Participation des bénéficiaires aux actions de lutte contre la pauvreté infantile au Togo: cas des parents du CDE Kadès de Kousségbé-Légbanou (préfecture de Vo)( Télécharger le fichier original )par Hodénou ALOGNON KPENOU Ecole Nationale de Formation Sociale (E.N.F.S.) - Cadre Supérieur de Développement Social (C.S.D.S.) Option : Développement Local Participatif (D.L.P.) / Licence pro 2016 |
CHAPITRE 1 : PROBLÉMATIQUE ET CADRE CONCEPTUELCe chapitre consiste dans un premier temps à énoncer le problème qui fait l'objet de la recherche, à émettre les hypothèses, à définir les variables et les indicateurs, à exposer nos objectifs de recherche, à justifier le choix du thème et du site de recherche et dans un second temps à présenter la revue de littérature qui sous-tend le thème. Titre 1 : ProblématiqueLa participation des communautés telle que l'ont défini Cohen et Uphoff6(*) (1980) dans le cycle de développement des projets s'inscrit dans le cadre des nouvelles politiques de décentralisation et de développement communautaire.Ces politiques ont été initiées pour rompre avec un système centralisé qui, dans le passé, a marqué plusieurs décennies d'actions de développement dans beaucoup de pays en Afrique.Néanmoins, si la participation de la communauté ou de groupes plus restreints a toujours été habituellement sollicitée pour la mise en oeuvre des projets de développement, la mobilisation des parents autour des problèmes, ici de santé, d'éducation et d'alimentation des enfants, était moins fréquente.Cette situation n'étaitévidemment pas sans justifications ; et celle actuelle, où l'implication des parents dans les projets liés aux enfants est davantage souhaitée, n'en manque pas non plus. Longtemps, dans les sociétés africaines, l'éducation et la prise en charge totale des enfants furent des responsabilités assumées exclusivement par les parents ou familles et, par extension, les membres de la communauté dans laquelle ils vivent. Le développement intégral de l'enfant et sa protection étaient considérés comme une garantie de la cohésion sociale, mais aussi comme un moyen de préserver celui-ci d'ennuis extérieurs et de lutter contre des problèmes éventuels auxquels il sera confronté. Mais il est établi aujourd'hui que les parents, végétant dans une situation de précarité7(*), se désengagent de leurs devoirs envers les enfants, suite à la perte de vitesse de ce que Durkheim (1893) appelle « solidarité mécanique ». Les enfants vivant de pareils cas se voient confrontés à d'énormes difficultés qui amenuisent leurs chances de réaliser leur rêve et de pouvoir contribuer valablement à l'évolution de leur milieu. Ceci a pour conséquence la recrudescence aujourd'hui de grands problèmes sociaux qui portent en leur sein des atteintes aux droits des enfants. L'Afrique est un continent jeune dont les enfants sont massivement touchés par la pauvreté. À la pauvreté monétaire s'ajoute celle des privations de nutrition, d'accès aux infrastructures de soins, à l'eau propre et à l'éducation. La revue biannuelle ``Regards protection sociale'' (2014) témoigne dans son quarante-cinquième numéro que « l'Afrique de l'Ouest et du Centre a les chiffres les plus faibles de scolarisation de toutes les régions du monde ».8(*)À titre d'illustration, d'après le rapport 2015 sur les OMD, à l'heure actuelle, 57 millionsd'enfants en âge d'aller à l'école primaire ne sont pas scolarisés ;et parmi ceux-ci, 33 millions se trouvent en Afrique subsaharienne.Le nombre d'enfants souffrant d'un retard de croissance a diminué dans toutes les régions excepté en Afrique subsaharienne, où ce nombre a augmenté de près d'un tiers entre 1990 et 2013.Cette forme chronique de dénutrition expose ces enfants à un risque plus élevé d'un développement cognitif et physique diminué.Selonl'enquête ESAM II (Enquête Sénégalaise Auprès des Ménages) de 2001, la proportion de ménages touchée par la pauvreté multidimensionnelle a été de 58,4% contre 48,5% en termes de pauvreté monétaire9(*). Malgré la publication de plusieurs traités internationaux10(*) et la mobilisation des États autour des Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD) qui ont atteint leur échéance en septembre 2015, des millions d'enfants africains restent exposés aux risques de malnutrition et à la faiblesse des systèmes de soins. Les progrès vers les OMD ont été très lents et les filets de sécurité informels fondés sur la solidarité familiale ne suffisent plus. Selon la Stratégie de Croissance Accélérée et de la Promotion de l'Emploi (SCAPE), des impératifs économiques constituent l'une des causes de l'importance du travail des enfants au Togo. Ce dernier constitue une des solutions à laquelle les ménages ont recours afin d'améliorer leurs revenus. La vulnérabilité des enfants est exacerbée par un manque d'accès aux services sociaux de base (santé et éducation surtout), particulièrement dans les communautés les plus pauvres. D'après les résultats du MICS4 (2012), au Togo 11% des enfants en âge d'allerà l'école primaire ne sont pas scolarisés et le taux net de fréquentation du primaire est plus élevé en milieu urbain (94%) qu'en milieu rural (86%). Tous ces aspects résultent le plus souvent de stratégies de survie préjudiciables aux enfants appliquées par les ménages en situation de pauvreté ou de précarité. Ils sont aussi la résultante des diverses approches d'intervention peu participatives, utilisées par les acteurs de développement locaux. Cette situation de vulnérabilité accentuée des enfants a poussé le Togo à faire de la protection sociale, en particulier des groupes vulnérables, un des piliers de sa stratégie11(*) pour assurer une réduction de la pauvreté. Pour accompagner l'État, de nombreux acteurs et ONG s'invitent dans la lutte contre la pauvreté infantile, qui présente plusieurs aspects, en s'intéressant à une ou plusieurs de ses dimensions.Les associations et organisations confessionnelles ou religieuses n'ont pas adopté une attitude attentiste face à cet appel tacite du gouvernement et s'illustrent à travers des actions menées en faveur des enfants et des familles au sein des communautés sur toute l'étendue du territoire togolais. C'est dans ce cadre qu'actuellement quatorze Églises dans la préfecture de Vo,en partenariat avec Compassion International Togo (CIT),ont mis en place chacune un CDE pour exécuter un programme appelé programme de parrainage des enfants(CDSP).Les CDEdu Cluster12(*)de Vo-Sudont naturellement des objectifs ou résultats spécifiques à réaliser,comme toute autre organisation d'ailleurs ; et leur mission ne sera accomplie que grâce à la forte participation locale, surtout celle des parents ou familles. Mais cette implication des parents tant souhaitée pour une meilleure protection de leurs enfants, reste faible et passive. Cette passivité des parents se manifeste par leur retard aux réunions du CDE, le suivi défaillant de leurs enfants et autres. Cette situation qui prévaut dans ces structures de lutte contre la pauvreté des enfants fait émettre des doutes par rapport à l'efficacité des actions menées. Aussi à ce rythme, l'échec de ces projets n'est-il pas exclu des éventualités, lorsqu'on se projette sur le moyen et le long terme. Au regard de ce problème, l'objet de cette recherche revient à faire le diagnostic du défaut d'engagement des parents pour les actions des structures de lutte contre la pauvreté infantile, en l'espèce le CDE KADÈS de Kousségbé-Légbanou dans la préfecture de Vo au Sud du Togo. La question de recherche qui en découle est formulée comme suit : Qu'est-ce qui explique la faible implication des parents dans les actions de lutte contre la pauvreté infantile menées par le CDE KADÈS de Kousségbé-Légbanou? De cette question principale découlent trois questions secondaires : § La faible participation des parents à la réalisation des objectifs du CDE découle-t-elle de leur méconnaissance de sa raison d'être et de leur mauvaise organisation ? § Quels sont les effets du faible engagement des parents pour les actions du centre ? § Des stratégies alternatives d'amélioration de la participation des parents aux actions du CDE seraient-elles nécessaires et utiles ? Au cours de cette recherche, des éléments de réponses sont apportés à ces questions ; et pour y parvenir, les hypothèses suivantes ont été émises. Elles sont subdivisées en deux catégories : l'hypothèse principale et les hypothèses secondaires. L'hypothèse générale de cette recherche est la suivante : la non-implication des parents au début du CDSP du CDE KADÈS explique leur passive participation à ses actions de lutte contre la pauvreté infantile. De cette hypothèse principale découlent des hypothèses secondaires. ü La méconnaissance par les parents de la mission du CDE et leur mauvaise organisation favorisent leur faible participation à la réalisation de ses objectifs. ü Le faible engagement des parents est un frein à la réussite des actions menées par le CDE. ü La réussite et la pérennisation des actions du CDE dépendraient de l'adoption de stratégies durables d'amélioration de la participation des parents. Dans le but d'expliquer les effets de la variable dépendante de cette recherche, est retenue la variable indépendante suivante :la non-implication des parents au début du programme (CDSP). Est retenue, dans le but d'expliquer le phénomène à l'étude, la variable dépendante suivante : laparticipation passive des parents aux actions de lutte contre la pauvreté infantile. Un indicateur est un instrument de mesure et de manifestation observable de la variable sur le terrain. Les indicateurs retenus dans le cadre de la présente recherche sont : § La fréquence des réunions organisées par le comité des parents Cet indicateur permet, dans le cadre de cette recherche, de connaître le nombre moyen de réunions que tient le comité des parents par année. Il témoigne du niveau d'organisation des parents et de l'importance que ceux-ci accordent aux activités du CDE et, par ricochet, à leurs enfants. § La fréquence de la visite des parents au centre Le rythme des visites des parents au centre sera révélé par cet indicateur. Il s'agit de voir combien de fois les parents font des visites de courtoisie en moyenne dans une année. Il mesure, par ailleurs, le degré d'imprégnation des parents dans les activités du centre et de leur niveau d'appropriation du projet. § L'existence du comité des parents Elle constitue la garantie que l'association des parents des bénéficiaires à la mise en oeuvre de son programme CDSP est un levier fort de la réussite de celui-ci. Cet indicateur montre à suffisance que l'adoption de stratégies de consolidation du statut des parents au CDE est gage de l'amélioration de ses résultats jusque-là obtenus, dans le cadre dudit programme. § Les comportements/attitudes des enfants bénéficiaires Cet indicateur a pour but de déceler les comportements non encouragés ou non souhaités des enfants, aussi bien sur le CDE que dans le village. Il renseigne sur l'effet de la participation passive sur les enfants et sur les chances de réussite du CDSP. § Le retard et l'état d'arrivée des enfants au centre Ils permettent d'avoir une idée sur la moyenne des enfants retardataires au CDE et aussi de mesurer le degré d'attention que les parents accordent à leurs enfants. § Le taux de présence/absence des parents aux réunions Le nombre moyen de parents présents et absents aux réunions organisées par et/ou pour les parents est nécessaire à l'analyse de leur participation aux actions liées au CDSP menées. § Les taux d'échec scolaires des enfants Cet indicateur est très utile à la présente recherche en ce qu'il fait montre des taux d'échec scolaire des enfants enregistrés lors des années scolaires allant de 2012 à 2015. Il trouve sa pertinence dans le fait qu'il permet de faire une comparaison entre les taux susmentionnés et de suivre leur évolution.
Cette étude vise à analyser la faible implication des parents des bénéficiaires du CDSP du CDE KADÈS dans ses actions de lutte contre la pauvreté infantile. Cet objectif principal est décliné en objectifs spécifiques de recherche-action. Spécifiquement, il s'agit de: Ø démontrer que la faible participation des parents est due à leurméconnaissance de la mission du CDE et à leur mauvaise organisation ; Ø apprécier les effets du manque d'engagement des parents sur les actions de lutte contre la pauvreté infantile du CDE et les enfants ; Ø développer des stratégies efficaces pour accroître la participation active des responsables des enfants au CDSP. Le choix du thème decette recherche-action et du site émane des observations faites sur au moins deux CDE du Cluster de Vo-Sud et des considérations découvertes dans la littérature sur la participation et la pauvreté infantile. Ainsi a-t-il été jugé utile de mener cette recherche pour les raisons suivantes : En premier lieu, ce sujet s'impose au cadre de développement par son actualité et l'ampleur de la pauvreté infantile dans le milieu. En effet, la considération de la pauvreté infantile se justifie au moins selon deux points de vue : du point de vue économique, l'enfant constitue l'investissement fondamental en capital humain pour la société à long terme et, du point de vue de l'éthique sociale, l'enfant doit être protégé par la collectivité dans la mesure où il n'est pas acteur de sa situation socio-économique, il bénéficie ou subit celle de ses parents.S'agissant du choix du site, Kousségbé-Légbanou est, à l'image de la préfecture de Vo, une zone où la pauvreté infantile sévit et met en péril le développement holistique des enfants. Il est également une des premières localités de Vo à accueillir un CDE, et donc le CDSP. En dehors de ce programme, le CDE KADÈS fait partie des deux centres dans le Cluster Vo-Sud qui exécutent le CSP ; un deuxième programme qui agit directement sur les mères (parents). Deuxièmement, ce travail vient s'ajouter à la liste assez courte des documents scientifiques traitant de la pauvreté infantile en Afrique en Général et au Togo en particulier. Il s'est focalisé sur un problème qui mine les sociétés africaines mais qui semble être marginalisé par les chercheurs. En troisième et dernier lieu, l'intérêt de cette recherche réside également dans le fait qu'elle soulève une préoccupation du moment. Aujourd'hui, la lutte contre la pauvreté, prise globalement, concentre toute l'attention des décideurs.Les pouvoirs publics, les acteurs sociaux, et les institutions internationales qui s'intéressent à la situation des enfants ont continuellement besoin d'informations fiables et spécifiques sur la condition des enfants afin d'évaluer ladite situation et de mener des politiques ciblées pour l'améliorer. Ce thème permet aux acteurs de développement de mieux orienter leurs actions dirigées vers les enfants en y impliquant effectivement les parents. * 6La « participation populaire » dans le développement définie comme l'implication d'un nombre significatif de personnes dans des situations ou actions qui améliorent leur bien être représenterait une stratégie radicalement différente de la conception fondée sur une théorie privilégiant l'initiative des agences de développement et le recours au capital, qui implique la passivité de la majorité de la population. (COPEN et UPHOFF, 1980). * 7Les ménages, aussi bien en milieu rural qu'urbain, sont exposés à une variété de chocs (sécheresse, inondations, accidents, maladies, fluctuation des prix de produits de base, etc.) qui les empêchent d'accumuler les biens et le capital humain susceptibles de les aider à sortir de la pauvreté. SCAPE 2013-2017. * 8Revue bi-annuelle``Regards protection sociale'' publiée par l'École Nationale Supérieure de Sécurité Sociale (France) N°45 Avril 2014, p. 70. * 9KI et al (2005). Pauvreté multidimensionnelle : approche non monétaire fondée sur les besoins de base. * 10 Voir notamment : la Charte africaine des droits et du bien-être de l'enfant (1979), la Convention internationale des droits del'enfant (1989). * 11Stratégie de Croissance Accélérée et de Promotion de l'Emploi (SCAPE). 2013-2017. * 12Tout CDE créé est intégré dans un ensemble appelé Cluster, dirigé par un PF. Le Cluster réunit tous les CDE implantés dans une zone géographique donnée. Ainsi, le CDE KADÈS est dans le Cluster de Vo-Sud. |
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