5. La flexibilité des agents de
sécurité entre immobilité et mobilité
Cette mobilité est, en outre, réclamée
par une partie du public, parce que, paradoxalement, elle lui donne un
sentiment de liberté.
Dans un premier temps, elle est - comme nous l'avons vu
-encadrée par la structure physique du Parc des Princes et la
sectorisation des tribunes.
Dans un second temps, cette mobilité est largement
influencée par des dispositifs sécuritaires humains. Ceux-ci sont
très bien organisés. En m'appuyant sur les observations des
agents de sécurité autour et à l'intérieur du stade
et en me référant à l'entretien réalisé avec
Monsieur André, il apparaît que la majorité des services de
sécurité publics et privés sont immobiles. Par exemple,
les salariés de la société ACA Sécurité
« ne font que du statique » (Monsieur André). De
même dans l'avenue Général Sarrail, après le premier
barrage et au niveau du stade Jean Bouin (voir document 2 en annexe), on trouve
toujours des véhicules sécuritaires stationnés comme un
camion de CRS, des remorques de chevaux, des voitures de gendarmes avec
toujours une équipe en tenue, stationnée et prête à
intervenir.
De plus, cette immobilité est maintenue pour une grande
partie des agents pendant et après la rencontre. En effet, j'ai pu
vérifier qu'à chaque rencontre, certains d'entre eux sont
regroupés au niveau des vomitoires pour pouvoir intervenir rapidement.
Un des rares déplacements qu'ils doivent réaliser est une ronde
pendant la rencontre dans la tribune lorsque la foule est statique. A ce
moment-là, deux à trois fois par mi-temps pour les matchs les
plus importants, une équipe de quatre ou cinq vigiles fait le tour de la
tribune alors pleine d'un pas lent en observant attentivement le public.
Cette organisation sécuritaire humaine est
améliorée par une capacité d'adaptation renforcée
des différentes équipes. En effet, de nombreux agents changent de
mission en fonction de la temporalité du match. Puisque chaque mission
est spécialisée selon une zone d'intervention spécifique,
on confie à ces agents un nouvel espace d'action. Par exemple, les
personnes qui gèrent l'accès aux vomitoires au début du
match et à la mi-temps sont responsables de la sortie des tribunes
à la fin de la rencontre. Dans ce cas, les salariés d'ACA
Sécurité font en sorte d' :
« essayer qu'il n'y ait pas de bouchon, que les gens ne
stagnent pas dans les marches, que personne ne discute dans les marches et que
ça bloque. Ils vérifient que les allées soient
dégagées pour faire vider le stade le plus rapidement possible
sans forcer les gens. Ce n'est pas à la seconde près. On invite
les gens à sortir tranquillement parce qu'il y a toujours quelques
personnes qui restent en tribune à prendre des photos, à discuter
etc. Une fois que le stade est quasiment vide, on invite les derniers dans la
politesse à quitter les lieux »
(Entretien réalisé le 7 mai 2015 avec Monsieur
André dans les bureaux de son entreprise, ACA
Sécurité).
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On comprend alors que l'objectif principal est de fluidifier
le mouvement en vérifiant que personne ne reste dans les allées
de circulations. En guidant les personnes vers la sortie, l'agent
positionné à un vomitoire s'assure que les zones
réservées au mouvement soient libres. Justement, dans le stade,
chaque zone est attribuée spatialement en termes de mobilité, et
corolairement de sécurité. En effet, des lieux sont pensés
pour être statiques tandis que d'autres le sont pour se déplacer.
Par exemple, le règlement intérieur du Parc des Princes interdit
aux spectateurs « de se tenir dans les lieux de passage, les lieux
d'accès ou de sortie ou les escaliers »114. C'est ainsi
que j'ai pu observer plusieurs fois pendant les rencontres les vigiles au
niveau des vomitoires ordonner à certains supporters de ne pas
stationner sur les marches ou de rester debout dans l'allée principale
horizontale au milieu de la tribune. Ainsi, en attribuant des fonctions
spécifiques à certains lieux, la sécurité organise
le placement et le déplacement des spectateurs. Par conséquent,
cette présence humaine vient en complément à
l'architecture sécuritaire du stade. Les agents de
sécurité fluidifient la circulation du public parisien tout en
s'adaptant à la typologie du stade et de ses alentours.
De cette manière, certaines zones - y compris hors du
stade - acquièrent une fonction différente au cours du
déroulement du match. En effet, les stations de métro autour du
stade sont souvent des lieux d'accueil au début du match avec la
présence d'hôtes d'accueil à la sortie du métro au
niveau de la Porte de Saint Cloud. Au contraire, à la fin du match, ces
stations de métro deviennent des lieux très
contrôlés et très surveillés par des CRS et le
service de sécurité RATP. Même si je ne les ai jamais vu
intervenir, leur présence entretient un aspect dissuasif pour le public.
Par conséquent, on s'aperçoit que, d'une part, une même
personne peut changer de fonction en investissant un nouvel espace de travail,
et que, d'autre part, le rôle spécifique attribué à
un espace peut évoluer en fonction de la temporalité.
Finalement, la déambulation du public parisien est
surveillée et guidée sur une base territoriale constante depuis
les minutes qui précèdent jusqu'aux minutes qui suivent la
rencontre. Si le parcours est similaire entre le chemin de l'aller et celui du
retour, ces espaces fréquentés ont une fonction différente
et sont animés par d'autres acteurs. Le dispositif sécuritaire
humain est flexible selon les différents espaces et temps de
l'évènement.
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