Section 2 : La recherche de la performance dans la
gestion budgétaire
L'intérêt que les autorités politiques
ivoiriennes portent à la modernisation de la gestion des finances
publiques93 (GFP) et partant à l'amélioration de la
gouvernance économique ne procède pas d'un choix volontariste,
librement décidé et mis en oeuvre. Ce n'est en
réalité qu'une traduction concrète de la
budgétisation par objectifs préconisée par l'UE et les
autres bailleurs de fonds multilatéraux, qui jusqu'alors insatisfaits de
la conduite des approches sectorielles initiées au cours des
années 9094 se montrent désormais plus précis
dans leurs recommandations notamment lorsqu'ils demandent la performance aussi
bien dans la phase d'élaboration du budget (paragraphe
1), que dans celle de son exécution (paragraphe
2).
93« La faiblesse des ressources mobilisables par nos
Etats pour couvrir les multiples charges auxquelles ils doivent faire face,
afin de réduire sensiblement la pauvreté, doit nous inciter
à rechercher une plus grande rigueur dans le choix des priorités
de dépenses et une plus grande efficacité dans la gestion de ces
dépenses. D'où l'intérêt d'expérimenter les
nouveaux outils de planification et de gestion budgétaires, que sont les
CDMT et les budgets programme. Ces outils offrent par ailleurs, un cadre
aisé de dialogue et de concertation élargi entre le gouvernement,
les partenaires au développement et les partenaires sociaux
»93 . Extrait du discours d'ouverture prononcé par
DIBY KOFFI (C) (Ministre de l'Economie et des Finances de la Côte
d'Ivoire), lors de l'atelier régional sur « Des cadres de
dépenses à moyen terme et les budgets programmes
»organisé par l'AFRITAC de l'Ouest à Abidjan, 11 au 13
mars 2010.
94 COGNEAU (D) & MESPLÉ-SOMPS (S),
IRD-DIAL, Paris ; «La Côte d'Ivoire peut-elle devenir un pays
émergent? » , Étude du Centre de Développement
OCDE, Programme "Emerging Africa", juin 1999, pp. 39-45.
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Paragraphe 1 : Le cadrage budgétaire à moyen
terme
Avec la budgétisation axée sur la performance,
l'on aura le souci de dépenser mieux pour prélever moins. La
rédaction des nouvelles directives UEMOA ainsi que des lois
organiques95 de 2014 relatives à la GFP est assez claire sur
l'orientation de la gestion budgétaire. Les constantes de la gestion
budgétaire axée sur la performance confortent le choix de
modernisation des finances publiques, par l'introduction dans la politique
budgétaire de perspective à moyen terme96 par les
budgets programmes (A), et la définition d'objectifs
permettant la mesure de la performance (B).
A) : la pluri-annualité dans la gestion
budgétaire
Si l'on veut saisir l'originalité quintessentielle de
la gestion budgétaire axée sur la performance, il faudrait se
référer à sa filiation certaine avec le PPBS
américain (Planning Programming Budgeting System) des
années 1960 et l'expérience française de Rationalisation
des Choix Budgétaires97 de la décennie 1970. Pour les
experts européens, la gestion par la performance est frappée au
coin du bon sens le plus élémentaire. Il s'agit en effet de
dissocier les décisions budgétaires des problèmes de
moyens (quels montants de crédits puis-je obtenir ?), pour les recentrer
sur des résultats mesurables (que puis-je accomplir avec ces
crédits ?)98. L'introduction de cette logique implique
inévitablement certaines innovations quant aux méthodes et
principes de gestion budgétaire.
95 Loi organique n°2014-337 du 05 juin 2014
portant Code de transparence dans la gestion des Finances Publiques et la Loi
organique n°2014-336 du 05 juin 2014 relative aux lois de Finances.
96 Cf. art de la Directive
N°06/2009/CM/UEMOA portant loi des finances.
97 La technique de la RCB s'appuie sur le constat
de l'accroissement continu des dépenses publiques (relevé par des
auteurs comme TOCQUEVILLE ou JÈZE (G)). Les dépenses de l'Etat
augmentant d'année en année alors que les ressources restent dans
l'ensemble limitées. Tout l'enjeu est de ne retenir que les
dépenses qui procurent la plus grande productivité ou à
tout le moins présentent un caractère impérieux ;
d'où l'intérêt de pouvoir identifier de manière
judicieuse un certain nombre d'objectifs. La RCB conduit pour ainsi dire
à un budget préparé en fonction des objectifs poursuivis
et méthodiquement arrêtés.
98 OCDE, La budgétisation axée sur la
performance dans les pays de l'OCDE. p. 11.
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Traditionnellement, la notion de budget renvoi aux documents
de recette et de dépense de l'État, il est constitué par
l'ensemble des comptes qui décrivent pour l'année civile toutes
les ressources et toutes les charges permanentes de l'État. Le budget
est souvent employé comme synonyme de la loi de finances mais il a un
sens plus restreint en ce sens qu'il ne constitue pas un acte de
décision mais seulement un ensemble de compte.
L'élaboration de la loi de finances est soumise
à un certain nombre de principes au nombre desquels, la règle de
l'annualité budgétaire. Ce qui signifie qu'elle est votée
pour une année qui correspond à l'année civile, et est
exécutée dans ce laps de temps99.Mais avec la
modernisation, il y'aura un aménagement de la durée des
crédits budgétaires. Et ce, pour pouvoir concilier les exigences
de l'annualité budgétaire et les nécessités de la
pluri-annualité de certains crédits d'équipement sur la
base d'autorisation de programme.
La pluri-annualité exprime alors l'intégration
du moyen terme dans la budgétisation. Les crédits sont
spécialisés par programmes100. Le programme
étant lui-même un ensemble cohérent de ressources et
d'actions orientées vers la réalisation d'une politique publique
dans une perspective de moyen terme. Le projet de loi de finances est
accompagné d'un document de programmation budgétaire et
financière pluriannuelle couvrant une période minimale de trois
ans101. Ce document est connu sous une appellation
générique de Cadre de Dépenses à Moyen Terme
(CDMT). La loi de finances de l'année reste un document régi par
le principe de l'annualité budgétaire mais la perspective
temporelle s'élargit.
Les affectations de ressources pourront se faire en
considération des conséquences pour le moyen terme. Le
Gouvernement lui-même se donne des balises sur trois ans en
matière de volume global de recettes, de dépenses, du
déficit ou du
99 Art 2 in fine de Loi organique n°2014-336 du
05 juin 2014 relative aux lois de Finances en Côte d'Ivoire
100 Article 12, de la Directive n°06/2009/CM/UEMOA
portant loi des finances et l'article 15 de la LOLF 2014. 101Cf.
article 15 al.5,6 &7 de la LOLF 2014, et les articles 12 al.3, 46 et
52, DLF, : art 52 «Le projet de loi de finances de l'année est
élaboré par référence à un document de
programmation budgétaire et économique pluriannuelle couvrant une
période minimale de trois ans...le document de programmation
budgétaire et économique pluriannuelle évalue le niveau
global des recettes attendues de l'Etat... Ce document de programmation
budgétaire et économique pluriannuelle évalue
également l'évolution de l'ensemble des ressources, des charges
et de la dette du secteur public... »
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niveau d'endettement par exemple. Le principe
général étant que les crédits non consommés
au cours d'un exercice budgétaire ne peuvent être reportés
sur l'année suivante. Ceci dit, la pluri-annualité n'a pas
l'exclusivité des innovations apportées au droit
budgétaire, en effet l'État devra s'atteler à la
définition d'objectifs permettant la mesure de la performance.
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