Le cadre juridique de la protection des savoirs traditionnels africains associés aux ressources génétiques sur l'agriculture et l'alimentation dans l'espace OAPI( Télécharger le fichier original )par Thierry Sourou WHANNOU Institut de Droit Communautaire & Université de Bouaké - Master 2 en Droit Communautaire Africain 2010 |
Paragraphe 2ème : Étude de la «Loi cadre» de l'OUA pour la protection des droits des communautés locales, des agriculteurs et éleveurs, et pour la règlementation de l'accès aux ressources biologiques.L'Organisation de l'Unité Africaine (OUA) est l'organisation continentale qui regroupe en son sein tous les Pays africains. Mise sur les fonds baptismaux le 25 Mai 1963 à Addis-Abeba (Éthiopie) par la Charte Africaine, elle est devenue Union Africaine (UA) depuis le 9 Juillet 2002 à Durban (Afrique du Sud), après ratification du Traité adopté à Lomé au Togo le 11 Juillet 2000 par les chefs d'État et de Gouvernement des 53 pays que comptait le continent283(*). À la lecture du préambule du Traité de Lomé et des objectifs (article 3)284(*), on peut affirmer que la préservation et l'amélioration de la diversité biologique du continent par un contrôle de l'accès aux ressources génétiques, sa conservation et son utilisation durable; la protection des droits des peuples285(*) (autochtones), soit de leurs connaissances et pratiques traditionnels, constituent des raisons d'être de l'OUA, et plus encore aujourd'hui de l'UA. En outre, on peut ajouter les objectifs fixés, entre autres, de promouvoir et défendre les positions africaines communes sur les questions d'intérêt pour le continent et ses peuples ; de coordonner et harmoniser les politiques; de promouvoir la coopération et le développement dans tous les domaines. Tout ce qui précède justifiait assez la nécessité et l'urgence de prendre des mesures au plan continental, en vue de protéger les ressources biologiques et les droits des communautés locales et peuples autochtones africains. C'est dans ce cadre que plusieurs initiatives ont été prises, en l'occurrence celles de la Commission Scientifique, Technique et de la Recherche de l'OUA (OUA / CSTR), de l'Administration pour la Protection de l'Environnement et de l'Institut pour le Développement Durable. Ainsi, l'atelier organisé par la Commission scientifique, de l'OUA en avril 1997 sur « les plantes médicinales et la phytothérapie en Afrique : Problèmes politiques relatifs à la propriété, l'accès et la conservation » a recommandé que « l'OUA / CSTR se charge entre autres «d'initier et de coordonner l'élaboration d'un projet de législation modèle relatif à la protection des connaissances traditionnelles sur les plantes médicinales ; [...].286(*)». 287(*) Le Projet de législation modèle fut alors approuvé par le Sommet des Chefs d'État de l'OUA en juin 1998 au Burkina Faso. Après plusieurs réunions d'experts de 1998 à 2000, la «Loi Modèle» a été enfin adoptée à Lusaka (Zambie) en Juillet 2001.288(*) L'objectif principal de la législation type ainsi adoptée est d'assurer la conservation, l'évaluation et l'utilisation durable des ressources biologiques y compris les ressources génétiques agricoles, et des connaissances et technologies, pour préserver et améliorer leur diversité dans l'optique de pérenniser les systèmes entretenant la vie.289(*) Quel est le contenu de cette législation cadre, notamment quels sont les principes retenus et les droits reconnus dans ses dispositions (A). Et quels sont les mécanismes et procédures, ainsi que les arrangements institutionnels prévus pour assurer sa mise en oeuvre efficiente. (B) A- Présentation globale du contenu de la législation type : les droits et principes retenus. Les principes de base de la loi modèle sont tirés de la CDB et tiennent compte des coutumes et traditions des peuples africains. Ces principes insistent notamment sur : la non brevetabilité du vivant ; la souveraineté et la sécurité alimentaire, les droits et les responsabilités inaliénables de l'État; la valeur des connaissances autochtones; le consentement préalable donné en connaissance de cause; le partage juste et équitable des bénéfices,290(*) la participation totale des communautés autochtones à la prise de décision.291(*) Une lecture globale de la loi «Modèle» de l'OUA sur l'accès aux ressources biologiques et les droits des communautés locales permet de constater, outre les définitions, objectifs et champ d'application (1ère et 2ème parties), qu'elle est constituée de quatre grandes composantes. Elle traite en effet : - de l'accès aux ressources biologiques et aux savoirs traditionnels associés (dans sa 2ème et sa 3ème parties); - des droits des communautés locales (dans le Préambule et dans la 1ère et la 4ème parties); - des droits des agriculteurs (dans la 5ème partie); - des droits des sélectionneurs (dans la 6ème partie). Une dernière composante est consacrée à l'encadrement institutionnel (7ème partie) et aux mesures coercitives (8ème partie). 1- L'accès aux ressources biologiques et aux savoirs traditionnels associés. La règlementation type détermine les conditions d'accès aux ressources biologiques et savoirs traditionnels des communautés dans les dispositions de ses articles 3 et suivants. La notion d'accès est définie à l'article 1er comme étant «l'acquisition de [...] connaissances, d'innovations, de technologies ou de pratiques des communautés telle qu'elle est autorisée par l'autorité nationale compétente». En effet, elle réitère des principes, posés par la CDB et étudiés dans le chapitre précédent, comme: - la souveraineté et la responsabilité des États, et les droits inaliénables des communautés locales et autochtones sur leurs ressources biologiques et les STA; - le consentement préalable donné en connaissance de cause ; - le partage juste et équitable des bénéfices ; La loi modèle soumet l'accès à des conditions précises fondées sur ces principes, et suivant une procédure bien déterminée. La loi modèle fonde ainsi l'accès, sur le principe du consentement préalable donné en connaissance de causes292(*) par les communautés locales (art. 3.1; 5.1; et 18), mais également sur le partage juste et équitable des bénéfices tirés de l'utilisation commerciale des ressources biologiques avec ceux qui les ont fournies293(*). Tableau 1 : Comparaison entre le modèle de loi africaine (OUA), la CDB, et le TIRPAA : Accès aux ressources.
Source : La biodiversité en Afrique de l'ouest ; ARCHIVES DE DOCUMENTS DE LA FAO ; http://www.fao.org/docrep . Ø L'accord préalable de l'État et le Consentement préalable donné en connaissance de causes par la ou les communautés concernées. Outre le consentement éclairé des communautés, le demandeur pour obtenir l'accord d'accès, doit requérir l'autorisation d'accès de l'Autorité Compétente Nationale (ACN)294(*), qui seule a compétence pour l'accorder. Il présente à cet effet à l'Autorité Compétente Nationale une demande fournissant un certain nombre d'informations énumérées à l'article 4, notamment une description de l'innovation, pratique, connaissance ou technologie en rapport avec la ressource biologique et la proposition des mécanismes de partage des avantages. Les communautés locales ont le droit de refuser l'accès à leurs savoirs traditionnels, si un tel accès est accordé au détriment de l'intégrité de leur patrimoine naturel ou culturel. (art. 19). Tout accès qui serait donc accordé sans le consentement éclairé préalable sera non valable et sanctionné295(*) comme tel (art.3.2). De même l'accès accordé sans consultation des communautés concernées sera considéré comme illégal et violant le principe incontournable du consentement donné en connaissance de cause (art. 5.3). Le Consentement Préalable et Éclairé des communautés et peuples concernés doit en outre prendre en compte l'approche genre296(*). Le consentement préalable donné en connaissance de cause constitue donc la pierre angulaire du système d'accès. Ø Le partage des bénéfices comme condition à l'accès. Quant au partage des avantages, la loi modèle insiste sur l'obligation de la part du collectionneur de «prévoir le partage des bénéfices» que doit contenir l'accord 297(*) d'accès signé entre ce dernier, l'Autorité Compétente Nationale et la ou les communautés locales concernés (art. 8.1-vi). Elle fixe dans les dispositions de l'article 12, les modalités d'un tel partage. Dans les dispositions consacrées aux droits des agriculteurs, la législation est plus que précise sur le caractère fondamental de ce droit pour les communautés agricoles. 2- La non brevetabilité du vivant. La loi modèle tranche également avec une question particulièrement importante dans la protection des savoirs traditionnels ; il s'agit de la brevetabilité du vivant. Elle soumet l'accès aux ressources biologiques, à l'interdiction des brevets sur le matériel, sur les processus biologiques ou sur l'un quelconque de leurs dérivés 298(*)(299(*)). Le collectionneur, «s'il veut obtenir l'autorisation d'accès»300(*), ne doit donc faire aucune demande de brevet sur les formes de vie ou procédés biologiques objet de la présente loi ou autre législation relative à la règlementation de l'accès aux ressources biologiques, connaissance, innovation, pratique et technologie d'une communauté traditionnelle (art.9.2). Même si le texte n'en fait pas expressément une condition à l'accès, on peut a priori considérer que la loi a pour objectif d'empêcher l'octroi de brevet qui a pour conséquence de priver les communautés locales et les peuples autochtones de leur droit d'utiliser certaines de leurs ressources prises en compte par les droits exclusifs du brevet. Retenons enfin à ce niveau, comme exceptions et restrictions, que les dispositions de la législation modèle ne s'appliquent pas à «l'accès, l'utilisation et l'échange de connaissances et de technologies par les communautés locales et entre elles» (art. 2.2 (ii)). 3- Les droits des communautés locales et autochtones. Dans le sillage du principe 22 de la Déclaration de Rio (CNUCED)301(*), la législation type de l'OUA reconnait aux communautés autochtones et locales302(*) des droits «intellectuels»303(*) inaliénables et collectifs dans les domaines suivants :304(*) - sur leurs ressources biologiques ; - le droit de profiter collectivement de l'utilisation de leurs innovations, pratiques, connaissances et technologies; - sur leurs innovations, pratiques, connaissances et technologies acquises au fil des générations; - le droit d'exploiter leurs innovations, pratiques, connaissances et technologies pour la conservation et l'utilisation durable de la diversité biologique ; - l'exercice des droits collectifs en tant que détenteurs et utilisateurs légitimes de leurs ressources biologiques. Les prérogatives reconnues aux communautés par rapport à l'accès aux ressources biologiques et aux connaissances traditionnels qui y sont associés, notamment leur consentement préalable (art.18) et le partage des bénéfices découlant de l'utilisation commerciale (Art.22), sont des corolaires305(*) des droits ci-dessus énumérés. Il en est de même de leur droit d'interdire l'accès à leurs savoirs traditionnels qui se manifeste par leur droit de refuser le consentement et l'accès (art. 19) ou celui de retirer le consentement ou d'y mettre des limites (art. 20). En tout état de cause, la législation leur reconnait le droit inaliénable d'accéder, d'utiliser, de partager ou d'échanger leurs ressources biologiques dans les systèmes de subsistance de leurs besoins vitaux, tels que règlementés par leurs pratiques et lois coutumières (art.21.1). Aucune exception, ni restriction n'est admise à l'exercice de ces droits.306(*) 4- Les droits des agriculteurs. La loi modèle reconnait également aux agriculteurs un certain nombre de droits qu'elle conçoit en raison de l'énorme contribution des communautés agricoles locales, en particulier celle des femmes, à la conservation, au développement et à l'utilisation durable des ressources génétiques végétales ou animales qui sont à la base de la sélection pour les productions agricoles, et pour la pérennité de ces contributions (Art.24). Ainsi les rédacteurs ont jugé nécessaire de prévoir expressément les droits des agriculteurs traditionnels. Ces droits comprennent notamment les trois grandes prérogatives, reconnues également dans l'article 9 du Traité des semences de la FAO307(*), que nous avons étudié dans la section 2 du chapitre précédent. Il s'agit du droit à la protection de leurs connaissances traditionnelles liées aux ressources génétiques végétales ou animales, du droit à la répartition équitable des bénéfices tirés de l'utilisation desdites ressources et de leur participation à la prise de décision y compris au niveau national (art. 26.1 (a, b & c). En outre la Législation modèle consacre dans les points suivants de l'article 26.1, le droit des agriculteurs à la conservation, l'utilisation, l'échange et la vente de semences traditionnelles et de matériels de multiplication issus de l'exploitation. Elle leur reconnait également le droit à l'utilisation d'une nouvelle variété sélectionnée par un obtenteur et protégée308(*), de même qu'un droit à conserver une partie de la récolte issue de semences protégées par un DOV, pour en réaliser le tri et la manipulation sur l'exploitation, afin de réutiliser la semence ultérieurement309(*).310(*) Tableau 2: Comparaison entre le modèle de loi africaine (OUA), la CDB, et le TIRPAA : DROITS DES AGRICULTEURS.
Source : La biodiversité en Afrique de l'ouest ; ARCHIVES DE DOCUMENTS DE LA FAO ; http://www.fao.org/docrep 5- Les droits des sélectionneurs.311(*) Il s'agit ici d'une innovation importante de la Loi modèle de l'OUA, en ce qu'elle traite dans un même instrument, les droits des communautés et agriculteurs locaux et ceux des obtenteurs. Généralement, ces différents droits sont traités dans des instruments spécifiques par les organismes internationaux ou régionaux. D'ailleurs les défenseurs des ST et des droits des communautés autochtones ne les opposent-ils pas, à cause de leurs caractères présentés comme étant antithétiques. Mieux, les bénéficiaires de ces différents droits s'accusent mutuellement d'entraves à leurs droits respectifs.312(*) La protection des savoirs traditionnels et des droits des communautés autochtones liées aux ressources génétiques pourrait-elle alors être efficace sans une règlementation des droits des sélectionneurs ?313(*) Cette préoccupation a été prise en compte par le modèle de Loi africain qui consacre une part importante (toute une section) de ces dispositions aux droits d'obtenteur. La section y relative (sixième partie), constitue plus du tiers de cette législation modèle (articles 28 à 56 ; soit 29 articles sur les 68 que contient le texte). La Loi modèle définit le contenu du droit d'obtenteur sur une nouvelle variété (art.30), et ce qu'il faut entendre par variété nouvelle dans le cadre de cette législation (art.29). La Loi modèle africaine reconnait le droit des obtenteurs sur les variétés qu'ils élaborent (articles 28 ; 29), tout en favorisant un système d'obtention commerciale adapté aux systèmes agricoles africains. Elle reconnait également que les agriculteurs sont, et ont toujours été, des obtenteurs et elle cherche à garantir que les obtenteurs exclusivement commerciaux ne portent pas atteinte aux pratiques coutumières des agriculteurs.314(*) La Loi modèle reconnait ainsi les efforts et les investissements, tant des individus que des institutions, dans l'élaboration de nouvelles variétés végétales et propose une reconnaissance économique.315(*) Ainsi, les dispositions relatives aux droits d'obtenteurs remplissent les obligations prévues par l'article 27.2(b) de l'AADPIC en faveur d'un système sui generis pour la protection des variétés végétales316(*). Cependant, comme le fait remarquer J.A. EKPERE, les droits des agriculteurs font partie des droits des communautés et n'ont pas à satisfaire les obligations de l'Accord ADPIC. Les droits exclusifs de l'obtenteur doivent donc être protégés en tenant compte des dispositions de la Loi modèle relatives aux droits des agriculteurs (art.30.2). Il s'en suit qu'en dépit des droits exclusifs que ladite loi reconnait aux obtenteurs, elle y met des limites (art.31) quant à ce qui concerne notamment les droits des agriculteurs317(*), mais également pose le principe des restrictions (art.33) qui peuvent être imposées, si le gouvernement les juge nécessaires dans l'intérêt public. Ainsi en vertu des dérogations de l'article 31, les agriculteurs sont, par exemple, autorisés à utiliser de nouvelles variétés protégées par les droits d'obtenteur pour leurs propres variétés agricoles. B- Les mécanismes et procédures de mise oeuvre des différents droits et les dispositions institutionnelles. Le modèle de Loi a prévu pour chaque droit, les mécanismes de mise en oeuvre et les procédures à suivre quant aux différentes formalités afférentes. Les plus importants qui demandent une attention particulière à cause de leur complexité, sont ceux relatifs : à l'accès aux ressources biologiques (notamment au consentement préalable des communautés, à l'autorisation d'accès, et au partage des bénéfices) ; aux droits d'obtenteur ; aux arrangements institutionnels et aux sanctions. 1- Les dispositions institutionnelles dans la législation modèle. Le modèle loi africain sur la protection des droits des communautés locales, des agriculteurs et des obtenteurs, et règles d'accès aux ressources aux ressources biologiques, a prévu un certain nombre de structures qui doivent être créées au plan national, pour la mise en oeuvre de ladite législation. Il s'agit notamment de l'Autorité Compétente Nationale, d'un organe de coordination nationale intersectorielle, d'un organe de conseil technique, d'un réseau d'information national, et du Fond communautaire pour les ressources génétiques. Ø L'Autorité compétente nationale : est l'organe désigné ou établi par l'État et qui est chargée d'appliquer et d'exécuter les dispositions de la législation en question (art 57). Ses fonctions sont celles énumérées à l'article 58 du modèle de Loi africain.318(*) Ø La Coordination nationale intersectorielle : elle est mise en place par l'Autorité compétente nationale pour assurer la coordination et le suivi de la mise en oeuvre de la présente législation. Elle est composée des représentants des secteurs publics concernés, d'organisations scientifiques et professionnelles, d'organisations non gouvernementales et de communautés locales.319(*) Ø L'organe de conseil technique : Cet organe est nommé320(*) pour faciliter le travail de l'organe de coordination nationale intersectorielle. Ø Le réseau d'information national : Le modèle de loi prévoit également, en son article 64, que ce soit établi un réseau d'information relatif aux ressources biologiques321(*), dont les activités sont notamment ceux décrits à l'article 65. Ø Le Fonds communautaire pour les ressources : L'article 66 de la législation modèle prévoit la création d'un Fonds, dont il précise la nature juridique322(*), fixe les objectifs, les modalités d'administration et de gestion, et les modes de financement. 2- La procédure d'accès aux ressources biologiques : De la demande à l'accord de l'autorisation. Pour accéder aux ressources biologiques et aux connaissances et technologies des communautés locales, il faut introduire une demande à cet effet afin d'obtenir le consentement donné en connaissance de cause et une autorisation écrite. La demande doit être adressée à l'Autorité Compétente (ACN) et fournir les informations énumérées à l'article 4 de ladite Loi modèle. La liste des informations requise n'est toutefois pas exhaustive, car l'Autorité Compétente Nationale (ACN) pourra exiger d'autres informations supplémentaires si nécessaire (art.4.2). Toute demande adressée à l'ACN doit être inscrite dans une registre public ou au Journal Officiel, ou être publiée dans un journal raisonnablement accessible au public323(*) (art.6.1). En tout état de cause, l'ACN doit faire une diffusion large et optimale des informations pertinentes vers les communautés concernées et toute autre partie intéressée. Ledit registre doit pouvoir être consulté par toute personne qui le désire, qui pourra y faire ses commentaires. C'est également sur la base de cette demande que l'ACN procède à la consultation de la communauté locale en vue de s'assurer que leur consentement éclairé préalable a été effectivement fourni suivant les conditions légales; ceci devant être constaté par écrit. Une fois le consentement de la ou des communautés locales est fourni, l'Autorité Compétente Nationale peut alors accorder l'autorisation d'accès. L'autorisation d'accès intervient dans le cadre d'un accord écrit conclu entre l'ACN et la ou les communautés d'une part, et le demandeur ou le collecteur d'autre part (art. 7). La loi modèle précise le contenu nécessaire de l'accord d'autorisation, les neuf mentions essentielles, qui constituent le minimum des obligations à la charge du demandeur.324(*) Toutefois des conditions particulières sont prévues à l'article 11 du modèle de loi, pour les instituts académiques et de recherche, aux organismes publics et aux organisations intergouvernementales. Enfin, lorsque toutes les conditions requises par la procédure d'autorisation d'accès ont été respectées, l'Autorité Compétente Nationale pourra délivrer au demandeur ou au collecteur, un permis d'accès approprié. 325(*) 3- Le mécanisme du partage des bénéfices. Comme souligné plus haut c'est l'article 12 qui précise les modalités du partage des bénéfices issues de l'utilisation commerciale des ressources biologiques. Ainsi l'État doit garantir qu'un pourcentage déterminé de tout profit financier est restitué à la communauté locale.326(*) Parmi les mécanismes pour atteindre l'objectif du partage équitable des avantages financiers, il y a le Fonds communautaire pour les ressources génétiques évoqué plus haut. Ce fonds sera constitué sous forme de société autonome gérée par un conseil d'administration327(*), avec à sa tête un directeur nommé qui sera responsable de sa gestion devant l'Autorité compétente nationale. Le fonds est financé par les revenus des parts dues aux communautés locales agricoles, les contributions provenant d'organisations nationales ou internationales. Quant aux bénéfices non financiers, ils sont tout aussi intéressants. On peut citer la participation à la recherche et au développement en vue du renforcement des capacités, le retour des informations relatives aux ressources biologiques auxquelles l'accès a été autorisé, et l'accès aux technologies utilisées pour étudier et améliorer la ressource biologiques328(*) (329(*)). 4- Procédure et formalités relatives au droit d'obtenteur : de la demande à la révocation. À la différence des droits des communautés et des droits des agriculteurs également reconnus dans la Loi modèle, le droit d'obtenteur est un droit à caractère économique. Ce droit exclusif est acquis et exercé suivant une procédure et des formalités rigoureusement prévues par la législation modèle. L'octroi du droit d'obtenteur est soumis à une procédure qui commence par l'introduction d'une demande auprès de l'Autorité compétente nationale (art 32). Une fois déposée, la demande est étudiée par l'ACN qui apprécie notamment : si elle est en conformité avec les obligations prévues à l'article 29330(*), et si les charges prévues ont été payées (art. 41.1). Si les conditions spécifiées sont remplies, l'ACN accepte la demande et, doit en informer, par écrit le demandeur dans un délai de 30 jours et en faire la publicité. Dans le cas contraire, elle doit également en informer le demandeur tout en précisant les motivations du rejet. La Loi modèle prévoit que l'ACN soumette ensuite la demande aux procédures de vérification et d'évaluation (prévues à l'article 42) et si nécessaire aux essais des variétés végétales (art.44). Le demandeur peut jusqu'à cette étape retirer sa demande. Mais s'il le fait après la publication de la demande, l'ACN devra alors publier sur le champ, le retrait ainsi effectué. En outre, suivant les dispositions de l'article 47, toute personne qui considère que l'intérêt commercial ou public serait menacé par l'attribution de ces droits d'obtenteur, ou que la demande n'est pas conforme aux critères légaux, peut faire opposition à la délivrance de droit d'obtenteur dans les six mois suivant la publication de la demande, ou à tout autre moment avant l'examen de la demande. L'opposition doit se faire par un écrit motivé, et copie doit être adressée au demandeur par l'ACN. Le droit d'obtenteur est alors octroyé par l'ACN suivant les spécifications de l'art.48, et inscription en est faite dans le Registre des droits d'obtenteur créé conformément à l'art.39, avec les mentions énumérées par l'art.49. Il est accordé pour une durée de protection de 20 ans ou 25 ans selon la variété végétale (art.34). L'octroi du droit d'obtenteur implique, pour le titulaire, la fourniture de matériels de multiplication331(*) suivant les prévisions règlementaires et les demandes émises par l'ACN, tel qu'en dispose l'art. 54. Le modèle de loi prévoit également les conditions de révocation (art.55) et d'abandon (art.56) du droit d'obtenteur. La révocation est prononcée par l'ACN, et l'abandon pour produire ses effets doit également être accepté par elle. Toute fois elle ne peut accepter l'offre d'abandon et ni révoquer le droit d'obtenteur, si ce dernier fait l'objet d'une affaire en suspens devant une cour.332(*) * 283 Depuis Juillet 2011, un 54ème État est né : l'État du Sud Soudan. * 284 Voir le Texte complet du Traité de Lomé sur www.africa_union.org * 285 L'article 21 de la Charte africaine des Droits de l'Homme et des Peuples stipule : «1.Les peuples ont la libre disposition de leurs richesses et de leurs ressources naturelles. Ce droit s'exerce dans l'intérêt exclusif des populations. ( ... ) 5. Les États parties à la présente Charte s'engagent à éliminer toutes les formes d'exploitation économique étrangère, notamment celle pratiquée par des monopôles internationaux, afin de permettre à la population de chaque pays de bénéficier pleinement des avantages provenant de ses ressources nationales.» * 286 L'atelier recommandait également à l'OUA : - D'établir un groupe de travail d'experts pour proposer, coordonner et harmoniser les politiques nationales existantes relatives aux plantes médicinales et favoriser leur utilisation durable par une politique commune. - De favoriser au sein des Etats membres des politiques de propriété, d'accès, d'utilisation et de conservation des plantes médicinales, établies en concertation avec les autres Etats membres à l'échelon sous-régional et régional, puisque les frontières politiques ne sont pas nécessairement des frontières écologiques. - D'inciter les Etats membres à étudier les conséquences des Accords sur les Aspects des Droits de Propriété Intellectuelle qui touchent au Commerce (ADPIC) dans le cadre de l'Organisation Mondiale du Commerce (OMC) sur le patrimoine en ressources biologiques de l'Afrique, et l'application prévue de tous les régimes de droits de propriété intellectuelle qui y sont inclus d'ici 2000 et 2005 respectivement. » Cf., EKPERE, J. A., Le Modèle de loi africain. Protection des droits des communautés locales, des agriculteurs et des obtenteurs, et règles d'accès aux ressources biologiques. Brochure explicative. Organisation de l'Unité Africaine (OUA), 2ème éd., Addis-Abeba, Décembre 2001, pp.5-6 * 287 GRAIN, La piraterie des ressources biologiques ou Bio-piraterie en Afrique, (publication d'aout 2002), Éditions Ruisseaux d'Afrique, Cotonou, 2003, p.32. Document également disponible à l'adresse http://www.grain.org/briefings/?id=167 , consulté 27 octobre 2010 * 288 OUA, Décisions Conseil Exécutif, CM/Déc.623 (LXXIV), AHG/OAU/AEC/Regl.1 (IX), décision du Conseil des Ministres approuvé par le sommet des chefs d'État, disponible sur www.union-africaine.org/documents * 289 Cf. première partie de la Législation type, avec les objectifs particuliers qui y sont également fixés. * 290 EKPERE J.A., Les droits des communautés africaines face aux droits de propriété intellectuelle, GRAIN ; BEDE ; INADES Formation, Imprimerie Nouvelle Presse, Abidjan, 2006, p.52 * 291 EKPERE J.A., Le modèle de loi africain (protection des droits des communautés locales, des agriculteurs et des obtenteurs, et règles d'accès aux ressources biologiques), Brochure explicative, Organisation pour l'Unité Africaine (OUA), 2ème éd., Addis-Abeba, Décembre 2001, p.24 * 292 L'art. 1er donne une définition du consentement préalable qui est conforme à celle de la CDB et du TIRPAA. Cf. nos analyses sur le CEP (Consentement Éclairé Préalable) étudié plus haut dans la sect.1ère, para.1er,B. et dans la sect.2, para.2, B-2 du premier chapitre. * 293 L'art 1er définit la notion de partage des bénéfice qui rejoint la concept du partage des avantages (Partage Équitable de Bénéfices) développé dans la CDB et le TIRPAA. * 294 L'Autorité Nationale Compétente est définie à l'Article 1er de la Loi. * 295 Les sanctions pouvant être celles prévues par cette loi ou toute autre législation traitant de l'accès aux ressources biologiques. * 296 La loi modèle reconnait dans nombre de ses dispositions la contribution des femmes. C'est dans ce cadre qu'ici, l'article 5.1(ii) souligne que les communautés doivent s'assurer que les femmes soient aussi impliquées dans le processus de prise de la décision d'accorder leur consentement à l'accès. * 297 Il s'agit de l'accord prévu à l'art.7 qui constate le consentement des différentes parties, notamment de la communauté concernée, et l'autorisation d'accès de l'Autorité Compétente Nationale. Cet accord doit être écrit et contenir des mentions obligatoires prévues aux articles 8 et suivants. * 298 Aux termes de l'article 9.1 les brevets sur les formes de vie et procédés biologiques ne sont pas reconnus et ne peuvent s'appliquer. * 299 Selon la Loi modèle, les dérivés sont des produits élaborés ou extraits à partir d'une ressource biologique aux nombres desquels on trouve des variétés végétales, huiles, résines, protéines etc., art.1er * 300 C'est nous qui ajoutons cette précision. * 301 «Les populations et communautés autochtones et les autres communautés locales ont un rôle vital à jouer dans la gestion de l'environnement et le développement du fait de leurs connaissances du milieu et de leurs pratiques traditionnelles. Les États devraient reconnaitre leur identité, leur culture et leurs intérêts, leur accorder tout l'appui nécessaire... » * 302 L'article 1er de la Loi modèle définit la communauté locale comme étant : «une population humaine dans une zone géographique donnée qui jouit de la propriété sur ces ressources biologiques, innovations, pratiques, connaissances et technologies partiellement ou totalement gouvernées par ses propres coutumes, traditions ou lois.» * 303 Article 23 insiste sur le caractère intellectuel des droits des communautés * 304 Article 16. * 305 Confère nos développements précédents sur ces éléments par rapport aux conditions d'accès aux ressources biologiques. * 306 Art. 21.2 : aucune barrière juridique ne doit entraver le système d'échange traditionnel des communautés locales dans l'exercice de leurs droits tels que prévus dans le paragraphe 1 ci-dessus et dans d'autres droits qui pourraient être prévues dans les pratiques et lois des communautés locales concernées. * 307 Faisons remarquer que le TIRPAA (Novembre 2001) a été adoptée la même année que la Loi modèle qui est intervenue quelques mois plus tôt (Juillet). * 308 Il s'agit des variétés nouvelles locales protégées par le droit d'obtenteur suivants les dispositions de cette même loi (sixième partie, art 28 & s.), y compris les variétés protégées issues de banques de gènes ou de centres de ressources phytogénétiques. * 309 C'est en d'autres termes « le privilège du paysan» que nous avons évoqué dans le premier chapitre, dans notre analyse sur les différentes versions de l'UPOV, et dans l'étude du TIRPAA. * 310 Il faut attirer l'attention sur le fait que ce droit ne peut être exercé que dans le cadre d'une exploitation personnelle ou dans le cadre des structures villageoises collectives, par exemple les coopératives, les groupements de femmes. * 311 La rédaction de cette partie est inspirée de EKPERE J.A., Le modèle de loi africain ... Brochure explicative, op.cit, p. 30 -31 * 312 EKPERE J.A., ibid, p.30, qui reprend WYNBERG R. : «En Afrique, les semences conservées par les agriculteurs représentent environ 90% des semis. Cependant, les obtenteurs commerciaux considèrent qu'il s'agit là d'une entrave considérable au marché de leurs semences commerciales. ... presque chaque gouvernement africain est obligé de privatiser ses systèmes publics de distributions de semences, ce qui a de graves conséquences sur les systèmes agricoles traditionnels.» * 313 Une situation de vide juridique, ou celle dans laquelle les mesures régissant ces droits sont appréhendés par un autre instrument, qui n'a pas les mêmes objectifs, ne favorise pas une protection efficiente des savoirs traditionnels et des droits des communautés. * 314 EKPERE J.A., ibid, p.31 * 315 EKPERE J.A., Le modèle de loi africain ..., op.cit., p.31 * 316 L'obtenteur acquiert des droits exclusifs de produire et de vendre la nouvelle variété (art. 30.1). * 317 Ces derniers pouvant conserver, utiliser, échanger et vendre les semences et boutures de leur exploitation en vertu de l'art. 26 sur les droits des agriculteurs (voir supra). * 318 art. 58 : "Les fonctions de l'autorité compétente nationale sont les suivantes : i) création et mise en service de mécanismes garantissant la protection réelle des droits intellectuels des communautés et des droits des agriculteurs; ii) mise en place d'un processus de consultation et de participation des communautés locales, y compris des communautés agricoles, pour identifier leurs droits tels qu'ils se définissent dans les pratiques et lois coutumières des communautés; iii) identification des différents droits intellectuels des communautés et des agriculteurs; iv) identification et définition des obligations et procédures visant à reconnaître les droits intellectuels des communautés et des agriculteurs; v) élaboration de critères et mécanismes de standardisation des procédures; vi) mise en place d'un système d'enregistrement de tout ce qui est protégé par les droits intellectuels des communautés et des agriculteurs; vii) délivrance de licences d'exploitation et de commercialisation des savoirs traditionnels; viii) identification des institutions techniques compétentes qui assisteront les communautés locales, y compris agricoles, à classer par catégorie et caractériser leurs savoirs traditionnels.» * 319 Les rôles de cet organe de coordination nationale intersectorielle sont détaillés à l'article 60 du modèle de loi. * 320 L'article 62 du modèle de Loi africain ne précise pas la structure chargée de nommer cet organe. On est alors porté à déduire qu'il ne peut s'agir que de l'Autorité compétente nationale. Les fonctions spécifiques de cet organe sont précisées à l'article 63. * 321 Les communautés locales peuvent ainsi établir des bases de données sur leurs ressources biologiques et les composantes et produits dérivés de ces ressources, ainsi que sur leurs connaissances et technologies. (Art. 64.2) * 322 Le texte de l'article 66 parle d'une société autonome. Si l'on considère les modalités d'administration et de gestion prévues par ledit article, et référence faite au droit positif franco-africain (notamment l'Acte Uniforme portant droit des sociétés commerciales et groupements d'intérêt économique de l'OHADA, applicable dans les pays membres de l'OAPI, à l'exception de la Mauritanie), on peut en déduire que cette société ne pourrait que prendre la forme d'une société anonyme. * 323 À ce niveau, la loi reste assez souple dans le choix du support pour l'accomplissement de cette formalité. Elle rend même équivalente deux formalités qui, dans le droit positif de la majorité des pays membres de l'OAPI par exemple, sont accomplies distinctement : l'inscription dans un registre public (par ex. le registre foncier, le registre du commerce et du crédit mobilier), d'une part, et la publication au Journal officiel d'autre part. Ces deux formalités qui diffèrent de celle de la publicité par publication dans des journaux ou par affichage. Doit-on comprendre ici, que le choix pourra être fait entre juste l'inscription dans un registre, le J.O, ou la simple publicité fût-elle dans un journal raisonnablement accessible au public? * 324 Voir le contenu de l'accord à l'article 8 du modèle de loi. * 325 L'article 13.1 présente les différents types de permis d'accès : permis de recherche académique ; permis de recherche commerciale ; permis d'exploitation commerciale. Le point 3 du même article 13 dispose que l'ACN pourra délivrer tout autre type de permis. * 326 EKPERE J.A., Le modèle de loi africain ..., op.cit., p.29 * 327 Le Conseil d'administration sera composé des représentants des communautés agricoles locales, des organisations non gouvernementales et des secteurs public et privé, ainsi que de professionnels. Art.66.6. * 328 EKPERE J.A., Le modèle de loi africain ..., op.cit., p.29 * 329 Ces mécanismes non financiers de partage des bénéfices sont également ceux que proposent la CDB et le TIRPAA de la FAO. * 330 Il s'agit des caractéristiques pour qu'une variété soit considérée comme étant nouvelle * 331 Ce matériel est destiné à être stocké et conservé dans les Centres de ressources phytogénétiques que doit désigner le Gouvernement, tel que le prévoit l'art.40. * 332 La disposition précise à bon escient, que cela ne serait possible que si la juridiction des céans l'autorisait ou si une transaction intervenaient entre les parties concernées par l'action. Ce qui est conforme aux règles de procédure appliquées dans les pays de droit franco-africain, majoritaire dans l'OAPI, comme le Bénin et la Côte d'Ivoire. |
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