4.3.2 Résultats et discussion
4.3.2.1 Multiplication
La Figure 40 montre l'évolution du nombre d'individu dans
les 4 bassins.

Nombre individus
100
40
90
80
70
60
50
30
20
10
0
24-juin 24-juil. 24-août 24-sept. 24-oct. 24-nov.
24-déc.
AN
B
C N
160
Figure 40 - Evolution du nombre d'individus de Pistia
dans les bassins (juin - décembre 1994).
Les équations des courbes de tendance du nombre
d'individus dans les bassins A, B, C et D se
présentent ainsi :
YA= 0,3756X - 15164
|
R2A= 0,8825
|
YC= 0,4322X - 17443
|
R2 C= 0,9153
|
YB= 0,5096X - 20573
|
R2B= 0,8998
|
YD= 0,4398X - 17742
|
R2D= 0,9473
|
Le nombre le plus élevé d'individus de
Pistia a été observé dans le bassin B contenant
initialement 8 individus tandis que le nombre le plus faible a
été trouvé dans le bassin A contenant au départ 4
individus.
La vitesse de multiplication de Pistia stratiotes est
semblable dans les quatre bassins tant en ce qui concerne le nombre d'individus
que des feuilles (Figure 40). Elle n'est perceptible dans tous les bassins que
45 jours après le début des expériences. Les augmentations
du nombre d'individus sont relativement similaires dans tous les bassins.
Cependant, les plus importantes variations des paramètres suivis sont
observées dans les bassins où il y avait au départ 8 et 12
individus. Les droites de tendance établies montrent une forte
corrélation, entre 0,8 et 0,9.
Pendant les deux premiers mois, l'augmentation du nombre
d'individus et de feuilles dans les bassins est faible. Il s'agit sans doute
d'une période d'adaptation des plantes aux conditions
expérimentales. A partir du 3ème mois, le nombre des individus
augmente plus rapidement.
161
Les densités initiales de 8 et 12 individus sont
apparues les plus favorables à la multiplication rapide de la plante.
La densité a paru être un facteur important dans
la rapidité de prolifération de la plante. En tenant compte des
conditions de qualité d'eau du lac pendant la période, les
densités de 8 à 12 individus par m2 sont parues
favorables à la prolifération de Pistia dans le lac de
Guiers.
Les comptages d'individus effectués en milieu naturel
en Mai 1992 dans le lac de Guiers dans la zone de Keur Momar Sarr ont
donné en moyenne 119 individus par m2 (avec un écart
type de 16,1) alors que le nombre total d'individus par mètre
carré a été de 93 dans les bassins
d'expérimentation.
Les observations sur le développement de Pistia
stratiotes dans des bassins d'expérimentation dans le jardin
botanique du département de biologie végétale de
l'université C.A. Diop de Dakar en 1992 ont permis d'estimer
l'augmentation des superficies occupées par la plante à
2
environ 327 cm par jour. Le temps de doublement de surface
serait alors de 15 jours (Thiam et al., 1993). Au lac Cabora Bassa, ce
temps est de 11 jours (Dejoux, 1988). En Côte d'Ivoire, en milieu de
culture non renouvelé, constitué d'eau du fleuve Comoé, la
croissance de P. stratiotes est parue linéaire sur une dizaine
de jours, avec un taux d'accroissement constant (égal à 0,85
g/jour de biomasse fraîche) et indépendant du poids initial des
plantes testées. Le temps de doublement est ainsi de 11 jours pour de
jeunes plantes, de 19 jours pour des plantes adultes (Guiral et Etien, 1994).
Comparativement à d'autres plantes aquatiques envahissantes, Pistia
a une croissance relativement lente.
En milieu tropical où il y a suffisamment de
nutriments, Pistia stratiotes se reproduit rapidement et produit
à partir de ses stolons de nouveaux individus. La dispersion de la
plante est facilitée par l'action des oiseaux, de l'eau et des plantes
elles-mêmes. Les plantes peuvent également se reproduire à
partir des graines. Fernandez O.A., Sutton D.L. et al (1990) ont
remarqué en Amazonie que 13 à 65 % des fruits de Pistia
stratiotes ont des
2
graines et qu'il y a en moyenne 2300 graines par m de
végétation. Bien que la plante produit de nombreuses graines dans
le lac de Guiers, la multiplication végétative par les stolons
paraît y être la forme de propagation la plus fréquente et
la plus importante. Les graines de Pistia stratiotes
libérées peuvent flotter plus de deux jours avant de tomber
au fond de l'eau. La lumière est importante pour la germination des
graines (Datta and Biswas, 1969). Pieterse and al. (1981) ont
montré que les graines submergées peuvent germer quand elles sont
soumises à des intensités lumineuses élevées. La
viabilité des graines est réduite par séchage à
30°C,
162
mais certaines peuvent survivre ce qui suggère que
Pistia stratiotes a un potentiel d'endurance à la
sécheresse par l'intermédiaire de ses graines (den Hollander
et al. 1999).
Les principaux paramètres physico-chimiques de l'eau dans
le site d'expérimentation se sont présentés ainsi:
- le pH : son évolution est présentée sur la
Figure 41.

pH
7,9
7,8
7,7
7,6
7,5
7,4
8
11-juin 01-juil. 21-juil. 10-août 30-août 19-sept.
09-oct. 29-oct.
Date
pH
Linaire (pH)
Figure 41 - Evolution du pH de l'eau du lac de Guiers (juin-
octobre 1994)
L'eau du lac varie de neutre à légèrement
alcaline. Le pH n'a pas subi de variations importantes. Il est toujours
demeuré entre 7 et 8 (Figure 41).
- la conductivité: ses valeurs sont indiquées sur
la Figure 90.

EC (mS)
0,35
0,25
0,15
0,05
0,4
0,3
0,2
0,1
0
11-juin 01-juil. 21-juil. 10-aoàt 30-aoàt 19-sept.
09-oct. 29-oct.
Date
EC (mS)
Linaire (EC (mS))
163
Figure 42 - Evolution de la conductivité (en mS) de l'eau
du lac (juin- octobre 1994)
La conductivité a également
légèrement baissé au cours du temps. Cependant, elle est
toujours restée aux environs de 300 uS/cm (Figure 89).
La baisse de la salinité est corroborée par la
diminution des ions chlorures et sodium (Figure 43 et Figure 44). Les chlorures
et le sodium ont également subi une légère baisse en
septembre probablement à cause de la saison des pluies et
l'arrivée dans le lac de l'eau moins minéralisée provenant
du fleuve Sénégal.

Cl- (m€q.)
0,8
0,6
0,4
0,2
1,6
1,4
1,2
0
1
11-juin 01-juil. 21-juil. 10-aoàt 30-aoàt 19-sept.
09-oct. 29-oct.
date
Cl - (mq.)
Linaire (Cl -
(mq.))
Figure 43 - Evolution des ions chlorures (Cl -) dans l'eau du
lac (juin- octobre 1994)

Na+ (méq.)
0,8
0,6
0,4
0,2
1,6
1,4
1,2
0
1
11-juin 01-juil. 21-juil.
10-aoûat30-août 19-sept. 09-oct. 29-oct.
De
Na+ (méq)
Linéaire (
Na+ (méq))
164
Figure 44 - Evolution des ions sodium (Na+) dans l'eau
(juin- octobre 1994)
Les sulfates, les carbonates, le calcium et le potassium ont
très faiblement varié dans l'eau au cours du temps (Figure 45,
Figure 46, 47 et Figure 48) alors que le magnésium a très
sensiblement diminué (Figure 49)

SO4--(méq.)
0,45
0,35
0,25
0,15
0,05
0,5
0,4
0,3
0,2
0,1
0
11-juin 01-juil. 21-juil. 10-août 30-août
19-sept. 09-oct. 29-oct.
Date
5O4-- (méq.)
Linéaire (5O4-- (méq.))
Figure 45 - Evolution des ions sulfates (SO42- ) dans
l'eau du lac (juin- octobre 1994)

HCO3-
1,85
1,75
1,65
1,55
1,8
1,7
1,6
11-juin 01-juil. 21-juil. 10-aoàt 30-aoàt 19-sept.
09-oct. 29-oct.
Date
HCO3-- (mq.)
Linaire (HCO3-- (mq.))
165
Figure 46 - Evolution des ions carbonates (HCO3--)
dans l'eau du lac (juin- octobre 1994)

Ca++ (m€q.)
0,9
0,8
0,7
0,6
0,5
0,4
0,3
0,2
0,1
0
1
11-juin 01-juil. 21-juil. 10-aoàt 30-aoàt 19-sept.
09-oct. 29-oct.
Date
Ca++ (m
Linaire (Ca++ (mq.))
q.)
Figure 47- Evolution des ions calcium (Ca++) dans
l'eau du lac (juin- octobre 1994)

K+ (méq.)
0,16
0,14
0,12
0,08
0,06
0,04
0,02
0,1
0
11-juin 01-juif. 21-juif. 10-août 30-août 19-sept.
09-oct. 29-oct.
Date
K+ (méq.)
Linéaire (K+
(méq.))
166
Figure 48 - Evolution des ions potassium (K +) dans l'eau du lac
(juin- octobre 1994)

Mg++ (méq.)
0,92
0,88
0,86
0,84
0,82
0,78
0,76
0,9
0,8
11-juin 01-juif. 21-juif. 10-août 30-août 19-sept.
09-oct. 29-oct.
Date
Mg++
Linéaire
(méq.)
(Mg++ (méq.))
Figure 49 - Evolution des ions magnésium (Mg ++) dans
l'eau du lac (juin- octobre 1994)
Les résultats des analyses des eaux de surface dans
plusieurs sites du parc du Djoudj pendant la pullulation de Pistia en
1993 sont indiqués dans le tableau 24.
167
Tableau 24 - Physico-chimie de l'eau dans quelques sites du parc
du Djoudj en mars 1993
Stat.
|
Prof.
|
Oxy.(ppm)
|
Cond.
|
pH
|
CI
|
SO4
|
HCO3
|
CO3
|
Ca
|
Mg
|
Na
|
K
|
?
|
?
|
|
E(cm)
|
|
(jiS)
|
|
|
|
|
|
|
|
|
|
anions
|
cations
|
D1
|
114
|
5,5
|
244
|
6,7
|
1,0
|
0,1
|
0,8
|
0
|
0,4
|
0,5
|
0,9
|
0,0
|
1,9
|
1,8
|
D2
|
123
|
8,0
|
234
|
7,3
|
1,0
|
0,1
|
0,7
|
0
|
0,3
|
0,4
|
0,9
|
0,1
|
1,8
|
1,7
|
D3
|
40
|
8,8
|
172
|
7,3
|
0,5
|
0,1
|
0,6
|
0
|
0,3
|
0,3
|
0,5
|
0,0
|
1,3
|
1,1
|
D4
|
40
|
8,4
|
136
|
7,3
|
0,2
|
0,1
|
0,6
|
0
|
0,3
|
0,3
|
0,3
|
0,0
|
0,9
|
0,8
|
D5
|
30
|
7,9
|
143
|
7,3
|
0,3
|
0,1
|
0,6
|
0
|
0,3
|
0,3
|
0,3
|
0,0
|
1,0
|
0,9
|
Moyenne
|
7,7
|
185,8
|
7,2
|
0,6
|
0,1
|
0,7
|
0
|
0,3
|
0,3
|
0,6
|
0,0
|
1,4
|
1,3
|
Ecart Type
|
1,2
|
50,5
|
0,3
|
0,4
|
0,0
|
0,1
|
0
|
0,1
|
0,1
|
0,3
|
0,0
|
0,5
|
0,5
|
Stat..= station; Prof. E= profondeur de l'eau
Oxy.=oxygène; Cond.= conductivité
Légende: D1: Marigot de Djoudj après les
nichoirs; D2: Embarcadère du Djoudj ; D3: Fleuve Sénégal,
marigot de N'Dépélour (pas de Pistia stratiotes) ; D4:
Fleuve Sénégal, « ouvrage du crocodile » ; D5 : «
Canal du crocodile»
Dans tous les sites du Djoudj, la conductivité de l'eau
est également faible, inférieure à 250 tS (moyenne = 185
tS). L'eau y est plus douce que dans le lac de Guiers. Le pH est neutre ou
légèrement basique comme dans le lac. La teneur en oxygène
est élevée. Les ions chlorures, carbonates, sulfates, carbonates,
magnésium, calcium et potassium sont plus faibles que dans le lac de
Guiers.
Dans les secteurs du Djoudj où la conductivité
est supérieure à 2 mS/cm, P. stratiotes présente
des populations très dégradées,
caractérisées par un jaunissement important des feuilles et par
le dessèchement de la partie supérieure des limbes. La plante
meurt au-delà d'une conductivité supérieure à 3,85
mS/cm (Guiral, 1993). A une conductivité de l'eau de 7000 tS, les
individus adultes de Pistia meurent dans le parc du Djoudj (den
Hollander et al. 1999).
Ainsi, des conductivités inférieures à
200 tS et la richesse de l'eau en divers nutriments tels que le
magnésium, les carbonates et le potassium sont favorables au
développement et à l'expansion de la plante dans le lac.
Pistia se développe préférentiellement en eau
douce, mais tolère des eaux légèrement saumâtres
(Obeid and Chadwik, 1966 ; Vanden Berghen, 1988). Pistia est sensible
à de faibles taux de salinité de 2,5 pour mille (Haller et
al., 1974). La salinité relativement élevée des eaux
du lac avant 1985 et ses importantes variations dans le temps agissait
probablement comme facteur limitant le développement excessif de la
plante. Ceci est confirmé par les essais menés en 1993 dans des
bassins en terre creusés le long du lac qui ont montré que le
développement de Pistia était ralenti dans des eaux de
conductivité
168
supérieure à 2000 tS correspondant à une
minéralisation globale de 1400 mg/l environ. Si la diminution de la
salinité constitue la condition nécessaire pour la colonisation,
la richesse nutritive des eaux conditionne l'intensité du
phénomène de prolifération (Guiral, 1993). Selon Holm et
al.(1977) cité par Waterhouse (1994), Pistia stratiotes
croîtrait mieux à pH 4. Le pH neutre à
légèrement basique des eaux du lac pourrait être le facteur
qui a déclenché le déclin des populations de Pistia
dans le lac et dans le delta.
|
|