Chapitre 1 : Revue littérature de la croissance
économique
La croissance économique occupe l'esprit de nombreux
économistes depuis l'apparition d'Adam Smith et sa richesse des nations.
Les économistes utilisent le terme de croissance pour décrire une
augmentation de la production sur le long terme. François Perroux
(1903-1987) définit la croissance comme étant «
l'augmentation soutenue pendant une ou plusieurs périodes longues d'un
indicateur de dimension, pour une nation, le produit net en termes
réels. ». La croissance économique est très souvent
mesurée par des indicateurs économiques dont le plus
utilisé est le PIB (produit intérieur brut). Selon Simon Kuznets
(1901-1985), il y a croissance lorsque la croissance du PIB
est supérieure à la croissance de la population. Il est
mesuré « en volume » ou « à prix constant »
pour corriger les effets de l'inflation. Le taux de croissance désigne
la variation du PIB d'une année à l'autre. Cette variation est
surtout due à une interaction des déterminants de la croissance
économique. L'analyse de ces déterminants passe par
l'étude des variables explicatives de la croissance à travers des
modèles élaborés par des théoriciens de
l'économie.
La revue théorique et l'application de modèles
de croissance dans certains pays vont permettre d'avoir une meilleure
compréhension des déterminants de la croissance.
Section 1 : Revue théorique de la croissance
économique
Les origines de la croissance économique remontent
à l'époque de la première révolution industrielle
comme décrite dans la plupart des manuels de théorie
économique, d'histoire de la pensée économique et
d'histoires des faits économiques. Adam Smith (1723-1790) dans «
vertus de la division du travail » a initié le thème de la
croissance en 1776, qui réapparaîtra au 19éme siècle
dans les travaux de Malthus, Ricardo et Marx. Cependant les modèles
théoriques de la croissance connaissent un véritable
succès au 20ème siècle et aux années 50.
Les modèles postkeynésiens (Harrod-Domar) et néoclassiques
(Solow) ont introduit un véritable débat sur la question de la
croissance équilibrée. La croissance va connaître un nouvel
essor dans les années 70 et 80 sous l'impulsion des théoriciens
de la régulation et de la croissance endogène.
1.
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La théorie des classiques et l'analyse
Schumpétérienne
a. La théorie des classiques
La cause de la croissance économique a
été depuis plus de deux siècles une question primordiale
dans la scène économique. Adam Smith, Thomas Malthus (1766-1834),
David Ricardo et Karl Marx sont les véritables précurseurs de
cette réflexion.
- Adam Smith, dans ses recherches sur la nature et les causes
de la richesse des nations (1776), met en exergue le rôle de la division
du travail (surplus, marché, gains de productivité) comme facteur
de croissance. Cette division du travail se trouve renforcer par la
participation du pays au commerce international (théories des avantages
absolus). Selon Smith, la croissance dure tant que la division du travail et le
marché peuvent être étendus. Cet optimisme de Smith
apparaît à travers les traits d'une croissance
illimitée.
- Thomas Robert Malthus quant à lui, considère
dans son « Essai sur le principe de la population (1976) » que la
croissance est limitée à cause de la démographie
galopante. Il explique la misère en Angleterre par le décalage
entre deux lois : la loi de la progression arithmétique des subsistances
et la loi de progression géométrique de la population. Cette
politique a été adoptée par certains pays pour rehausser
leur taux de croissance.
- Dans ses « principes de l'économie et de
l'impôt (1817) », David Ricardo (1772-1823) affirme que la
croissance est limitée par les rendements décroissants. La valeur
ajoutée se répartit en trois agents : les propriétaires
fonciers (rente foncière), salariés (salaire de subsistance) et
les capitalistes (profit). Le profit des capitalistes est résiduel
c'est-à-dire qu'il intervient une fois que le salaire et la rente
foncière ont été payés. Ainsi il convient
d'augmenter la production agricole lorsque la population s'accroit. Or les
nouvelles terres mises en culture sont de moins en moins productives. De ce
fait le coût de la production va donc s'élever, entraînant
une hausse des salaires et de la rente foncière. Les capitalistes ne
seront plus incités à investir à cause d'une
réduction des profits et l'économie va atteindre un état
stationnaire. Ricardo préconise d'augmenter les gains de
productivité dans l'agriculture grâce au progrès technique
et de s'ouvrir au commerce international (théories des avantages
comparatifs).
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- Le premier modèle formel de croissance a
été proposé par Karl Marx à l'aide de ses
schémas de reproduction élargie. Selon Marx la croissance est
limitée dans le mode de production capitaliste en raison de la baisse
tendancielle des taux de profit. La concurrence entre les capitalistes et le
fait de vouloir une plus-value toujours plus importante (grâce à
la réduction des salaires dont Marx nomme le minimum de subsistance)
devraient provoquer une paupérisation des ouvriers et un arrêt de
développement du système capitaliste (crise).
Les économistes classiques pensent que la croissance
résulte seulement de l'accumulation du capital et les
déterminants de la croissance sont le travail, le capital et la terre.
La croissance commence par une accumulation primitive du capital causant donc
une augmentation de la main d'oeuvre qui, par la suite, entraîne une
hausse provisoire des salaires. Mais l'ajustement sur le niveau de subsistance
va s'opérer par la démographie. Plus il y a de travailleurs, plus
leur quantité de nourriture augmentent, ce qui pousse les producteurs de
blé à cultiver des terres de moins en moins productives et donc
accroître la fameuse rente mais aussi le prix du blé. Cette
augmentation du prix du blé entraîne une hausse du niveau de
subsistance des travailleurs et donc une diminution du profit. Le profit va
diminuer jusqu'à ce que l'investissement cesse occasionnant un
arrêt de l'accumulation du capital et de la croissance. Ainsi selon les
classiques, la croissance économique est limitée par les
rendements décroissants dans l'agriculture. Le modèle est donc
fondé sur l'idée d'une croissance limitée. L'histoire de
Robinson est un exemple patent pour comprendre cette croissance selon les
classiques.
«Robinson arrive sur une île déserte qui
possède toutefois des terres productives avec comme seuls atouts la
force de ses bras (le travail) et un sac de blé qui correspond au
capital. Il doit donc semer une partie de son blé pour pouvoir subsister
dans le moyen terme et en consommer une autre pour pouvoir subsister
aujourd'hui. Il doit donc opérer un arbitrage : quelle quantité
consommer maintenant et quelle quantité de blé (capital) semer
pour pouvoir récolter l'année qui suit ? Robinson opère
donc un arbitrage entre la consommation et l'investissement ici
considérée comme une offre et non une demande. Cet investissement
est à la base de la croissance économique et au fil des
années cet investissement va générer d'autres
investissement, c'est la croissance. En effet Robinson par son travail en
utilisant la terre augmente de plus en plus sa production de blé et donc
son investissement.
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Toutefois le stock de blé de Robinson s'accroît
de moins en moins vite. Plus il plante de blé plus le rendement de
chaque grain de blé est faible. Au bout d'un moment il se rend compte
qu'il ne doit plus augmenter ses investissements et donc la croissance
s'arrête à cause de ces rendements marginaux décroissants
». A très long terme il n'y a donc pas de croissance possible selon
les classiques. En effet, ils craignent une pénurie à long terme
dans l'idée d'une croissance déterminée par une
accumulation du capital qui est limitée.
Par contre dans certains extraits des oeuvres classiques, il
est démontré que cette limite de la croissance peut être
dépassée. Elle peut être dépassée par la
division du travail de Smith considérée comme déterminant
de base de la croissance économique. Dans le premier chapitre de la
« richesse des nations », Smith montre que la division du travail
prend aussi bien place dans l'entreprise qu'au niveau de l'économie
nationale avec la division du travail entre les firmes. L'idée de la
productivité par cette division permet une meilleure allocation du
travail. C'est donc un nouveau déterminant de la croissance. De plus,
Smith parle d'une habilité de l'artisan qui s'acquiert comme un argument
du gain de productivité ce qui peut se rapprocher du terme de capital
humain. Smith explique aussi que la division du travail est d'autant plus
objective que le marché est étendu.
L'analyse de Marx est aussi intéressante car elle
permet une autre vision classique de la croissance. Pour Marx le déclin
inéluctable de la croissance repose sur l'idée de rendements
d'échelle décroissants dans l'industrie et cela malgré le
progrès technique qui permet des plus-values extra. Mais ces nouvelles
plus-values ne permettent pas de compenser les baisses de rendements. De plus,
Marx a l'intuition que les institutions politiques et sociales ont un
rôle sur la production et rentrent dans les déterminants de la
croissance.
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