Paragraphe 2 Les mécanismes de protection des droits
des créanciers.
Dans sa perspective égalitaire, le législateur
communautaire entrevoit la mise sur une même enseigne de tous les
créanciers antérieurs au jugement d'ouverture du redressement ou
de la liquidation. En ce sens, il a prévu des remèdes aux
manquements à ces prescriptions. Il s'agit des mécanismes
destinés à protéger les droits de la masse. L'on a pu
écrire qu'il s'agissait de raffermir les droits des créanciers
pour le passé, en neutralisant tous les actes portant gravement atteinte
à l'égalité des créanciers68. Connues
sous le vocable d'inopposabilités de la période suspecte, les
unes sont facultatives (A), tandis que les autres sont obligatoires. (B)
A- Les inopposabilités obligatoires.
Le législateur OHADA, pour protéger les
intérêts en présence et par ricochet traiter
égalitairement les créanciers, sanctionne certains droits obtenus
pendant la période suspecte69. Plus ou moins frauduleux, ils
peuvent être frappés d'inopposabilité à
l'égard de la masse ou sanctionnés de nullité en droit
français70. Il s'agit dans cette optique de protéger
le patrimoine de la masse des créanciers, patrimoine qui ne doit
être ni détourné, ni dilapidé par un quelconque
créancier. Ainsi, la protection retro agit à l'ouverture de la
procédure.
67 Nouvel article 125, abrogation des alinéas 3
et 4 de l'ancien article 125 de l'AUPC.
68 A. KANTE op.cit.
69 La période suspecte est celle qui se
situe entre la date de cessation des paiements et le jugement d'ouverture.
Durant cette période, le débiteur peut en profiter pour organiser
son insolvabilité ou favoriser certains créanciers qui
chercheraient à tirer avantage de la prodigalité
intéressée du débiteur aux abois. V. S. NANDJIP
MONEYANG, op.cit., n° 25.
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70 R. NEMEDEU, op.cit. n°84, p.260.
L'égalité des créanciers dans les
procédures collectives en droit OHADA, Kouamo Darly Russel
Enumérés à l'article 68 de l'AUPC, ces
actes sont inopposables automatiquement sans qu'il soit besoin d'évoquer
un quelconque préjudice. L'on y relève la prohibition des
garanties suspectes octroyées par le débiteur aux abois ; les
paiements anormaux notamment ceux effectués pour les dettes non
échues et ceux opérés par les moyens
considérés comme étant anormaux71. En outre, la
loi mentionne le cas des donations qui doivent être annulées
lorsqu'elles ont été consenties au cours de cette période
de turbulence. Ce qui est tout à fait logique car il est inadmissible
qu'un débiteur incapable de satisfaire à ses obligations se mette
à faire des libéralités. D'ailleurs le vieil adage «
Nemo liberalis nisi liberatus 72» va dans ce sens.
Ainsi, les libéralités, les actes
lésionnaires, les paiements des dettes non échues, les paiements
anormaux de dettes échues, les garanties conférées en
période suspecte pour des dettes antérieures, seront
frappés d'inopposabilité de droit en raison de la nature de
l'acte incriminé et de leur accomplissement en période suspecte.
Le juge ici n'aura pas besoin de constater l'existence d'un grief pour les
prononcer, ce qui n'est pas le cas pour les inopposabilités
facultatives.
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