B. Le prérequis nécessaire à la
performance de l'achat public : l'achat responsable
Définition des achats responsables.
L'achat responsable sert la performance globale. Il se définit
comme « Tout achat intégrant dans un esprit d'équilibre
entre parties prenantes des exigences, spécifications et critères
en faveur de la protection et de la mise en valeur de l'environnement, du
progrès social et du développement économique. L'acheteur
recherche l'efficacité, l'amélioration de la qualité des
prestations et l'optimisation des coûts globaux (immédiats et
différés) au sein d'une chaîne de valeur et en mesure
l'impact. »160 Ainsi l'impact environnemental de l'achat
doit être le moins élevé possible, tandis que les
répercussions sociales doivent, quant à elles, être les
meilleures possibles. Dans le même temps, un objectif de performance des
finances publiques doit être poursuivi afin de d'acheter au meilleur
coût.
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Source : ObsAR
L'origine de l'achat responsable : la RSE.
L'achat responsable trouve certes son origine dans l'idée de
développement durable, mais ce type d'achat est plus directement la
suite logique des notions de Responsabilité sociale des entreprise (RSE)
ou Responsabilité sociale des organisations (RSO).
Il s'agit de deux concepts imaginés en réaction
à la thèse néolibérale de Milton Friedman, prix
Nobel de l'économie, qui en 1970, dans les pages du New York Times
utilisait déjà le terme de responsabilité sociale de
l'entreprise à un tout autre dessein. En effet, il considérait
cette responsabilité comme se résumant à la recherche du
plus grand profit, « la
159 G. CANTILLON, « Création du «Service des
achats de l'État« : vers un achat public performant et durable ?
», Contrats et Marchés publics n° 5, 2009.
160 Définition de l'Observatoire des Achats Responsables,
2011.
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main invisible »161 décrite
par Adam Smith permettant à l'intérêt général
de s'élever par voie de conséquence, dès lors que la libre
concurrence était respectée162.
Plus précisément la RSE, à proprement
parler naît de la théorie des « Stakeholders
»163, qui apparaît aux Etats-Unis dès les
années 60. Selon cette théorie, maximiser les profits pour une
entreprise n'est pas suffisant. Il est nécessaire de trouver le
compromis équitable entre les intérêts de l'ensemble des
personnes qui sont de près ou de loin rattachés à
l'entreprise : employés, clients, gouvernés, gouvernants,
collectivités, etc. L'entreprise s'engage alors sur certaines pratiques
et accepte d'en rendre compte, d'où une certaine responsabilisation qui
a été consacrée en droit français par la loi NRE de
2001164.
L'évolution de la RSE : la performance globale.
Le concept de performance globale a émergé, en 2002 avec
l'association du « Centre des jeunes dirigeants d'entreprises »
(CJDE). La performance globale a alors pu être définie comme
« la prise en compte d'un équilibre entre performance
économique, sociale, sociétale et environnementale
»165. Cette performance est une exigence pour les
entreprises productrices qui pourrait être appliquée aux acheteurs
publics consommateurs. Elle reposerait sur quatre dimensions
complémentaires :
- performance sociale : elle repose sur la
capacité du pouvoir adjudicateur à encourager les
opérateurs économiques à rendre les hommes acteurs et
auteurs ;
- performance sociétale : elle s'appuie sur la
contribution de l'opérateur économique au développement de
son environnement ;
- performance économique : elle honore la
confiance des opérateurs économiques et des usagers et se mesure
par des indicateurs ;
- performance environnementale : elle repose sur la
capacité du pouvoir adjudicateur à encourager les
opérateurs économiques à mettre en place des mesures de
protection de l'environnement.
La différence avec la RSE réside dans le fait
que la performance globale prend en compte les besoins et les
réalités de l'organisme en question, alors que la RSE et le
développement
161 A. SMITH, La richesse des nations, Gf-Flammarion, t.
1, 1999.
162 Cité par : Centre des jeunes dirigeants
d'entreprises, Guide de la performance globale, éd. des
organisations, 2004.
163 Littéralement : « ceux qui ont un
intérêt dans l'entreprise », ce sont les parties
prenantes, par opposition au « shareholders » qui sont les
actionnaires.
164 Loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 relative aux nouvelles
régulations économiques
165 CJDE, Guide de la performance globale, éd.
des organisations, 2004, p. 5
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durable, ne sont en effet pas centrés sur l'entreprise
ou la collectivité, mais bien sur l'environnement, au sens large. Il
semble donc que la performance globale soit une notion directrice mieux
adaptée aux acheteurs publics. Cependant, il s'agit encore d'une notion
vague de « performance », joint au qualificatif tout aussi
abstrait de « globale » 166. Le CJDE se sert de
la commande publique pour encourager cette performance globale des entreprises,
dans le cadre du développement durable167. Au départ
cette notion n'est donc pas censée profiter en premier lieu à
l'Administration.
L'utilité de la performance globale pour
l'Administration. Un achat public performant globalement
nécessite un achat public responsable. Les pouvoirs adjudicateurs
peuvent décider d'orienter leur politique d'achat vers des achats
responsables pour plusieurs raisons. D'une part, la réglementation et
les initiatives internationales ou nationales peuvent l'encourager, voire le
rendre obligatoire168. D'autre part, les achats dits responsables
sont facteurs de stabilité et d'exemplarité pour les
administrations. Cet atout en terme d'image, correspond à un gain
politique, à court terme. Les usagers des services publics attendent
cette exemplarité de l'Administration.
Il vient par ailleurs s'ajouter, à moyen et long terme,
des gains financiers, parfois difficilement quantifiable. L'Administration peut
en effet entrer dans une démarche novatrice visant à
réduire les coûts énergétiques, à valoriser
l'écosystème du pouvoir adjudicateur et des opérateurs
économiques. Ainsi l'administration pourra également tirer un
profit économique d'une démarche encourageant la performance
globale.
Pour autant, afin que le pouvoir adjudicateur tire
effectivement et directement profit de ses achats responsables, il est
absolument nécessaire de bien définir dans quelles mesures
l'achat public encourage une production conforme aux principes de
développement durable. L'achat de l'Administration heurte le prisme de
l'intérêt général et se disperse en une multitude
d'exigences extrinsèques toute plus éloignées de la
fonction de l'achat purement intrinsèque à l'origine. Ainsi,
à l'image de la lumière rencontrant le prisme, c'est un spectre
qui risque d'apparaître, troublant la vision performancielle que doit
avoir l'Administration lorsqu'elle subvient à ses besoins
(II).
166 V. en ce sens : Y. PESQUEUX, « La notion de performance
globale », Forum international ETHICS, 2004.
167 V. Rapport du CJDE et de Communauté urbaine de
Nantes, « Vers la performance globale de la commande publique »,
2011.
168 V. supra.
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