Chapitre IV : DISCUSSION DES RESULTATS.
4.1. Phosphore disponible du sol (P2O5d)
Le phosphore est un élément essentiel de tous
les organismes vivants. Il joue un rôle irremplaçable dans des
nombreux processus biologiques comme la croissance, la photosynthèse, et
la fixation symbiotique de l'Azote atmosphérique. (MARSCHNER, 1995).
Il fait partie de la composition de l'ADN où il inscrit
le code génétique ; et, de l'ARN qui permet la transcription de
l'information génétique en protéine. Il est
impliqué dans le transfert d'énergie à l'intérieur
des cellules par intermédiaire de l'ATP.
Cependant, la disponibilité en cet
élément dans la solution du sol reste très faible
étant donné sa forte affinité pour les composantes du sol
et la faible vitesse de sa libération par altération des
roches.
En plus de la méthode Bray II que nous avons
utilisée pour quantifier au mieux le stock de phosphore biodisponible,
il existe plusieurs autres méthodes (OLSEN, OLSEN-DABIN, JORET-HEBERT,
DRYER, etc.) qui n'ont pas été utilisée dans ce travail.
Chacune de ces méthodes est fonction des caractéristiques
pédologique et surtout du facteur acidité des sols. La
méthode Bray II quant à elle est préférable pour
les sols Ferralitiques des régions tropicales réputés
acides. Elle a donc été choisie car les sols de la région
de Yangambi sont des sols ferralitiques (Oxisols dans la classification
pédologique américaine et Ferralsol dans la classification FAO)
et subissent des fortes dégradations à la fois physique, dues
à l'érosion, chimique et biologique, dues à
l'acidification et à la forte présence d'oxyde et hydroxyde
métalliques.
Cette méthode extrait plus particulièrement le
phosphore lié à l'aluminium et au calcium (CIRAD, 2004). Ainsi,
la biodisponibilité du phosphore (et des autres éléments)
est donc fonction de déterminants chimiques, physiques et biologiques
(HINSINGER et al., 2005). C'est la raison pour laquelle, la
fraction biodisponible du phosphore du sol peut largement varier en fonction
des systèmes sol-plante étudiés mais aussi en fonction des
conditions mêmes de ces études.
Les valeurs de phosphore disponible obtenues par la
méthode Bray II pour les deux sites étudiés sous trois
classes d'occupation du sol et dans toutes les tranches étudiées
sont généralement déficientes (Tableau 2 et 3). Cette
déficience est plus sévère à la série
Yangambi dans la jachère et sous forêt dense pour les valeurs
enregistrées des moyennes verticales (tableau 2 et figure 5). Les
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teneurs en phosphore disponible inférieures à 20
mg P2O5/kg de sol sont considérées comme trop faibles pour
assurer une nutrition phosphatée appropriée de la plupart des
plantes. DRECHSEl et al. (1996) avaient signalé des carences en
phosphore disponible très préoccupantes dans les régions
de la Crête Congo Nil (P-Bray 1 < 2 mg/kg) et du Plateau Central
(P-Bray 1 < 6 mg.kg-1) à cause du pouvoir fixateur
élevé des sols. TROEH et al. (2005) affirment que la
fixation des composés phosphorés par les oxydes de fer et
d'aluminium, et par la matière organique, ainsi que leur degré
d'insolubilité sont responsables de la faible disponibilité des
formes assimilables par les cultures. Ce phénomène s'avère
encore plus sévère dans les sols acides tropicaux riches en
argiles de type 1:1 et en sesquioxydes (SANCHEZ, 2002).
Les valeurs de phosphore disponible obtenues (Tableau 2 et 3)
indiquent que dans les deux séries de sols étudiés, la
tranche de 0-10 cm de profondeur est plus fournie en cet élément.
Cette tendance montre que le phosphore en question est sous forme organique,
d'où besoin de l'activité biologique pour sa
minéralisation. En plus, l'absence de labour mécanique dans ces
deux séries de sol amène une accumulation des
éléments relativement peu mobiles, comme le phosphore, dans les
premiers 10 cm du profil.
En rapport avec la production agricole, l'intervalle de
variation du phosphore trouvé dans les deux sites sous trois classes
d'occupation du sol est de loin inférieur au seuil critique
proposé pour les cultures tropicales (DABIN, 1970). En effet, selon cet
auteur le seuil critique est fixé entre 20-30 ppm dans les sols
Ferrallitiques pauvres à faible pouvoir fixateur, et aux environs de 50
ppm pour les sols riches en phosphore. Les sols Ferrallitiques à faible
pouvoir fixateur ont quant à eux, un seuil critique recommandé de
50-100 ppm.
Les valeurs de phosphore disponible qui varient de 0,9 ppm
à 1,65 ppm, sous les différentes occupations du sol de la
série Y1 ont montré des différences non significatives
dans la tranche de 010 cm et 20-30 de profondeur ; mais significatives pour la
tranche de 10-20 cm. Ainsi, la différence significative observée
met en évidence l'influence de la zone de lisière sur la
disponibilité du phosphore dans le sol et sur l'évolution de ce
paramètre dans les milieux anthropisé et non
anthropisé.
L'analyse de variance réalisée sur les valeurs
de phosphore disponible du sol montre des différences significatives
entre les trois classes d'occupation du sol (pour la tranche de 0-30 cm et
d'autres tranches du sol prises isolement (tableau 5)), sur toutes les deux
séries de sol.
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Les tests de comparaison des moyennes de Tukey et de
Newman-Keuls, au seuil de 5% ont révélé ce qui suit
(Tableau 9):
? Dans la tranche entière de 0-30cm, les trois classes
d'occupation du sol de la série
Yangambi sont significativement différentes entre elles
(p= 0.04< 0.05), et peuvent être groupées en deux : La
jachère est approchée de la forêt isolant ainsi la zone de
lisière. Ce fait met en évidence les particularités de la
zone de lisière dans ce site et confirme notre première
hypothèse selon la quelle les valeurs de phosphore disponible du sol de
la lisière sont différentes de celles de deux autres classes
d'occupation du sol adjacentes. Quant à la série Yakonde, la
différence observée dans cette tranche du sol est très
significative entre les trois classes (p= 0.004 < 0.05) ; il s'y
dégage deux groupes homogènes : La teneur en phosphore disponible
dans la zone de lisière le rapproche plus à la forêt
qu'à la jachère. Cet état de chose met en évidence
l'effet négatif de lisière sur la disponibilité de
certains éléments nutritifs dans le sol. MULLER et BILDERLING
(1953) ont observé que les effets de bordure (lisière)
réduisent les rendements de certaines cultures tel que le maïs
à une distance de 30 m. Bien que cela est due premièrement
à l'effet de l'ombrage causé par les arbres aux bordures des
champs, les résultats obtenus dans ce travail montrent que cette zone
(lisière) influence également les paramètres de la
fertilité chimique du sol.
L'isolement de la jachère de deux autres classes
d'occupation du sol, démontre les effets bénéfiques des
activités anthropiques sur les paramètres nutritionnels du sol
tel que le phosphore disponible.
? Pour la tranche de 0-10cm, pas de différence
significative observée entre les trois classes d'occupation du sol de la
série Yangambi (p= 0.16 > 0.05). un seul groupe a donc
été identifié; les trois classes d'occupation du sol
différent moins en ce qui concerne le phosphore disponible du sol. Quant
à la série Yakonde, il existe la différence significative
entre les trois classes d'occupation du sol (p= 0.03 < 0.05), deux groupes
homogènes sont ainsi identifiés : une partie de lisière
s'apparente à la forêt et une autre à la jachère. Ce
fait démontre l'impact d'anthropisation dans le site. Cela tend à
confirmer par voie de conséquence notre hypothèse selon la quelle
la lisière ressemblerait plus à la jachère.
? Pour la tranche de 10-20 cm, le test révèle
des différences significatives entre les trois classes d'occupation du
sol de la série Yangambi (p =0.02 < 0.05). L'hypothèse nulle
étant rejetée, il y ressort deux groupes homogènes, la
lisière est isolée des deux autres classes d'occupation du sol.
Ce fait met en évidence les particularités
caractéristiques des zones de contact
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engendrées par les effets du feu de brousse
fréquent dans ce site (Y1) ; et confirme notre hypothèse selon la
quelle la teneur en phosphore disponible du sol de lisière est
différente de celle des autres occupations du sol. Quant à la
série Yakonde, aucune différence significative observée
entre les trois classes d'occupations du sol (p = 0.82 > 0.05). Les trois
classes constituent donc un seul bloc en rapport avec la disponibilité
de phosphore dans le sol (: Forêt = 0.75 ppm, L = 0.69 ppm, et J = 0.68
ppm). Néanmoins une légère augmentation de la teneur en
phosphore disponible se fait remarquer en forêt dense.
? Pour la tranche de 20-30cm, pas de différence
significative observée entre les trois classes d'occupation du sol de la
série Yangambi (p = 0.15 > 0.05). La faible mobilité du
phosphore dans le profil pédologique et l'absence du travail du sol dans
le site expliquent aisément ce fait. Quant à la série
Yakonde, les résultats du test sont tels qu'on se réserve de
décider sur la différence entre les trois classes d'occupation du
sol (p = 0.05 - 0.05). Cependant les valeurs moyennes montrent une
séparation entre jachère et deux autres classes d'occupation du
sol (Forêt = 0.56 ppm, Lisière = 0.52ppm, et Jachère = 0.82
ppm).
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