeon, L'exploitation
illicite des ressources naturelles d'un Etat étranger en cas de conflit
armé. Etude sur la responsabilité des Etats et de leurs
dirigeants, Thèse de doctorat, Université catholique de
Louvain, 2014, p. 401
376 M. GIONATA P. BUZZINI, op.cit., p.
357
377 Ibidem
378 Nicole DUPLE, « L'affaire Pinochet
», in Revue Maintien de la paix, Bulletin N°40, avril 1999,
www.ulaval.ca/ighei
379 CIJ, arrêt du 20 juillet 2012,
Affaire relative aux questions concernant l'obligation de poursuivre ou
d'extrader (Belgique c. Sénégal), par. 29
380 M. GIONATA P. BUZZINI, op.cit., p.
263
381 Nicolas PEREZ, op.cit., p. 8
382 Article 29, Convention de Vienne sur les
relations diplomatiques de 1961
383 Préambule §4, Statut de Rome de
la Cour pénale internationale
46
aucune forme d'arrestation ou de détention
»384. Pour s'acquitter communément de ces obligations
internationales opposées sans violer aucune d'elles, «
l'État accréditaire peut, à tout moment et sans avoir
à motiver sa décision, informer l'État accréditant
que le chef ou tout autre membre du personnel diplomatique de la mission est
persona non grata ou que tout autre membre du personnel de la mission
n'est pas acceptable. L'État accréditant rappellera alors la
personne en cause ou mettra fin à ses fonctions auprès de la
mission, selon le cas »385. Ainsi, l'ancien agent diplomatique,
sans immunité, peut être poursuivi par toute voie de droit sans
faire fi au débat sur le caractère officiel386 de
certains actes posés par un représentant d'un Etat pendant la
fonction.
Les immunités diplomatiques contribuant à «
protéger dans l'État accréditaire les
intérêts de l'État accréditant et de ses
ressortissants »387, et « à favoriser les relations
d'amitié entre les pays »388, n'échappent pas
à se heurter à la nécessité de réprimer les
crimes graves ceux-ci ne pouvant « rester impunis »389.
C'est ce qui laisse place, dans la présente étude, à la
confrontation de la nécessité de réprimer les crimes
graves, et les intérêts nationaux de l'Etat accréditant et
ceux des relations internationales que protègent les immunités
diplomatiques.
SECTION II. Nécessité de réprimer
face aux intérêts nationaux et des relations
internationales
« L'immunité diplomatique est accordée sur
un fondement fonctionnel pour permettre aux diplomates de remplir leurs
fonctions lorsqu'ils sont en poste à l'étranger sans la menace
d'être poursuivis ou arrêtés dans le pays hôte
»390. L'immunité diplomatique protège ainsi les
intérêts nationaux de l'Etat accréditant391.
Aussi, « les relations internationales (...) sont également
citées comme raisons (...) pour accorder l'immunité des Etats
»392 et leurs représentants comme «
l'immunité a généralement pour objet de préserver
la stabilité des relations internationales »393. En
effet, il s'établit un lien « entre l'immunité des Etats et
l'égalité souveraine entre Etats (...) ou la
souveraineté
384 Article 29, Convention de Vienne sur les relations
diplomatiques de 1961
385 Article 9, 1), Idem
386 CIJ, arrêt du 4 juin 2008, Affaire relative à
certaines questions concernant l'entraide judiciaire en matière
pénale (Djibouti c. France), par. 191
387 Article 3, 1) b), Convention de Vienne de 1961
388 Préambule §3, Idem
389 Préambule §4, Statut de Rome de la Cour
pénale internationale
390 LORNA McGregor, op.cit., p. 9
391 Article 3, 1) b), Convention de Vienne sur les relations
internationales de 1961
392 LORNA McGregor, op.cit., p. 11
393 M. GIONATA P. BUZZINI, op.cit., p. 74
47
étatique (qui) form(e) la base du droit international
et des relations internationales »394 en ce sens que
l'immunité contribuerait à l'harmonisation des pratiques des
relations entre Etats395.
Cette position n'est pas unanime, ni inchangeable, car voici
qu'on trouve des avis pour lesquels « la répression effective des
crimes de guerre et des crimes contre l'humanité est un
élément important de la prévention de ces crimes, de la
protection des droits de l'homme et des libertés fondamentales, propre
à encourager la confiance, à stimuler la coopération entre
les peuples et à favoriser la paix et la sécurité
internationales »396. Comme ça, la communauté
internationale a toujours manifesté l'intérêt et la
nécessité de réprimer les crimes graves397 ou
les infractions, en général, à travers plusieurs textes
juridiques internationaux398.
On se trouve alors dans une sorte d'opposition entre «
l'immunité (d'un diplomate) et l'accès à la justice
»399 contre un diplomate. Ce qui nous fait tomber dans une
confrontation de ces deux matières : les intérêts nationaux
et ceux des relations internationales face à la nécessité
de réprimer les crimes graves.
§1. Confrontation de ces notions
De ce qui précède, on peut constater, «
l'immunité (...) est nécessairement incompatible avec
l'accès à la justice, et l'un doit donc prévaloir sur
l'autre »400. Le but ici n'est pas de savoir lequel prime sur
l'autre, plutôt chercher à savoir si, considérant
l'immunité diplomatique comme principe l'accès à la
justice pour violations des droits humains, par exemple, peut constituer une
exception ; ou si, en considérant la répression des crimes graves
comme principe, l'immunité diplomatique peut en constituer une
exception. Cette démarche rencontre la position de la Cour
internationale de justice dans l'affaire relative aux immunités
juridictionnelles de l'Etat selon laquelle « les exceptions à
l'immunité de l'Etat constituent une dérogation au principe de
l'Egalite souveraine. (Et
394 LORNA McGregor, op.cit., p. 11
395 Préambule §5, Convention des Nations Unies sur
les immunités juridictionnelles des Etats et de leurs biens de 2005;
Préambule §4, Convention de Vienne sur les relations
internationales de 1961
396 Préambule §5, Convention sur
l'imprescriptibilité des crimes de guerre et des crimes contre
l'humanité de 1968
397 Préambule §4, Statut de Rome de la Cour
pénale internationale
398 Article 6, Convention européenne des droits de
l'homme de 1950 ; article 14, Pactes internationaux relatifs aux droits civils
et politiques, et aux droits économiques, sociaux et culturels de 1966 ;
article 5, Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels,
inhumains ou dégradants de 1984
399 LORNA McGregor, op.cit., p. 41
400 Ibidem
48
que) l'immunité peut constituer une dérogation
au principe de la souveraineté (...) et au pouvoir de juridiction qui en
découle»401.
Aussi, dans l'affaire Al-Adsani c. Royaume Uni, la Cour
européenne des droits de l'homme « a expliqué (...) que le
droit d'accès à la justice n'était pas absolu mais objet
d'une marge d'appréciation. Toute limitation au droit d'accès
à la justice doit tendre à un but légitime et, (...) elle
a considéré que l'immunité des Etats poursuivait le but
légitime de la courtoisie et des relations internationales grâce
au respect de la souveraineté d'un autre Etat »402. Mais
les tribunaux, comme la CEDH, « se contentent d'admettre que l'application
de l'immunité des Etats aux affaires de torture et autres graves crimes
internationaux correspond au but légitime d'observer le droit
international afin de favoriser la courtoisie et les bonnes relations entre
Etats grâce au respect de la souveraineté d'un autre Etat sans
expliquer pourquoi »403.
Contrairement, les «droits-de-l'hommistes»
trouveraient que « l'immunité (...) peut aboutir à
l'impunité »404en ce sens que « l'impunité
se définit par l'absence, en droit ou en fait, de la mise en cause de la
responsabilité pénale des auteurs de violations, ainsi que de
leur responsabilité civile, administrative ou disciplinaire, en ce
qu'ils échappent à toute enquête tendant à permettre
leur mise en accusation, leur arrestation, leur jugement et, s'ils sont
reconnus coupables, leur condamnation à des peines appropriées, y
compris à réparer le préjudice subi par leurs victimes
»405.
Malgré cette définition, la Cour internationale
de justice souligne que l'immunité de juridiction ne signifie pas qu'il
bénéficie d'une impunité406 en ce sens que
« immunité de juridiction pénale et responsabilité
pénale individuelle sont des concepts nettement distincts
»407. L'immunité dont bénéficie une
personne, en droit international, ne constitue pas un « obstacle à
ce que sa responsabilité pénale peut être recherchée
dans certaines circonstances »408. Nous le verrons, ici-bas,
quand nous parlerons des contours à l'immunité de juridiction
pénale d'un agent diplomatique.
401 CIJ, arrêt du 3 février 2012, affaire relative
aux immunités juridictionnelles de l'Etat (Allemagne c. Italie ;
Grèce (intervenant)), par. 57
402 LORNA McGregor, op.cit., p. 42
403 Idem, p. 47
404 Ibidem
405 LORNA McGregor, op.cit., p. 47
406 CIJ, arrêt du 14 février 2002, affaire du mandat
d'arrêt (RDC c. Belgique), par. 60
407 Ibidem
408 CIJ, arrêt du 14 février 2002, affaire du mandat
d'arrêt (RDC c. Belgique), par. 61
49
On l'a vu, l'immunité trouve son fondement dans le
principe de souveraineté des Etats409qui « ne
reconnaissent pas d'autorité au-dessus d'eux »410. Cela
explique pourquoi l'agent diplomatique jouit de l'immunité devant les
juridictions de l'Etat accréditaire411, ou pourquoi un Etat
en jouit412. En effet, on évite qu'un Etat semble être
supérieur à un autre Etat en le soumettant à sa
justice.
Aussi, la reconnaissance de la souveraineté sous-tend
l'indépendance d'un Etat. D'où, le principe de la
non-ingérence dans les affaires internes d'un Etat413. Mais
« en droit international, les graves crimes internationaux ne sont pas
considérés comme relevant du domaine interne d'un Etat, mais de
la préoccupation et de la responsabilité de la communauté
internationale dans son ensemble »414. Ce qui amena la Cour
internationale de justice, dans l'affaire Barcelona Traction, à «
considérer que les Etats étaient débiteurs de certaines
obligations envers la communauté internationale dans son ensemble,
telles que les droits de l'homme. Ces obligations sont qualifiées de
erga omnes et reflètent souvent des règles ayant valeur
de jus cogens, comme l'interdiction de la torture. Les obligations
erga omnes tempèrent les principes de la souveraineté
étatique et de la non-intervention car les Etats ne peuvent se cacher
derrière ces principes lorsqu'une action est intentée à
leur encontre sur la base de la violation d'une
obligation»415.
Dans la même percée, dans l'affaire relative aux
immunités juridictionnelles de l'Etat, l'Italie soutint que « le
droit international n'accorde pas l'immunité à un Etat ayant
commis des violations graves du droit des conflits armés (ou droit
international humanitaire) »416.
Dans cette affaire, la Cour internationale de justice
démontra que la jouissance ou non de l'immunité ne dépend
pas de la gravité des crimes puisque « l'immunité
revêt (...) nécessairement un caractère préliminaire
»417qui doit être examinée, par un tribunal
national, avant que les faits viennent à être établis et
jugés
409 Marc de Montpellier, op.cit., p.
12 ; article 2, §1, Charte des Nations Unies de 1945 ; CIJ, arrêt du
3 février 2012, affaire relative aux immunités juridictionnelles
de l'Etat (Allemagne c. Italie ; Grèce (intervenant)), par. 57
410 Marc de Montpellier, op.cit.
411 Article 31, 1), Convention de Vienne sur les
relations diplomatiques de 1961
412 Article 5, Convention des Nations Unies sur
les privilèges et immunités des Etats et de leurs biens de
2005
413 LORNA McGregor, op.cit., p.52
414 Idem, p. 53
415 LORNA McGregor, op.cit., p.53
416 CIJ, arrêt du 3 février
2012, affaire relative aux immunités juridictionnelles de l'Etat
(Allemagne c. Italie ; Grèce (intervenant)), par. 81
417 Idem, par. 82
50
constitutifs de violations graves418. Cela est
logique puisque les questions de compétence, dont l'immunité,
sont un préalable pour qu'une juridiction vienne à examiner le
fond. Car en effet, « le droit à l'immunité n'est pas
fonction de la gravite de l'acte dont l'Etat est accusé ou du
caractère impératif de la règle qu'il aurait violée
est en outre fort importante »419. Et tranchant la question de
la relation entre le jus cogens, (à considérant que la
répression des crimes graves relève du jus cogens), et la
règle de l'immunité, la Cour continue et affirme que les deux
règles ne peuvent entrer même pas en conflit du fait que la
première peut interdire un comportement internationalement illicite,
mais la seconde est de « nature procédurale et se borne à
déterminer si les tribunaux d'un Etat sont fondés à
exercer leur juridiction »420sans revenir sur la question de la
licéité ou l'illicéité du comportement, ni sur
celle de responsabilité. Et d'ailleurs, la CIJ a toujours
considéré que les obligations des Etats en matière
d'immunité internationale ne sont pas que des obligations contractuelles
mais bien « aussi des obligations imposées par le droit
international en général.»421
Dix ans avant, la même Cour disait que même «
si diverses conventions internationales tendant à la prévention
et à la répression de certains crimes graves ont mis à la
charge des Etats des obligations de poursuite ou d'extradition, et leur ont
fait par suite obligation d'étendre leur compétence
juridictionnelle, cette extension de compétence ne porte en rien
atteinte aux immunités résultant du droit international
»422, après que longtemps elle affirmait qu'« il
n'est pas d'exigence plus fondamentale que celle de l'inviolabilité des
diplomates et des ambassades »423.
Comment pourrait-on alors dire que l'immunité ne
signifie pas l'impunité si la procédure judiciaire en est
bloquée ? Pour y répondre anticipativement, dirions-nous que la
justice n'est pas impossible pour réprimer les crimes graves commis par
un agent diplomatique, car, voici ici-bas, il sera étudié les
contours aux immunités, leurs destructions, ou leurs exceptions.
418 CIJ, arrêt du 3 février
2012, affaire relative aux immunités juridictionnelles de l'Etat
(Allemagne c. Italie ; Grèce (intervenant)), par. 82
419 Idem, par. 84
420 CIJ, arrêt du 3 février
2012, affaire relative aux immunités juridictionnelles de l'Etat
(Allemagne c. Italie ; Grèce (intervenant), par. 93
421 CIJ, arrêt du 24 mai 1980, affaire
relative au personnel diplomatique et consulaire des Etats-Unis à
Téhéran (Etats-Unis d'Amérique c. Iran), par. 62
422 CIJ, arrêt du 14 février 2002,
affaire du Mandat d'arrêt (RDC c. Belgique), par. 59
423 CIJ, arrêt 24 mai 1980, affaire
relative au personnel diplomatique et consulaire des Etats-Unis à
Téhéran (Etats-Unis d'Amérique c. Iran), par. 91
51
§2. Exceptions à l'immunité d'un agent
diplomatique
En 2002, la CIJ soulignait que l'immunité ne signifie
pas l'impunité424. Cela peut être affirmé par le
fait que « les immunités dont (on peut) bénéficie(r)
en droit international (...) ne font en effet pas obstacle à ce que la
responsabilité pénale soit recherchée dans certaines
circonstances »425. C'est dans ces circonstances que logent les
possibilités de contournement aux immunités diplomatiques,
où l'on note la justice de l'Etat accréditant du diplomate (a),
la justice pénale internationale (b), l'imprescriptibilité des
crimes graves (c), et la levée des immunités (d).
a. La justice nationale (de l'Etat accréditant)
du diplomate
Si « l'agent diplomatique jouit de l'immunité de
la juridiction pénale de l'État accréditaire
»426, il ne bénéficie (...) « en vertu du
droit international d'aucune immunité de juridiction pénale dans
(son) propre pays et (peut) par suite être traduit devant les
juridictions de ce pays conformément aux règles fixées en
droit interne »427. Autrement dit, « l'immunité de
juridiction d'un agent diplomatique dans l'État accréditaire ne
saurait exempter cet agent de la juridiction de l'État
accréditant »428.
En effet, les immunités sont accordées à
l'Etat accréditant dont l'agent diplomatique jouit429, tout
simplement, sans en être propriétaire ou détenteur. En ce
sens, l'agent diplomatique ne saurait opposer à l'Etat
accréditant un droit dont il ne dispose pas, car en fait, les
immunités diplomatiques sont reconnues à l'Etat dans le but de
« protéger dans l'État accréditaire les
intérêts de l'État accréditant et de ses
ressortissants »430. C'est de cela qu'on
comprend mieux que « le but des (...) privilèges et
immunités est non pas d'avantager des individus mais d'assurer
l'accomplissement efficace des fonctions des missions diplomatiques en tant que
représentants des États »431.
Pour éviter que soit portée violation aux «
principes fondamentaux de la souveraineté de l'Etat, de
l'égalité des Etats et de la non-ingérence dans les
affaires
424 CIJ, arrêt du 14 février 2002,
affaire du Mandat d'arrêt (RDC c. Belgique), par. 60 ; KAMBALE MAHUKA
Pigeon, op.cit., p. 402
425 CIJ, arrêt du 14 février 2002,
affaire du Mandat d'arrêt (RDC c. Belgique), par. 61
426 Article 31 §1, Convention de Vienne sur
les relations diplomatiques de 1961
427 CIJ, arrêt du 14 février 2002,
affaire du Mandat d'arrêt (RDC c. Belgique), par. 61
428 Article 31 §4, Convention de Vienne sur
les relations diplomatiques de 1961
429 Article 31 §1, Convention de Vienne sur
les relations diplomatiques de 1961
430 Article 3 §1, b), Idem
431 Préambule §4, Idem ; CIJ,
arrêt du 14 février 2002, affaire du Mandat d'arrêt (RDC c.
Belgique), par. 53 ; préambule §5, Convention de Vienne sur les
relations consulaires de 1963 ; M. GIONATA P. BUZZINI, op.cit. p. 265
52
intérieures »432sur lesquels a
été construite l'idée de l'immunité diplomatique
comme il a été vu qu'elle « contribuerait à favoriser
les relations d'amitié entre les pays »433. Pour clore,
le diplomate jouit de l'immunité devant les juridictions de l'Etat qui
l'accueille434, des juridictions étrangères à
l'Etat accréditant, même les juridictions autres que celles de
l'Etat accréditaire435mais pas celles de l'Etat
accréditant. Les immunités des diplomates sont inopposables non
seulement à l'Etat accréditant, mais aussi aux juridictions
pénales internationales.
b. La justice pénale internationale : La Cour
pénale internationale et les tribunaux pénaux internationaux ad
hoc
L'agent diplomatique en fonction on non « peut faire
l'objet de poursuites pénales devant certaines juridictions
pénales internationales dès lors que celles-ci sont
compétentes »436. Et l'on peut déjà dire
que, malgré les immunités diplomatiques, la cour pénale
internationale est bien compétente car voici que « les
immunités ou règles de procédure spéciales qui
peuvent s'attacher à la qualité officielle d'une personne, en
vertu du droit interne ou du droit international, n'empêchent pas la Cour
d'exercer sa compétence à l'égard de cette personne
»437.
A ce qui est des tribunaux pénaux internationaux pour
l'ex-Yougoslavie et pour le Rwanda, on a du mal à affirmer radicalement
de façon hâtive, qu'ils sont compétents à poursuivre
l'agent diplomatique pendant qu'il est en fonction puisque leurs Statuts
laissent la voie libre à une pensée relative. En effet, ces
textes disposent que « la qualité officielle d'un accusé
(...) ne l'exonère pas de sa responsabilité pénale et
n'est pas un motif de diminution de la peine »438. Cette
disposition ne dit pas que ces tribunaux peuvent, ou non, poursuivre un agent
diplomatique pendant qu'il est en exercice de ses fonctions diplomatiques.
Cependant, rappelons que « l'agent diplomatique jouit de
l'immunité de la juridiction pénale de l'État
accréditaire »439sans en jouir devant les
juridictions
432 M. GIONATA P. BUZZINI, op.cit. p. 247
433 Préambule §3, Convention de Vienne sur les
relations diplomatiques de 1961
434 M. GIONATA P. BUZZINI, op.cit. p. 275
435 Article 40, Convention de Vienne sur les relations
diplomatiques de 1961
436 CIJ, arrêt du 14 février 2002, affaire du Mandat
d'arrêt (RDC c. Belgique), par. 61
437 Article 27 §2, Statut de Rome de la cour pénale
internationale de 1998
438 Article 5 §2, Statut du tribunal pénal
international pour l'ex-Yougoslavie de 1993 ; article 6 §2, Statut du
tribunal pénal international pour le Rwanda de 1994
439 Article 31§1, Convention de Vienne sur les relations
diplomatiques de 1961
53
internationales440. Là, on cite « le
Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie et le Tribunal
pénal international pour le Rwanda, établis par des
résolutions du Conseil de sécurité adoptées en
application du chapitre VII de la Charte des Nations Unies, ainsi que la (...)
Cour pénale internationale instituée par la convention de Rome de
1998 »441. Cela est bien vrai vu qu'il ne faut pas se corrompre
à ne distinguer pas, par exemple, les poursuives émises par le
Rwanda d'avec celles du TPIR. En effet, un diplomate n'est pas
accrédité auprès du TPIR ou TPIY où il ne jouit
donc pas des immunités.
c. Renonciation à l'immunité
Devant les juridictions étrangères où les
immunités diplomatiques sont opposables, celles-ci peuvent ne pas jouer
si l'Etat accréditant y renonce. Ainsi, les agents diplomatiques «
ne bénéficient plus de l'immunité de juridiction à
l'étranger si l'Etat qu'ils représentent ou ont
représenté décide de lever cette immunité
»442. Sur la même voie, la convention de Vienne de 1961
prévoit que « l'État accréditant peut renoncer
à l'immunité de juridiction des agents diplomatiques
»443. Cela confirme encore que les immunités
diplomatiques appartiennent aux Etats, et plus encore, si l'on vient à
en comprendre que le pouvoir de renonciation revient exclusivement aux
Etats444, cela entraine que « toute
renonciation personnelle de l'agent (...) est (...) interdite
(et) inopposable à l'Etat accréditant que l'immunité
est censée protéger »445 car « il
n'appartient pas au diplomate (...) de renoncer aux immunités dont il
n'est le titulaire ultime »446. En effet, « les
attributions du statut spécial sont accordées non aux individus
mais à l'Etat »447 ; ce qui explique que seul l'Etat ait
le pouvoir d'un renoncer via le ministère des affaires
étrangères448, ou via une autre autorité selon
que le prévoirait le droit interne.
A propos du régime des immunités, le droit
international a voulu qu'il s'agisse d'une « renonciation expresse du
gouvernement de la personne dont il s'agit »449. Toutefois, on
ne pourra pas hâtivement dire qu'il s'agit d'une renonciation expresse
lorsque, « si un agent diplomatique (...) engage une procédure, il
n'est plus recevable à
440 CIJ, arrêt du 14 février 2002, affaire du Mandat
d'arrêt (RDC c. Belgique), par. 61
441 CIJ, arrêt du 14 février 2002, affaire du Mandat
d'arrêt (RDC c. Belgique), par. 61
442 Ibidem
443 Article 32 §1, Convention de Vienne de 1961 ; LORNA
McGregor, op.cit., p. 49
444 G. BALANDA MIKUIN, op.cit., p. 80
445 J. VERHOEVEN, op.cit., p. 56
446 G. BALANDA MIKUIN, op.cit., p. 76
447 Idem, p. 80
448 Ibidem
449 M. GIONATA P. BUZZINI, op.cit., p. 154 ; article 32
§2, Convention de Vienne de 1961 ; J. VERHOEVEN, op.cit., p.
56
54
invoquer l'immunité de juridiction à
l'égard de toute demande reconventionnelle directement liée
à la demande principale » 450. Dans ce contexte, on peut
bien dire être en présence d'une renonciation implicite. Mais
même si l'Etat accréditaire ne renonce pas, expressément ou
tacitement, aux immunités, « l'État accréditaire peut
(...) informer l'État accréditant que le chef ou tout autre
membre du personnel diplomatique de la mission est persona non grata
ou que tout autre membre du personnel de la mission n'est pas acceptable.
L'État accréditant rappellera alors la personne en cause ou
mettra fin à ses fonctions auprès de la mission, selon le cas
»451. Dans l'hypothèse que l'Etat met fin à ses
fonctions, il peut être poursuivi par tout Etat sous respect du droit
international relatif à la compétence universelle, à la
coopération internationale en matière pénale... bref, au
droit pénal international, et au droit pénal national.
Dans tout cela, il parait pacifique que l'Etat
accréditant lève les immunités, ou alors, poursuive
lui-même l'agent diplomatique présumé auteur des crimes
graves car, en effet, ce n'est seulement un devoir juridique mais aussi un
devoir moral, pour les Etats, de rechercher les criminels, les poursuivre ou
faciliter la répression des crimes graves452. C'est cette
idée qui est au centre du principe aut dedere aut
judicare453. On peut justement faire un parallélisme,
avec ce principe, en préconisant que si l'Etat accréditant ne
lève pas les immunités diplomatiques en permettant que la justice
étrangère soit compétente, il peut lui-même
poursuivre son diplomate. Hélas !, en droit international, le
volontarisme des Etats est un principe fondamental454. Nul donc ne
pourra obliger l'Etat accréditant de poursuivre son agent diplomatique
qui est encore en fonction, ou à renoncer aux
immunités455. Dans ce contexte, la seule voie qui reste, pour
la répression, c'est de déclarer persona non grata un
diplomate456, puis éventuellement demander son
extradition457si l'ancien diplomate n'est pas poursuivi par les
juridictions de l'Etat accréditant458.
450 Article 32, convention de Vienne sur les relations
diplomatiques de 1961
451 Article 9, convention de Vienne sur les relations
diplomatiques de 1961
452 Préambule §4, Statut de Rome de la cour
pénale internationale de 1998 ; article 5, convention contre la torture
et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants de 1984
; article 33, convention pour l'unification de certaines règles
relatives au transport aérien international de 1999
453 CDI, op.cit., p. 1 ; S. DIMUENE PAKU DIASOLWA,
op.cit., p. 54
454 Marc de Montpellier, op.cit., p. 13
455 Article 32, convention de Vienne de 1961
456 Article 9 §1, Idem
457 CIJ, arrêt du 20 juillet 2012, affaire relative aux
questions concernant l'obligation de poursuivre ou d'extrader (Belgique c.
Sénégal), par. 81
458 Idem, par.122
55
Si l'agent diplomatique n'est pas déclaré
persona non grata, et si les immunités ne sont pas
levées, l'imprescriptibilité des crimes graves rend
éternelle, tant qu'il est en vie, la possibilité qu'il soit
poursuivi un jour.
d. Imprescriptibilité des crimes graves
Depuis 1998, le droit international a institué que
« les crimes relevant de la compétence de la Cour ne se prescrivent
pas »459. Ces crimes graves ne sont donc pas touchés par
« le principe de la prescription de l'action (en justice) (...) selon
lequel l'écoulement d'un délai entraine l'extinction de l'action
»460. Non plus, ils ne restent pas sous l'empire du «
principe de la prescription de la peine (...) selon lequel toute peine lorsque
celle-ci n'a pas été mise à exécution dans un
certain délai fixé par la loi ne peut plus être subie ; le
délai commence à courir le jour où la condamnation devient
définitive »461.
Sur la même voie, « aucune des déclarations
solennelles, actes et conventions visant la poursuite et la répression
des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité il n'a
été prévu de limitation dans le temps
»462. C'est ainsi que, par exemple, les crimes de guerre et
ceux contre l'humanité « sont imprescriptibles, quelle que soit la
date à laquelle ils ont été commis »463 ;
et cela vaut même pour les représentants de l'autorité de
l'Etat464, les agents diplomatiques. Les Etats sont appelés
« à prendre, conformément à leurs procédures
constitutionnelles, toutes mesures législatives ou autres qui seraient
nécessaires pour assurer l'imprescriptibilité de (ces) crimes
»465.
Redisons en précisant que « dès lors qu'une
personne a cessé d'occuper la fonction (de diplomate), elle ne
bénéficie plus de la totalité des immunités de
juridiction que lui accordait le droit international dans les autres Etats
»466. En effet, les immunités de juridiction
étrangère ne sont que partielles en ce sens qu' « un
tribunal d'un Etat peut juger un (bénéficiaire d'immunité)
d'un autre Etat au titre d'actes accomplis avant ou après la
période pendant laquelle il a occupé ces fonctions, ainsi qu'au
titre d'actes qui, bien
459 Article 29, Statut de Rome de la cour
pénale internationale
460 Valérie LADEGAILLERIE, op.cit.,
p. 129
461 Ibidem
462 Préambule §6, Convention sur
l'imprescriptibilité des crimes de guerre et des crimes contre
l'humanité de 1968
463 Article 1er, Convention sur
l'imprescriptibilité des crimes de guerre et des crimes contre
l'humanité de 1968
464 Article 2, Convention sur
l'imprescriptibilité des crimes de guerre et des crimes contre
l'humanité de 1968
465 Article 4, Convention sur
l'imprescriptibilité des crimes de guerre et des crimes contre
l'humanité de 1968
466 CIJ, arrêt du 14 février 2002,
affaire du Mandat d'arrêt (RDC c. Belgique), par. 61
56
qu'accomplis durant cette période, l'ont
été à titre privé »467. Cela vaut
en cas de fin-fonction du diplomate468ou en cas de renonciation aux
immunités469.
Mais même si la voie à la justice pénale
était bloquée ou n'était pas entreprise dans les
circonstances ci-haut analysées, les victimes des crimes graves dont
pourrait être auteur un agent diplomatique peuvent s'attendre à
une réparation des dommages qu'elles auraient subis. Et cela, sans que
soit poursuivi pénalement l'agent diplomatique, dans une
procédure extrajudiciaire vu que « le magistrat qui serait (...)
saisi (...) devra se déclarer incompétent et renvoyer le dossier
au ministère de la justice. Celui-ci devrait préparer une
proposition d'indemnisation adressée au ministre des affaires
étrangères (qui) amènera l'Etat (accréditant)
à négocier le montant des dommages et intérêts qui
pourraient être réglés à l'amiable
»470.
467 CIJ, arrêt du 14 février 2002, affaire du Mandat
d'arrêt (RDC c. Belgique), par. 61
468 Articles 39 §2, 9 §2 et 43, convention de Vienne
sur les relations démocratiques de 1961
469 Article 32, Idem ; M. GIONATA P. BUZZINI, op.cit.,
p. 178
470 Gérard BALANDA MIKUIN, Op.cit., p.75
57
CONCLUSION
Le présent travail trouve le fondement de sa
construction dans l'opposition de certaines jurisprudences,
législations, opinions doctrinales... sur la question des
immunités dont bénéficierait une catégorie de
personnes devant la justice. La présente étude s'est
limitée au seul statut spécial de l'agent diplomatique qui lui
fait jouir de l'immunité de juridiction pénale
étrangère471.
Le problème se pose plus clairement lorsque cette
immunité d'un agent diplomatique vient à être à
apprécier en cas des infractions internationales, ou mieux des «
crimes les plus graves qui touchent l'ensemble de la communauté
internationale»472 , et dont la « la répression
doit être effectivement assurée par des mesures prises dans le
cadre national et par le renforcement de la coopération internationale
»473, et la complémentarité474 de la
cour pénale internationale par rapport aux juridictions nationales.
Aussi bien des traités475 que des
jurisprudences476 s'inscrivent dans la lutte pour la poursuite des
auteurs des crimes internationaux par les Etats en dépit de toute
immunité qui suspendrait ou bloquerait la procédure judiciaire
contrairement à la thèse légale, jurisprudentielle et
doctrinale voire coutumière qui prône que sont totales ou absolues
l'immunité de juridiction pénale et l'inviolabilité
à l'étranger d'un bénéficiaire du régime des
immunités diplomatiques contre tout acte d'autorité de la part
d'un autre Etat qui ferait obstacle à l'exercice de ses
fonctions477.
Dans ce contexte, est entreprise cette étude sur
l'immunité de juridiction pénale étrangère d'un
agent diplomatique en cas de commission des crimes internationaux graves.
Ainsi intitulé, le présent travail nous place entre
immunité diplomatique et répression des crimes internationaux
graves à telle enseigne qu'on voudrait confronter les deux notions ou
réfléchir sur leur relation. Ce qui explique qu'on voudrait
savoir laquelle
471 Articles 29 et 31 §1, Convention de Vienne sur les
relations diplomatiques de 1961
472 Article 5 §1, Statut de Rome de la cour pénale
internationale
473 Préambule §4, Statut de Rome de la cour
pénale internationale
474 Préambule §10, article 1er, Statut de
Rome de la cour pénale internationale
475 Articles 49, 50, 129 et 146, respectivement, des
première, deuxième, troisième et quatrième
conventions de Genève de 1949 ; article 7, Convention pour la
répression de la capture illicite d'aéronefs de 1970 ; article 7,
Convention de Montréal de 1971 sur la répression des actes
illicites commis contre l'aviation civile ; articles 5, 6 et 7, convention
contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou
dégradants de 1984
476 CIJ, arrêt du 3 février 2012, affaire des
immunités juridictionnelles de l'Etat (Allemagne c. Italie ;
Grèce (intervenant)), par. 27 et 30
477 CIJ, arrêt du 14 février 2002, affaire du
Mandant d'arrêt (RDC c. Belgique), par.54 ; article 31 §1,
convention de Vienne de 1961 ; CIJ, arrêt du 4 juin 2008, affaire
relative à certaines questions concernant l'entraide judiciaire en
matière pénale (Djibouti c. France), par. 1
58
primerait entre l'immunité et la répression d'un
agent diplomatique. Aussi, quelle serait la portée du principe de la
compétence universelle en cas d'accusation d'un diplomate ? Ou, la
nécessité de réprimer les auteurs des crimes graves
l'emporterait-elle sur l'immunité diplomatique en cas des crimes graves
? Ou encore, le principe du défaut de pertinence de la qualité
officielle se heurterait à certaines limites ?
C'est notamment au regard de cette problématique que ce
travail vise à établir d'abord le droit positif sur
l'immunité diplomatique et sur la répression des crimes graves,
puis à confronter les oppositions rencontrées afin de savoir le
droit applicable en cas de commission des crimes graves par un diplomate, et
cela, avec les deux approches utilisées pour la construction de cet
édifice scientifique : la dogmatique juridique478 et la
dialectique479.
Dans cette visée, ce travail est parti de la
confrontation du droit diplomatique et du droit international pénal dans
le premier chapitre, pendant que le second chapitre met l'immunité
diplomatique en face de la répression des crimes internationaux graves.
Cette charpente a permis que soient confrontés ou mis en relation les
théories et principes qui entourent les deux matières qui
organisent séparément ou conjointement la répression des
crimes graves et l'immunité de juridiction pénale d'un agent
diplomatique.
Ainsi, dans le premier chapitre de ce travail, l'étude
a été menée sur la qualité de l'agent diplomatique
mise en relation avec le principe du défaut de pertinence de la
qualité officielle, et sur les théories justificatives des
immunités diplomatiques mises en face des certains principes leur
opposés du droit international. Dans le second chapitre, le principe de
la compétence universelle a été confronté à
celui de par in parem non habet juridictionem ; et enfin, la
nécessité de réprimer les crimes graves mise en face des
intérêts nationaux et ceux des relations internationales.
C'est par cette charpente que, de ce qui est de
l'immunité et de la poursuite d'un agent diplomatique, si l'on peut oser
résumer en un mot nos résultats à la fin de ce travail, on
retiendrait tout simplement que « les immunités dont jouissent,
conformément au droit international, les dirigeants politiques d'un Etat
(et ses représentants auprès d'autres Etats) constituent un
obstacle procédural aux poursuites qui pourraient être
478 Olivier CORTEN, op.cit., p. 23 ; Michel FOUCAULT,
op.cit., p. 20
479 Charles CHAUMONT, op.cit., p. 1 ; Jean-Paul SEGIHOBE
BIGIRA, op.cit., p. 46 ; H. Torrione, op.cit., p. 16
59
intentées contre eux devant des juridictions internes
»480 étrangères, pendant qu' « il est
possible d'engager contre des bénéficiaires de l'immunité
des poursuites devant les juridictions internationales compétentes
»481 comme la cour pénale internationale, les tribunaux
pénaux internationaux pour l'ex-Yougoslavie et pour le
Rwanda482, ou devant leurs juridictions nationales.
Bref, sans ne pas reprendre les opinions
développées en faveur de l'immunité
étrangère de l'agent diplomatique et celles en appui à la
répression des crimes internationaux graves, et s'il faut trouver une
troisième voie dialectiquement construite entre les deux tendances, il
convient de réaliser que l'immunité et la poursuite d'un agent
diplomatique vont ensemble quoiqu'elles se repoussent mutuellement. Et donc,
à la place de prôner seulement que l'immunité diplomatique
est absolue, ou de prêcher seulement le souhait de voir les crimes
internationaux graves être punis, nous retenons que bien que l'agent
diplomatique est couvert d'immunités étrangères, il ne
reste pas bénéficiaire de l'impunité483 car
voici que « le fait qu'une immunité fasse obstacle à
l'exercice de poursuites devant un juge déterminé, ou durant une
période déterminée, n'empêche pas que les
mêmes poursuites pourront être exercées, le cas
échéant, devant un autre juge non lié par
l'immunité, ou à un moment où il n'y aura plus lieu de
tenir compte d'une telle immunité »484.
Tel est le squelette de la substance de cette entreprise
scientifique qui s'arrête ici puisqu'achevée mais loin de
prétendre être parfaite, ni complète à la
manière d'une encyclopédie, ni prétendre avoir construit
une panacée à résoudre toutes les oppositions
légales, jurisprudentielles et doctrinales sur les questions sous
analyse dans ce travail sur la répression des crimes graves et
l'immunité de juridiction pénale d'un diplomate.
480 KAMBALE MAHUKA Pigeon, L'exploitation
illicite des ressources naturelles d'un Etat étranger en cas de conflit
armé. Etude sur la responsabilité des Etats et de leurs
dirigeants, Thèse de doctorat, Université catholique de
Louvain, 2014, p. 406
481 Ibidem
482 CIJ, arrêt du 14 février 2002,
affaire du Mandant d'arrêt (RDC c. Belgique), par. 58
483 Idem, par. 60
484 Idem, par. 48
60
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
I. INSTRUMENTS INTERNATIONAUX
1. Charte des Nations Unies de 1945
2. Convention de Genève pour l'amélioration du
sort des blessés et des malades dans les forces armées en
campagne de 1949
3. Convention de Genève pour l'amélioration du
sort des blessés, des malades et des naufragés des forces
armées sur mer de 1949
4. Convention de Genève relative au traitement des
prisonniers de guerre de 1949
5. Convention de Genève relative à la
protection des personnes civiles en temps de guerre de 1949
6. Convention de Montréal sur la répression des
actes illicites commis contre l'aviation civile de 1971
7. Convention (de La Haye) pour la répression de la
capture illicite d'aéronefs de 1970
8. Convention de l'organisation de l'unité africaine
sur les privilèges et immunités de l'organisation de
l'unité africaine de 1965
9. Convention de Vienne sur le droit des traités de
1969
10. Convention de Vienne sur les relations diplomatiques de
1961
11. Convention des Nations Unies sur les immunités des
Etats et de leurs biens de 2005
12. Convention de Vienne sur la représentation des
Etats dans leurs relations avec les organisations à caractère
universel de 1975
13. Convention de Vienne sur le droit des traités
entre Etats et organisations ou entre organisations internationales de 1986
14. Convention européenne des droits de l'homme de
1970
15. Convention sur les privilèges et immunités
des Nations Unies de 1946
16. Convention sur l'imprescriptibilité des crimes de
guerre et des crimes contre l'humanité, 26 novembre 1968
17. Pacte international relatif aux droits civils et
politiques de 1966
18. Pacte international relatif aux droits
économiques, sociaux et culturels de 1966
19. Statut du tribunal international pour l'ex-Yougoslavie de
1993
20. Statut du tribunal international pour le Rwanda de
1994
21. Statut de Rome de la cour pénale internationale de
1998
22. Statut de la cour internationale de justice
23. Résolution 67/1 de l'Assemblée
Générale de l'ONU du 24 septembre 2012
II. JURISPRUDENCE
1. CIJ, arrêt du 24 mai 1980, affaire relative au
personnel diplomatique et consulaire des Etats-Unis à
Téhéran (Etats-Unis d'Amérique c. Iran)
2. CIJ, Exceptions préliminaires, affaire relative
à des questions d'interprétation et d'application de la
convention de Montréal de 1971 résultant de l'incident
aérien de Lockerbie (JAMAHIRYA ARABE LBYENNE c. ETATS-UNIS D'AMERIQUE)
du 27 février 1998
3. CIJ, arrêt du 14 février 2002, affaire du
mandat d'arrêt (RDC c. Belgique)
4. CIJ, Requête, affaire relative mandat d'arrêt
du 11 avril 2000, (RDC c. Belgique)
61
5. CIJ, arrêt du 4 juin 2008, affaire relative à
certaines questions concernant l'entraide judiciaire en matière
pénale (Djibouti c. France)
6. CIJ, arrêt du 3 février 2012, affaire
relative aux immunités juridictionnelles de l'Etat (Allemagne c. Italie
; Grèce (intervenant)
7. CIJ, arrêt du 20 juillet 2012, affaire relative aux
questions concernant l'obligation de poursuivre ou d'extrader (Belgique c.
Sénégal)
III. LA DOCTRINE
A. OUVRAGES ET MEMOIRES
1. AKELE ADAU P. et SITA MUILA AKELE A., Les crimes
contre l'humanité en droit congolais, Kinshasa, CEPAS, 1999, 73
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T., Droit pénal spécial, Université protestante
au Congo, Faculté de droit, Troisième graduat, 2003-2004, 278
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3. BALANDA MIKUIN G., Le traité des organisations
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2006, 638 p.
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Rapport final, Annuaire de la CDI, Vol. II, 2014, 21 p.
8. DIMUENE PAKU DIASOLWA S., L'exercice de la
compétence universelle en droit pénal international comme
alternative aux limites inhérentes dans le système de la cour
pénale internationale, Mémoire de Maitrise en droit
international, Université du Québec à Montréal,
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62
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28. Paul AMSELEK, L'interprétation dans la
Théorie pure du droit de Hans Kelsen, Paris, Université
Panthéon-Assas (Paris II), 213 p.
29. PAPOUX E. WYLER, L'éthique du droit
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30. PINA Sandrine, La connaissance pure du droit et ses
limites, Université d'Auvergne, 23 p.
31. VERHOEVEN J., Droit international public,
2ème partie, Bruxelles, UCL, « SD », 263 p.
B. ARTICLES
1. Nicolas ANGELET, « Le droit des relations
diplomatiques et consulaires dans la pratique régente du conseil de
sécurité » in Revue belge de droit international,
Bruxelles, Editions Bruylant, 1999, pp. 149-177
2. MBAKANI Jacques, « la cour pénale
internationale : une cour contre les africains ou une cour attentive à
la souffrance des victimes africaines? », in Revue
québécoise de droit international, février 2013, pp.
47-100
3. Nicole DUPLE, « L'affaire Pinochet », in
Revue Maintien de la paix, Bulletin N°40, avril 1999,
www.ulaval.ca/ighei
IV. AUTRES DOCUMENTS
1. CPI, Fiche d'information sur l'affaire Situation en
République du Kenya, le Procureur c. Uhuru Muigai Kenyatta, 13 mars
2015
2. CPI, Fiche d'information sur l'affaire Situation au
Darfour (Soudan), le Procureur c. Omar Hassan Al Bashir, 26 mars 2015
3. La Coalition pour la cour pénale internationale,
La République démocratique du Congo doit arrêter
el-Béchir, Communiqué pour diffusion immédiate, 25
février 2014
4. Human Rights Watch, L'Afrique et la CPI,
Memorandum for the Twelfth Session of the International Criminal Court
Assembly of States Parties, Novembre 2013
63
Table des matières
Epigraphe .. i
Dédicace ii
Remerciements iii
Sigles et abréviations .. iv
INTRODUCTION 1
I. Contexte et problématique 1
II. Hypothèses 5
III. Approche méthodologique 7
IV. Choix et intérêt du sujet 8
V. Délimitation du champ d'étude
9
VI. Subdivision du travail 10
CHAPITRE I. CONFRONTATION DU DROIT DIPLOMATIQUE AU
DROIT
INTERNATIONAL PENAL 11
SECTION I. La qualité de l'agent diplomatique et le
défaut de pertinence de la qualité officielle . 12
§1. Devant la Cour pénale internationale
12
§2. Devant les tribunaux pénaux internationaux ad
hoc 14
§3. Devant les juridictions nationales 16
SECTION II. Des théories justificatives de
l'immunité du diplomate 21
§1. Théorie d'extraterritorialité face
à la souveraineté territoriale de l'Etat accréditaire
21
§2. Théorie représentative face à la
responsabilité pénale individuelle 25
§3. Théorie de la nécessité
fonctionnelle 29 CHAPITRE
II. LA REPRESSION DES CRIMES GRAVES ET
L'IMMUNITE DIPLOMATIQUE
32
SECTION I. Le principe de la compétence
universelle face au principe par in parem non
habet juridictionem 33
§1. Le principe de la compétence universelle 33
§2. Par in parem non habet juridictionem 37
§3. Confrontation de ces principes 40
SECTION II. Nécessité de réprimer
face aux intérêts nationaux et des relations
internationales 46
§1. Confrontation de ces notions 47
§2. Exceptions à l'immunité d'un agent
diplomatique 51
CONCLUSION 57
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