II. INTERACTION ENTRE LA POLITIQUE MONETAIRE ET LE
SECTEUR BANCAIRE INDIEN
Pour évaluer l'efficacité de la politique
monétaire indienne via le crédit bancaire, il est
opportun de voir comment les banques commerciales répercutent les
décisions de la RBI sur les crédits qu'elles accordent à
l'économie nationale.
1. Transmission de la politique monétaire au secteur
bancaire
Dans ce point seront développées, la
structuration du secteur bancaire indien et la réaction des banques aux
décisions de politique monétaire de la RBI
A. Le secteur bancaire en Inde
Les banques jouent un rôle important dans la
distribution du crédit dans une économie. Elles constituent les
acteurs clés de la distribution du crédit aux ménages et
aux entreprises. Serge Jeanneau (2007) soutient qu'il y a une
corrélation forte entre le PIB per capita et le crédit bancaire,
tout en suggérant que cela dépend du pays et le niveau de
développement financier de celui-ci.
L'Inde a hérité d'un système financier
peu performant. Les banques commerciales mobilisaient l'épargne des
ménages grâce aux dépôts à vues et à
termes. Elles distribuaient ensuite cette épargne sous forme de
crédits principalement aux grandes entreprises. Les faillites bancaires
des années 1950, ont entraîné une réduction du
nombre de banques passant alors de 566 en 1951 à seulement 90 en 1968.
Cette situation a conduit le gouvernement à nationaliser les banques en
1969.
L'objectif de cette nationalisation était de
créer des banques sociales, d'accroître la couverture
géographique du système bancaire et d'orienter les crédits
vers les secteurs prioritaires. Les banques nationalisées ont ainsi pu
augmenter leurs réseaux avec plus de 55 000 succursales entre 1969 et
1990.
Par ailleurs, elles étaient tenues d'investir une
grande partie de leurs dépôts dans les Bons de Trésor et
d'approuver quasiment toutes les institutions mises en place par le
gouvernement (Mohan, 2008). Elles étaient également tenues de
limiter leurs prêts en-dessous d'un certain
seuil défini par la banque centrale et tout prêt
excédant 50 millions de roupies (environ 75200 dollars US) devait
obligatoirement faire l'objet d'un consortium (regroupement de plusieurs
entreprises pour réaliser un investissement). Les prêts
étaient principalement fournis par les banques sous la forme de
crédits de trésorerie pour servir de fonds de roulement. Il y
avait des restrictions importantes sur la capacité des banques à
financer des projets de long terme.
Bien que l'objectif social de la nationalisation des banques
soit un succès (la couverture du territoire ayant atteint environ 88%)
des banques publiques indiennes montraient des signes de détresse. C'est
ainsi que la réforme du secteur bancaire fut lancée en 1992 par
la RBI à la suite des recommandations du Comité I de
Narasimham7.Cette réforme a ouvert la voie aux banques
étrangères.
Dans le profil des banques dressé par la RBI en 2013 on
déchiffrait au total 89 banques sur le marché bancaire indien,
soit 26 banques publiques (29,21%), 20 banques privées nationales
(22,47%) et 43 banques étrangères (48,31%).
Figure 2: Composition du secteur bancaire indien
50
45
40
35
30
25
20
15
10
5
0
Banques publiques Banques privées Banques
étrangères
Source : Faits par nos propres soins avec les données de
la RBI
Bien que les banques privées nationales et
étrangères dominent en nombre, il convient de préciser que
la distribution du crédit reste largement dominée par les banques
publiques (Boillot, 2012). Selon le rapport 2014 de la RBI, plus de 73% du
crédit du bancaire proviennent de banques publiques alors que les
banques privées ne représentent que 19,4%.
Malgré la libéralisation du secteur bancaire en
1992, la RBI a continué d'imposer aux banques
24
7Il s'agit du comité chargé de la
réforme de la politique monétaire. Il a été
dirigé par Narasimham
25
commerciales des normes de gestion de leurs portefeuilles :
elle déterminait le pourcentage minimum que celles-ci devaient (i)
investir dans les obligations d'Etat, (ii) prêter au secteur agricole,
aux petites et moyennes entreprises et certaines couches vulnérables de
la population. Elle réglementait également la politique
d'implantation des succursales des banques commerciales.
Ce n'est qu'à partir de 1994 que les taux
d'intérêt jadis administrés vont être graduellement
libéralisés et les banques, autorisées à fixer
librement les taux d'intérêt pour les prêts dont le montant
excède 200 000 roupies (environ 3000 dollars US). Aussi, le seuil
obligeant la constitution d'un consortium a été
déplacé. Il est désormais fixé à 500
millions de roupie (environ 7,5 millions dollars US) au lieu de 50 millions de
roupie avant la réforme. En 1996, le contrôle sélectif du
crédit a été supprimé pour l'ensemble des produits
essentiels sauf le sucre. Les années suivantes ont vu
l'élimination complète des contrôles du crédit et
les banques ont été autorisées à développer
leurs propres méthodes pour répondre aux besoins de financement
des emprunteurs. Les restrictions pour l'octroi de crédits de long terme
auxquelles elles étaient soumises ont été
supprimées. A partir de 2006, l'achat de titres publics sur le
marché primaire a été interdit à la banque centrale
(Mohan, 2008 ; Mohan, 2013). Toutefois, pour assurer la stabilité
financière, la RBI invite les banques à éviter de
s'exposer aux risques en veillant au respect des règles prudentielles,
notamment celles de Bâle III.
En résumé, il convient de retenir que les
banques ont acquis plus d'autonomie après la réforme.
Comme le soutien Meltzer (1995), une connaissance
théorique des mécanismes de transmission de la politique
monétaire est nécessaire à l'interprétation des
statistiques sur les variables réelles. C'est pourquoi, il convient
à présent d'analyser la façon dont les banques indiennes
réagissent aux décisions des autorités
monétaires.
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