Histoire de la production du coton dans les cercles de la moyenne vallée du fleuve Sénégal de 1920à 1960.( Télécharger le fichier original )par Insa BA Université Cheikh Anta DIOP - Master 2 2014 |
II.3 : Les fermes familialesLa politique d'accroissement des surfaces cultivées en vue d'obtenir une augmentation de la population, avait amené l'administration à instituer des champs collectifs .Chaque cercle devait consacrer une certaine étendue de terre aux cultures de rente .Ces surfaces mises en valeur étaient communément appelées les « champs du Commandant ». Les récoltes étaient fournies à l'administration .Les chefs de subdivision se chargeaient de communiquer les ordres de canton, qui entourés de surveillants, conduisaient les travaux agricoles. Ainsi au nom du Commandant de cercle, des champs vastes, devraient être cultivés par les populations autochtones .Les paysans, n'adhérent pas massivement à cette nouvelle forme de la mise en valeur des terres agricoles .Elle était en désaccord complet avec les habitudes de l'indigène qui n'était plus libre d'organiser le travail .Ce mode de production fut un échec Cette nouvelle vision de mise en valeur mit fin à l'existence des champs collectifs exploités au profit des chefs de canton et autorisa la création de fermes familiales dont le rôle consistait à pratiquer la culture attelée et à produire par rotation le coton, l'arachide et le mil.132(*) Ces nouvelles structures devaient comporter des maisons d'habitation, des puits et des abris pour protéger le bétail et le matériel agricole. Mais ce projet d'équipement ne fut point réaliser .En plus, elles furent détournées de leur objectif premier en devenant des sortes de champs collectifs exploités par les chefs de canton .Pour éviter les insurrections éventuelles et stimuler la production, l'administration modifia le fonctionnement des fermes. Désormais une étendue de terre était allouée à une famille qui avait la charge de l'exploiter par ses propres moyens .Elle recevait de la part des autorités, des semences et des engrais à rembourser en nature. La contrainte semble être abandonnée, mais l'exploitation d'une ferme nécessitait des investissements importants .Le prix d'un attelage variait de 925 ,87 à 941, 78 francs, ce qui représentait une forte somme pour le paysan dont les moyens financiers étaient limités par la baisse des cours des produits et par l'augmentation du taux de l'impôt. L'obtention des résultats encourageants, amena l'administration des cercles de la moyenne vallée à mettre des charrues au service des exploitants : « Nous avons que l'indigène ignore en général les premiers éléments d'une culture rationnelle .En ce qui concerne les conditions d'exploitation, l'expérience a montré que le pays ,dans la majeur partie, ne parait pas mur pour les plantations dirigées par des blancs et qu'il a intérêt à initier le noir à l'usage de l'animal de trait et de la charrue »133(*). Les projets de culture étaient dorénavant conçus et exécutés selon la force du travail et les moyens de production dont disposait chaque famille. On remarquait que l'administration consciente des possibilités de la vallée du fleuve à produire des fibres de meilleures qualités, y encouragea la création de plusieurs structures .Loin de se gêner, elle avait oeuvré pour le développement de la production agricole. Les chercheurs qui ont travaillé sur la culture du coton ,en l'occurrence en Amérique et en Angleterre, estiment que dans le monde entier le coton doit être un produit récolté par le Négre et, qu'en conséquence l'énergie déployée par les pouvoirs publiques et des Associations devrait porter sur la transmutation de la culture en une industrie indigène commercialement organisée . Le Chinois, l'Hindou, le Cambodgien, cultivent également le coton et rien ne tend à démontrer que la prolifique race jaune ne serait pas capable de s'adapter à la culture des pays tropicaux africains. Il est urgent d'éduquer l'indigène afin de résoudre, au moins partiellement, le problème ardu de la main -d'oeuvre .L'initiative prise par les colons s'avère très difficile, du moins impossible dans une région qui ne possède pas les premiers éléments de la civilisation. L'enseignement agricole élémentaire, qui parait simple d'une part, présente en réalité d'énormes complications considérables et demande un effort suivi et soutenu .Les conseils, les orientations, les encensements, sont ainsi pour de nuls effets sur les méthodes de culture des noirs. Les inspections des administrateurs et des moniteurs de culture, les palabres et les conseils aux chefs de villages et aux indigènes, le travail dans les champs d'essais, les encouragements sous diverses formes, sont restés presque sans résultat devant la routine et la force d'inertie. Des charrues ont été distribuées par des sociétés privées et l'administration. Le noir le range en bonne place dans sa case comme un meuble de luxe et un souvenir de l'industrie du blanc. Cela justifie pour autant, que le cultivateur indigène reste foncièrement attacher à son système de culture. Le blanc doit s'efforcer à instruire le noir par un travail de longue haleine134(*) Devant les échecs récurrents du passé, des moyens efficaces ont été déployés, débouchant sur la création où seraient pratiqués l'élevage et le dressage des animaux de trait, l'emploi suivi de la charrue et des instruments agricoles, une culture rationnelle du sol. La ferme - école recruta des élèves de 16 à 20 ans dans la population agricole des différents districts. L'enrôlement, admet les plus intelligents ; les plus dociles et les plus forts en vue de pouvoir vaquer aux plus durs travaux nécessités par la culture du coton. Ils travaillaient suivant un plan d'instruction comprenant tous les travaux relatifs à la culture et à la préparation du coton. Les apprenants y étaient spécialement instruits dans le choix de bonnes graines, l'examen des conditions climatiques ,l'époque et la profondeur correcte de la plantation ,l'emploi pratique de la charrue et des instruments aratoires rationnels ;les soins à donner au bétail de trait ; l'adoption des moyens de transport par animaux de trait ;la réalisation d'engrais naturel ; l'application d'une succession convenable de produits du sol et les mesures nécessaires à l'amélioration des variétés de coton. Chaque élève possédait personnellement un champ d'un hectare qu'il exploitait lui-même au cours de sa deuxième année d'école .Les dividendes réalisés sur la moisson jusqu'à sa sortie de l'école lui revenaient de droit. Pour exciter l'émulation, les élèves dont le champ était le mieux exploité et rapportait plus, recevaient des prix. Pendant la troisième année, chaque élève devait planter les meilleurs des graines obtenues dans son champ la deuxième année ; de la sorte, on les guidait dans un choix judicieux de la semence. Les élèves touchaient une indemnité mensuelle 12f la première année, et15f la seconde et la troisième année, avec plus, le produit de la moisson de leur petit champ, qui devait servir à leur entretien pendant les premiers mois d'établissement à leur compte . Les élèves dont la formation était venue à terme, retournaient dans leur district d'origine où ils s'établissaient sur un terrain concédé par le commandant de cercle ; mais comme plus tard ils avaient encore besoin d'être contrôlés et surveillés, ils n'étaient pas dispersés dans tout le district ; au contraire on les regroupait autant que possible dans des établissements fermés. Ces élèves dont l'instruction était terminée, recevaient, à leur sortie de l'école, une pioche, une houe, une fourche à fumier, quatre chaines d'attelage et un sceau ; la commune mettait à leur disposition deux à trois boeufs de trait, de façon à leur permettre d'exploiter leur concession d'une manière rationnelle. Il semble que cette méthode d'enseignement, apparemment bien conçue, aurait dû donner d'excellents résultats. Il n'en fut rien .L'administration, abandonna cette forme d'enseignement en mettant en place une nouvelle école dite village - école. Les élèves ne sont pas des jeunes gens isolés, mais de jeunes familles, de jeunes noirs mariés, ayant une ou plusieurs femmes suivants les moeurs de la religion. Ils sont installés comme fermier avec leurs femmes et leurs jeunes enfants .Le moniteur européen a sur eux une autorité toute particulière. L'emplacement du village, est choisi le long une voie ferrée ou sur un point du fleuve navigable et régulièrement desservi. L'eau potable et l'eau d'arrosage sont abondantes, la terre fertile, la population locale assez dense afin de profiter de l'exemple et de permettre le développement de l'instruction agricole. Chaque ferme, comprend au moins, la maison d'habitation pour l'élève noir, sa femme, ses enfants et un ou plusieurs auxiliaires ; une écurie, un hangar pour remiser le matériel, un hangar à récoltes, une pompe ou une prise d'eau et les accessoires indispensables. Le personnel européen est composé du directeur du village-école, du directeur de la ferme d'essais de culture, d'élevage et de dressage d'animaux de trait ,du missionnaire catholique ou protestant, d'un instituteur et d'une institutrice européens, quatre femmes européennes chargées du dispensaire, d'enseignement ménager, et du bureau de poste, des agents de commerce du comptoir. Tableau 1 : Etat des fermes familiales dans les cercles de la vallée du fleuve
Source : Archives Nationales du Sénégal, 2G 30 /69, service de l'agriculture des cercles de la vallée. * 132 Schwartz, (A.), 0p. Cit. , p 268. * 133 Monteil (C,) Le coton chez les noirs, Paris, Lorose 1927, p210. * 134 Entretien du 23 octobre 2010 au marché hebdomadaire de Keur Momar Sarr avec Abdoulaye Thiane Sarr .Grand jour de rencontre avec tous les marchands de la région du fleuve (Dagana, Podor, Matam) . |
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