§2 Le problème de la responsabilité des
managers et des administrateurs
D'après la loi américaine, en l'absence de
mauvaise foi ou de corruption, les administrateurs ne peuvent être tenus
pour responsables vis à vis de l'entreprise pour des erreurs de jugement
si ces erreurs sont considérées comme des erreurs de fait ou des
erreurs de droit (Gilson 1986 cité par Shleifer et Vishny 1988).
En fait les administrateurs ne risquent quasiment rien s'ils
avalisent de mauvaises décisions, cela ne les incite pas à
approfondir l'étude des projets du PDG !
Il existe tout de même une procédure qui permet
aux actionnaires de se porter partie civile ; cette procédure est
souvent déclenchée en cas de chute des cours inattendue .
Cependant ces contraintes légales incitent plus les administrateurs
à minimiser les risques qu'à maximiser la valeur pour
l'actionnaire. Les conseils peuvent aussi être motivés par la
menace d'une mauvaise publicité émanent des autorités de
régulation ou de la presse, mais cette menace incite plus les
administrateurs à se couvrir personnellement plutôt qu'à
prendre des décision susceptibles de maximiser la valeur de la firme
(Jensen 1993) .
La question de la responsabilité des managers et des
administrateurs correspond à un problème épineux . Si
leur responsabilité est trop facilement engageable, on risque de se
retrouver avec des managers frileux et un conseil d'administration qui, de
toute façon, s'opposera systématiquement aux projets
d'investissements audacieux .
La prise de risque participe du fonctionnement des
marchés financiers (la gestion n'est pas une science exacte) ; une
responsabilité managériale trop facilement engageable serait de
nature à freiner l'activité économique dans le pays. D'un
autre coté il faut que la protection des investisseurs soit suffisante
pour d'une part, attirer les capitaux étrangers dans le pays et d'autre
part éviter la fuite des capitaux nationaux vers des pays où les
investisseurs seraient mieux protégés. Il faut donc trouver un
juste milieu, ce qui n'est pas simple.
A ce stade, nous ne pouvons occulter la question centrale du
mode de rémunération des dirigeants et administrateurs .
§3 La rémunération des managers et
administrateurs
Quelle part du capital les managers et administrateurs doivent
ils détenir ? Dans quelle mesure les contrats d'incitation
permettent ils d'aligner les intérêts des dirigeants avec ceux
des actionnaires ?
A) La part du capital détenue par les managers
et les administrateurs
Lorsqu'il s'est agi d'expliquer l'inefficacité des
conseils d'administration, avant et durant les années 80 , on a
évoqué le fait que les managers et les administrateurs
détenaient une part du capital qui n'était pas suffisamment
importante. En moyenne les PDG des mille plus grandes entreprises
américaines détenaient en 1991 2.7% du capital de leur
entreprise, 75% des PDG détenaient moins de 1.2% du capital de
leur entreprise (Murphy 1992 cité par Jensen 1993).
Lorsque Jensen (1993) préconise d'obliger les
administrateurs à investir dans le capital de l'entreprise à
concurrence de 100 000 dollars , son idée est de forcer les
administrateurs à reconnaître que leurs décisions affectent
leur richesse personnelle comme elle affecte celle des petits porteurs.
Intuitivement, on comprend que plus les dirigeants et
administrateurs détiennent une part importante du capital, plus les
coûts d'agence sont réduits. Cependant on trouve des
études empiriques qui mettent en évidence un enracinement
managérial lorsque les dirigeants détiennent une part importante
du capital. Cela peut être préjudiciable aux autres
actionnaires dans la mesure où si l'entreprise a besoin
d'évoluer, de changer de métier, le manager en place n'aura peut
être pas les compétences nécessaires . D'autre part, plus
le manager détient une part importante du capital plus il est
isolé de la discipline imposée par le marché (voir le
chapitre 4) .
L'autre problème est lié au fait que le cours de
bourse d'une entreprise n'évolue pas uniquement en fonction des efforts
et de la qualité du travail des managers. Ainsi ces derniers vont
pouvoir réaliser des plus values parce que le ou les marchés sur
lesquels l'entreprise est positionnée sont en croissance, ou parce la
tendance générale est à la hausse . Inversement, ils
peuvent être victime de l'éclatement d'une bulle
spéculative. Tout dépend du moment où le manager
achète ses actions et des conditions dans lesquelles il a le droit de
s'en séparer.
Evoquons maintenant la question des stock options et autres
contrats d'incitation.
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