§2 La théorie du cash-flow libre
appliquée aux rachats
Dans son célèbre article de 1986 Jensen expose
la théorie du cash-flow libre appliquée aux rachats .
Cette théorie montre comment les rachats sont à
la fois une conséquence du conflit d'intérêts entre
actionnaires et managers et une solution au problème. Les acquisitions
sont l'un des moyens pour les managers d'éviter de verser le cash-flow
libre aux actionnaires, cependant l'auteur précise que ces acquisitions
sont moins préjudiciables aux actionnaires que les investissements
réalisés en interne dans des projets non profitables (ces
acquisitions sont profitables aux actionnaires des cibles qui reçoivent
des primes lors des OPA).
Dans les industries en déclin les fusions à
l'intérieur de l'industrie créeront de la valeur et les fusions
à l'extérieur de l'industrie auront plus tendance à
être pas ou peu rentables.
Selon cette théorie les rachats qui créent de la
valeur surviennent en réponse à la défaillance du
contrôle interne dans les firmes qui génèrent beaucoup de
cash-flow libre et qui ont une stratégie qui gaspille les ressources
(exemple: les programmes de diversification). Elle prédit des OPA
hostiles, de fortes augmentations du taux d'endettement, le
démantèlement des conglomérats avec peu d'économies
d'échelle ou de gamme et de nombreuses controverses liées au fait
que les managers en place vont chercher à conserver leur poste et
s'opposer aux réformes stratégiques (restructurations) que leur
impose la menace d'un rachat.
Le fort taux d'endettement, nécessaire au financement
d'un rachat hostile ou occasionné par la nécessité pour
la cible de se défendre en rachetant ses propres actions, va obliger la
firme à se restructurer si elle veut pouvoir rembourser ses dettes (voir
chapitre 5). Le fort taux d'endettement crée la crise qui permet de
mettre fin aux programmes d'expansion et provoque la vente des divisions qui
auraient plus de valeur à l'extérieur de la firme. Les cessions
d'actifs permettent de réduire le taux d'endettement ; ainsi les
managers sont amenés à repenser complètement la
stratégie de l'entreprise et sa structure.
En accord avec les études empiriques, la théorie
du cash-flow libre prédit que beaucoup d'acquéreurs auront des
performances exceptionnellement bonnes avant l'acquisition. Ces très
bonnes performances génèrent le cash-flow nécessaire
à l'acquisition.
D'après la théorie il y aura deux
catégories de cibles :
- les firmes mal gérées qui ont eu de mauvais
résultats avant le rachat.
- les firmes qui ont eu de très bons résultats,
qui ont beaucoup de cash-flow libre que les managers refusent de verser aux
actionnaires.
La théorie prédit aussi que les rachats
financés avec des capitaux propres et des capitaux empruntés
seront plus profitables que les rachats financés par des échanges
d'actions .
Ainsi, les OPA ont permis aux actionnaires de sanctionner les
équipes dirigeantes qui avaient d'autres objectifs que la maximisation
de la valeur de la firme. En quelque sorte, les OPA se sont substituées
aux conseils d'administration défaillants. Ces rachats ont non seulement
permis aux actionnaires de toucher des primes qui représentaient
fréquemment 50% de la valeur de l'action, mais ils ont aussi permis de
changer les comportements des managers en permettant à la shareholder
value d'émerger.
Grâce à cette vague de rachats l'industrie
américaine s'est restructurée en profondeur afin de s'adapter aux
changements technologiques et à la dérégulation. Dans le
chapitre qui va suivre nous aborderons les bouleversements subis par les
différentes branches de l'industrie américaine.
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