LÉAUTÉ Rozenn
Adolescents placés :
des familles d'accueil à l'épreuve du
lien
Mémoire présenté pour le D.E.E.S. Session
Juin 2015
- Remerciements -
Je remercie toute l'équipe du Placement familial social
de Ty Yann pour son soutien et sa disponibilité tout au long de mon
stage, et particulièrement les assistants familiaux, Annie et Yvonne
pour leur confiance, et Jeannine pour son aide lors de mes recherches.
D'autre part, j'adresse un grand merci à Pascal LE CORRE
pour son accompagnement tout au long de l'année
écoulée, et à mes relectrices, Yvonne, Christine et Claire
pour leurs remarques
constructives.
Enfin, je n'oublie pas mes collègues de promotion qui
m'ont apporté leur aide lorsque j'avais des questionnements
particuliers.
Voici l'aboutissement de mes 3 années de formation.
3
- Sommaire -
- Introduction - 1
I. PARTIE 1 : CONTEXTE DE PLACEMENT ET RÔLE DE
L'ÉDUCATEUR 3
I.1 - Cadre d'intervention 4
I.1.a - La protection de l'enfance 4
I.1.b - Personnes accueillies en Placement familial social 5
I.1.c - Les missions 6
I.1.d - L'équipe de professionnels 7
I.2 - Le travail de l'éducateur 8
I.2.a - Auprès des enfants 8
I.2.b - Auprès des parents 9
I.2.c - Avec les assistants familiaux 10
I.2.d - La complexité du travail de l'éducateur
11
II. PARTIE 2 : ADOLESCENCE EN FAMILLE D'ACCUEIL
12
II.1 - Étude de population 13
II.1.a - Méthodes utilisées 13
II.1.b - Analyse des données recueillies 15
II.2 - Le placement vécu par l'enfant et ses parents 17
II.2.a - L'enfant face au placement 17
II.2.b - Les parents face au placement 19
II.3 - Le rôle des assistants familiaux 21
II.3.a - Les familles d'accueil relais 23
II.3.b - « Attaque » du lien créé avec la
famille d'accueil 24
II.4 - L'adolescence, une période qui fragilise le
placement 25
II.4.a - Qu'est-ce que l'adolescence ? 25
II.4.b - Le placement mis à mal à l'adolescence
27
II.5 - Construction de la problématique 29
4
III. PARTIE 3 : SOUTENIR UN ACCUEIL FRAGILISÉ
30
III.1 - Le groupe de parole 31
III.1.a - Construction du groupe de parole 31
III.1.b - Déroulement des temps de parole 32
III.1.c - Thèmes étudiés 33
III.1.d - Les difficultés du travail de l'assistant
familial 36
III.2 - Accompagnements individuels 39
III.2.a - Les après-midis d'Amélie 40
III.2.b - Adrien 47
III.2.c - Jules 48
III.2.d - Damien 49
III.3 - Investir les parents dans le projet de leur enfant 50
III.4 - Évaluation du projet 53
- Conclusion - 55
- Glossaire - 57
- Bibliographie - 59
- Annexes - 61
1
- Introduction -
D'après le site de l'Observatoire national de l'enfance
en danger, au 31 décembre 2010 et pour la France entière, «
le nombre de mineurs pris en charge en protection de l'enfance est
d'environ 273 000, soit un taux de prise en charge de 19 %o des moins de 18
ans. » 1
C'est dans le secteur de la protection de l'enfance que j'ai
évolué durant mes deux dernières années de
formation d'éducatrice spécialisée. Mon stage en tant
qu'éducatrice de prévention en CDAS (Centre départemental
d'action sociale) en 2013-2014 m'a permis de découvrir le fonctionnement
du conseil départemental (ex-conseil général) dans sa
mission de protection des mineurs et des jeunes majeurs. J'ai poursuivi cette
année 2014-2015 par un stage de 30 semaines au PFS (Placement familial
social) sur le site de Ty Yann à Brest. J'ai approfondi mes
connaissances de la protection de l'enfance, dans ce service accueillant des
enfants avec des troubles importants dus à leur histoire de vie
difficile. Ces enfants, de 0 à 18 ans, ont été
confiés à l'ASE (Aide sociale à l'enfance) par le juge des
enfants, et placés dans ce contexte en familles d'accueil, pour qu'ils
puissent grandir dans un environnement satisfaisant et y acquérir des
règles de vie familiale.
En arrivant au PFS, je me suis interrogée sur leur
passé pour comprendre ce qui explique leurs troubles aujourd'hui.
Rapidement, je me suis intéressée aux adolescents accueillis. En
effet, j'ai remarqué qu'ils cherchaient souvent à mettre à
mal le placement. Je me suis alors demandée comment en tant
qu'éducateur, tiers dans la relation entre l'enfant et sa famille
d'accueil, je pouvais m'impliquer afin d'éviter une fin de placement.
Au fur et à mesure des semaines, j'ai
réfléchi au-delà de cette première observation et
je me suis aperçue que dans nos situations, les mises en échec
n'étaient pas si fréquentes. En fait, il s'agissait plutôt
de questions d'appartenance dues à l'adolescence et qui, du fait des
troubles déjà existants chez les jeunes, pouvaient fragiliser le
placement.
Alors, une interrogation s'impose à moi : «
Comment la question de l'adolescence peut-elle être abordée par
l'éducateur, dans le cadre d'un Placement familial social au sein de la
triangulation « enfants, parents, familles d'accueil » » ?
1 ONED (page consultée le 08/04/2015). Les chiffres
clés de la protection de l'enfance.
http://www.oned.gouv.fr/chiffres-cles-en-protection-l'enfance
2
Pour la construction de ce mémoire, je procéderai
de la façon suivante :
Dans un premier temps, je vous présenterai le cadre de
la structure du PFS et le travail de l'éducateur.
Dans un second temps, l'alternance entre théorie et
pratique étayera mes observations et mes constats, qui seront
illustrés par une étude de population élaborée
à partir du PFS. Ensuite, le rôle de l'assistant familial et
l'adolescence conduiront à ma problématique :
Dans le cadre d'un Placement familial social,
comment l'éducateur soutient les assistants familiaux face aux
comportements difficiles des adolescents accueillis, aboutissants pour
certains à un changement de prise en charge ?
Dans un troisième temps, c'est à travers un
projet de groupe de paroles avec des assistants familiaux que j'apporterai des
éléments de réponse à la question posée. Je
m'appuierai sur les accompagnements éducatifs effectués avec les
jeunes et des entretiens passés avec leurs parents pour y
répondre.
Enfin, l'évaluation de mon projet conclura ce dossier
avec les remarques des assistants familiaux ayant participé aux groupes
de parole.
Les prénoms cités dans ce dossier ont
été modifiés dans un souci de respect des personnes
accueillies.
Un glossaire est disponible, afin de définir les
sigles présents tout au long du mémoire.
3
I. PARTIE 1 : CONTEXTE DE PLACEMENT ET RÔLE DE
L'ÉDUCATEUR
Dans cette partie, il s'agit de répondre aux
questionnements essentiels pour la compréhension du projet
élaboré. Voici mes questions de départ :
- Comment fonctionne un PFS ?
- Qui sont les personnes accueillies au PFS ?
- Pour quelle raisons les enfants sont-ils retirés de la
garde de leurs parents ?
- Quel est le rôle de l'éducateur
spécialisé dans ce contexte ? Comment travaille-t-il
auprès des enfants ? Auprès des parents ? Avec les assistants
familiaux ?
- Qu'est-ce qui caractérise la période adolescente
?
Pour débuter, voici le cadre d'intervention de la
structure avec laquelle j'ai évolué durant mon stage de
3ème année de formation d'éducatrice
spécialisée.
4
I.1 - Cadre d'intervention
I.1.a - La protection de l'enfance
En Finistère, quand un enfant semble en danger ou en
risque de danger, il est possible pour toute personne de remplir un recueil
d'information préoccupante. Une fois prise en compte par les services
sociaux, l'information préoccupante (IP) peut être signalée
par le Conseil départemental au Procureur de la République. Il
peut s'en saisir et l'adresser au juge des enfants. Ou bien, il peut estimer
que la situation ne nécessite pas d'intervention judiciaire et dans ce
cas, cela revient au Conseil départemental qui peut mettre en place une
mesure administrative (à l'amiable avec les parents).
S'il s'en saisit, le juge peut décider d'un placement.
L'enfant est alors confié à l'ASE. - Depuis la loi sur la
décentralisation de 1983, l'État transfert la compétence
de l'action sociale aux Conseils départementaux, c'est pourquoi les
enfants ne sont plus confiés à la DDASS mais aux
Présidents des Conseils départementaux qui
délèguent au service de l'ASE - .
Il peut dès lors être placé à
domicile (PEAD), en Foyer éducatif, ou en Famille d'accueil. Le
placement peut être dû à des problèmes familiaux de
précarité, de violences, d'addiction, de fortes carences
éducatives ou affectives chez l'enfant, et plus
généralement à des difficultés pour les parents
d'assumer la responsabilité d'élever leur enfant.
La durée du placement est ordonnée par le juge
des enfants. Le placement peut être provisoire et révisé
tous les ans ou tous les 2 ans, ou être ordonné jusqu'à la
majorité de l'enfant.
La fondation dans laquelle j'ai effectué mon stage long
se nomme ILDYS depuis janvier 2015. Elle comprend les secteurs du sanitaire, du
social et du médico-social. Sur le site de Ty Yann où j'ai
effectué mon stage, une entité de Placement familial se dessine
actuellement entre le Placement familial social, le placement familial de
guidance parentale et le placement familial médicalisé. Il y a
actuellement 85 places entre les 3 services.
Le placement familial est un dispositif institutionnel qui
permet d'accompagner sur du long terme, un enfant dans une autre famille que la
sienne. Le service assure la continuité de l'accueil et le suivi des
enfants, ainsi que les visites parents-enfants en lieu neutre.
5
I.1.b - Personnes accueillies en Placement familial
social
Les enfants sont accueillis soit par ordonnance de garde
judiciaire du juge des enfants en vertu de l'article 375 du code civil
modifié par l'article 14 de la loi n°2007-293 du 5 mars
2007: « Si la sécurité ou la moralité d'un mineur
non émancipé sont en danger, ou si les conditions de son
éducation ou de son développement physique, affectif,
intellectuel et social sont gravement compromises, des mesures d'assistance
éducative peuvent être ordonnées par justice à la
requête des pères et mères conjointement, ou de l'un d'eux,
de la personne ou du service à qui l'enfant a été
confié ou du tuteur, du mineur lui-même ou du ministère
public (...) Elle peuvent être ordonnées en même temps pour
plusieurs enfants relevant de la même autorité parentale
», soit dans un contexte de placement de pupille de l'état
lorsque celui-ci n'a pas de filiation connue ou qu'il n'a plus de lien avec sa
famille.
Le PFS accueille 55 enfants de 0 à 18 ans dont la
situation familiale est complexe et qui présentent, pour la plupart, des
troubles du comportement et du développement de la
personnalité1 ayant pour origine des carences affectives et
éducatives ou des violences psychologiques et physiques. Cela
entraîne :
« - des difficultés du comportement
. · instabilité psychomotrice, immaturité et
pseudo-maturité, agressivité envers les pairs, refus des
règles, manifestations de toute-puissance, dégradations diverses
de l'environnement.
- des manifestations physiques ou psychosomatiques
. · somatisation, désinvestissement corporel, difficultés
psychomotrices importantes, boulimie-anorexie.
- des difficultés affectives . ·
avidité affective, angoisse d'abandon, dépendance importante
à l'adulte, manque de distance à l'autre, mauvaise estimation des
repères d'intimité, estime de soi dégradée.
- des difficultés d'adaptation sociale . ·
difficultés à l'extérieur à tenir des comportements
adaptés, difficultés d'insertion sociale et scolaire,
déscolarisation. »2
1 Trouble du développement de la personnalité :
sécurité de base altérée, différenciation
à l'autre, personnalité non unifiée,
imprévisibilité
2 Projet d'établissement 2008-2013, actualisation 2014
6
Du latin carere, la carence signifie « manquer
». La carence affective est un « manque d'affection parentale,
susceptible de provoquer chez un enfant certains troubles psychologiques
»1.
Les enfants accueillis au PFS bénéficient
quasiment tous des aides de la MDPH (Maison départementale des personnes
handicapées) qui considère leurs troubles comme étant un
handicap. Cela peut se traduire par une assistance dans les transports
assurés par les taxis, le droit à un auxiliaire de vie scolaire,
une orientation en IME (Institut médico-éducatif) ou en ITEP
(institut thérapeutique, éducatif et pédagogique) par
exemple. Certains enfants évoluent dans un contexte scolaire ordinaire
mais ils sont peu nombreux, trop perturbés par leur histoire.
I.1.c - Les missions
D'après le projet d'établissement, le PFS centre
ses missions sur l'hébergement en Famille d'accueil
agréée, d'enfants dont la situation personnelle et familiale
appelle à des dispositifs de soutien et d'accompagnement importants,
plus imposants que ceux possibles dans les services de l'ASE. En effet, le PFS
permet des interventions plus régulières que celles des
référents des enfants confiés à l'ASE qui ont une
trentaine de situations chacun, au lieu d'une quinzaine pour les
éducateurs en PFS. La prise en charge de l'enfant se situe au niveau de
la suppléance parentale et d'un appui à la parentalité.
La suppléance parentale a pour but :
- d'assurer un hébergement 24h sur 24 garantissant la
protection et la sécurité de l'enfant,
- d'assurer à l'enfant une éducation concernant les
actes du quotidien, - d'assurer à l'enfant un suivi en matière de
santé,
- d'inscrire et soutenir le jeune au plan scolaire ou de la
formation professionnelle et de poser des indications éventuelles pour
un suivi psychothérapeutique.
1 Dictionnaire HACHETTE encyclopédique. Paris :
édition HACHETTE, 2001, p.291
7
I.1.d - L'équipe de professionnels
Le PFS est constitué de 2 équipes. Celle dans
laquelle je suis intervenue est composée d'une directrice, d'un chef de
service, d'une secrétaire, d'une psychologue, de 2 éducatrices
dont une à temps partiel, et de 26 assistants familiaux permanents ou en
relais. L'équipe suit le placement de 25 enfants ou adolescents.
Le terme d'assistant familial est utilisé pour les
professionnels qui accueillent des enfants de l'ASE dans leur famille, plus
communément appelée famille d'accueil.
Les professionnels du service assurent le suivi du placement
sur 3 pôles d'intervention :
- l'enfant dans sa scolarité, sa santé, ses
loisirs
- le soutien à l'Assistant familial - le travail avec
les parents
Je vais, à présent, développer le
rôle de l'éducateur spécialisé en PFS auprès
des usagers et avec les assistants familiaux.
8
I.2 - Le travail de l'éducateur
L'éducateur intervient en tant que tiers dans les
relations entre l'enfant, sa famille, et sa famille d'accueil. Il travaille
avec l'objectif d'un retour éventuel au domicile des parents et veille,
en attendant, à l'épanouissement de l'enfant dans sa famille
d'accueil. Pour cela, il développe le maintien du lien entre l'enfant et
sa famille, et soutient l'assistant familial dans son rôle d'accueil de
l'enfant. Avec les familles, il rencontre régulièrement le juge
des enfants et aide à la décision par un rapport annuel
envoyé avant l'audience.
Il convient de ne pas oublier le cadre de la loi 2002-2
rénovant l'action sociale et médico-sociale et qui
réaffirme le droit des usagers. Cette loi place l'usager au coeur de son
projet. Au PFS, le projet mis en place pour l'enfant est travaillé avec
lui et ses parents, en amont des réunions le concernant.
I.2.a - Auprès des enfants
En tant qu'éducateurs, nous avons une fonction de suivi
de la prise en charge de l'enfant. Nous prenons du recul sur ce qu'il vit en
rencontrant le maximum de personnes qui interviennent dans sa prise en charge
(parents, établissements scolaires, professionnels de santé,
assistants familiaux, ...). Cela nous permet d'avoir une vision plus
élargie de l'enfant que l'assistant familial qui l'accompagne dans le
quotidien. Nous faisons une « introspection » de ce que vit le jeune
afin d'identifier son évolution dans sa famille d'accueil.
Nous les accompagnons parfois, à travers des
activités qui sont des supports à la relation. Ces actes
éducatifs nous permettent d'apporter, en plus des observations faites
par la famille d'accueil ou l'école, des constats sur le comportement de
l'enfant, ses capacités et ses difficultés. Nous faisons en sorte
que l'enfant puisse s'exprimer par des mots et non par des actes. Nous lui
donnons la possibilité de nous faire part de ses émotions.
Comme le précise Maurice BERGER, pédopsychiatre
au CHU de Saint-Étienne, « l'amélioration des
capacités intellectuelles et d'apprentissage d'un enfant n'est pas
souvent liée à une pédagogie spécifique,
essentielle par ailleurs, mais au temps d'écoute individuelle avec une
éducatrice qui permet à l'enfant de se remettre à penser
»1.
1 Maurice BERGER, L'échec de la protection de
l'enfance. Paris : Dunod, 2003, p.160
9
De plus, nous l'accompagnons vers le respect du cadre
légal et sociétal dans lequel il
évolue.
Le Projet Personnalisé - issu de la loi du 5 mars 2007
qui réforme la Protection de l'Enfance dans l'intérêt
supérieur de l'enfant - est établi à partir d'un recueil
de besoins réalisé chaque année, et permet de mettre en
place des objectifs d'accompagnement pour l'enfant. Les entretiens avec les
assistants familiaux, les enfants, les parents, les partenaires scolaires et de
santé, sont nombreux tout au long de l'année. Ils sont
nécessaires à la compréhension globale du quotidien de
l'enfant. Les synthèses annuelles sont également mises en place
sur les temps de réunion pour faire le point sur la situation de
l'enfant.
I.2.b - Auprès des parents
Il est parfois difficile de travailler avec les parents qui ne
répondent pas toujours présents aux sollicitations du service
pour des entretiens ou des visites à leur enfant. En effet, le placement
est une mesure contrainte par le juge des enfants. De plus, ce sont, pour la
plupart, des personnes ayant elles-mêmes des carences affectives et
familiales lourdes et/ou des troubles mentaux diagnostiqués par la
structure psychiatrique, pour lesquelles se rajoutent des problèmes de
chômage, logement, marginalisation sociale. Elles ne sont pas en mesure
de se rendre disponibles psychiquement pour leur enfant. Nous assurons dans ce
cadre, un soutien à la parentalité. Nous écoutons leurs
demandes et observons leurs capacités de parents.
Issu de la loi sur l'autorité parentale du 4 mars 2002
- donnant droit aux parents non mariés qui ne vivent pas ensemble
d'avoir chacun l'autorité parentale sur leur enfant - , le contrat de
séjour est un outil de travail qui nous permet de convenir des
modalités d'accueil et d'accompagnement de l'enfant, avec le(s)
détenteur(s) de l'autorité parentale.
En tant que professionnels éducatifs, nous assurons le
soutien parental lors de visites médiatisées ou d'entretiens
individuels.
10
I.2.c - Avec les assistants familiaux
Nous avons un rôle de soutien auprès des
assistants familiaux. Nous réalisons avec eux un travail en
équipe. Ils nous informent de l'évolution de l'enfant, et nous
sollicitent pour tout ce qui concerne la situation de l'enfant. Lorsque la
prise en charge est difficile, nous intervenons en tant que tiers dans la
relation.
Travailler en tant qu'éducateur auprès des
assistants familiaux nécessite de leur rappeler
régulièrement la situation de l'enfant, car ils peuvent
être idéalistes ou ne plus voir que les côtés
difficiles de l'accompagnement. Tel qu'il est témoigné par des
assistantes familiales dans le livre Assistante Familiale, les risques d'un
beau métier, l'éducateur et l'assistant familial doivent
« poser et porter ensemble les limites à ne pas franchir pour
l'enfant, avec l'enfant, comme pour l'adulte, réaffirmer la
légitimité des actes et de l'autorité, soutenir et
déculpabiliser l'assistante familiale aussi parfois... »1
Nous devons faire en sorte que l'assistant familial ne reste
pas sur des événements marquants, et lui rappeler
régulièrement la place des parents. Il est de notre rôle de
s'adapter aux assistants familiaux qui travaillent tous différemment,
selon leurs expériences et leurs attentes de leur fonction. Certains
demandent parfois que nous approuvions leurs actes éducatifs et
trouvions des solutions à leur place, comme Mr et Mme R :
Mr et Mme R accueillent Damien et Yvan depuis 5 ans. Ces
jumeaux, âgés de 15 ans, marquent des signes de l'adolescence,
notamment Damien qui teste le cadre. Mr et Mme R sont déboussolés
face à cet adolescent qui s'enfuit régulièrement du
domicile. Il peut partir toute une journée et rentrer apaisé. Si
une remarque lui est faite, Damien devient insolent et se braque. De ce fait,
ils font régulièrement appel au service pour que nous les
guidions sur les actes à poser. Madame nous exprime souvent qu'elle ne
sait pas comment s'y prendre face aux comportements qu'adopte Damien.
D'autres estiment devoir se débrouiller seuls, et ne
partagent pas toujours des éléments essentiels de la vie de
l'enfant.
1 Jeanne CHOIQUIER et Yvette MOULIN, Assistante Familiale Les
risques d'un beau métier. PERONNAS : La Tour GILE, 2009, p.65
11
Je reviendrai sur le travail des assistants familiaux en
deuxième partie de ce dossier.
I.2.d - La complexité du travail de
l'éducateur
L'éducateur doit s'adapter en permanence à la
personne avec qui il travaille. Les enfants ont tous des problématiques
différentes. Il est important d'apprendre à les connaître,
et comprendre leurs troubles pour instaurer la relation. Cette relation est
essentielle pour avancer avec l'enfant et l'aider à évoluer.
En outre, les pathologies psychiatriques de certains parents
peuvent expliquer leurs changements d'humeur d'une visite à l'autre. Ce
genre de situation nous invite à interroger la psychologue du service
qui pourra nous indiquer l'attitude à adopter afin d'éviter que
le parent ne se « braque » en présence de son enfant. Aussi,
des stratégies d'évitement du conflit sont parfois
nécessaires pour qu'une visite soit gratifiante pour l'enfant. Pour
exemple, je vous fais part de cette situation vécue sur mon lieu de
stage :
L'éducatrice qui encadrait la visite
médiatisée d'une maman et son fils de 2 ans et demi a dû
s'absenter quelques minutes. Elle m'a demandé de la remplacer. Je suis
allée à la rencontre de la maman qui était en train
d'habiller son fils après qu'il soit allé aux toilettes. Je lui
ai expliqué la raison de ma présence. Elle m'a alors
répondu :
« Je n'ai pas besoin de vous, je m'occupe très
bien de mon fils toute seule »
Je me suis alors retirée dans une salle attenante pour
écouter ce qu'il se passait, et suis revenue quelques minutes plus tard
très poliment. Madame semblait calme et a accepté ma
présence pour le reste de la visite.
Pour avoir entendu parlé de la situation en
réunion, je savais que cette dame pouvait rapidement se mettre en
colère, c'est pourquoi j'ai agi de la sorte. Cette prise de recul m'a
permis de réfléchir sur ma façon de réagir et de ne
pas perturber davantage la maman, pour que l'enfant ne soit pas victime d'une
altercation qui aurait pu l'angoisser.
Pour faire suite à cette réflexion, voici
quelques chiffres qui vont permettre de comprendre quelle population est suivie
par le PFS, et quels sont les résultats proéminents.
Les données importantes pour la continuité du
mémoire seront mises en avant.
12
II. PARTIE 2 : ADOLESCENCE EN FAMILLE D'ACCUEIL
Durant ces 30 semaines de stage, j'ai suivi notamment les
situations d'Amélie, Damien, Adrien et Jules en famille d'accueil. Tous
les 4 sont en pleine période d'adolescence, ils ont entre 13 et 15 ans
et leur placement est actuellement fragilisé en raison de leurs
comportements.
Cette deuxième partie répond à mes
questionnements :
- Combien d'adolescents y a-t-il dans l'équipe avec
laquelle je travaille ?
- Comment les enfants et leurs parents vivent-ils la
séparation ?
- Quel est le travail des familles d'accueil ?
- Qu'est-ce qui caractérise la période de
l'adolescence ?
- Comment est-elle vécue en famille d'accueil ?
Afin d'y répondre, je vais présenter une
étude de population effectuée au PFS. Les constats
dégagés permettront de s'interroger sur l'adolescence, et le
rôle des assistants familiaux, et de définir la
problématique de ce mémoire.
13
II.1 - Étude de population
II.1.a - Méthodes utilisées
Pour réaliser une étude de population des jeunes
suivis par les membres de l'équipe, j'ai d'abord élaboré
un questionnaire auprès des deux éducatrices (cf annexe 1, p.61).
Il s'agit d'un tableau avec le nom de tous les enfants dont les
éducatrices suivent le placement. Les questions fermées et leurs
réponses (en gras) sont telles que :
- Age des enfants suivis par les éducatrices :
De 22 mois à 17 ans
- Cause du placement, problématiques des parents des
enfants accueillis :
Déficience/maladie psychiatrique (8)
Abandon/négligence/violences (23)
Dépendance alcoolique (8)
- Nombre de placements de l'enfant depuis la naissance :
De 1 à 3 placements différents
- L'enfant a-t-il déjà mis à mal son
placement actuel par le passé ?
question non pertinente
- L'enfant met-il à mal le placement actuellement ?
question non pertinente
- Efficacité du placement (de 1 très faible,
à 5 très bonne) :
question trop imprécise
Puis, j'ai posé 3 questions ouvertes à la suite
du tableau, et j'ai relevé les réponses des éducatrices,
qui sont les suivantes :
14
- Pour les enfants qui ont déjà mis à mal
leur placement dans le passé (colonne n°4), quels moyens ont
été mis en place (par le PFS, la famille d'accueil, les parents
ou l'enfant) afin d'améliorer la situation de l'enfant ?
« Le meilleur outil est de sensibiliser la famille
d'accueil à vouloir dépasser ce qui ne peut être qu'une
crise passagère et à comprendre ce qui se joue si la crise est
au-delà du passager. On pourra mettre en place des relais, des
entretiens plus fréquents éventuellement la mise en place
d'un séjour en institution pour que l'enfant puisse évaluer
où il en est dans son parcours. »
- J'ai pu constater que le placement pouvait se fragiliser au
moment de l'adolescence. Qu'en pensez-vous ?
« Oui, à l'adolescence se jouent les
phénomènes d'appartenance et de l'identité.
»
- Pour vous, un placement en famille d'accueil doit-il
perdurer, et si oui, quels sont vos outils pour qu'il fonctionne à long
terme ?
« Les changements de famille d'accueil sont
préjudiciables le plus souvent. »
« Pour moi, la finalité d'un placement est
de durer, surtout si l'enfant y a passé de longues
années. »
Les deux éducatrices - sans se concerter - m'ont fait
remarquer que certaines questions n'étaient pas assez explicites, et
qu'il leur était impossible d'y répondre.
Cependant, j'ai établi des constats intéressants
avec leurs réponses sur les causes des placements. En
réalité, j'en déduis que les caractéristiques
d'états de dépendances ou de maladies psychiatriques,
entraînent des négligences, des violences ou un abandon de
l'enfant. Et c'est ce qui donne lieu au placement.
J'ai également étudié toutes les
dernières ordonnances de placement pour déterminer les dates de
naissance exactes des enfants, les droits de visites et d'hébergement,
et davantage de précisions sur les causes du placement et l'attitude des
parents envers leurs enfants. En croisant les données recueillies par
les professionnelles et mes recherches, voici ce que j'ai obtenu :
II.1.b - Analyse des données recueillies
Age des enfants accueillis
0-6 ans 7-11 ans 12-16 ans
Age des enfants accueillis
5
5 14
- Le PFS accueille 11 filles et 13 garçons dont 5 fratries
de 2 frères et soeurs. - Les enfants accueillis au PFS ont entre 22 mois
et 17 ans.
- L'âge moyen des enfants accueillis est de 12
ans.
- Ils ont en moyenne 6 ans d'ancienneté.
- Le nombre d'adolescents est de 14 . Et
environ la moitié mettent à mal leur placement actuellement
d'après ce que j'ai constaté sur le terrain de stage.
Le constat est que les adolescents sont présents en
nombre au PFS. On peut en déduire que leur placement est plus
compliqué à cette période de vie
précisément.
Causes des placements
8
22 8
Abandon, négligences, violences maladies psychiatriques
dépendances alcooliques
15
Causes des placements
16
- Seulement 1 enfant est placé uniquement à
cause de la maladie psychiatrique de sa maman. Pour les 22
autres enfants, il s'agit souvent d'un cumul de problématiques
:
Maladie / alcoolisme + négligences / violences =
Placement.
Parfois s'ajoutent à cette équation des
problèmes de précarité ne permettant pas à l'enfant
de vivre en sécurité dans ce lieu de vie.
Droits de visite (cf annexe 2, p.62)
- Les parents sont séparés en majorité dans
22 situations sur 24.
- 16 enfants rencontrent leur maman (lors de visites au
service ou d'hébergements de week-end).
- 8 enfants rencontrent leur papa. Ceux-ci sont très
investis et accueillent leur enfant à domicile (lors des week-ends ou
des vacances). Pour les autres, ils sont inconnus du service,
incarcérés, ou décédés.
La remarque suivante est que les mamans sont deux fois plus
présentes que les papas. On peut relier cela à la notion
d'attachement qui est souvent plus forte chez la mère qui a porté
l'enfant durant 9 mois et l'a mis au monde.
Le vécu des enfants
- Les enfants ont vécu entre 0 ou quelques mois,
à parfois 7-8 ans dans leur famille naturelle avant d'être
placés.
- 16 enfants n'ont connu qu'une famille d'accueil
jusqu'à ce jour. Certains ont été accueillis par 2 ou
3 familles d'accueil différentes. J'en déduis que les
placements sont durables, contrairement à ce que je pensais en arrivant
au PFS.
- Avant d'être suivis par le PFS, ces enfants ont
été accueillis dans une pouponnière
médicalisée pour ceux qui étaient malades ou ayant un
handicap, ou dans un foyer d'accueil provisoire en attendant un placement en
famille d'accueil. Parfois, d'autres mesures ont été
ordonnées avant le PFS, telles que PEAD (Placement éducatif
à domicile), AEMO (Aide éducative en milieu ouvert), ou des
mesures administratives comme une AED (Aide éducative à
domicile).
Je vais étudier comment est vécue la
séparation de l'enfant avec son milieu naturel.
17
II.2 - Le placement vécu par l'enfant et ses
parents
La séparation des enfants de leur famille d'origine est
parfois source de nombreuses incompréhensions de la part des enfants
placés. Cette mesure est prise dans le but nécessaire de les
protéger de tout danger et leur permettre de recevoir l'affection et
l'éducation dont ils ont besoin. Les mauvais traitements qu'ils ont
subis perturbent leur développement psychologique.
II.2.a - L'enfant face au placement
La particularité de l'enfant placé est la
séparation (physique et psychique) précoce de sa famille
naturelle. Il s'identifie à 2 familles, la sienne, et la famille
d'accueil. Cela génère très souvent un conflit de
loyauté. Il ne veut pas être déloyal envers ses parents,
mais est aussi attaché à la famille qui l'accueille.
De plus, c'est souvent un grand écart du niveau de vie
entre les parents qui vivent dans la précarité, la violence,
l'addiction parfois, et la famille d'accueil qui vit dans un logement
confortable et travaille dans l'intérêt du bien-être de
l'enfant. Comme le spécifie Christian ALLARD, responsable d'un placement
familial du Val-de-Marne, dans son livre Pour réussir le placement
familial, l'enfant est confronté à des images parentales
porteuses de loi, et bénéficie de réponses
différentes de la part de la famille d'accueil. Il est «
tiraillé » entre ses deux figures d'attachement.
Lorsqu'il tente de mettre à mal le placement, il fait
en sorte de changer de famille d'accueil ou d'être admis en foyer
éducatif. Son objectif est le retour chez ses parents, même s'il
est conscient qu'ils ont été défaillants. Et il ne veut
plus connaître cette difficulté à se positionner entre
l'attachement qu'il a créé avec sa famille d'accueil et ce qu'il
pense devoir à sa famille d'origine. Il se protège face à
la complexité d'aimer ses parents et sa famille d'accueil en même
temps. « Les enfants placés idéalisent le lien. [...]
ont une mauvaise estime de soi. [...] la force du clivage, aimer l'un c'est
faire disparaître l'autre ou le rendre mauvais. Le but ultime est le
retour chez leur parents. [...] Ils sont dans un pèlerinage vers l'objet
originel. [...] Le désir de retourner vers des parents insatisfaisants.
»1
1 Maurice BERGER, L'enfant et la souffrance de la
séparation (divorce, adoption, placement). Paris : édition
Dunod, 1997, p.89-108
18
« L'enfant adore (idolâtre) ses parents. Plus
il est insatisfaisant, moins il est critiquable. Il est dans un déni
très fort »1 explique Maurice BERGER.
L'enfant placé est souvent dans le déni des
difficultés de ses parents. Pensant qu'il est responsable du placement,
il peut être caractérisé d'enfant « abandonnique
», c'est-à-dire « négligé, triste, distant,
affectueux, instable, volage, en échec scolaire, ayant des troubles du
comportement ou somatiques, caractériel, associal, timide, discret,
énurésique, encoprésique, désordonné,
brouillon, mal orienté dans l'espace et dans le temps, artificiel,
décousu dans ses discours, énigmatique, sceptique, méfiant
»2, tel que le définit Françoise
GASPARI-CARRIERE, psychothérapeute d'enfants à Montpellier, dans
son livre Les enfants de l'abandon, traumatismes et déchirures
narcissiques.
Cette culpabilité qu'il porte sur lui se
répercute sur sa vie sociale et scolaire. Dans la craint de l'abandon,
l'enfant peut emprunter des comportements agressifs envers ses pairs pour
tester le lien affectif. Et à l'école, trop
préoccupé par ses difficultés personnelles, l'enfant peut
développer des problèmes de concentration et de comportement.
En effet, selon Maurice BERGER, « les enfants ont
souvent des difficultés scolaires massives, une perte de
capacités intellectuelles [...] »3
Nous avons pu vérifier les capacités scolaires
d'Amélie en cours d'intégration au collège en classe de
5ème SEGPA. Mais ses troubles du comportement ne lui permettent pas de
suivre une scolarité ordinaire, c'est pourquoi elle est
scolarisée en ITEP. Complètement débordée par son
histoire de vie, malgré ses capacités, Amélie a des
difficultés à s'insérer socialement. Elle ne sait comment
se comporter avec les autres et notamment avec les garçons auprès
desquels elle joue de sa séduction.
Le placement est donc vécu difficilement pour la
majorité des enfants, du fait de la séparation avec leurs
parents. Mais, comment ces derniers se comportent dans cette situation ?
À présent, je vais étudier la position des
parents face au placement de leur enfant.
1 Maurice BERGER, L'échec de la protection de
l'enfance, op.cit., p.48
2 Françoise GASPARI-CARRIERE, « Les enfants de
l'abandon » Traumatismes et déchirures narcissiques. Paris :
éditions Privat, 1989
3 Maurice BERGER, L'échec de la protection de
l'enfance, op.cit., p.2
19
II.2.b - Les parents face au placement
Concernant les mères, il s'agit « souvent de
mères qui font à l'enfant des promesses jamais tenues, lui
donnant des rendez-vous sans cesse manqués et lui manifestent, entre
deux rejets, un intérêt parfois passionné ou l'enfermement
dans une relation fusionnelle empêchant manifestement une symbolisation
des déficiences. Il arrive également que ces femmes, dont le
passé est marqué fréquemment par la blessure de l'abandon,
traitent l'enfant comme s'il s'agissait de leur propre mère, attendant
de lui qu'il les protège, les soutienne ou les console, dans
l'incapacité où elles sont de le protéger, le soutenir, le
consoler. Cette attente l'investit d'une responsabilité inopportune et
non seulement l'empêche de verbaliser l'abandon dont il est victime, mais
lui fait craindre de délaisser cette mère infantile lors de la
séparation que l'incapacité de celle-ci à le prendre en
charge a rendue inévitable.»1
C'est le cas d'Adrien qui présente des troubles
psycho-affectifs. Souvent déçu par les absences de sa mère
en visite (visites médiatisées d'1 heure en lieu neutre
prévues tous les 15 jours), il a pu exprimé ceci :
« Avec maman, je ne sais pas ? Parfois, elle dit mais
elle ne fait pas ! »
Son assistant familial a remarqué qu'il était
souvent stressé les veilles de visites.
Par exemple, concernant la visite suivant la période de
Noël, la maman d'Adrien ne s'est pas présentée. Adrien s'est
enfermé dans un mutisme. J'ai pris contacte devant lui afin qu'il
constate qu'elle ne répondrait pas au téléphone. Il
semblait oscille entre la déception qu'elle ne soit pas là, et
l'inquiétude qu'il lui soit arrivé quelque chose.
Les troubles psycho-affectifs dont souffrent ces enfants sont
définis par le psychothérapeute comme étant «
généralement dû à une démission du couple
parental, à un contexte socio-culturel défavorisé,
à l'absence ou l'indifférence du père et à
l'insuffisance de la mère. [...] Les parents ont souvent eu une enfance
ou une adolescence perturbée : instabilité, immaturité.
[...] Les filiations sont parfois confuses, et les déménagements
multiples.[...] Les enfants sont retirés souvent pour cause de mauvais
traitements, d'abus, d'absence de soins. [...] Pendant le placement, les
familles continuent à intervenir mais souvent
irrégulièrement. »2
1 Françoise GASPARI-CARRIERE, op.cit., p.29
2 Françoise GASPARI-CARRIERE, ibid.
20
Certains parents sont dans le déni de leurs
difficultés à s'occuper de leur enfant. Ils ne peuvent accepter
le placement et continuent de penser que les travailleurs sociaux sont
responsables de cet aboutissement. Il arrive qu'ils convainquent leur enfant de
cette idée.
Cela me rappelle le discours de la maman de Jules. C'est un
discours ambivalent. Elle peut parfois réaliser que le placement est
dû à sa difficulté de prendre en charge ses enfants, et
parfois remettre la faute sur les services sociaux. Jules, perdu dans le
discours de sa mère, croit maintenant que :
« si les familles d'accueil n'existaient pas, je ne
serais pas placé ».
Par exemple, lors de la signature du contrat de séjour,
elle a demandé à réduire les périodes d'accueil de
ses deux enfants chez elle car ils étaient difficiles à
gérer ensemble. Deux mois plus tard, elle s'est rendue compte qu'elle
voyait moins ses enfants. Elle s'est mise en colère contre le service,
précisant que cette situation était de notre fait.
Dans ce genre de cas, les parents et leur enfant créent
une alliance contre les personnes qui les aident ; familles d'accueil,
éducateurs, psychologues, psychiatres...
Un conflit de loyauté peut se mettre en place entre les
parents et la famille d'accueil. L'enfant se retrouve alors au milieu de tout
cela, sans repères.
C'est le cas de Damien et son frère. Lors de ses droits
de visite, le père de Damien et Yvan dénigre la famille qui les
accueille. Les garçons quant à eux, se plaignent du quotidien
chez Mr et Mme R, afin d'alimenter le conflit. En réalité, ils se
plaisent dans la famille d'accueil, et ne les critiquent pas lors de nos
entretiens, mais il leur est absolument impossible de dire à leur
père qu'ils y sont bien.
Je remarque que les parents ont une part importante dans le
conflit de loyauté que subit l'enfant. Sa difficulté à
faire un choix est souvent attisée par la jalousie dont souffrent la
plupart des parents séparés de leur enfant.
Suite à ce constat, je vais vous présenter la
fonction des assistants familiaux qui est essentielle dans la prise en charge
de l'enfant, qui y vit au quotidien.
21
II.3 - Le rôle des assistants familiaux
En 2009, « la famille d'accueil est le mode d'accueil
privilégié en Europe. En France, 60 % des enfants placés
sont accueillis dans des familles », indiquent Jeanne CHOIQUIER et
Yvette MOULIN.1
Une famille d'accueil a une fonction d'accueil permanent d'un
enfant, de jour comme de nuit. L'assistant familial, qui a la
responsabilité de l'enfant et dont c'est le métier, est
rémunéré par le service qui l'emploie (le Conseil
départemental ou le PFS).
Ce mode de placement est en effet un moyen pour l'enfant de
retrouver une vie familiale et de se construire dans un environnement affectif
et sécurisant. Il y trouve un modèle familial adapté et
qui lui permet de grandir sereinement.
La famille d'accueil s'adapte à l'histoire et aux
troubles de l'enfant, en essayant de l'intégrer au maximum dans la
famille. Parce que « accueillir et apporter les soins quotidiens
à un enfant qui a déjà construit (en réalité
et/ou dans l'imaginaire) des relations particulières avec ses parents
implique des remises en cause et des adaptations continuelles par rapport
à ses propres projets éducatifs. »2
La profession d'assistant familial est
différenciée de celle d'assistante maternelle depuis la «
loi n° 2005-706 du 27 juin 2005 relative aux assistants maternels et
aux assistants familiaux. » 3
Les assistants familiaux sont tenus à la
confidentialité, et à communiquer tout ce qui concerne l'enfant
dans son quotidien. Ils assistent aux réunions pour le Projet
personnalisé de l'enfant, et aux synthèses annuelles. Ils ont
pour mission de suivre leur santé, leur parcours scolaire. Il est
important qu'ils soient à l'écoute de l'enfant, tant sur sa
communication verbale que non verbale. C'est-à-dire qu'ils doivent
transmettre les signes de bien-être ou de mal-être de l'enfant au
service.
On remarque dans cette profession, « [...] une image
très idéalisée de l'assistant familial et un
investissement personnel fort. Ce grand désir de réparation, cet
espoir d'aider
1 Jeanne CHOIQUIER et Yvette MOULIN, op.cit., p.11
2 Jeanne CHOIQUIER et Yvette MOULIN, ibid., p.62
3
http://legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000812591&categorieLien=id
22
les enfants à s'épanouir malgré leurs
difficultés, ce rêve de leur offrir l'harmonie d'un nouveau foyer,
constituent les fondements du choix de ce métier. Mais trop
enfermées parfois dans l'image d'une mère idéale, puis
d'une assistante familiale efficace, les femmes qui exercent ce métier
peinent à poser leurs propres limites. Dans un élan fort de
donner, d'être disponibles à l'autre, voire toutes-puissantes
devant les difficultés, elles peuvent être tentées de
banaliser, ou de nier, les réalités de certaines situations parce
qu'elles s'opposent à leur souhait de réussir. Cet investissement
par ailleurs positif doit être médiatisé par le placement
familial. »1
Dans la société, les familles d'accueil sont
perçues comme étant des familles modèles. Une simple
dispute dans le couple parental peut être jugée dangereuse pour
l'enfant accueilli. Ou si l'un de leurs propres enfants est défaillant,
on suppose qu'ils ne peuvent pas être de « bons » parents et
donc une « bonne » famille d'accueil. Les suspicions de maltraitance
sont très courantes car aujourd'hui, la moindre action envers l'enfant
est contrôlée par les services sociaux. Il arrive en effet que des
méthodes de contention soient utilisées dans certains cas de
violence extrême de l'enfant. Cela doit être travaillé en
équipe afin d'en évaluer justement la nécessité,
pour que ces techniques soient mises en oeuvre à bon escient.
D'après le témoignage de ces assistantes
familiales et ce que j'ai observé lors de mon stage, il est
évident que certaines familles d'accueil banalisent des faits, estimant
qu'elles se doivent de les gérer par elles-mêmes.
C'est le cas d'une assistante familiale qui accueille 2
frères depuis leur plus jeune âge. N'ayant pu avoir d'enfants,
elle et son mari les élèvent comme leurs propres fils. Elle est
ravie de nous rapporter la réponse du plus jeune lorsqu'elle lui demande
qu'est-ce qu'une famille d'accueil, et qu'il répond :
« C'est une famille-parent d'amour »
Malgré son professionnalisme, elle a parfois du mal
à voir les difficultés de comportement des garçons. Le
service intervient régulièrement auprès des enfants et de
l'assistante familiale pour ramener la réalité de leur situation
et éviter que famille d'accueil ne s'approprie les enfants, et que les
enfants en oublient leur famille d'origine.
1 Jeanne CHOIQUIER et Yvette MOULIN, op.cit., p.75
23
II.3.a - Les familles d'accueil relais
De manière à éviter la
multiplicité des séparations pour l'enfant qui en a
déjà subies, l'équipe met en place des familles d'accueil
relais. Cela permet de soulager la famille d'accueil et faire en sorte que le
placement perdure. Cette alternative existe depuis quelques années et se
pratique de plus en plus.
Il s'agit de placer les enfants dans une autre famille
d'accueil le temps d'un week-end ou des vacances. Aujourd'hui, les mêmes
assistants familiaux relais sont souvent sollicités pour les mêmes
jeunes, afin de garder une certaine stabilité.
Généralement, ces week-ends ou vacances permettent à
l'enfant et à la famille d'accueil permanente de se ressourcer pour
éviter un épuisement psychique de chacun d'entre eux.
L'enfant placé qui arrive dans une nouvelle famille
d'accueil, passe souvent par une période surnommée « lune de
miel ». Dans le contexte des relais, comme cela reste exceptionnel, il ne
profite que des bons côtés de la famille d'accueil relais. Le fait
de se retirer du quotidien habituel permet à l'enfant de rentrer
apaisé. Parfois, si c'est une période compliquée dans sa
famille d'accueil permanente, l'enfant peut se projeter dans cette autre
famille d'accueil :
Amélie a une nouvelle famille d'accueil relais depuis
quelques mois. Elle y passe 2 week-ends par mois. Elle est dans cette
période de « lune de miel », de séduction. Son
assistante familiale permanente part en retraite à la fin de
l'année. Elle recherche alors de l'affection auprès de la famille
d'accueil relais, et se projette chez eux après la fin du placement.
Pour exemple, elle s'intéresse d'abord indirectement, aux moyens de
transports possibles :
« Comment il fait le voisin pour aller à
l'école ? »
Puis demande directement à l'assistante familiale :
« Si on te demandait de me garder tout le temps,
qu'est-ce que tu dirais ? »
C'est lors de cette période de « lune de miel »
que le lien d'attachement se crée. Et après quelques temps
passés dans la famille, l'enfant expérimente parfois ce lien.
24
II.3.b - « Attaque » du lien créé
avec la famille d'accueil
Souvent, ne pouvant s'en prendre à ses parents,
l'enfant accueilli teste le lien avec la famille d'accueil pour vérifier
jusqu'à quel point elle tient à lui. Il cherche à
recréer le schéma de séparation vécu avec ses
parents, en adoptant des comportements violents, tyranniques, agressifs, qui
peuvent amener le professionnel dans ses retranchements. Lorsque la relation
devient trop conflictuelle, une fin de placement peut alors être
décidée, soit par l'assistant familial, soit par le service
gardien, afin de préserver l'enfant et la famille d'accueil. Dans le cas
où ce genre de décision se prend, cela peut conforter l'enfant
dans l'idée de sa responsabilité quant à la
séparation de son milieu naturel.
Puisque, comme le stipule Maurice BERGER dans
L'échec de la protection de l'enfance, « certains
enfants ont la conviction que c'est de leur faute si leurs parents ne sont pas
adéquats avec eux. »1
Suite à mes observations, j'ai remarqué que cela
se produisait plus souvent à l'adolescence. À cette
période, l'enfant se pose la question de son identité et de son
appartenance familiale et cherche à devenir indépendant
psychiquement de ses parents. Cette période est souvent source de
dépressions, de crises, de passages à l'acte. Elle est d'autant
plus difficile à gérer lorsque l'enfant vit dans une famille qui
n'est pas la sienne. C'est pourquoi, c'est souvent une période qui
fragilise le placement.
« Pour l'adolescent placé, la pathologie du
lien va se révéler. On assiste à une résurgence de
la problématique de la séparation. Il y a le risque que le
placement soit détruit par ses attaques; l'adolescent recolle alors
à ses parents - défaillants - à un âge où il
devrait s'autonomiser »2 explique Christian ALLARD.
1 Maurice BERGER, L'échec de la protection de
l'enfance, op.cit., p.14
2 Christian ALLARD, Pour réussir le placement
familial. Issy-les-Moulineaux: ESF éditeur, 2007
25
II.4 - L'adolescence, une période qui fragilise
le placement
Au début de mon stage, je me suis interrogée sur
les fins de placement. Et je me suis questionnée quant à la
fréquence des fins de placement au moment de l'adolescence. Tout
d'abord, je vais définir ce qu'est l'adolescence. Puis, à travers
des exemples, j'évoquerai les répercussions sur la vie en famille
d'accueil.
II.4.a - Qu'est-ce que l'adolescence ?
Selon David LE BRETON, anthropologue sur la notion
d'adolescence, le mot « « Adolescence » est emprunté
au latin adolescens, participe présent de adolescere qui signifie
grandir. L'adolescent est donc celui qui étymologiquement « est en
train de grandir », contrairement à l'adulte, du participe
passé adultus, celui qui a cessé de grandir. »1
L'adolescence a une histoire. Jusqu'au milieu du XIXème
siècle, l'humain de notre société passait directement du
statut d'enfant à celui d'adulte par des rites de passages, ou
initiatiques. Depuis, l'enfant reste de plus en plus longtemps dans sa famille
alors que les aïeuls en sont exclus, c'est l'apparition de la famille
moderne.
La période de latence entre la puberté et le
départ du foyer est aujourd'hui appelée adolescence, et est
considérée par les spécialistes comme étant «
difficile », notamment pour Michèle EMMANUELLI, psychologue
clinicienne, qui publie dans le livre L'adolescence des
éditions Que sais-je : « On ne peut comprendre ce qui se joue
à l'adolescence sans l'éclairage de la psychanalyse. Celle-ci,
à la fin du XIXè siècle, a opéré une
révolution dans le regard porté sur l'enfant et l'adolescent, en
dévoilant l'existence de la sexualité infantile et du complexe
d'oedipe. »2
Dans la mythologie grecque, OEdipe tue son père pour
avoir une relation sexuelle avec sa propre mère. Le complexe d'oedipe
est pour Freud, le petit garçon qui tombe amoureux de sa mère et
désir tuer son père. Il définit l'adolescence comme
étant le moment où l'enfant se dirige vers d'autres objets
sexuels.
1 David LE BRETON et Daniel MARCELLI, Dictionnaire de
l'adolescence et de la jeunesse. Paris : Quadrige/PUF, 2010, p.15-16
2 Michèle EMMANUELLI, L'adolescence. Paris :
éditions Que sais-je, 2010
26
Vers 12 ans, l'adolescent cherche alors à se
séparer psychiquement de ses parents, par exemple en appartenant
à un groupe et en réclamant plus de liberté d'action.
C'est souvent cela qui active le conflit avec ses parents. Parfois, selon
Sébastien LE LAY, formateur en psychologie, il peut passer par ce qu'on
appelle en psychologie une « phase transitoire dépressive »
lors de laquelle « la bande ne suffit pas, et même l'ami intime
ne peut pas comprendre. L'adolescent est en proie à la
mélancolie. La vie est un supplice, tout est injuste. La perte des
parents est trop forte. La bande et les copains ne suffisent pas, cela
crée un vide métaphysique. C'est là qu'il crée un
journal intime dans lequel il transmet son abandon. »1
Pour certains, cette période charnière est
source de crises dépressives, de violences vis-à-vis de ses pairs
ou de soi-même, qui sont dues à une souffrance massive de
l'acceptation de changement de son corps ou de réactivation de carences
infantiles.
« En 1951, John Bowlby reprend ces travaux dans un
rapport à l'OMS où il démontre les effets de la carence de
soin précoce sur le devenir de l'enfant puis de l'adolescent,
établissant ainsi un lien entre conditions affectives et
éducatives de la petite enfance et conduites délinquantes ou
violentes ultérieures. »2
C'est également l'apparition des signes de la
puberté. Les filles développent leur poitrine, les poils
apparaissent, et elles découvrent les menstruations et l'acné.
Les garçons découvrent l'érection, la masturbation, et
également les poils et l'acné.
En effet, selon la revue Neuropsychiatrie de l'enfance et
de l'adolescence n°3, « le corps constitue le lieu
privilégié d'expression des modifications qui engagent le jeune
sujet sur le chemin de la vie adulte. [...] Passage de la sexualité
infantile à la génitalité. [...] La reprise de la
flambée oedipienne contribue à rendre tout à la fois
inévitable et difficile la prise de distance avec les premiers objets
d'amour et de rivalité. [...] Travail identificatoire : le cheminement
adolescent implique l'élaboration du travail de séparation avec
les objets oedipiens et avec l'image de soi idéalisée.
»3
C'est un moment où le jeune cherche à s'accepter
comme une personne intéressante, méritant d'être
aimée. Il va s'identifier à ses pairs, et tenter de
s'intégrer socialement.
1 Sébastien LE LAY, Cours de psychologie sur
l'adolescence, ITES Brest, 2012
2 David LE BRETON et Daniel MARCELLI, op.cit.
3 Neuropsychiatrie de l'enfance et de l'adolescence
n°3, 2001, p.232
A l'école, les jeunes sont soumis à des
violences telles que harcèlement, racket, vol, moqueries. Chez les
garçons, les meneurs de la bande vont choisir un souffre-douleur sur
lequel ils déchargeront toute la violence qu'ils ont en eux. Les filles,
elles, vont être très critiques sur l'apparence. (Elles vont
regarder si l'autre est bien habillée, jolie, si elle a des boutons, pas
assez de poitrine, si elle est trop grande, trop petite...). A cette
période du collège, tout est prétexte à se moquer.
On se moque pour se sur-estimer, se prouver qu'on est « meilleur que
l'autre ».
L'adolescent qui ne se sent pas intégré peut se
replier sur lui-même, développer des problèmes
d'hygiène, d'alimentation, et perdre confiance et estime de lui. Les
passages à l'acte se traduisent par des scarifications, des troubles
alimentaires, des fugues, des alcoolisations à risque ou encore des
tentatives de suicide.
II.4.b - Le placement mis à mal à
l'adolescence
Plusieurs situations m'ont amené à cette
première question : Comment éviter la mise en échec du
placement en famille d'accueil ?
Au commencement de mon stage, je ressentais que certains
jeunes mettaient en échec le placement, et je me demandais comment
éviter cela en tant que professionnelle. Mais, à partir du
questionnaire aux éducatrices, j'ai réalisé que ce
n'était pas qu'une question de mise en échec, et bien des
questions d'appartenance dues à l'adolescence, qui pouvaient fragiliser
le placement. Les passages à l'acte qui se multiplient amènent
parfois les familles d'accueil à renoncer au placement. Ainsi, je
retrouve plusieurs situations de jeunes que j'ai accompagné tout au long
de mon stage, celles d'Amélie, de Damien, de Jules et d'Adrien. Voici
leur comportement actuel en famille d'accueil :
Amélie est dans une famille d'accueil depuis 5 ans.
Elle a 13 ans. Son assistante familiale, Mme S, nous a fait part de sa
lassitude, et souhaite mettre fin au placement d'Amélie avec laquelle
elle a le sentiment d'arriver à ses limites. L'adolescente est arrogante
et « envahie » par ses relations amoureuses. La famille d'accueil
avait pourtant des projets pour cette enfant au début du placement, et
espérait pouvoir l'aider à grandir convenablement malgré
son passé douloureux. À ce stade, elle pense que son accueil
n'est plus bénéfique pour Amélie.
27
Jules, 14 ans, a des problématiques au niveau de sa
sexualité, il lui est arrivé récemment de se masturber
devant des enfants chez qui il dormait ou dans sa chambre la porte grande
ouverte. L'assistante familiale, Mme T, alarmée nous en a fait part. Son
inquiétude vis-à-vis des autres jeunes accueillis l'a
amenée à s'interroger sur la continuité de la prise en
charge de Jules chez elle.
Adrien, 15 ans, vole les sous-vêtements de la femme de
son assistant familial, Mr C, et les met sous son oreiller ou les coupe. Il se
montre agressif envers Mr C. C'est lors d'une synthèse annuelle que le
psychiatre de l'IME, informé par ces événements, nous a
fait part de ce qu'il interprétait comme des signes du complexe d'oedipe
qui reviennent. La famille d'accueil ne se sent plus en sécurité
avec le jeune et la femme de Mr C perçoit des attitudes troublantes
à son égard. Aussi, Mr C nous a récemment prévenu
de la décision familiale qui est d'arrêter la prise en charge de
l'adolescent.
Damien a 15 ans. Il quitte régulièrement le
domicile de la famille d'accueil pour errer, et se sentir « libre ».
Voici ses mots lorsqu'on évoque le sujet :
« je m'en fous », « je fais ce que
j'ai envie ».
28
Ces exemples illustrent les difficultés que connaissent
les assistants familiaux au moment de l'adolescence.
La problématique qui résulte sera
détaillée ci-après.
29
II.5 - Construction de la problématique
Au cours de mon stage et de mes recherches, la construction de
ma problématique a évolué petit à petit.
Après m'être interrogée sur les fins de
placement, je me suis demandée comment l'éducateur accompagnait
un placement en famille d'accueil fragilisé par la problématique
adolescente. Cette dernière est couplée aux dysfonctionnements
familiaux, aux troubles, à l'immaturité des jeunes.
Les familles d'accueil que j'ai suivies et pour lesquelles le
placement de l'adolescent est actuellement compliqué ont
été mon inspiration principale dans la définition de ma
problématique. Je me suis aperçue qu'il était important de
soutenir les assistants familiaux pour que la relation s'améliore entre
eux et les adolescents accueillis. C'est une des missions de l'éducateur
en PFS.
J'ai donc centré mon projet sur le travail avec les
familles d'accueil. En parallèle, j'ai axé mes recherches sur
l'adolescence illustrées par des exemples concrets. Cette enquête
a soulevé ma question principale :
Dans le cadre d'un Placement familial social, comment
l'éducateur soutient les
assistants familiaux face aux comportements difficiles
des adolescents accueillis, aboutissants pour certains à un
changement de prise en charge ?
Pour répondre à cette problématique, j'ai
mis en place deux groupes de parole avec les assistants familiaux sur le
thème de l'adolescence, et me suis appuyée sur des
accompagnements avec les jeunes, et des entretiens avec les parents des
jeunes.
30
III. PARTIE 3 : SOUTENIR UN ACCUEIL
FRAGILISÉ
Le projet dont il est question est un moyen répondant
à des objectifs définis au préalable pour atteindre une
finalité.
La finalité de ce projet est le maintien du placement
pour éviter à l'enfant de vivre une séparation
supplémentaire. Dans le cas où la séparation est
inévitable, l'éducateur fait en sorte qu'elle soit
préparée et expliquée, afin de permettre à l'enfant
et à la famille d'accueil de ne pas subir cela comme un échec.
Les objectifs principaux de ce projet sont les suivants :
- recueillir la parole des assistants familiaux face aux
difficultés rencontrées avec les adolescents qu'ils accueillent
et les soutenir dans leurs difficultés de travail,
- permettre aux adolescents de mettre en mots leurs questions
ou leurs insatisfactions, - investir les parents dans la quête
identitaire de leurs adolescents.
J'ai élaboré mon projet sur la base du travail
de l'éducateur situé en tant que tiers entre l'enfant, ses
parents, et sa famille d'accueil.
D'une part, j'ai mis en place un groupe de parole afin que les
assistants familiaux puissent échanger quant aux problèmes qu'ils
rencontrent avec les adolescents qu'ils accueillent, et qu'ils puissent
s'écouter afin de se saisir de certains outils. Pour moi, il s'agit de
les soutenir en tant que professionnelle neutre dans la relation.
En parallèle, j'ai accompagné
régulièrement une jeune fille, Amélie, durant 5 mois les
mercredis après-midi, et 3 garçons Adrien, Jules et Damien plus
ponctuellement. Ces temps éducatifs m'ont permis de comprendre ce qui
fragilisait leur placement, et de les aider à surmonter leur crise
passagère due à l'adolescence.
D'autre part, les entretiens et visites aux parents auxquels
j'ai assisté ou que j'ai animé m'ont permis de les informer des
comportements que leurs jeunes mettaient en place en famille d'accueil. Ainsi,
j'ai pu étudier leur point de vue sur le sujet. Aussi, ils ont
établi un échange avec leurs enfants lors des visites.
31
III.1 - Le groupe de parole
Le groupe de parole est un temps collectif, durant lequel se
réunissent plusieurs personnes ayant une caractéristique commune,
qui échangent sur des sujets similaires, dans le but d'avoir des points
de vue extérieurs à la situation. Il est un temps et un lieu
d'expression.
Dans le contexte du PFS, le groupe de parole est un moyen de
soutenir les familles d'accueil. Ce temps leur permet de s'exprimer librement
et en toute confiance. Ainsi, il m'a semblé important de leur
spécifier que je ne divulguerai pas leurs propos.
III.1.a - Construction du groupe de parole
Après un constat de conflits entre les assistants
familiaux que j'accompagnais et les adolescents accueillis, j'ai ressenti un
besoin de partager leurs difficultés d'éducation. J'ai alors
provoqué 2 rencontres qui leur ont permis d'exprimer leurs questions et
émotions. Pour la mise en place de ces temps d'expression, j'ai
procédé de cette façon :
- Lors d'une réunion d'équipe, j'ai
exposé mon idée d'animer un groupe de parole aux membres
présents. Ils ont acquiescé quant à ce projet. Ils ont
admis que ce serait bénéfique pour les familles d'accueil et
aussi pour les jeunes.
- J'ai ensuite pris rendez-vous avec la psychologue du service
pour connaître la méthode qu'elle employait lors de l'animation de
ses groupes de parole. Elle m'a expliqué qu'elle invitait une dizaine
d'assistants familiaux, et qu'elle animait en fonction de ce qu'ils
exprimaient. Mon but étant de proposer quelque chose de
différent, je n'ai invité que 4 assistants familiaux et j'avais
défini le thème à l'avance : l'adolescence.
- Puis, j'ai proposé 2 dates par mail aux assistants
familiaux en leur exposant le thème du groupe de parole. J'ai
observé que les assistants familiaux se rendaient disponibles pour venir
au PFS. Les 4 sollicités sont ceux avec lesquels j'ai le plus
travaillé durant mon stage.
Enfin, j'ai élaboré un questionnaire aux
assistants familiaux pour l'évaluation de mon
projet.
32
III.1.b - Déroulement des temps de parole
(Cf annexes 3 et 4, p.63 à 66)
- Les temps de parole ont duré 1h30 chacun.
- 3 assistants familiaux sont venus au 1er temps, et 4
au 2ème.
- La personne qui ne s'était pas présentée
la première fois avait oublié le rendez-vous.
- Le taux d'absence sur les deux temps de parole est ainsi
négligeable.
Pour le 1er temps de parole, j'ai beaucoup
écouté les assistants familiaux. Volontairement, j'avais
préparé peu de questions. Ce 1er atelier a
été plus désordonné que le second, mais il m'a
permis de recueillir toutes les informations que me donnaient les assistants
familiaux, afin d'avoir de la matière par la suite.
Lors du 2ème temps de parole, j'ai repris
les grands thèmes évoqués la première fois, et j'ai
apporté mes connaissances. Mes questions étaient
préparées. Je les ai ciblées en lien avec ces
thèmes et le travail des éducateurs du PFS. J'ai fait en sorte de
créer du lien entre les questions abordées. Le
2ème temps de parole a ainsi été plus fluide et
axé sur ma problématique.
Ces temps permettent d'avoir une vision du travail de
l'assistant familial au quotidien. C'est un temps d'analyse de pratique lors
duquel les assistants familiaux bénéficient de moyens pour parler
de leurs expériences d'accueil. Ils peuvent comparer leurs façons
de procéder, et s'inspirer de ce que les autres ont pu mettre en
place.
Évidemment, chaque jeune évolue
différemment. Mais j'ai senti que ces échanges rassuraient les
familles en prenant conscience qu'ils n'étaient pas les seuls face
à certaines problématiques.
Mon premier constat a été que les assistants
familiaux étaient beaucoup dans l'anecdotique, et moins dans le
conceptuel. Il m'a été difficile de faire des liens avec mes
connaissances pour organiser leurs propos.
Je vais d'abord vous exposer les thèmes abordés,
en y apportant quelques pistes de réflexion. Puis, j'évoquerai
les difficultés exprimées par les assistants familiaux dans leur
quotidien et la manière dont les éducateurs peuvent les
soutenir.
33
III.1.c - Thèmes étudiés
L'hygiène corporelle
Ce sujet concernait tous les adolescents dont il était
question en groupe de parole. Pour la plupart, la douche n'est pas toujours
prise correctement et certains enfants ont des pertes urinaires ou
fécales qui se manifestent jusqu'à leur majorité sexuelle.
Cela peut être dû à une mauvaise acquisition de la
propreté étant petits, à des troubles psychologiques ou
physiologiques. C'est une problématique difficile à gérer
par les familles d'accueil. Il leur faut s'armer de patience et effectuer
beaucoup de tâches ménagères :
« on râle, on fait la morale, on
répète tout le temps la même chose ».
L'assistante familiale de Jules se demande si ce n'est pas
volontaire de sa part, et à l'impression de ne pas avancer avec lui
quand elle le voit ne pas se contrôler de cette façon. Mr R a
proposé une méthode qu'il a adopté avec l'un des jeunes
qu'il accueille pour qu'il n'utilise plus de protections. Les autres
professionnels ont écouté attentivement.
Je leur ai conseillé de retenir la méthode qui
semble efficace, pour l'appliquer avec leurs jeunes si besoin.
La sexualité et Internet
Chaque assistant familial travaille différemment le
sujet de la sexualité (à partir de lectures de bande
dessinées sur le sujet, échanges lors de repas).
J'ai proposé que ce sujet soit développé
plus régulièrement dans les familles, dans la mesure où il
ne doit pas être un sujet tabou. Fréquemment, pour cette tranche
d'âge, ce sujet est peu abordé.
J'ai alors expliqué que si le jeune ne comprend pas ce
qui se passe dans son corps, cela peut générer de
l'agressivité.
D'après Pierre GALLIMARD, psychiatre et
psychothérapeute d'enfants, dans son ouvrage, 11 à 15 ans,
Mutations, conflits et découvertes de l'adolescence, «
dès le début de la croissance des organes sexuelles du
garçon, se produisent des érections du pénis. Ce
phénomène n'était pas inconnu de l'enfant mais dans la
plupart des cas n'avait eu lieu jusqu'ici que très sporadiquement,
souvent à la suite d'inflammation locale ou sous l'effet de
34
masturbations ; maintenant il devient de plus en plus
fréquent et apparaît spontanément à des occasions
diverses, sous l'effet de contacts physiques extérieurs (monter à
la corde par exemple) ou plus souvent d'incitations psychologiques (lectures,
affiches, imagination...), sensation nouvelle d'excitation agréable dont
le sujet est souvent d'abord étonné, parfois inquiet, puis qu'il
aime voir se reproduire. »1
Comme nous le savons tous, certains sites Internet sont
axés sur l'acte sexuel, ce qui nous a amené à en
étudier les méfaits ; Mr R en témoigne :
« avec internet, on ne peut pas protéger, alors
qu'on est dans le protection de l'enfance ».
En effet, depuis qu'Internet est accessible sur tous les
écrans (ordinateur, téléphones, tablettes), les enfants
sont exposés aux images et vidéos pornographiques très
tôt. Ils en parlent sur les cours d'école par exemple. Le risque
est qu'ils s'accaparent ces images comme étant la
réalité.
Les assistants familiaux découvrent pour beaucoup les
nouvelles technologies et ne sont pas toujours au fait de leur fonctionnement.
Ils peuvent se sentir dépassés et excédés. Cela me
rappelle ce que racontait Mme T :
Mme T concernant Jules :
« Il y a 2 ans, il avait téléchargé
60 films pornos sur la tablette d'une jeune !! »
L'intolérance à la
frustration
Le « non » est insupportable à accepter pour
ces enfants carencés. La frustration peut donner lieu à des
crises de colère, des vols pour obtenir au plus vite ce qu'ils
désirent.
Mon rôle à ce sujet a été de
rappeler aux assistants familiaux la nécessité d'expliquer au
jeune qu'il ne peut pas avoir ce qu'il désire. Si il n'accepte pas la
décision, il faut lui permettre d'aller dans un espace sécurisant
pour lui, et le laisser seul. Cela permet de ne pas attiser sa colère,
et seulement après, il pourra revenir.
1 Pierre GALLIMARD, 11 à 15 ans, Mutations, conflits
et découvertes de l'adolescence. Paris : DUNOD, 1998, p.24
35
Le besoin de combler un manque
La plupart de ces jeunes mangent beaucoup. C'est parfois
dû à leur traitement, mais ils ont aussi besoin de combler un
manque par la nourriture. Dans le DVD de la réalisatrice Nadine CHIFFOT,
qui expose le quotidien des familles d'accueil, je découvre Ahmed, qui
ne trouve pas réponses à ses questions et compense ce manque par
la nourriture :
« Ahmed, 15 ans se pose beaucoup de questions et mange
pour oublier . ·
« pourquoi je ne suis pas sorti de ton ventre ?
», demande-t-il à l'assistante familiale qui en répond
. ·
« je suis contente qu'il me pose les questions
à moi, plutôt qu'il aille les poser dehors et faire des
bêtises » »1.
La revendication à
l'adolescence
A l'adolescence, les enfants acquièrent une
maturité qui leur permet d'argumenter et de contre-argumenter. La
plupart d'entre eux sont dans le désir immédiat. Cette
période est celle de la revendication de l'enfant qui agit comme il
l'entend, selon ces termes :
« Je m'en fous », « je fais ce que je
veux », « c'est ma vie ». Le
mensonge
Le mensonge devient de plus en plus convaincant. Les
assistants familiaux sont troublés et ne perçoivent plus la
crédibilité du langage du jeune
À titre d'exemple, les jeunes accueillis peuvent
employer le mensonge afin de préserver leur famille d'accueil de leur
désir ultime de retourner chez leurs parents.
C'est ce que j'explique à Mr R, lorsqu'il me raconte cette
anecdote :
Damien et son frère ont rendu visite à leur
père, à la demande de celui-ci (qui n'a ses droits de visite que
sur le lieu du PFS). Il leur avait donné rendez-vous sur un lieu
extérieur et ses enfants n'en ont volontairement pas parlé
à Mr et Mme R sitôt après.
À mon sens, ils ont voulu protéger leur père
qui était hors-la-loi à cet instant. J'en déduis
également qu'ils n'ont pas voulu faire de peine à la famille
d'accueil.
1 Nadine CHIFFOT, Une autre famille pour grandir. CPPA,
Conseil Général du Val de Marne, 2008
36
L'ambivalence par rapport aux
parents
D'après Maurice BERGER, « l'enfant adore
(idolâtre) ses parents. Plus il est insatisfaisant, moins il est
critiquable. [...] Déni très fort »1
Il est souvent difficile pour les assistants familiaux de
comprendre cela. Par exemple, Mme S est surprise lorsque :
Amélie critique sa maman quand elle est absente aux
visites : « Maman elle est nulle »
Mais elle ne supporte pas que Mme S en parle, elle imagine
toujours qu'il s'agit alors d'une critique.
Le double-attachement
« La question du double-attachement entraîne
culpabilité, déni et clivage chez l'enfant. Le risque de
dépression, voire de mélancolie est grand pour lui, si l'on ne
conserve pas une écoute et une attitude bienveillante à
l'égard de ses parents, c'est-à-dire si l'on ne lui permet pas
d'y penser avec affection ou colère »2, analyse
Christian ALLARD.
J'ai constaté lors des temps de parole que la plupart
des enfants n'évoquaient pas le souvenir de leurs parents en
présence de leurs assistants familiaux. Ils ne veulent pas se sentir
déloyal, c'est pourquoi, je précise qu'il est important que ce
soient les familles d'accueil qui abordent le sujet, pour que l'enfant se sente
autorisé à en parler. Cela peut permettre de créer une
relation de confiance avec l'enfant, et donc un lien d'attachement.
En effet, il est avéré qu'« il faut
s'attacher à la famille d'accueil pour bien grandir. »3
III.1.d - Les difficultés du travail de l'assistant
familial
Lors des ateliers, les assistants familiaux évoquent
les difficultés de leur métier de manière unanime :
« C'est un travail épuisant ! Il faut de
l'endurance, une remise en question. On a parfois envie de baisser les bras.
»
1 Maurice BERGER, L'échec de la protection de
l'enfance, op.cit., p.48
2 Christian ALLARD, op.cit.
3 Nadine CHIFFOT, op.cit.
37
De plus, cette phrase d'une assistante familiale m'a
particulièrement marquée : « Les problématiques
des enfants confiés sont de plus en plus complexes. Ils sont beaucoup
plus abîmés car ils restent trop longtemps dans leur famille
».
Il est vrai qu'aujourd'hui, le maintien des enfants dans leur
famille naturelle et le maintien du lien sont privilégiés. Cela
peut être bénéfique comme destructeur pour l'enfant selon
ce qui se passe en visite. Le parent peut faire passer des messages qui nous
échappent et que l'enfant interprète à sa façon.
Les conséquences se répercutent alors au sein de la famille
d'accueil.
L'arrêt de placement
D'après Christian ALLARD dans son ouvrage Pour
réussir le placement familial, la famille d'accueil est à
l'épreuve du lien ; il évoque d'abord le « temps de
l'idylle », après lequel se met en place un «
processus défensif ». La famille d'accueil est le
support de la projection d'objet primaire que l'enfant a avec ses
propres parents et l'enfant, ne pouvant s'en prendre à sa mère ou
son père, « attaque » l'assistant familial. Les ruptures ont
des « effets pathogènes » qui s'aggravent
considérablement à mesure qu'elles se répètent.
Leur évitement est thérapeutique, c'est pourquoi des «
soins psycho-socio-éducatifs et relationnels » sont
indispensables pour soutenir la permanence de l'accueil familial chez la
même famille d'accueil. Les changements de famille d'accueil posent
problèmes et nécessitent une bonne préparation. «
Changer c'est risquer de s'effondrer ». En effet, un arrêt
de prise en charge est difficile à vivre pour les enfants qui ont une
impression de répétition de la séparation de leur
famille.
L'annonce de cet arrêt à l'enfant est
étudié. Cela se fait dans nos locaux. Le chef de service annonce
la fin de placement à l'enfant, en présence de l'assistant
familial qui a un temps pour s'exprimer et expliquer les raisons de cette
décision. Les parents sont également mis au courant par le chef
de service qui représente le service gardien. Chaque membre est donc
informé des raisons du déplacement. Le fait que l'assistant
familial ne soit pas celui qui annonce la nouvelle le protège de toute
attaque qui pourrait lui être adressée.
Mais ce moment est aussi compliqué pour les
accueillants. Ils vivent cela comme un échec, un sentiment de ne pas
avoir accompli leur tâche jusqu'au bout. Ils sont conscients de rajouter
une douleur supplémentaire à ces enfants.
38
Dans ce genre de situations, l'important est de garder le lien
après le déplacement, « parce que c'est aussi dans la
permanence du lien que s'élabore la dimension affective
nécessaire à l'épanouissement de l'enfant, cette dimension
affective ne peut s'établir lors d'une relation trop brève.[...]
C'est au travers des petits gestes quotidiens, des preuves de ce souci constant
de l'autre, de ce décentrement de soi, de ce don que perçoit
l'enfant, que peut advenir une relation affective constructive. »1
Les attentes des assistants familiaux
vis-à-vis de l'éducateur
Les assistants familiaux présents m'ont
spécifié ce qu'ils attendaient des éducateurs : un
soutien, des réponses à leurs questionnements (et aussi des
réponses des services médicaux) et une sécurité.
Ils ressentent le besoin d'appeler dès qu'il se passe quelque chose pour
montrer au jeune qu'ils ne sont pas seuls dans leurs décisions. Aussi,
ils se sentent protégés après avoir informé le
service d'un événement particulier.
Au PFS, ils trouvent qu'ils ont beaucoup de chance, car il y a
un bon soutien, et ils apprécient la rapidité d'action. Parfois,
le chef de service intervient, c'est une étape supplémentaire
pour l'adolescent qui prend conscience de la gravité de ses actes. Ils
sont satisfait de la disponibilité de l'équipe.
D'autre part, ils font ressortir le besoin d'être
soutenu par leur conjoint qui apportent une vision extérieure. Ce sont
souvent eux qui tempèrent la situation quand la relation se complique
entre l'assistant familial et le jeune.
Mme S a reconnu que les accompagnements que j'ai
effectué auprès d'Amélie durant 5 mois, ont
été bénéfiques. En effet, je rencontrais
Amélie tous les mercredi après-midis dans le but de soulager la
famille d'accueil. Cela m'a permis, d'autant plus, de mieux faire sa
connaissance, et en passant du temps avec elle, j'ai déterminé le
quotidien que pouvait vivre Mme S.
Afin de développer le rôle de l'éducateur
auprès des jeunes, je vous décris par la suite, les
accompagnements avec Amélie, ainsi que ceux que j'ai effectué
plus ponctuellement avec Adrien, Damien et Jules.
1 Jeanne CHOIQUIER et Yvette MOULIN, op.cit., p.151
39
III.2 - Accompagnements individuels
A l'adolescence, la relation avec les pairs se complexifie
pour la plupart des enfants suivis au PFS. Le phénomène
identitaire de l'adolescent par le double-attachement est d'autant plus
complexifié. Il se perd entre le lien affectif qu'il a pu créer
avec sa famille d'accueil, et le lien d'attachement qu'il a avec ses
parents.
Cette période est souvent propice à des
changements de famille d'accueil, à des placements en foyer
éducatif, au moment où l'enfant clame son désir de
retourner chez ses parents ou de faire ce qu'il veut.
Je constate un décalage entre leur âge
réel et la vie qu'ils mènent. Nous, professionnels, leur
demandons d'exposer leurs besoins, ce qui nécessite d'avoir une certaine
maturité. Contrairement aux autres adolescents de leur âge, ils
connaissent déjà les dispositifs de la protection de l'enfance et
discutent régulièrement avec des adultes.
Les enfants que nous suivons ont déjà
vécu beaucoup de complications, et ont développé des
troubles importants de l'attachement, ou de comportement. De plus,
l'adolescence est souvent la période où toutes les souffrances du
passé ressurgissent :
- Qui suis-je ?
- Pourquoi je suis en famille d'accueil ?
- Pourquoi je n'habite pas avec mes parents ?
- Est-ce qu'ils m'aiment ?
- Que vais-je devenir à la majorité ?
Ils s'aperçoivent que leur vie est particulière
et comprennent les défaillances de leurs parents. A contrario, ils
veulent garder l'alliance avec leurs parents et pensent que le placement est
une décision prise par les travailleurs sociaux.
Pour travailler avec des adolescents, il est essentiel
d'apprendre à les connaître. Après quelques rencontres,
j'ai compris qu'Amélie se livrait à travers des activités.
Jules, quant à lui, préfère être en entretien dans
un bureau. Avec Adrien, il est plus judicieux d'utiliser l'humour. Damien est
plus à l'aise dans la relation avec Mme R, et plus accessible à
son domicile.
40
Les adolescents ont besoin de sentir que nous essayons de les
comprendre. Nous devons, pour cela, faire preuve d'empathie.
Il est nécessaire pour l'éducateur de prendre en
considération ce qu'exprime le jeune, parce que « l'adolescence
est la dernière chance de comprendre les conflits de l'enfant et de les
résoudre de manière spontanée. Si ces mêmes conflits
survenaient par la suite, ce serait du domaine pathologique. La personne s'y
engluerait gravement. D'ailleurs la plupart des pathologies adultes
éclosent à l'adolescence. »1
III.2.a - Les après-midis d'Amélie Mise en
place
Lors d'un entretien avec l'assistante familiale
d'Amélie en septembre 2014, durant lequel nous évoquons les
comportements inadaptés de la jeune fille, nous définissons 3
axes de travail que je développerai avec elle :
- rencontre avec d'autres jeunes,
- comment se présenter aux autres,
- comment se comporter dans les lieux publics.
Puis, j'ai organisé des accompagnements
éducatifs les mercredi après-midi. En plus de ces axes, ces temps
sont prévus pour que Mme S et Amélie prennent de la distance dans
leur relation conflictuelle.
La jeune a un comportement difficile envers les adultes, et
notamment envers Mme S. Elle s'en aperçoit, mais elle admet avoir du mal
à se comporter différemment. Leur relation conflictuelle ne
semble pas s'apaiser au fur et à mesure du temps. Elles en souffrent
toutes les deux. L'assistante familiale ressent son travail comme
inadapté, et Amélie a le sentiment de faire des efforts qui ne
sont pas remarqués par cette femme qu'elle considère comme sa
« mère de coeur ».
1 Sébastien LE LAY, op.cit.
41
J'ai envoyé un calendrier de mes interventions tous les
mois à son école afin de prévenir de mon passage, de
même à son assistante familiale avec qui je faisais le point
régulièrement. Et Amélie notait les dates de mes
interventions dans son agenda.
J'ai mis en place ces accompagnements avec Amélie
à partir de début novembre. J'allais la chercher le mercredi
à 13h à l'ITEP. Ce temps me permettait de faire le point avec
l'équipe éducative si besoin. Je restais ensuite avec elle
jusqu'en milieu d'après-midi. Puis, je la ramenais soit à son
domicile où je discutais avec l'assistante familiale, soit à des
cours de chant qu'elle avait à 16h.
Je suis intervenue 15 fois auprès d'Amélie les
mercredis, en plus des vendredis 1 fois sur 2 où j'allais la chercher
pour la visite à sa maman.
Voici la description de mes actions, par ordre chronologique.
Établir la relation
Le premier jour, en accord avec Mme S, je vais à son
domicile pour observer dans quel environnement elle évolue. Cette
première approche permet d'instaurer la relation entre ma position
d'éducatrice et la jeune. Elle me montre son lieu de vie et
m'emmène voir sa chambre, notamment ses habits
préférés et ses albums photos. Elle semble ravie de me
faire partager ses souvenirs personnels à tel point que je dois la
freiner dans son « déballage ». Je constate que la chambre
n'est pas très investie par Amélie, parce que les
décorations personnelles sont absentes. Cette caractéristique est
fréquente chez les enfants placés qui n'investissent pas
totalement la famille d'accueil.
Je lui propose de la rencontrer dans un lieu extérieur,
qu'elle a l'habitude de fréquenter : la médiathèque.
Partager ses activités
La seconde fois, je l'accompagne à la
médiathèque où elle a l'habitude d'aller seule. Je
découvre le comportement débordant d'Amélie et comprends
pourquoi il est indispensable de lui mettre des limites. Elle va sur
l'ordinateur et me montre un jeu qu'elle a l'habitude de faire. Je
m'aperçois que c'est en fait un moyen de discuter avec des internautes
inconnus. Des conversations me paraissent dangereuses. Suite à cela,
nous parlons des risques d'Internet. Mon intervention est nécessaire
à plusieurs reprise pour qu'elle accepte de quitter l'ordinateur.
42
Elle me montre également ses copains sur les
réseaux sociaux. Je me rends compte qu'elle n'a pas de copines. C'est
à partir de ce constat que j'organise une sortie patinoire avec une
autre jeune accueillie au PFS, qui est dans sa classe d'intégration de
5ème SEGPA.
Permettre le contact
L'amitié féminine permet de partager toutes les
inconvenances de la puberté et d'accepter le changement de son corps.
Pour illustrer cette remarque, voici le témoignage d'adolescents, dans
le livre Parole pour adolescents, ou le complexe du homard, de
Françoise DOLTO, psychanalyste pour enfants : « l'image que le
groupe, la bande, se fait de nous nous paraît vitale par moments. On
cherche à s'identifier, à être pareil aux autres. De peur
d'être rejeté, on s'identifie à ses amis. »1
Il est vrai qu'Amélie étudie dans une
école constituée uniquement de garçons. Elle n'a pas de
relations amicales féminines. Elle est maladroite dans sa façon
de se présenter aux autres, c'est pourquoi, il lui est difficile
d'investir des relations sur le long terme.
Dans le cadre de mes objectifs de travail, ces accompagnements
m'ont permis d'observer son comportement en dehors des accompagnements
individuels.
Nous avons fait deux sorties : une à la patinoire puis
une au bowling. Amélie qui fait preuve d'assurance au premier abord,
cherche en réalité la présence constante de l'adulte. Et,
je me suis aperçue que, contrairement à l'image que laisse
apparaître Amélie, elle se positionne comme plutôt «
suiveuse » que « meneuse » vis-à-vis de l'autre jeune.
Ce constat a surpris l'éducatrice
référente d'Amélie et Mme S, et leur ont permis d'avoir
une vision différente de la jeune. Faisant part de mes observations
à Mme S, elle s'est rappelée qu'Amélie est une enfant
fragile et très carencée. Je lui ai expliqué qu'elle
pouvait avoir un comportement de mimétisme ou exagérer ses
émotions pour plaire à sa nouvelle copine. Nous en avons
déduis qu'elle pouvait être maladroite pour se faire
apprécier de l'autre.
Cette opportunité a permis à Amélie de
créer une relation avec cette jeune, et d'être plus à
l'aise lors des cours d'intégration. Cette assurance lui permet de
retrouver confiance en elle, et de vouloir devenir plus autonome, comme sa
copine.
1 Françoise DOLTO, Catherine DOLTO et Colette
PERCHEMINIER, Parole pour adolescents, ou le complexe du homard, Paris
: Editions Gallimard Jeunesse, 2007, p.55
43
Accéder à l'autonomie
Après quelques rencontres avec Mme S, je remarque
qu'elle redoute qu'Amélie devienne autonome dans les transports, parce
qu'elle appréhende que la jeune suive un inconnu et se retrouve dans une
situation compliquée. Aussi, j'accompagne Amélie lors d'un
transport en bus pour aller à l'école afin qu'elle le prenne
seule 2 jours par semaine, en lui expliquant les dangers. Son comportement
m'interpelle, Amélie observe l'attitude des jeunes de son âge.
Elle semble avoir besoin de cette étape pour apprendre le
savoir-être en communauté.
Les enseignants et Mme S ont confirmé le jour suivant,
qu'elle arrivait bien à l'heure. Malgré les craintes toujours
présentes chez Mme S, cette avancée lui a permis de constater
qu'Amélie gagnait en maturité.
Maintenant que la relation entre Amélie et moi semble
établie, il me semble important qu'elle puisse se comporter de
façon adaptée dans les lieux publics.
Apprendre le savoir-être
Par ailleurs, Amélie aime beaucoup faire les magasins.
Lors d'une sortie, nous sommes allées dans des magasins de chaussures,
puis dans des magasins de vêtements lors de deux autres sorties.
La maman d'Amélie avait rempli un recueil de besoin
concernant son enfant, en précisant qu'elle souhaiterait que ses tenues
soient contrôlées sachant que sa fille est attirée par des
habits assez provocants. Cette dernière, qui pouvait se montrer
extravagante le premier jour - en marchant dans les rayons dans des tenues peu
adaptées pour son âge et sa morphologie - a su, au fur et à
mesure, s'adapter et respecter la demande de sa mère.
Cependant, les relations amoureuse d'Amélie prennent la
place dans nos conversations. Contrôler ses
affects
Lors de notre dernière rencontre, où nous
devions aller à la piscine, Amélie avait dessiné 2 tagues
en forme de coeur, sur les murs de l'ITEP. L'équipe éducative m'a
fait part de ce comportement inacceptable, et notamment envers les
garçons de l'école avec lesquels elle joue de sa
séduction.
44
La quête de l'autre sexe est une des
préoccupations première à l'adolescence. En effet, «
les affects liés aux relations amoureuses constituent une part
essentielle de la vie émotionnelle des jeunes. Ces relations sont
sources d'émotions, d'expériences intenses. [...] Lors
de la puberté, les pulsions sexuelles conduisent l'adolescent à
rechercher un partenaire, le plus souvent du sexe opposé, qui deviendra
sa figure d'attachement centrale, remplaçant le parent
désinvesti»1, cite Pierre G. COSLIN,
spécialisé en psychologie de l'adolescent, dans son livre La
socialisation de l'adolescent.
Amélie se lie d'amitié, puis d'amour avec les
garçons de l'école, et cela crée beaucoup d'excitation et
de tension chez ces jeunes ayant aussi des troubles divers.
Pierre GALLIMARD confirme qu'« il y a
fréquemment un aspect de jeu, un désir plus ou moins conscient de
faire comme les grands, coquetterie féminine aguichant le désir
homologue de jouer au petit mâle, dans ces attaches qui ne se placent pas
sur le même plan que l'amitié et qui semblent ne pas tellement
gêner celle-ci qui reste l'expérience la plus enrichissante et la
plus nécessaire. »2
L'adolescente a été sanctionnée ce
jour-là en étant privée de piscine. Je lui ai
annoncé à l'ITEP et sa réaction première a
été de se rendre à son arrêt de bus au lieu de venir
avec moi. L'ayant rejointe, je l'ai convaincue de faire demi-tour, mais elle
est restée sans s'exprimer un moment. Finalement, elle a vite
oublié ce qui s'était passé. Devoir remplacer la piscine
par un après-midi au PFS ne semble pas l'avoir
dérangée.
Voici mes interprétations face aux comportements
d'Amélie lors de nos rencontres. Bilan des
interventions
J'ai remarqué qu'Amélie retrouve parfois des
comportements de petite fille, même si j'ai trouvé qu'elle avait
mûri depuis le début de mes interventions. Tout comme les jeunes
de son âge, elle réclame sa liberté mais ne se sent pas en
sécurité quand elle est seule. Elle représente l'enfant
dont parle Christian ALLARD, chez qui les troubles de l'attachement sont «
fixés », cet enfant qui se représente l'image d'un monde :
imprévisible, à l'instar de ses parents qui ont un
double-discours et auprès desquels il ne se sent pas en
sécurité.
1 Pierre G. COSLIN , La socialisation de l'adolescent.
Paris : Armand Colin éditeur, 2007, p.57
2 Pierre GALLIMARD, op.cit., p.75
A plusieurs reprises, la maman d'Amélie a coupé
tout lien avec le service et sa fille. La dernière fois, son absence a
duré plus d'un an. Depuis, Amélie s'inquiète toujours de
sa venue à chaque visite programmée. Elle éprouve de la
déception lorsque sa maman ne se déplace pas, même si elle
a signalé son indisponibilité.
45
Lors d'une visite avec sa mère, Amélie a dit
qu'elle avait reçu une claque de la part de Mme S. Cette
révélation a valu des explications entre Mme S et Amélie.
Il s'est avéré qu'Amélie avait exagéré les
faits. A la visite suivante, la maman d'Amélie (qui respecte le travail
effectué de Mme S auprès de sa fille), a évoqué le
fait qu'il était peut-être temps que le placement chez cette
assistante familiale prenne fin, étant donné le comportement
changeant d'Amélie. Dans ce contexte, l'éducatrice a
annoncé qu'en effet, Mme S mettrait fin à cette prise en charge,
sachant quelle prévoit de rendre sa retraite.
46
Dans ce cas, le parent représente la
sécurité et le danger, ce qui entraîne des troubles du lien
chez Amélie, notamment :
- l'intolérance à la frustration, le refus de la
loi, - la maîtrise des relations à l'autre,
- l'instabilité psychomotrice,
- les difficultés d'apprentissage.
Selon moi, ces accompagnements ont été positifs,
autant pour Amélie que pour Mme S. Cette dernière m'a
exprimé avoir beaucoup apprécié ces temps de répit
le mercredi après-midi, et qu'elle voudrait que cela continue.
Quant à Amélie, elle était toujours
enjouée de venir au PFS. Cela signifiait pour elle s'éloigner du
quotidien et prendre de bons moments de plaisir avec moi, même si des
temps de punitions étaient établis par le chef de service quand
cela se passait mal en famille d'accueil ou à l'ITEP. Alors, tristesse
ou colère s'affichaient sur le coup, puis elle s'apaisait dans ce cadre
extérieur à son environnement, entourée
d'éducateurs. Cela me fait penser que dans son cas, comme le dit Maurice
BERGER, « la simple présence d'un éducateur peut suffire
parfois à ce que l'enfant aille mieux »1.
Je me suis positionnée en tant que personne de
confiance auprès d'Amélie, tout en gardant une certaine
autorité, car elle recherchait à mes côtés un lien
de copinage. L'éducatrice qui la suit depuis des années a
confirmé que le contact entre nous deux avait été
bénéfique, contrairement à certains autres
éducateurs à qui elle a manqué de respect.
Cependant, la situation d'Amélie a évolué
durant mes dernières semaines de stage, durant lesquelles quelques
événements ont eu lieu :
1 Maurice BERGER, L'échec de la protection de
l'enfance, op.cit., p.24
Communément, seul le chef de service est
habilité à déclarer la fin d'un accueil, mais l'attitude
d'Amélie a provoqué cette annonce que nous avons dû faire
précocement. En effet, les enfants sentent lorsque l'assistant familial
est épuisé. Ils ont la capacité de mettre en place des
comportements inhabituels, au moment où ils comprennent qu'une
séparation est imminente.
Lors des interventions suivantes, après lui avoir
annoncé, j'ai demandé à Amélie comment elle
réagissait. Afin qu'elle quitte l'assistante familiale sur une bonne
image, j'ai défini avec elle les éléments positifs de
l'accueil chez Mme S.
Or, la veille de ma fin de stage (que je lui avais
formulé), Amélie nous a fait une révélation venant
perturber sa fin de placement chez Mme S. Elle a dénoncé des abus
sexuels de la part du fils de celle-ci. Il s'agirait d'un fait datant de plus
d'un an.
Que ce soit réel ou non, en équipe, nous nous
sommes interrogés sur le moment choisi pour faire cette
révélation. Nous avons interprété cela comme
étant une façon d'arrêter le placement plus vite que
prévu, par vengeance ou par envie de créer la rupture au plus
vite pour moins souffrir. Nous n'apportons pas aujourd'hui de réponses
à ces questionnements.
La fin de prise en charge d'Amélie chez Mme S
était inévitable, étant donné que celle-ci prenait
sa retraite. Cependant, les derniers événements n'ont pas permis
une séparation, mais une rupture entre Amélie et l'assistante
familiale. Le soutien de l'équipe n'a pas suffit à ce que les
deux protagonistes se quittent sereinement.
Par la suite, je vous présente mes interventions plus
ponctuelles auprès d'Adrien, Jules et Damien.
47
III.2.b - Adrien
J'ai rencontré plusieurs fois Adrien dans le cadre de
mon stage, notamment lors des visites à sa mère au service, mais
aussi au domicile de Mr C chez qui il fait un certain nombre d'activités
qu'il m'a montré. Adrien semble s'épanouir chez Mr C avec qui un
lien d'attachement certain s'est établi, mais depuis quelques mois, il
adopte des comportements inquiétants.
Après Noël, Adrien a volé pour plus de
200€ de jeux dans une grande surface. Les gendarmes l'ont reconduit chez
Mr C après l'avoir pris sur le fait.
Mr C ne s'attendait pas à ce genre de passages à
l'acte de la part d'Adrien, même s'il lui était déjà
arrivé de dérober quelques objets. La famille de Mr C a
été bouleversée par l'attitude d'Adrien qui ne semblait
pas prendre la mesure de ses actes.
J'ai reçu Adrien au service pour lui expliquer la
gravité de ses actes. Avec l'équipe (l'éducatrice et Mr
C), nous mis en place un mode de remboursement. Il ne recevra pas son argent de
poche du mois jusqu'à ce qu'il ait remboursé son père qui
fera l'avance.
Puis, j'ai rencontré le père, afin de lui
expliquer les actes d'Adrien. Il est affecté par les faits qu'il
évoque auprès de son fils comme étant inadmissibles. Lors
d'une visite encadrée, j'en ai parlé à la maman qui, elle
aussi, a exprimé vivement son mécontentement à son
fils.
De plus, les comportements sexualisés d'Adrien sont
alarmants :
Il dérobe les sous-vêtements de Mme C de plus en
plus régulièrement, et essaye parfois de s'introduire dans la
salle de bain quand elle est sous la douche.
Le chef de service, l'éducatrice et moi-même,
avons ensuite reçu Adrien pour le prévenir de la fin de placement
chez Mr C. Il était présent pour lui exprimer les aspects
positifs de son accompagnement, mais aussi la raison de ce choix. Cette
décision a été prise pour protéger sa famille, et
notamment sa femme qui ne se sent plus en sécurité en
présence d'Adrien. Ces 2 années d'accueil ont été
bénéfiques pour Adrien, et cette décision est difficile
à assumer pour Mr C, c'est pourquoi il est essentiel que nous le nous le
soutenions dans cette épreuve.
48
L'étayage des professionnels et l'appui de l'équipe
à Mr C a permis à Adrien d'être préparé
à la séparation.
III.2.c - Jules
Je rencontre Jules régulièrement après
l'école pour des entretiens au service lors desquels il me fait part de
ses impressions quant aux hébergements chez sa mère le week-end
ou de ses vacances chez son père.
Depuis quelques temps, Mme T nous informe que le père
de Jules l'appelle tous les jours, et que la relation entre Mme T et Jules est
compliquée depuis.
En effet, la famille d'accueil a été
menacée au téléphone par le père de Jules qui juge
qu'elle éduque mal son fils. Il demanderait à des copains d'aller
voir chez eux comment ils s'occupaient de Jules.
J'ai permis à Mme T de s'exprimer en l'appelant
régulièrement, suite aux notes qu'elle écrivait à
ce sujet. Il est important qu'elle ne soit pas seule face à ces
agressions. Même si le père de Jules n'a jamais
réalisé de menaces.
C'est après ces incidents que Jules a commencé
à s'exhiber sexuellement, ce qui inquiète beaucoup son assistante
familiale, Mme T.
Je m'entretenais avec elle quand elle venait chercher Jules.
Ensemble, nous avons fait prendre conscience à Jules que ses
comportements n'étaient pas correctes.
Mme T, a évoqué à plusieurs reprise son
questionnement quant à la continuité de la prise en charge de
Jules à son domicile. Notre soutien vis-à-vis d'elle, et le
changement de comportement du jeune, ont permis un apaisement certain dans
leurs rapports.
Contrairement à Adrien, la situation de Damien au domicile
de Mr et Mme R est toujours difficile.
49
III.2.d - Damien
Au début de mon stage, je proposais des
activités à Damien telles que la cuisine ou le sport. La relation
s'est instaurée progressivement, mais il parlait peu. Lors d'une
exclusion d'une semaine de son école, je l'ai accompagné sur un
lieu de stage, un garage social, et ai déjeuné avec lui. Au fur
et à mesure du temps, Damien s'éloignait du service et ne se
présentait plus. Quand quelque chose ne l'intéresse pas, il
s'enfuit. Petit à petit, je n'ai plus accès à lui, Damien
se réfugie dans un certain isolement.
A 15 ans, Damien fuit de plus en plus le domicile de sa
famille d'accueil. Il part le matin et revient le soir. Mr et Mme R ont
dû faire une déclaration de fugue suite à une nuit
d'absence.
Sauf le soir de la déclaration de fugue, il respecte
généralement les horaires posés avec la famille d'accueil.
Cela correspond plutôt à des fuites, mais je retrouve les aspects
de la fugue dans le comportement du jeune. La fugue est un passage à
l'acte caractéristique de la période adolescente.
« La fugue est d'abord l'impuissance à assumer
un présent trop lourd, une réalité trop accablante, trop
rejetante ; c'est le sentiment d'un échec de la vie de relation, du
manque d'amour et de confiance de la part des autres ; c'est l'impression
déchirante de se trouver seul. Est-ce alors une réaction de mort
ou de bien de vie que d'essayer de vivre ailleurs, autrement, avec d'autres
gens, de se montrer sans passé, homme nouveau qui a le droit d'exister ?
[...] La fugue est une fuite devant un présent sans espérance,
une démission, presque un suicide, avec parfois l'illusion d'un «
ailleurs » où on pourra être heureux. »1
Mon travail est ici de soutenir la famille d'accueil qui ne
comprend pas l'attitude du jeune. Je les ai accompagnés à deux
reprises à son école pour rencontrer l'enseignante
référente de Damien. Elle nous a confirmé le comportement
contestataire de l'adolescent, mais ne constate pas de fugues de
l'école. Mr et Mme R s'interrogent quant à leurs capacités
d'accueillants, mais je leur soumets mon interprétation dû
à la difficulté de Damien à se positionner entre son
père et sa famille d'accueil. La solution qu'il trouve dans ces
moments-là est de fuir le domicile.
1 Pierre GALLIMARD, op.cit., p.45
50
III.3 - Investir les parents dans le projet de leur
enfant
Cette partie est indispensable dans pour que l'enfant accepte le
placement.
Le père de Damien peut se montrer menaçant et
agressif. Les visites au service ont été suspendues suite
à une plainte d'une éducatrice. C'est pourquoi, j'ai peu eu
l'occasion de le rencontrer, contrairement aux parents d'Amélie, Adrien
et Jules que je cite ensuite.
La difficulté pour certains parents d'honorer les
rendez-vous fixés est réelle. Venir jusqu'au PFS est
déjà une épreuve pour eux. Par conséquent, je me
suis servie des visites parents-enfant et des entretiens avec les parents avant
un projet personnalisé ou une synthèse. Ces temps ont
été pour moi un support privilégié qui ont permis
d'aborder l'adolescence de leurs enfants, et leur prise en charge en famille
d'accueil.
Les parents sont régulièrement sollicités
concernant la prise en charge de leur enfant. Des rencontres sont
prévues tout au long de l'année pour faire le point sur la
santé et la scolarité de leur enfant, et sur les visites ou
hébergements. Quelques-uns honorent les rendezvous posés,
d'autres moins. Le but est d'impliquer les parents, et les aider à
développer leurs compétences parentales.
Une maman déterminée
Par exemple, la maman de Jules a pu se mobiliser pour son fils
:
Jules a été renvoyé de son collège
à cause de son comportement insolent en classe et à l'internat.
Sa maman a immédiatement réagi en faisant les démarches
d'inscription dans un autre collège et elle a fait le trajet en bus avec
lui. Elle nous a demandé conseil et nous l'avons accompagnée dans
ses recherches. Quelques temps après, la directrice ayant
préconisé un suivi psychologique pour Jules, Madame a
réussi à le convaincre d'aller voir un spécialiste et elle
l'accompagne tous les 15 jours à ses rendez-vous (depuis son placement
au PFS, il n'avait jamais voulu s'y rendre).
Jules a pu constater les compétences de sa maman
à se mobiliser pour lui. De plus, cela a donné confiance à
Madame qui a pu refaire les mêmes démarches pour son
deuxième fils.
51
Un papa investi
Avant une réunion de synthèse annuelle
concernant Adrien, l'éducatrice et moi-même avons reçu son
papa pour faire le point sur l'année passée. Celui-ci le
reçoit maintenant tous les week-ends et la moitié des vacances
scolaires. Il mesure au quotidien le décalage d'Adrien entre son
âge et ses intérêts (du haut de ses 15 ans, il joue aux
tracteurs, construit de cabanes).
Malgré sa charge de travail, ce père se rend
toujours disponible dès qu'il s'agit de son fils, que ce soit pour des
rencontres avec l'IME ou au service. Il s'aperçoit que son intervention
auprès d'Adrien est bénéfique, notamment lorsqu'il est en
crise chez Mr C qui l'appelle, et passe le téléphone à
Adrien. Il « craint » son père, et le respecte. Ainsi, la
crise cesse après qu'il ait discuté avec son père. Ce
dernier a fait part de son envie de demander le retour de son fils au domicile
familiale à temps plein, mais il reste prudent.
A l'écoute de nos suggestions, le père d'Adrien
est conscient qu'il faut agir progressivement dans l'intérêt de
son fils qui a des troubles importants.
Une maman accessible
Souvent, les parents ayant eux-mêmes été
placés, disent comprendre l'attitude de leur enfant. De l'ordre du
désir ou de la réalité, ils disent se reconnaître en
eux.
Lors de mes interventions pendant les rencontres entre
Amélie et sa maman, cette dernière n'a pas eu de
difficultés à parler de la puberté avec sa fille.
Ensemble, nous avons pu évoquer des sujets tels que la pilosité,
les menstruations, les relations amoureuses, l'hygiène, le changement du
corps... Elle admire le travail qu'effectue Mme S pour Amélie, elle
demande à sa fille d'être sage à la maison. Mais elle
évoque son désir qu'Amélie revienne vivre avec elle, en
lui parlant de sa future chambre.
Malgré les promesses incertaines de cette maman, elle
semble réaliser les problématiques de sa fille. Elle se saisit
des explications des éducateurs sur le comportement d'Amélie pour
exercer sa fonction maternelle avec sa fille.
L'importance de la cohérence entre
adultes
Il est évident que les adultes qui entourent les jeunes
doivent être en accord dans leur règles pour créer des
repères chez l'enfant. C'est un souci récurrent dans les services
de placement car les parents et les familles d'accueil n'ont pas les même
principes.
Pour contre-exemple, extrait du DVD de Nadine CHIFFOT : Une
jeune, Célia, est suivie en placement familiale. Son éducatrice
référente donne son avis sur les parents de Célia: «
les parents sont en capacité de se détacher de leurs propres
difficultés pour s'intéresser à leur fille. C'est assez
rare en placement familial ». Les parents, qui vivent à
l'hôtel, disent à leur fille « un jour tu reviendras
vivre avec nous ». Le père, lucide, pense que « c'est
à nous de donner les limites, en complément de l'éducation
qu'elle a dans sa famille d'accueil ». Célia vérifie
que les règles sont les mêmes pour tous les adultes, ce qui lui
demande une concentration qui aboutit à un épuisement
après les visites. Il existe une vraie relation de confiance entre les
parents et la famille d'accueil. Entre l'assistante familiale, les services
sociaux et les professionnels de la santé, c'est un travail
d'équipe.1
L'accès à
l'information
En parallèle, dans le but d'informer tous les
professionnels et usagers, j'ai mis à disposition une bannette dans le
hall d'accueil du PFS. J'y ai inséré des prospectus en lien avec
l'adolescence à propos de divers sujets tels que l'alcool, la drogue, la
sexualité...
L'emplacement de la bannette a été
réfléchi avec l'aide de la secrétaire qui m'a
conseillée de la positionner dans un endroit où parents, enfants,
familles d'accueil sont susceptibles de patienter, mais pas trop en
évidence pour qu'ils osent se servir.
Ci-après, je vous présente l'évaluation de
mon projet.
52
1 Nadine CHIFFOT, op.cit.
53
III.4 - Évaluation du projet
L'évaluation du projet consiste à mesurer si les
moyens mis en place répondent aux objectifs fixés dans le but
d'atteindre la finalité du projet, à savoir ici : le maintien de
l'adolescent dans sa famille d'accueil.
J'ai recueilli l'avis des professionnels et des enfants pour
évaluer l'efficacité du projet (cf. questionnaire en annexe
5, p.67). Je n'ai pas récupéré les réponses de
Mme S. En effet, Amélie a été brutalement retirée
de la famille d'accueil suite aux accusations d'attouchements, et je n'ai pas
revu Mme S. Au vue du contexte particulier, il m'a paru inconvenable de lui
demander ce questionnaire. Concernant Mme T, je n'ai pas eu non plus ses
réponses. Seuls les deux assistants familiaux Mr R et Mr C m'ont
renvoyé leurs impressions.
Il s'agit à tous les deux de leur premier placement. Le
groupe de parole leur a paru intéressant. Ils disent se sentir plus
à l'aise avec les questions de l'adolescence. D'après Mr C :
« cela permet de discuter et d'échanger nos
opinions et d'avoir des idées avec d'autres
familles d'accueil ».
Mr C trouve la prise en charge d'Adrien plus compliquée en
ce moment :
« l'éveil sexuel est plus difficile à
gérer et est en lien avec l'augmentation d'instabilité
plus fréquente, et peut amener à l'agressivité. Il faut
être prudent et plus vigilant en ces périodes
plus difficiles. ».
À la question : « Serait-ce un projet à
continuer ? », voici leurs réponses :
Mr R : « Oui, il faut continuer car les rencontres
avec les autres assistants familiaux sont
enrichissantes ».
Mr C : « Oui, le groupe de parole est toujours
important car pour la famille d'accueil, en parler entre nous, cela permet
de décompresser, de transmettre nos idées et savoir que l'on
a un soutien avec le service PFS c'est toujours rassurant ». Il en
a retenu que : « selon l'enfant placé, il faut être
plus tolérant que d'autres selon la difficulté de l'enfant, avoir
beaucoup de patience, savoir aborder la discussion, être ferme selon
la situation, apprendre à désamorcer quand il y a trop de
tension, savoir protéger sa famille en cas de difficultés
».
54
Mon stage s'est terminé sur des
péripéties, à la veille de mon départ, telles que
les révélations d'Amélie qui ont arrêtées
brutalement son accueil chez Mme S. Adrien quant à lui, a appris son
changement de famille d'accueil ce même jour. Je n'ai pas pu
évaluer les bienfaits de mes accompagnements auprès de lui et de
Mr C. Enfin, Damien allait faire un essai de prise en charge en foyer
éducatif, quand j'ai quitté le service.
Pour Jules, le soutien à Mme T a été
positif puisqu'elle a continué de l'accueillir. Le fait d'avoir
reçu Jules pour lui expliquer que ses comportements sexualisés
étaient indécents, a permis qu'il cesse sa conduite.
Selon moi, l'outil du groupe de parole peut s'évaluer
sur une longue période. Je n'ai fait que les prémices du projet.
Il y a un manque évident de recul quant aux groupes de parole pour que
les résultats soient vérifiés.
Après quelques séances, j'aurais pu interroger
les jeunes pour savoir si ils évoquaient souvent les questions de
l'adolescence avec leur assistant familial, et si cela leur était
bénéfique. J'aurais posé la même question aux
assistants familiaux, et aurais demandé l'évolution de leur
relation. Enfin, les éducatrices m'auraient exposées leur avis
neutre et extérieur quant aux effets positifs et négatifs des
groupes de parole.
Il aurait été intéressant que je puisse
continuer ce projet sur plusieurs mois, voire une année, afin
d'évaluer ce que cela aurait apporté à la famille
d'accueil et aux adolescents accueillis. Un mois est trop court pour qu'un
changement soit observable dans les relations. D'après les
réponses de Mr R et Mr C, il semble que ces séances pourraient
être bénéfiques. Voici les questions que j'aurais
posées après par exemple un an de séances :
« Y a t-il plus de discussions sur la question de
l'adolescence entre la famille d'accueil et l'enfant, les parents et l'enfant ?
L'éducateur et l'assistant familial ont-ils plus d'outils pour
travailler sur la question de l'adolescence ? »
Ce projet est facilement réalisable, car il ne demande
pas de moyens financiers au niveau matériel. Des groupes de paroles
pourraient être mis en place en fonction des problématiques
observées dans la relation enfant-famille d'accueil. Mais le manque de
temps et de formation pour les éducateurs pallie à la mise en
place de ce genre de projet.
55
- Conclusion -
Aujourd'hui, le placement en famille d'accueil reste un moyen
privilégié en France. La durée de la prise en charge peut
varier de quelques mois à quelques années. Si l'enfant investit
sa famille d'accueil, et s'en saisit comme étant une opportunité,
il peut parfois prolonger son placement jusqu'à sa majorité,
voire plus.
Ainsi, lorsque la situation nécessite un accompagnement
plus adapté que les services de l'ASE, les services de placements
familiaux sont sollicités, afin de soutenir, conseiller l'assistant
familial et faire tiers dans sa relation avec l'enfant.
Le maintien en famille d'accueil est recherché de
manière à ce que l'enfant ne subisse pas une nouvelle
séparation, et acquiert une stabilité de vie sécurisante.
Mais, arrivé à l'âge de l'adolescence, l'enfant, «
tiraillé » entre ses questions d'appartenance, d'identité,
de loyauté envers ses parents, manifeste parfois des comportements
insupportables pour la famille d'accueil, ce qui conduit alors à un
changement de prise en charge.
La majorité des adolescents que j'ai accompagné,
en situation de placement compliquée de part leurs problématiques
adolescentes couplées de leurs troubles déjà existants,
m'a amené à la construction de mon mémoire sur ce
thème. Certains enfants ont déjà rencontré ces
difficultés, d'autres les vivent actuellement, ou les vivront
probablement dans quelques temps. Aussi, il est essentiel de pouvoir apporter
des éléments de réponse.
L'imprévisibilité des adolescents accueillis en
PFS suppose une remise en question permanente des pratiques des
éducateurs.
La réalisation de ce mémoire a suscité
d'importantes recherches sur l'adolescence. Je me suis aperçue que ce
sujet était vaste et très intéressant. J'ai
découvert que toutes les difficultés rencontrées dans les
familles d'accueil, pour les situations présentées, ne
relèvent pas seulement d'une ou deux problématiques, mais de
l'ensemble des problématiques que constitue l'adolescence. La
sexualité est bien la base de bons nombres de questionnements.
56
Les projets d'accompagnements individuels sont habituellement
effectués par les professionnels. Ma disponibilité en tant que
stagiaire a facilité les rencontres avec les jeunes plus
régulièrement, et a permis d'intégrer ces temps dans leur
planning. Le fait d'inscrire la relation dans le temps est, selon moi,
indispensable pour la compréhension de la problématique des
jeunes.
Le projet de groupe de parole mis en place, en plus des
accompagnements individuels avec les jeunes, a permis de confirmer mes
observations de départ, quant à la multiplication des mises
à mal de placement à l'adolescence. Cette période est
cruciale, l'adolescent compare sa vie avec celle des autres jeunes, et
s'aperçoit que sa vie n'est pas « banale ». Il s'interroge sur
sa part de responsabilité et celle de ses parents dans son placement.
Lors de la réalisation de ce projet, j'ai pris
conscience qu'il ne suffit pas seulement de trouver une idée. Il est
important de bien y réfléchir, penser à la finalité
et aux objectifs, soumettre le projet à l'équipe, le mettre en
place, puis le réaliser. Cette démarche m'a permise de m'investir
dans mon rôle d'éducatrice en formation.
Une proposition de mise en place de groupes de parole pour les
jeunes sur des thèmes particuliers peut s'envisager - il serait
enrichissant d'étudier par exemple l'utilisation des nouvelles
technologies et leurs effets sur les adolescents - . Entre eux, des
échanges s'établiront sur leurs comportements en famille
d'accueil. Ils en définiront les actes possibles ou acceptables et
pourront prendre conscience des limites à ne pas dépasser, dans
leur intérêt pour assurer un maintien en famille d'accueil.
57
- Glossaire -
AED : Aide Éducative à Domicile. Mesure
administrative, à l'amiable avec les parents. L'éducateur
intervient auprès de l'enfant afin d'évaluer ses besoins et
repère si il est en situation de danger, auquel cas il peut signaler la
situation au procureur de la République, à travers un
écrit validé lors d'une commission au CDAS.
AEMO : Accompagnement Éducatif en Milieu Ouvert. Cette
mesure est judiciaire. L'éducateur accompagne la famille de façon
à ce que la situation ne se dégrade pas, afin d'éviter le
placement de l'enfant.
ASE : Aide Sociale à l'Enfance. Elle remplace la DDAS.
Les enfants sont maintenant confiés au conseils départementaux,
et sont suivis par des référentes des enfants confiés.
DDASS : Direction Départementale des Affaires
Sanitaires et Sociales. Aujourd'hui remplacé par l'ASE pour ses missions
de protection de l'enfance depuis la loi de décentralisation de 1983, la
DDAS a disparu le 1er avril 2010.
CDAS : Centre Départemental d'Action Sociale. Lieu
d'accueil, d'information, d'orientation, détaché du conseil
départemental. Il y en a 16 en Finistère.
IME : Institut Médico-Éducatif. Milieu scolaire
pour les enfants porteurs de handicap. Ils y pratiquent des activités
manuelle et une scolarité adaptée à leurs troubles.
IP : Information Préoccupante. N'importe qui peut
remplir un RIP (recueil d'information préoccupante) si il remarque des
signes de danger pour un enfant quel qu'il soit.
ITEP : Institut Thérapeutique Éducatif et
Pédagogique. Institut scolaire adapté aux enfants ayant des
troubles du comportement qui ne permettent pas de suivre une scolarité
ordinaire.
MDPH : Maison Départementale des Personnes
Handicapées. Pour toute demande liée à un handicap, il
faut remplir un dossier MDPH au sein de laquelle un comité se rassemble
et étudie la demande.
58
PEAD : Placement Éducatif À Domicile. Les enfants
sont placés judiciairement au domicile parental. Des éducateurs
passent régulièrement au domicile pour évaluer la
situation.
PFGP : Placement Familial de Guidance Parentale. Service pour les
0-3 ans placés en famille d'accueil. Service qui évalue les
compétences parentales dans le cadre de rencontres effectuées par
des éducateurs et des auxiliaires de puériculture.
PFM : Placement Familial Médicalisé. Service pour
les enfants porteurs de maladie ou de handicap placés en famille
d'accueil.
PFS : Placement Familial Sociale. Service pour les enfants de 0
à 18 ans placés en famille d'accueil.
59
- Bibliographie -
Ouvrages
· ALLARD Christian, Pour réussir le placement
familial. Issy-les-Moulineaux:ESF éditeur, 2007
· BERGER Maurice, L'échec de la protection de
l'enfance. Paris : Dunod, 2003
· BERGER Maurice, L'enfant et la souffrance de la
séparation (divorce, adoption, placement). Paris : édition
Dunod, 1997
· CHOIQUIER Jeanne et MOULIN Yvette, Assistante
Familiale Les risques d'un beau métier. PERONNAS : La Tour GILE,
2009
· COSLIN Pierre G., La socialisation de
l'adolescent. Paris : Armand Colin éditeur, 2007
· DAVID Myriam, Le placement familial, de la
pratique à la théorie. Paris : éditions ESF, 1989
· DOLTO Françoise, DOLTO Catherine et
PERCHEMINIER Colette, Parole pour adolescents, ou le complexe du homard.
Paris : éditions Gallimard Jeunesse, 2007
· EMMANUELLI Michèle, L'adolescence.
Paris : éditions Que sais-je, 2010
· GALLIMARD Pierre, 11 à 15 ans, Mutations,
conflits et découvertes de l'adolescence. Paris : DUNOD, 1998
· GASPARI-CARRIERE Françoise, Les enfants de
l'abandon, Traumatismes et déchirures narcissiques. Paris :
éditions Privat, 1989
· LE BRETON David et MARCELLI Daniel, Dictionnaire
de l'adolescence et de la jeunesse. Paris : Quadrige/PUF, 2010
DVD
· CHIFFOT Nadine, Une autre famille pour grandir.
CPPA, Conseil Général du Val de Marne, 2008
60
Sites internet
· FRANCE CULTURE (page consultée le 22/03/2015).
Une brève histoire de l'adolescence.
http://www.franceculture.fr/player/reecouter?play=4588111
·
LEGIFRANCE.gouv.fr (page
consultée le 20/03/2015). LOI n° 2005-706 du 27 juin
2005 relative aux assistants maternels et aux assistants familiaux.
http://legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?
cidTexte=JORFTEXT000000812591&categorieLien=id
· ONED (page consultée le 08/04/2015). Les
chiffres clés de la protection de l'enfance.
http://www.oned.gouv.fr/chiffres-cles-en-protection-l'enfance
Autres documents
· Dictionnaire HACHETTE encyclopédique.
Paris : édition HACHETTE, édition 2001
· LE LAY Sébastien, Cours de psychologie sur
l'adolescence, ITES Brest, 2012
· Neuropsychiatrie de l'enfance et de l'adolescence
n°3, 2001, p.232
· Projet d'établissement 2008-2013,
actualisation 2014
61
- Annexes -
Annexe 1 - Questionnaire aux éducatrices
QUESTIONS OUVERTES :
I. Pour les enfants qui ont déjà mis à mal
leur placement dans le passé (colonne n°4), quels moyens
ont été mis en place (par le PFS, la famille d'accueil, les
parents ou l'enfant) afin d'améliorer la situation de l'enfant ?
II. J'ai pu constater que le placement pouvait se fragiliser au
moment de l'adolescence. Cependant, ma vision est sans doute
altérée par mon manque d'expérience. Qu'en pensez-vous
?
III. Pour vous, un placement en famille d'accueil doit-il
perdurer, et si oui, quels sont vos outils pour qu'il fonctionne à long
terme ?
62
Annexe 2 - Tableau des droits de visite
|
Mère
|
Père
|
Maéva
|
Oui
|
NON (inconnu)
|
Luc
|
Oui (1 Week-end / 2)
|
Oui (1 Week-end / 2)
|
Mélissa
|
NON
|
NON
|
Pascale
|
Oui (1h / 15 jours)
|
Myriam Victor
|
Oui (2h / mois)
|
NON (décédé)
|
Adrien
|
Oui (1h / 15 jours)
|
Oui (Week-ends + vacances)
|
David Eric
|
NON
|
NON (décédé)
|
NON (pas reconnu Eric)
|
Julie
|
Oui (rares)
|
Oui (rares)
|
Enry Jules
|
Oui (Week-ends + vacances)
|
Oui (Vacances)
|
Tania
|
Oui
|
NON (décédé)
|
Samuel
|
Oui (1h / semaine)
|
NON
|
Yvan Damien
|
Oui (1h / mois)
|
Oui (1h / mois)
|
Ludovic
|
Oui (si contact)
|
Oui (1 week-end / mois)
|
Enriqué
|
Oui (1 week-end / 2)
|
NON (inconnu)
|
Célia Louane
|
NON
|
NON
|
Alexia
|
Oui (1h30 / 15 jours + domicile 2h / semaine)
|
Nadège
|
Oui (2h/2mois + appels skype)
|
NON (inconnu)
|
Amélie
|
Oui (2h / 15 jours)
|
NON (incarcéré)
|
Mathieu
|
Oui (1h30 / 15jours)
|
NON (inconnu)
|
63
Annexe 3 - Prises de notes lors du 1er
temps de parole avec 3 assistants familiaux, le 05/03/2015
- Jules : aura 14 ans en mai. 8ème année
dans sa famille d'accueil. A mis à mal son placement
dernièrement, la FA se demandait si elle allait pouvoir continuer, mais
ça se passe mieux. Scolarisé en 5ème SEGPA.
Difficultés à se concentrer.. ? il faut toujours qu'il ait une
copine. Il se masturbe la porte ouverte. Recommence à faire caca dans sa
culotte. « Il y a 2 ans, il avait téléchargé 60
films pornos sur la tablette d'une jeune !! ». Son assistante
familiale trouve qu'il évolue plutôt bien par rapport à son
âge, mais dit qu'il est rattrapé par son passé et qu'il
redevient petit.
- Adrien : aura 15 ans en avril. Il est dans sa famille
d'accueil depuis 2 ans. Arrêt du placement imminent. Scolarisé en
IME. Troubles du comportement, troubles de la personnalité,
immaturité psycho-affective. ? « Depuis 6-7 mois, éveil
sexuel, recherche identitaire » le mythe d'oedipe qui revient. Son
assistant familial trouve que plus il grandit, plus il régresse
intellectuellement.
- Amélie : aura 14 ans en mai. Scolarisée
en ITEP. Elle est depuis 5 ans chez sa FA. Arrêt du placement imminent.
Troubles du comportement. ? La sexualité, ça a toujours
été problématique. États dépressifs ? Non,
Mme S n'a pas remarqué.
- Tous trois, mentent beaucoup. Ils semblent réellement
croire à leurs mensonges
parfois.
- Internet, c'est problématique : Jules films pornos,
accès à Internet sur son tel. Adrien images sur ordinateur.
Amélie images sur ordinateur.
- Chez Mme T, la famille d'accueil de Jules, ils parlent
librement de sexualité à table (expliquer que si une fille dit
non, on ne doit pas insister sinon c'est du viol, parler de la pilule, le
préservatif...). Adrien a un bouquin et une bande dessinée chez
Mr C et chez son père, traitant de la question. Amélie, la
question est traitée à l'ITEP.
- Autonomie : Ils aimeraient pouvoir faire ce qu'ils veulent.
Mais une fois seuls, c'est l'angoisse pour Amélie, Jules se perd, et
Adrien fait semblant de partir puis revient très vite.
- Agressivité verbale pour les 3 jeunes, depuis 2-3 ans
environ. Ils répondent. Peuvent traiter la famille d'accueil de «
nulle » quand ils sont énervés.
64
- Arrêter le placement serait vécu comme un
échec pour les 3 assistants familiaux.
- Intolérance à la frustration pour beaucoup. Ce
qui peut donner lieu à des vols pour Adrien (magasins) par exemple et
pour Amélie (soutiens-gorge de l'autre jeune accueillie). Pas de notion
d'argent ?
- Hygiène : Jules pas propre. Amélie reste
longtemps sous la douche sans vraiment se laver. Adrien difficile aussi.
- Attachement : Amélie, « on n'arrive pas
à s'attacher à elle ». Jules, « il doit
être attaché mais il ne dit pas ». Adrien le montre plus
.
- Estime de soi : rapport au corps. Amélie plutôt
à l'aise avec son corps, Adrien aime se parfumer, Jules fait aussi
attention à ses habits.
- Nourriture : c'est récurent chez les enfants
placés. Adrien et Amélie mangent beaucoup. Jules ça va.
- Relations affectives : Amélie, besoin qu'on la voit,
qu'on la remarque, d'avoir des petits copains. Pour se remplir Amélie et
Adrien.
- Ambivalence : Amélie identification à la
mère par rapport aux vêtements. « Maman elle est nulle
» et après elle la défend. Jules ne supporte pas qu'on
dénigre son père surtout, alors qu'il a pu dire des choses. Dit
qu'on va tout répéter. Ils idéalisent leurs parents.
Adrien, lui, invente des choses pour attaquer son père. Jules
protège beaucoup sa mère, sauf quand il est en colère.
C'est lourd de garder pour eux. Les assistants familiaux font
le constat qu'ils finissent toujours par faire passer les messages de comment
cela se passe chez les parents, « au bout d'un moment, il faut que
ça sorte. »
- Dans les discussions qu'on a avec eux, ils retiennent
souvent qu'un mot, en oubliant ce qui a été dit autour. Ils ont
beaucoup de discussions par rapport à des enfants vivant en famille,
tout est analysé.
65
Annexe 4 - Prises de notes lors du
2ème temps de parole avec 4 assistants familiaux, le
26/03/2015
- Ce que l'assistant familial attend de l'éducateur :
un soutien, des réponses (et aussi des services médicaux), une
sécurité. Ressentent le besoin d'appeler dès qu'il se
passe quelque chose. « Pour aussi montrer au jeune qu'on n'est pas
tout seul ». « Au PFS, on a beaucoup de chance, il y a un
bon soutien, ça va très vite. Et parfois, le chef de service
intervient, étape supplémentaire pour l'enfant. Les chefs de
services sont très présents ».
- L'éducateur fait le tiers avec les parents.
- L'assistant familial a la « tête dans le
guidon ». Le fait d'être 2 avec leur conjoint/e, peut donner un
point de vue extérieur.
- Comment pourrions-nous travailler mieux ensemble ?
L'assistante familial d'Amélie trouvait bien les après-midi que
je faisais avec elle, cela lui permettait de « souffler
».
- Venir chez vous ? « Non, au PFS c'est bien, lieu
neutre, pas impliquer les autres membres de la famille, ou autres enfants
placés ».
- Hygiène : « on râle, on fait la
morale, on répète tout le temps la même chose ».
Mr C fait laver les culotte d'Adrien lui-même quand il y a de
l'encoprésie. Mr R, progressivement a fait payer les couches d'Yvan
(frère de Damien), depuis, il a totalement arrêté d'uriner
sur lui.
La parole des spécialistes peut fonctionner (un
orthodontiste pour que Damien se lave les dents).
- Sexualité : génère de
l'agressivité. Ils ont peur que leurs jeunes passent le pas d'une
agression. Le mari de Mme T a beaucoup discuté avec Jules pour qu'il
cesse ses comportements déviants, afin de protéger la jeune fille
accueillie. Mr C arrête le placement d'Adrien pour protéger sa
femme et ses enfants d'une éventuelle agression.
Chez Mr R, Yvan s'est déjà masturbé sur
le pallier devant la porte de chambre de son frère. Il l'a repris
immédiatement. Cela ne s'est pas reproduit, mais Mr R trouve qu'Yvan se
rapproche de plus en plus de sa femme. A l'école, il lui est
arrivé de mimer les actes sexuels avec ses copains.
Soupçon de l'ITEP vis-à-vis d'Amélie qui
irait dans les toilettes avec des garçons (ça a été
le
66
cas auparavant). Question de la pilule ? Compliqué car
elle n'a pas encore 14 ans, et Mme S a peur qu'elle se sente ensuite «
tout permis » et qu'elle ait des rapports sexuels non
protégés.
- Internet : Les enfants sont déjà fragiles.
L'accès à internet et à des pages pornographiques, peuvent
accentuer leurs problématiques sexuelles. Mr R : « avec
internet, on ne peut pas protéger, alors qu'on est dans le protection de
l'enfance ».
- Téléphone portable : pas de coupure avec les
parents. « on sent notre vie privée mise en danger. Ils peuvent
très bien nous filmer et mettre sur Internet. ». De plus, cela
provoque des troubles du sommeil.
- Arrêt de placement, souvent à l'adolescence ???
« oui, oui c'est un cap ! C'est très compliqué !
». Mme T trouve que ça peut être décourageant
parfois quand « on n'avance pas ». Concernant Amélie,
Mme S est plutôt contente d'avoir tenu : « tout le monde pensait
qu'au bout d'un an.... ça fait quand même 5 ans. J'ai tenu ! On
espère qu'elle en gardera quelque chose. Mais maintenant j'attends
qu'une chose c'est que les relais arrivent ».
- Les relais : « c'est un confort ».
- « le métier était plus simple avant
». Il y a aujourd'hui plus de compte à rendre. Même si
les professionnels sont conscients que c'est pour un meilleur suivi de
l'enfant, ils trouvent que c'est plus compliqué de ce fait. Et puis,
« les problématiques des enfants confiés sont de plus en
plus complexes. Ils sont beaucoup plus abîmes car ils restent trop
longtemps dans leur famille ».
- Revendication de retourner chez leurs parents. Veulent leur
liberté. « faire ce que je veux », ils ont les exemples des
parents (exemple la mère d'Amélie). Expliquer qu'on ne peut pas
faire ce qu'on veut dans la vie. Ils sont hors-réalité : Jules
dit à Mme : « Chez maman, j'aurais le droit de fumer. Chez
maman, j'ai une télé. » etc. Le retour chez les parents
se fait de plus en plus. Une jeune chez Mme S d'Amélie a
été accueillie de ses 20 mois à ses 15 ans, puis retour
chez sa mère. Ça a tenu 3 mois seulement. La différence de
vie a dû lui faire un choc.
Ils ne montrent pas trop leur désir de retour sauf Adrien
et Damien.
- Les assistants familiaux n'ont pas vécus beaucoup de
fugues.
Annexe 5 - Questionnaire aux familles d'accueil
(à Mme S, Mme T, Mr R et Mr C)
- Combien d'enfants placés avez-vous accueilli dans votre
carrière ?
- Pensez-vous que votre prise en charge est plus
compliquée au moment de l'adolescence ? Si oui, pourquoi ?
- Les groupes de paroles vous ont-ils semblé
intéressants sur le thème de l'adolescence ?
- Serait-ce un projet à continuer ?
- Avez-vous appris des choses ? Si oui, quoi par exemple ?
- Vous sentez-vous plus à l'aise avec ces questions de
l'adolescence ?
- Pour Mme S : Mes interventions auprès d'Amélie
vous ont-elles servies ?
- Avez-vous d'autres choses à ajouter ?
67
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