Les jeux vidéo et la socialisation chez les adolescents( Télécharger le fichier original )par Elodie Gérard ESPE Nantes - Master 2 MEEF : Encadrement Educatif 2016 |
III.3) La socialisationComme évoqué précédemment, les jeux vidéos nécessitant une connexion internet sont appelés des jeux en ligne (ou online). Cette spécificité amène à bâtir des associations de joueurs ayant un but commun (guilde) au sein d'un jeu vidéo. Ces associations de joueurs nécessitent un partage (de ressources, d'artefacts), enclenchant deux processus de socialisation, entendue comme « construction d'une identité sociale par et dans l'interaction » (Mead, 1934, p. 4). Le premier processus est une sociabilité préexistante au jeu et le deuxième 38 http://www.tns-sofres.com/sites/default/files/2014.11.28-jeux-video.pdf consulté le 21/09/2015 39 https://questionsdecommunication.revues.org/395 consulté le 21/09/2015 40 Selwyn, N. (2003). Apart from Technology : Understanding people's Non Use of Information and Communication Technologies in Everyday Life". Technology in Society. 41 Selwyn, N. (2006). Digital division or Digital decision ? A study of non users and low-users of computers. Poetics. 22 repose sur la création d'une guilde via les affinités développées au cours du jeu. Plus précisément, le premier processus repose sur la création d'une guilde à partir « des joueurs se connaissant dans la vraie vie et qui jouent ensemble ». (Berry, 2012, p 180). Ainsi, des groupes sociaux déjà existants se retrouvent et forment une guilde, et il n'est pas rare d'avoir des membres d'une même famille (parents, frères, soeurs, oncles..) ou des amis (copains de collège, de faculté, collègues de travail...). Le but de cette guilde sera alors une façon de prolonger le contact et de se divertir. Ce sera également un moyen pour les joueurs de maintenir des relations lorsque les individus sont éloignés géographiquement. Le deuxième processus repose sur la création d'affinité via des pratiques dans l'univers ludique. En d'autres termes, des joueurs ayant ponctuellement joué ensemble auront des relations régulières et développeront des affinités, créant de ce fait une guilde en intégrant les membres côtoyés régulièrement. Cette relation est décrite comme « purement ludique » (Berry, V, 2012, p. 181) c'est à dire liés aux impératifs et aux contraintes du jeu (tels que tuer un monstre d'un niveau supérieur). Les guildes de manière générale fonctionnent comme une instance socialisatrice car elles mettent en relation de nombreux joueurs. Si les interactions sont nombreuses au sein des jeux en ligne massivement multijoueurs, c'est d'abord parce que celles-ci sont nécessaires à toute action humaine (Parsons, 1937). La théorie générale de Parsons42 décompose l'action humaine en quatre éléments essentiels : « l'action suppose un acteur, une situation partiellement contrôlée par lui, une combinaison de fins et de moyens soumis aux choix de l'acteur par des critères normatifs » (Bourricaud, 1977, p. 32). L'ensemble des fins et des moyens permet de définir l'action humaine comme une relation d'objet, c'est à dire un comportement tendant vers des buts et ayant une signification pour l'acteur. L'interaction est nécessaire à toute action humaine, puisque toute action nécessite une relation à autrui. Or, toute interaction n'est possible que si « une norme commune s'impose simultanément aux deux acteurs » (Parsons, 1937, p.10). Deux acteurs ne peuvent communiquer que s'ils possèdent un minimum de codes commun (tel qu'un langage interprété de la même manière par les deux acteurs), ce que Parsons appelle la double contingence c'est à dire une inter-influence entre les deux acteurs. D'autres parlent de systèmes sociaux auto référentiels (accompanying self-reference)43, c'est à dire un système comparatif dans lequel l'auto référence (référence à soi) s'accompagne d'une référence systématique à l'environnement, duquel ils dépendent. Si l'interaction est nécessaire à toute action humaine, celle-ci est régie par des normes et des 42 T, Pearson., (1937) The Structure of Social Action. The Free Press. 43 Berger, P., Luckmann T., (2006). La construction sociale de la réalité. Armand Collin 23 valeurs, conditionnant les interactions entre les individus. Au travers du lien social que va expérimenter l'adolescent au cours du jeu vidéo, il va acquérir un ensemble de normes et de valeurs (règles, savoirs faire) lui permettant de se socialiser. Les normes sont « des règles explicites ou implicites, qui orientent le comportement des individus conformément aux valeurs de la société » (CNED, 2010). Les normes déterminent alors les rôles et les attentes qui conditionnent les interactions entre les individus. Les normes et les valeurs sont donc nécessaires afin qu'une socialisation ait lieu au cours du jeu vidéo. D'ailleurs, il existe un lien étroit entre les constituants (règles, interactions) du jeu et ceux de l'institution sociale « Le jeu traduit et développe des dispositions psychologiques qui peuvent en effet constituer d'importants facteurs de civilisation »44. Si le jeu est un facteur de socialisation, l'enfant quitte alors la socialisation primaire, amenée par la famille, pour se diriger vers une socialisation secondaire. En effet, bien que la socialisation soit amenée par le jeu, celle-ci a une existence antérieure et cette socialisation et son développement n'a pu se faire seul. L'intervention d'un agent extérieur (appelé agent de socialisation) est nécessaire dont le but est de former l'individu de manière instrumentale, c'est à dire un but conscientisé « d'éduquer, d'inculquer et de former45 ». La famille est une socialisation dite primaire car elle fondamentale et première pour l'enfant. Le rôle de la famille est d'apprendre à l'enfant les règles et les normes, les valeurs à adopter pour permettre l'intégration de l'individu dans la société. Par le jeu, l'enfant quitte alors la socialisation primaire pour se diriger vers une socialisation secondaire. Celle-ci est définie comme « savoirs spécialisés véhiculant une conception du monde et se construisant en référence à un champ spécialisé d'activité » (Berger et Luckman, 2006, p.214). La communauté de pairs au sein d'un jeu vidéo est une socialisation secondaire car la socialisation intervient dans le cadre d'un loisir constituant un champ spécialisé d'activité. Si les adolescents sont fédérés autour de l'outil numérique qu'est le jeu vidéo, c'est parce qu'ils retrouvent au sein de ces jeux un ensemble de processus liés à la période adolescente. 44 http://www2.ac-lyon.fr/etab/ien/ain/bourg2/IMG/pdf/Approches_theoriques_du_jeu.pdf consulté le 04/05/2015 45 http://alphasociologie.blogspot.fr/2010/09/les-agents-de-la-socialisation.html consulté le 10/05/2015 24 |
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