B. La neutralisation des procédures collectives
par les sûretés-propriété.
Il est certain que les
sûretés-propriété signalent des garanties d'une
redoutable efficacité. Elles sont notamment des instruments de
contournement des procédures collectives
116 Art. 72 AUS révisé.
52
117P. CROCQ, « les sûretés
fondées sur une situation d'exclusivité et le projet de
réforme de l'acte uniforme portant organisation des sûretés
» in Droit et Patrimoine, n° 197, Novembre 2010, P
81.
L'égalité des créanciers dans les
procédures collectives en droit OHADA, Kouamo Darly Russel
d'apurement du passif des débiteurs. Raison pourquoi,
la pratique les désigne sous l'expression savoureusement imagée
de « sûretés d'évitement ».
De la lecture combinée des articles 101, 78 à 88
AUPC, il ressort que le propriétaire peut exercer son action en
revendication au cas où le débiteur est en redressement
judiciaire ou en liquidation des biens, à condition d'avoir
préalablement déclaré sa créance et de l'exercer
dans les formes et délais bien déterminés118.
Il faut en outre relever que même le conjoint du débiteur peut
intervenir dans la procédure pour revendiquer son droit de
propriété sur un bien conformément aux dispositions de
l'article 99. Si on conjugue le particularisme des actions en revendication des
créanciers avec les tempéraments à l'arrêt du cours
des intérêts et à la suspension des poursuites
individuelles, on se rend compte qu'ils constituent un volet essentiel de la
manifestation de l'application assouplie du principe d'égalité
entre les créanciers.
Mieux, l'on constate que les réformes de l'AUPC
envisagées vont jusqu'à conférer un absolutisme total aux
droits des propriétaires. Il est à cet effet prévu la
création d'un nouvel article 102-1 « Le propriétaire
d'un bien est dispensé de faire reconnaître son droit de
propriété lorsque le contrat portant sur ce bien fait l'objet
d'une publicité. Il peut réclamer la restitution de son bien par
lettre au porteur contre récépissé ou par lettre
recommandée avec demande d'avis de réception ou par tout moyen
laissant trace écrite adressée au syndic qui peut acquiescer
à cette demande. A défaut d'accord dans le délai d'un mois
à compter de la réception de la demande ou en cas de
contestation, le juge commissaire peut être saisi à la diligence
du propriétaire afin qu'il soit statué sur les droits de ce
dernier. Même en l'absence de demande préalable en restitution, le
juge-commissaire peut également être saisi à cette
même fin par le syndic. »
Ainsi, l'on constatera qu'il est même prévu
d'ériger une nouvelle procédure destinée à assurer
la célérité de ces actions en revendication119.
L'on a pu écrire à ce sujet que les
sûretés-propriété ont tendance à polluer le
caractère collectif des procédures de traitement des
118 Le créancier revendiquant doit apporter la preuve
de la propriété du bien, c'est-à-dire de l'existence du
contrat sur lequel est fondée la détention. Le bien doit exister
en nature et être individualisé, ce qui suppose que le
créancier puisse l'identifier parfaitement ; l'action en revendication
doit en outre être exercée dans un délai de trois mois
à compter de la publication dans un journal d'annonce légale, de
l'ouverture de la procédure (art. 87, al. 3 AUPC).
53
119V. Art. 102 à 106, avant projet
d'amendement à l'AUPC.
L'égalité des créanciers dans les
procédures collectives en droit OHADA, Kouamo Darly Russel
difficultés des entreprises au profit individuel de
certains créanciers bien protégés120. Dans cet
ordre de réflexion, Monsieur le professeur SOINNE trouve dans
l'introduction de sûretés-propriété un
véritable « talon d'Achille » du redressement de
l'entreprise121. Pour Mme PEROCHON, « la réserve de
propriété constitue en l'état du droit positif une
garantie hors normes, qui développe, face au débiteur soumis
à une procédure collective, l'efficacité dont sont
dépourvues les sûretés classiques, sans en avoir des
inconvénients. 122»
En somme, l'on pourrait retenir que, les clauses
légitimes de préférence mettent en branle l'application
stricte de l'égalité de créanciers dans les
procédures collectives en droit OHADA. L'on a pu constater qu'en raison
du statut privilégié ou du caractère vital de certaines
créances, des dérogations à l'interdiction des paiements
et à l'obligation de déclarer les créances, étaient
envisageables. Tout compte fait, la place du crédit dans les
procédures collectives est prépondérante. L'endettement de
l'entreprise est inévitable et parfois nécessaire. L'analyse des
sûretés offre une nouvelle occasion de poser la question du
crédit lorsque l'entreprise du débiteur n'est pas encore dans une
situation de défaillance. C'est pourquoi les créanciers
titulaires de certaines sûretés se voient également
appliquer un assouplissement des règles égalitaires. L'on
constatera néanmoins que le législateur OHADA essaye toujours de
faire un savant dosage d'équilibre entre la prise en compte des droits
individuels et le respect de l'intérêt collectif que commande
l'ouverture d'une procédure collective. En effet, le débiteur
défaillant l'est aussi bien à l'encontre des créanciers
simples que des créanciers munis de sûretés123.
C'est fort de cet état des choses que des assouplissements sont
également commandés par les motifs d'intérêts
supérieurs.
120 M. FARGE, O. GOUT, « l'impact du nouveau droit des
entreprises en difficulté sur le droit des sûretés
» in Sûretés, L. AYNES, Ph. DELEBECQUE, P. CROCQ (sous
dir.); V. Revue Lamy Droit Civil n° 58, Mars 2009, n°3.
121V. B. SOINNE, « Survie ou disparition du
droit de la faillite : L'application jurisprudentielle
de la loi du 12 mai 1980 relative à la clause de
réserve de propriété », JCP. éd. C.
I, 1982, II, 13903., cité par O. KAHIL, op.cit. p.99.
122PEROCHON, « Le vendeur de meubles,
propriétaire », colloque C.R.E.D.I.F. Toulouse, la situation
des créanciers d'une entreprise en difficulté ,
Montchrestien, 1998, p.92 et s., cité par C. LEGUEVAQUES, op. cit,
p. 1226.
54
123S. NANDJIP MONEYANG, op.cit, N° 73.
L'égalité des créanciers dans les
procédures collectives en droit OHADA, Kouamo Darly Russel
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