Les feux de brousse constituent un fléau au
Sénégal comme dans les autres pays du Sahel. Ils sont reconnus
comme une des sources principales de dégradation des ressources
forestières (Decleire, 1999). 14
D'après lui, différentes études basées sur le suivi
des placettes permanentes ont permis de constater que les zones
affectées par les feux de brousse de façon
répétée se caractérisent par :
- une diminution progressive de la diversité des
essences représentées et des potentialités de
régénération des essences plus sensibles au feu
- des dégâts de feu plus important sur les arbres
de petits diamètres
- une plus grande diminution du stock de bois vivant et du
stock de bois mort sur pied dans les forêts les plus
dégradées
- une plus grande proportion d'arbres morts sur pied dans les
savanes arborées moins dégradées.
Toutefois, Michel Petit (1990) nous apprend que les feux de
brousse ou d'herbe sont l'objet de controverses et possèdent une double
fonction :
- débarrasser le sol du feutrage que constitue
l'accumulation sur place de matière sèche qui ralentit ou
élimine les jeunes pousses ;
- nettoyer le sol des animaux nuisibles.
Mais il note que le vrai problème se trouve dans les
excès car le feu est indispensable. Car au-delà des effets
directs causés par les feux, leur répétition est à
l'origine d'une évolution régressive des superficies
boisées. Cette évolution se traduit par un dégagement de
chaleur qui accroit la vitesse de minéralisation de la matière
organique qui perd ainsi son rôle stabilisateur : « la destruction
des agrégats organo-minéraux, qui favorisent l'infiltration, rend
les sols battants. De la même façon, la chaleur entraine un
durcissement superficiel qui s'oppose à la pénétration des
eaux lors des premières averses. Ce qui fait qu'on observe un
accroissement du coefficient de ruissellement pernicieux en saison des pluies
».
14 Il s'agit d'une étude
menée par Yanek Decleire en novembre 1999 pour l'ONG allemande GTZ sur
le développement de la gestion des feux de brousse au
Sénégal
78
Ainsi à travers ces deux auteurs, il ressort que les
feux de brousse présentent des effets dangereux pour le couvert
végétal. On peut même dire que les feux de brousse
constituent un indicateur de désertification dans la mesure où il
s'attaque principalement à la biomasse végétale et les
arbustes. En effet, l'ampleur du feu est souvent fonction de l'importance de la
biomasse végétale. Le Centre de Suivi Écologique
(1999)15 estime que dans les zones de grand incendie, la
quantité de biomasse mesurée à l'hectare dépasse
les six tonnes par endroits. C'est ce qui explique que la majorité des
incendies repérés au Sénégal sont localisés
dans la partie Sud et Sud-est du pays. Selon ce même document, la
densité de la végétation dans la partie sud du territoire
peut justifier la fréquence et le caractère violent des incendies
qui surviennent parfois lors des préparations agricoles. Toutefois,
selon le rapport du MEPN de 2005, en zone soudanienne, l'impact de ces feux sur
la strate herbacée est moindre. En effet, des études faites sur
les effets des feux de brousse dans la communauté rurale de Bandafassi,
en savane soudanienne, montrent qu'en dépit de la destruction de la
couverture herbacée, la végétation se reconstitue quelle
que soit la période de mise à feu (Diatta, 1998 cité par
le même rapport).
D'après les observations de terrain, on peut dire que
le massif forestier de Kandia présente des conditions écologiques
favorables à l'émergence d'incendies violents. Cette partie de la
communauté rurale de Kandia n'échappe pas à cette
situation. Elle est soumise à des feux de brousse
répétées et particulièrement violents. A ce titre,
selon les enquêtes de terrain, les feux de brousse apparaissent comme la
deuxième cause de dégradation du massif forestier (voir graphique
8). D'ailleurs, certains villages sont souvent victimes de ces incendies.
Notons au passage que c'est durant les mois de janvier et de février que
le pic des feux de brousse qui ravagent des centaines de milliers d'hectares de
terres propices à l'agriculture est atteint (ibid.).
![](tude-des-facteurs-de-degradation-de-la-fort-communautaire-de-Kandia-dans-le-departement-de-Ve28.png)
Photo 16 : Photo 17 :
15 Il s'agit d'une étude menée par Y.
Decleire en 1999 sur le développement de la gestion des feux de brousse
au Sénégal et qui a cité le Centre de Suivi
Écologique.
79
On voit ici que la couvert végétale est
détruite ainsi le tapis herbacé par les flammes qui ont tout
balayé sur leur passage dans la forêt communautaire, cliché
BALDE M. M., 2012. Pourtant, beaucoup d'efforts de reboisement avaient
été accomplis par les populations riveraines appuyés par
le service des eaux et forêts de Vélingara.
Mais on peut s'interroger sur les causes de ces feux ?
Il existe une littérature assez importante sur les
feux de brousse. On retiendra que l'analyse des causes de feux renvoie toujours
à la présence d'activités humaines. Les feux de brousse
sont très liés à certaines formes de mobilité qui
relèvent des activités humaines, à travers des modes de
vie, de mise en valeur de l'espace ou d'appropriation des biens et des
ressources naturelles. Cette observation est corroborée par l'importance
relative des zones brûlées dans les parties du
Sénégal les plus concernées par ces stratégies de
mobilité (Ferlo, Sud-est et frontières) et leur faible ampleur
dans le quart occidental où la sédentarisation est plus
marquée. 16
Ajoutons que parmi les modes d'appropriation des ressources,
la récolte du miel est souvent citée comme étant une des
causes principales des feux de brousse dans la C.R de Kandia. Mais il y'a aussi
les exploitants forestiers qui sont responsables de ces incendies. Ce qu'on
remarque dans la zone, c'est que ces derniers passent la journée dans la
forêt à couper des troncs d'arbres. Et le plus souvent, ils
profitent pour faire du thé en allumant du feu. Parfois, ce feu
allumé est laissé pendant plusieurs jours sans être
éteint. D'où l'apparition d'incendies incontrôlés.
En outre, la mobilité des personnes autour des marchés
hebdomadaires (loumas) et la dispersion subséquente qui y suit sont
considérées comme un risque potentiel d'incendie.
Or la communauté rurale de Kandia entretient des
relations très dynamiques avec la Gambie.
Ces relations sont fondées sur des échanges
commerciaux rendus possibles grâce à l'existence de deux
marchés hebdomadaires en territoire gambien mais accessibles aux
sénégalais. Cette situation peut être un
élément qui participe à la recrudescence des feux dans la
forêt communautaire de Kandia. Ceci est renforcé par le fait que
lors de notre première visite de terrain au moins de décembre, le
phénomène des feux de brousse n'était pas encore
perceptible. Mais nous avons été surpris de constater lors du
second séjour de terrain que les flammes avaient emporté tout sur
leur passage alors que cette zone était pourtant à l'abri des
16 Centre de Suivi Écologique cité par
Y. Decleire en 1999
80
feux depuis plus de 4 ans. Ce qui a anéantit tous les
efforts qui avaient été menés par le service des eaux et
forêts de Vélingara, les autorités communautaires et les
populations environnantes. L'objectif était de sauvegarder cet
écosystème en incitant les populations à effectuer des
campagnes de reboisement et à entretenir les espèces
reboisées par l'établissement de pare-feux. La violence de
l'incendie a tout détruit. C'est toute la particularité des feux
de brousse qui ont le pouvoir de détruire des années d'efforts en
quelques minutes au détriment de tous ceux qui tiraient leur subsistance
de cet espace. Dés lors, les feux de brousse dans la communauté
rurale de Kandia doivent faire l'objet d'une attention particulière de
la part des populations pour sauvegarder les efforts consenties dans le cadre
de la préservation de l'environnement et des ressources naturelles.