1.2. Catégorie d'éléments du
paysage
En écologie du paysage, le paysage est consideré
comme un écocomplexe c'est-à-dire,un espace géographique
dynamique composé d'écosystèmes en interaction (BOGAERT,
2009) ; ou encore comme une mosaique d'unités fonctionnelles (Forman et
Godron, 1986 ; Burel et BAUDRY, 2000 ; IOGULESCU et SHCLAEPFER, 2000) (figure
1). Ces unités représentent les conditions environnementales
homogènes et leurs frontières se distinguent par la
discontinuité dans les variables d'état d'une magnitude
(amplitude) qui est significative pour le processus écologique ou
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l'organisme consideré. L'ensemble des taches ayant des
caractéristiques similaires pour un processus considéré
est appelé type ou « classe ».
Parmi ceux-ci, la matrice est le type le plus repandu et le
moins fragmenté (IOGULESCU et SHCLAEPFER, 2000). Elle peut
également être considérée comme l'arrière
plan du paysage dans lequel se situent les autres éléments du
paysage.
Les « corridors » sont des unités ayant une
forme linéaire caractéristique et remplissent les fonctions
écologiques de conduit (passage) ou de filtre (barrière). Ils
sont dans le paysage en forme de réseau. La subdivision du paysage en
taches, corridors et matrice est connue comme modèle «
patch-corridor-matrix » (FORMAN et GODRON, 1981 ; FORMAN et GODRON, 1986 ;
FORMAN, 1997). Ce modèle sert souvent de base de référence
pour les mesures de la configuration spatiale.
Figure 1: Les catégories
d'éléments du paysage.
Source : FORMAN Á GODRON 1986
Ce qui importe au niveau du paysage est la façon dont
ces éléments sont connectés. On parlera de
connectivité pour décrire leurs relations, en distinguant une
connectivité structurale qui s'applique aux relations spatiales et une
connectivité fonctionnelle pour tout ce qui a trait aux échanges
entre les éléments du paysage (KING, 1999).
1.3. Fragmentation forestière
La fragmentation forestière se réfère
à la réduction des surfaces de forêt par suite de la
déforestation, entraînant l'existence d'îlots forestiers
plus ou moins grands, plus ou moins isolés les
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uns des autres et plus ou moins éloignés des
massifs forestiers plus vastes. La caractérisation de la fragmentation
forestière constitue un élément essentiel pour la
compréhension et la quantification de la déforestation et surtout
pour la préservation des massifs forestiers résiduels. Les
ouvertures du couvert forestier, considérées comme perturbatrices
des continuités écologiques sont loin d'être uniformes ; il
en existe plusieurs types, avec des formes spécifiques qui
résultent de l'origine de la déforestation. Dans notre zone
d'étude, l'agriculture itinérante et l'exploitation
forestière constituent les principales causes de ces ouvertures
(KOMBELE, 2004 ; ALONGO, 2007), chacune d'elles imprimant un «
modèle » de fragmentation. En plus des activités
anthropiques, les conditions naturelles telles que le climat, le relief, la
pente, la topographie, la roche-mère et le sol influent sur le
modèle de fragmentation.
La définition de la fragmentation d'habitat implique
l'existence de quatre effets dans ce processus (FAHRIG, 2003) : la perte
d'habitats, l'augmentation du nombre de taches, la diminution de la taille des
taches, et l'augmentation de l'isolement des taches. Ces quatre effets forment
la base de la plupart des mesures quantitatives de la fragmentation.
1.4. Problématique
La problématique autour de la déforestation en
tant que phénomène perturbateur des continuités des
systèmes écologiques a commencé depuis le vingtième
siècle quand les chercheurs ont pris conscience de la fragilité
des écosystèmes naturels (CNUED, 1992). La transformation et la
fragmentation des habitats naturels, conséquences des changements
globaux, entraînent une érosion et une perte de
biodiversité. Dans les pays d'Afrique tropicale, l'évaluation du
couver forestier de 2006 a révélé que le continent a perdu
environ 4.106 ha de forêt par an entre 2000-2005 (FAO, 2008).
Cette perte énorme dont la majeure partie concerne les pays où la
superficie forestière est relativement importante (FAO, 2009),
s'explique par le fait que l'économie et la survie des populations
à majorité rurales s'appuient essentiellement sur l'exploitation
des ressources naturelles, notamment les sols pour l'agriculture impliquant
localement le défrichage des vastes superficies des couverts forestiers
(DEFOURNY, 1983). Les menaces et les disparitions d'espèces et
d'espaces, résultant des perturbations générées par
les activités humaines dans le fonctionnement des systèmes
écologiques, nous obligent à remettre en question les relations
que l'homme entretient avec les ressources naturelles.
Devant ces menaces et excès qui constituent les
fondements de la crise actuelle d'ampleur mondiale (LARRERE, 1997 ; GROOMBRIDGE
ET JENKINS, 2002 ; POWLEDGE, 2002), la
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société s'interroge, se remet en question, et
presse le monde scientifique d'apporter des éléments de
réponse (DROUIN, 1991).
Si à l'heure actuelle, on peut disposer des
éstimations chiffrées sur la disparition du couver forestier
grâce à l'analyse des images satellitaires, la question sur
l'évolution des paramètres pédologiques face à
l'impact anthropique sur les paysages forestiers n'intéresse que peu des
chercheurs en Afrique tropicale ; alors que, YORO, 1984 a reconnu que la
dégradation des sols est l'un des problèmes cruciaux auxquels le
monde et en particulier l'Afrique sont confrontés. En effet, les
défrichements agricoles en ouvrant des saignées de plusieurs
kilomètres de longueur, contribuent ainsi au recul des lisières
du massif forestier. Cette manière d'utiliser l'espace façonne en
profondeur le paysage et par conséquent, le substratum (FAO, 2006).
DEFOURNY et al. (1983), signalent que la déforestation provoque
des modifications des processus globaux comme la qualité de l'air et les
cycles biogéochimiques. GALLOPIN (1991) ajoute que les changements
globaux d'ordre physique, biochimique et/ou social provoquent à leur
tour des répercutions plus ou moins prévisibles au niveau
local.
La région de Yangambi (en RD Congo) qui fait l'objet de
cette étude n'est pas épargnée de la pression anthropique
actuelle. Les activités humaines dans les paysages forestiers y
induisent des perturbations microclimatiques et pédologiques locales
importantes mais dont les connaissances sont encore fragmentaires à ces
jours. Il n'ya relativement pas d'études ressentes de l'impact des
activités anthropiques sur les écosystèmes forestiers
à Yangambi à part les travaux de KOMBELE (2004), ALONGO ET
LITUCHA (2007) respectivement sur le diagnostic de la fertilité chimique
du sol, effet de lisière sur la température et la teneur en eau
du sol et effet de lisière sur le microclimat.
En particulier, les connaissances des relations qui
s'établissent entre l'utilisation du sol par l'homme (land-use) et les
changements affectant la couverture du sol (land-cover) (figure 2) sont rares
dans la région de Yangambi et en cuvette centrale congolaise en
générale.
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Figure 2: Processus du changement global en fonction de
l'utilisation du sol
Source : BOGAERT, J.,2009.
Les perturbations environnementales résultant de la
déforestation conduisent à des changements majeurs dans la
structure et la composition de la végétation ; elles affectent
ensuite la nature biophysique de l'écosystème (RANNEY et al.,
1981 ; LAURANCE, 1989 et 1991) ; ce qui entraine enfin des bouleversements
dans l'écologie des zones de transition freinant leur dynamique
naturelle vers des écosystèmes plus stables.
LOVEJOY et al., 1986; CHEN et al., 1991 ;
SAUNDERS et al., 1991; HOBBS, 1993; YOUNG, 1996 ont prouvé que
le processus de l'anthropisation des paysages forestiers expose les
communautés végétales aux perturbations
biogéochimiques et écologiques.
Si les effets d'anthropisation sont associés avec la
nature des écosystèmes, les modèles devant quantifier les
impacts anthropiques sur les paramètres édaphiques sont aussi
loin d'être universels (BERG et al., 1994; HANSKI et al.,
1996; KREMSTER et BUNEL). Or les caractéristiques d'un sol
régissent le développement de la végétation du
point de vue quantitatif et qualitatif. Elles influent sur les espèces
présentes et par conséquent sur la productivité que l'on
peut attendre d'un peuplement forestier.
Il est dès lors essentiel d'appréhender les
phénomènes qui peuvent conduire à une réduction des
qualités d'un paysage forestier. MATLACK, 1993; MURCIA, 1995
reconnaissent que les études sur l'impact d'anthropisation sont
indispensables pour évaluer les possibilités de la conservation
et gestion rationnelle des ressources naturelles.
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C'est ici où nous situons l'objet du présent
travail qui se préoccupe d'étudier l'impact de l'anthropisation
des paysages forestiers sur le phosphore disponible (P2O5d) et le
poids spécifique apparent (Da) du sol d'un ensemble
d'écosystèmes interactifs, consécutifs à
l'activité de l'agriculture itinérante sur les abattis
brûlis.
La présente étude tente d'apporter les
éléments de réponse aux différentes questions
suivantes pour la gestion durable de la réserve de biosphère de
Yangambi en particulier et du bassin du Congo en général :
1. Quelle est la réponse de différentes
séries de sol de Yangambi face aux perturbations anthropiques sur les
paysages forestiers dans la région ?
2. Quelle est l'évolution ou la sensibilité de
certains paramètres de la fertilité (physique et chimique) du sol
sous les différentes classes d'occupation du sol conséquence de
la dégradation du paysage forestier sous l'action anthropique dans la
région ?
3. En rapport avec la disponibilité du phosphore et le
comportement de la densité apparente du sol quelle serait
l'évolution des classes anthropisées au sein du massif forestier
(classe la plus stable)?
4. Quelle est la disponibilité du phosphore et le
comportement de la densité apparente du sol dans la zone de contact et
leur évolution dans les classes d'occupation du sol adjacentes ?
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