4.4.2 Résultats et discussion
4.4.2.1 Morphologie et distribution
Les résultats des mesures de tige, de feuille,
d'épi, de fruit et de plante entière de Potamogeton
schweinfurthii sont portés dans le tableau 26.
Tableau 26 - Biométrie de quelques organes de
Potamogeton schweinfurthii
Organes
|
Feuilles
L (cm) l (cm)
|
Entre-noeuds (cm)
|
Epis L (cm)
|
n
|
100
|
100
|
100
|
36
|
Moyennes
|
22,2
|
1,6
|
10,2
|
6,3
|
Maximum
|
40,0
|
2,3
|
48,5
|
9,0
|
Minimum
|
9,1
|
0,9
|
0,5
|
2,5
|
Ecart-type
|
6,5
|
0,3
|
11,3
|
1,4
|
n = nombre d'échantillon
Les feuilles mesurent de 9 à 40 cm (moyenne= 22 cm) de
long et de 1 à 2 cm de large (moyenne= 1,6 cm). La longueur des
entre-noeuds varie entre 0,5 à 48,5 cm (moyenne = 10,2 cm). L'épi
est cylindrique, compact et mesure en moyenne 10 cm avec des variations allant
de 0,5 à 48,5 cm. Il comporte de nombreuses graines: 167 en moyenne (72
à 264). Le pédoncule des inflorescences mesure en moyenne 7,5 cm
(3,7 à 25,2 cm). Il y a une corrélation assez significative (r =
0,56) entre la longueur et la largeur d'une feuille donnée (Figure
53).
3
y = 0,9927 + 0,0269x R =
0,56
174
0
0 10 20 30 40 50
Figure 53 - Largeur en fonction de la longueur des feuilles
(droite de régression).
Les mesures effectuées sur les épis donnent une
longueur moyenne de 6,3 cm avec des extrêmes de 2,5 et 9,0 cm. Entre la
longueur des épis et le nombre de fruits qu'ils portent, la
corrélation est plus forte (r = 0,75) (Figure 54).
300 y = 16,2731 + 33,4423x R = 0,75
200
Longueur épis (cm)
3 4 5 6 7
100
0
Figure 54 - Nombre de fruits en fonction de la longueur des
épis (droite de régression).
175
Les tiges de Potamogeton schweinfurthii portent des
feuilles très longues, souples. La longueur de la tige varie entre 0,60
et 3,10 m. Les plus longues tiges, dans le lac de Guiers, sont
localisées à la sortie du canal de la Taoué où la
profondeur de l'eau dépasse 3 mètres. Elles sont
ramifiées.
La feuille est entière, sessile ou non, amplexicaule,
membraneuse ou coriace, linéaire, lancéolée ou oblongue ou
subarrondie au sommet à bords ondulés-denticulés
(Lemée, 1934). Les limbes sont étalés sur l'eau
(Raynal-Roques, 1980). Le limbe des feuilles est membraneux et translucide
(Figure 52).
176
Figure 55- Potamogeton Schweinfurthii
A. Bennett (1) Plante entière avec feuilles, deux
inflorescences, racines et rhizome; (2) Graine (x 12) (a-vue
de face; b-coupe transversale; c-vue de profil).
177
Les feuilles sont plus abondantes au sommet des tiges si bien que
la plupart d'entre elles sont effectivement étalées sur le plan
d'eau.
Les limbes foliaires, lancéolés, sont
près de 14 fois plus longs que larges. Leur longueur varie
considérablement (9 à 40 cm), tandis que leur largeur
paraît plus homogène (0,9 à 2,3 cm) avec un
écart-type de 0,3. Les chiffres obtenus sur la longueur des feuilles
sont assez différents de ceux de Berhaut (1967) (8 - 15 cm), tandis que
ceux de la largeur semblent plus conformes à nos observations (1-2cm).
Les limbes comportent, presque invariablement, 4 nervures latérales.
Potamogeton schweinfurthii est une plante aquatique
des eaux profondes et calmes (Raynal-Roques, 1980). La colonisation de la
partie méridionale du lac se poursuivra rapidement sans doute au cours
des années à venir compte tenu des niveaux d'eau
élevés et de leur adoucissement progressif. Des peuplements ont
été observés entre 0,60 et 3,10 mètres de
profondeur. Ils forment dans le plan d'eau des plages plus ou moins
individualisées, dont l'aspect, lié au stade
végétatif de la plante, change en fonction de la période
de l'année. La plante se comporte dans le lac comme une plante
vivace.
La multiplication végétative de Potamogeton
schweinfurthii est très active par les portions de tiges que l'on
observe souvent dans le lac se déplaçant au gré des vents
et des courants d'eau.
Les essais de germination au laboratoire ont montré que
les graines maintenues dans une humidité permanente germent au bout de 4
mois.
Les Potamots sont dans leur grande majorité
des plantes d'eau douce ; aucune d'elle ne vit en milieu marin.
La plupart des espèces de Potamogeton
croissent dans les régions climatiques tempérées.
Environ une dizaine d'espèces se rencontrent en Afrique. Potamogeton
schweinfurthii est géographiquement limité à
l'Afrique tropicale selon Raynal-Roques (1980). Des travaux récents ont
signalé l'espèce en Europe (Kaplan, 2005). Pour l'ensemble du
territoire sénégalais, trois espèces du genre
Potamogeton sont signalées : Potamogeton
schweinfurthii, Potamogeton octandrus et Potamogeton nodosus
(Berhaut, 1967; Adam, 1962 ; Lebrun, 1973).
Jusqu'à la mise en place des grands barrages sur le
Sénégal, Potamogeton n'a pas été
mentionné dans le lac de Guiers par les auteurs qui ont
étudié la flore la région (Trochain, 1940 ; Trochain,
1956 ; Adam, 1964 ; Thiam, 1984). Adam (1960) a indiqué
un Potamogeton dans les rizières de Richard-Toll
malheureusement l'espèce n'a pas été identifiée.
Potamogeton schweinfurthii a été
178
récoltée dans le lac de Guiers il y a plus d'un
siècle par Roger (1819) et Leprieur (1826) (Dandy, 1937). P.
schweinfurthii a dû disparaitre par la suite à cause des eaux
saumâtres venant de la mer pendant les étiages et
pénétrant dans le lac. Il est probable que les conditions
hydrologiques et de qualité des eaux étaient similaires à
celles d'aujourd'hui. Les eaux devraient être très douces.
Quoiqu'il en soit, Potamogeton schweinfurthii et Potamogeton
octandrus sont actuellement abondantes dans le lac de Guiers et dans le
delta du fleuve Sénégal (Thiam, 1993 ; Thiam et Ouattara, 1997;
Thiam 1998).
Les observations sur la répartition et le comportement
des deux espèces montrent que P. octandrus supporte une
salinité de l'eau plus élevée que P.
schweinfurthii.
P. schweinfurthii supporte les hauteurs d'eau plus
élevées que P. octandrus. Il a été
observé à des profondeurs de plus de 3 m alors que P.
octandrusne dépasse guère 1,5 m.
En Afrique du Sud, P. schweinfurthii constitue
souvent une entrave à la navigation et représente une
première étape vers la disparition de nombreux petits cours d'eau
(Dejoux, 1988). Il en est actuellement de même dans le lac de Guiers en
ce qui concerne la navigation. Il est très difficile de se
déplacer avec un bateau à moteur sur le lac à cause des
peuplements submergés très importants surtout dans les
régions centrale et nord du lac. La plante a développé des
herbiers importants dans le lac Tchad (Dejoux et Saint-Jean, 1972).
Plusieurs missions au lac de Guiers entre 1993 et 1995 ont
permis de suivre la distribution des peuplements de Potamogeton
schweinfurthii dans le plan d'eau et de suivre leur évolution
saisonnière.
Les peuplements de Potamogeton schweinfurthii forment
des tapis immergés circulaires. Ces tapis de végétation
retiennent parfois, dans des endroits calmes, d'autres plantes aquatiques
flottantes libres, en particulier Azolla africana et Pistia
stratiotes.
La Figure 56 montre la localisation des principaux groupements
à Potamogeton schweinfurthii dans le lac de Guiers en janvier
1993. Les tapis de la plante se concentrent essentiellement dans la
moitié nord, depuis l'embouchure de la Taoué jusqu'au niveau du
village de Ngnith. Toutefois, il y a un début d'extension dans la
région méridionale, jusqu'au niveau du village de Sier. Les
superficies du lac occupées par les tapis de Potamogeton
Schweinfurthii au moment de nos observations peuvent être
estimées à 500 ha.
Les valeurs moyennes du pH et de la conductivité
électrique mesurées dans les groupements à P.
schweinfurthii dans la région Nord et centrale du lac en janvier
1993 étaient respectivement de 8,1 et de 264,1 uS/cm.
179
Pendant la même période, Potamogeton
schweinfurthii n'a pas été observé dans le canal de
la Taoué qui alimente le lac à partir du fleuve
Sénégal. Cela est probablement dû à la vitesse
rapide des courants d'eau dans le canal.
Les peuplements de Potamogeton schweinfurthii se
présentent dans le lac de Guiers sous des états différents
selon la période de l'année. La période février
à avril correspond à celle de la pleine fructification,
accompagnée d'une perte progressive du feuillage qui, très
abondant en décembre - janvier, diminue progressivement pour être
à son minimum pendant l'hivernage (juillet à septembre). La chute
des feuilles est plus marquée au centre des peuplements parce que le
développement des tapis est centrifuge, les individus les plus
âgés se trouvent au centre.
En février 1995, des groupements épars ont
également été rencontrés dans l'extrême sud
du lac, aux environs de Keur Momar Sarr et dans la basse vallée du
Ferlo, laquelle a été remise en eau au début des
années 90. L'extension de la plante dans l'ensemble du delta et la basse
vallée du Ferlo est en cours (Thiam 1998 ; Sarr et al.,
2001).
16°
16°
D
Gankéte
· PEUPLEMENTS
POTAMOGETON SCHWEINFURTHII
15,5°
N / CANAL DE LA TAOU
Niéti Yone
·
.Témèye Selene
Mbane
Saninte
Nder
·
Naéré
·
· Diakhaye
Ngnith
· Fass
Mal
Sièr
Mbrar) ·'
16,5`
16,5°
. Diamènar
Diakoul
e
ô
·
KEUR MOMAR-S,ARR
15,5° I Abou THIAM, 2010
GUEOUL
~~
DIGUE 5 10km
180
Figure 56 - P rectaux peupler ents de P.
schweinfurthii dans 1e lac de G uiers, janvier 1993
181
La présence massive des Potamots, surtout de
Potamogeton schweinfurthii dans le lac et le fleuve est sans nul doute
le signe le plus évident de l'adoucissement important des eaux
consécutivement aux barrages.
4.4.2.2 Phytomasse
Les valeurs de phytomasses obtenues sur différents organes
de la plante sont consignées dans le tableau 27.
Tableau 27- Eau et matières sèches dans quelques
organes de Potamogeton schweinfurthii
ECHANTILLONS
|
ORGANES
|
Poids frais
(g)
|
Poids sec
(g)
|
Eau
(g)
|
(%)
|
Matières sèches
(%)
|
1
|
épis
|
190
|
29
|
161
|
84,74
|
15,26
|
|
tiges
|
597
|
64
|
533
|
89,28
|
10,72
|
|
feuilles
|
1031
|
219
|
812
|
78,76
|
21,24
|
2
|
épis
|
288
|
39
|
249
|
86,46
|
13,54
|
|
tiges
|
491
|
65
|
426
|
86,76
|
13,24
|
|
feuilles
|
636
|
123
|
513
|
80,66
|
19,34
|
3
|
épis
|
243
|
30
|
213
|
87,65
|
12,35
|
|
tiges
|
871
|
87
|
784
|
90,01
|
9,99
|
|
feuilles
|
1528
|
233
|
1295
|
84,75
|
15,25
|
4
|
épis
|
475
|
59
|
416
|
87,58
|
12,42
|
|
tiges
|
732
|
75
|
657
|
89,75
|
10,25
|
|
feuilles
|
887
|
139
|
748
|
84,33
|
15,67
|
182
MOYENNES
|
|
|
|
|
|
épis
|
299
|
39,25
|
259,75
|
86,87
|
13,13
|
tiges
|
672,75
|
72,75
|
600
|
89,19
|
10,81
|
feuilles
|
1020,5
|
178,5
|
842
|
82,51
|
17,49
|
Total
|
1992,3
|
290,5
|
1701,8
|
85,42
|
14,58
|
La phytomasse mesurée est en moyenne de 290 g de
matière sèche au m2 soit 2,9 tonnes par ha. La
matière sèche est plus importante dans les feuilles, les
épis et ensuite dans les tiges. Comparée à Typha
et à Pistia, la phytomasse de P. schweinfurthii
est nettement plus faible.
La Figure 57 montre l'importance relative de l'eau et de la
matière sèche dans différents organes de Potamogeton
schweinfurthii.
Matières sèches Humidité
1000
800 600 400 200
0
|
|
Organes
|
épis tiges feuilles
|
Figure 57 - Matières sèches et eau dans
différents organes de P. schweinfurthii.
P. schweinfurthii est très riche en eau avec plus
de 85 % d'humidité. Les feuilles sont les organes qui en contiennent le
plus et les épis le moins d'eau.
Pendant que le développement important de Typha,
de Pistia et de Potamogeton constituait des
préoccupations majeures et a commencé à attirer
l'attention sur les macrophytes
183
aquatiques de la région, en 1999 d'importants tapis de
Salvinia molesta apparurent soudainement et envahirent d'abord le
delta ensuite le lac de Guiers.
|
|