Les poursuites pénales d'un chef de l'état en fonction en droit positif congolais.( Télécharger le fichier original )par Deogratias BYAMUNGU POLEPOLE RESEAU DES UNIVERSITES DU CEPROMAD GOMA - DIPLOME 2016 |
CHAPITRE II : AVENIR DE LA COUR CONSTITUTIONNELLE : ORGANE APPELER A JUGER LE CHEF DE L'ETATSECTION 1er : De la cour constitutionnelle face à la question des poursuites du Chef de l'Etat en fonction§1ère : Des compétences de la cour constitutionnelle CongolaiseLes articles 163 à 167 de la Constitution disposent : «Article 163 La Cour constitutionnelle est la juridiction pénale du Chef de l'État et du Premier ministre dans les cas et conditions prévus par la Constitution. La Cour constitutionnelle est le juge pénal du Président de la République et du Premier ministre pour des infractions politiques de haute trahison, d'outrage au Parlement, d'atteinte à l'honneur ou à la probité ainsi que pour les délits d'initié et pour les autres infractions de droit commun commises dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de leurs fonctions. Elle est également compétente pour juger leurs co-auteurs et complices34(*). Sans préjudice des autres dispositions de la présente Constitution, il y a haute trahison lorsque le Président de la République a violé intentionnellement la Constitution ou lorsque lui ou le Premier ministre sont reconnus auteurs, co-auteurs ou complices de violations graves et caractérisées des Droits de l'Homme, de cession d'une partie du territoire national35(*). Il y a atteinte à l'honneur ou à la probité notamment lorsque le comportement personnel du Président de la République ou du Premier ministre est contraire aux bonnes moeurs ou qu'ils sont reconnus auteurs, co-auteurs ou complices de malversations, de corruption ou d'enrichissement illicite. Il y a délit d'initié dans le chef du Président de la République ou du Premier ministre lorsqu'il effectue des opérations sur valeurs immobilières ou sur marchandises à l'égard desquelles il possède des informations privilégiées et dont il tire profit avant que ces informations soient connues du public. Le délit d'initié englobe l'achat ou la vente d'actions fondé sur des renseignements qui ne seraient jamais divulgués aux actionnaires. Il y a outrage au Parlement lorsque sur des questions posées par l'une ou l'autre Chambre du Parlement sur l'activité gouvernementale, le Premier ministre ne fournit aucune réponse dans un délai de trente jours. La décision de poursuites ainsi que la mise en accusation du Président de la République et du Premier ministre sont votées à la majorité des deux tiers des membres du Parlement composant le Congrès suivant la procédure prévue par le règlement intérieur. 36(*)La décision de poursuites ainsi que la mise en accusation des membres du Gouvernement sont votées à la majorité absolue des membres composant l'Assemblée nationale suivant la procédure prévue par le règlement intérieur. Les membres du Gouvernement mis en accusation, présentent leur démission37(*). En cas de condamnation, le Président de la République et le Premier ministre sont déchus de leurs charges. La déchéance est prononcée par la Cour constitutionnelle. Pour les infractions commises en dehors de l'exercice de leurs fonctions, les poursuites contre le Président de la République et le Premier ministre sont suspendues jusqu'à l'expiration de leurs mandats. Pendant ce temps, la prescription est suspendue. Il y a lieu de remarquer que, dans les conditions fixées par la Constitution et les lois de la République, la Cour de cassation connaît en premier et dernier ressort des infractions commises par les membres de l'Assemblée nationale et du Sénat, ainsi que par les membres du Gouvernement autres que le Premier ministre (art. 153, al. 2, Const.). L'existence d'un Procureur général près la Cour constitutionnelle est mentionnée à l'article 152, alinéa 2, de la Constitution, qui détermine la composition du Conseil supérieur de la magistrature. C'est donc lui qui devrait logiquement être chargé des poursuites pénales de la compétence de la Cour constitutionnelle. Le principe de la légalité des délits et des peines exige notamment que les sanctions pénales de ces comportements soient expressément prévues dans un texte législatif, ce qui est sans doute déjà le cas pour la plupart des infractions énumérées par les dispositions constitutionnelles précitées. Tel n'est vraisemblablement pas le cas de l'«infraction politique» d'outrage au Parlement. En outre, les incriminations doivent être suffisamment précises. Signalons également que l'article 99 de la Constitution prévoit qu'avant leur entrée en fonction et à l'expiration de celle-ci, le Président de la République et les membres du Gouvernement sont tenus de déposer devant la Cour constitutionnelle la déclaration écrite de leur patrimoine familial. La Cour constitutionnelle communique cette déclaration à l'administration fiscale. Faute de cette déclaration, endéans les trente jours, la personne concernée est réputée démissionnaire. Dans les trente jours suivant la fin des fonctions, faute de cette déclaration, en cas de déclaration frauduleuse ou de soupçon d'enrichissement sans cause, la Cour constitutionnelle ou la Cour de cassation est saisie selon le cas. Il semble bien qu'il s'agisse ici aussi d'une compétence pénale («infraction politique» d'atteinte à l'honneur ou à la probité et infractions de droit commun). Le Constituant a sagement prévu que la Cour est compétente pour juger les coauteurs et complices des accusés bénéficiant du privilège de juridiction. En ce qui concerne la procédure, la loi organique devrait prévoir expressément l'application des règles du droit commun. Elle devrait aussi notamment définir les pouvoirs du Procureur général et les devoirs des officiers de police judiciaire et des officiers du ministère public près les juridictions ordinaires en cas de plainte, de dénonciation ou de flagrant délit, ainsi que certaines règles dérogatoires relatives à l'instruction préparatoire, notamment en matière de détention préventive. §2ème : Des conditions et procédures de poursuites pénales d'un Chef de l'Etat en fonction par la cour constitutionnelle Pour ce qui est de la procédure applicable, la proposition de loi, prévoit expressément l'applicabilité des règles du droit commun. Il s'agit des règles ordinaires de la procédure applicable devant la cour constitutionnelle pour tout ce qui concerne l'instruction, l'audience et l'exécution de l'arrêt comme le dispose la loi38(*). Le préalable à la procédure est bien entendu, la saisine de la cour dans les conditions exceptionnelles précédemment évoqué. Nous allons dans ce paragraphe d'une part voir le rôle essentiel du procureur de la république près la cour constitutionnelle qui est le principal acteur de la procédure(A), ensuite nous parlerons du rôle des officiers de police judiciaire et des effets de la poursuite pénale (B) contre le président de la république et le premier ministre. A) Une procédure concentrée entre les mains du procureur généralSi la constitution de 2006 a elle-même définie les actes susceptibles d'entraîner des poursuites pénales contre les deux têtes de l'exécutif, elle a laissée le choix au législateur organique d'en définir la procédure. C'est l'objet des articles 78 à 86 de la loi. L'acteur essentiel dans cette procédure, c'est le procureur près la cour constitutionnelle. C'est lui en vertu de l'article 78 loi, qui assure l'exercice de l'action publique dans les actes d'instruction et de procédure pour les infractions commises par le président de la république ou le premier ministre dans l'exercice de leurs fonctions ou à l'occasion de celle-ci, ainsi que les coauteurs ou complices. Il ressort de cet article que ce magistrat du parquet est le dépositaire de la procédure pénale devant la cour constitutionnelle. En effet, il a pour mission de recevoir les plaintes, les dénonciations et de réunir tous les éléments probatoires. En outre, il doit entendre toute personne susceptible de contribuer à la manifestation de la vérité âpres les investigations qu'il aura lui même menée. Si il estime que les faits reprochés au président de la république ou au premier ministre sont établis ; il adresse un réquisitoire aux présidents de l'assemblée nationale et du sénat, aux fins d'obtenir la décision de poursuite en vertu de l'article 81 de la loi organique. Si les parlementaires sont convaincus par le réquisitoire du procureur général, ils adoptent la poursuite39(*). A la suite de cet accord, le procureur général près la cour constitutionnelle peut prendre des mesures coercitives notamment l'audition de l'intéressé ou son arrestation éventuelle. Dans un second temps , la fin de l'instruction préparatoire , si le procureur estime devoir traduire le prévenu devant la cour constitutionnelle , il adresse un nouveau réquisitoire aux présidents des deux chambres aux fins de solliciter la mise en accusation du président ou du premier ministre , conformément à l'article 83 loi. Au début du TFC, la question de la nécessité d'instituer un parquet près la cour constitutionnelle s'est posée. Mais, au regard du rôle assigné au parquet dans le cadre de la procédure pénale des deux têtes de l'exécutif, cette présence est au moins partiellement justifiée .Mais quelques interrogations demeurent : D'abord, l'indépendance du parquet vis-à- vis du pouvoir exécutif n'est pas clairement garantie. Comment expliquer qu'en vertu de l'article 11 loi organique, l'ensemble des collaborateurs du parquet soient nommés par ordonnance présidentielle et de manière discrétionnaire ? Ensuite, le procureur général et les deux avocats généraux sont nommés conformément au statut des magistrats, pour un mandat de six ans par ordonnance du président de la république mais cette fois-ci sur proposition du CSM, c'est ce qui ressort de l'article 13 loi organique. Deux points nous paraissent discutables : D'une part, le mandat des magistrats du parquet n'était-il pas mieux de faire coïncider leurs mandats à ceux des autres magistrats c.-à-d. neuf ans ? , un mandat long est toujours un gage d'indépendance. D'autre part, c'est en réalité le CSM qui décide pour la carrière des magistrats ordinaires, vu la composition du CSM clairement à l'avantage du pouvoir exécutif, se poser la question de l'indépendance du parquet n'est pas anodine. Seule la pratique nous prouvera si nos inquiétudes furent fondées ou non. Mais d'ores et déjà, il nous paraît difficile pour le procureur général près la cour constitutionnelle de mettre en ouvre les nombreuses prérogatives que lui confère la loi en matière de la responsabilité pénale du président de la république et du premier ministre. * 34 . Art 164 de la constitution du 18 Février 2006 telle que modifiée et complétée par la loi N°11/002 du 20 Janvier 2011 portant la révision de certains articles de la constitution du 18 Février 2006 in J.O du Janvier 2011 * 35 Art 165 de la constitution du 18 Février 2006 telle que modifiée et complétée par la loi N°11/002 du 20 Janvier 2011 portant la révision de certains articles de la constitution du 18 Février 2006 in J.O du Janvier 2011 * 36 Art 166 de la constitution du 18 Février 2006 telle que modifiée et complétée par la loi N°11/002 du 20 Janvier 2011 portant la révision de certains articles de la constitution du 18 Février 2006 in J.O du Janvier 2011 * 37 Art. 167 de la constitution du 18 Février 2006 telle que modifiée et complétée par la loi N°11/002 du 20 Janvier 2011 portant la révision de certains articles de la constitution du 18 Février 2006 in J.O du Janvier 2011 * 38 Art. 94 de la loi organique N°13/026 du 15 octobre 2013 portant organisation et fonctionnement de la cour constitutionnelle in J.O de 2013. * 39 Art 88 de la loi organique N°13/026 du 15 octobre 2013 portant organisation et fonctionnement de la cour constitutionnelle in J.O de 2013. |
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