2. La carte de résidence en Métropole.
D'emblée, il est important de souligner pour
éviter tout malentendu dans cette partie que le Cameroun colonial n'a
pas connu le développement des infrastructures destinées à
l'établissement de la carte d'identité. Cependant, pendant la
colonisation seuls quelques Camerounais déplacés en
métropole ont connu les pratiques d'identification centrées sur
la carte d'identité, carte de séjour ou encore carte de
résidence. En fait, après la deuxième guerre mondiale, la
question de l'identification des indigènes devient celle de
l'accès à la nationalité, au droit de séjour et au
travail pour les migrants. L'accès à la citoyenneté, et
donc au droit de vote, devient la clé de la souveraineté sur le
territoire. Se mettent alors en place une succession de structures et de
procédures pour établir des listes d'indigènes, citoyens
français et « protégés français », en
particulier autour de manipulations administratives de l'état civil.
L'objectif de l'administration est alors de choisir les
«indigènes» parmi la masse des demandeurs de
nationalité et de citoyenneté, pour contrôler à
travers la population «régulière», la situation
politique locale et la présence française dans les
colonies6.
C'est dans le contexte de la régulation d'entrée
et de séjour des migrants coloniaux après 1945 en France, que la
carte de résidence et la carte de séjour ont été
instituées pour identifier les immigrés et ceux des colonies en
particulier. Ainsi, au-delà des droits politiques et civiques auxquelles
elle donne accès, la citoyenneté recouvrait également dans
les possessions françaises, la possibilité de se déplacer
de la colonie pour la métropole tout en étant astreint de
présenter un document attestant de la
6 A.Spire, 2003, « Semblable et pourtant
différents. La citoyenneté paradoxale des « Français
musulmans » en métropole », Genèse, n°
53, p.56.
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légitimité de sa présence sur le
territoire7. Le droit reconnu aux colonisés de se
déplacer en métropole et d'être contraints de se conformer
aux pratiques policières d'identification se trouve donc au coeur de la
différenciation entre les immigrants coloniaux et les Français.
Il existait en France à partir de l'adoption de la constitution du 27
octobre 1946, trois catégories de migrants coloniaux : Les
protégés français qui sont les Tunisiens et les Marocains,
les ressortissants des territoires associés tels que les originaires
d'Indochine, du Togo et du Cameroun et enfin les ressortissants des
départements et des territoires d'outre-mer. Les ressortissants
marocains et tunisiens ne sont pas soumis à l'ordonnance du 2 novembre
1945 sur l'entrée et le séjour des étrangers en France.
Néanmoins, ils doivent être porteurs d'une carte d'identité
dite de « protégé français », valable pour la
durée de leur séjour en France, ceci en application du
décret du 29 juin 1938 qui précise leur statut en
métropole.
Pour le cas des Camerounais qui nous intéresse dans
cette partie, ils sont soumis lorsqu'ils résident en métropole,
à un statut juridique plus favorable que celui des Marocains et des
Tunisiens. Ils ont une nationalité propre, mais
bénéficient d'une « citoyenneté de l'Union
française » qui leur permet d'être électeurs et
éligibles aux Assemblées politiques de l'Union française.
Jusqu'à la fin de l'année 1952, ils dépendent du
ministère de la France d'outre-mer puis sont soumis à
l'ordonnance du 2 novembre 1945 sur l'entrée et le séjour des
étrangers en France. Même s'ils bénéficient toujours
d'un régime de séjour privilégié : lorsqu'ils
arrivent en métropole, ils sont mis à l'obligation de
détenir un document d'identification spécifique et peuvent, s'ils
en font la demande, en obtenir une « carte de résidence de citoyen
de l'Union française » valable pour dix ans, délivrée
par la préfecture de leur lieu de résidence. Dans un premier
temps, le seul obstacle que rencontrent ces migrants camerounais nouvellement
promus citoyens tient au soupçon concernant l'exactitude de leur
état-civil. Dans la plupart des cas, l'employé de
préfecture adresse une demande de vérification au maire de la
commune dont le migrant est originaire et cette procédure prend parfois
du temps8.
Cependant, une fois ces formalités remplies, ils se
voient délivrer des cartes de résidence portant des mentions
spéciales susceptibles de les différencier de celles des
7Spire, 2003, p.57. 8 Ibid., pp.57-60.
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autres immigrés et des Français. Sur ce document
d'identification sont disposés les éléments suivants :
-Nom (éventuellement : Épouse pour les femmes)
-Prénom .
-Né (e)
-Provient de
-Fils ou Fille de
-Nationalité .
-Situation familiale
-Date d'entrée .
-Profession
-Adresse .
-Signalement . Etc.
Au demeurant, la carte d'identité n'était pas
connue unanimement de tous les Camerounais pendant la période coloniale.
Tout ce que l'on peut dire c'est que le système d'identification de type
occidental en vigueur au cours de la période coloniale au Cameroun
était uniquement centré sur l'état-civil indigène.
Néanmoins, les immigrés camerounais en métropole ont connu
la carte de résidence, un document d'identification semblable à
la carte d'identité. L'obtention de cette pièce étant
obligatoire pour tous les immigrés en métropole fut alors un
instrument destiné à contrôler l'identité des
Camerounais qui franchissent les frontières françaises.
Dès lors, à partir de 1960, le Cameroun français en
accédant à l'indépendance mit sur pied un système
d'identification des citoyens. Il est question donc de l'institution de la
carte nationale d'identité.
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Photo 1: Échantillon d'une carte de
résidence du citoyen de l'union française en
métropole
(c) : Alex Spire, 2003.
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