Les dispositifs d'encadrement du public du parc des Princes et leurs effets.( Télécharger le fichier original )par Mathieu Kerrien Université Paris-Est Marne-la-Vallée - Master Espaces, Sociétés et Territoires 2014 |
2. Une exclusion économique ?En plus d'utiliser des outils informatiques et administratifs, ce système d'exclusion assuré par les dirigeants du PSG prend une nouvelle dimension à la suite de l'augmentation régulière des prix des places. Lors de la saison 2013 - 2014, les prix des places étaient échelonnés entre 35 et 200 euros pour un match « classique », ce qui faisait du Parc des Princes le stade le plus cher de France et l'un des plus chers d'Europe97. Pour mon cas personnel, en l'espace de quatre ans, j'ai vu le prix de mon abonnement doubler. Le documentaire « Parc des Princes, Ultra(s) select » diffusé le 19 mars 2014 sur la chaine cryptée Canal Plus s'est intéressé à cette évolution. Cette politique parisienne s'explique par des préoccupations financières et une volonté de retour économique sur investissement. L'objectif des dirigeants du club est d'accroitre les recettes cumulées sur une année en prenant en compte tous les points de vente le jour du match (ventes de billes, ventes d'objets dérivés, ventes de boissons et nourritures), de 20% par rapport aux gains annuels du club. Le 19 mars 2014, jour de diffusion du reportage, les recettes des jours de match étaient évaluées à 53,22 millions d'euros ce qui correspondait à 13% du budget annuel. C'est aujourd'hui le 8e club européen en termes de recettes de match. Mais les dirigeants du club voudraient atteindre les 80 ou 100 millions de recettes exclusivement réalisées les jours de match sur une année sportive. Pour remplir cet objectif, la direction augmente les prix des places et privilégie indirectement un public plus aisé ayant une capacité à consommer plus importante. Par conséquent, l'accessibilité au Parc des Princes est restreinte en fonction du capital économique. De cette manière, le géographe Claude Mangin parle de « filtre socio-spatial »98. Selon une logique économique et hiérarchique, une distance sociale s'exprime à l'intérieur du stade par une distance spatiale. En effet, chaque tribune est associée à une politique de prix différente. Comme l'écrit le géographe dans le même article, c'est « la loi de la rente foncière appliquée au football ». En fonction du confort, du service proposé, de la densité de spectateurs présente, du champ visuel offert, la répartition des prix varie selon les secteurs du stade. De plus, du fait de l'augmentation régulière des prix des billets, on peut supposer que l'entrée à l'intérieur du Parc des Princes est un acte uniquement possible pour des personnes disposant un capital économique suffisant et que cela revient à distinguer différents profils sociologiques et économiques ; ceux qui peuvent aller au stade et les autres. Dans cette perspective, l'enceinte du stade marquerait une distance physique révélatrice d'une distance sociale. Par conséquent, la logique économique en vigueur à l'intérieur d'un stade démontrée par Claude Mangin pourrait être, dans le cas du Parc des Princes, transposée à l'extérieur de cette enceinte. Au Parc des Princes, l'augmentation des prix touche de fait toutes les tribunes sans exception. Certains médias n'hésitent pas à alerter leurs lecteurs et leurs auditeurs à ce propos et à dénoncer cette exclusion économique : en sélectionnant un public familial et consommateur, 97 Enquête de Foot, op cit., diffusé le 19 mars 2014. 98 Mangin C., « Les lieux du stade, modèles et médias géographiques », Mappemonde, n°64 ; avril 2001. URL : http://www.mgm.fr/PUB/Mappemonde/M401/Mangin.pdf 33 le risque à terme serait de voir disparaitre la culture populaire dans les stades de football. Pour attirer l'attention sur la fin d'un football démocratique et égalitaire, les Cahiers du football99 n'hésitent pas à parler de gentrification. Ce processus est caractérisé par le remplacement progressif, dans un espace donné, d'une population résidente par une autre, présentant des statuts sociaux et économiques plus favorisés. Cette définition, initialement appliquée au centre-ville100, est observable aujourd'hui dans de nombreux lieux. Le stade de football et le Parc des Princes sont souvent cités101 par les médias comme des lieux emblématiques du processus de gentrification. Les dirigeants du PSG veulent en effet développer la vocation mercantile du stade en augmentant le prix des places et en présentant de nombreux sponsors pendant et en dehors du temps du match. Des spots publicitaires sont ainsi déployés sur les deux écrans géants et sur les bandes qui séparent les différents étages. Pour assurer l'efficacité de ces dispositifs, les dirigeants du PSG recherchent un public capable de consommer un spectacle. Cette marchandisation du Parc des Princes est directement liée à la politique des prix qui entraine la venue massive de classes moyennes voire aisées et l'exclusion de catégories sociales plus modestes. Toutefois, sans avoir la possibilité d'avoir accès à des données officielles sur l'évolution de la composition du public du Parc des Princes sur plusieurs saisons, il est impossible de confirmer ou d'infirmer cette gentrification. |
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