I.2- LA RELECTURE PAR LES NEK (NOUVEAUX
ÉCONOMISTES KEYNÉSIENS)
Une première réponse aux critiques
néoclassiques et des NEC qui accusent en quelque sorte les politiques
économiques d'être à l'origine des
déséquilibres et spécialement celui de la stagflation, est
de lister les facteurs explicatifs qui ne sont pas directement liés aux
actions des autorités publiques. Il y a en effet en premier lieu les
chocs d'offre, à commencer par les fameux chocs pétroliers de
1973 et de 1979, qui constituent des sources importantes d'inflation
importée et qui amplifient considérablement la spirale
prix-salaires, en même temps qu'ils nuisent à la croissance. En
second lieu, il y a des évolutions structurelles qui alimentent à
la fois le chômage et l'inflation : (i) la tertiarisation de
l'économie, avec de surcroît un développement des services
non marchands ;(ii) les mutations technologiques qui posent des
problèmes de reconversion aux individus comme aux firmes, et
d'adaptation au système éducatif, problèmes dont la
résolution exige beaucoup de temps et d'efforts ;(iii) les secteurs
porteurs et en pleine expansion, qui, faute de capacités de production
suffisantes, sont générateurs de hausses de prix, pendant que les
secteurs en perte de vitesse ou en déclin licencient, faute de
débouchés et/ou de rentabilité suffisante, sans que les
chômeurs des seconds ne puissent pour autant se faire engager
auprès des premiers, etc.
Mais, pour répondre de la meilleure manière aux
critiques formulées par les Néoclassiques et surtout par les
nouveaux économistes classiques, les Keynésiens ont pris le parti
de rester pour l'essentiel dans le cadre d'analyse de ces économistes,
en conservant en particulier l'hypothèse microéconomique de
rationalité des agents. C'est pourquoi on parle de « fondements
microéconomiques de la macroéconomie ».
A cet effet, deux types de raisonnement sont tenus. Dans le
premier raisonnement, les NEK se placent dans un contexte de concurrence
imparfaite et non pas de CPP (concurrence pure et parfaite),
caractérisé par conséquent par un manque de
flexibilité des prix et salaires (hypothèse keynésienne
par excellence) et par la présence d'asymétries des informations.
Les NEK cherchent alors à démontrer que les rigidités, qui
expliquent précisément que l'équilibre
macroéconomique ne soit pas l'équilibre général
à la Walras, sont le résultat des comportements rationnels de la
part des agents en interactions. Le second raisonnement montre que les
anticipations rationnelles, loin d'annihiler l'efficacité des politiques
économiques, la renforcent.
I.2.1- LES RIGIDITÉS SONT LES CONSÉQUENCES DE
COMPORTEMENTS RATIONNELS
Les NEK distinguent deux sortes de rigidités, les
rigidités nominales et les rigidités réelles. Les
rigidités nominales sont celles qui affectent les prix et les salaires
exprimés en valeur nominale, en prix absolus. Les rigidités
réelles sont les rigidités qui concernent non les valeurs mais
les quantités, sur les marchés des biens, du capital et du
travail, et qui touchent donc les prix relatifs.
Sur le marché du travail, il est possible de mettre en
évidence le jeu des deux types de rigidités en envisageant la
formation du salaire nominal de la manière suivante :
W = C + âP - á U
Avec á compris entre
0 et + 8, â compris
entre 0 et +1,
U le taux de chômage, P le niveau
général des prix et C une constante.
Cela signifie que le niveau du taux de salaire nominal
réagit essentiellement à deux facteurs. Il réagit d'abord
négativement, au niveau du taux de chômage, donc à la
situation du marché du travail : est une élasticité qui mesure l'importance des
rigidités réelles du salaire. Plus a est élevé,
moins les rigidités réelles sont fortes, et le salaire s'ajuste
très vite au déséquilibre du marché du travail. Et
inversement quand a est petit. Il réagit ensuite positivement au P, le
paramètre ß est une élasticité qui mesure
l'importance des rigidités nominales du salaire, le degré
d'indexation du salaire sur le P. Plus ß est proche de 1, moins les
rigidités nominales sont fortes puisque le salaire est alors
parfaitement indexé à l'évolution des prix. Et inversement
quand ß est proche de 0.
On constate que, si les rigidités nominales du salaire
sont amenées à se réduire sur le long terme, il est loin
d'en être de même pour les rigidités réelles : le
chômage persiste donc quel que soit le niveau du salaire réel.
|