Les dispositifs d'encadrement du public du parc des Princes et leurs effets.( Télécharger le fichier original )par Mathieu Kerrien Université Paris-Est Marne-la-Vallée - Master Espaces, Sociétés et Territoires 2014 |
IntroductionPourquoi et comment en suis-je arrivé à vouloir étudier les supporters du PSG ? Ma passion pour le football a commencé à se développer très tôt grâce à mon environnement familial et scolaire. Mes camarades de classe et moi pratiquions les mêmes activités dans les mêmes espaces : école, centre aéré, stade municipal, gymnase, club de football, etc. Le football constituait alors notre activité principale : on y jouait presque tous les jours. De plus, dès mes 5 ans, j'ai pu aller voir des matchs de football professionnel avec mon père et mon grand frère. Je me souviens d'un match PSG - Brest en 1997, un France - Croatie en 1999 ou encore du match entre le Red Star et l'Olympique Lyonnais (OL) pour le compte de la Coupe de France 2000. Les souvenirs précis que je garde de ces rencontres sont essentiellement des images, des bruits et des odeurs de tribunes et non du terrain de jeu. Tout en faisant attention au piège de la mémoire sélective, je m'aperçois aujourd'hui que dès mon enfance, j'avais un attrait pour les supporters. Je fus notamment très impressionné par le comportement d'un supporter du Red Star. Lorsque cette équipe menait au score contre Lyon, club de première division, le supporter en question chantait joyeusement. Suite à la défaite inattendue de son équipe en toute fin de match, il semblait n'avoir aucune gêne à invectiver debout son équipe, tout seul au milieu d'une foule calme et assise. Il contrastait tant par son propre changement de comportement que par la rupture engendrée vis-à-vis de la tribune toute entière. Son comportement véhément (il a détaché son siège et l'a jeté sur la pelouse) soulignait fortement l'opposition entre deux manières de se comporter face à un même spectacle. A mon entrée au lycée, je m'intéresse de plus en plus au supporterisme. Je me souviens avoir beaucoup aimé lire un livre en particulier : Génération supporters1 écrit par le journaliste Philippe Broussard. C'est une synthèse d'enquêtes de terrain du journaliste effectuées auprès de plusieurs groupes de supporters en Europe, dont la tribune Boulogne du Parc des Princes. En plus de conforter ma passion pour le football, cette lecture m'a permis de développer un nouveau regard sur cette activité. Je me suis alors rendu compte que le sport, et le football dans ce cas précis, constituait un support d'analyse parmi tant d'autres pour comprendre une société. Cette thématique m'a aidé à affirmer un esprit critique. Passionné par le football et grand amateur du PSG, je développe donc une curiosité et une certaine attirance pour les tribunes de football. Ces allers et retours entre les matchs du PSG et 1 Broussard P., Génération supporters, Robert Laffont, 16 octobre 1990, 376 pages. 5 le suivi de l'actualité de ses supporters (notamment grâce à l'intermédiaire des blogs sur internet) m'ont peu à peu converti en fan. J'émets deux hypothèses qui pourraient expliquer l'affection que j'ai commencé à porter pour cette équipe au lycée. D'une part en raison de son statut sportif : il s'agissait du seul club francilien évoluant à un haut niveau national. A la fin des années 2000, il rencontre d'importantes difficultés sportives, se situe au fond du classement de Ligue 1 et échappe par deux fois à la relégation en division inférieure. Ceci aurait pu constituer un drame pour l'unique club de la capitale française placée à ce niveau de compétition. D'autre part, sa situation extra-sportive à la fin des années 2000 place ce club au centre d'un débat sociétal sans précédent en France. Le 28 février 2010, des supporters du PSG des deux « virages »2 Auteuil et Boulogne s'affrontent violemment. Quelques jours après ces incidents, un supporter parisien meurt suites à la gravité de ses blessures. Cet évènement vient marquer des années de montées de tensions. Le PSG était alors un sujet d'actualité sportive et extra-sportive. L'année 2010 fut l'opportunité de me confronter à ce milieu. Elève en classe de terminal, je me lie d'amitié avec un camarade de classe abonné au PSG. Grâce à un contrôle alors laxiste à l'entrée du stade, il est facile de rentrer au Parc des Princes en empruntant la carte d'abonnement d'un autre abonné. Je me rends cette année-là plusieurs fois au stade gratuitement au sein des Authentiks, association de supporters organisés dissoute depuis. Ce fut l'opportunité de me confronter à une réalité fantasmée. C'est le déclic : je veux m'abonner également. Cependant, des affrontements criminels de quelques supporters ont conduit à la mise en place du « plan Leproux » en 2010 avec deux mesures principales : la dissolution de toutes les associations de supporters et la suspension des systèmes d'abonnement. Cette initiative a d'ailleurs conduit à l'élaboration d'un documentaire réalisé en 2013 par William S. Touitou et Jérôme Benadiner, très relayé dans le monde des supporters : Le Parc3. Il décrit l'ambiance vécue et ressentie au Parc des Princes avant la mise en place du plan de sécurité. La forme elliptique de l'enceinte associée à sa construction bétonnée produisent la singularité de ce stade. Comme l'écrit le journaliste Jérôme Latta, « scellé dans le tissu urbain qu'il domine, le Parc surgit au détour de la rue, jamais visible d'un seul tenant. Et on le reconnait entre milles stades »4. Afin de rendre «hommage et de sensibiliser à la cause ultra et à la disparition du football populaire »5, la parole est donnée à différents acteurs du Parc des Princes. Parmi ceux-ci, on entend le point 2 Le virage est le surnom donné aux tribunes situées derrière les buts. Ce surnom fait référence aux virages de la piste utilisée par les coureurs cyclistes. 3 Whenwewerekids (Touitou W S., Bendadiner J.,), Le Parc, 70 min, 2013. URL: https://www.youtube.com/watch?v=UCiD62DBAoA 4 Latta J., « Faudra-t-il sauver le Parc des Princes », Une balle dans le pied, 24 janvier 2012, disponible sur http://latta.blog.lemonde.fr/ 5 Propos de Jérôme Bénadiner, recueillis par F.V. Cette Interview a été rendue publique le 10 avril 2013. 6 de vue de leaders d'anciennes associations de supporters, de joueurs historiques du PSG (Pauleta ou Rai) ou encore de journalistes spécialisés comme Philippe Broussard ou Daniel Riolo, et enfin, de chercheurs spécialisés sur les supporters dont le sociologue Nicolas Hourcade. On apprend que d'anciens abonnés dont le producteur Jérôme Benadiner ne voulaient plus venir au stade car selon eux, l'identité du club a trop changé au moment de l'arrivée d'un nouvel investisseur. Ainsi, ce film disponible sur internet relie l'histoire du Parc des Princes à celle du PSG et ses supporters. A l'été 2011, un an après le « Plan Leproux », le fond d'investissement Qatar Sports Investiments (QSI) rachète le PSG et le propulse dans une nouvelle ère économique, médiatique et sportive. Une nouvelle page de l'histoire du club commence alors, qui se traduit par le rétablissement des systèmes d'abonnement. Je choisis de m'abonner au Parc des Princes. Cet abonnement m'a donné un accès illimité à la tribune Auteuil au niveau de la porte I, ce qui a facilité cette étude (voir document 1 en partie annexe). J'ai pu donc vivre l'expérience de l'intérieur et accéder à mon terrain sans difficulté. Cette année scolaire fut ma quatrième année en tant qu'abonné au Parc des Princes. Ainsi, mon travail universitaire s'appuie également sur les trois années précédentes. Celles-ci m'ont permises d'avoir dans un premier temps une opinion personnelle sur cet espace et sur les supporters. Puis, cette opinion s'est transformée en hypothèses de recherches. Il s'en est suivi une évolution de mon positionnement lorsque j'allais au stade. En effet, je n'étais plus un simple supporter mais également un étudiant curieux et attentif. Cette étude de terrain plus poussée qu'à l'origine, combinée à de nombreuses lectures m'ont permis de proposer une analyse sur les pratiques des supporters du PSG au Parc des Princes. Par conséquent, mes lectures sur le sport et le football en sciences humaines et plus particulièrement en géographie, associées à mon expérience de terrain, m'ont permis de me situer par rapport à mon champ de recherche. Etat de l'art Les chercheurs en sciences sociales sont conscients depuis plusieurs décennies de l'impact croissant du sport sur les populations. Certains auteurs comme le sociologue Norbert Elias ont notamment parlé de « sportification des sociétés »6. Le succès du sport apparait alors comme un des symboles de l'évolution des sociétés. Un indice permet de le montrer : aujourd'hui, il existe des chaines de télévision, gratuites comme L'équipe 21 et payantes comme Bein Sport, qui consacrent 100% de leur temps d'antenne au sport. Cette médiatisation a participé à la 6 Elias N., « Sport et violence », Actes de la recherche en sciences sociales. Vol. 2, n°6, décembre 1976. Le sport, l'Etat et la violence, pages 2-21. La citation est à la page 3. 7 construction du sport comme nouvel objet d'étude. De ce fait, le sport en général, les stades de football et les supporters en particulier sont de plus en plus étudiés par les chercheurs en sciences sociales. Concernant les stades, l'historiographie a montré que leur architecture a toujours su se diversifier (en termes de style et de matériaux utilisés) tout en imposant leur présence à l'environnement urbain occidental. Comme l'a indiqué le géographe Jean-Pierre Augustin7, les constructions d'équipements sportifs se sont multipliées au cours du XXe siècle jusqu'à devenir des éléments urbains indispensables. En effet, aujourd'hui, au même titre qu'un opéra ou une cathédrale, un stade devient un lieu incontournable pour manifester la grandeur d'une ville ou d'un territoire : il symbolise « l'hygiène, la santé et la morale »8 tout en conservant des représentations symboliques d'ordre et de puissance. En 2011, l'ethnologue belge Gérard Derèze, spécialiste en communication, s'est intéressé à la construction d'un stade comme un lieu socialement commun et partagé9. Dans cet article, il établit une chronologie. Les premiers stades datent de l'Antiquité grecque. A cette époque, ils pouvaient être délimités par des barrières naturelles avec le rassemblement des foules sur des pentes naturelles ou bien par simples talus artificiels. Puis, dès la fin du XIXe siècle, la construction des stades se diffuse au point de devenir un phénomène mondial. Peu à peu, ils répondent à de nouvelles demandes en termes de construction. Les pionniers en la matière sont les Anglais. Pour améliorer le confort et la visibilité des spectateurs, on installe en Angleterre les premiers systèmes d'éclairage dans les années 1950. Puis, à partir des années 1970, on installe des sièges individuels dans chaque tribune du stade pour éviter l'entassement du public debout. Mais les grands changements interviennent bien plus tôt, au tout début du XXe siècle : de plus en plus fermés et cloitrés, les stades sont mercantilisés. Cette nouvelle organisation permet le contrôle et le paiement des entrées. Aujourd'hui, la prise de conscience de la dimension économique du sport étant effective, on voit depuis peu une nouvelle tendance se développer dans les contours des enceintes de football : nombre d'entre eux sont maintenant multifonctionnels. Un stade est aujourd'hui pensé pour être un lieu de vie et un espace financièrement fructueux, y compris en dehors des manifestations sportives. Il tend à s'intégrer aux différents aspects de la vie quotidienne. De nombreux chercheurs, comme Norbert Elias ou l'historien Robert Chartier, semblent d'accord sur l'idée qu'il ne faille pas décontextualiser un stade de football de son ancrage social et spatial. En effet, le sociologue allemand s'est intéressé au sport sur un temps long. Par une étude comparative, il a cherché à comprendre comment le sport moderne a-t-il pu acquérir une telle notoriété. Dans cette démarche, il a montré que l'émergence des activités sportives avait pour corolaire la constitution des Etats-Nations et était donc symptomatique du processus de civilisation10. Eric Dunning, un disciple d'Elias, s'est intéressé aux supporters de football en poursuivant cette 7 Augustin J-P., Géographie du sport. Spatialités contemporaines et mondialisation, Armand Colin, 2007, Paris, 220 pages 8 Augustin J-P., « Aimez-vous encore les stades ? » Urbanisme, n°393, été 2014, Grands stades, en quête d'urbanité, pages 34-37. 9 Derèze G., « Le stade de football. Essai sur la construction sociale et journalistique d'un espace commun. », Études de communication, 1996, mis en ligne le 21 juin 2011, consulté le 18 juin 2015. URL: http://edc.revues.org/2437 10 Elias N., op cit., décembre 1976. 8 démarche comparatiste. En s'inspirant du contexte ouvrier anglais de la seconde moitié du XXe siècle, ce sociologue explique que les supporters, appartenant aux fractions ouvrières et impliqués dans des actes de violence expriment physiquement une frustration sociale face à la marginalisation de leur situation11. Ainsi, on se rend compte que le sport n'a qu'une autonomie relative à l'intérieur de nos sociétés contemporaines. Dernièrement, cette façon de concevoir le sport et ses pratiques comme dépendant d'un cadre de vie plus global est perpétuée par des chercheurs français. Nombreux parmi eux s'intéressent au sport pour étudier une société à différentes échelles. Se rendre régulièrement au stade est une manifestation personnelle de la passion ressentie par un supporter vis-à-vis de son équipe. Ainsi, le stade devient un lieu gravitaire où se polarisent différentes mobilités et différentes façons de d'occuper un même espace. Pascal Charoin, en tant qu'historien du sport et maître de conférences spécialisé dans les sciences et techniques des activités physiques et sportives, a étudié la distinction entre les supporters les plus fervents et le public ordinaire12. Selon ce chercheur, les plus fidèles à leur équipe sont présents dans le stade quelle que soit la conjoncture sportive. Ils vivent le match selon une temporalité particulière : ils se retrouvent longtemps avant et se quittent longtemps après le match. Ainsi, « le rituel débute bien avant la rencontre et perdure bien après elle »13. Cette habitude partagée par bons nombre de fervents supporters est confirmée par l'anthropologue Eric Wittersheim. Dans son livre Supporters du PSG, une enquête dans les tribunes populaires14, l'auteur fait une enquête sur un groupe de jeunes étudiants abonnés à la tribune Boulogne entre 1993 et 1995. A ce moment-là, il porte un intérêt particulier pour les plaisirs quotidiens et populaires. Dans cet ouvrage, il retrace une « soirée typique de supporters, un soir de match au Parc des Princes »15. Celle-ci commence généralement à 18h alors que le coup d'envoi du match est prévu pour 20h30. Cette préparation anticipée s'explique par le désir de se retrouver entre amis avant de pratiquer une passion commune. Cette démonstration permet à l'auteur de mettre en avant la nature collective de l'expérience du stade pour les fervents supporters. En somme, le stade de football est un lieu où se concrétisent les liens tissés entre une population hétérogène et une équipe de football selon un régime d'attachement caractérisé par des « forces conservatrices » pour reprendre les mots du sociologue allemand Georges Simmel16. Parmi celles-ci, le stade de football, représente le lieu d'activité des joueurs d'une équipe professionnelle et de rassemblement des supporters. Il constitue la ressource matérielle principale en tant qu'espace fédérateur. Cette permanence du lieu concrétise une forme d'adhésion à une ville par l'intermédiaire du sport et de son espace d'activité. En effet, aller 11 Wittersheim E., Genèses, 1996, Volume 23, Numéro 1, pages 164-165. 12 Charroin P., « Attention danger ! Football extrême Contribution à une Sociologie des supporters `Ultras' », revue S.T.A.P.S., Volume 11, n° 23, novembre 1990, pages 19-27. 13 Ibid. 14 Witthersheim E., Supporters du PSG, une enquête dans les tribunes populaires du Parc des Princes, Le bord de l'eau, novembre 2014, 150 pages. 15 Ibid. La citation est à la page 81. 16 Simmel G., Etude sur les formes de socialisation, 1908 (rééd), 780 pages. 9 régulièrement au stade, c'est entretenir un rapport spécial à la ville en fonction des habitudes, des itinéraires empruntés (route utilisée, place choisie habituellement, station de métro de descente déplacement, pédestre pour rejoindre le stade etc.). Ces « chaines d'opérations »17 répétées personnifient le club en fonction des configurations sociales du public. C'est ainsi que Marion Fontaine a montré en 2010 que le spectacle se nourrit et s'incarne sur une base territoriale en établissant un dialogue avec une communauté imaginée18. En prenant l'exemple de la ville de Lens, elle a montré que dans la première moitié du XXe siècle, des supporters Lensois se rassemblent entre collègues. Dans le cas lensois, les tribunes du stade reflètent l'environnement local. C'est également vrai à Marseille. En effet, Christian Bromberger a démontré que la géographie sociale de la ville de Marseille se reflétait à l'intérieur du Vélodrome19 (stade dans lequel joue l'Olympique de Marseille). En effet, la Tribune Nord rassemble globalement des personnes issues des quartiers populaires du nord de la ville tandis que la tribune Sud accueille plus spécifiquement les personnes en provenance des quartiers résidentielles des arrondissements situés au Sud de Marseille. Par conséquent, que ce soit l'exemple lensois ou marseillais, un stade de football est une « carte de la ville en réduction »20. Le stade est ainsi l'espace où se réunissent et se croisent des individus aux parcours différents et parfois opposés. Ils ne sont pas forcément côte à côte. En effet, la construction architecturale d'un stade en forme d'ellipse ou de cercle entraine une sensation étrange : dans son champ de vision, on voit le terrain mais aussi les autres tribunes. Ainsi, une personne située dans un virage aura une vision de sa propre situation en observant le second virage situé de l'autre côté du terrain (voir document 1 en annexe). A travers ces deux espaces, on se voit soi-même. Comme l'a présenté Eric Wittersheim, le spectacle footballistique est une activité sportive qui concentre des populations hétérogènes : les « tribunes accueillent toutes sortes d'individus (âge, origine sociale et raciale), le prix des places plus ou moins élevé établissant bien entendu d'importants contrastes de population dans chacune d'entre elles »21. Par ce biais, assister à une manifestation sportive comme un match de football est une manière pour une société de représenter tous les paradoxes qui l'entourent : l'unité, la cohésion, la solidarité mais aussi les divisions et conflits. En ce sens, une tribune est un condensé d'une société. De ce fait, elle est un angle de vision pour observer et comprendre une société. Toutefois, le football est historiquement investi par les classes populaires jusqu'au point où elles semblent dominantes numériquement et sociologiquement. Ainsi, les classes populaires forment le socle dominant des amateurs de football. C'est pourquoi des chercheurs comme Norbert Elias et Eric Dunning se sont penchés sur l'étude des supporters de football en s'intéressant plus particulièrement aux classes populaires22. 17 Dérèze G, op cit., 1996. 18 Fontaine M., Le Racing Club de Lens et les « Gueules noires », essai d'histoire sociale, Paris, Les Indes savantes, 2010, 292 pages. 19 Bromberger C., « Le stade de football: une carte de la ville en réduction », Mappemonde, n°289, 1989, Pages 37-40. 20 Ibid 21 Witthersheim E., op cit, novembre 2014. La citation est aux pages 66-67. 22 Elias N, Dunning E., Sport et civilisation. La violence maitrisée, Paris, Fayard. 10 La littérature anglaise s'est intéressée à ce groupe social que constituent les supporters, bien avant les chercheurs français. Le sport en Angleterre est aujourd'hui plus intégré aux différents moments de la vie quotidienne. C'est pourquoi, en Angleterre, une étude sur le sport en sciences sociales semble plus légitime et les connaissances scientifiques sur le sport sont plus approfondies. L'intérêt des Anglais concernant le sport est donc plus important. Ceci est d'ailleurs confirmé par la couverture médiatique qui lui est consacrée. En Angleterre, il existe plusieurs quotidiens consacrés au sport alors qu'en France, un seul quotidien sportif existe : le journal L'équipe. Le monopole de ce journal consécutif à cette situation a pour conséquence l'absence de voix discordantes en France susceptible de pouvoir proposer une autre vision23. Dans les années 1970, les premiers travaux anglophones sur le football stigmatisaient le monde des supporters. Ils pointaient du doigt le hooliganisme le considérant comme un objet de curiosité. Peu à peu, les supporters sont devenus un objet d'étude scientifique. Je ne parle pas et ne sais pas lire l'anglais. Par conséquent, je n'ai pu lire aucun travail écrit en anglais lors de cette étude. Compte-tenu du statut britannique dans la littérature sportive internationale, cette barrière linguistique constitue une limite. L'anthropologue Eric Witthersheim dresse un bilan de l'historiographie française en sciences sociales ayant étudié les praticiens du football.24 A l'intérieur du premier chapitre, « Football et sciences sociales : histoire d'un malentendu »25, cet auteur critique en premier lieu le recours excessif à l'art de la métaphore religieuse. Il y avait alors l'utilisation de « procédé métaphorique nuisant » la « volonté scientifique »26. Parmi ces égarements littéraires, on peut citer l'ethnologue Marc Augé qui écrit en 1982 : « la télévision serait un autel domestique devant lequel on se place pour participer à la célébration d'un même rituel »27. Le fond de la critique réside dans ce cas à l'abus langagier qui ne repose pas sur une enquête empirique. Puis, les travaux français présentaient le football comme une matière susceptible de détourner le regard des spectateurs de leur propre condition. Alors, ce sport a longtemps été réduit à un spectacle illégitime lors duquel le public serait passif. Parmi ses analyses, E.Witterhseim dénonce l'article du sociologue du sport Michel Caillat intitulé « Une aliénation normalisée »28. Cette thèse, partagée par de nombreux intellectuels comme Bourdieu29, voudrait que le public qui assiste à un spectacle passivement soit en fin de compte asservi, comme endormi. Dans le même esprit, pour le sociologue Henri Lefebvre le spectacle sportif ne serait en réalité qu'une tendance à « participer à l'action et faire du sport par personnes 23 Cochennec Y., «La misère sportive des quotidiens nationaux français », Slate, 24 février 2011. URL : http://www.slate.fr/story/34533/equipe-presse-sport 24 Witthersheim E., op cit., novembre 2014. 25 Ibid. Le premier chapitre se situe entre les pages 25 et 63. 26 Ibid. Les citations sont à la page 26. 27 Augé M, « Football. De l'histoire sociale à l'anthropologie religieuse », Le Débat, n°19, 1982, pages 59-67. 28 Caillat M., « Une aliénation normalisée », Le Monde Diplomatique, juin 1994, page 22. 29 Bourdieu P., « Pour une sociologie du sport », Choses dites, Paris, Editions de Minuit, 1987, pages 203 -216. 11 interposées »30. De tels propos semblent représentatifs d'une vision quelque peu réductrice du spectacle sportif dans laquelle les publics ne seraient que des consommateurs passifs uniquement capables d'idolâtrer les stars sans prendre de recul. Le stade serait alors un lieu de fermeture de l'esprit. Comme le mentionne ironiquement E.Wittersheim, si on suit ce mépris pour une culture illégitime, on peut également affirmer que les habitués des salles de cinéma ne sont en réalité que des cinéastes ratés31. Par conséquent, l'anthropologue critique les thèses de dépossession culturelle diffusées dans les sciences sociales françaises. Toutefois, on ne peut réduire l'ensemble des travaux en sciences sociales françaises à ces analyses. Au contraire, de nouveaux points de vue ont émergé à partir de la fin des années 1980 pour défendre la légitimité du sport en sciences sociales. Parmi ceux-ci on trouve Christian Bromberger. Lors de cette décennie, il a commencé à s'intéresser aux pratiques et aux loisirs de la vie quotidienne. C'est ainsi qu'en 1987, il a commencé à mener des recherches sur le football en raison de la ferveur populaire qui l'entoure32. En 1995, avec la collaboration de A. Hayot et J.-M. Mariottini, il publie Le match de football. Ethnologie d'une passion partisane à Marseille, Naples et Turin. Ce livre33, réédité en 2001 est efficace pour montrer la capacité du football à dévoiler les pratiques quotidiennes, collectives et sentimentales attachées à une passion. En outre, il a influencé d'autres chercheurs comme l'anthropologue E.Witthersheim34 ou le géographe Jean-Pierre Augustin35 pour étudier les sentiments d'appartenances et les antagonismes au sein d'une même société. Alors qu'en sociologie et en ethnologie, le sport fut régulièrement analysé dès les années 1980, il a fallu attendre les années 1990 pour qu'il soit réellement construit comme un objet à part entière dans la discipline géographique. Les prémices datent de la fin des années 1960 avec notamment les travaux de l'urbaniste Antoine Haumont36. Ce géographe influence encore de nombreux chercheurs dont Jean-Pierre Augustin. Ce dernier explique dans son livre Géographie du sport. Spatialités contemporaines et mondialisation publié en mai 2007 comment le sport façonne nos modes de vies et l'aménagement des villes. L'analyse de « cet idiome mondial »37 en géographie permet alors de révéler les dimensions spatiales des différentes cultures sportives. Sa pratique sur l'ensemble de la planète est riche de diversité. En effet, l'appropriation des activités sportives et de l'espace sur lequel ces dernières se pratiquent sont différenciées selon plusieurs critères. Parmi ceux-ci, il y a par exemple l'histoire du sport en lui-même et la temporalité de sa diffusion dans un lieu donné. En prenant l'exemple du cricket, Jean-Pierre Augustin montre qu'il ne se pratique pas de la 30 Lefebvre H., Critique de la vie quotidienne III, De la modernité au modernisme (Pour une métaphilosophie du quotidien), Editions de l'Arche, 1981. 31 Wittersheim E, op cit, novembre 2014. Ce passage est à la page 37. 32 Bromberger C., « L'Olympique de Marseille, la Juve et le Torino. Variations ethnologiques sur l'engouement populaire pour les clubs et les matchs de football », Esprit, avril 1987, Le nouvel âge du sport, pages 174-195. 33 Bromberger C., Le match de football. Ethnologie d'une passion partisane à Marseille, Naples et Turin, Paris, Editions de la Maison des Sciences de l'Homme, 1995, 406 pages. 34 Witthersheim E, op cit, novembre 2014. 35 Augustin J-P., op cit, été 2014. 36 Haumont A., Les équipements sportifs dans la Région Parisienne, 1969, Paris, ISU/Districts de la Région Parisienne, 205 pages. 37 Augustin, op cit, 2007, 220 pages. La citation est à la page 5. 12 même façon en Inde et en Europe. En effet, ce sport s'est diffusé en Inde suite à la conquête coloniale britannique. Ainsi, avec certes des modifications, la pratique du cricket en Inde s'est largement adapté à la pratique anglaise dans un cadre assimilationniste. Ainsi, le géographe montre qu'une société s'approprie une pratique en fonction de sa culture, son histoire et son identité. D'ailleurs, Jean-Pierre Augustin appuie l'idée que le territoire est modelé par des pratiques identitaires. Le territoire devient ainsi un « médiateur »38 ; Dans ce sens, il montre que les bénéfices du sport en termes de rassemblement collectif et d'épanouissement individuel, engendrent des processus d'identification au territoire à l'intérieur desquels, il devient un « régulateur social »39. L'émergence de ces différents lieux, ré-agence l'espace et ses usages. En découle ainsi de nouveaux rapports à celui-ci et de nouvelles représentations : « on peut parler des territoires qui nous habitent autant que de territoires que nous habitons »40. L'apport d'Augustin sur cette idée consiste à combiner les échelles : la mobilité accélérée et prolongée dans la distance complexifie les rapports à l'espace. Chose appuyée par le fait que de plus en plus de lieux sportifs se transforment en centres sportifs dont l'ambition est d'accueillir plusieurs activités sportives différentes. Pour ces raisons, Augustin évoque la notion de « multiterritorialité »41. Elle pourrait se définir par une appropriation plurielle d'un même espace par différents acteurs. Cette dernière résulterait alors d'une diffusion des cultures sportives. La démarche de Jean-Pierre Augustin se fonde sur les théories de l'aménagement et les activités culturelles et économiques du sport. La géographie est une science attachée au point de localisation grâce à laquelle on peut étudier les parcours des individus et ainsi évaluer leurs déplacements dans l'espace. Jean-Pierre Augustin s'appuie alors sur les mobilités accélérées des citadins contemporains pour expliciter la notion de médiation territoriale entre les sociétés humaines et les activités sportives. Il démontre que les espaces attribués à la pratique sportive (stade, gymnase municipaux par exemple) se multiplient, se diversifient et s'étendent. Ainsi, on assiste à une extension spatiale progressive des espaces et des équipements dédiés aux pratiques sportives qui entraînent des fréquentations multiples et variées dans des lieux parfois inconnus par ceux qui les fréquentent. Dans mon propre cas, je fréquente régulièrement le XVIe arrondissement de Paris sans autre motif que d'assister aux matchs du PSG. En conséquence, j'ai développé une attache particulière à ce quartier. Ces dialogues répétés entre un espace et l'organisation régulière de compétitions ou activités sportives entraînent une polarisation spatiale des individus concernés par le sport vers ces lieux. 38 Augustin J-P, op cit, 2007, 220 pages. La citation est à la page 10. 39 Ibid. La citation est à la page 10. 40 Ibid. La citation est à la page 11. 41 Ibid. La citation est à la page 11. 13 Aujourd'hui les débats sur les identités et les cultures qui s'opposent dominent l'actualité et tendent à renforcer les fractures sociales. Face à ce constat, Jean-Pierre Augustin42 présente le sport comme étant l'un des seuls moteurs capable d'engendrer une émulation collective à l'échelle mondiale. Il constitue alors le premier facteur de rassemblement. Dernièrement, en s'appuyant sur des enquêtes de terrain, des chercheurs comme Eric Witthersheim43, Marion Fontaine44 ou Bérangère Ginhoux45 mettent en avant la complexité culturelle du supporter de football au sens large. En effet, ils mettent en évidence la quête de visibilité des supporters de football réunis au sein d'associations caractérisées par une organisation interne hiérarchisée. Celles-ci arborent un blason, des couleurs, une identité, emblématique d'une histoire. Une des actions de ces supporters consiste à élargir leur espace d'activité : la ville est le support physique d'une compétition symbolique entre les différentes associations d'une même équipe. Le tout est intégré à une philosophie libertaire : ces associations défendent leur autonomie vis-à-vis du club et une liberté d'expression ce qui renforce la figure démocratique du sport et du spectacle. En effet, selon Marion Fontaine, la professionnalisation du football tend à écarter de plus en plus l'espace social présent entre les différents acteurs du milieu footballistique : les supporters et les joueurs. Ainsi, ces associations de supporters structurent leur propre fonctionnement et organisent leurs propres activités en parallèle à l'institution qu'ils défendent. Le stade serait pour les supporters un lieu de camaraderie où la liberté d'expression - que ce soit en termes de chants, de slogans écrits ou de dessins sur les grandes banderoles - est défendue avec passion. Ces publics manient l'humour et la distanciation ce qui façonne leur esprit critique tout en étant très engagé dans leur démarche. La tribune devient même une base territoriale identitaire aux différents groupes de spectateurs. En référence aux tribunes anglaises, la tribune de football populaire située derrière les buts est alors un espace de concrétisation d'une sous-culture46 où il est possible d'observer « quelques valeurs authentiquement prolétarienne comme l'appartenance à une communauté et le sens du territoire... »47. Le sociologue Nicolas Hourcade, observateur spécialisé des ultras, appuie les enquêtes des chercheurs cités précédemment48 mais s'intéresse quant à lui aux manières dont sont considérés les supporters de football en France à l'échelon local (par les dirigeants des clubs) et national (par les dirigeants du football français). Dans ses nombreux articles, il déplore la répression sévère mise en place à l'égard des supporters de football au nom de la « tolérance 42 Augustin J-P., op cit, 2007, 220 pages. 43 Wittersheim E., op cit., novembre 2014. 44 Fontaine M., op cit., 2010. 45Ginhoux B., « En dehors du stade : l'inscription des supporters « ultras » dans l'espace urbain », Métropolitiques, 13 mai 2015. URL : http://www.metropolitiques.eu/En-dehors-du-stade-l-inscription.html 46 Dans le sens de culture imbriquée dans une autre plus large et plus diffuse. Ici, la culture du supporterisme est historiquement reliée à une culture ouvrière. 47 Mignon P., « Supporters et hooligans en Grande Bretagne depuis 1871 », Vingtième siècle. Revue d'histoire, n°26, avril-juin 1990, pages 37-47. 48 Hourcade N., « Hooliganisme : un phénomène pluriel », La Revue Internationale et Stratégique, no 94, 2014, pages 127-134. 14 zéro »49 et décrit les nouvelles politiques mises en place dans le cadre de l'EURO 2016 qui aura lieu en France. A cette occasion, la rénovation des stades de football est le moment opportun pour changer le standing d'accueil de son public. Dans le même temps, les responsables sportifs et politiques envisagent de changer les normes en place à l'intérieur des stades : remplacer le public contestataire et actif par un public familial, docile et consumériste. Son apport est considérable dans le sens où il questionne la place des supporters dans le monde du football aujourd'hui50. Les supporters du PSG au sein d'un contexte multiscalaire Les supporters parisiens présents au stade, quels que soient leur statut et leur degré d'adhésion, sont inscrits à l'intérieur d'un triple contexte. Premièrement, la situation actuelle du PSG est caractérisée par une suite d'évènements comparables sous certains rapports à ce qu'avait connu le football anglais dans les années 1980 - 1990. Des violences urbaines liées au football étaient fréquentes et sont devenues un sujet national à la suite du drame du Heysel51. Des mesures répressives, politiques et judiciaires, ont été menées pour faire face aux supporters turbulents à l'intérieur de ce qu'on a appelé la « tolérance zéro » : sanction sévère et « aveugle »52 au moindre fait contraire aux lois. Parmi celles-ci, il y a eu l'invention des Interdits Administratifs de Stade (IAS) par un ministre anglais sous Margaret Thatcher. Encore appliqué aujourd'hui, un IAS est une personne présentée comme potentiellement dangereuse pour le public. Le préfet a l'autorisation d'interdire un supporter de se rendre dans un stade de football si la police estime qu'il « constitue une menace pour l'ordre public ». L'existence du délit repose alors sur des suspicions. Cette estimation s'appuie sur un jugement arbitraire et non judiciaire : il n'est pas nécessaire d'établir d'enquête et de fournir des preuves du délit. Ces mesures furent accompagnées d'une campagne de modernisation des structures du football anglais, avec comme ligne de mire l'EURO 1996 qui eu lieu en Angleterre. Pour financer ces travaux, les dirigeants du football anglais ont augmenté le prix des places. Dans certains stades, en 20 ans, d'après le journal hebdomadaire L'express, les prix des places pour aller voir un match ont été multipliés par 1053. Ces recettes ont permis de faire venir de grands joueurs voire des vedettes, d'hausser le niveau de jeu et la qualité du spectacle proposé. Cette 49 Afin de ne pas voir des récidives et une escalade de la violence, les autorités punissent sévèrement les coupables à la moindre infraction sans prendre en considération des circonstances atténuantes. 50 Hourcade N., « La place des supporters dans le monde du football », Pouvoirs, n°101, avril 2002, pages 75-87. 51 Lors de la finale de Coupe d'Europe 1985 entre le FC Liverpool et la Juventus de Turin, des supporters Anglais envahissent une tribune de supporters Italiens créant une bousculade. Sous la pression, une partie de la tribune s'effondre causant 39 morts et 454 blessés. 52 Fleurot G., Episode 1 : « Moi, ancien interdit de stade... », La France a-t-elle un problème avec ses supporters ?, L'équipe Stories, 16 mars 2015. 53 Fonteneau T., « Les limites du modèle anglais », L'express, publié le 05 mars 2010 à 19h23. URL: http://www.lexpress.fr/actualite/sport/les-limites-du-modele-anglais_853306.html 15 réalité économique est d'autant plus importante en Angleterre que les clubs anglais contrairement aux clubs français, sont propriétaires de leur stade. Les recettes emmagasinées sont alors intégralement conservées par les clubs. C'est le modèle du « football business » : dans le sens commun, cela signifie que chaque secteur placé sous la tutelle d'un club doit être capable d'augmenter les recettes financières annuelles. Les stades de football, en tant que propriétés privées, abritent dorénavant des hôtels, des musées, des magasins et sont ainsi devenus des lieux marchands et commerciaux comme les autres. Ils n'échappent donc pas à cette règle. Ils sont transformés peu à peu comme en lieu de vie à part entière où des services lucratifs sont proposés. Par exemple, des visites du stade sont organisées tous les jours lors desquelles il est possible de prendre des photos officielles et payantes. Ce lieu est alors inséré dans le quotidien des riverains et amateurs de football. Ces nouveaux centres commerciaux doivent pouvoir accueillir un public durant un laps de temps supérieur à la durée d'un match de football habituel, soit une heure et demi. Cette évolution constitue un levier en termes de développement économique. Dans un second temps, l'arrivée à l'été 2011 du fond d'investissement souverain de l'émirat du Qatar à la tête du PSG a fait entrer ce club dans une nouvelle ère. Afin de moderniser le PSG et d'atteindre la visibilité des grands clubs européens, les nouveaux dirigeants s'inspirent du plan de développement anglais. D'ailleurs, ce modèle est développé dans les grands clubs européens qui cherchent une reconnaissance mondiale et une hégémonie sportive nationale. On trouve ces processus avec plus ou moins de différences, à Madrid, Barcelone, Munich etc. Par exemple, le PSG et la préfecture de Paris appliquent la règle des IAS54 et le club de la capitale prévoit de construire une grande place commerciale dédiée au club à quelques pas du stade. De plus, la France accueillera et organisera l'EURO 2016. A près d'un an du début de la compétition, les dirigeants français cherchent à renouveler un nombre important d'équipements sportifs dédiés au football en France pour répondre aux normes de l'Union of European Football Associations (UEFA). En plus d'accroitre ultérieurement les retombées financières pour les clubs professionnels, cette initiative est l'occasion, dans un premier temps, de pacifier un public considéré par les autorités comme « nuisible »55 ; dans un second temps, de sélectionner un public pacifié qui se rend au stade de football. Pour cela, au niveau national et local, une politique répressive et sécuritaire est appliquée afin de contrer les potentiels débordements. Ces politiques viennent en réponse aux troubles causés à la fin des années 2000 et notamment après la mort d'un supporter parisien en 2010. Le 3 et 4 février 2015, lors du séminaire annuel de la Division Nationale de Lutte contre le Hooliganisme (DNLH)56 qui avait lieu au siège de la Fédération Française de Football (FFF), le président de la Ligue Française de Football (LFP), Frédéric Thiriez assume et soutient cette idée lors d'un discours sécuritaire : « La meilleure prévention, c'est quand même la peur du 54 Selon le quotidien sportif L'Equipe, il y aurait 370 IAS Parisiens au jour du 16 mars 2015. 55 « Face aux supporters, les trois chaises vides du football français », L'équipe, publié le 12 février 2015 à 11h50. URL : http://www.lequipe.fr/Football/Actualites/Trois-chaises-vides-face-aux-supporters/535780 56 La DNLH est un organisme qui a été créé en 2009 pour coordonner la lutte contre la violence dans les stades. 16 gendarme et la crainte de la répression. Quitte à apparaître comme un président de la Ligue sécuritaire, ce qui ne me gêne pas du tout, je suis décidé à poursuivre cette politique de tolérance zéro envers la violence. » Cette tolérance zéro dont parle le représentant des présidents de tous les clubs professionnels français est alors l'objet qui distingue fortement le PSG des autres clubs français. Pour cette raison, une étude sur la sécurisation du Parc des Princes et l'évolution des pratiques des supporters du PSG aujourd'hui est singulière compte tenu du contexte qui entoure le club parisien. Ainsi, troisième élément de contexte, la situation des supporters du PSG apparaît très fortement médiatisée. Depuis plusieurs décennies déjà, le PSG est connu pour plusieurs critères. Parmi ceux-ci, on retient l'empreinte laissée par les supporters du club. Celle-ci est à la fois positive et négative. En effet, comme le relate le documentaire Parc, certains supporters et certains journalistes présentaient le Parc des Princes comme le stade ayant la plus belle ambiance de France : « Je suis désolé pour les autres supporters mais j'ai été un peu partout en France, tous les joueurs le disent, et c'est une réalité, c'était au Parc des Princes qu'il y avait la plus belle ambiance » (Interview du journaliste Daniel Riolo à la 6e minute du reportage). Cette ambiance se définissait comme une atmosphère chaleureuse dans laquelle le public était très proche du terrain. La sonorité des chants est renforcée et magnifiée par l'architecture en forme de cuvette du toit. Ceci entraine alors une résonnance unique en France. En revanche, l'aspect négatif, est associé au conflit très dur qui oppose la tribune Auteuil et la tribune Boulogne. Pendant plus de dix ans, une « union sacrée » pacifique se manifeste entre ces associations. Au cours des années 1990 et jusqu'au début de la décennie suivante, la collaboration entre les deux virages est réelle. L'ambiance à l'intérieur du stade entre les associations des différentes tribunes est alors passionnelle. A ce moment, la rivalité est principalement centrée sur les supporters adverses et plus particulièrement sur les supporters de l'Olympique de Marseille (OM). Puis, au début des années 2000, des affrontements éclatent entre différentes associations et s'enveniment petit à petit. La composition sociale et l'histoire de ces deux tribunes peuvent aider à comprendre l'antagonisme qui les séparait. La tribune Boulogne était connue pour être composée d'individus essentiellement blancs, politiquement de droite. Certains ont même été catalogués comme personnes « se revendiquant d'une idéologie d'extrême droite ou appartenant à des groupuscules néonazis »57. Elle fut inspirée par le modèle du hooligan anglais. Le hooligan revendique une indépendance vis-à-vis du club et par l'absence de toute structure associative. Pour défendre leur équipe et un sens territorial fort, ils n'hésitaient pas à prôner la violence. Comme le décrit Bérangère Ginhoux58, la rivalité entre les associations dépasse le cadre spatial du stade et le cadre temporel du match : elle s'inscrit dans une compétition urbaine. Ainsi, ces individus 57 Bodin D., Héas S. et Robène L., « Hooliganisme : De la question de l'anomie sociale et du déterminisme », Champ pénal/Penal field [En ligne], Vol. I | 2004, mis en ligne le 01 mars 2004, consulté le 18 juin 2015. URL : http://champpenal.revues.org/25 ; DOI : 10.4000/champpenal.25 58 Ginhoux B., op. cit., 2015. 17 manifestent un attachement au territoire qu'est leur tribune selon un « marquage symbolique »59 fait de graffitis, de tags et de stickers. Ces inscriptions urbaines s'étendent au-delà de la tribune et constituent le support d'une compétition entre les différents groupes. Ces derniers sont informels et affichent un soutien à leur équipe sans porter les couleurs ou les symboles à l'effigie du club. On parle alors de mode voire de phénomène casual. Afin de ne pas être repérés par la police, ces groupes de supporters adoptent un style vestimentaire neutre et décontracté pour passer inaperçu au sein du public. Sauf que, l'implantation de plus en plus marquée du football dans les différentes sociétés européennes associée aux échanges culturels réguliers entre supporters adverses compte tenu de leurs déplacements lors des compétions internationales et des parrainages entre associations, ont conduit à médiatiser ce mouvement vestimentaire et culturel. Ce mouvement d'origine anglaise très développé entre les années 1970 et 1990 s'est donc exporté en Europe avant d'être obsolète aujourd'hui. La tribune Boulogne, d'inspiration anglaise, s'est inscrite dans ce modèle. Le kop of Boulogne, nom anglicisé, nait en 1978. C'est alors la première association de supporters Parisiens. Le virage Auteuil nait en 1991 à la suite de la création de sa première association lors du rachat du PSG par la chaine télévisée Canal Plus. Ces propriétaires voyaient d'un mauvais oeil le nombre de supporters de plus en plus important réunis au sein des associations de Boulogne. L'objectif était alors de contrer l'augmentation de la violence à Boulogne en proposant une alternative. La tribune Auteuil choisit le supporterisme ultra italien comme référence. Ce modèle est né en Italie pendant les années 1960. Les ultras se définissent comme de vrais supporters car ils animent la tribune par leurs chants et leurs banderoles, leurs tifos (grand dessin qui fait office de chorégraphie visuelle pour décorer la tribune et délivrer un message) sans interruption. L'ultra est acteur du match durant toute la rencontre. Tout comme les hooligans anglais, il arrive également que ces supporters fassent appel à la violence dans l'optique de se faire respecter par les supporters adversaires60. En 2003, plusieurs associations de la tribune Auteuil fêtent leur 10 ans d'existence et cherchent à créer une entité qui serait au-dessus des collectifs afin d'avoir plus de poids au près des dirigeants du PSG. Cette ascension de la tribune Auteuil est venue contrebalancer le poids historique de la tribune Boulogne et s'est soldée par le début des tensions. Depuis, la scission entre ces deux tribunes n'a fait que s'accentuer, les débordements entre supporters parisiens se sont additionnés et amplifiés allant jusqu'à la mort d'un supporter en 2010. Le président de l'époque, Robin Leproux, a mis en place avec l'appui des autorités politiques un plan de sécurité dont l'objectif était de rétablir la paix autour du PSG. L'arrivée d'investisseurs milliardaires à la tête du PSG a probablement pu se faire grâce à l'application et la réussite de ce plan. Paris, ville qui projette de devenir une place mondiale du sport par une médiatisation renforcée (dernièrement Paris s'est déclarée candidate pour l'organisation des Jeux Olympiques 2024), a besoin d'une grande équipe de football 59 Kokoreff M., « Des graffitis dans la ville », Quaderni, hiver 1988/1989, pages 85-90. 60 Episode 3, « Mais au fait, qu'est-ce qu'un Ultra ?», La France a-t-elle un problème avec ses supporters ?, L'équipe Stories, 18 mars. URL : http://www.lequipe.fr/Football/Infos/Mais-au-fait-qu-est-ce-qu-un-ultra/544032 18 susceptible de la représenter dans les compétitions nationales et européennes. La Mairie de Paris voit alors d'un bon oeil la volonté des investisseurs de faire du « Paris-Saint-Germain une marque mondiale dans le sport »61. A l'été 2011, l'équipe du PSG est passée dans une autre dimension, aussi bien sur le terrain qu'en tribune. Le rachat du PSG par des Qataris a modifié toutes les ambitions et les attentes qui circulaient autour de ce club. L'arrivée de grands joueurs et les progrès du PSG en coupe d'Europe ont pour conséquence l'explosion de la place médiatique qui lui est réservée et une forte hausse de demande publique. Celle-ci dépasse régulièrement les frontières des amateurs de football, surtout lorsque le PSG joue en Coupe d'Europe. Une enquête sur les usages et les représentations des « nouveaux » supporters du PSG ? Le club est très suivi dans toute la France et travaille pour attirer une base de fans à l'étranger. En associant cette donnée à l'augmentation des prix des places et aux mesures administratives et politiques mises en place, on assiste à une évolution de la composition du public se rendant au stade en parallèle du développement du projet international du club. Puisque le bassin de population est suffisamment important et suffisamment aisé pour se rendre au stade, le Parc des Princes est très souvent rempli. Ainsi, de nombreuses personnes ont pu accéder pour la première fois au Parc des Princes, de nouveaux profils de public sont susceptibles d'aller au Parc des Princes et de se lier de passion au nouveau spectacle proposé. Ce mémoire présente donc une dimension comparative et temporelle, avec pour élément de rupture, l'arrivée d'un nouveau propriétaire en 2011. Le PSG réussit à réunir un peu moins de 40 000 personnes au Parc des Princes toutes les deux semaines. Ce lieu appartient à la Mairie de Paris mais est loué par le PSG selon une « convention d'occupation du domaine public d'une durée de 30 ans »62. Proportionnellement à la population et à la diversité des activités disponibles dans la région parisienne, le Parc des Princes compte probablement parmi les lieux de rassemblement les plus importants en termes de fréquence et de quantité de personnes réunies. Le Parc des Princes doit alors être en mesure de contenir ces milliers de personnes par une gestion efficace de son espace. La surveillance dans un lieu privatisé d'une foule aussi importante est un réel défi pour les autorités publiques et pour les dirigeants du club. 61 Interview de Jean-Claude Blanc, directeur général du PSG, rendue publique le 16 décembre 2013. URL:
http://www.lesechos.fr/16/12/2013/LesEchos/21585-067-ECH_jean-claude-blanc
le-paris-saint- 62 « Le PSG lié au Parc des Princes pendant 30 ans », Le Parisien, 26 novembre 2013. 19 Dans un tel contexte, il m'est apparu intéressant d'étudier l'accessibilité du stade, les mobilités du public parisien et la manière dont les usagers du Parc des Princes fréquentent ce lieu et ses environs au regard des stratégies sécuritaires et commerciales mises en place par les différentes autorités. Cette étude porte donc sur les pratiques spatiales et les représentations des usagers du Parc des Princes, et plus particulièrement ceux d'une partie de la tribune Auteuil. A l'intérieur du stade, située en virage, la tribune Auteuil apparaît en effet comme un emplacement où les différents profils du public s'opposent et s'insultent régulièrement. La rencontre de football devient le cadre spatio-temporel lors duquel se réunissent des personnes aux visions, aux discours et comportements différents. Une proposition de catégorisation du public à l'intérieur d'un stade a été proposée par l'urbaniste Jean-Michel Roux63. On y trouve d'abord les fans. Ils constituent un noyau dur composé des supporters les plus engagés. Ce groupe rassemble des personnes qui se connaissent tous plus ou moins. C'est alors un « groupe déviant qui se considère étranger au reste des spectateurs »64. Etant les personnes les plus fidèles à leur équipe, ils représentent la sous-culture du supporter : les codes régis à l'intérieur de cette sous-culture peuvent apparaître comme étrangers au reste du stade. Ces fans ont des pratiques qui leur sont propres. Ils sont souvent associés au mouvement ultra ou aux hooligans. Ainsi, leur ambition est d'animer la tribune pendant la rencontre et de dominer le public adverse par les chants. La sensation d'éprouver une expérience sensorielle hors du commun dépend alors de la diffusion de ces pratiques au reste du public. On trouve ensuite le supporter. Ce serait une personne affichant une grande solidarité vis-à-vis des fans tout en se détachant de la notion de groupe. La « dimension familiale » recherchée par les fans ne concerne pas le supporter : il se rend au stade de football pour vivre une expérience sensible unique, intégrée à un groupe anonyme, tout en assistant à un spectacle. C'est pourquoi il peut être très critique face à la qualité du jeu proposé. Enfin, il y a le spectateur. Il s'agit d'une personne ayant payé une place pour assister à un spectacle afin de concrétiser l'impression fantasmée à travers les médias. Il est souvent assimilé au rôle de client : comme une personne venue assister à un film à ciel ouvert. Il représente pour les fans la figure du « football-business ». D'un point de vue géographique, les fans et les supporters partagent un point commun : nombre d'entre eux sont des abonnés (surtout chez les fans), ou sont tout du moins, des personnes qui se rendent régulièrement au stade. Ainsi, cette habitude entraîne une relation à l'espace plus sentimentale et communautaire. En effet, il y a une appropriation de la tribune 63 Roux J-M., « L'ambiance des stades » ; Urbanisme, n°393, été 2014, Grands stades, en quête d'urbanité, pages 60-62. 64 Guigue T., « Du projet artistique au projet urbain : structuration du territoire par l'oeuvre d'art », Communication & management 1/ 2014 (Vol. 11), pages 37-52. 20 « quasi fétichiste »65. Ces fans et ces supporters ne ressentent pas le besoin de se déplacer dans une autre tribune, même pour un prix comparable. Leur attache à la tribune prend le dessus sur le confort ou une vision plus agréable du match. Ce lien à la tribune ressenti par les fans et les supporters fut exprimé en 1995 par Christian Bromberger lors d'une étude sur le public du stade Vélodrome à Marseille. Des ultras de la tribune Nord ont dû migrer vers une autre tribune. Ils ont alors ressenti ce déplacement comme un véritable « déracinement, une invraisemblable trahison »66. Cette notion est d'autant plus forte que ce public composé de fidèles fonde son identité sur le culte du paraitre. Ainsi, ce besoin de se montrer uni et solidaire se communique grâce à de tels regroupements. Le spectateur est quant à lui dans une démarche plus individualiste. Il aura moins tendance à élaborer des stratégies spatiales pour s'intégrer à un groupe de supporters. Pour lui, les critères qui apparaissent le plus déterminant sont le prix du billet ou de l'abonnement et la qualité de la vision du spectacle. A la suite de la mise en oeuvre de la nouvelle politique commerciale et de l'augmentation régulière des prix d'entrée par la direction du PSG, ces « nouveaux » publics ont été très médiatisés. Mais c'est surtout la frange des spectateurs qui est ciblée par les dirigeants du PSG. C'est cette même frange qui est méprisée par une minorité de supporters actifs et qui semblent être les derniers à exprimer fort dans la tribune leurs mécontentements. C'est ainsi que des abonnés n'hésitent pas à insulter cette nouvelle frange du public, de « viagogos » en référence à l'accord commercial établi entre le site internet de revente en ligne Viagogo67 et le PSG pour se procurer des billets, mais aussi à l'ignorance de culture du supporter (méconnaissance des chants, des pratiques, des codes) dont ils font preuve. Pour cette étude, en raison de l'emplacement de mon abonnement, je vais focaliser plus particulièrement mon attention sur une partie de la tribune Auteuil. En effet, mon abonnement annuel me place automatiquement dans la tribune Auteuil au compartiment 313. Je suis limité à cet espace à l'intérieur du stade (voir document 1 en partie annexe). A l'intérieur de cette partie, on trouve une majorité d'abonnés, qui, si on reprend la terminologie de J-M. Roux, peuvent être fans, supporters ou spectateurs. C'est précisément l'étude des crispations, des tensions répétées, voire des conflits entre « supporters » (à comprendre ici au sens large) qui constitue l'une des trames de cette enquête ; des tensions qu'il faut précisément mettre en lien avec la mise en place d'une politique sécuritaire de filtrage et de contrôle comportemental. Même si elle semble satisfaire une partie des autorités publiques, les dirigeants du football français et les dirigeants du PSG, cette sélection du public est aujourd'hui fortement interrogée par les journalistes. 65 Charroin P., op cit, 1990. 66 Bromberger C., op cit, 1995. 67 Viagogo est un site internet et une entreprise spécialisée dans l'achat et la vente de billets pour des évènements sportifs et culturels. Le PSG et Viagogo ont un accord commercial qui permet aux abonnés de mettre en vente leur droit d'entrée pour un match. Ces « viagogo » sont des personnes ayant acheté une place sur leur site. 21 La pacification du stade doit-elle se faire au détriment du respect des libertés individuelles de base68 ? Ce débat a par exemple été posé par le quotidien sportif L'équipe dans son « Equipe story » intitulée « La France a-t-elle un problème avec ses supporters ? ». L'article intervient à la suite de l'exclusion et la suspension de l'abonnement d'un supporter du PSG de la tribune Boulogne qui avait lancé un chant de contestation contre l'augmentation du prix des abonnements pour l'année suivante. Cet évènement largement relayé par les médias fut également repris par la sphère politique dans un contexte d'élection. Le 16 mars 2015, le groupe Communiste - Front de gauche du Conseil de Paris a ainsi déposé un voeu lors de la séance du Conseil pour « interpeller le PSG sur l'exclusion du supporter parisien et plus globalement sur sa politique tarifaire » (Anthony Cerveux, journaliste à So Foot). Comme le mentionne le reportage de L'Equipe, ce sujet grossit dans les sphères footballistiques en tant qu'enjeu sociétal. Un journaliste comme Jérôme Touboul, le sociologue Nicolas Hourcade ou le député socialiste Malek Boutih parlent « d'excès des lois » au sujet de l'application des décrets départementaux qui interdisent à des personnes munies d'une plaque d'immatriculation 75 ou portant un signe distinctif du PSG, de circuler dans les départements en question69. Terrain et système d'enquête L'enquête de terrain a débuté le 18 janvier 2015 lors d'un match entre le PSG et l'Evian Thonon Gaillard Football Club. A ce moment, j'avais pour ambition d'étudier le vécu collectif des supporters du PSG, avec pour hypothèse de départ, l'idée que le Parc des Princes était un lieu d'atomisation des foules. En effet, je voulais mettre en évidence que l'embourgeoisement des tribunes, conséquence de l'augmentation des prix d'entrée, entrainaient une destruction de l'unité des groupes de supporters. Or, comme l'écrit Jean-Michel Roux, les sensations ressenties dans un stade de football sont exacerbées par une action collective des supporters70. Alors, je partais du principe que l'expérience sensible du public s'était appauvrie. Pour répondre à ce questionnement, je voulais interroger principalement des personnes identifiées en tant que « nouveaux publics » puisqu'elles étaient, selon moi, les agents principaux de cet embourgeoisement. Pour cela, je prévoyais de faire de l'observation participante dans la tribune et d'aller directement parler à ces personnes dans le stade pendant le match. Ici, j'assimile ces « nouveaux publics » aux spectateurs de la typologie de Jean Michel Roux. 68 Fessard L,. « Quand la police aide le PSG à trier ses supporters », Mediapart, mercredi 6 novembre 2013. URL : http://www.franceculture.fr/sites/default/files/2013/11/06/4734868/fichiers/article%20PSG.pdf 69 Par exemple, le samedi 14 décembre 2013, la préfecture d'Ille-et-Vilaine « interdit à toute personne se prévalant de la qualité de supporter du Paris-Saint-Germain, ou se comportant comme tel de circuler le samedi dans l'ensemble du département, de midi à minuit » car le Stade Rennais accueillait le PSG. 70 Roux J-M., op cit, été 2014. 22 Depuis les années 1970 et les premiers travaux sur le football, les différents écrits constatent la dimension populaire et démocratique du football. Toutes les classes sociales jouent au football et sont présentes dans un stade de football, avec il est vrai, une forte prédominance populaire. Pourtant, le pluralisme des sources interrogées ne me parait pas exhaustif. En effet, j'ai été surpris de constater que les personnes sollicitées sont souvent les mêmes : ce sont les journalistes et ce sont les abonnés ou les supporters les plus fervents, les plus démonstratifs. Puisque les écrits sur les publics fidèles d'une équipe de football foisonnent, je voulais étudier au départ le vécu collectif du public parisien en me focalisant sur les pratiques et les représentations des « nouveaux publics ». L'enquête de terrain aurait alors été comparée à la littérature portant sur les fervents supporters. Ces « nouveaux publics » présentent l'avantage d'être facilement repérables. La plupart de ces personnes se connaissaient pour des raisons professionnelles, amicales ou familiales. Mais puisqu'au départ je ciblais des personnes qui ne venaient que très rarement au stade, je partais du principe que ces mêmes personnes vivaient pour la première fois ensemble une expérience au Parc des Princes. Ainsi, elles n'avaient pas eu l'occasion de devenir ensemble, le temps d'un match, supporter du PSG au Parc des Princes. Le devenir demande plusieurs conditions: acquérir cette culture et ce « savoir-faire » du supporter (capacité à chanter et bouger) nécessite du temps, de la disponibilité et de la bonne volonté. Parmi ce public, je ciblais prioritairement les familles composées d'enfants pour deux raisons. Premièrement, selon moi, elles avaient plus de chance d'être de nouvelles personnes séduites par le projet du PSG et elles avaient plus de chance d'avoir un capital économique important. Puis, d'après de nombreuses sources et notamment le sociologue Ludovic Estrelin71, le PSG chercherait un public plus consommateur que critique. Ainsi, une famille composée d'enfants aurait plus de chance d'acheter des produits dérivées en souvenir du match que n'importe quelle autre population. Toutefois, j'ai connu quelques difficultés à entrer en contact avec cette population. Comme l'expriment Stéphane Beaud et Florence Weber72, il est inscrit : « Sur le terrain, on y est, [...] on y travaille »73. Ce n'est pas une simple visite. Pour cela, il faut établir des « relations de proximité et de confiance avec certains enquêtés »74. Ces phrases m'ont interpellé puisqu'il est d'autant plus dur d'établir des relations amicales de confiance avec des personnes qui ne sont pas présentes régulièrement. De plus, les personnes qui viennent occasionnellement ont tendance à aller au stade avec des personnes qui présentent le même profil. Leur présence est alors irrégulière et espacée dans le temps. Cette rareté implique une attention particulièrement accrue de la part de ces personnes face au spectacle proposé. Que ce soit par simple peur de les déranger ou après avoir senti une gêne, voire une hostilité après plusieurs questions, j'ai dû renoncer au dialogue. 71 Enquête de Foot, « Parc des Princes, Ultra(s) select », Canal Plus, 26 min, diffusé le 19 mars 2014. 72 Beaud S, Weber F, Guide de l'enquête, La découverte, 2010 (rééd), Paris, 335 pages. 73 Ibid. La citation est à la page 6. 74 Ibid. La citation est à la page 6. 23 Ensuite, j'ai assez vite remarqué que ces spectateurs, pour reprendre la typologie de Jean-Michel Roux, avaient pour habitude de se trouver en haut des tribunes. Il est impossible dans un stade de football de tourner le dos au terrain sans se faire remarquer. Ainsi, en voulant observer les pratiques du public situé en hauteur, j'étais obligé de monter tout en haut de la tribune. Enfin, cette difficulté à obtenir une relation de confiance sur un laps de temps relativement long avec ce « nouveau public » a freiné mes ambitions et a longtemps entrainé un sentiment de « solitude du terrain »75: puisque la tribune de football est un lieu où les personnes sont relativement statiques et la concentration humaine est dense, il est finalement difficile de se glisser à l'intérieur d'un groupe et d'entrer en contact avec celui-ci. Pour ces raisons, et après plusieurs refus d'entretien, lors de plusieurs matchs, j'ai décidé de changer de stratégie. A la suite de la difficulté à converser avec des personnes (simples spectateurs ou non) dans le stade, j'ai choisi d'élargir mon cadre d'enquête, tant sur le plan spatial que temporel. A ce moment, le terrain d'étude a été modifié. Le stade est situé dans le XVIe arrondissement de Paris, entre la Porte de Saint-Cloud, la Porte d'Auteuil et la ville de Boulogne. Mon terrain d'étude ne s'étend pas sur une zone aussi vaste. Il comprend néanmoins le stade et ses alentours avec une attention particulière à la tribune Auteuil et ses abords. Autour du stade, je me suis plus particulièrement intéressé aux espaces publics, aux espaces de déambulation où se rassemblent et circulent les supporters. C'est ainsi que j'ai beaucoup observé les espaces intermédiaires entre les stations de métro de la ligne 9 (Porte de Saint-Cloud - Michel Ange Auteuil) et l'entrée du stade. Cette étude n'a pas concerné les commerces de proximité, les bars ou les restaurants. Je me suis également penché sur les outils d'informations sonores de la RATP sur les différentes stations que comprend la ligne de métro 9, entre la station Havre-Caumartin et la station Porte de Saint-Cloud, l'arrêt le plus proche du « Parc », aussi bien lors du trajet pour se rendre au stade que lors du retour pour en revenir. Afin de pouvoir entrer en contact avec les populations à étudier, j'ai attendu qu'elles soient mobiles. En effet, il m'était plus facile d'aborder une personne ou un groupe de personnes se déplaçant dans la rue car celles-ci se sentaient plus à l'aise ainsi. Alors, ces personnes se dévoilaient plus facilement. De plus, j'avais la possibilité de m'isoler sans occasionner de gênes. C'est pourquoi j'ai commencé à interroger des personnes anonymement à l'extérieur du stade, avant ou après le match. J'ai, par la suite, systématisé cette méthodologie : dès que je le pouvais, j'essayais d'arriver plusieurs heures en avance sans forcément entrer dans le Parc et je sortais du stade parmi les derniers. Cette stratégie fut appliqué lors des matchs entre PSG et le Stade Malherbe de Caen (14 février) ; le Chelsea Football Club (17 février) ; l'Association Sportive de Monaco Football Club (4 mars) ; le Football Club Lorient-Bretagne Sud (20 mars) ou l'Association Sportive de Saint-Etienne (8 avril). Puisqu'il n'y avait pas encore grand monde, il était plus 75 Ibid. La citation est à la page 10. 24 simple pour moi de faire attention à des détails précis comme les différents points de regroupements à l'extérieur et à l'intérieur du stade, tout en ayant une grande liberté de mouvement. Des observations et des conversations officieuses avec des personnes du public en dehors du stade ont été régulières. Par conséquent, cette étude ne se restreint pas à la temporalité du match. Par ailleurs, le choix des espaces d'études se justifie par le fait qu'ils offraient la possibilité d'observer une multitude d'acteurs au même moment. Il y avait les différents profils de supporters, les différents salariés du PSG (agent d'accueil) et les autorités publiques composées de CRS et de gendarmes. La présence de tous ces acteurs sur un même espace était avantageuse pour analyser les pratiques spatiales des nouveaux supporters en comparant ces derniers aux comportements des autres acteurs. J'observais ainsi le sens de leur déplacement, leur aisance à se repérer dans l'espace et leur regroupement. Compte tenu de la foule très importante présente au Parc des Princes (le stade est très souvent plein), je notais l'emplacement de tous les différents salariés et les réactions des nouveaux spectateurs face à cette présence. Après avoir retranscris à l'écrit des comptes-rendus d'enquête, la notion d'encadrement du public me paraissait très importante. En effet, plusieurs personnes m'ont fait savoir à la suite conversations informelles qu'elles avaient modifié leur trajectoire du fait refus de certains salariés de les laisser passer par une rue précise. C'est pourquoi j'ai commencé à questionner fortement la dimension sécuritaire de l'espace. S'intéresser à celle-ci entrainait un changement de populations à enquêter : étudier les abonnés comme les nouveaux spectateurs étaient l'occasion d'analyser la manière dont ces profils variés éprouvaient les différents dispositifs d'encadrements. J'ai alors décidé de ne plus me limiter à enquêter le « nouveau public » mais à enquêter sur le public au sens large qui comprenait les trois profils explicités par Jean-Michel Roux. Il m'est alors paru intéressant de savoir si les réactions étaient uniformes ou si, au contraire, il y avait d'un coté des formes de soumissions, et de l'autre, des formes de résistance. Je tiens à préciser que des évènements antérieurs à l'année sportive 2014 - 2015 et relatifs à cette réflexion sont mentionnés dans cette étude. A la suite de ce changement de perspective, le mercredi 4 mars 2015, lors du match entre le PSG et l'Association Sportive de Monaco, je suis entré en contact avec un agent de sécurité responsable de l'entrée et de la sortie du public au niveau d'un vomitoire. Puisqu'il était en attente du « rush », il était plus accessible qu'à l'accoutumée. Grâce à cette discussion informelle, j'ai appris qu'il était le salarié d'une entreprise privée : ACA Sécurité. A partir de ce moment, j'ai commencé à inclure dans mon échantillon d'étude les personnes de sécurité. C'est pourquoi j'ai contacté cette société les jours qui ont suivi cette rencontre, afin d'avoir un entretien avec un responsable. Lors d'une autre rencontre, j'ai également parlé de longues minutes avec une personne abonnée depuis plus de 20 ans. Contrairement aux spectateurs hermétiques à mes questions dans le stade, il fut enthousiaste à l'idée de converser avec moi pour cette étude. Je pense que ces rencontres ont pu se réaliser à une heure anticipée puisqu'il n'y avait pas grand monde dans le stade. L'agent de sécurité était encore détendu tandis que le supporter était seul à attendre ses camarades. Dans ces cas présents, l'absence de la foule fut 25 bénéfique pour moi. Par conséquent, ces moments extérieurs à la temporalité du match m'ont permis de rencontrer des acteurs difficiles à interroger pendant le match. Par ailleurs, élargir la population à étudier était également bénéfique pour obtenir plus de matière à analyser. En effet, enquêter sur les fans parisiens regroupés au bas de la tribune a été beaucoup plus simple : ils sont constamment dans le champ de vision du match et sont bien plus actifs. Leurs gestuelles sont plus distinctes ; leurs paroles plus audibles et intelligibles (ils n'hésitent pas à parler à un camarade situé à plusieurs rangs d'eux). Tout le contraire des publics statiques, silencieux et difficilement perméables. A l'instar de la méthodologie utilisée par Eric Wittersheim76, j'ai essayé de questionner un maximum de personnes, y compris hors du stade et du temps des matchs, lorsque le PSG devenait un sujet de conversation au cours de situations anodines. Je me suis rapidement rendu compte que ces conversations revenaient très souvent du fait de la notoriété actuelle du PSG dans les médias et dans les imaginaires collectifs. Pour valider cette impression, j'ai décidé de réaliser un corpus documentaire qui réunisse tous les articles traitant des supporters du PSG parus sur le site internet du quotidien Le Monde entre juin 2014 et juin 2015. Le choix de ce quotidien s'explique par son statut de média généraliste. En effet, dans ses rubriques sportives, ce genre de presse a tendance à traiter prioritairement les évènements extra-sportifs. Parmi ceux-ci, on compte plusieurs articles ayant pour sujet principal les recours en justice de supporters du PSG évincés du Parc des Princes. Il a été intéressant de constater que ce média généraliste tend à se positionner en faveur de ces supporters du PSG. Cette recherche documentaire m'a permis de renforcer la dimension critique de ma démarcher et de dépasser certaines limites liées à mon lien privilégié avec le monde du football en général et le PSG en particulier. Du fait d'une certaine familiarité avec mon sujet d'étude, j'ai eu l'impression de tomber dans une forme « d'évidence »77. Etant trop près de l'objet, il a fallu que je prenne de la distance. Etant moi-même supporter, abonné et participant depuis quatre ans maintenant, une solution était de se décentrer afin d'observer autrement le milieu des supporters et de comprendre que la banalité des habitudes est naturalisée selon une construction sociologique et une histoire. Tous ces éléments ont entrainé pendant un moment une sorte de repli sur soi comme une manière de se protéger et s'auto-persuader que l'observation participante serait largement utile, ce qui conduit inévitablement à une « suspension de la relation d'enquête »78. Ainsi, lors de cette étude, j'ai essayé de « converser mon regard »79 par une enquête par distanciation. De cette façon, j'ai décidé de m'entretenir avec six personnes sur le format d'entretien semi-directif80, enregistré et décontextualisé (aucun de ces entretiens ne s'est déroulé au Parc des 76 Witthersheim E., op cit., 2014. 77 Beaud S, Weber F, op cit., 2010 (rééd). La citation est à la page 7. 78 Ibid. La citation est à la page 32. 79 Ibid. La citation est à la page 32. 80 Voir en annexe les grilles d'entretien. 26 Princes). Ces personnes ont été sélectionnées en fonction de leur degré d'adhésion au supporterisme et à leur implication au Parc des Princes. J'ai ainsi interrogé : - un ancien directeur du Parc des Princes, - une personne âgée qui habite depuis longtemps dans le quartier afin d'en savoir plus sa représentation du Parc des Princes en tant que riverain, - une mère de famille supportrice abonnée depuis quatre ans en tribune latérale, - deux jeunes étudiants qui sont allés respectivement deux fois au Parc des Princes cette année, - un responsable commercial de l'agence ACA Sécurité. De plus, pendant l'enquête de terrain, je me suis appuyé sur les discours et les représentations de Guillaume, un ami abonné avec moi. Guillaume est un fan qui était déjà abonné avant la mise en place du « plan Leproux ». Ces personnes constituent un échantillon représentatif de la typologie effectuée par l'urbaniste Jean-Michel Roux. En effet, on trouve bien un spectateur, deux supporters et un fan abonné. Ainsi, chacun avait un regard singulier sur la situation. Le fait de n'avoir fait que 6 entretiens constitue une nouvelle limite à cette enquête. Les personnes avec lesquelles je me suis entretenu ont été choisies en me basant sur la typologie de Jean-Michel Roux. Celle-ci même est délimitée selon des frontières floues. La distinction entre un fan, un supporter et un spectateur est très subjective. En effet, je n'ai pas pu avoir accès à un recensement officiel du public du Parc des Princes et l'absence d'association dans laquelle des supporters seraient référencés est également problématique. Pour ces raisons, j'ai essayé de choisir un échantillon large et représentatif de la population mère, à savoir le public du Parc des Princes. Mon statut d'abonné m'a permis de créer une véritable situation d'échange avec les enquêtés, chose que je ne sentais pas possible au début de mon enquête lorsque j'essuyais de nombreux refus pour discuter pendant le match. Pour tous ces entretiens, je venais avec une carte des tribunes du Parc des Princes (voir document 1 en partie annexe) afin de connaitre l'emplacement des personnes questionnées dans le stade. Néanmoins, je regrette fortement de ne pas avoir pris de plan du quartier où se situe le stade lors de l'entretien avec le responsable commercial de l'agence de sécurité. A plusieurs moments, il m'a précisé l'emplacement des différents dispositifs sécuritaires et plus particulièrement ceux les barrages filtrants. Il aurait été très pratique que je puisse visualiser ces positionnements sur une carte tout en écoutant les explications. Par ailleurs, j'ai essayé de contacter à plusieurs reprises et par différents moyens (par mail, téléphone et en me rendant à l'accueil du Parc des Princes une journée où il n'y avait pas de match) un salarié du PSG afin d'obtenir un entretien ou de demander la possibilité de diffuser un questionnaire. Les réponses, lorsque j'en recevais, étaient toutes négatives et sans aucune négociation possible. 27 De la même façon, je n'ai pas pu m'entretenir avec des touristes, notamment parce qu'ils sont peu nombreux dans la tribune Auteuil. D'après les propos de Madame Leprince, qui est une abonnée, et de Kerim, un spectateur venu deux fois voir un match du PSG cette saison, la tribune A est, à l'inverse, souvent remplie de personnes étrangères. Mais ma difficulté à m'exprimer en anglais a constitué un obstacle difficilement franchissable. Par conséquent, l'absence d'entretien avec un personnel du PSG et avec un touriste représente une nouvelle limite. Par conséquent, l'absence d'entretien avec un personnel du PSG et avec un touriste représente une nouvelle limite. Dans l'ensemble, j'ai guidé ces entretiens autour des thématiques sécuritaires afin de mieux connaitre leurs perceptions et d'évaluer le degré d'influence de l'encadrement des dirigeants sur leurs comportements (voir guide d'entretien en annexe). Ces entretiens ont en outre permis d'aborder d'autres thématiques et notamment, les représentations que se font chaque acteur vis-à-vis des autres profils de public. Ceci fut très intéressant pour comprendre les systèmes d'alliance et d'opposition qui se jouent à l'intérieur du stade. Par conséquent, cette enquête repose principalement sur une complémentarité entre, d'une part des observations participantes durant desquelles j'ai tenté d'analyser les manières dont agissent les différents publics concrètement, et d'autre part, des entretiens qui m'ont permis d'avoir accès aux usages et représentations des supporters. Dans l'ensemble, ces entretiens ont fait ressortir une sécurité perfectionnée et dissimulée au sein de nouveaux dispositifs d'accueil. En effet, tous les enquêtés n'étaient pas forcément conscients des dispositifs mis en place. Ceci a d'ailleurs été confirmé par le responsable commercial de la société ACA Sécurité. Ces dispositifs hybrides et très efficaces sont pensés pour ne pas gêner le public. Ce mémoire vise donc à se demander comment les différents profils du public présent au Parc des Princes intègrent ces dispositifs d'encadrement, qui mettent en lumière l'ambition internationale du PSG, à leurs pratiques et représentations spatiales. La problématique qui guidera notre analyse est donc la suivante : Dans quelle mesure les dispositifs d'encadrement au Parc des Princes influencent-ils le comportement du public ? Pour répondre à cette question, j'étudierai dans un premier temps la manière dont les dispositifs sécuritaires mais aussi ludiques du Parc des Princes font de cet espace un lieu accueillant où la surveillance est banalisée, normalisée voire intériorisée, puis, j'analyserai dans un second temps la manière dont le public s'approprie et se représente ces dispositifs. 28 |
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