Promotion Gaston Jèze
UNIVERSITÉ DE MONTPELLIER FACULTÉ DE DROIT ET
DE SCIENCE POLITIQUE
Mémoire
Présenté pour le Master 2 droit public des
affaires,
contrats publics et partenariats
Par Jérémy Fass
Sous la direction de Madame le Professeur
Ubaud-Bergeron
La performance de l'achat
public
Année universitaire 2015-2016
2
3
À mon grand-père Jean,
4
5
REMERCIEMENTS
Je voudrais tout d'abord adresser toute ma gratitude à
la directrice de ce mémoire, le Professeur Marion Ubaud-Bergeron, pour
sa confiance, sa disponibilité et son soutien tout au long de cette
année, et plus particulièrement au cours de l'écriture de
ce mémoire.
Je désire aussi remercier le Professeur Guylain Clamour
pour la confiance qu'il m'a accordée en me permettant de faire partie de
cette formation exceptionnelle. Le partage de son expérience et sa
bienveillance m'ont permis d'achever idéalement mon cursus
universitaire.
Je voudrais également exprimer ma reconnaissance
à l'ensemble de la promotion « Gaston Jèze »
du Mater 2 Contrats publics et partenariats, qui m'ont permis de vivre
cette merveilleuse aventure humaine. Un grand merci tout spécialement
à Léa Cadillon, Anaïs Calmettes, Alice Folscheid, Raphael
Montels, Ferdi Youta et Lucas Dayet pour tous ces souvenirs et leur soutien
dans l'écriture de ce mémoire.
Je tiens à remercier tout particulièrement mes
parents et Esther, qui m'ont toujours accompagnés. Je remercie
également très sincèrement mon cousin Samuel et ma soeur
Léa pour la relecture de ce travail et leurs conseils
éclairés.
Enfin, je tiens à témoigner toute ma gratitude
à Luc, mon beau père, qui durant 8 mois m'a hébergé
et épaulé, me permettant de me sentir chez moi, dans cette
superbe ville de Montpellier.
6
AVERTISSEMENT
7
La faculté n'entend donner aucune approbation ni
improbation aux opinions émises dans les mémoires : ces opinions
doivent être considérées comme propres à leurs
auteurs.
8
9
SOMMAIRE
INTRODUCTION
PARTIE 1: LA NECESSAIRE CONSECRATION D'UNE IDENTITE
JURIDIQUE POUR LA PERFORMANCE DE L'ACHAT PUBLIC
Chapitre 1 : Les enjeux de la conceptualisation
juridique de la performance
Chapitre 2 : La recherche d'une obligation de
performance de l'achat
public
PARTIE 2 : LA PRISE EN COMPTE DE L'EXIGENCE DE
PERFORMANCE PAR LE DROIT DE L'ACHAT PUBLIC
Chapitre 1 : La performance mise en oeuvre « par
» et « pour » le contrat Chapitre 2 : Du juriste au manager
de l'achat public
CONCLUSION
TABLE DES MATIÈRES BIBLIOGRAPHIE
10
11
« Il est moins difficile d'élaborer des
idées nouvelles que d'échapper
aux anciennes. »
John Maynard Keynes (1883-1946)
Théorie générale de l'emploi de
l'intérêt et de la monnaie, Préface de la première
édition anglaise (1936)
12
13
INTRODUCTION
« Ce qui caractérise les méthodes des
services publics, c'est l'existence d'un certain nombre de règles que
les agents sont tenus de respecter en toutes circonstances ; au contraire le
fondement essentiel des méthodes qui ont la faveur de l'industrie et du
commerce, c'est l'absence de règles fixes. (É) Par suite d'une
déformation progressive de la mentalité des fonctionnaires, le
souci du respect des formes finit par devenir une obsession, qui rejette
à l'arrière-plan celui de la bonne exécution
elle-même ». C'est ainsi que dès 1930, Maurice
Israël exprimait le manque de performance de l'achat public, dans sa
thèse sur l'Etat acheteur1. La liberté
contractuelle de droit privé, comme les techniques managériales
de ce secteur, tant lors de la passation d'un contrat, qu'à l'occasion
de son exécution, doivent être une source d'inspiration pour un
achat public qui se veut de plus en plus performant.
Une problématique actuelle. La
problématique de la performance de l'achat public n'est donc pas
nouvelle, mais à l'heure où la situation des finances publiques
locales et étatiques est particulièrement préoccupante, la
recherche d'économie ressurgit de plus belle, au sein d'un poste de
dépense particulièrement important puisque représentant
près de 10% du PIB (190 milliards d'euros pour les achats des
administrations publiques selon l'INSEE)2. Si les acheteurs
privés ont compris depuis longtemps que l'achat pouvait être un
levier d'économie, cette considération était
complètement absente des débats au sein du secteur public. Depuis
une quinzaine d'années un changement de mentalité se met
progressivement en place3 et s'est traduit sémantiquement
dans la doctrine par l'abandon du terme de « commande publique »,
pour lui préférer celui « d'achat public
». Les marchés publics ne sont plus seulement juridiques, ils
sont aussi économiques.
Aujourd'hui néanmoins, Jean-Arthur Pinçon
évalue encore entre 30 et 50 milliards, les économies
envisageables dans les achats publics4, si bien que d'importants
efforts doivent
1 M. ISRAËL, L'Etat acheteur, PUF, 1930,
p. 223.
2 Sénat, Mission commune d'information
sur la commande publique, Rapport d'information n°82, M. BOURQUIN
(dir.), 14 octobre 2015, p. 30.
3 F. LINDITCH, « Dix ans de commande publique
», JCP A n° 43, 2012.
4 V. J.-A. PINÇON, Le gâchis - 30
milliards d'euros perdus par an dans les Achats Publics, l'Harmattan,
2015.
14
encore être fournis. Il faut en effet dépasser
complètement l'adjudication moyenâgeuse et son
procédé unilatéral, pour faire pleinement la place au mode
contractuel et à une passation, puis une exécution toutes deux
placées sous le signe de l'efficacité, en matière de
marchés publics5.
L'obstacle principal à ce nouveau paradigme est d'une
part un droit des marchés publics inadapté à la
performance6, et d'autre part, des acheteurs qui ne sont
responsables que de la conformité de leurs marchés, à un
droit qui ne prône lui-même pas la performance7.
L'achat public. Les marchés publics
« sont les contrats conclus à titre onéreux par un ou
plusieurs acheteurs soumis à (l'ordonnance du 23 juillet 2015) avec un
ou plusieurs opérateurs économiques, pour répondre
à leurs besoins en matière de travaux, de fournitures ou de
services. »8 Ces contrats sont inclus au sein de la notion
de commande publique qui désigne au sens large l'ensemble des contrats
permettant à la personne publique de satisfaire ses besoins. Même
si les contrats répondant davantage à une logique concessive,
qu'à celle de commande devraient être exclus d'une telle notion,
aussi bien le juge que le législateur ou le gouvernement, ont une vision
extensive de cette notion de commande9. Cette étude se
limitera pourtant aux marchés publics et ne s'attardera pas sur les
efforts à faire en matières de performance pour les concessions,
celles-ci demandant bien moins d'efforts en la matière.
Les marchés publics correspondent peu ou prou à
la définition juridique que l'on peut donner à l'action
d'acheter dans le secteur privé, puisque l'achat se définit comme
« une opération par laquelle une entreprise ou une personne
physique - l'acheteur - acquiert auprès d'une autre entreprise ou d'une
personne physique - le vendeur - la propriété de biens ou le
bénéfice d'une prestation de service en contrepartie d'un
règlement, dans des conditions négociées, d'un montant
déterminé qu'elles ont accepté. »10
Pour désigner les marchés publics, il est donc
de plus en plus fait allusion à la notion « d'achat public
». Cette évolution terminologique est aujourd'hui à
l'oeuvre au sein même des nouveaux textes relatifs aux marchés
publics. Selon le Professeur Ubaud-Bergeron, ce
5 V. en ce sens : F. ALLAIRE, « Dépasser
le droit des marchés publics », AJDA 2009, p.1696.
6 F. LINDITCH, « Le contrat et la performance,
une rencontre impossible ? », RFDA 2014, p. 403.
7 V. en ce sens : A. TUECH, L'acheteur public :
juriste et manager, Mémoire de fin d'étude dans le cadre du
Séminaire Management des Organisations, IEP de Lyon, 2007, pp. 14-18.
8 O. n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux
marchés publics, art. 4.
9 V. en ce sens : M. UBAUD-BERGERON, Droit des
contrats administratifs, coll. Manuel, LexisNexis, 2015, p. 26.
10 J.-P. DENIS, A.-C. MARTINET, A. SILEM,
Lexique de gestion et de management, Dunod, 9e éd.,
2016, p. 8.
15
changement sémantique illustre une prise de conscience,
quant à la fonction économique de certains contrats publics, tels
que les marchés publics11.
Le paradigme change. Une professionnalisation des acheteurs
publics est en cours12. Ces derniers sont l'équivalent des
pouvoirs adjudicateurs définis aux articles 10 et 11 de l'ordonnance du
23 juillet 201513 et leur compétence juridique ne suffit
plus. Désormais l'objectif lors de la passation d'un marché
public n'est plus seulement de garantir sa régularité. Ces achats
s'intègrent en effet au sein d'une fonction achat
empruntée à la gestion privée, qui a pour but
« de procurer à l'entreprise les valeurs d'exploitation
»14 qui correspondent à « l'ensemble des
stocks de matières, de produits ou d'emballages appartenant à
l'entreprise et relatifs à son exploitation »15.
Cependant, à la différence du droit privé, les contrats
d'achat public sont des contrats réglementés par des
procédures de mise en concurrence strictes et contraignantes.
La performance. Cette notion est
habituellement absente des réflexions juridiques. Le terme est davantage
employé dans un contexte artistique, sportif ou
économique16. Cette notion est surtout rattachée au
vocabulaire managérial. Le management étant « l'Art de
diriger en prenant en compte les contraintes immédiates sans pour autant
perdre de vue les orientations souhaitables à long terme
»17, la performance est quant à elle l'objectif
principal à ne pas perdre de vue lorsque l'on dirige une organisation.
Les « contraintes immédiates », comme les «
orientations » à long terme ont toutes les deux pour objet la
performance. Cette affirmation ne semble cependant valoir qu'au sein
d'entreprises privées, comme si la performance était une notion
non seulement absente du droit, mais également étrangère
au secteur public.
La notion de performance est polysémique. Elle peut
représenter à la fois, la mesure du résultat d'une action,
l'action en elle-même, une action réussie18. Elle
désigne donc aussi bien l'objectif, que les moyens mis en oeuvre pour
l'atteindre. C'est à dire que la performance
11 M. UBAUD-BERGERON, Droit des contrats
administratifs, op. cit., p. 27.
12 idem.
13 O. n 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux
marchés publics, art. 8.
14 J.-P. DENIS, A.-C. MARTINET, A. SILEM, Lexique
de gestion et de management, op. cit., p. 9.
15 Ibid, p. 621.
16 J. CAILLOSSE, « Le droit administratif contre
la performance publique ? », AJDA 1999, p.195.
17 Web Dictionnaire Alternatives
économiques.
18 H. MAHÉ DE BOISLANDELLE, Dictionnaire
de Gestion, coll. Techniques de gestion, Economica, 1998, p. 319.
16
doit inspirer aussi bien la politique (définition des
objectifs), que la stratégie d'achat (actions mises en oeuvre pour
atteindre les objectifs définis) d'une organisation.
Plusieurs fonctions sont donc reconnues à cette
même notion19. D'abord, les économistes
considèrent que la performance a une fonction
d'objectif20. Cet objectif lie l'efficacité à
l'efficience.
Efficace se dit d'une action, telle que celle d'acheter,
« qui remplit bien sa tâche, qui atteint son but, qui aboutit
à des résultats utiles »21. Une action
efficace est donc capable d'atteindre un objectif préalablement
défini. Tandis qu'une action efficiente, se dit d'une activité
« qui aboutit à de bons résultats avec un minimum de
dépenses »22. A la différence de
l'efficacité, l'efficience s'intéresse donc aux moyens mis en
oeuvre et vise à obtenir le meilleur résultat possible avec les
moyens mis à disposition. Ces deux adjectifs ne doivent pas être
confondus et sont par ailleurs pleinement complémentaires.
Ensuite la performance est un instrument de mesure. Sa
fonction mesure est le corollaire de sa fonction d'objectif.
Il s'agit de la « mesure ex post de résultats obtenus
»23, afin d'exprimer « le degré
d'accomplissement des objectifs poursuivis par une organisation.
»24 Cette mesure doit être effectuée
objectivement, au moyen d'indicateurs25. On préférera
cette approche objective de la performance, plutôt que de voir la
performance comme un véritable jugement de valeur, subjectif, par
rapport à ce qu'on estime être un succès pour une
organisation26. Par contre, la performance en tant qu'action
destinée à l'accomplissement d'objectifs trouvera sa place dans
les développements ultérieurs. Il s'agit en effet de
décrire le processus menant au succès.
La performance a également une fonction de
contrôle. La comparaison des résultats obtenus aux objectifs
préalablement fixés doit également faire l'objet d'une
analyse, qui doit amener à décortiquer l'activité en
question, afin de distinguer les pans défaillants de l'activité,
de ceux fonctionnant de manière optimale, comme le préconisait
William Ouchi27.
19 V. en ce sens : N. BERNARDINI, La
performance et les contrats de la commande publique, Master 2 Droit des
contrats publics et Droit public des affaires, Université
D'Aix-Marseille, 2014, p. 14.
20 Cette vision de la performance est
décrite au sein de : A. DESREUMAUX, Introduction à la gestion
des entreprises, coll. Colin U, Armand Colin, 1992.
21
Larousse.fr
22 Ibid.
23 H. MAHÉ DE BOISLANDELLE, Dictionnaire de
Gestion, op.cit., p. 319.
24 Ibid.
25 Cette vision de la performance est
décrite au sein de : E. M. MORIN, A. SAVOIE, G. BEAUDIN,
L'efficacité de l'organisation - Théories
Représentations et Mesures, Gaëtan Morin éditeur,
1994.
26 H. MAHÉ DE BOISLANDELLE, Dictionnaire de
Gestion, op.cit., p. 319.
27 W. G. OUCHI, « A Conceptual Framework for
the Design of Organizational Control Mechanisms », Management
Science, Vol. 25, N° 9, 1979, pp. 833-848.
17
Finalement, on pourra retenir pour cette étude, que la
performance représente l'objectif principal pour une organisation, dont
la réalisation est directement liée aux indicateurs choisis. Or
ces indicateur doivent permettre d'apprécier la situation - performante
ou non - de l'organisation en question en permettant de se concentrer sur
certains aspects précis de l'activité. Au sein de ces
indicateurs, un certain nombre de sous-objectifs sont prédéfinis
et comparés ex post aux véritables résultats
obtenus. Cette démarche de mesure est en elle-même performante et
doit mener à un certain nombre de conclusions organisationnelles d'une
ampleur plus ou moins grande. Ainsi la performance loin d'être un
« mot éponge » est un ensemble. La performance c'est
une démarche au service d'un objectif. Cependant, il s'agit surtout
d'une exigence pratique, car loin d'avoir sa propre identité juridique,
la source de la performance semble être davantage le bon sens
organisationnel, que le respect d'une obligation.
L'objectif de performance appliqué à
l'achat public. Certes la performance est une démarche au
service de l'efficacité et de l'efficience mais cela ne nous indique pas
pour autant au nom de quel but spécifique la démarche de
performance doit être mise à profit en matière d'achat
public. Ecologie ? Réduction des coûts ? Soutien à
l'économie ? Réputation ? Respect du droit ?
La commande publique a plusieurs objectifs qui sont apparus
progressivement et qu'il faut présenter par ordre chronologique. De
prime abord, la commande publique a pour objet de répondre aux besoins
de l'administration en cherchant à obtenir le meilleur rapport
qualité-prix. Le second objectif de la commande publique est issu du
droit européen. Il s'agit du principe de non-discrimination ou
d'égalité concurrentielle. Enfin, le troisième objectif,
qui est le plus récent a pour objet le développement durable et
repose sur des considérations économiques, sociales ou
environnementales28.
Dès lors, avec autant d'objectifs, la performance doit
être entendue globalement. Ainsi la démarche de performance
s'appliquera à chacun de ces objectifs. Cependant, chacun de ces
objectifs n'est pas entièrement compatible avec les deux autres. De
même, la poursuite de plusieurs objectifs sans une vision directrice,
serait une démarche tout sauf performante.
Il faut un objectif principal qui sans empêcher
l'accomplissement des deux autres, se situera hiérarchiquement au-dessus
d'eux. Or pour une entreprise la performance équivaut à
l'amélioration du rapport entre valeur et coût
pour tendre à une création de valeur maximale.
28 S. THELLIEZ-HUGODOT, La définition de
la commande publique par le pouvoir adjudicateur, Mémoire M2,
Université de Valenciennes et du Hainaut-Cambrésis, 2013.
18
L'achat étant un acte économique par essence,
transposée pour la fonction achat et uniquement pour elle, cette vision
de la performance dans le secteur public ne semble pas incongrue, surtout que
l'objet principal de la commande publique est de répondre aux besoins de
la personne publique. Ainsi un achat public performant désigne le fait
« dépenser moins en améliorant la qualité des
prestations livrées »29.
C'est un parti pris. Il s'agit d'une vision pragmatique de
l'achat public qui n'est pas incompatible avec la poursuite des objectifs.
Seulement, la priorité donnée à ces impératifs de
coût et de qualité protègent les intérêts de
l'Administration, et surtout, contribue à inscrire pleinement
l'Administration dans une économie de marché, c'est à dire
un système économique au sein duquel les agents
économiques, qu'il s'agisse d'entreprises ou d'individus et les
organismes publics, ont la liberté de vendre et d'acheter des biens, des
services ou des capitaux, en agissant en fonction de leurs propres
intérêts30.
Un droit des marchés publics a
évolué loin des considérations performancielles.
En 1256, Saint Louis ordonne à ses officiers de jurer qu'ils
adjugeront tous les contrats d'exploitation du domaine royal en les vendant au
meilleur profit31. C'est la première définition de la
commande publique. L'administration devait donc attribuer le marché au
candidat qui formulait « l'offre de faire la meilleure chose au
meilleur compte »32. Seul le prix avait de
l'importance.
Progressivement cette stratégie d'achat est
critiquée. Le maréchal Vauban en 1686, au milieu du chantier des
fortifications qui ont fait sa renommée, exprime des remontrances au
Ministre de la guerre de Louis XIV, Louvois. Il dénonce alors ce culte
du bas prix et appel déjà de ses voeux, en substance, de choisir
l'offre économiquement la plus avantageuse33.
Malgré ces remontrances, le droit des marchés
publics s'est bien construit sur ces bases, en continuant d'encourager le choix
de l'offre la moins-disante. Il s'agit en effet pour les agents publics de se
limiter à choisir l'offre proposant le prix le plus bas. Cette
construction s'illustre parfaitement par deux lois du 19ème
siècle. L'ordonnance royale du 4
29 F. LINDITCH, « Le contrat et la performance,
une rencontre impossible ? », RFDA 2014, p. 403.
30 A. NACIRI, Traité de gouvernance
d'entreprise, coll. Comptabilité, Presse de l'Université du
Québec, 2011, p. 42.
31 V. en ce sens : X. BESANCON, Essai sur les
contrats de travaux et de services publics, coll. Bibliothèque de
Droit Public, LGDJ, t. 206, 1999.
32 J.-N. GUYOT, Répertoire universel et
raisonné de jurisprudence civile, criminelle, canonique et
bénéficiale, 2e éd., 1784-1785, in F.
ALLAIRE, « Dépasser le droit des marchés publics »,
art. préc.
33 . BLANCHARD, Vauban, Fayard, 2007, in
S. BRACONNIER, Précis du droit des marchés publics,
le moniteur, 2e éd., 2009.
19
décembre 183634, si elle utilise pour la
première fois des mots tels que « concurrence » ou
« publicité », ne s'éloigne pas pour autant de
cette philosophie35.
Cette tendance est un non-sens économique, qui rejoint
un impératif de « protection des deniers publics ».
Cet objectif semble louable au premier abord, mais il se distingue pourtant
d'une vision performancielle de l'achat public. Il faudrait en effet lui
préférer un objectif de « bonne utilisation des deniers
publics ». « Bonne utilisation » et «
protection » sont deux notions proches, qui sont d'ailleurs le plus
souvent confondues, mais la bonne utilisation des deniers publics suppose une
prise en compte de la qualité, parallèlement à celle du
coût lors d'un achat, ce qui n'est pas le cas de la notion de protection
qui se concentre sur la question du prix36.
Pendant plus de 150 ans, les soucis rencontrés au cours
de l'exécution des marchés publics n'ont pas suffit à
permettre une évolution du droit. La comparaison de ces
difficultés, apparaissant lors de l'exécution contractuelle et la
somme extrêmement faible du marché, suffisait pour le choix de
l'offre la moins disante à remporter l'adhésion
générale. La logique de moyen régnait en maître.
Le tournant de la performance publique. Dans
les années 90, plutôt que de réduire la voilure de l'Etat
comme dans les années 80, on cherche à mettre en oeuvre le
« mieux-état ». Une exigence de qualité des
services publics commence à se mettre en oeuvre. Les dettes publiques,
les affaires de corruption et le développement du marché
intérieur européen vont avoir raison de ces pratiques
dispendieuses en matière d'achat public.
Cette exigence de qualité des services publics va
nécessairement atteindre les marchés publics, puisqu'un tel
contrat est contrat administratif qui rappelons-le n'est autre « qu'un
procédé de technique juridique mis à la disposition des
agents publics pour assurer le fonctionnement régulier et continu des
services publics (É). La justification de ce procédé
technique spécial est dans la notion de service public. »37
34 Ordonnance du roi portant règlement sur
les marchés passés au nom de l'Etat, prise en application de
l'article 12 de la loi du 31 janvier 1833 pour l'approvisionnement en
fournitures, la réalisation de biens et de prestations de services pour
le compte de personnes publiques, in A.-A. CARETTE, Lois
annotées: ou Lois, décrets, ordonnances, avis du Conseil
d'État, etc. (1831-1844), Société Anonyme du Recueil
Sirey, t. 2, 1945, pp. 341342.
35 V. en ce sens : P. BEZES, F. DESCAMPS,
L'invention de la gestion des finances publiques : Elaborations et
pratiques du droit budgétaire et comptable au XIXe siècle
(1815-1914), coll. Histoire économique et financière de la
France, Comité pour l'Histoire économique et financière,
2010, pp. 201-208.
36 Ibid.
37 G. JéZE, « Le régime juridique
du contrat administratif », RDP 1945, p. 251.
20
En 1992, la recherche de l'offre économiquement la plus
avantageuse apparaît pour la première fois en droit
européen38, mais c'est seulement en 2001 que le premier Code
des marchés publics eurocompatible apparaît en France et
promeut le choix de l'offre la mieux-disante.
2001 c'est également l'année de la
LOLF39. Cette loi organique va entièrement refonder le droit
budgétaire français et imposer dans l'élaboration des lois
de finances une « logique de performance ». S'inspirant de
la loi américaine de 1993 intitulée Government Performance
and Results Act, la gestion des finances de l'Etat change totalement,
passant d'une logique de moyen à celle de résultat.
L'efficacité de l'action publique, ainsi que son efficience tendent
alors à s'imposer. Plus généralement, depuis plus de
trente ans la simplification et la modernisation de l'action publique par des
réformes telles que la RGPP ou la MAP contribuent à alimenter la
naissance d'une gestion publique performancielle. Aussi, le droit des
marchés publics tente-t-il depuis 2001 de se renouveler autour d'un
nouvel objectif, mais des résistances fondamentales demeurent.
Un droit des marchés publics fondamentalement
non performant. Même si le droit européen a permis au
droit français d'adopter une approche mieux-disante lors d'une
procédure de passation d'un marché public, ce droit ne s'est pas
pour autant fondé sur une exigence de performance pour cela. Par contre,
le droit national des marchés publics, même si il l'exprimait de
manière paradoxale, en exigeant de ne s'intéresser qu'au prix,
avait conscience dès le départ de l'impact de l'achat public sur
les dépenses publiques.
Le droit européen des marchés publics partant du
postulat que les personnes publiques étaient susceptibles de faire des
choix davantage politiques, qu'économiques lors de la passation de ses
contrats d'achat, a soumis les organismes publics à un droit de la mise
en concurrence. De cette façon le principe de libre concurrence pouvait
être respecté et le marché intérieur être
achevé, grâce à la mise en oeuvre effective d'un principe
de nondiscrimination.
Il faut finalement observer qu'un compromis entre les
fondements du droit des marchés publics en droit français et ceux
du droit européen se met progressivement en place. Le Code de 2001 puis
plus explicitement ceux de 2004 et 2006 ont formellement fait découler
les règles de mise en concurrence, d'une exigence d'efficacité de
la commande
38 Dir. 92/50/CEE du conseil du 18 juin 1992
portant coordination des procédures de passation des marchés
publics de services, art. 24.
39 L. organique n° 2001-692 du 1 août 2001
relative aux lois de finances, arts. 48, 51 et 54.
21
publique et de bonne utilisation des deniers publics.
L'illustration de ce compromis purement formel se trouve de nouveau à
l'article 1er de l'Ordonnance de 2015 relative aux marchés
publics40. Les principes fondamentaux de la commande publique,
desquels découlent l'ensemble des règles relatives aux
marchés publics sont donc formellement fondés sur une exigence de
performance.
Cette précision normative reste cependant aujourd'hui
purement théorique, puisque le droit des marchés publics, et par
voie de conséquence l'action concrète des acheteurs publics,
demeure un droit européen qui semble imperméable à une
véritable considération d'efficacité et d'efficience, car
il se focalise sur le bon fonctionnement du marché intérieur.
Il faudrait pourtant achever ce compromis. Le droit des
marchés publics devrait se construire autour d'une exigence de
performance, qui sans ignorer d'autres impératifs tels que le
marché intérieur ou la lutte contre la corruption, pourrait
permettre une prise en compte légitime des intérêts de
l'Administration. Ainsi un droit des marchés publics performant pourrait
naître et l'acheteur public, plutôt que de se focaliser sur la
conformité des procédures de passation aux textes, pourrait
devenir un véritable manager.
La responsabilisation des acheteurs publics : la
performance par un changement du droit. Afin de mettre en place un
achat public performant, il faut donc responsabiliser Ð au sens de la
responsabilité en tant que notion juridique stricto sensu
Ð les acheteurs publics non plus uniquement pour veiller à la
conformité de leurs contrats au droit des marchés publics, mais
aussi quant à l'efficacité et l'efficience de leurs achats. De
même, tant le pouvoir exécutif que le législateur qu'ils
soient européens ou nationaux doivent avoir à coeur de
prévoir des procédures efficaces, simples et permettant un achat
rationnel.
Le droit doit être l'outil de ce renouveau de l'achat.
Aussi une véritable obligation juridique de performance, comme fondement
du droit des marchés publics, permettrait cette responsabilisation des
acheteurs publics. Ces derniers veilleraient alors à élaborer une
politique d'achat public performante, c'est à dire que dans l'exercice
de sa fonction achat, la collectivité publique devrait établir
certains objectifs de performance précis, qui seraient sources de
véritables économies.
40 O. n 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux
marchés publics, art. 1er : « Les marchés publics soumis
à la présente ordonnance respectent les principes de
liberté d'accès à la commande publique,
d'égalité de traitement des candidats et de transparence des
procédures. Ces principes permettent d'assurer l'efficacité de la
commande publique et la bonne utilisation des deniers publics. »
22
De plus, avec une obligation de performance fondamentale
à respecter, le droit des marchés publics, qu'il soit
élaboré par les instances européennes et nationales,
deviendrait de fait moins contraignant et la liberté contractuelle, sans
pour autant devenir illimitée, serait revalorisée. La rencontre
de l'offre et de la demande serait alors optimisée et les acheteurs ne
se focaliseraient plus uniquement sur l'exigence de sécurité
juridique, pour devenir non plus seulement des juristes, mais de
véritables managers de l'achat public.
L'avènement du management de l'achat public :
la performance par un changement des pratiques d'achat. Une fois la
politique d'achat mise en oeuvre, on peut enfin s'interroger sur la mise en
place concrète de techniques, procédures et autres comportements
destinés à l'accomplissement des objectifs préalablement
définis. Vient donc le temps d'une vision stratégique de l'achat
permise par de nouvelles pratiques plus performantes.
Ce renouvellement Ð suffisant Ð des pratiques
nécessite la conceptualisation juridique de la notion de performance en
tant que véritable obligation, ainsi que son élévation au
statut de fondement du droit des marchés publics. Néanmoins,
cette refondation semble peu probable à court terme, au regard de la
récente refondation du droit de la commande publique initiée par
les directives européennes de 201441, l'ordonnance relative
aux marchés publics de 201542 et le décret
d'application de ladite ordonnance de 201643.
Il est regrettable qu'à l'heure d'une refondation de ce
droit, la performance ne se soit pas imposée pleinement. Pour autant,
sans être optimale, l'évolution permise par l'émergence de
nouvelles techniques, grâce à l'aval des nouveaux textes, va dans
le bon sens. Au coeur de ces textes, des techniques en provenance du secteur
privé ou entièrement publiques ont en effet été
permises, voire encourager à l'image de la
dématérialisation, du sourcing, du coût du cycle de vie ou
du recours à la négociation qui a été
étendu. L'acheteur public se transforme peu à peu en un
véritable manager, même si des efforts doivent encore être
fournis.
Plutôt que de s'imposer par le haut, la performance est
donc mise en oeuvre par le bas, par la pratique, de manière
concrète au niveau des acheteurs et le droit prend en compte à
41 Dir. 2014/24/UE du 26 février 2014 sur la
passation des marchés publics ; Dir. 2014/25/UE du 26 février
2014 relative à la passation de marchés par des entités
opérant dans les secteurs de l'eau, de l'énergie, des transports
et des services postaux ; Dir. 2014/23/UE du 26 février 2014 sur
l'attribution de contrats de concession.
42 O. n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux
marchés publics.
43 D. n° 2016-360 du 25 mars 2016 relatif aux
marchés publics.
23
posteriori certains de ces changements. Ce
procédé était le plus réaliste et permettra
peut-être un jour à la performance de s'imposer comme nouveau
paradigme de l'achat public.
Le problème d'une telle évolution est qu'elle
génère un manque de cohérence et d'efficacité
retardant l'implantation d'une vision performante. L'importation de la
performance ne sera pas optimale. Autrement dit, elle ne sera pas
elle-même performante. La performance de l'achat public est, au
même titre que l'achat, un objet de politique publique. Il faut donc que
la politique publique consistant à rendre l'achat performant, soit elle
même performante.
Problématique. C'est donc en ayant
conscience que la performance doit agir à deux niveaux pour permettre
aux pouvoirs adjudicateurs d'acheter de manière performante, qu'il faut
se demander comment la reconnaissance juridique de la performance
permettrait-elle de venir à bout des difficultés que rencontrent
les acheteurs publics lors de l'élaboration d'une stratégie
d'achat efficace et efficiente ?
Plan du mémoire. A cette question il
convient de répondre que la notion juridique de performance doit prendre
la forme d'une obligation afin de définir une politique d'achat
performante (Partie 1), et ainsi encourager l'acheteur public
à se responsabiliser pour mettre en place une stratégie d'achat
performante (Partie 2).
24
Partie 1: La nécessaire consécration d'une
identité
juridique pour la performance de l'achat public
Plan. Définir une politique d'achat
performante revient à fixer des objectifs pour l'acheteur. Certes
l'objectif principal pour ce dernier est d'être performant, mais comment
rendre cet objectif effectif ? Pour cela il faut avant tout qu'il se sente
obligé de l'être. L'émergence d'une obligation de
performance devient donc essentielle pour guider ensuite les acheteurs publics
dans l'élaboration de leur stratégie d'achat qui vise quant
à elle à permettre l'accomplissement de cet objectif de
performance de l'achat public.
La difficulté de la consécration juridique de la
performance réside dans le fait que la performance est d'une part un
concept économique, qui d'autre part s'inscrit à l'origine dans
le secteur privé. De plus, lorsqu'elle est inculquée à
l'achat public, celle-ci doit nécessairement s'entendre globalement. Il
demeure pourtant que le droit des achats publics évolue en prenant appui
sur une exigence fondamentale, qu'il reste à définir.
Il vient que l'incorporation de la performance au droit des
marchés publics, suppose au préalable de prendre conscience des
enjeux d'une telle définition. En premier lieu, du fait de sa nature
publique, l'obligation juridique de performance implique de dépasser
l'inadéquation fondamentale entre droit public et performance. En second
lieu, pour définir cette obligation de performance, il faudra être
attentif à ne pas laisser l'objectif de performance se globaliser
à l'excès, en encourageant un achat à la croisée
des intérêts de la société, de l'environnement et de
l'Administration. (Chapitre 1).
La performance économique trouve son origine dans la
modernisation de l'Etat qui a directement impacté la droit financier
public. De même, le principe de libre concurrence a progressivement
démontré qu'il ne servait pas uniquement l'objectif
d'achèvement du marché intérieur, mais bien une meilleure
utilisation des deniers publics, en garantissant l'efficacité de la
commande publique. Aussi avec de tels fondements, il est judicieux de
s'interroger sur les contours que pourrait adopter une obligation de
performance de l'achat public si elle devait un jour apparaître
explicitement dans le droit positif (Chapitre 2).
25
Chapitre 1 : Les enjeux de la conceptualisation
juridique de la performance
Plan. Dans la perspective de définir
juridiquement la performance de l'achat public, il semble primordial de poser
un cadre à cette réflexion. D'abord, un achat public efficace et
efficient revient à imposer un objectif de performance à l'action
publique, ce qui implique une compatibilité entre le droit administratif
et cette exigence, au moins en ce qui concerne la fonction achat de
l'Administration (Section 1).
Mais ce n'est pas le seul enjeu auquel il faut faire face. La
performance de l'achat public s'entend globalement en raison du
développement durable que les personnes publiques doivent servir. Cela
suppose de parvenir à un achat équitable qui sera efficace tant
pour la société et l'environnement, que pour le pouvoir
adjudicateur (section 2).
Section 1. Une performance publique
Plan. Bien que la modernisation de l'Etat
soit en marche, la nature réfractaire à toute performance du
droit administratif demeure (I). La spécificité
des contrats publics d'achat permet cependant une rencontre de la performance
et du droit applicable à l'Administration (II)
I. L'idée contre-nature d'une gestion publique
performante
Plan. Le droit administratif semble
réfractaire à toute gestion publique performante
(A), pourtant une gestion publique performante va finir par
s'imposer (B).
A. Le droit administratif, un droit réfractaire
à l'idée de performance
La performance réduite au statut de
donnée scientifique. La gestion publique se définit
comme « l'ensemble de pratiques ou de connaissances théoriques
ou techniques relatives à la conduite des organisations
»44, qui sont en l'occurrence publiques. Il s'agit donc,
au premier abord, davantage de « science administrative »
que véritablement de « droit
44 P. BEZBAKH, S. GHERARDI, Dictionnaire de
l'économie, coll. À présent, Larousse, 2011, p.
358.
26
administratif » 45. Les deux
matières sont initialement distinctes46. Pourtant, l'analyse
du droit administratif renferme nécessairement une réflexion
autour de l'Administration en tant qu'entité47, voire
même le supplante pour devenir véritablement le « droit
de l'action publique »48.
Il reste que les réflexions autour de la prise en
compte d'une exigence de performance dans le fonctionnement des administrations
restent néanmoins le plus souvent réservées à la
science administrative. L'évaluation des performances des politiques
publiques, telle que la performance de l'achat public, n'est pas
juridique49. Le droit administratif semble donc impropre à
accueillir de telles exigences. Dès lors, les réflexions autour
du rendement ou de l'efficacité de l'action administrative restent
résiduelles50.
Le constat : la performance, un objectif secondaire
pour le droit administratif. « Le droit administratif
français n'a jamais eu le rendement pour préoccupation centrale.
»51 Le meilleur exemple de cette opposition farouche est le droit de
la fonction publique. Il se pose en effet la question depuis plusieurs
années de l'instauration d'un « véritable management de
la fonction publique »52, mais celui-ci doit faire face
à plusieurs obstacles statutaires comme « la
sécurité de l'emploi (É), le régime disciplinaire
inadapté aux exigences d'une gestion dynamique des ressources humaines
ou le système de la notation indifférent à la
nécessaire rétribution des mérites (É), etc.
»53.
A côté de ces réflexions autour du
management de la fonction publique, d'autres difficultés juridiques ont
été rencontrées par les personnes publiques, notamment
pour valoriser leurs propriétés avec la règle de
l'inaliénabilité du domaine public, ou pour faire coïncider
le principe de libre concurrence européen avec la notion de puissance
publique. C'est ce qui a pu faire dire respectivement aux professeurs
Chevallier et Caillosse que le droit
45 J. CAILLOSSE, « Le droit administratif contre
la performance publique ? », AJDA 1999, p.195.
46 A.-F. VIVIEN, « Les études
administratives », 1845, in P. CHRETIEN, N. CHIFFLOT, M. TOURBE,
Droit administratif, coll. Université, Sirey, 14e
éd.,2014.
47 J. CAILLOSSE « Sous le droit administratif,
quelle(s) administrations(s) : réflexion sur l'enseignement actuel du
droit administratif », Mélanges Gustave Peiser, coll.
Droit public, P.U.G. Grenoble, 1995, p. 63.
48 P. CHRETIEN, N. CHIFFLOT, M. TOURBE, Droit
administratif, op. cit., p. 41.
49 J. Caillosse, « Le droit administratif contre
la performance publique ? », art. préc.
50 Ibid.
51 Ibid.
52 Ibid.
53 Ibid.
27
administratif était un « îlot à
part dans la société »54 et un «
pôle de résistance »55 à toutes
avancées des préoccupations relatives à la performance.
Cette résistance devrait avoir pour conséquence
de garantir le règne de la bureaucratie, en tenant l'entreprise
privée à l'écart de la gestion de l'intérêt
général. Il peut ainsi être observé une distinction
stricte des principes de gestion privée et publique56, qui
illustre la difficile appréhension de la performance par le droit
administratif.
Les raisons de la difficile appréhension
juridique de la performance par le droit administratif. « Le
droit administratif tend ainsi à être perçu comme un
ensemble de règles rigides et obsolètes, bloquant l'indispensable
modernisation administrative et freinant le dynamisme économique et
social È57. A l'origine de cette difficile
appréhension on trouve nécessairement la définition du
droit administratif.
Ce droit peut se définir, au sens large, comme le droit
de l'Administration, comprenant l'ensemble des règles de droit relatives
à son activité58. En retenant une telle conception,
les principes de gestion publique pourraient alors s'inscrire dans le champ
d'application de ce droit qui devrait s'adapter aux exigences de gestion, telle
que la performance.
C'est cependant une conception bien plus restrictive qui
triomphe habituellement59. Dans un sens plus circonscrit, le droit
administratif se définit par défaut. Il correspond en effet
à l'ensemble des règles dérogatoires du droit
privé. La pénétration du droit administratif par des
exigences du secteur privé semble alors exclue par essence. Le droit
administratif est exorbitant et rien qu'exorbitant. Son autonomie suppose qu'il
se façonne lui-même. Ses sources juridiques lui sont propres.
Aussi les fondements existants, qui composent le socle de ce droit en
deviennent des obstacles obligés à toute nouvelle notion. Or la
performance est une notion qui est au départ économique, propre
à la gestion privée et au service du profit des entreprises.
Celle-ci ne semble pas armée, en théorie, pour intégrer le
corpus des règles administratives. C'est donc bien l'exorbitance du
droit public qui fait en théorie obstacle à une prise en compte
de la performance, puisque celui-ci se défini par opposition à
l'entreprise
54 J. CHEVALLIER, « Changement politique et
droit administratif », in Les usages sociaux du droit, PUF, 1989,
pp. 293-326.
55 J. CAILLOSSE, « Le droit administratif contre
la performance publique ? », Art. préc.
56 J. CHEVALLIER, « Changement politique et droit
administratif », Art. préc.
57 Ibid.
58 Ibid.
59 R. CHAPUS, Droit Administratif,
Montchrestien, coll. Domat, t. 1, 15e éd., 2001.
28
et au marché. Il puise sa raison d'être au sein
de la distinction public-privé, alors qu'il ne devrait s'agir que
« d'un univers mental »60 , d'un dualisme
« superficiel » et non d'une dissociation pouvant se
vérifier matériellement.
La nécessité de dépasser la
distinction entre secteur privé et secteur public. Il faudrait
donc se contenter théoriquement d'une approche purement gestionnaire de
la performance publique sans cesse freinée par les résistances du
droit administratif, car comme le souligne Jacques Chevallier en parlant de
l'Administration « l'amélioration de ses performances et de ses
résultats (passe) par la mise en cause de ses privilèges et par
sa soumission au droit commun. »61 Ainsi cette nouvelle
démarche de performance revient certes à s'inspirer des
méthodes du secteur privé, mais implique également une
soumission à certaines règles de droit privé.
En dépit de ce que peut affirmer le professeur Linditch
qui soutient que « le droit peut toujours évoluer (É)
cette quête de la performance suppose surtout que soit diffusée
une nouvelle culture financière et budgétaire dans tous les
services, techniques, mais également juridiques
»62, c'est bien la conceptualisation juridique de la
notion de performance qui permettra une prise en compte, elle même
efficace, des exigences qu'elle suppose.
La première condition d'un tel changement est
l'évolution vers une autre conception du droit administratif, en
renouvelant ses fondements et derrière ceux-ci, la conception même
de l'Etat, puisque le droit administratif a ceci de « miraculeux
»63, qu'il est produit par l'Etat qui s'y soumet
lui-même ensuite (B).
B. La modernisation de la gestion publique
Le nécessaire renouvellement du droit
applicable aux administrations. La performance, en tant que notion non
plus économique mais juridique, ne pourra être
théorisée qu'au sein du « droit commun
»64, au sens d'un droit mixte, rassemblant l'ensemble des
règles applicables aussi bien à l'Administration, qu'aux
particuliers, renonçant ainsi à une
60 J. CAILLOSSE, « Le droit administratif contre
la performance publique ? », art. préc.
61 J. CHEVALLIER, « Changement politique et droit
administratif », art. préc.
62 F. LINDITCH, « Le contrat et la performance,
une rencontre impossible ? », art. préc.
63 P. WEIL, D. POUYAUD, Le droit
administratif, coll. Que sais-je, PUF, 24e éd., 2013.
64 C. EISENMAN, « Droit public, droit
privé », in C. EISENMANN, Ecrits de théorie du
droit, de droit constitutionnel et d'idée politique, Textes
réunis par C. LEBEN, éd. Panthéon-Assas, 2002, p. 94 et
s.
29
quelconque « autonomie » du droit
administratif, qui ne serait qu'un « dogme faux
»65 comme le remarquait le professeur Eisenmann.
Le prérequis consistant à dire que
l'Administration est soumise uniquement à « un corps de
règles ayant son propre système de sources
»66 ne serait donc plus retenu. Aussi en
considérant le droit administratif comme n'étant pas autonome, la
pénétration d'une exigence tenant davantage à la gestion
privée ne serait alors plus qu'une question de volonté, puisque
faire valoir une incohérence entre cette exigence et les fondements du
droit administratif deviendrait inutile. Si cette question conceptuelle et
très théorique, peut sembler superflue, elle est pourtant
centrale au regard de l'inadéquation empirique des principes du droit
administratif avec une vision performancielle de l'action administrative. Cette
conception ne suivrait plus la dichotomie classique de notre ordre
juridique.
Au regard, de l'évolution de la gestion publique, une
révolution est en marche puisque le renouveau de cette matière
pousse progressivement le droit encadrant l'action publique, à la prise
en compte d'exigences inspirées de la gestion privée. L'Etat et
ses services publics se modernisent.
Vers une réduction de la place de l'Etat: De
1945 à 1990. La modernisation de l'Administration est une
préoccupation qui date du lendemain de la libération. Depuis
1945, les priorités pour l'Administration, dans le cadre de cette
rénovation, ont évoluées et cette recherche d'efficience a
varié dans son objet au rythme des évolutions du rôle de
l'Etat tant socialement, qu'économiquement67. D'abord il
s'est agit de reconstituer le lien social (IVe République),
ensuite il a fallu garantir le dynamisme des activités
économiques ayant « le caractère de service public
national »68 (Début de la Ve
République), puis ce fut au tour du lien entre usagers et services
publics de faire l'objet d'un renforcement (Années 60), qui aboutit
à la création des premières autorités
administratives indépendantes, dans les années 70 (CNIL et
CADA).
A partir des années 80, et suites aux
difficultés économiques qui ont suivies les deux chocs
pétroliers des années 70, l'Etat a dû soutenir
l'économie et accompagner socialement le chômage de masse, le
plaçant dans une situation budgétaire et financière
préoccupante. La réforme administrative va alors se muer en une
véritable réforme de l'Etat. Elle a pour
65 C. EISENMAN, « Un dogme faux : l'autonomie
du droit administratif », in Ecrits de droit administratif,
Textes réunis par N. CHIFFLOT, Dalloz, 2013, p. 452.
66 Y. GAUDEMET, A. de LABAUDERE, Traité de
droit administratif, T. 1, LGDJ 16e éd., 2001.
67 G. J. GUGLIELMI, G. KOUBI, Droit du service
public, coll. Domat, Montchrestien, 3e éd., 2011, p.
78.
68 Préambule de la Constitution du 27 octobre
1946, al. 9.
30
objectif l'efficacité de l'Etat et des services
publics, en réponse à la nécessité de
réduire le déficit budgétaire, en limitant les
dépenses de l'Etat, ou en tout cas, en les rationalisant.
Progressivement « l'Etat régulateur »
va s'imposer au dépend de « l'Etat providence »,
rejoignant ainsi une conception libérale du marché qui se
développe à la même période en Europe.
L'interventionnisme social et économique de l'Etat s'en trouve
réduit, au profit de la régulation de secteurs
économiques, autrefois directement géré par l'Etat. Il
s'ouvre alors une période de privatisation d'un certains nombre
d'activité et de services publics, entre 1986 et 1988, sous la houlette
d'Edouard Balladur, ministre de l'économie du gouvernement de Jacques
Chirac. Finalement, ces balbutiements autour des frontières de l'Etat,
portent en eux une volonté de changement de gestion du service
public.
Une réflexion sur la qualité des
services publics : des années 90 à nos jours. Ainsi,
à partir des années 90 un discours sur les moyens d'aboutir
à un « mieux de l'Etat » va prendre de l'ampleur,
avec un objectif de « qualité »,
sous-jacent69. A la suite d'un rapport de mai 199470, une
circulaire fut prise en 1995 par Alain Juppé alors Premier
Ministre71. Elle avait pour objet de clarifier les missions de
l'Etat, de déléguer des responsabilités, etc. Mais
surtout, cette circulaire posait comme objectif : la rénovation de la
gestion publique. Dès lors, c'est bien la recherche de performance des
services publics qui est ici visée. Ce texte, concernait essentiellement
la modernisation de la gestion des fonctions publiques, mais formalise une
prise de conscience générale. Le paradigme change. Il ne s'agit
plus de raisonner sur les défaillances du marché
nécessitant un interventionnisme étatique, mais bien sur les
défaillances de l'Etat lui-même qu'il faut
résoudre72.
La solution à ces défaillances consiste alors
à importer dans le secteur public les méthodes de gestion du
secteur privé, afin d'augmenter l'efficacité concernant les
« processus de production »73 des services
publics. Cette nouvelle forme de « privatisation »
concernait la gestion publique des ressources humaines et tentait de
résoudre la crise de délimitation entre les secteurs public et
privé74.
69À l'image du Rapport de la Commission
présidée par Y. CANNAC, La qualité des services
publics, La Doc. fr., 2004.
70 M. PICQ, L'Etat en France : servir une
nation ouverte sur le monde, Rapport au Premier ministre, La Doc. fr.,
1994.
71 Circ., 26 juillet 1995 relative à la
préparation et à la mise en oeuvre de la réforme de l'Etat
et des services publics.
72 M. BACACHE-BEAUVALLET, Où va le
management public ?, coll. Positions, Terra Nova, pp. 14-15.
73 Ibid., p. 10.
74 V. en ce sens : R. LAUFER et A. BURLAUD,
«Management public«, gestion et légitimité,
Dalloz, 1980.
31
Place au nouveau management de l'achat public.
Ces réflexions tenant à la rénovation de la
gestion publique se rejoignent au sein de la notion plus large de «
new management public » qui se défini comme «
l'ensemble des processus de finalisation, d'organisation, d'animation et de
contrôle des organisations publiques visant à développer
leurs performances générales et à piloter leur
évolution dans le respect de leur vocation »75. Il
s'agit de la gestion des agents publics (notion de mérite,
l'individualisation des rémunérations, l'appréciation du
personnel sur la base des entretiens annuels d'évaluation, etc.), de la
gestion financière et comptable (analyses en termes de «
coûts - performances » des activités). Il faut
également ajouter la prise en compte du développement durable
puisque l'objectif de performance s'est globalisé76. Ces
trois sous-ensembles devant aller dans le sens d'une réduction des
coûts77.
Lorsque l'on met bout à bout les objectifs
d'externalisation et d'efficience interne des services publics, il
apparaît une nouvelle problématique : la performance des contrats
de la commande publique. La question de l'efficacité d'une
externalisation d'un service public, sous forme de délégation
contractuelle, n'est pas ici questionnée et a déjà fait
l'objet de réflexions quant aux garde-fous nécessaires à
sa mise en place78. Pour autant, l'achat public doit lui-même
faire l'objet d'une réflexion sur son efficacité, afin que la
réforme de l'Etat puisse un jour aboutir. L'heure est donc au nouveau
management de l'achat public. Ainsi après s'être concentré
sur l'efficacité des services publics quant à leur «
production », il est désormais temps de s'interroger sur
l'efficacité de ces services publics quant à leur «
consommation », prérequis nécessaire à toute
« production ». Surtout que l'achat public semble pouvoir
être le domaine où l'alliance entre performance et secteur public
pourrait avoir lieu sur le terrain non plus gestionnaire, mais bien juridique
(II).
75 A. BARTOLI, « Le management dans les
organisations publiques », Dunod, coll. Management public, 2e
éd., 2005, p. 98.
76 V. infra.
77 Y. PESQUEUX « Le "nouveau management
public» (ou New Public Management) », 2006. En ligne :
http://hal.archives-ouvertes.fr/docs/00/51/08/78/PDF/Lenouveaumanagementpublic.pdf.
78 V. en ce sens : J.-P. COLSON, P. IDOUX,
Droit public économique, coll. Manuel, LGDJ, 7e
éd., 2014, pp. 269-272.
32
II. « La rencontre »79 naturelle de la
performance et du contrat
d'achat public
Plan. Le marché public est un contrat
formalisant une relation de collaboration avec un opérateur
économique ayant pour objet de répondre aux besoins de
l'Administration par l'achat de biens, de services ou de travaux. Dès
lors, tant la forme contractuelle (A), que la nature
économique de cette collaboration (B), doivent
permettre la prise en compte d'une exigence de performance par l'achat public,
même s'il s'inscrit dans le cadre d'une gestion publique.
A. Le contrat, un outil de performance publique
Le contrat, l'acte juridique à « la
mode »80, au même titre que la performance.
Le contrat a « une valeur symbolique
»81, puisqu'il représente l'outil juridique servant
une gouvernance consensuelle, à l'opposée de la gestion
autoritaire. Il faut noter une véritable « ascension »
du contrat comme mode d'action publique82, au dépend de
l'acte unilatéral, qui demeure malgré tout, en principe, le mode
d'action de l'Administration83. Le contexte politique et
économique a en effet poussé l'Etat à mettre de
côté le dirigisme centralisateur qui le caractérisait, au
profit de la négociation. De même, la décentralisation et
la pénétration du droit anglo-saxon au sein de notre
système juridique ont contribué également à faire
la part belle au contrat. Enfin la reconnaissance constitutionnelle de la
liberté contractuelle des personnes publiques84, a
achevé de rénover la place de l'outil contractuel. En revanche,
le recours au contrat pour subvenir aux besoins de l'administration est un
domaine d'intervention « classique » du contrat, qui prend
la forme d'un marché public dont la réglementation a
été saisie par le droit de l'Union Européenne.
Le contrat permet « d'inciter sans contraindre
». Cette façon « consensuelle et partenariale
d'administrer »85 donne lieu à une action publique
davantage horizontale, prenant à contre-pied la vision pyramidale
attachée classiquement au secteur publique. Or
79 Librement inspiré de : F. LINDITCH, «
Le contrat et la performance, une rencontre impossible ? », art.
préc.
80 J. MORAND-DEVILLER, Droit administratif,
coll. Cours, Montchrestien, 12e éd., 2011, p. 384.
81 Ibid.
82 Conseil d'Etat, Le contrat, mode d'action
publique et de production de normes, Rapport public, EDCE
n°59, La Doc. fr., 2008, p. 17.
83 Le caractère exécutoire des
décisions administratives demeure en effet « la règle
fondamentale du droit public » (CE, 2 juillet 1982, Huglo,
req. nos 25288 et 25323).
84 Cons. const., 30 nov. 2006, n° 2006-543 DC,
L. relative au secteur de l'énergie.
85 J. MORAND-DEVILLER, Droit administratif,
Op. cit., p. 384.
33
c'est précisément ce mode bureaucratique qui
résiste au dogme de la performance et la fonction publique en est la
parfaite illustration. Ainsi le « mode contractuel »
devient-il à la « mode » et semble davantage
propice à être regardé par le prisme de la performance.
D'ailleurs, ce n'est pas un hasard si dans une optique de performance la
nouvelle gestion des agents publics se tourne vers l'outil contractuel, comme
lorsqu'il s'est agit de valoriser économiquement des ressources
publiques telles que le domaine public ou privé.
Le contrat est l'instrument de l'efficacité.
Le succès du contrat témoigne donc de son
efficacité. Le contrat va de paire avec une « vision
stratégique ». C'est ce qui est exprimé en substance
par la Vice-Président du Conseil d'Etat, dans son
éditorial86 introduisant le rapport de 2008
précité. Pour lui, grâce au contrat, la puissance publique
exprime et hiérarchise ses besoins puis définis « les
moyens les plus appropriés pour y parvenir ». Cette nouvelle
stratégie doit permettre de répondre aux besoins du public avec
souplesse, efficacité et au meilleur coût. Autrement dit, le
contrat doit permettre la performance.
Partant, qu'une politique publique peut être
définie comme « un programme d'action propre à une ou
plusieurs autorités publiques ou gouvernementales.
»87, le contrat est au service de la réussite de
celles-ci88.
Mais surtout, la modernisation de l'Etat et de ses services
publics va souvent de paire avec l'utilisation du contrat89. Afin de
parvenir à une nouvelle gestion publique, une nouvelle façon de
mettre en oeuvre les politiques publiques est élaborée. Les
contrats de performance furent alors mis en place dans les années
9090. La forme contractuelle est donc
préconisée91 au côté de d'autres outils
pour rénover la gestion publique.
Le contrat, comme support de l'échange
marchand. C'est la fonction la plus ancienne de
l'Administration92. Encore aujourd'hui, les achats des personnes
publiques
86 J.-M. SAUVÉ, « Pour un
développement maîtrisé du contrat », Éditorial,
in Conseil d'Etat, Le contrat, mode d'action publique et de
production de normes, Rapport public, op. cit., p. 8.
87 J.-C. THOENIG, « L'analyse des politiques
publiques », in Traité de science politique, J. LECA et M.
GRAWITZ (dir.), PUF, 1985.
88 V. en ce sens : M. KARPENSCHIF, « Le
contrat au service des politiques publiques : Contrat public et Union
européenne », RFDA 2014, p. 418.
89 C. POLLITT, G. BOUCKAERT, Public Management
Reform. A comparative analysis, Oxford University Press, 2000.
90 Circ. 23 février 1989 relative au renouveau
du service public.
91 V. en ce sens : R. FAUROUX, B. SPITZ,
État d'urgence, réformer ou abdiquer : le choix
français, Robert Laffont, 2005.
92 Déc. 10 brumaire an IV
34
régissent la vie quotidienne des administrations et
leur permettent de se donner les moyens de leur action. Or le contrat permet de
« mobiliser les savoir-faire et les financements qui font
défauts à la puissance publique »93. Aussi
il est évident que pour subvenir aux besoins de l'Administration, le
mode contractuel est aussi bien inévitable, qu'essentiel. Cette place
prépondérante fait des marchés publics, un enjeu majeur de
l'action publique.
L'efficacité de la contractualisation en vue
d'un achat. Malgré son utilité naturelle pour une
gestion performante de l'Administration, cet outil contractuel doit encore
être « maîtrisé »94, selon les
termes du Vice-Président du Conseil d'Etat. Ce dernier considère,
d'une part, que ce procédé doit être utilisé
à bon escient, par des agents publics sensibilisés à ce
mode d'action. D'autre part, il faut l'encadrer par des règles afin
qu'il soit conforme aux directives européennes. Or, si l'on se plie
à ces vérifications, il apparaît que le contrat
étant l'outil des échanges marchands, il est forcément
utilisé à bon escient lorsqu'il est destiné à
l'achat. De plus, la transposition récente des dernières
directives européennes a permis une incorporation des règles de
la commande publique européenne en droit français. Cependant, il
désormais indispensable de s'intéresser à l'utilisation
optimale du contrat par les agents publics.
Autrement dit, une fois que l'on sait que le mode consensuel
est le plus adapté à une action, il vient immédiatement la
seconde problématique à savoir comment contracter efficacement,
tant concernant la passation, la définition du contenu,
l'exécution ou le contentieux contractuel. Ainsi le contrat,
après avoir été l'outil d'accomplissement des politiques
publiques, devient lui-même l'objet d'une politique publique.
Les limites de l'utilisation du contrat suivent les
frontières de la performance publique. La liberté
contractuelle n'étant pas absolue, il existe des limites à cette
contractualisation. Les domaines dits « régaliens »
lui sont fermés, au même titre que la performance.
Concernant les limites du contrat, le juge constitutionnel a
posé une interdiction très nette de déléguer des
missions de souveraineté à des personnes
privées95, même s'il semble de plus en plus
conciliant96. Le Conseil d'Etat quant à lui ne parle pas de
mission de
93 Conseil d'Etat, Le contrat, mode d'action
publique et de production de normes, Rapport public, op. cit.
94 J.-M. SAUVÉ, art. préc.
95 Cons. Const., 26 juin 2003, n° 2003-473 DC, L.
habilitant le Gouvernement à simplifier le droit.
96 Cons. Const., 22 mars 2012, n° 2012-651 DC, L.
de programmation relative à l'exécution des peines.
35
souveraineté mais nous dit qu'il est interdit aux
personnes publiques de contracter à propos de l'exercice du pouvoir de
décision unilatérale97. Enfin le contrat est interdit
en matière de police administrative. Ainsi, il est notamment interdit
d'exercer une mission de police au moyen du contrat98.
De la même façon, à propos cette fois-ci
de la performance, Gil Desmoulin considère très justement que
« la recherche de performance de certaines politiques publiques n'est
pas une fin en soi notamment parce que les missions régaliennes ont une
utilité qui va au-delà de l'utilité matérielle. En
raison de leur dimension politique ou stratégique, elles ne peuvent pas
être « sacrifiées » sur l'autel de la performance. En
conséquence, il est parfois indispensable d'accepter la non-performance
ou la contre-performance des politiques publiques. »99
L'utilisation du contrat et la mise en oeuvre d'une gestion
performante semblent donc avoir un périmètre d'action
équivalent. Pour l'un, comme pour l'autre, cette limitation commune
s'explique par leur nature. D'abord, comme la relation contractuelle
crée des droits pour chaque partie, il semble inenvisageable de passer
par le contrat pour une mission de police, puisque l'autorité de police
verrait alors nécessairement ses prérogatives limitée,
paralysant du même coup cette mission de service public100. Ce
même syllogisme peut être employé pour expliquer
l'indispensable acceptation de la non-performance quant à certains
services publics, puisque « le souci légitime d'efficience de
l'administration ne doit pas conduire à l'abandon ou à la
paralysie de l'action administrative. »101
Le contrat, comme la performance, sont ainsi deux notions,
l'une juridique et l'autre économique qui sont interconnectées.
Aussi contrat et performance peuvent à nouveau se rencontrer, cette fois
plus spécifiquement au sein de la fonction achat de
l'Administration. Cette collaboration entre personnes privées et
publiques correspond en effet à une des relations que peut entretenir
l'Administration avec le monde économique102
(B).
97 CE, 30 sept. 1983, Féd.
départementale des associations agrées de pêche du
Dépt. de l'Ain, nos 31875 et autres.
98 CE, 8 mars 1985, Association les amis de la Terre,
n° 24557.
99 G. DESMOULIN, « La recherche de la
performance des politiques publiques. De l'illusion à la raison ?
», AJDA 2013, p. 894.
100J. MOREAU « De l'interdiction faite
à l'autorité de police d'utiliser une technique d'ordre
contractuel. Contribution à l'étude des rapports entre police
administrative et contrat », AJDA 1965.
101 G. DESMOULIN, « La recherche de la performance des
politiques publiques. De l'illusion à la raison ? », art.
préc.
102 S. NICINSKI, Droit public des affaires, coll. Domat,
LGDJ, 4e éd., 2014, p. 507.
36
B. L'achat public : un acte économique saisie
par l'exigence de performance
L'achat public, un acte économique régit
par le droit public de l'économie. L'économie recouvre
aussi bien les activités de production, de distribution, que de
consommation des richesses. L'achat public se rapportant au volet «
consommation » de l'économie, l'achat est un acte
économique. L'Administration intervient donc à ce titre sur le
marché. Les pouvoirs adjudicateurs vont donc être autant soumis
à la libre concurrence au même titre que n'importe quel autre
opérateur économique.
Cependant, le droit de l'Union Européenne a toujours
considéré que les acheteurs publics n'avaient pas un comportement
normal sur un marché, c'est à dire que dans certains cas ils
pouvaient être guidés par des choix non-économiques. La
crainte de l'Union Européenne est que les Etats membres favorisent leurs
entreprises nationales. C'est notamment pour cette raison que le droit
administratif français a été « saisi par
la
concurrence »103.
Paradoxalement, ces procédures de mise en concurrence
et de publicité signifient aussi que l'Etat « choisit de
réduire son altérité et de se penser dans les formes
communes de l'entreprise. »104 Le lien entre l'Etat et
l'économie s'en trouve restauré. A l'austérité
vis-à-vis du marché et de sa « logique dégradante
»105 va succéder une logique partenaire entre le
droit et l'économie, à tel point que l'Etat va se voir contraint
de se réaliser « lui aussi, sur le terrain de
l'économie. »106
La nature économique de l'achat suppose une
lecture performancielle des procédures qui s'y rattachent.
« Si les indicateurs financiers sont essentiels dans un cadre
privé, ce n'est pas le cas pour le secteur public. Sauf dans
l'hypothèse d'activités industrielles et commerciales
»107 Or les marchés publics sont
précisément le support d'une activité commerciale des
personnes publiques. Il apparaîtrait donc logique qu'en matière
d'achat, l'exorbitance laisse place à la performance.
Cette nouvelle conception juridique s'inscrit au sein du droit
public de l'économie qui correspond à « la partie du
droit public (qui régit l'action des personnes publiques), qui
103 J. CAILLOSSE, « Le droit administratif français
saisi par la concurrence ? », AJDA 2000, p.99.
104 Ibid.
105 Ibid.
106 Ibid.
107 G. DESMOULIN, « La recherche de la performance des
politiques publiques. De l'illusion à la raison ? », art.
préc.
37
porte sur le domaine de l'économie
»108. Ce droit depuis 1945 s'est en effet structuré
autour de plusieurs thèmes, au nombre desquels on trouve
évidemment les contrats de la commande publique109. Or ce
droit économique, tout public soit-il, a ceci de précieux qu'il
emprunte aux différentes branches du droit. Cette approche globale du
droit public économique est revendiquée110, de telle
sorte que la distinction traditionnelle entre droit privé et droit
public ne fait alors plus sens. Il s'agit donc « du triomphe d'une
troisième voie »111 car ce droit doit par essence
régir les relations entre l'Administration et les opérateurs
économiques112.
Finalement c'est à ce droit public de l'économie
qu'il revient d'évoluer et de faciliter l'incorporation des
méthodes du secteur privé. La logique de performance devrait donc
pouvoir être prise en compte par le droit des marchés publics.
La prise en compte par le droit des marchés
publics d'une logique de performance. « La
rationalité managériale a pénétré dans
l'administration, non pas en marge ou à côté du droit, mais
en empruntant le canal juridique »113,
révolutionnant de facto « la constitution juridique de
l'Administration » 114 . Ainsi l'instrument ayant permis
l'avènement d'un service public performant a bien été le
droit.
Le droit administratif économique a donc bien sûr
était remanié pour prendre en compte cette nouvelle exigence.
Dans une optique d'optimisation des ressources utilisées par les
administrations afin d'accomplir un service public de qualité, des
réformes successives du Code des marchés publics ont permis
d'assouplir les règles de passation.
La compatibilité de l'achat public avec une vision
performante est désormais affirmée. De plus, la technique
d'incorporation de cette exigence économique de performance est à
présent connue : ce sera le droit public économique. Or
l'adéquation de ce droit avec l'exigence de performance semble bien
meilleure, puisque il s'agit d'un droit commun, qui n'est normalement en rien
exorbitant, comme on avait pu le dire pour le droit administratif.
L'exorbitance du droit de l'achat public, un nouveau
combat pour la notion de performance. Malgré le fait que les
marchés publics soient des contrats qui de par leur objet
108 P. DEVOLVE, Droit public de l'économie,
Dalloz, 1998, p.1.
109 S. BRACONNIER, Droit public de l'économie,
coll. Thémis Droit, PUF, 2015.
110 D. LINOTTE, R. ROMI, Droit public économique,
7e éd., LexisNexis, coll. Manuel, 2012, p. 11.
111 Ibid., p. 12.
112 S. NICINSKI, Droit public des affaires, op. cit., p.
9.
113 J. CHEVALLIER, « Le droit administratif vu de la science
administrative », AJDA 2013, p.401.
114 J. CAILLOSSE, La constitution imaginaire de
l'administration, coll. Les voies du droit, PUF, 2008.
sont des contrats administratifs identiques à ceux de
droit privé. Ceci a pu être affirmé avec beaucoup de force
par le passé115. Pourtant ce secteur est « un des
secteurs où la spécificité du droit public s'est
affirmé le plus clairement. » 116
L'achat public performant, en passant par le droit public
économique, évite ainsi l'exorbitance originelle et contre
performante du droit administratif. Cependant, il reste à accomplir une
difficile et paradoxale conciliation de l'efficacité de l'achat public,
avec les règles spécifiques applicables aux pouvoirs
adjudicateurs et fondées sur la libre concurrence. Il faut ainsi faire
face à une nouvelle forme d'exorbitance puisque seules les personnes
publiques se voient contraintes dans leur comportement pour parvenir à
une action en conformité avec une concurrence qui doit paradoxalement
être libre. Cette exorbitance est certes un obstacle moindre que celle du
droit administratif, puisque le droit public économique ne se
définit pas à travers elle, pour autant la constitution juridique
de l'achat public attend encore d'être révolutionnée et
c'est tout l'enjeu de cette étude que de donner les clés pour
parvenir à une pleine et entière correspondance entre l'exigence
de libre concurrence et celle de performance, lorsqu'elles sont toutes deux
appliquées aux personnes publiques.
Ce premier enjeu qu'il faut prendre en compte afin de
définir une obligation de performance n'est pas le seul. Il est
également indispensable de relever que la seconde difficulté pour
garantir une performance de l'achat public, est la globalisation à
laquelle obéit désormais cette dernière. Puisque loin
d'avoir pour unique objectif de permettre un achat public efficace, cette
performance se voit confier de multiples objets (section
2).
38
115 F. LLORENS, Contrat d'entreprise et marché de
travaux publics, LGDJ, 1981.
116 L. RICHER, Droit des contrats administratifs,
Op. cit., p. 311.
39
Section 2. Une performance globale
Plan. Il faut garder à l'esprit, que
la consommation est un moyen d'action puissant, surtout lorsqu'elle
représente un marché de près de 200 milliards d'euros,
soit environ 10% du PIB117. La commande publique est donc devenue
progressivement un outil au service de politiques publiques.
Lorsque l'on se place dans le cadre du développement
durable, l'efficacité économique de l'achat public prend une
dimension globale. L'efficacité économique vise, en effet,
« à produire des biens de consommation et à
répartir les richesses de cette production de manière
équitable, durable, avec le souci de la protection de l'environnement et
du renouvellement des ressources consommées ainsi que de la protection
des hommes et des femmes qui y travaillent. »118.
Néanmoins cette diversification des objectifs de
performance ne doit pas faire perdre de vue la recherche d'efficacité et
d'efficience en terme de « coûts » pour la commande
publique. Le risque est en effet de faire passer au second plan ce qui est
pourtant l'objectif premier des contrats de la commande publique, à
savoir répondre de manière performante aux besoins des personnes
publiques.
Une politique d'achat responsable s'est belle et bien mise en
place, apportant un gain de performance global bénéfique au
développement durable (I). Néanmoins il est tout
autant nécessaire que les bénéfices de cette
responsabilisation de l'achat public puissent profiter à l'acte d'achat
en lui-même (II).
I. L'achat responsable au service d'une performance
globale
Plan. L'intégration des
préoccupations de développement durable dans le droit de la
commande publique (A), a fait naître l'achat responsable
des personnes publiques (B).
117 Selon l'INSEE, pour les achats des administrations
publiques uniquement, in Sénat, « Mission commune d'information sur
la commande publique », Rapport d'information n°82, M. BOURQUIN
(dir.), 14 octobre 2015, p. 30.
118
http://www.vedura.fr/economie.
40
A. La prise en compte du développement durable
par les marchés publics
Marchés publics et développement
durable. Le développement durable peut se définir comme
un développement « qui répond aux besoins du
présent sans compromettre la capacité des
générations futures à répondre aux leurs
»119. Cet objectif fut entériné lors de
l'établissement de « l'Agenda 21 » au sommet de Rio
en 1992.
Le développement durable possède trois
composantes qui doivent être conciliées : croissance
économique, équité sociale et respect de l'environnement.
Cet objectif doit par ailleurs être rempli par l'ensemble des acteurs
économiques, qu'ils soient privés ou publics120.
« Les agendas 21 » ont d'ailleurs entérinés
cette nouvelle obligation à l'échelon national121.
Dès lors, la prise en compte de cet objectif de développement
durable apparaissait inéluctable pour la commande publique. En
particulier au regard du poids économique de cette dernière.
Code des marchés publics de 2001.
L'intégration de l'objectif de développement durable
dans le droit de la commande publique a néanmoins été
difficile, en raison de la résistance aussi bien du gouvernement, que
des juges.
La rédaction du Code des marchés publics de 2001
a en effet laissé peu de place à la prise en compte de telles
exigences. Seules les conditions d'exécution des marchés
prévoyaient la possibilité de fixer, dans les cahiers des
charges, des conditions relatives à la promotion de l'emploi des
personnes rencontrant des difficultés particulières d'insertion,
à la lutte contre le chômage ou à la protection de
l'environnement122. Une limite était par ailleurs
prévue puisque ces considérations environnementales et sociales
ne devaient pas avoir d'effet discriminatoire à l'égard des
candidats.
Au niveau des critères de choix de l'offre, aucune
référence expresse au développement durable
n'existait123. Il était donc laissé au juge le soin de
déterminer si ces critères sociaux ou environnementaux
étaient les bienvenues. Or selon le Conseil d'État il
était possible pour les pouvoirs adjudicateurs, même sous l'empire
du Code de 2001, de
119 « Notre avenir à tous », Rapport de
la Commission mondiale sur l'environnement et le développement de
l'ONU, G. H. BRUNDTLAND (prés.), 1987.
120 Suite, plus précisément, à la Charte
d'Aalborg en 1994 qui concernait plus largement l'ensemble des
collectivités de l'Union Européenne : Chapitre 4 § 23 de
l'agenda 21.
121 L. n° 95-115. 4 févr. 1995 relative
à l'orientation pour l'aménagement et le développement du
territoire, art. 25 II.
122 CMP 2001, art. 14.
123 CMP 2001, art. 53 II.
41
choisir des critères d'attribution du marché qui
n'étaient pas énumérés par le code ou de
prévoir des clauses d'exécution prenant en compte les exigences
de développement durable, à condition que celles-ci soient en
lien avec l'objet du marché124. Cependant, le juge adopta une
approche restrictive de ce lien125.
L'insistance internationale. Une prise en
compte variable des objectifs de développement durable uniquement au
niveau des conditions d'exécution, plutôt qu'au stade de la
sélection et donc de la passation des marchés publics semblait
absurde, voire même « byzantin »126 pour
certains. « L'introduction de tels critères dans les cahiers
des charges (pouvait) se révéler tout aussi
discriminatoire que de les faire figurer au stade de l'offre. »127 Le
respect du cahier des charges étant bien sûr pris en
considération lors de la sélection de l'offre
économiquement la plus avantageuse.
Aussi le Sommet de la Terre à Johannesburg en 2002,
aboutit à encourager « les autorités compétentes
à tous les niveaux à prendre en compte le développement
durable lors de la prise de décisions ayant trait notamment (...)
à la passation des marchés publics. »128 C'est donc
bien à la « passation » qu'il était fait
référence, ce qui annonçait des évolutions.
L'encouragement européen d'un achat public
durable. L'union européenne abonda dans ce sens. C'est
d'ailleurs par l'intermédiaire de deux communications
interprétatives que la Commission européenne expliqua les
possibilités données aux acheteurs publics et encouragea de
telles initiatives favorables au développement durable129.
Toutefois, ces critères doivent toujours cumulativement se rapporter
à l'objet du marché et apporter un avantage économique
direct aux pouvoirs adjudicateurs.
De même, la jurisprudence de la Cour de justice a
accepté de reconnaître un critère de «
mieux-disant social» en 1988, dans une affaire
«Beentjes»130, pour ensuite consacrer
124 CE, 25 juillet 2001, Cne de Gravelines,
n°229666.
125 Voir en ce sens : CE, 10 mai 1996, Féd. nat. des
travaux publics et a., n° 159979 ; TA Strasbourg, 30 nov. 1999,
Préfet région Alsace, préfet Bas-Rhin c/ communauté
urbaine Strasbourg, Sté Am Port'llnes.
126 O. SCHMITT, « La commande publique et le
développement durable », La Gazette du Palais, n°168, 2005,
pp. 4-19.
127 Ibid.
128 « Rapport du sommet mondial pour le développement
durable », Nations Unies, 2002, A/Conf.199/20
129 CE, comm. sur le droit communautaire applicable aux
marchés publics et les possibilités d'intégrer des
considérations environnementales dans lesdits marchés (4 juillet
2001, COM(2001)-274 final) ; CE, comm. sur le droit communautaire applicable
aux marchés publics et les possibilités d'intégrer des
aspects sociaux dans lesdits marchés (15 octobre 2001, COM(2001)-566
final).
130 CJCE, 20 sept. 1988, aff. 31/87, Gebroeders Beentjes BV
c/ État des Pays-Bas, Rec. CJCE p. 4635.
42
pleinement la prise en compte de critères sociaux dans
les marchés publics, même à l'occasion de l'analyse de
l'offres, à condition de respecter les principes fondamentaux et
notamment le principe de non-discrimination131. Ainsi en n'exigeant
pas que le critère social procure un avantage économique pour le
pouvoir adjudicateur, la CJCE apparaît plus souple que les communications
de la Commission.
Par la suite et en adoptant le même raisonnement, ce fut
au tour du critère environnemental d'être abondé par la
Cour de justice132. C'est d'ailleurs sans doute inspirée par
cette « ouverture » jurisprudentielle, vis-à-vis de
telles considérations, qu'une nouvelle directive intégrant cette
possibilité de prendre en compte le développement durable dans la
commande publique a vu le jour en 2004133. Néanmoins, elle
conserve une certaine « ambigüité
»134 vis à vis des critères environnementaux
et sociaux, en manquant de clarté quant aux limites de leur
emploi135.
La charte de l'environnement. Ces
évolutions ont été suivies de près par une
progression de la norme constitutionnelle. L'article 6 de la Charte de
l'environnement qui naît en 2004, dispose que « Les politiques
publiques doivent promouvoir un développement durable. À cet
effet, elles concilient la protection et la mise en valeur de l'environnement,
le développement économique et le progrès social
»136. Dès lors, au plus haut niveau de l'ordre
normatif français, le Code des marchés publics devient un outil
au service d'une politique de développement durable.
Développement durable et sélection des
offres : l'apparition des critères sociaux et environnementaux.
La prise en compte de considérations environnementales dans les
critères de sélection des offres fut finalement permise par le
nouveau code de 2004. La protection de l'environnement fait donc
expressément son entrée au nombre des critères à
prendre en compte lors de l'appréciation de l'offre
économiquement la plus avantageuse137.
131 CJCE, 2 septembre 2000, Commission c/ France, aff.
C-225/98, BJCP no 14, p. 13.
132 CJCE, Concordia Bus Finland Oy Ab, anciennement
Stagecoach Finland Oy Ab, et Helsingin kaupunki, HKL-Bussiliikenne, aff.
C-513/99, BJCP no 26, p. 14.
133 Dir. 2004/18/CE du 31 mars 2004 relative à la
coordination des procédures de passation des marchés publics de
travaux, de fournitures et de services.
134 N. BOULOUIS, « Le contrat public au service des
politiques de développement durable : limites et perspectives »,
RFDA 2014, p. 617.
135 Ibid. Consid. n° 1
136 L. const. n° 2005-205 du 1er mars 2005 relative à
la Charte de l'environnement .
137 CMP 2004, Art. 53.
43
Ce n'est qu'en 2005138, que l'article 53 va plus
spécifiquement accueillir le critère des « performances
en matière d'insertion professionnelle des publics en difficulté.
»
La jurisprudence tant européenne139 que
française140 a appuyé cette évolution. Ainsi
l'utilisation d'un critère social ou environnemental au stade de
l'analyse des offres est possible mais demeure conditionnée. Il doit
effectivement y avoir, d'une part, un lien entre l'objet du marché et le
critère ou la clause dite « durable », et d'autre
part, la clause ou le critère ne doivent pas être
discriminatoires, c'est à dire qu'aucune entreprise ne doit être
favorisée, indépendamment de son offre. Ces exigences sont
néanmoins interprétées de plus en plus largement. Ainsi
l'achat public s'est mué en véritable outil au service des
politiques publiques de développement durable.
Le Code de 2006 et l'institutionnalisation de la
commande publique durable. C'est finalement en 2006 que les exigences
liées au développement durable furent incluses à la
définition des besoins141, à la sélection des
candidatures142, ainsi qu'aux spécifications
techniques143, comme ce que préconisait déjà la
directive de 2004 précitée144.
Par ailleurs, non plus juridiquement, mais administrativement
de nombreuse structures ont vu le jour pour encourager puis accompagner
l'apparition de ces nouveaux objectifs. Lorsque l'achat public se structure,
c'est autour de cette notion de développement durable.
On pense notamment, dès 2003 à la
Stratégie nationale de développement durable
(SNDD)145, puis à la nouvelle Stratégie nationale de
développement durable pour la période 2010-2013
(SNDD)146 qui ont eu pour objet de concourir à une diminution
de l'impact environnemental du fonctionnement de l'Administration. Le
Groupement d'étude des marchés développement durable,
environnement a aussi été créé147, tout
comme, ensuite l'Observatoire économique de l'achat
public148. Plusieurs circulaires149, ainsi qu'un
« Plan
138 L. n° 2005-32 du 18 janvier 2005, de programmation pour
la cohésion sociale.
139 CJUE, 10 mai 2012, aff. C-368/10.
140 CE, 25 mars 2013, Département de
l'Isère, n° 364950.
141 Code des marchés publics de 2006, art. 5.
142 Ibid., art. 45.
143 Ibid., art. 6.
144 Ibid. Consid. n° 29 et Art. 23.
145 Adoptée le 3 juin 2003 par le Comité
interministériel du développement durable (CIDD).
146 Adoptée le 27 juillet 2010 par le Comité
interministériel pour le développement durable (CIDD).
147 JO 28 Janvier 2004.
148 En application de l'article 136 du Code des marchés
publics, JO 13 novembre 2005.
149 Circ. 5 avr. 2005, sur les moyens à mettre en
oeuvre dans les marchés publics de bois et produits
dérivés pour promouvoir la gestion durable des forêts ;
Circ. 28 sept. 2005, sur le rôle exemplaire de l'État en
matière
44
national d'action pour des achats publics durables
»150 ont également poussé les services de
l'Etat à plus de responsabilité dans leurs achats. La
Révision générale des politiques publiques (RGPP)
démarrée en 2007 et qui a été remplacé en
2012 par la Modernisation de l'action publique (MAP) ont toutes les deux mis en
avant ces nouveaux objectifs151. Finalement, le Service des achats
de l'État (SAE) a vu le jour en 2009152 et a
été remplacé dernièrement par la Direction des
achats de l'Etat (DAE) qui doit notamment veiller à ce que «
les achats de l'État (É) respectent les objectifs de
développement durable »153
La commande publique au service de politiques
publiques. Les nouvelles directives de 2014154, ont
marqué une nouvelle étape dans ce processus155. Les
trois directives illustrent avec une même intensité l'importance
qu'attache le législateur européen pour ces nouveaux objectifs.
La directive relative à la passation des marchés publics donne la
possibilité aux Etats membres de réserver certains lots ou
marchés à des entreprises ayant un objet social156. De
même, un « verdissement de la commande publique » est
clairement constaté157. La commande publique, de part son
poids économique est donc bien devenue un levier au service de
politiques publiques comme l'insertion professionnelle ou la protection de
l'environnement.
Le développement durable devient « l'objectif
secondaire » 158 du droit de la commande publique, à
côté du principal objectif de celle-ci qui est de répondre
utilement aux besoins des personnes publiques. Guillaume Cantillon explique
cette transformation du droit des marchés publics par la rencontre de
deux objectifs différents que les administrations
d'économies d'énergie ; Circ. 2 mai 2008,
relative à l'exemplarité de l'État en matière
d'utilisation de produits issus de l'agriculture biologique dans la
restauration collective.
150 Adopté le 13 novembre 2006 par le Comité
interministériel du développement durable (CIDD).
151 G. CANTILLON : « Marchés publics et
développement durable », Fasc. 57, Jurisclasseur,
LexisNexis.
152 D. n° 2009-300, 17 mars 2009 portant création du
service des achats de l'État, art. 2.
153 D. n° 2016-247 du 3 mars 2016 créant la
direction des achats de l'Etat et relatif à la gouvernance des achats de
l'Etat.
154 Dir. 2014/24/UE du 26 février 2014 sur la passation
des marchés publics ; Dir. 2014/25/UE du 26 février 2014 relative
à la passation de marchés par des entités opérant
dans les secteurs de l'eau, de l'énergie, des transports et des services
postaux ; Dir. 2014/23/UE du 26 février 2014 sur l'attribution de
contrats de concession.
155 P. THIEFFRY, « Le verdissement de la commande
publique, acte II : prise en compte de l'analyse du cycle de vie et des
procédés et méthodes de production » RTD Eur.
2015 p.470.
156 Dir. 2014/24/UE du 26 février 2014 sur la passation
des marchés publics. Consid. 36
157 P. THIEFFRY, « Le verdissement de la commande
publique, acte II : prise en compte de l'analyse du cycle de vie et des
procédés et méthodes de production », art.
préc.
158 M. KARPENSCHIF, « Le contrat au service des
politiques publiques : «Contrat public et Union européenne«
», RFDA 2014, p.418.
doivent poursuivre : la recherche d'efficience et
d'efficacité de l'achat public, ainsi que la poursuite du bien
public159 (B).
B. Le prérequis nécessaire à la
performance de l'achat public : l'achat responsable
Définition des achats responsables.
L'achat responsable sert la performance globale. Il se définit
comme « Tout achat intégrant dans un esprit d'équilibre
entre parties prenantes des exigences, spécifications et critères
en faveur de la protection et de la mise en valeur de l'environnement, du
progrès social et du développement économique. L'acheteur
recherche l'efficacité, l'amélioration de la qualité des
prestations et l'optimisation des coûts globaux (immédiats et
différés) au sein d'une chaîne de valeur et en mesure
l'impact. »160 Ainsi l'impact environnemental de l'achat
doit être le moins élevé possible, tandis que les
répercussions sociales doivent, quant à elles, être les
meilleures possibles. Dans le même temps, un objectif de performance des
finances publiques doit être poursuivi afin de d'acheter au meilleur
coût.
45
Source : ObsAR
L'origine de l'achat responsable : la RSE.
L'achat responsable trouve certes son origine dans l'idée de
développement durable, mais ce type d'achat est plus directement la
suite logique des notions de Responsabilité sociale des entreprise (RSE)
ou Responsabilité sociale des organisations (RSO).
Il s'agit de deux concepts imaginés en réaction
à la thèse néolibérale de Milton Friedman, prix
Nobel de l'économie, qui en 1970, dans les pages du New York Times
utilisait déjà le terme de responsabilité sociale de
l'entreprise à un tout autre dessein. En effet, il considérait
cette responsabilité comme se résumant à la recherche du
plus grand profit, « la
159 G. CANTILLON, « Création du «Service des
achats de l'État« : vers un achat public performant et durable ?
», Contrats et Marchés publics n° 5, 2009.
160 Définition de l'Observatoire des Achats Responsables,
2011.
46
main invisible »161 décrite
par Adam Smith permettant à l'intérêt général
de s'élever par voie de conséquence, dès lors que la libre
concurrence était respectée162.
Plus précisément la RSE, à proprement
parler naît de la théorie des « Stakeholders
»163, qui apparaît aux Etats-Unis dès les
années 60. Selon cette théorie, maximiser les profits pour une
entreprise n'est pas suffisant. Il est nécessaire de trouver le
compromis équitable entre les intérêts de l'ensemble des
personnes qui sont de près ou de loin rattachés à
l'entreprise : employés, clients, gouvernés, gouvernants,
collectivités, etc. L'entreprise s'engage alors sur certaines pratiques
et accepte d'en rendre compte, d'où une certaine responsabilisation qui
a été consacrée en droit français par la loi NRE de
2001164.
L'évolution de la RSE : la performance globale.
Le concept de performance globale a émergé, en 2002 avec
l'association du « Centre des jeunes dirigeants d'entreprises »
(CJDE). La performance globale a alors pu être définie comme
« la prise en compte d'un équilibre entre performance
économique, sociale, sociétale et environnementale
»165. Cette performance est une exigence pour les
entreprises productrices qui pourrait être appliquée aux acheteurs
publics consommateurs. Elle reposerait sur quatre dimensions
complémentaires :
- performance sociale : elle repose sur la
capacité du pouvoir adjudicateur à encourager les
opérateurs économiques à rendre les hommes acteurs et
auteurs ;
- performance sociétale : elle s'appuie sur la
contribution de l'opérateur économique au développement de
son environnement ;
- performance économique : elle honore la
confiance des opérateurs économiques et des usagers et se mesure
par des indicateurs ;
- performance environnementale : elle repose sur la
capacité du pouvoir adjudicateur à encourager les
opérateurs économiques à mettre en place des mesures de
protection de l'environnement.
La différence avec la RSE réside dans le fait
que la performance globale prend en compte les besoins et les
réalités de l'organisme en question, alors que la RSE et le
développement
161 A. SMITH, La richesse des nations, Gf-Flammarion, t.
1, 1999.
162 Cité par : Centre des jeunes dirigeants
d'entreprises, Guide de la performance globale, éd. des
organisations, 2004.
163 Littéralement : « ceux qui ont un
intérêt dans l'entreprise », ce sont les parties
prenantes, par opposition au « shareholders » qui sont les
actionnaires.
164 Loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 relative aux nouvelles
régulations économiques
165 CJDE, Guide de la performance globale, éd.
des organisations, 2004, p. 5
47
durable, ne sont en effet pas centrés sur l'entreprise
ou la collectivité, mais bien sur l'environnement, au sens large. Il
semble donc que la performance globale soit une notion directrice mieux
adaptée aux acheteurs publics. Cependant, il s'agit encore d'une notion
vague de « performance », joint au qualificatif tout aussi
abstrait de « globale » 166. Le CJDE se sert de
la commande publique pour encourager cette performance globale des entreprises,
dans le cadre du développement durable167. Au départ
cette notion n'est donc pas censée profiter en premier lieu à
l'Administration.
L'utilité de la performance globale pour
l'Administration. Un achat public performant globalement
nécessite un achat public responsable. Les pouvoirs adjudicateurs
peuvent décider d'orienter leur politique d'achat vers des achats
responsables pour plusieurs raisons. D'une part, la réglementation et
les initiatives internationales ou nationales peuvent l'encourager, voire le
rendre obligatoire168. D'autre part, les achats dits responsables
sont facteurs de stabilité et d'exemplarité pour les
administrations. Cet atout en terme d'image, correspond à un gain
politique, à court terme. Les usagers des services publics attendent
cette exemplarité de l'Administration.
Il vient par ailleurs s'ajouter, à moyen et long terme,
des gains financiers, parfois difficilement quantifiable. L'Administration peut
en effet entrer dans une démarche novatrice visant à
réduire les coûts énergétiques, à valoriser
l'écosystème du pouvoir adjudicateur et des opérateurs
économiques. Ainsi l'administration pourra également tirer un
profit économique d'une démarche encourageant la performance
globale.
Pour autant, afin que le pouvoir adjudicateur tire
effectivement et directement profit de ses achats responsables, il est
absolument nécessaire de bien définir dans quelles mesures
l'achat public encourage une production conforme aux principes de
développement durable. L'achat de l'Administration heurte le prisme de
l'intérêt général et se disperse en une multitude
d'exigences extrinsèques toute plus éloignées de la
fonction de l'achat purement intrinsèque à l'origine. Ainsi,
à l'image de la lumière rencontrant le prisme, c'est un spectre
qui risque d'apparaître, troublant la vision performancielle que doit
avoir l'Administration lorsqu'elle subvient à ses besoins
(II).
166 V. en ce sens : Y. PESQUEUX, « La notion de performance
globale », Forum international ETHICS, 2004.
167 V. Rapport du CJDE et de Communauté urbaine de
Nantes, « Vers la performance globale de la commande publique »,
2011.
168 V. supra.
48
II. La mise en oeuvre performante de l'achat
responsable
Plan. Pour que la performance globale d'abord
et la performance de l'achat public ensuite soient effectives, il est
nécessaire de concilier l'ensemble des objectifs de développement
durable entre eux. Pour cela l'achat public doit être équitable
(A) et ne doit pas être instrumentalisé
(B).
A. L'achat public durable et performant : le choix de
l'équité
Le commerce équitable. Le commerce
équitable tout en étant respectueux des enjeux
économiques, demeure socialement respectueux. Il lui a même
été donné des vertus environnementales, puisque la
Commission européenne a pu considérer qu'il avait « pour
finalité de contribuer à l'établissement des conditions
propres à élever le niveau de la protection sociale et
environnementale dans les pays en développement
»169. Ce type d'achat est au service du
développement durable, comme le prouve la communication de la commission
au Conseil et au Parlement Européens, ainsi qu'au Comité
économique et social européen, intitulée «
Contribuer au développement durable : le rôle du commerce
équitable et des systèmes non gouvernementaux d'assurance de la
durabilité liés au commerce. »170 De
même, on peut lire dans une loi de 2005 que « le commerce
équitable s'inscrit dans la stratégie nationale de
développement durable. »171. Par conséquent,
on remarque que l'achat public équitable serait un procédé
ayant essentiellement des conséquences extérieures à
l'Administration. Pourtant, elle doit aussi pouvoir en profiter en interne,
autrement la performance globale ne pourrait jamais être pleinement
accomplie, puisque la performance de l'achat public s'inscrit au sein de la
composante économique de la performance globale172
169
Doc. COM, 29 nov. 1999, 619 final (non
publiée au JOCE), in G. CANTILLON in Achat public
équitable, concurrence pour le marché et concurrence dans le
marché, Contrats et Marchés publics n° 2, Février
2011, étude 2.
170 COM (2009) 215, 5 mai 2009.
171 L. n° 2005-882, 2 août 2005, en faveur des petites
et moyennes entreprises, art. 60.
172 V. supra.
49
L'achat public équitable.
Communément un achat équitable désigne l'achat
d'un produit dont la production a été respectueuse des
producteurs, des chaînes de production, des salariés, etc. En
l'occurrence, il semble nécessaire d'entendre plus largement cette
notion « d'équité » de l'achat. Non seulement
un achat équitable suppose le respect de la production, mais cet achat
doit aussi être respectueux de l'acheteur public et des deniers
publics.
La place de plus en plus importante de considérations
environnementales ou sociales traduit l'établissement du fameux contrat
naturel dont parlait Michel Serre. Ce dernier considérait en effet que
la solution pour parvenir à un développement durable était
un « contrat naturel passé réellement entre les humains
et les choses, entre la nature et les nations, comme jadis nous pensâmes
un contrat social passé seulement dans les nations, c'est à dire
entre les humains seuls. »173 Néanmoins, il s'agit
là encore d'un mode d'action conventionnel qui suppose que les
intérêts de chacun soient défendus.
L'équité se définie comme « une
qualité consistant à attribuer à chacun ce qui lui est
dû par référence aux principes de la justice naturelle
»174. Un achat « juste », au regard des
règles commerciales doit donc être un achat profitant aussi bien
au vendeur, qu'à l'acheteur. Aussi encourager le développement
durable ne doit pas se faire au détriment de l'acheteur public, au
risque de ne plus être équitable.
L'efficacité et l'efficience de l'achat public
dépendent de la compatibilité entre les mesures encourageant
l'achat durable avec le principe de libre concurrence qui prend la forme des
principes d'égalité de traitement, de libre accès à
la commande publique et de transparence. Ces principes sont en effet au service
de l'efficacité et de la bonne utilisation des deniers
publics175.
La notion d'équité vise donc à
réconcilier efficacité et durabilité de l'achat public.
Autrement dit, un achat sera équitable s'il encourage certains modes de
production afin de contribuer à des changements sociaux,
économiques et environnementaux, tout en restant dans une logique
d'efficacité intrinsèque de l'achat public176. Cette
volonté de justice voulue par l'Etat doit être incarnée par
un achat équitable.
L'opposition de principe entre durabilité et
efficacité. Cependant, au premier abord, il semble inconcevable
de favoriser certains types d'achat et donc certains
173 M. SERRES, « Le contrat naturel », coll. Champs,
Flammarion 1990.
174
Larousse.fr.
175 O. n 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés
publics, Art. 1er.
176 P. DURAN, Penser l'action publique, coll. Droit et
société, LGDJ, 1999.
50
producteurs, tout en conservant une concurrence effective et
efficace prérequis d'un achat public performant177. Sous
l'empire du Code de 2001 et avant toutes les évolutions que l'on a
listé plus haut, le juge constitutionnel avait d'ailleurs eu à
connaître une disposition de la loi MURCEF visant à
réserver certains marchés pouvant être
exécutées par des « sociétés
coopératives et des associations visant à promouvoir l'emploi de
personnes rencontrant des difficultés particulières d'insertion,
à lutter contre le chômage ou à protéger
l'environnement »178. A cette occasion les sages ont
explicitement opposé ces considérations d'intérêt
général aux principes d'efficacité de la commande publique
et d'égalité de traitement des candidats. Les juges ont en effet
rappelé la nécessité de concilier ces «
préoccupations sociales » avec les principes
précités, au risque dans le cas contraire de légitimer une
instrumentalisation de l'achat public (B).
B. Le péril de l'instrumentalisation de l'achat
public : un risque pour l'efficacité
Instrumentalisation et contre-performance.
Sans donner ici les outils juridiques et économiques au service
de la performance permettant de trouver un équilibre entre
efficacité et développement durable, il est essentiel de
préciser en amont à quoi correspond ce compromis fondamental, en
particulier depuis la directive européenne de 2014 relative aux
marchés publics.
Le risque principal de la poursuite de ces «
objectifs secondaires » 179 par la commande publique est une
instrumentalisation de cette dernière. Autrement dit, jusqu'à un
certain point des bienfaits en termes d'efficacité de la commande
publique sont effectivement permis par l'achat public responsable. L'effet
performant de la prise en compte d'exigences environnementales ou sociales
s'arrête, au moment où l'instrumentalisation commence.
L'occasion manquée de préciser les
objectifs globaux de la commande publique. Au regard de
l'intégration de plus en plus forte des objectifs environnementaux et
sociaux au sein du droit des marchés publics tant à
l'échelon européen que national, il aurait pu être
177 G. CANTILLON, « Achat public équitable,
concurrence pour le marché et concurrence dans le marché »,
art. préc.
178 Cons. Const., 6 décembre 2001, n° 2001-452 DC,
L. portant mesures urgentes de réformes à caractère
économique et financier.
179 M. KARPENSCHIF, « Le contrat au service des
politiques publiques : «Contrat public et Union européenne«
», art. préc.
51
bienvenu pour le législateur national de
préciser au sein des nouveaux textes la promotion d'objectifs non
économiques.
L'article 1er du Code des marchés publics a
été repris par la récente ordonnance en rappelant que
l'objectif de la commande publique est avant tout économique puisque les
principes fondamentaux qui la gouverne « permettent d'assurer
l'efficacité de la commande publique et la bonne utilisation des deniers
publics. »180 L'achat public est un acte avant tout
économique ayant pour objet de répondre aux besoins des pouvoirs
adjudicateurs et c'est sans doute pour ne pas perdre de vue cet objectif
principal, qu'il fut décidé de ne pas inclure d'autres objectifs
moins économiques, au sein de cette déclaration d'intention
introduisant le nouveau texte.
Pourtant symboliquement, il aurait été
approprié de les inclure pour être conforme à la vision du
développement durable décrite par l'article 6 de la charte de
l'environnement qui suppose une conciliation entre les préoccupations
environnementales, économiques Ð telle que la bonne utilisation des
deniers publics Ð et sociales181.
Il reste que, même sans que ce compromis soit
explicitement mentionné au sein des principes régissant la
commande publique, c'est bien cet équilibre entre efficacité de
l'achat public et prise en compte du développement durable qui doit
être recherché et il revient au juge administratif de parvenir
à cette « amiable composition »182.
La prise en compte accrue du développement
durable par l'ordonnance du 23 juillet 2015. La nouvelle directive
relative aux marchés publics laisse aux Etats membres le soin de rendre
ces objectifs de développement durable obligatoires ou facultatifs.
Concernant la « définition préalable des besoins
», le Code des marchés publics indiquait déjà
qu'elle devait prendre en compte « des objectifs de
développement durable »183. L'ordonnance de 2015,
tout en conservant cette formulation, précise qu'il s'agit «
d'objectifs de développement durable dans leurs dimensions
économiques, sociales et environnementales. »184
De plus l'ordonnance permet de réserver des
marchés à des opérateurs qui poursuivent des objectifs
sociaux différents : ceux qui emploient des travailleurs «
handicapés »185 et
180 O. n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux
marchés publics, Art 1er ; CMP 2006, art. 1er.
181 G. CARCASSONNE, La Constitution introduite et
commentée, coll. Essai, Points, 2e éd., 2011 p.
444.
182 Comme cela se dit du produit d'un arbitrage.
183 CMP 2006, art 5.
184 O. n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux
marchés publics, art. 30.
185 Ibid. Art. 36, I
52
ceux employant des personnes
défavorisées186. Il s'agit d'une nouveauté,
puisqu'auparavant seules les entreprises employant des travailleurs
handicapés pouvait être protégées187. De
même, des marchés ou des lots d'un marché peuvent
être réservés aux entreprises de l'économie sociale
et solidaire188. C'est une autre nouveauté de l'ordonnance
par rapport au Code des marchés publics.
Finalement, cette ordonnance élargit également
la faculté pour les acheteurs d'insérer des considérations
sociales ou environnementales dans les critères d'attribution ou les
clauses de leurs marchés. Aussi l'insertion de conditions
d'exécution relatives « à l'environnement, au domaine
social ou à l'emploi »189, supportées par
d'éventuels critères d'attribution permettant la sélection
du titulaire d'un marché public190, est confortée par
l'ordonnance, même si cette possibilité n'est pas explicitement
rappelée en ce qui concerne les critères
d'attribution191 et que la jurisprudence considère qu'un
acheteur public n'est jamais tenu de retenir des critères d'attribution
environnementaux ou sociaux192. Cette prudence vis-à-vis de
la prise en compte de ces préoccupations au stade de la sélection
est complétée par d'autres limitations.
La limitation de cette prise en compte. Les
conditions d'exécution prenant en compte de tels objectifs doivent
néanmoins être liées à l'objet du
marché193. Cependant, dans le même temps, «
sont réputées liées à l'objet du marché
public les conditions d'exécution qui se rapportent aux travaux,
fournitures ou services à fournir en application du marché
public, à quelque égard que ce soit et à n'importe quel
stade de leur cycle de vie »194. Il s'agit donc d'une
transposition conforme à la nouvelle directive élargissant les
possibilités pour les pouvoirs adjudicateurs de prendre en compte des
considérations sociales ou environnementales.
Critique de la poursuite de tels objectifs
secondaires. La nécessité d'une conciliation de ces
nouveaux objectifs et l'efficacité de la commande publique ne
transparait pas réellement du texte. Aussi le principe de
neutralité de la commande publique est en train
186 Ibid. Art. 36, II
187 CMP 2006, art. 15.
188 O. n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux
marchés publics, art. 37.
189 Ibid., art. 38.
190 P. BOURDON, « L'ordonnance du 23 juillet 2015
relative aux marchés publics : premier acte de la rationalisation du
droit de la commande publique », RDI 2016 p. 8.
191 O. n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux
marchés publics, art. 52.
192 CE, 23 nov. 2011, Communauté
d'agglomération de Nice-Côte d'Azur, n° 351570.
193 O. n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux
marchés publics, art. 38-I al. 1er.
194 Ibid., art. 38, al. 2
53
d'être de plus en plus atteint. D'aucuns le justifient
et s'en félicitent, considérant ce principe comme excessif,
globalement contre-performant et risquant de rentrer en conflit avec les
principes de développement durable195.
Une incompatibilité continue d'être
dénoncée par d'autres, comme les économistes J. Tirole et
S. Saussier qui considèrent que « charger la commande publique
d'atteindre des objectifs sociaux, environnementaux ou d'innovation est
inefficace. »196, ceci pour trois raisons selon eux.
D'abord, car cela va uniquement contribuer à une
répartition différente du marché. Les entreprise peu
polluantes ou solidaires vont faire des marchés publics leur
spécialité, tandis que les entreprises restantes ne tenteront pas
d'améliorer leurs pratiques mais iront à la conquête des
autres marchés.
Ensuite, une politique publiques, selon les deux professeurs,
doit être « uniforme et globale »197 pour
pouvoir venir à bout de la « défaillance de
marché »198 visée. Utiliser de multiples
outils, très éloignés les uns des autres comme la taxe,
les subventions ou l'achat public nuit fortement à la conduite de la
politique public de développement durable. En outre, mesurer si de tels
objectifs ont été atteints est difficile. De la même
façon, le calcul du gain environnemental ou social hypothétique,
lors de la sélection des offres ne se vérifiera pas
nécessairement au cours de l'exécution. Par ailleurs, l'ajout de
ces exigences va augmenter la différenciation entre les
opérateurs, nuisant à une concurrence intense entre elles.
L'ajout de ces critères, difficilement
vérifiable augmente le risque de favoritisme qui outre le risque
pénal, nuit nécessairement à l'efficacité de
l'achat, en étant la pire transgression aux principes fondamentaux, par
exemple en mettant « une pondération importante sur le contenu
en emploi local. »199 En résumé, «
Faire reposer l'atteinte de ces objectifs sur la commande publique, sous
prétexte que la puissance publique doit être exemplaire, constitue
»200 selon certains « au mieux une solution de
deuxième ordre, au pire une solution coûteuse qui ne permet pas de
s'approcher des objectifs visés. »201
195 N. PORTE, « Vers l'abandon du principe de
neutralité de la commande publique ? », RDP 2014,
n°5, p.
1249.
196 S. SAUSSIER, J. TIROLE, « Renforcer
l'efficacité de la commande publique », Notes du conseil
d'analyse économique, 2015/3 (n° 22).
197 Ibid.
198 Ibid.
199 Ibid.
200 Ibid.
201 Ibid.
54
Le compromis de l'achat équitable.
Certes, une clause d'insertion sociale ou environnementale peut en
effet exclure certaines entreprises candidates de l'appel d'offres et
réduire ainsi la concurrence, ce qui serait bien sûr contre
productif. Néanmoins, cela risque davantage de se produire si les
clauses environnementales ou sociales sont des critères d'attribution,
que s'il s'agit de conditions d'exécution202. D'ailleurs cela
avait été au départ, le choix privilégié par
le législateur et c'est aujourd'hui ce que préconise aussi bien
la mission d'information sénatoriale qui a rendu son rapport en 2015,
que le rapport de M. Buat au nom de la CCI d'île de France en
2014203. Il suffira ensuite de vérifier que de telles
conditions ne soient pas inaccessibles pour le titulaire. Même si un
équilibre doit être trouvé, les préjugés
à l'égard de la commande publique durable sont encore nombreux,
alors qu'il suffirait d'éviter de généraliser les effets
de ces exigences de développement durable au sein du droit de la
commande publique204. Dans l'attente de trouver ce compromis, il
faut recommander de la modération dans le choix de la pondération
de ces critères d'attribution, afin de ne pas noter la politique sociale
et environnementale, mais bien se contenter d'évaluer une
offre205. Enfin, les critères sociaux et environnementaux ne
doivent pas être mis sur le même plan.
La performance de l'achat public est une notion juridique
à en devenir et qui devra rendre compte de deux enjeux majeurs. La
globalité de ses objets, ainsi que son inscription au sein du secteur
public réticent originellement à toute idée de
performance, devront être pris en compte au moment de déterminer
le contenu d'une éventuelle obligation de performance, qu'il s'agit
maintenant de rechercher (Chapitre 2).
202 Sénat, « Mission commune d'information sur la
commande publique », Rapport d'information n°82, M. BOURQUIN (dir.),
14 octobre 2015, p. 71.
203 A. BUAT, Pour un management performant des marchés
publics, CCI Paris, 2014.
204 F. LINDITCH, « Dix ans de commande publique »,
art. préc.
205 N. BOULOUIS, « Le contrat public au service des
politiques de développement durable : limites et perspectives »,
art. préc.
55
Chapitre 2 : La recherche d'une obligation de
performance de l'achat public
Plan. L'obligation de performance n'est pas
explicitement présente en droit positif. Cependant, de nombreux
éléments juridiques semblent implicitement faire état
d'une telle exigence de performance (Section 1). Pour
qu'une telle obligation puisse un jour exister, il faut dès maintenant
en définir ces contours et s'interroger sur son bien-fondé, son
utilité et ses inconvénients (Section
2).
Section 1. Les fondements juridiques utiles à
l'émergence d'une obligation de performance
Plan. Si l'évolution des finances
publiques vers une logique de performance semble être le fondement
principal à cette nouvelle exigence pour les marchés publics
(I). Cette dernière peut et doit désormais
prendre appui sur la législation spécifique aux marchés
publics, guidée par la garantie de libre concurrence
(II).
I. L'origine financière de l'exigence de performance
au service de sa
reconnaissance juridique
Plan. La LOLF marque un changement de
paradigme dans la gestion publique. Aussi la mise en place progressive d'une
logique de performance par une loi organique peut être vu comme la
première traduction juridique de la notion de performance qui est avant
tout économique et managériale (A). La commande
publique va être profondément marquée par ce changement de
vision (B).
A. La LOLF ou l'apparition d'une logique juridique de
performance
L'impérative rationalisation des
dépenses publiques. A partir de la première guerre
mondiale, l'Etat va changer radicalement de rôle et devenir de plus en
plus interventionniste. On parlera d'Etat providence. Il est alors amené
à intervenir de plus en plus car les progrès techniques appellent
une correction d'un certain nombre d'inégalités. L'Etat se fait
d'abord le
56
bienfaiteur de l'éducation en devenant le principal
éducateur, puis il fait sien le domaine social. L'Etat va peu à
peu intervenir dans tous les domaines de l'économie. Enfin la
dépense publique qui est utilisée pour l'ensemble de ces
interventions ne peut jamais véritablement baisser, puisque le
progrès économique est conditionné par elle selon la
« loi Wagner », théorisée dès le
19ème siècle206. L'accroissement de la
dépense publique est donc avéré et est quasi-continu
depuis la Première Guerre Mondiale.
Il intervient de manière tant structurelle que
conjoncturelle, si bien que l'Etat agit également pour corriger les
crises économiques. Les crises pétrolières de 1973 et 1979
ont obligé l'Etat à intervenir massivement dans l'économie
afin de soutenir l'emploi et d'indemniser le chômage. La croissance
économique ralentie et avec elle les recettes fiscales sensées
financer la dette publique, qui finit donc par fortement augmenter, au
même titre que les taux d'intérêt de celle-ci. Les
néo-libéraux tel que Thatcher et Reagan ont ensuite imposé
de baisser les impôts et la dépense publique pour sortir de la
crise et combattre des déficits publics récurrents. Cette
méthode vient mettre un terme aux politiques dites keynésiennes
qui sont de moins en moins efficaces.
Parallèlement à cette situation
financière et budgétaire tendue ont assiste à une
augmentation des attentes des administrés vis-à-vis de l'Etat et
des services publics. De même l'avènement de l'Union
économique et monétaire a contraint les Etats membres à
réduire leurs déficits et à rationaliser l'utilisation des
deniers publics207. Finalement, c'est donc bien la gestion des
services publics qui est mise en cause. Un certain nombre d'outil vont
progressivement apparaître toujours dans le but de rationaliser la
dépense publique au niveau national. Le premier de ces outils sera la
loi organique relative aux lois de finances (LOLF) en 2001208.
La perception de l'économie dans les finances publiques
ayant évoluée, les lois de finances ne peuvent déterminer
à elles seules un équilibre économique globale. Au
contraire, elles doivent en tenir compte. C'est un changement important et
maintenant quand on lit l'article 1er de la LOLF on peut voir que
« les lois de finances tiennent compte d'un équilibre
économique définit ».
206 A. WAGNER, Les fondements de l'économie
politique, coll. Science Social, Hachette Livre BNF, 1904
207 R. (CE) n° 1466/97 du Conseil du 7 juillet 1997
relatif au renforcement de la surveillance des positions budgétaires
ainsi que de la surveillance et de la coordination des politiques
économiques ; R. (CE) n° 1467/97 du Conseil du 7 juillet 1997
visant à accélérer et à clarifier la mise en oeuvre
de la procédure concernant les déficits excessifs.
208 L. organique, n° 2001-692 du 1er août 2001,
relative aux lois de finances.
57
La logique de performance. Cette nouvelle
constitution budgétaire, véritable « miracle politique
»209 a instauré une nouvelle logique, celle de la
performance. Le but recherché est d'obliger ainsi l'administration
à se demander si l'argent dépensé l'a été
utilement. Auparavant les lois de finances étaient votées sous
l'empire d'une ordonnance de 1959210. Or celle-ci est en partie
responsable de la situation de surendettement actuelle. Aucune
évaluation des dépenses, ni justifications n'était
exigée, puisque 95% du budget (les services votés) était
automatiquement revoté pour l'année suivante, sans
véritable discussion, remise en cause ou critiques.
La démarche de performance va changer radicalement
cette façon de faire puisque désormais une justification des
dépenses est imposée. Les crédits donnés aux
administrations sont accompagnés d'indicateurs de performance. La
logique de moyen consistait en effet à ne s'intéresser qu'au
montant des crédits alloués, alors que la logique de
résultat est inspirée de l'entreprise privée et prend en
considération les objectifs à atteindre. Avec la logique de
résultat, si l'objectif n'est pas atteint cela signifie que la politique
mise en place est mauvaise, que le financement est mauvais, etc. Il faut
raisonner en terme de politique publique et non de ministère, ce qui
entraîne d'ailleurs une rénovation de la forme du budget, puisque
les autorisations budgétaires sont désormais accolées
à une politique publique et ne sont donc plus strictement
réparties de façon organique, selon les
ministères211.
L'efficacité de la dépense devient donc centrale
et cette préoccupation possède un fondement juridique.
L'efficacité de la gestion a fait l'objet d'une mise en forme juridique,
remettant en cause le système financier originel qui semblait pourtant
très bien établi. L'ensemble des administrations ont dû
alors adopter de nouvelles méthodes de gestion pour permettre à
cette « culture de la performance »212 de
s'imposer. Plus précisément, les gestionnaires des
administrations ont dû s'atteler à mettre au point une
stratégie budgétaire. Ce changement est laborieux, mais la
modernisation était pourtant indispensable, à tous les niveaux et
dans toutes les fonctions de l'Etat, à commencer par sa fonction
achat.
Les valeurs communes de l'achat public et de la
performance financière. La performance au sens de la LOLF
« n'a pas pour but de définir le niveau des moyens en
209 P. SUET, « Après la réforme de la LOLF.
Un nouveau partage des responsabilités », RFFP 2003,
n°82, p. 53.
210 Ordonnance n°59-2 du 2 janvier 1959 portant loi
organique relative aux lois de finances.
211 C. WALINE, P. DESROUSSEAUX, S. GODEFROY, Le budget de
l'Etat, Doc. fr., 2012, p. 177.
212 M. BOUVIER, M.-C. ESCLASSAN, J.-P. LASSALE, Finances
Publiques, 10ème éd., coll. Manuel, LGDJ, 2010,
p. 32.
58
fonction des objectifs et des résultats attendus ou
réalisés mais, pour un niveau de moyens donné, d'optimiser
les résultats : elle doit permettre, sous contrainte budgétaire,
d'apprécier et d'améliorer l'efficacité de la
dépense publique et celle de la gestion des responsables de programmes
et d'évaluer la pertinence des actions financées
»213. Chercher à optimiser l'achat public en tant
qu'il est source de dépenses publiques, dans un contexte
budgétaire tendu, s'inscrit donc dans le prolongement direct de la
rénovation de la logique budgétaire voulue par la LOLF.
D'ailleurs, c'est également en 2001 que le premier Code
des marchés publics « eurocompatible » fait son
apparition. On peut y lire pour la première fois que «
l'efficacité de la commande publique et la bonne utilisation des deniers
publics sont assurées par la définition préalable des
besoins, le respect des obligations de publicité et de mise en
concurrence ainsi que par le choix de l'offre économiquement la plus
avantageuse. »214. Cette mention de l'efficacité et
de la préservation des deniers publics, au moment de transposer la
directive européenne, et alors que cette dernière n'en fait
aucune fois mention, ne peut être une simple coïncidence. Il
s'agissait d'un décret215 préparé par le
ministère de l'économie, des finances et de l'industrie,
simultanément à l'élaboration de la LOLF, en discussion au
Parlement, sous le contrôle de ce même ministère.
Les procédures de mise en concurrence et de
publicité ont alors trouvées, du même coup, une
justification autre que seulement la « libre concurrence »
ou l'achèvement du marché intérieur. De plus cela
s'inscrivait pleinement dans le nouveau rôle de gendarme
budgétaire que l'Europe se construit depuis le Traité de
Maastricht de 1992. Mais surtout, cette nouvelle justification avait l'immense
avantage d'être purement française et en lien avec la nouvelle
vision propagée par la LOLF. Jusqu'aux directives de 2014216,
cette idée n'était que secondaire pour l'Union Européenne.
Il s'agissait seulement pour cette dernière d'une sorte d'effet
collatéral bienvenu, rien de plus.
213 H. BIED-CHARRETON, « La démarche de
performance dans le cadre des lois de finances », Les notes bleues de
Bercy, 10 mars 2006, n° 304.
214 CMP 2001, art. 1er.
215 D. n° 2001-210, 7 mars 2001, portant code des
marchés publics.
216 Par exemple la préservation des deniers publics est
mise en avant aux considérants 63 (à propos des systèmes
d'acquisition dynamique) et 47 (à propos de l'encouragement pour
l'innovation). De même, le rapport coût/efficacité est mis
en avant à de nombreuse reprise afin de décrire à quoi
correspond une offre économiquement avantageuse.
59
Enfin la LOLF « reprend à son compte un
certain vocabulaire contractuel (responsabilisation sur des objectifs et des
engagements négociés, autonomie dans la gestion des moyens,
évaluation de la performance au moyen d'indicateur) »217
Cette nouvelle justification de la soumission des personnes
publiques aux procédures de mise en concurrence et de publicité
devient de fait utile pour légitimer une application de cette logique de
performance à l'achat public (B).
B. L'application de la logique de performance à
l'achat public
La performance de l'achat public : une
véritable politique publique. « Le droit des
marchés publics a eu pour ambition dès ses origines de constituer
un régime juridique devant assurer la conclusion du meilleur contrat. Il
s'agissait d'imposer à une administration prodigue des obligations
garantissant une utilisation parcimonieuse des deniers publics. »218
Les finances publiques sont donc en grande partie la première
légitimation d'un droit contractuel particulier appliqué à
l'achat.
De plus, la « culture de gestion » a fait
une entrée remarquée au sein de l'Administration, puisqu'elle
s'est heurtée à de nombreux obstacles. La logique «
coût-efficacité », importée du secteur
privé, était pour certains esprits corporatistes radicalement
incompatibles avec le service public. Néanmoins, la LOLF pleinement en
vigueur depuis 2006, puis la RGPP de 2007 et finalement la nouvelle MAP de 2013
ont tout de même aidé à inscrire cette nouvelle
méthode de gouvernance dans les esprits219.
Or au sein de ces différentes politiques de
modernisation, l'achat public s'est toujours trouvé en bonne place,
comme lorsque le Conseil de modernisation des politiques publiques a
fixé comme objectif en 2007 de réduire le coût des achats
de l'Etat220. La première finalité est le moindre
coût pour les finances publiques. Ainsi, comme on avait
déjà eu l'occasion de le relever brièvement, la
performance de l'achat public devient elle même une politique publique
dont l'efficacité doit être recherchée.
Il faut donc s'intéresser à « la
performance de la performance » en matière d'achat public. Le
droit de l'achat public doit donc être revu à l'aune de cet
objectif, car c'est ainsi que cette fonction abandonnera une culture purement
administrative, pour s'adapter à la
217 R. GALLIGANI, Le contrôle de l'efficacité
économique des contrats publics, Mémoire de fin
d'étude dans le cadre du Master 2 Contrats publics et partenariats,
Université de Montpellier, 2009, p. 45.
218 F. ALLAIRE, « Dépasser le droit des
marchés publics », AJDA, 2009, p.1696.
219 M. BOUVIER, M.-C. ESCLASSAN, J.-P. LASSALE, Finances
Publiques, Op. cit., p. 123.
220 Conseil de la modernisation des politiques publiques, 12
décembre 2007.
60
« culture de marché » dont parle
Stéphane Braconnier dans son manuel de droit public de
l'économie. Cette nouvelle logique anime désormais, qu'on le
veuille ou non de plus en plus l'action publique221, et ce d'autant
plus depuis les crises financières et bancaires de 2008 et 2010 qui ont
fait apparaître la vulnérabilité des « dettes
souveraines »222.
Une situation financière préoccupante au
service d'une rénovation de l'achat public. Comme
l'écrivait Gaston Jèze, « la plupart des grandes
réformes politiques ou sociales ont eu des causes financières
»223. De même, Léon Duguit rendait lui aussi
plus précisément l'économie responsable des
évolutions juridiques puisqu'il considérait que « le
droit évolue avant tout sous l'action des besoins économiques
(É) l'objet même des obligations de l'Etat et le sens de son
action se trouvent déterminés par la situation économique
du pays et les besoins de ses habitants »224. Ainsi tant
politiquement que juridiquement, la situation financière a poussé
au changement. Les contrats vont être les premiers impactés, avec
notamment des montages au service du financement privé
d'équipement et d'infrastructures, tels que les contrats de
partenariats225.
Il devient essentiel de mesurer l'efficacité de l'achat
public afin d'en tirer toutes les conséquences pour le fonctionnement
des administrations et les règles de l'achat public. De
nécessaires économies pourraient en effet être faites,
comme le signale fort justement Jean-Arthur Pinçon, dans son livre
« Le gâchis »226, qui dénonce une
politique des achats publics qui coûterait 30 milliards d'euros par an
aux contribuables : « On peut estimer que sur ces 300 milliards (somme
consacrée aux achats publics consacrés à l'acquisition de
biens et de services), 10 %, au minimum, sont gaspillés. 30 milliards
partent donc en fumée chaque année (É), c'est tout
simplement l'équivalent de la recette liée à l'impôt
sur le revenu. »227
Maintenant que politiquement cette volonté est belle et
bien affirmée à travers le SAE et désormais le
DAE228, au sein du ministère de l'économie et des
finances, l'importance des sommes en jeu laisse ainsi présager des
changements juridiques.
221 M. BOUVIER, Les finances locales, LGDJ, coll.
Systèmes, 11e éd. 2006, p.15.
222 S. BRACONNIER, Droit public de l'économie,
Op. cit., p. 48.
223 G. JÈZE, Cours de finances publiques, Giard,
1925-1931.
224 L. DUGUIT, « Les transformations du droit public »,
La mémoire du droit, 1999, p. 50 et 51
225 Ordonnance n°2004-559 du 17 juin 2004 relative aux
contrats de partenariats.
226 V. J.-A. PINÇON, Le gâchis. 30 milliards
d'euros perdus par an dans les Achats Publics, l'Harmattan, 2015.
227 JDE Edition Loire-Atlantique, 4 septembre 2015.
228 D. n° 2016-247 du 3 mars 2016 créant la
direction des achats de l'Etat et relatif à la gouvernance des achats de
l'Etat
61
L'évolution du droit des finances publiques
à l'appui du plaidoyer pour l'évolution du droit des
marchés publics. Les principes directeurs qui ont régis
la réforme du système financier sont similaires à ceux qui
doivent aujourd'hui mener l'évolution de ce qu'on pourrait appeler le
« système acheteur ». Comme il était admis que
« l'essence des finances (était) l'ordre
»229, « les responsables de la passation des
marchés ont tendance à se focaliser sur le respect de la
règle, parfois aux dépens de la rationalité
économique »230. Comme ce fut autrefois le cas pour
le droit public financier, le droit de la commande publique se trouve
confronté à « l'urgence de modifier les dispositifs
existants en vue de mieux les adapter »231.
Cependant, l'expérience des évolutions
juridiques qui ont concerné les finances publiques doit également
nous guider dans la théorisation des réformes futures qui sont
aujourd'hui nécessaires pour le droit de l'achat public. Dès
lors, si le droit doit être réadapté et prendre en compte
des impératifs de gestion, il ne faut pas que le corpus juridique
applicable aux acheteurs soit remis en cause par une conception gestionnaire.
« L'absence de prise en compte », par la «
conception juridique », de la « conception gestionnaire
» du contrôle des deniers publics était la cause en
finances publiques d'un grave manque de pertinence232. Cette
ignorance mutuelle de la gestion et du droit est d'ailleurs
dénoncée par le professeur Linditch au sujet du droit des
marchés publics, puisqu'il considère que si la notion de
performance « occupe aujourd'hui une place prépondérante
elle le doit davantage aux praticiens, au management de la commande publique
qu'au droit lui-même. »233.
Il vient que concernant l'achat public, il faut parvenir,
comme pour les finances publiques à « concilier la recherche de
l'efficacité de gestion et celle du respect de règles juridiques
»234. La correspondance de cette recommandation
financière avec celle qui fut faite par Laurent Richer est troublante.
Ce dernier considère en effet la contrainte réglementaire comme
l'éternel adversaire du « meilleur achat public
»235. De même Florian Linditch admet que «
le droit de la commande publique produit de la non performance
»236. C'était également le cas du «
droit public financier qui, il est vrai, a souvent pu être ressenti comme
un frein à la dynamique gestionnaire, notamment en raison des
contrôles de régularité qu'il
229 L. SAY, Nouveau Dictionnaire d'économie
politique, BNF Gallica, 1894.
230 L. RICHER, Droit des contrats administratifs,
Op. Cit., p. 329.
231 M. BOUVIER, M.-C. ESCLASSAN, J.-P. LASSALE, Finances
Publiques, Op. cit., p. 27.
232 Ibid., p. 30
233 F. LINDITCH, « Le contrat et la performance, une
rencontre impossible ? », art. préc.
234 M. BOUVIER, M.-C. ESCLASSAN, J.-P. LASSALE, Finances
Publiques, Op. cit., p. 30.
235 L. RICHER, Droit des contrats administratifs,
Op. Cit., p. 329.
236 F. LINDITCH, « Le contrat et la performance, une
rencontre impossible ? », art. préc.
impose ; d'où l'image passéiste voir
archaïque qui lui a été volontiers accolée, à
l'inverse de la logique de la gestion privée, ressentie comme une voie
innovante, celle de la modernité »237. La LOLF a
dans ce contexte a été salvatrice, en donnant au nouvel
engouement pour la logique de performance, un cadre juridique adapté.
Ce nouveau droit financier qui a donné une assise
à la nouvelle gestion publique a donc dû se transformer, mais au
même titre que le droit des marchés publics, c'est bien au sein de
la « nébuleuse du droit économique et des nouvelles
régulations que ce droit prend maintenant place
»238. Droit et finance, au même titre que les
services publics sont donc devenus « des objets fondamentalement
économique »239. Aussi le droit des marchés
publics doit il devenir économiquement compatible à travers la
prise en compte d'une obligation de performance, qui suppose de profondes
modifications.
Finalement, il semble essentiel pour l'achat public de se
doter d'une « Constitution de l'achat public »,
c'est-à-dire d'un cadre juridique susceptible non seulement de prendre
en compte mais aussi parfois de permettre les évolutions de l'achat
voulues par la pratique. Or ce cadre doit nécessairement être
intégré au corpus juridique existant. C'est ainsi que les
principes fondamentaux traduisent la nouvelle vision économique qu'il
faut avoir de la commande publique (II).
62
237 M. BOUVIER, M.-C. ESCLASSAN, J.-P. LASSALE, Finances
Publiques, Op. cit., p. 36.
238 Ibid.
239 S. BRACONNIER, Droit public de l'économie,
Op. cit., p. 48.
63
II. L'impératif de performance inhérent aux
principes fondamentaux de la commande publique
Plan. Le développement du droit de la
concurrence, avec l'extension du respect du principe de libre concurrence aux
personnes publiques a justifié un rapprochement entre les principes
fondamentaux de la commande publique et l'exigence d'efficacité de la
commande publique (A), cependant cette formalisation de la
performance de l'achat public n'a pas pour autant été permise
(B).
A. Les prémisses d'une formalisation juridique
de la performance par la soumission des personnes publiques au droit de la
concurrence
La libre concurrence au service de l'efficacité
économique. La concurrence se justifie par l'efficacité
économique qu'elle permet, puisqu'elle lutte « contre le
pouvoir de monopole ou de marché, c'est-à-dire la capacité
dont dispose une entreprise ou un groupe d'entreprises contrôlant une
part relativement importante du marché, d'induire une hausse des prix en
réduisant les quantités offertes et en obligeant ainsi les
consommateurs à se détourner vers d'autres biens, au risque de
gaspiller des ressources économiques rares. »240
« La libre concurrence n'est pas une fin en soi,
c'est un moyen d'atteindre une fin donnée. »241 De
manière générale, Montesquieu résumait que
« c'est la concurrence qui met un prix juste aux marchandises et qui
établit les vrais rapports entre elles. »242.
L'utilité de cette notion est de faire ressortir le bon sens
économique des rapports commerciaux, de façon à ce que
ceux-ci soient le plus équitables possibles. Il faut s'efforcer de
dompter la compétition inhérente au marché car c'est
précisément une compétition commerciale « saine
» qui permet d'obtenir les meilleurs produits et services aux
meilleurs prix. Une concurrence librement exercée, qui s'oppose à
une compétition commerciale déloyale, a donc pour objectif
premier de dompter la mondialisation en permettant l'efficacité
économique. Or la garantie d'une concurrence « loyale »
est permise par le droit de la concurrence.
La libre concurrence s'est progressivement imposée,
puisque les acteurs économiques « au lieu de se livrer à
une lutte acharnée » finissent souvent par se rapprocher et
s'entendre.
240 L. VOGEL, Traité de droit commercial, M.
GERMAIN (dir.), LGDJ, 2001, 18e éd., p. 561-562.
241 N. KROES, « La libre concurrence n'est pas une fin en
soi... », Revue des droits de la concurrence, n° 3, 2007.
242 MONTESQUIEU, « De l'esprit des lois », GF
Flammarion, 1993.
64
Il en résulte une restriction, voir une suppression de
toute concurrence qui est fortement préjudiciable pour
l'économie.243 D'où un encadrement de la concurrence
qui s'impose. Ainsi le droit de la concurrence se justifie par l'imperfection
du marché244.
La libre concurrence signifie que les opérateurs
économiques sont donc libres d'exercer leur activité
économique de production, de vente ou de consommation et l'Etat ne fait
que réguler le marché. Grâce à la rivalité
entre les personnes, qui est garantie par le droit de la concurrence, on
souhaite que le prix d'une marchandise soit continuellement en train de
« «graviter« autour de son prix «naturel«,
c'est-à-dire son coût de production. » 245 Autrement
dit, la garantie d'une libre concurrence est efficace car elle permet le
meilleur prix.
Le droit de la concurrence appliqué à
l'achat public. Depuis longtemps maintenant, le droit de la
concurrence s'applique en Droit public246, ainsi qu'en
matière de marchés publics247. Ces règles de
concurrence sont complétées par les règles de mise en
concurrence développées au sein des directives. D'une part, le
droit de la concurrence protège l'acheteur public face aux risques
d'ententes ou d'abus de position dominante. Il est mis en oeuvre par
l'Autorité de la concurrence. Mais d'autre part, le juge administratif
contraint l'acheteur public. L'Union Européenne a en effet depuis
longtemps identifié la nécessité pour la commande publique
d'être encadrée, afin de réaliser le marché
intérieur. Les directives Travaux de 1971 et Fournitures de 1976
248 , faisaient suite aux deux directives «
libéralisation » de 1969 et 1971, qui mirent
théoriquement fin à la préférence nationale en
matière de marché fournitures et de travaux. Puis sous
l'impulsion de Jacques Delors, une coercition fut mise en place pour garantir
l'application de procédures de mise en concurrence, l'absence de
sanction ayant effectivement ruiné toute chance de survie des directives
précédentes. Ces directives font suite à la remise d'un
Livre blanc qui avait identifié l'ouverture à la concurrence
européenne des marchés publics comme une nécessité
pour mettre en oeuvre le marché unique souhaité par le
Président de la Commission Jacques
243 M. PEDAMON, Droit commercial, commerçants et fonds
de commerce, concurrence et contrats du commerce, Dalloz, 1994, p. 399.
244 A. et G. DECOCQ, Droit de la concurrence. Droit
interne et de l'Union européenne, 3 éd., LGDJ, 2008, p.9.
245 M. GLAIS, « Les fondements d'une politique de la
concurrence », in Concurrence et régulation des
marchés, Cahier français, n° 313, 2003, p. 20.
246 CE, 3 nov. 1997, Société Millions et
Marais, n° 169907.
247 CE, 8 nov. 2000, Société Jean-Louis Bernard
Consultants, n° 222208.
248 V. en ce sens : C. BRECHON, « l'échec des
directives Travaux et Fournitures de 1971 et 1976 », RFDA 1989,
p. 8.
65
Delors249. Finalement l'Acte unique Européen
est signé en 1987 et donne un cadre juridique au développement
des prochaines directives relatives aux marchés
publics250.
L'objet du droit de la mise en concurrence.
Le droit de la concurrence a normalement pour objet de faire adopter
aux entreprises « un comportement concurrentiel afin de maintenir les
structures et assurer un meilleur fonctionnement des mécanismes du
marché. »251 A cet égard, il est important
de garantir, par l'application des règles, une autonomie dans la
détermination du comportement que l'opérateur doit avoir,
notamment au regard du choix de ses offres, de ses ventes et de ses
achats252. Le droit de la mise en concurrence semble être
quant à lui le complément nécessaire du droit de la
concurrence, puisqu'il a pour objet de garantir le libre accès à
la commande publique, l'égalité de traitement des candidats et la
transparence tant lors de la passation, que de l'exécution.
Les personnes publiques sont théoriquement soumises
autant que les personnes privées à ce principe de libre
concurrence. Pourtant paradoxalement les directives européennes et leurs
transpositions successives en droit français ne semblent pas permettre
une véritable liberté pour les personnes publiques. Un ensemble
de règles contraignantes vient encadrer leurs achats, car les personnes
publiques sont susceptibles de faire des choix non-économiques.
Celles-ci peuvent en effet décider, selon le postulat du droit
européen, de mettre en oeuvre un protectionnisme économique
à l'égard des entreprises nationales ou même locales lors
de leurs achats. C'est d'ailleurs ce qu'a pu juger la CJCE, qui a effectivement
considéré que la « finalité du droit
communautaire des marchés publics était d'éviter qu'un
« organisme financé ou contrôlé par l'Etat, les
collectivités territoriales ou d'autres organismes de droit public se
laissent guider par des considérations autres qu'économiques.
»253 La concurrence est alors davantage vue comme un
modèle économique
249 Commission européenne, Livre Blanc sur
l'achèvement du marché intérieur, COM(1985) 310
final, 1985,
Bruxelles.
250 Pour plus de détail sur l'évolution des
directives européennes jusqu'au dernière directives de 2014 : V.
L. RICHER, Droit des contrats administratifs, Op. Cit., pp.
323-324.
251 C. BOUTAYEB, Droit matériel de l'Union
européenne, LGDJ, coll. Lextenso éditions, 3e
éd., 2014, p. 208.
252 Idem.
253 CJCE, 12 déc. 2002, Universal Bau AG, aff.
C-470/99, Rec. p. I-11617, point 52 et 3 oct. 2000, University of Cambridge,
aff. C-380/98, Rec. I p. 8035, point 16 ; CJCE, 1er févr.
2001, Commission c/ France, aff. C-237/99, Rec. I p. 939, point 41.
66
et social254 et la libre concurrence, comme un
principe d'organisation permettant de le réaliser. Ce principe de libre
concurrence servant de fondement à un ensemble
normatif255.
Ces contraintes sont donc spécifiques aux
marchés publics. Des procédures « complexes, plus
longues et plus onéreuses » sont imposées aux acheteurs
publics, faisant naître un risque contentieux élevé, absent
en droit privé256. L'existence de ce risque explique que
l'impératif de sécurité juridique des marchés
publics ait pris le pas sur celui de l'efficacité, paradoxalement
à l'objet premier du droit de la concurrence.
Les traces d'une exigence de performance
fondées sur la libre concurrence en droit national. Comme cela
a déjà pu être souligné, l'ordonnance du 23 juillet
2015 fait valoir que « les marchés publics soumis à la
présente ordonnance respectent les principes de liberté
d'accès à la commande publique, d'égalité de
traitement des candidats et de transparence des procédures. Ces
principes permettent d'assurer l'efficacité de la commande publique et
la bonne utilisation des deniers publics. »257.
L'ordonnance reprend ainsi sur ce point le Code des marchés publics de
2006. Sous l'empire du Code de 2001, l'efficacité de la commande
publique et la bonne utilisation des deniers publics étaient «
assurées par la définition préalable des besoins, le
respect des obligations de publicité et de mise en concurrence ainsi que
par le choix de l'offre économiquement la plus avantageuse.
»258
La définition préalable des besoins et la
recherche de l'offre économiquement la plus avantageuse sont des
conditions indispensables pour assurer la performance de l'achat public car
« La dépense publique efficace est celle qui maximise la
contrepartie obtenue en réduisant autant que possible les charges
administratives. » 259 Par suite, la mise en concurrence est
supposée permettre une allocation optimale des ressources. Enfin il faut
ajouter comme facteur de la performance de l'achat public la participation de
la mise en place d'un achat durable260.
254 L. ZEVOUNOU, Le concept de concurrence en droit,
Thèse de doctorat en droit, Université Paris Ouest Nanterre La
Défense, 2010, p. 11.
255 P. BONASSIES, «Les fondements du droit communautaire
de la concurrence: la théorie de la concurrence moyen », in
Mélanges en l'honneur de A. Weill, Dalloz-Litec, 1983, p.51-67.
256 B. NAYRAUD, L'optimisation de l'offre et la demande en
Marchés publics, Mémoire Master 2 Contrats publics et
partenariats, Université de Montpellier, 2012, p. 28.
257 O. n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux
marchés publics, art. 1er.
258 CMP 2001, art. 1er.
259 L. Richer, « la concurrence concurrencée :
à propos de la directive 2014/24 du 26 février 2014 »,
Contrats et Marchés publics, n° 2, 2015.
260 L'absence de ce dernier outil a pu être
critiquée plus haut.
67
Mise en concurrence et rationalisation des
dépenses publiques : une corrélation pas toujours
évidente. Cependant, la libre concurrence au sens
européen a toujours exclu toute considération financière,
car comme le relevait déjà il y a presque 20 ans Philippe
Terneyre, « on pourrait dire qu'en droit communautaire un
marché public n'a pas pour objectif de faire en sorte, comme en France,
que les finances publiques du «pouvoir adjudicateur« soient
préservées, mais seulement d'obliger ce dernier à traiter,
dans un environnement concurrentiel et de façon égale, des
entreprises candidates, de toutes nationalités et de toutes tailles.
»261 Les nouvelles directives font mention de cette
exigence d'efficacité de la dépense publique262 afin
de légitimer les règles de soutien aux PME, qui n'ont pas pour
but de garantir le principe de libre concurrence. Le principe de bonne
utilisation des deniers publics est ainsi détourné de son
utilité d'origine par le droit européen.
Pourtant, les phénomènes parallèles de
discipline budgétaire et de saisine du droit des contrats administratifs
par le droit de la concurrence se rejoignent en droit français, au sein
de l'article 1er de la nouvelle ordonnance. L'exigence de
performance implicitement contenue dans cet article démontre surtout
l'adéquation des principes de libre concurrence et de protection des
deniers publics. L'efficacité économique est en effet l'objet du
droit de la concurrence, mais est également le principal outil, d'une
bonne utilisation des deniers publics.
Dès lors l'efficacité Ð et par voie de
conséquence la performance Ð devrait être une notion
sanctionnée juridiquement, avec une valeur normative propre et autonome.
Il serait alors possible de considérer qu'il s'agit d'une notion
juridiquement effective au-delà de son existence formelle au sein des
principes directeurs de la commande publique (B).
B. La consécration du principe
d'efficacité de l'achat public
Les traits communs de la performance et de la
concurrence, une source d'inspiration. La trajectoire suivie par la
notion de concurrence est source d'inspiration pour notre recherche
d'identité juridique de la performance. La concurrence est en effet,
avant tout, une notion économique. On parle en sciences
économiques de « workable competition ». Cependant,
cette notion a été conceptualisée juridiquement
(« competition law ») et « le droit de la
concurrence constitue (aujourd'hui) le vecteur le plus dynamique de
pénétration
261 P. TERNEYRE, « L'influence du droit communautaire sur
le droit des contrats administratifs », AJDA 1996, p.84.
262 Dir. 2014/24/UE du 26 février 2014 sur la passation
des marchés publics, Consid. 2.
68
du Droit privé dans le champs de la commande
publique »263. Or on a déjà mis en avant le
fait que la performance de l'achat public, pour être effective, doit
être conceptualisée juridiquement, mais que cela nécessite
une approche moins dichotomique du droit.
Aussi, si l'on file la comparaison jusqu'au bout, on
s'aperçoit que la libre concurrence en tant qu'impératif
juridique, est parvenue à s'imposer aux marchés publics en
passant par le haut de la pyramide des normes, à savoir le droit
communautaire. Cependant, cette exigence n'était que peu effective au
départ puisqu'aucune coercition n'étant encore permise.
Actuellement la performance est face à une difficulté un peu
différente qui nuit comme pour le droit de la mise en concurrence
à son effectivité. Cette notion s'est en effet imposée par
le bas en terme de hiérarchie juridique, n'étant accueillie que
par la science administrative.
Néanmoins, sa proximité avec la nouvelle
philosophie financière qui est quant à elle consacrée par
une loi organique, ou son objet commun avec la libre concurrence, laisse penser
que pour s'imposer la performance doit nécessairement être
consacrée. La première étape vers la
systématisation de la notion de performance semble aujourd'hui
accomplie, mais la seconde partie fait encore et toujours défaut, la
faute à une notion bien trop large et insaisissable.
La performance est théoriquement
constitutionnellement garantie. Au regard de la décision du 26
juin 2003264, rendue par le Conseil Constitutionnel, il ressort que
ce dernier considère les principes de bonne utilisation des deniers
publics et d'efficacité de la commande publique comme étant des
« exigences à valeur constitutionnelle » puisqu'il a
jugé d'une part, que la loi qu'il avait à connaître
« serait susceptible de priver de garanties légales les
exigences constitutionnelles inhérentes à l'égalité
devant la commande publique, à la protection des
propriétés publiques et au bon usage des deniers publics
»265. D'autre part, et plus spécifiquement, les
sages rappellent que le gouvernement qui est habilité par cette loi
à simplifier le droit par voie d'ordonnance, devra « respecter
les règles et principes de valeur constitutionnelle » et que
doivent être inscrits au nombre de ces principes, ceux de la commande
publique266. Or au sein de l'article 1er du Code
l'efficacité de la commande publique est présente au même
titre que la protection des deniers publics.
Cependant, l'objectif d'efficacité semble plus
exactement procéder de l'impératif de
263 S. BRACONNIER, Précis du droit des marchés
publics, le moniteur, 2e éd., 2009, p. 31.
264 Cons. Const., 26 juin 2003, n 2003-473 DC,
Loi habilitant le Gouvernement à simplifier le droit.
265 Ibid. Consid. 18.
266 Ibid. Consid. 10.
69
bonne utilisation des deniers publics et lui serait donc
inférieur.
Enfin, il apparaît que dans la formulation de l'article
1er, ces différents principes doivent certes guider
l'acheteur public lorsqu'il se situe en dessous des seuils de procédure
formalisée267, comme le prévoit désormais
l'article 42 de l'ordonnance268. Mais, ces principes fondamentaux
ont aussi vocation à s'appliquer à l'ensemble des marchés
passés par les acheteurs publics.
Les sages ont ainsi cherché à «
protéger les intérêts patrimoniaux des personnes publiques
et, plus encore, à éviter que l'intervention publique vienne
fausser la concurrence sur le marché » et « c'est
donc à l'aune de ces principes qu'il convient d'apprécier toute
règle ou toute solution régissant la commande publique »
269, car comme le soulignait le commissaire du gouvernement
Didier Casas « on doit (...) reconnaître à ces principes,
qui constituent ensemble le droit commun de la commande publique, une valeur
constitutionnelle. »270
Le Conseil Constitutionnel rattache ces exigences à
l'article 14 de la DDHC qui fonde davantage la transparence des dépenses
publiques, puisque celles-ci sont permises par l'argent du contribuable. Mais
surtout, ce principe d'efficacité a pu également par la suite
faire intervenir l'article 15 de cette même DDHC271. Or
derrière cet article qui donne le droit « à la
société de demander compte à tout Agent public de son
administration », c'est un « point de responsabilités
exercées sans responsabilité assumée », selon la
formule de Guy Carcassonne272. Il faut responsabiliser
l'Administration dans les dépenses qu'elle effectue. Aussi cet article
fonde l'intervention des juridictions financières, mais fonde surtout
l'exigence de « bonne administration ». La
responsabilité dont il est question est en réalité
démocratique. Toutefois, Carcassonne relève qu'un «
exercice plus méthodique et déterminé » de cette
responsabilité, sans tomber pour autant dans l'abus, permettrait de
résoudre le problème d'endettement chronique du pays.
La véritable assise du principe de performance de
l'achat public est donc trouvée, néanmoins cela ne suffit pas
à une reconnaissance dudit principe et à une efficace
répression de l'achat inefficace. Il apparaît donc comme
étant nécessaire de donner à cette notion
267 25 000 € aujourd'hui, depuis D. n° 2015-1163 du
17 septembre 2015 modifiant certains seuils relatifs aux marchés
publics.
268 O. n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux
marchés publics.
269 G. ECKERT, « Réflexions sur l'évolution du
droit des contrats publics », RFDA 2006, p.238.
270 Concl. D. CASAS sous l'arrêt CE, 23 févr.
2005, Association pour la transparence et la moralité des
marchés publics et autres, n° 264712, RFDA 2005, p.
483.
271 Cons. Const., 24 juillet 2008, n° 2008-567 DC, Loi
relative aux contrats de partenariat.
272 G. CARCASSONNE, La Constitution introduite et
commentée, Points, coll. Essai, 2e éd., 2011, pp.
420-421.
70
d'efficacité de la commande publique un contenu plus
large, en théorisant une obligation de performance, ceci afin de
parvenir un jour peut-être à son autonomie (Section
2)
71
Section 2. La caractérisation d'une obligation
de performance appliquée à l'achat public
Plan. L'objectif de performance doit
être conceptualisé juridiquement afin que sa prise en compte soit
la plus efficace possible. Cette obligation n'existe pas pour l'instant, pour
autant elle apparaît dans le discours, dans les institutions, dans la
science administrative et même dans les textes normatifs. Dès lors
sa maîtrise devient une nécessité. Il faut donc s'attacher
à être prospectif.
« L'obligation » semble être le modèle
juridique qui est le plus à même d'accueillir, l'exigence de
performance globale car celle-ci permet une responsabilisation tant des
acheteurs publics que des opérateurs répondant à la
commande publique (I), cependant pour avoir de
véritables effets, cette obligation devrait être garantie par un
contrôle efficace (II).
I. L'obligation de performance ou la responsabilisation des
acheteurs publics
Après s'être intéressé à
catégoriser juridiquement une telle obligation de performance de l'achat
public (A), il sera possible de nous intéresser
à la problématique de la sanction d'une telle obligation
(B).
A. Typologie de l'obligation de performance
Une obligation de bien contracter semble
émerger. L'obligation de performance de l'achat public rejoint
en partie une obligation de bien contracter qui a récemment
émergée de la jurisprudence du Conseil d'Etat273.
Cependant, le juge administratif semble avoir exclu les marchés publics
de ce phénomène.
Le juge administratif qui avait à connaître un
contrat de partenariat devait vérifier que les conditions de
l'ordonnance de 2004274, à savoir, alternativement,
l'urgence, la complexité ou l'opportunité étaient
remplies. Aussi cette analyse in concreto pouvait parfois ressembler
à s'y méprendre à un véritable contrôle de
l'opportunité. Avec l'ordonnance du 23 juillet 2015
273 M. SENO, « Existe-t-il une obligation de bien
contracter dans les contrats publics ? », Gazette du Palais, 2010, n°
275, p. 14.
274 O. n° 2004-559 du 17 juin 2004 sur les contrats de
partenariat, art. 2.
72
ce contrôle subjectif s'est accru puisque
désormais, pour passer un contrat de partenariat, l'acheteur doit
démontrer que « compte tenu des caractéristiques du
projet envisagé, des exigences de service public ou de la mission
d'intérêt général dont l'acheteur est chargé,
ou des insuffisances et difficultés observées dans la
réalisation de projets comparables, le recours à un tel contrat
présente un bilan plus favorable, notamment sur le plan financier, que
celui des autres modes de réalisation du projet.
»275 Un contrôle très précis du choix
d'un marché de partenariat devra donc être effectué. Cette
analyse du juge s'appuie plus précisément sur « les
aspects financiers, juridiques et administratifs, ainsi qu'en termes de
performance, de partage des risques et de délai, des options
étudiées »276.
Le juge en fit de même concernant les
délégations de services publics. Le juge a effectivement
décidé de contrôler la durée de ses contrats, dans
le silence des textes. La durée optimale est une condition essentielle
du « bon contrat ». Le juge par ce contrôle s'immisce
dans le contrat sur le fondement d'une obligation de bien contracter, qu'il a
créé de toutes pièces.277
Néanmoins, le juge semble avoir créé une
telle obligation en raison des nécessités de plusieurs
espèces, plus que dans un objectif global. Ce contrôle du bon
contrat est très réduit, en matière de marchés
publics. Le contrôle du bon contrat se limite en effet à
vérifier que la procédure de passation a été
respectée, puisque le juge des référés
précontractuels doit se contenter « de rechercher si
l'entreprise qui le saisit se prévaut de manquements qui, eu
égard à leur portée et au stade de la procédure
auxquels ils se rapportent, sont susceptibles de l'avoir lésée ou
risquent de la léser, fût-ce de façon indirecte en
avantageant une entreprise concurrente. »278 Même si
son contenu semble encore trop rétréci, la qualité du
contrat est bien sanctionnée et l'obligation de bien contracter existe
bel et bien279.
Il faut donc s'attacher à lui donner un contenu plus
large, en s'appuyant sur cette brèche ouverte par le Conseil d'Etat,
d'où l'utilité d'une obligation se rapportant
spécifiquement à l'achat public. Surtout que, comme l'a
déclaré le vice président du Conseil d'Etat Jean-Marc
Sauvé, « le juge administratif est chargé d'assurer
l'intégrité et
275 O. n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux
marchés publics, art. 75.
276 CE, 23 juillet 2010, SNSO, n° 326544.
277 CE, Ass., 8 avr. 2009, Cie générale des
eaux et commune d'Olivet, n° 271737 et 271782 ; confirmé par
CE, 11 aout 2009, Sté Maison Comba, n° 303517 ; conf. CE,
21 mai 2010, cne de Bordeaux, n° 334845.
278 CE, 3 oct. 2008, SMIRGEOMES, n° 305420.
279 J.-D. DREYFUS, « Pour un renouveau du
référé précontractuel », AJDA 2010,
p. 1553.
73
l'efficacité »280 des contrats
publics, sans exception. Le « bon contrat » est une notion
trop subjective qui est incluse dans la notion plus large de performance. Il
peut être définie comme un contrat « clair, lisible et
équilibré »281.
Or de telles qualités semblent d'une part bien
insuffisantes pour constituer un achat performant, et d'autre part, on peut
douter que ces éléments soient toujours utilement
vérifiés par le juge, sans tomber dans un subjectivisme absolue
et dangereux pour la liberté contractuelle. De même afin
d'encadrer les pouvoirs du juge et préserver la liberté
contractuelle, ainsi que pour garantir une certaine prévisibilité
qui est essentielle aux relations d'affaire, il semble nécessaire de
préciser le contenu de l'obligation de performance.
Un devoir moral de performance. « La
cohésion d'un groupement repose sur une multitude d'obligations de
caractère juridique allant souvent de concert avec des pouvoirs ou des
autorités reconnus activement à d'autres personnes.
»282 La performance est avant tout une obligation morale,
qui s'est imposé à tous, au fur et à mesure que la logique
de marché progressée. Il faut en effet optimiser la rencontre de
l'offre et de la demande.
Le débiteur de ce devoir moral de performance en
l'espèce est la personne publique, mais le créancier de cette
obligation a une personnalité plus imprécise car multiple. La
personne publique est en effet redevable d'une obligation de performance de son
achat auprès de la société, puisqu'elle accomplit
effectivement des activités de services publics, en utilisant l'argent
du contribuable pour répondre à ses besoins qui sont
nécessairement liés auxdits services. Cependant comme
l'écrit François Terré à propos du devoir moral,
une telle notion d'obligation « ne saurait être entendue
efficacement de manière aussi diluée. »283 C'est
pourquoi il faut tenter de préciser cette obligation pour pouvoir en
faire une véritable obligation juridique qui se définit comme un
« un lien de droit, (É) entre deux personnes en vertu duquel
l'une d'elles, le créancier, peut exiger de l'autre, le débiteur,
une prestation ou une abstention. »284
280 J.-M. SAUVÉ, « Discours d'ouverture de la
4e édition des entretiens du Palais Royal : «Contrat de
partenariat, marché public, délégation de service
public... Que et comment choisir ?« », LPA, n° 170-171, n°
spécial, 2010, p. 3.
281 S. DUHR, op. cit., p. 22.
282 F. TERRE, Les obligations, Dalloz, coll.
Précis, 10e éd., 2009, p. 1.
283 Idem.
284 Idem.
74
La nature de l'obligation. L'exigence de
performance pourrait théoriquement prendre la forme tant d'une
obligation de moyen que de résultat.
D'abord il pourrait s'agir d'une obligation de moyen. Le
débiteur devrait alors tout mettre en oeuvre pour que cette exigence de
performance soit prise en compte. Il doit être « prudent et
diligent » et « faire de son mieux ». L'obligation
de moyen semble plus adaptée qu'une obligation de résultat car il
n'est pas possible de déterminer de manière péremptoire ce
qu'est un résultat performant.
Il serait cependant tout à fait possible de fixer
préalablement un certain nombre de résultats à atteindre
au cours de l'exécution d'un contrat. On sanctionnerait alors la
nonperformance soit à raison du manque d'ambition des résultats
attendus, soit dans l'hypothèse où les objectifs fixés
préalablement n'auraient pas été atteints au cours de
l'exécution.
Il semble que l'obligation de performance de l'achat public
puisse se partager en deux types d'obligations.
Dans un premier temps, le législateur devrait
être soumis à une obligation type « obligation de moyen
». Il serait en effet bienvenu que ce dernier se sente davantage
concerné par un souci d'efficacité. Pour cela il devrait
être obligé d'élaborer des lois respectant un principe
fondamental de performance, mais cela implique nécessairement au
préalable une affirmation constitutionnelle et législative de
cette exigence de performance.
Dans un second temps, l'acheteur public devrait être
quant à lui soumis à une « obligation de résultat
», à condition que le contenu de cette dernière soit au
préalable précisément décrit par le
législateur et le gouvernement.
Il vient finalement que l'obligation de performance de l'achat
public doit par conséquent agir à tous les niveaux de la
hiérarchie des normes.
La source de l'obligation : la responsabilité.
Cette obligation de performance trouve sa source dans la
responsabilité puisqu'il s'agit « d'une obligation de
répondre d'un dommage devant la justice et d'en assumer les
conséquences envers la société. »285
La faute en question serait la contre-performance et le préjudice serait
une mauvaise utilisation des deniers publics ou une utilisation non-optimale de
ceux-ci. Pourtant habituellement lorsque l'on parle d'une réparation
à l'égard de la société, on se situe plus dans le
volet pénal, alors qu'en l'occurrence il s'agit seulement d'une
obligation administrative.
285 G. CORNU, Vocabulaire juridique, coll. Quadrige,
Puf, 2011, p. 908.
75
Cette responsabilisation est essentielle. Les acheteurs
publics doivent se sentir concernés non seulement par la
régularité de leurs contrats d'achat, mais également par
l'efficacité de ceux-ci. Autrement dit, la dimension managériale
de la responsabilité publique doit se concilier avec la dimension
juridique de cette même responsabilité286. Cette
responsabilisation des gestionnaires publics sur leurs résultats est
née avec la LOLF, puisqu'alors « la dimension auparavant
implicite des référentiels de responsabilité rendant
complexe la mise en cause personnelle des gestionnaires, laisse place à
une dimension explicite par des référentiels et indicateurs
prévus au sein des programmes. »287 Le corollaire
de la performance de l'achat public est donc bien la responsabilité de
l'acheteur public.
Il reste que derrière cette notion de
responsabilité, apparaît immédiatement après la
problématique de la réparation (B).
B. La difficile sanction de l'obligation
A la recherche d'une coercition performante.
La performance a ceci de particulier qu'il est difficile de la
sanctionner. Exiger le paiement d'une somme en raison d'un comportement
anti-performant est critiquable au regard des difficultés
financières des personnes publiques, qui justifient elles-mêmes le
recours à une vision performante. L'incitation semble davantage
adaptée.
Pour autant il faut se demander si l'utilisation d'une
sanction pécuniaire sanctionnant la non-performance ne permettrait pas
de faire comprendre aux personnes publiques qu'une vision davantage
stratégique et managériale, serait un changement de bon augure
pour elles. A l'image du référé contractuel qui n'est que
peu utilisé, l'ombre de la sanction pourrait suffire à convaincre
les services achats d'user de nouveaux outils et de veiller à une vision
performancielle de leurs achats.
L'absence de sanction pour faute de gestion
contractuelle. Un mauvais management n'est pas sanctionné
juridiquement. Il peut l'être politiquement, mais seulement pour de
graves manquements. Cette responsabilité politique est pourtant
insuffisante car elle est incertaine.
286 J. DESMAZES, « Achats publics : la
problématique conciliation des dimensions managériale et
juridique de la responsabilité publique », in Politiques
et management public, vol. 19, n° 1, 2001. Les nouvelles exigences de la
responsabilité publique, Actes du dixième colloque international,
Paris, 2000, T. 1, pp. 81-102.
287 A. BARILARI, « Réforme de la gestion publique et
responsabilité des acteurs », AJDA, 2005, p. 696.
76
Seule une pénalisation des pratiques
irrégulières des responsables politiques est prévue. On
pense notamment au délit de favoritisme288, à la prise
illégale d'intérêts289, au trafic
d'influence290 ou encore à la corruption291. Il
est certain que ces pratiques doivent être sanctionnées.
Toutefois, seul le favoritisme permet indirectement une sanction de
l'efficacité à proprement parler. C'est en effet le non respect
des principes fondamentaux qui est alors sanctionné, or on a
déjà vu que le respect de ces principes était aussi gage
d'efficacité.
Ainsi non seulement la contre-performance n'est pas
sanctionnée, mais le choix de la voie pénale est aussi
symptomatique de l'inadaptation du contrôle de l'efficacité de
l'achat public.
Le contrôle pénal vise les personnes ayant eu des
comportements irréguliers, tandis que les sanctions administratives
visent davantage les institutions. Cette pénalisation est une
thérapie et a une fonction dissuasive. La matière des
marchés publics a été entachée de nombreux
débordements et atteintes à la réglementation.
Sévir pénalement a donc eu un but pédagogique afin que la
réglementation des marchés publics soit
respectée292. Cependant, à l'heure où une
approche managériale des marchés publics doit rattraper son
retard, cette pénalisation constitue une rigidité qui participe
à une vision trop juridique de l'achat public. Les acheteurs se
focalisent sur la réglementation par peur de la sanction pénale.
Sans compter que certaines de ces sanctions dans leurs rédactions
actuelles peuvent parfois faire obstacle à des pratiques qui seraient
pourtant les bienvenues, comme le sourcing par exemple. La pénalisation
devait faire peur. C'est réussi. Toutefois cette logique punitive ne
saurait être parfaitement adaptée pour cette fois servir
l'efficacité.
L'incitation contractuelle. Des
mécanismes contractuels existent pour que les personnes publiques
encouragent et veillent à un comportement performant de la part de leurs
partenaires. Aussi l'article 17 du décret relatif aux marchés
publics de mars 2016 traite des prix et prévoit que « des
clauses incitatives peuvent être insérées dans les
marchés publics notamment aux fins d'améliorer les délais
d'exécution, de rechercher une meilleure qualité des prestations
et de réduire les coûts de production. »293
L'incitation plus que la sanction
288 Code pénal, Art. L. 432-14.
289 Code pénal, Art. L. 432-12.
290 Code pénal, Art. L. 432-11.
291 Code pénal, Art. L. 432-11.
292 C. PREBESSY-SCHNALL, « la pénalisation du
droit des marchés publics », coll. Bibliothèque de droit
public, LGDJ, 2002.
293 D. n° 2016-360 du 25 mars 2016 relatif aux
marchés publics, Art. 17.
77
semble être une contrainte plus efficace. Cela revient
au paiement de prime à la performance294. Cependant ce type
de clause n'est d'une part pas obligatoire et ne s'attache d'autre part
qu'à garantir la performance qu'au stade de l'exécution du
contrat.
Des pénalités sanctionnant la performance
peuvent être prévues également, mais leur mise en oeuvre
est bien souvent plus cher que la pénalité elle-même et
surtout, cette méthode ne favorise pas une relation de confiance avec le
prestataire. L'équilibre contractuel peut vite se rompre avec un usage
excessif de pénalités. De même ces pénalités
n'agissent qu'au stade de l'exécution.
Au-delà de la sanction, c'est le contrôle la
performance qui joue un rôle central (II).
II. Le nécessaire contrôle de
l'efficacité de l'achat public
Comme le fait justement remarquer Jean-Philippe Dolor dans son
mémoire295, ce contrôle s'il comporte certaines
faiblesses (A), tend de plus en plus à se
développer afin de garantir une efficacité économique des
contrats d'achat public (B).
A. Un contrôle de l'efficacité encore
insuffisant
La faiblesse du contrôle organique interne.
Cette faiblesse est dénoncée par Jean-Philippe Dolor
dans son mémoire.
La commission consultative des marchés publics
(CCMP)296 qui a été supprimée en
2013297, était dépourvue de compétence de
contrôle. Au fur et à mesure des réformes, le pouvoir
réglementaire a en effet supprimé cette compétence alors
qu'à une époque, la commission spécialisée des
marchés (CSM)298 crée en 2001, avait une
véritable prérogative en la matière299.
Pourtant ce contrôle apparaissait utile, puisqu'elle pouvait alors
rejeter un marché inefficace et intimer au pouvoir adjudicateur de se
justifier pour pouvoir poursuivre dans cette voie. Il n'y a donc plus d'organe
indépendant destiné à ce contrôle de
l'efficacité.
294 Voir en ce sens : « Les clauses incitatives : un
outil au service de la performance des achats », interview de D. ADDA,
conseil en propriété intellectuelle au sein du Cabinet TPC,
locatis.info, 2015.
295 J.-P. DOLOR, Le contrôle de l'efficacité
économique des contrats publics, Mémoire de fin
d'étude dans le cadre du Master 2 Contrats publics et partenariats,
Université de Montpellier, 2012, p. 5.
296 D. n° 2009-1279 du 22 octobre 2009 relatif à la
commission consultative des marchés publics.
297 D. n° 2013-420 du 23 mai 2013 portant suppression de
commissions administratives à caractère consultatif.
298 D. n° 2001-739 du 23 août 2001 relatif aux
commissions spécialisées des marchés.
299 J.-P. DOLOR, Le contrôle de l'efficacité
économique des contrats publics, op. cit. pp. 7-8.
78
De plus un contrôle efficace suppose des moyens
financiers, humains et techniques, ce dont sont globalement dépourvus
l'Etat et les collectivités territoriales. Faute de ressources
financières, il raisonne en effet en terme de moyen, plutôt que de
se prêter à un véritable contrôle des
dépenses, au regard des objectifs préalablement
fixés300.
De même, tant qualitativement que quantitativement le
personnel chargé d'un tel contrôle est également
insuffisant, puisqu'il faut non seulement des juristes maîtrisant les
procédures d'achat mais il faut également qu'ils aient une bonne
connaissance économique. Aussi les acheteurs doivent être
parfaitement conscients des préoccupations des différents
services techniques. Ces derniers sont un rouage essentiel de
l'efficacité puisqu'ils doivent veiller à exprimer le plus
précisément et le plus justement possible leurs
besoins301.
Si les élus disposent d'un pouvoir de contrôle
global sur les affaires de la commune302, ils doivent aussi
être obligatoirement informés des contrats sur le point
d'être passé, préalablement à une assemblée
plénière303. De même la transparence
administrative, outre le fait qu'il s'agisse d'un principe fondamental, est
l'objet de la loi CADA de 1978. Aussi les conditions semblent remplies pour que
les élus puissent mettre en oeuvre ce contrôle. Cependant, le fait
majoritaire prive bien souvent les élus de ce contrôle. Qu'ils
appartiennent à la majorité ou à l'opposition, le plus
souvent ils n'osent pas ou ne parviennent pas à remettre en cause des
contrats qui se révèleront par la suite inefficace.
Les institutions chargées du contrôle
externe ne disposent pas de pouvoir de sanction suffisant. Pourtant au
même titre que l'absence de mise en concurrence et de publicité,
l'inefficacité devrait pouvoir être sanctionnée par des
organes dédiés à ces questions. Le respect du droit de la
mise en concurrence n'est pas suffisant pour que la commande publique soit
efficace.
Certes la Cour des comptes (CDC) et les Chambres
Régionales des Comptes (CRC) contrôlent indirectement
l'efficacité globale des marchés publics une fois
terminés304, puisqu'elles ont la compétence pour
examiner la gestion de l'Etat, des collectivités
300 J.-P. DOLOR, Le contrôle de l'efficacité
économique des contrats publics, op. cit., p. 13 ; R. GALLIGANI,
Le contrôle de l'efficacité économique des contrats
publics, op. cit., p. 23.
301 Idem.
302 CGCT, art. L. 2121-13.
303 CGCT, art. L. 2121-12 et CAA Douai, 11 mai 2000, Commune
Sangatte, n° 2000-134731.
304 J.-D. DREYFUS, les contrôles des
collectivités territoriales, Jurissclasseur, Contrats et
marchés publics n°5, 2007, étude 8.
79
territoriales, ainsi que de leurs établissements
publics respectifs305. Elles procèdent à la
vérification de la sincérité des comptes,
l'équilibre financier des opérations, ainsi qu'une comparaison
des moyens mis en oeuvre et des résultats obtenus. Dès lors les
politiques publiques, tel que l'achat public sont contrôlées du
point de vu de l'efficacité.
Toutefois, ce contrôle est trop peu contraignant,
puisque de simples lettres d'observation sont envoyées. Or ces lettres
n'ont qu'un rôle préventif. Elles ont pour objet d'alerter et
seulement d'alerter. Elles sont rendues publiques, font l'objet d'un
débat en assemblée délibérante et une
réponse de l'institution concernée est permise. Pourtant
« l'observateur (n'a) aucun moyen d'intervention directe pour corriger
les défauts, dysfonctionnements, voire irrégularités,
constatés. » Il s'agit en effet « de normes
techniques et non de normes juridiques, échappant par conséquent
au domaine du droit. »306 Cette vision est
cohérente avec les considérations du juge administratif qui
considère que le contrôle de gestion « ne présente
pas le caractère de décision faisant grief
»307. Il a d'ailleurs jugé la même chose,
plus spécifiquement, au sujet d'un avis rendu par des juridictions
financières concernant des contrats passés par des
collectivités308.
Ainsi il ne reste plus que la responsabilité politique
des institutions défaillantes, qu'il serait possible d'engager en cas
d'inefficacité contractuelle. Sauf qu'il ne s'agit pas d'un
contrôle juridictionnel, mais bien d'un hypothétique
contrôle démocratique permis par la transparence.
D'ailleurs il est possible d'expliquer cette réticence
à donner de véritables moyens d'agir aux juridictions
financières par la nécessité de protéger la
décision politique de tout contrôle
d'opportunité309. Il s'agit en effet d'un prérequis
nécessaire à la libre administration des collectivités
territoriales, qui est elle-même consacrée
constitutionnellement310.
Finalement l'imprécision des objectifs des politiques
publiques mis en place par les collectivités311, ainsi que le
fait pour les CRC de privilégier un contrôle des coûts et de
la régularité pour les marchés publics viennent renforcer
l'inefficacité du contrôle
305 Constitution du 4 octobre 1958, art. 47-2 ; Code des
juridictions financières pour les CRC, arts. 211-1 et 2118.
306 H.-M. CRUCIS, Droit des contrôles financiers des
collectivités territoriales, coll. AJDA, le Moniteur, p.413.
307 TA Marseille, 1er mars 1995,
Société Semica et commune de la Ciotat.
308 CE, 8 déc. 1995, Département de la
Réunion, n° 154042 et s.
309 Réaffirmé par L. n° 2001-1248 du 21
décembre 2001 relative aux chambres régionales des comptes et
à la Cour des comptes.
310 Constitution du 4 octobre 1958, art. 72.
311 J.-L. GOUSSEAU, « Les chambres régionales des
comptes et l'évaluation des politiques publiques locales », la
revue du Trésor, n°1, 2008, p. 21.
80
d'efficacité312. Tandis qu'en «
matière de marchés publics, il est attendu des pouvoirs
adjudicateurs, non seulement qu'ils en maîtrisent suffisamment la
technique pour mener leurs actions en conformité avec la
réglementation, mais encore que sur cette base, ils mettent à
profit toutes les marges de manoeuvre que le code leur laisse pour tendre vers
un achat efficient »313.
De la même façon, le juge administratif, en
l'état actuel des choses, ne saurait de lui-même sanctionner la
passation ou l'exécution d'un marché public au motif que le
coût pour le contribuable serait trop élevé ou que la
procédure utilisée ne serait pas adéquate pour obtenir le
meilleur contrat. L'opportunité ne doit pas en effet se confondre avec
la légalité. Le juge se limite donc à sanctionner l'erreur
manifeste d'appréciation concernant le choix des critères et leur
pondération314. Cette liberté accordée au
pouvoir adjudicateur n'est que la suite logique de la jurisprudence
européenne315. Mais surtout, cette liberté de choix
des critères par le pouvoir adjudicateur ne doit souffrir d'aucune
limite, car c'est ce qui permet de dire que la liberté contractuelle
existe belle et bien, malgré l'encadrement juridique du choix du
cocontractant316. Néanmoins, « cette position
pourrait se comprendre en considérant que dans la mesure où les
exigences en termes d'énonciation et d'exhaustivité des
critères ont été satisfaisantes, le juge n'a plus
qu'à craindre une sorte de dénaturation dans la comparaison des
offres. »317 Sauf que ce n'est pas le cas et qu'un
contrôle normal semblerait donc plus approprié. Pour autant, si
l'opportunité demeure à l'écart de tout contrôle, le
juge peut tout de même vérifier l'adéquation entre la
prestation demandée et les besoins de la collectivité. Il
s'adjoint ainsi à un contrôle de la proportionnalité du
besoin avec l'objet du contrat et son prix318, sanctionnant toute
disproportion319.
Cette impuissance des juridictions financières, comme
du juge administratif, vient directement du fait qu'aucune norme n'impose de
garantir une action contractuelle efficace afin de lier véritablement
les collectivités territoriales à cette
exigence320.
312 R. GALLIGANI, Le contrôle de l'efficacité
économique des contrats publics, op. cit., p. 23.
313 L. RENOUARD, « le contrôle des juridictions
financières », Actes du 15ème colloque de l'AFAC,
in Commande publique : les contentieux de la passation, comment les
gérer ?, Paris, 27 janvier 2011, p. 86.
314 CE, 1er avril 1998, Département de
Seine et Marne, n° 157602.
315 CJCE, 20 sept. 1988, aff. 31/87, Gebroeders Beentjes BV
contre État des Pays-Bas.
316 CE, 12 juin 1987, Cne de Cestas, n° 71507,
71961.
317 P.-M. CLOIX, « Contrôle juridictionnel et
critères de choix », ACCP, juin 2007, p. 58.
318 P. NDIAYE, « Du contrôle de l'efficacité
économique des contrats publics », in Mélanges en
l'honneur du professeur Michel Guibal, G. Clamour, M. Ubaud-Bergeron
(dir.), coll. Mélanges, Presses de la Faculté de Montpellier,
2006.
319 CE, 18 nov. 1998, Min. de l'intérieur c/ SARL
« Les voyages Brounais », n°76131.
320 Conc. C. CHANTEPY sous. CE, 8 déc. 1995,
Département de la Réunion, préc.
81
Le contrôle externe est matériellement
dépourvu. D'abord pour ce qui est l'inefficacité
matérielle, Alain Ménéménis, au moment de relever
les points forts du Code de 2006 mettait en exergue l'apport important de
l'article 1er, mais a rapidement exclu toute ambition plus large que
celle de garantir la libre concurrence : « On voit mal que puisse
être sanctionnée une illégalité tirée de ce
qu'aurait été méconnu l'objectif très
général d'efficacité de la commande publique et de bonne
utilisation des deniers publics. »321Autrement dit, cet
article permet de sanctionner l'acheteur qui aurait fait un choix autre
qu'économique, mais il n'a pas la prétention d'être un gage
de performance en tant que tel.
Tout au moins, l'efficacité devrait aussi guider le
législateur dans l'élaboration de la norme applicable aux
marchés publics. Cette exigence de performance si elle anime les
débats actuellement, ne saurait être néanmoins
utilisée pour sanctionner directement les normes qui produisent de
mauvais achats. Par exemple, il faudrait pouvoir sanctionner une
procédure de mise en concurrence certes légale mais bien trop
contraignante, ou le refus du législateur d'étendre les
possibilités de négocier pour l'acheteur public.
Le Conseil Constitutionnel ou le Conseil d'Etat pour
vérifier l'effectivité du principe d'efficacité de l'achat
public vont se restreindre à vérifier qu'une mise en concurrence
et une publicité suffisante seront mises en oeuvre. Pourtant, une
procédure de concurrence trop restrictive, un acheteur public s'en
remettant uniquement à un critère du prix, ou encore une mauvaise
définition des besoins, sont autant de comportements pouvant être
parfois préjudiciables pour l'efficacité de la commande publique,
tout en demeurant bel et bien légaux.
Le Tribunal Administratif de Lille a cependant
déjà pu considérer en 2011 que l'obligation de rejet des
offres anormalement basses reposait sur l'objectif d'efficacité de la
commande publique322. Le choix d'une telle offre pouvant
effectivement conduire à une mauvaise exécution et à des
pertes importantes pour le pouvoir adjudicateur. C'est une des rares fois que
l'efficacité a été entendue comme un principe autonome,
mais cela signifie également qu'il est possible de s'appuyer davantage
sur cette exigence d'efficacité afin de contrôler au mieux l'achat
public (B).
321 A. MENEMENIS, « Code des marchés publics 2006 :
quelques points forts », AJDA 2006, p.1754.
322 TA Lille, 25 janvier 2011, Société Nouvelle
SAEE, n° 0800408.
82
B. Un contrôle de l'efficacité
destiné à se développer
Un nouvel organe d'expertise. L'incorporation
de la performance dans la sphère publique avec la LOLF a
contribué non seulement à faire évoluer le cadre juridique
des marchés publics, mais a également permis un renforcement du
contrôle de l'efficacité des contrats publics, qui conserve
néanmoins les tares tenaces et très handicapantes que l'on a
évoqué plus haut.
Un nouvel organe d'expertise a en effet pu voir le jour.
L'observatoire économique de l'achat public est assuré par la
Direction des affaires juridiques du ministère chargé de
l'économie, depuis 2005323. Il a pour mission de rassembler
toutes les données économiques traitant de l'achat public afin de
les analyser et d'établir un dialogue constructif avec les acheteurs
publics pour améliorer leur consommation.
Le contrôle de légalité.
Le contrôle de légalité est effectué par le
préfet324, à posteriori de la passation des contrats.
Cependant, par définition, il ne saurait juger de l'opportunité
de tel ou tel contrat. Il contrôle donc seulement la
légalité, c'est à dire la régularité de la
procédure et du contenu du contrat. Pourtant ce contrôle objectif
vise évidemment à garantir les principes fondamentaux et de fait
c'est bien la performance de l'achat public des collectivités
territoriales qui dépend indirectement de l'efficacité de ce
contrôle.
Dans l'optique d'un contrôle plus efficace, le
contrôle de légalité a été redéfini en
2006, puisque la commande publique est alors devenue une priorité pour
ce contrôle325 et cette place centrale de l'achat public
demeure d'actualité326. Pour que ce contrôle soit
efficace il faut en définir les limites pour que les services du
préfet ne soient pas débordés. Dès lors seuls les
contrats les plus importants en termes de coûts et de risques seront
transmis327. Néanmoins, tous les contrats aux enjeux
importants seront également transmis sans s'attarder sur leurs montants
ou sur le fait qu'ils aient été passés en procédure
adaptée. De même, le préfet a le droit de demander
communication à tout moment d'un acte non
323 A. du 10 novembre 2005 pris en application de l'article
130 du code des marchés publics et relatif à l'Observatoire
économique de l'achat public.
324 Constitution, 4 octobre 1958, art. 72.
325 Circ., 17 janv. 2006, relative à la modernisation du
contrôle de légalité.
326 Circ., 25 janvier 2012, relative à la
définition des actes prioritaires en matière de contrôle de
légalité.
327 Idem.
soumis à l'obligation de transmission328. Le
préfet ne peut pas sanctionner lui-même le contrat, mais il peut
enclencher un contrôle qui pourra déboucher sur une annulation
juridictionnelle de l'acte. Les préfets sont aussi de plus en plus
responsabilisés quant à ce contrôle puisqu'il a
été admis une responsabilité de l'État en cas de
carence dans l'exercice du contrôle de
légalité329, mais il doit s'agir d'une faute grave.
Néanmoins les actes locaux sont si nombreux (8 millions
d'actes par an) que les préfectures contrôlaient un pourcentage
infinitésimal d'actes. Par conséquent, outre la réduction
du nombre d'actes transmissibles par la loi de 2004330 et par une
ordonnance de 2009331 et la dématérialisation du
contrôle par télétransmission des actes, il a
été décidé de concentrer le contrôle sur
quelques domaines importants, lesquels peuvent changer d'années en
années en fonction des priorités. Des circulaires sont ainsi
adoptées pour les fixer, les préfets ajoutant les domaines qui
localement apparaissent importants. Leur expertise juridique a
été en outre renforcée grâce à la
création du pôle inter-régional d'appui au contrôle
de légalité créé à Lyon en 2002 et
composé d'agents spécialisés sur certaines questions. Ces
évolutions sont salutaires mais il demeure un problème insoluble
: l'inégalité du contrôle sur le territoire, certaines
préfectures étant plus attentives que d'autres.
Finalement, cette exigence de performance, si elle n'existe
pas encore formellement en tant qu'obligation, oriente d'ores et
déjà les acheteurs publics, mais souffre d'un déficit
d'effectivité, en raison d'un contrôle particulièrement
délicat à mettre en place. Il faut néanmoins
étudier la manière dont cette exigence de performance est mise en
oeuvre par le droit des marchés publics, ainsi que d'identifier les
obstacles à son effectivité (Partie 2).
83
328 CGCT, art. L. 2131-3.
329 CE, 6 oct. 2000, Min. de l'Intérieur c/ commune de
Saint-Florent, n° 205959.
330 L. n° 2004-809, 13 août 2004 relative aux
libertés et responsabilités locales.
331 O. n° 2009-1401, 17 novembre 2009 portant simplification
de l'exercice du contrôle de légalité.
84
Partie 2 : La prise en compte de l'exigence de
performance par le droit de l'achat public
Plan. L'obligation de performance de l'achat
public peut être mise en oeuvre de deux manières. D'une part, elle
peut se faire « par » le contrat et d'autre part, il est
possible de la mettre en oeuvre « pour » le contrat. Le
droit des marchés publics peut faire aussi bien usage de l'une ou
l'autre de ces deux techniques, mais cette utilisation peut ne pas être
optimale. Il faut donc s'appliquer à optimiser la mise en oeuvre de
cette exigence de performance (Chapitre 1).
Quel que soit le moyen par lequel cette obligation de
performance s'exprime, elle doit être la représentation tant de la
sécurité juridique, que de l'efficacité de l'achat.
Autrement dit, le comportement de l'acheteur public doit idéalement
s'inscrire au sein d'un compromis entre la régularité de la
procédure et l'achat efficace. Il est néanmoins nécessaire
pour cela que le droit des marchés publics non seulement le permette
mais l'encourage. Et c'est donc aux règles applicables à l'achat
public qu'il revient de mettre en oeuvre ce compromis (Chapitre
2).
85
Chapitre 1 : La performance mise en oeuvre « par
» et « pour » le contrat
Plan. La mise en oeuvre d'une exigence de
performance peut se faire de deux façons qui sont complémentaires
l'une de l'autre. Ainsi sa prise en compte peut se faire au moyen d'un contrat
qui aurait pour principal objet d'accomplir une telle exigence
(Section 1).
Il est également envisageable de prendre en compte
cette préoccupation dans l'ensemble des contrats d'achats, en donnant
davantage de libertés aux acheteurs lors de l'établissement
desdits contrats (Section 2).
Section 1. La performance « par » le contrat
: L'efficacité relative des contrats ayant la performance pour objet
Plan. Tant les marchés de partenariat
(I), que les autres contrats globaux (II),
ont la performance comme point de mire. L'objectif d'efficacité est
clairement à l'origine de l'existence de ces contrats et on y retrouve
donc une série de critères de performance.
I. Les marchés de partenariat
Plan. Les marchés de partenariat, bien
que dérogatoires au droit commun sont fortement imprégnés
d'une « culture de performance » (A).
Pourtant paradoxalement des dérives ont pu être pointées du
doigt et l'efficacité n'a pas toujours été satisfaite
(B).
A. L'esprit d'efficacité des marchés de
partenariat
Un contrat à la définition et aux
origines performancielles. Ces contrats sont de vraies incitations
à l'efficacité pour les collectivités
publiques332. Un marché de partenariat, anciennement contrat
de partenariat333 ou PPP est un marché public « qui
permet de confier à un opérateur économique ou à un
groupement d'opérateurs économiques une mission globale ayant
pour objet (non seulement) la construction, la transformation, la
rénovation, le
332 G. J. GUGLIELMI, G. KOUBI, Droit du service public, Op.
cit., p. 692.
333 O. n° 2004-559 du 17 juin 2004 sur les contrats de
partenariat.
86
démantèlement ou la destruction d'ouvrages,
d'équipements ou de biens immatériels nécessaires au
service public ou à l'exercice d'une mission d'intérêt
général ; (mais également) tout ou partie de leur
financement. Le titulaire du marché de partenariat assure la
maîtrise d'ouvrage de l'opération à réaliser.
»334
Sans qu'il soit utile d'en faire ici l'historique, il faut
rappeler que ces contrats sont inspirés de la Private Finance
Initiative (PFI) britannique. Or cette politique publique qui
apparaît dans les années 90, vise à « favoriser la
participation du secteur privé à la réalisation
d'infrastructures et de services publics » 335 La redynamisation de
l'action publique est donc visée, dès le départ.
« Les atouts des PPP comme mode de commande publique
performant sont inscrits dans leurs définitions et
caractéristiques mêmes, qui organisent des modalités de
gouvernance et de surveillance, combinées à une procédure
concurrentielle. » 336 La globalisation de l'économie et du
droit a favorisé l'émergence des PPP337. Il s'agit en
effet d'un contrat global qui doit permettre de faire des économies
d'échelle et d'avoir une meilleure coordination entre les
différentes prestations, en évitant les problèmes
d'interface sur de vaste chantier. Aussi ce contrat permet de transférer
une partie des risques de construction, de conception, de maintenance,
d'entretien, ou d'exploitation à l'entreprise partenaire. Ceci doit
permettre un meilleur respect des coûts et d'assurer une gestion
raisonnable. On cherche à optimiser les ressources dont on
dispose338.
De même, les pénuries financières,
humaines et techniques, sont renforcées par les contraintes
budgétaires d'origines européennes qui viennent limiter les
possibilités de déficit et d'endettement. Surtout que dans le
même temps les besoins en infrastructures augmentent et la croissance
économique demeure le principal objectif. Ce préfinancement
privé est en effet une « relance keynésienne compatible
avec les critères de Maastricht »339.
Ces contrats deviennent même à partir de
2009340 le fer de lance d'une nouvelle dynamique de construction et
d'investissement public développée autour des PPP. Ces derniers
doivent en effet faciliter, voire soutenir totalement, l'investissement public,
sans pour
334 O. n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux
marchés publics, art. 67.
335 S. BRACONNIER, Partenariats public-privé,
fasc. 646, Jurissclasseur, LexisNexis.
336 E. CAMPAGNAC, G. DEFFONTAINES, « Une analyse
socio-économique critique des PPP », Revue d'économie
industrielle, n° 140, 2012, p. 46.
337 V. en ce sens : J.-B. AUBY, La globalisation, le droit et
l'État, Montchrestien, 2003, p. 37.
338 V. en ce sens : OCDE, Les partenariats
public-privé. Partager les risques et optimiser les ressources.,
2008.
339 P. LIGNIERES, « L'influence de la dette publique et
des normes Eurostat sur les contrats publics », DA 2004.
340 L. n° 2009-179 du 17 février 2009 pour
l'accélération des programmes de construction et d'investissement
publics et privés.
87
autant alourdir à l'excès l'endettement des
collectivités publiques, notamment des collectivités locales. De
même la loi de 2008341 contribue également à une
plus grande flexibilité, preuve que cette liberté est souvent
synonyme d'efficacité. En effet, « face au succès
mitigé du contrat de partenariat, la loi n° 2008-735 de 2008 est
venue prendre toute une série de dispositions pour en faciliter le
recours. Toutefois, la violente crise financière a contraint le
législateur à remettre sur le métier l'ouvrage contrat de
partenariat. Et la loi n° 2009-179 du 17 février 2009 pour
l'accélération des programmes de construction et d'investissement
publics et privés est venue permettre, désormais, la conclusion
de contrats de partenariat financés en partie par la personne publique,
voire majoritairement lorsque le montant du contrat est supérieur
à 40 millions d'euros hors taxes »342
Néanmoins, les collectivités publiques ne
peuvent justifier le recours à ce type de contrat seulement pour la
flexibilité qu'il permet343. De la même façon,
le recours aux PPP pour éviter l'application de la loi MOP, comme du
droit des marchés publics sont de mauvaises raisons.
Le recours à ce contrat doit être justifié
par le « gain global »344qu'il procure, selon
Laurent Richer. C'est d'ailleurs ce qui ressort de la philosophie britannique
concernant ces partenariats. Ce n'est pas simplement un moyen de faire face aux
difficultés budgétaires. C'est une nouvelle façon d'agir
pour les personnes publiques.
La philosophie britannique qui a inspiré cette
politique permet de comprendre pourquoi les marchés de partenariat ne
sont pas seulement un moyen de faire face aux problèmes financiers. Les
PPP ne sont pas seulement un moyen permettant d'acheter ou de construire de
l'immobilier à crédit, en externalisant le crédit
auprès du secteur privé. Au contraire, les PPP apparaissent, au
regard de l'expérience britannique, comme une nouvelle forme d'action
pour les pouvoirs publics.
De nombreux avantages sont liés à ce
contrat. Afin d'illustrer au mieux cette « ambiance de
performance » qui s'attache à ces contrats, il est utile
d'indiquer les principaux avantages du recours à de tels contrats. Cette
liste345 n'est pas exhaustive mais
341 L. n 2008-735 du 28 juillet 2008 relative aux contrats de
partenariat.
342 A. BUREL, « Le nouveau marché global de
performance, un outil de plus pour les collectivités ? », AJCT
2012 p. 34.
343 MINEFI, « Les contrats de partenariat - Principes et
méthodes », 2011, p. 18.
344 L. RICHER, Droit des contrats administratifs,
Op. cit., p. 587.
345 Tiré de l'intervention de J.-P. NADAL à
Beyrouth, le 26 octobre 2011, « L'expérience française de
l'appui au partenariat public-privé ».
88
laisse entrevoir une véritable performance lors de
l'acquisition d'un bien par l'intermédiaire de ce contrat :
1) Un coût global du projet intéressant
grâce à une intégration des phases du projet : conception,
construction, exploitation, maintenance ;
2) Des délais de réalisation du projet plus
courts ;
3) Un partage des risques liés au projet entre les
personnes publiques et privées ;
4) Une disparition, par la contractualisation, des
phénomènes de « stop & go » liés aux
aléas budgétaires ;
5) Une meilleure qualité de services grâce
à la rémunération à la performance ;
6) Un lancement plus rapide du projet grâce au
préfinancement privé ;
7) Une expertise publique sur les services
externalisés ;
8) Une meilleure concentration de la personne publique
sur la définition du service à définir ;
9) Un dialogue compétitif qui permet à la
personne publique de tirer profit de l'innovation et de la
créativité du secteur privé.
Il faut également retenir, qu'il s'agit d'un
système alternatif faisant siens les avantages de part et d'autre de la
dichotomie habituelle concession / marché public346. Ce
contrat emprunte l'étalement du prix à la concession, tout en
faisant par contre en sorte que la rémunération vienne bien de la
collectivité et non pas des usagers comme c'est le cas pour tous les
marchés publics. C'est donc un système hybride dont la
flexibilité permet l'élaboration d'un contrat sur-mesure pour des
projets d'envergure.
Certes, depuis juillet 2015, il doit être
qualifié de marché public, mettant un terme bienvenu au
décalage entre le droit français et celui de l'Union
Européenne. Pour autant, ces contrats restent la véritable
réhabilitation des marchés d'entreprises de travaux public qui
avaient pourtant été interdits suite à leur qualification
de marchés de travaux par le juge administratif347 et
l'interdiction du paiement différé en 2001. En effet, comme ces
contrats, les PPP permettent une mission globale, une maîtrise d'ouvrage
public et l'étalement du prix, autant de dérogations au droit
commun de l'achat public.
346 S. NICINSKI, Droit public des affaires, op.cit. p.
702.
347 CE, 8 fév. 1999, Cne de La Ciotat, n
150931.
89
La rémunération liée à des
objectifs de performance. Depuis 2008, il s'agit d'une
véritable obligation348, dont la réalisation sera
ensuite vérifiée, au cours de l'exécution du
contrat349. Il faudra alors notamment prendre en compte pour
calculer ladite rémunération : « la qualité des
prestations de services, la qualité des ouvrages, équipements ou
biens immatériels, les conditions dans lesquelles ils sont mis à
la disposition de la personne publique et, le cas échéant, leur
niveau de fréquentation. »350 C'est une
véritable « révolution culturelle
»351 pour la commande publique.
Il est d'ailleurs officiellement relevé que cette
rémunération « est liée à des objectifs de
performance : l'objet premier d'un contrat de partenariat est
l'amélioration du service rendu aux usagers, il est donc légitime
que la rémunération tienne compte des résultats obtenus en
la matière. Il importe donc que ces objectifs fassent l'objet d'une
négociation très poussée entre les deux partenaires. En
effet, il ne s'agit pas seulement de répondre aux besoins propres de la
collectivité ou à ceux des usagers, mais d'optimiser la
prestation rendue. Cette logique performancielle permet d'imposer au titulaire
du contrat de partenariat des objectifs de résultat (É). Le
non-respect de ces objectifs conduit à une pénalisation
financière du cocontractant, sous la forme d'une minoration de sa
rémunération. »352
Le recours à ces marchés de partenariat
est conditionné par l'efficacité. En premier lieu, le
recours à un tel contrat ne peut être justifié seulement si
« l'acheteur démontre que, compte tenu des
caractéristiques du projet envisagé, des exigences de service
public ou de la mission d'intérêt général dont
l'acheteur est chargé, ou des insuffisances et difficultés
observées dans la réalisation de projets comparables, le recours
à un tel contrat présente un bilan plus favorable, notamment sur
le plan financier, que celui des autres modes de réalisation du projet.
Le critère du paiement différé ne saurait à lui
seul constituer un avantage. »353
Le projet d'ordonnance supprime la condition de
complexité et celle d'urgence, présentes auparavant dans
l'ordonnance de 2004. Il ne reste plus que la condition du bilan
348 O. n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux
marchés publics, art. 83.
349 D. n° 2016-360 du 25 mars 2016 relatif aux
marchés publics, art. 165.
350 CGCT, art. 1414-12. Même si cet article est
aujourd'hui abrogé par l'Ordonnance du 23 juillet 2015, il exprime
toujours aussi justement la méthode de fixation de la
rémunération du partenaire en fonction de la performance.
351 E. CAMPAGNAC, G. DEFFONTAINES, Une analyse
socio-économique critique des PPP, Op. cit., p. 49.
352 Circ., 29 novembre 2005 relative aux contrats de partenariat
à l'attention des collectivités territoriales.
353 O. n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux
marchés publics, art. 75-I.
90
favorable. Autrement dit, il est possible de recourir à
ce contrat seulement à condition qu'il corresponde à la solution
la plus efficace pour une espèce donnée.
Même si l'ordonnance de 2015 fait apparaître des
seuils de recours, l'exigence d'une étude
préalable354, ainsi que d'une étude de
soutenabilité355 confirment qu'un tel contrat demeure
dérogatoire et que l'utilisation de ce contrat reste avant tout
conditionné par son efficacité. De même les
différents avis et autorisations préalables nécessaires,
constituent des garde-fous supplémentaires pour éviter
théoriquement une fuite en avant vers un endettement
déraisonnable.
Ainsi l'ensemble des études à effectuer au
préalable et des avis à obtenir, s'inspire du modèle
anglais dont le but était déjà d'obtenir la «
best value for money » grâce à une comparaison avec
l'achat public traditionnel356.
Il reste que l'esprit de cet outil n'a pas toujours
résisté à la concrétisation (B).
B. Les dérives des marchés de partenariat
Des contrats à la mode. Le PPP
rassemblait beaucoup de promesses. Les collectivités n'ont d'ailleurs
pas hésité à l'utiliser puisque « Au mois
d'août 2014, la mission d'appui aux partenariats public-privé
(MAPPP) comptabilisait ainsi 149 contrats de partenariat signés par des
collectivités locales, pour un montant d'investissement de 4,07
Md€, à comparer aux 10,7 Md€ de contrats de partenariat
signés dans le même temps par l'État.
»357. L'innovation de l'achat public que
permettait ce contrat a donc rencontré un franc succès.
Les promesses de ce contrat sont assez bien
résumées par Elisabeth Campagnac et Géry
Deffontaines358 :
- « la délégation de certaines fonctions
de la maîtrise d'ouvrage publique dans une perspective «
partenariale » ;
- la réorganisation de la gestion de projet sous
l'effet de l'introduction du contrat global incitatif ;
354 O. n 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux
marchés publics, art. 74 ; D. n 2016-360 du 25 mars 2016 relatif aux
marchés publics, art. 147.
355 O. n 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux
marchés publics, art. 74; D. n 2016-360 du 25 mars 2016 relatif aux
marchés publics, art. 148.
356 L. RICHER, Droit des contrats administratifs, Op.
cit., p. 596.
357 Cour des comptes, Rapport public annuel, T. 1, 2015,
p. 147.
358 E. CAMPAGNAC, G. DEFFONTAINES, Une analyse
socio-économique critique des PPP, Op. cit., p. 49.
91
- une gouvernance du projet définie par les contrats
et assurée à long terme par les acteurs du financement ;
- une procédure concurrentielle sophistiquée
mettant en concurrence des solutions complexes comprenant solution technique,
coût global, et structure de gouvernance. »
Des résultats en demi-teinte après plus
de 10 ans d'existence. Dans son rapport annuel de 2015, la Cour des
Compte dresse un triple constat359.
De prime abord, en réalité il n'est pas possible
de connaître, faute de recul, la performance de ce mode contractuel, par
rapport aux autres modes d'achat public.
Ensuite, les bienfaits budgétaires d'un tel contrat
sont évidents à court-terme, puisque la personne publique n'a pas
à préfinancer son projet. Par contre, à long terme il
s'agit en réalité d'un financement par la dette, qui est bel et
bien assumé par la personne publique. Ainsi le gain sur le long terme
est loin d'être garantie et ce serait même plutôt
l'inverse.
Enfin, la Cour constate « une insuffisance d'analyse
et de mise en concurrence qui favorise le choix et l'attribution du contrat de
partenariat ».
Un contrat pas toujours tenable sur le long terme.
Un bon contrat est un contrat équilibré de bout en bout.
Or la Cour met en exergue le risque d'une rupture de cet équilibre sur
le long terme. De plus, ce contrat a une utilité car le pouvoir de
sanction de l'Administration qui existe comme dans n'importe quel contrat
administratif peut ici être utilisé dans un but de performance,
puisque des objectifs ont été préalablement
posés.
Certes ces contrats permettent un paiement
différé normalement inenvisageable pour les personnes publiques
souhaitant s'équiper. Cependant il s'agit bien d'un endettement qui se
fait auprès du cocontractant. On ne voit pas la dette. Alors pour que
cet endettement soit considéré comme étant conforme aux
critères de Maastricht, il faut que suffisamment de risques soient
effectivement assumés par le partenaire privé selon
EUROSTAT (tant formellement au moment de la passation, que
matériellement durant l'exécution).
Enfin la mission de maintenance des ouvrages est une garantie
de plus. Elle permet d'assurer un service rendu automatiquement une fois
l'ouvrage terminé, cependant cela entraîne, selon la Cour,
« un coût systématiquement plus élevé pour
les collectivités. »
359 Cour des comptes, Rapport public annuel, Op. cit.
92
Un suivi insuffisant par les collectivités.
La Cour constate en effet un déséquilibre du contrat au
profit du partenaire. En effet, « les collectivités ne se
dotent pas des moyens techniques et humains nécessaires pour suivre des
contrats par nature complexes, tandis que l'efficience et les coûts du
contrat de partenariat sont difficiles à établir, faute d'outils
fiables de comparaison entre un projet réalisé en contrat de
partenariat et en procédure classique. »
En outre les clauses obligatoires dans ce type de contrat ont
vocation à protéger le pouvoir adjudicateur, pourtant certaines
ne sont parfois pas présentes. De même le partage des risques se
fait parfois au dépend de l'Administration, sans doute à cause
d'un manque de savoir-faire en matière de négociation des agents
publics.
Résumé des risques et
inconvénients360 :
· Les inconvénients du contrat de partenariat :
1) Il est réservé aux projets d'ampleur
suffisante , ·
2) Il présente un risque non négligeable pour
la personne publique dans la mesure où il engage les finances publiques
pour longtemps , ·
3) Il requiert de la part de la personne publique un certain
niveau de connaissances juridiques et financières.
· Les risques d'une mauvaise utilisation du contrat de
partenariat :
1) L'utiliser pour s'affranchir des règles
budgétaires , ·
2) L'utiliser pour contourner le code des marchés
publics, pour éviter de passer plusieurs marchés
, ·
3) L'utiliser pour se dessaisir au profit de la personne
privée , ·
4) L'utiliser lorsque la motivation de l'étalement
financier que propose le contrat de partenariat trouve sa source dans l'absence
de moyens financiers suffisants au regard du projet et non dans la recherche
d'une linéarisation des coûts du projet , ·
5) Procéder à une mauvaise
définition du niveau de la rémunération du cocontractant
privé : s'il est sous-estimé, l'acteur privé risque de ne
pas tenir le niveau de service dans la durée et s'il est
sur-estimé, l'acheteur public perd un des intérêts de son
projet , ·
6) Ne pas assurer le rôle pilote de la prestation
dans le temps avec la même exigence et rigueur.
360 Tiré de l'intervention de J.-P. Nadal à
Beyrouth, le 26 octobre 2011, « L'expérience française de
l'appui au partenariat public-privé ».
93
Perspectives. En 2015, la Cour des comptes
formulait un certain nombre de propositions telles que celle d'intégrer
dans le débat d'orientation budgétaire le compte rendu annuel
d'exécution du contrat de partenariat, d'éviter de recourir au
même partenaire contractuel comme assistant à maîtrise
d'ouvrage pour l'évaluation préalable et de l'aide à la
passation, ou encore de ne recourir à ce contrat qu'après une
expertise méthodique assurant notamment la capacité de la
collectivité à suivre un tel contrat. Il s'agit de
recommandations pour les collectivités, qui n'ont pas été
reprises par les nouveaux textes de 2015.
Par contre, sa proposition d'étendre l'obligation
d'effectuer une étude de soutenabilité aux
collectivités361 passant de tels contrats a été
retenue. Ensuite, l'obligation d'adopter plusieurs changements comptables pour
assurer un véritable suivi de tels contrats a également
été prise en compte.
Ce ne sont pas les seuls contrats globaux envisageables,
même si ces autres contrats ne permettent pas quant à eux de
paiements différés du prix, à l'inverse du marché
de partenariat (II).
II. Les autres marché public globaux
Plan. Il faut à ce stade distinguer
les marchés publics globaux en tant que simple exception au principe
d'allotissement (A), de ceux énumérés
spécifiquement par la nouvelle ordonnance (B).
A. Les marchés publics globaux de l'article 32 :
une exception au principe d'allotissement
Le principe de l'allotissement ou le compromis de deux
performances. L'allotissement est une technique qui permet de
découper un marché public en plusieurs lots, obligeant ensuite le
pouvoir adjudicateur à apprécier lot par lot les offres
reçues et à attribuer les lots aux meilleures offres. Depuis
2006, l'allotissement est devenu une véritable
361 D. n 2012-1093 du 27 septembre 2012 complétant les
dispositions relatives à la passation de certains contrats publics.
94
obligation. La concurrence s'élargie et un choix plus
large - et donc plus performant - est offert à l'acheteur public.
A contrario, le marché global ne doit rester qu'une
exception, lorsque l'allotissement est techniquement difficile ou plus
coûteux362. Si le cadre juridique des marchés globaux a
été « rationalisé » selon les
rédacteurs de l'ordonnance363 et que l'allotissement a
semble-t-il était « renforcé »364
de l'avis des plus avertis, il demeure néanmoins possible de passer par
un marché global, sans compter que le juge valide en
général facilement ce type de recours365.
De plus, l'ordonnance consacre de nouvelles formes
particulières de marchés globaux. Dans certains secteurs
notamment en matière de constructions destinées aux services
publics de justice, gendarmerie, pompiers, etc., il est possible d'avoir
recours aux marchés globaux car ce type d'ouvrage est particulier. Ainsi
malgré la règle de l'allotissement, les marchés globaux
perdurent.
L'allotissement, tout en permettant une mise en concurrence
plus large, - qui on le rappel est au service de l'efficacité et du bon
usage des deniers publics - ouvre un accès à l'achat public aux
Petites et Moyennes Entreprises (PME). Tout dépend de la situation
d'espèce. Il faut reconnaître qu'ainsi l'achat public est certes
utilisé comme un moyen de mise en oeuvre d'une politique publique
économique ayant pour objet le soutien au PME, mais
l'intérêt de l'Administration n'est pas pour autant perdu de vue.
C'est un bon compromis et les conditions permettant la mise en oeuvre de
l'exception à ce principe expriment d'ailleurs avec justesse les
hypothèses dans lesquelles les intérêts de l'Administration
devraient prendre le dessus sur ceux des PME : « s'ils ne sont pas en
mesure d'assurer par eux-mêmes les missions d'organisation, de pilotage
et de coordination ou si la dévolution en lots séparés est
de nature à restreindre la concurrence ou risque de rendre techniquement
difficile ou financièrement plus coûteuse l'exécution des
prestations. »366. La performance de deux politiques
publiques est ainsi garantie : celle visant à soutenir
économiquement les PME par l'achat public, tout comme celle encourageant
le meilleur achat public pour l'Administration.
362 O. n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux
marchés publics, art. 32.
363 Rapp. au Président de la République relatif
à l'ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux
marchés publics, 24 Juillet 2015, texte n° 37.
364 F. LINDITCH, « Allotissement et marchés globaux
», Contrats et Marchés publics n° 10, 2015, dossier 6.
365 À titre d'exemple : TA Lille, 1er
fév. 2016, Société Agysoft, n° 1600193.
366 O. n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux
marchés publics, art. 32.
95
L'allotissement, comme principe peut être un
obstacle à la performance. Florian Linditch fait justement
remarquer que l'allotissement peut entraîner plusieurs surcoûts en
raison de « perte d'effet de volume » ou de la «
démutualisation des frais d'installation des chantiers », par
exemple367. C'est pourquoi il propose plutôt que de faire de
l'allotissement le principe, « de faire confiance aux pouvoirs
adjudicateurs qui détermineraient alors eux-mêmes
l'opportunité d'y recourir lorsqu'ils savent que des PME sont
susceptibles d'intervenir sur le marché considéré
».
En attendant, les marchés globaux se développent
(B).
B. Les marchés publics globaux de la section 4
de la nouvelle ordonnance
Le développement des marchés publics
globaux. La section 4 de l'ordonnance de 2015 énumère
quatre types de marché global, autre que ceux permis par
dérogation à l'article 32 : les marchés de
conception-réalisation368, les marchés publics globaux
de performance369 et les marchés publics globaux
sectoriels370.
Ces marchés diffèrent du marché de
partenariat, car le paiement différé n'est pas autorisé,
que la mission de financement ne peut être déléguée
et que la maîtrise d'ouvrage sera nécessairement publique,
conformément à la réserve d'interprétation du
Conseil Constitutionnel371.
Passer par un marché global peut servir
l'efficacité, à condition qu'il soit toujours justifié par
des circonstances d'espèces particulières. Cette
appréciation in concreto est nécessaire puisque le marché
global oscille entre deux écueils.
D'un côté, un tel marché peut permettre
des économies d'échelle, de réduire les risques
liés aux problèmes d'interface fréquents lors de chantiers
importants, sans compter que la procédure est alors
nécessairement raccourcie et donc moins coûteuse en termes de
temps et d'énergie.
D'un autre côté le recours à de tel
contrat a pour conséquence de réduire la concurrence, en
réduisant les choix de titulaires possibles, or la mise en concurrence
est en principe au service de l'efficacité. Il peut y avoir des
exceptions et c'est en cela que laisser cette possibilité de recourir
à des marchés globaux est louable.
367 F. LINDITCH, « Le contrat et la performance, une
rencontre impossible ? », art. préc.
368 O. n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux
marchés publics, art. 33.
369 O. n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux
marchés publics, art. 34.
370 O. n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux
marchés publics, art. 35.
371 Cons. Const., 26 juin 2003, préc.
96
Plan. C'est en réalité, une
flexibilité et même une certaine liberté qui est ainsi
garantie au service de l'efficacité (1), même si
ce n'est pas le cas pour l'ensemble des contrats globaux de cette section 4
(2).
1) Des contrats globaux au service de
l'efficacité
Les marchés publics de conception
réalisation. Reprenant les articles 37 et 69 du Code, la
nouvelle ordonnance dispose que « les acheteurs peuvent conclure des
marchés publics de conception-réalisation qui sont des
marchés publics de travaux permettant à l'acheteur de confier
à un opérateur économique une mission portant à la
fois sur l'établissement des études et l'exécution des
travaux ».
Aussi les pouvoirs adjudicateurs soumis à la loi MOP
devront démontrer que cette globalisation se justifie pour des raisons
d'ordre technique, ce qui ne laisse que peu de possibilités selon le
Professeur Linditch, ou en raison d'un engagement contractuel sur un niveau
d'amélioration de l'efficacité énergétique rendant
nécessaire l'association de l'entrepreneur aux études de
l'ouvrage372, laissant cette fois de larges possibilités de
motivations toujours selon le Professeur Linditch. Il s'agit en effet d'une
dérogation à l'alinéa 2 de l'article 7 de la loi MOP, qui
interdit de confier à un même opérateur une mission de
conception et une mission de construction.
Cette possibilité est laissée aux marchés
quel que soit leur montant. Mettre en place un seuil pour recourir à ces
contrats aurait été un non-sens, puisque les montants des
marchés varient avant tout selon la taille de la collectivité.
Le choix de l'efficacité peut donc être fait
lorsque les circonstances imposent un regroupement des missions de conception
et de réalisation.
Marchés publics globaux de performance.
La globalisation s'élargie dans ce cas. Il devient possible de
remettre à un même opérateur, en supplément des
missions de conception et de réalisation, les missions d'exploitation
et/ou de maintenance373. Reste à savoir si maintenance et
exploitation pourront être mis ensemble374.
372 O. n 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés
publics, art. 33.
373 O. n 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés
publics, art. 34.
374 F. LINDITCH, « Allotissement et marchés globaux
», art. préc.
97
La performance est cette fois explicitement présente
puisque pour recourir à de tels contrats, il faut fournir « des
objectifs chiffrés de performance définis notamment en termes de
niveau d'activité, de qualité de service, d'efficacité
énergétique ou d'incidence écologique », ainsi
que « des engagements de performance mesurables
»375.
Cette nouvelle place de la performance
énergétique résulte du rapport remis au ministre de
l'Écologie, du Développement durable, des Transports et du
Logement en mars 2011 par Maître Ortega, qui préconisait
qu'à l'occasion de la création de ces contrats globaux de
performance, la performance puisse être « notamment
énergétique »376.
Ces contrats, comme ceux de conception-réalisation
trouvent en effet leur origine dans les contrats de performance
énergétique (CPE) apparus en 2006 en droit de l'Union
Européenne377, introduits en 2009 en droit
français378, puis encouragés par un décret de
2011 qui vient leur donner la forme d'un marché global379. Le
CPE se définissait comme « tout contrat conclu entre le
maître d'ouvrage d'un bâtiment et une société de
services d'efficacité énergétiques visant à
garantir au cocontractant une diminution des consommations
énergétiques d'un bâtiment ou d'un parc de bâtiments,
vérifiée et mesurée dans la durée, par un
investissement dans des travaux, des fournitures ou des services
»380
Ainsi non seulement il est fait le choix de la performance
à proprement parlé puisque les objectifs à atteindre vont
être fixés et leur accomplissement sera ensuite
vérifié. De plus, ces objectifs s'entendent très
largement, ce qui laisse un large éventail de possibilités, pour
peu que ces critères de performance soit « mesurables
». On peut donc analyser cette possibilité de marché
global comme un triomphe de la performance. On sait que les
collectivités affectionnent le marché global, aussi on leur
propose d'y recourir en échange d'inclure une démarche de
performance. Il est d'ailleurs d'autant plus regrettable que la notion de
performance ne soit pas mieux définie à cette occasion.
Cependant, ces critères de performance qu'il faut fixer
semblent s'imposer du fait de l'ajout de la mission d'exploitation et ces
objectifs ne semblent être destinés qu'à cette mission.
C'est regrettable de ne pas pouvoir poser des objectifs sur les missions de
375 Idem.
376 O. Ortega, Les contrats de performance
énergétique, mars 2011.
377 Dir. 2006/32/CE, 5 avril 2006, sur l'efficacité
énergétique.
378 L. n° 2009-967 du 3 août 2009 de programmation
relative à la mise en oeuvre du Grenelle de l'environnement, dite «
loi Grenelle I ».
379 D. n° 2011-1000 du 25 août 2011 modifiant
certaines dispositions applicables aux marchés et contrats relevant de
la commande publique et pris en application de L. n° 2010-788 du 12
juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement, dite « loi
Grenelle 2 » ; codifié à l'article 73 du CMP.
380 O. Ortega, Les contrats de performance
énergétique, op. cit., p. 76.
98
conception et de réalisation qui seraient susceptibles
de faire varier le prix (qui est payé intégralement après
service fait, sans pouvoir différer le paiement afin de vérifier
la réalisation d'éventuels objectifs des missions de conception
et de réalisation).
Il faut noter également que «
l'impossibilité de faire financer le coût de l'équipement
par le titulaire de ce contrat, et donc d'insérer une clause de paiement
différé permettant de lisser le paiement de la part des travaux
sur la durée globale, réduira certainement l'intérêt
que pourrait représenter un tel marché dans le cadre duquel le
cocontractant de la personne publique s'engage sur les performances de ses
réalisations. »381
C'est pourquoi, l'intérêt d'un tel contrat (poser
des indicateurs, etc.) en matière de gain d'efficacité reste
résiduel, surtout que le marché de partenariat a vu son
accès facilité avec l'apparition de seuils. Il garde
néanmoins un avantage comparé au marché de partenariat,
celui de profiter de certaines facilités procédurales,
comparé aux études et avis à recueillir
préalablement au marché de partenariat.
2) Un recours à la globalisation méconnaissant
parfois les exigences de performance
Les marchés publics globaux sectoriels.
La nouvelle ordonnance dispose que « les acheteurs publics
peuvent confier à un même opérateur économique une
mission globale portant sur la conception, la construction,
l'aménagement ou encore l'entretien et la maintenance d'immeubles ou
d'infrastructures affectés à certains services publics :
défense et sécurité, établissements
pénitentiaires, centres de rétention et zones d'attente,
établissements publics de santé et organismes visés
à l'article L. 124-4 du code de la sécurité sociale
gérant des établissements de santé et des structures de
coopération sanitaire dotées de la personnalité morale
publique. » 382 Ce nouvel article remplace les contrats globaux
à paiement public différé qui étaient fondés
sur une autorisation d'occupation temporaire du domaine public constitutive de
droits réels (AOTDR) ou sur un bail emphytéotique administratif
(BEA), qui ont été tous les deux supprimés383.
Cependant, ces nouveaux
381 A. BUREL, « Le nouveau marché global de
performance, un outil de plus pour les collectivités ? », Op.
cit.
382 S. BRACONNIER, « Les nouveaux marchés publics
globaux et marchés de partenariat », AJDA 2015, p.
1795.
383 O. n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux
marchés publics, art. 101.
marchés globaux ne peuvent pas faire l'objet de
paiements différés, contrairement aux anciens baux
sectoriels384.
A nouveau, comme pour les deux autres contrats globaux et le
marché de partenariat, la globalisation dans certaines circonstances
d'espèce, à l'instar de services publics régaliens, est
utile. Ces contrats sectoriels permettent certes de faire des économies
en gagnant notamment en efficacité, en abaissant les coûts, etc.,
cependant, ces contrats s'inscrivent nettement moins dans une démarche
de performance que les deux autres. Les conditions de cette globalisation sont
organiques et ne traduisent plus des nécessités liées
à l'espèce ou ne prévoient pas non plus des indicateurs de
performance.
Le service public, en raison de son caractère
régalien justifie visiblement que la performance soit perdue de vue.
Allons au plus vite, dépensons sans compter, réduisons la
concurrence, cela n'a pas d'importance, ou du moins cela se justifie, puisque
cette activité est de service public. Sauf que ce manque de performance
se répercutera d'une façon ou d'une autre sur les usagers.
La performance trouve donc dans la plupart de ces contrats
globaux des moyens d'expression. Du moins, l'inspiration de tels contrats vient
d'une véritable volonté de performance, c'est indéniable.
Ces dérogations au droit commun des marchés publics peuvent
d'ailleurs être vues comme l'octroi d'une plus grande liberté
contractuelle.
Reste qu'une performance durable et étendue ne saurait
se contenter de contrats spécifiques. Il faut changer de paradigme, en
permettant à la liberté contractuelle des personnes publiques de
s'étendre tout en étant maîtrisée, c'est la
clé d'un contrat performant (Section 2).
99
384 CGPPP, arts. L. 2122-15 ; CSP, L. 6148-2.
100
Section 2. La performance « pour » le contrat
: la garantie effective d'une liberté contractuelle suffisante
Plan. La liberté contractuelle
comporte traditionnellement quatre dimensions, à savoir : la
liberté de choisir de contracter385, la liberté de
choisir le type de contrat386, la liberté de choisir son
cocontractant387, la liberté du contenu du
contrat388.
La liberté contractuelle, est parfois limitée au
profit d'une certaine performance, à l'image de la limitation des
montages contractuels complexes (I). Cependant, il est a
contrario préjudiciable que les procédures de passation de droit
commun soient aussi encadrées (II)
I. La limitation des montages contractuels complexes
justifiée par une exigence de performance
Plan. Si les montages contractuels complexes
ont au départ été développés par les
personnes publiques afin d'être performantes dans leurs acquisitions, en
exploitant pleinement leur liberté contractuelle (A).
Seulement cette stratégie de contournement des règles de droit
commun permise par les contrats complexes, a surtout permis aux personnes
publiques de se libérer de règles qui étaient en
réalité protectrices (B).
A. Le développement des MCC au nom de la
performance
Définition des Montages contractuels complexes.
Ces contrats sont difficiles à définir. Ce que l'on
appel un montage contractuel complexe n'a pas seulement pour objet, la
construction d'un ouvrage, la fourniture d'un bien ou d'un service, comme un
marché public. Au contraire, c'est un contrat aux multiples objets,
interdépendants les uns des autres. Si bien que l'un des critères
de qualification de ces montages est leur caractère composite (soit un
contrat avec plusieurs objets389, soit plusieurs
contrats390).
385 V. en ce sens à propos de la liberté de
choix du mode de gestion du service public: CE, 6 avril 2007, Cne
d'Aix-en-Provence, n° 284736.
386 Voir en ce sens : CE, sect., 8 fév. 1991,
Région Midi-Pyrénées, n° 57679.
387 CE, 12 juin 1987, Cne de Cestas, précit.
388 CE, 3 juillet 2012, Cne d'Aix-en-Provence, n°
358512.
389 À titre d'exemple : BEA « aller-retour »
- CE, 25 février 1994, Sofap-Marignan Immobilier,
n°144641 et s.
101
L'autre critère cumulatif à la qualification
d'un montage contractuel complexe est le caractère incertain d'un tel
contrat. Autrement dit, ce contrat innomé et non
appréhendé par le droit positif n'est que transitoire. Dès
lors certains contrats peuvent être complexes un temps et cesser de
l'être une fois pris en compte par le droit positif, comme ce fût
le cas pour les contrats de partenariat. Il est également possible que
de tels contrats finissent par être interdits, comme ce fut le cas pour
les marchés d'entreprises de travaux publics (METP) avec l'interdiction
au paiement différé apparue avec le Code de 2001.
Il existe toute une série de contrats qualifiables de
montages complexes. Les METP391, les beaux emphytéotiques
administratifs « aller-retour », les cessions d'immeubles
avec charges, le crédit-bail, la vente en l'état de futur
achèvement392, etc. On retrouve notamment à travers
ces produits de l'innovation contractuelle les avantages des contrats globaux
et des marchés de partenariat, qui ont déjà
été abordés.
Les raisons du recours aux montages contractuels
complexes. Philippe Terneyre faisait valoir en 1994, trois raisons
principales à l'émergence de ces contrats : la liberté,
les pénuries et la volonté d'esquiver des règles
contraignantes393. Les praticiens grâce à de tels
montages font face à la raréfaction des deniers publics, tandis
que les besoins en équipements publics augmentent. Ils cherchent
également à échapper à certaines règles
contraignantes et veulent notamment éviter les risques pénaux
associés aux marchés publics, ainsi que l'obligation de la
maîtrise d'ouvrage public, la domanialité publique ou encore les
règles de comptabilité et de finances publiques. Dès lors,
ces inspirations des praticiens pourraient s'apparenter à un
désir de performance. Surtout que se sont des innovations, et on sait
à quel point innovation et performance sont intimement
liés394. Enfin la nouvelle ère libérale qui
s'est ouvert dans les années 80, dont on a déjà pu parler,
a imposé l'idée que le partenariat public-privé au sens
large et l'externalisation devenaient nécessaires. Cette idée
s'accompagne en effet du postulat que le partenaire privé est vecteur
« de toutes les vertus du temps, à savoir l'efficacité,
la rentabilité, la productivité, l'adaptation constante.
»395 Aussi à
390 À titre d'exemple : la convention de stationnement
globale - CAA de Bordeaux, 29 mai 2000, Sté Auxiliaire des
Parcs, n° 96BX01642.
391 CE, 11 déc. 1963, Ville de Colombes, Rec. CE,
p. 612.
392 Code civil, art. 1603-1.
393 P. TERNEYRE, « Les montages contractuels complexes
», AJDA 1994, p. 43.
394 V. en ce sens : D. LAMETHE, « L'innovation contractuelle
», Rec. Dalloz 2008, p.1152.
395 Idem.
102
moins d'être antimoderne, « il allait alors de
soi que les règles de droit public ne pouvaient, ne devaient pas faire
obstacle à ce partenariat. »396
Le préfinancement privé a en effet pour but de
préserver les deniers publics en profitant du paiement
différé, ainsi que du préfinancement privé,
à la différence d'un marché public de travaux
classique.
Ensuite ces contrats sont l'expression de la liberté
contractuelle. Ils ont en effet l'avantage de permettre une incorporation
complète de techniques de droit privé (cessions d'immeubles avec
charges), à des contrats passés par les personnes publiques. Il
est également possible sans incorporer totalement une technique de droit
privé, de la mêler au droit public en la rendant compatible
à certaines contraintes purement publiques telle que
l'inaliénabilité avec les BEA, qui permettent l'obtention de
droits réels sur le domaine public normalement inaliénable. Il
est également possible de sortir tout simplement des catégories
de contrats préétablies pour créer de toute pièce
des contrats sur-mesure (METP ou BEA « aller-retour »).
Ainsi on retrouve le désir d'efficacité à
l'origine de ces contrats, puisque le sur-mesure permit par cette
flexibilité, par cette liberté, est le moyen d'avoir des
solutions contractuelles adaptées aux exigences et contraintes des
personnes publiques. Ces contrats ont d'ailleurs été
validés par le Conseil d'Etat, avant même que la liberté
contractuelle ne soit véritablement affirmée. Cette absence de
contrôle juridictionnel sur l'opportunité d'un choix contractuel a
effectivement été clairement énoncée par le Conseil
d'Etat dès 1988397.
Il reste que les règles qui sont ainsi
contournées avaient malgré tout, une utilité et
n'étaient pas contraignantes sans raison. Elles étaient
également performantes (B).
B. Un rétrécissement bienvenu des
montages contractuels complexes
Le rétrécissement des montages
complexes. Ces montages ont vu leur périmètre se
réduire progressivement. Ils ne seraient en effet que des «
pratiques déviantes »398, d'après Florian
Linditch.
Certes la liberté d'emprunter des techniques
contractuelles de droit privé est consacrée de longue date par la
jurisprudence administrative399. La vente en l'état de futur
achèvement
396 Idem.
397 CE, 18 mars 1988, Loupias et autres c. Commune de
Montreuil-Bellay, n 57893.
398 F. LINDITCH, Le droit des marchés publics,
coll. Connaissance du droit, Dalloz, 2009.
399 CE, 1923, Société générale
des transports maritimes.
103
(VEFA) fût donc utilisée par les personnes
publiques. Elle est en effet très avantageuse car elle permet un
transfert progressif de la propriété au fur et à mesure de
l'avancement des travaux (au départ le contrat n'entraîne que le
transfert de la propriété du sol). Cette technique autorise donc
la personne publique à ne pas assumer la maîtrise d'ouvrage et
à acquérir des équipements en différant leur
paiement. Cependant, tout en considérant qu' « aucune
disposition législative n'interdit aux collectivités publiques de
procéder à l'acquisition de leurs biens immobiliers en utilisant
le contrat de vente en l'état futur d'achèvement (VEFA)
prévu à l'article 1601-3 du code civil
»400, le Conseil d'Etat a affirmé en 1991 qu'une
limite à son utilisation existait. Le recours à la maîtrise
d'ouvrage privée que permet la VEFA pouvait se faire à condition
qu'il n'y ait pas de détournement de procédure.
De même, concernant une autre limite à la
liberté contractuelle l'arrêt Teleaustria de 2000 permit
à la CJCE d'étendre les principes fondamentaux à des
contrats qui de par leur objet ne sont normalement pas soumis aux directives,
au nom du principe de nondiscrimination. L'ensemble des contrats passés
par les personnes publiques dès lors qu'ils octroient un avantage
économique à un opérateur, devront se soumettre à
une mise en concurrence et une publicité adaptée. Le Conseil
d'Etat a néanmoins résisté en considérant
« qu'aucun texte ni aucun principe n'impose à une personne
publique d'organiser une procédure de publicité préalable
à la délivrance d'une autorisation ou à la passation d'un
contrat lorsqu'elles ont pour seul objet l'occupation d'une dépendance
du domaine public. »
401
Finalement, l'ordonnance du 23 juillet 2015 a bel et bien mit
fin aux BEA dit « aller-retour », par l'intermédiaire
de son article 101. Ce choix n'est pas contraire à l'efficacité
de l'achat public. Ces montages autorisaient un contournement irrationnel des
contraintes. La loi MOP, ainsi que les procédures de mise en concurrence
ont toutes deux un objectif commun de bon usage des deniers publics. Aussi ces
contrats complexes avaient certes un objectif de simplification, mais il ne
s'agit pas de simplifier tout et n'importe quoi.
Les collectivités ont néanmoins beaucoup plus de
difficultés, en particulier avec la baisse des dotations de l'Etat pour
répondre à leurs besoins en terme de construction. Il demeure que
le détournement de procédure vis-à-vis de la loi MOP ou
des procédures de mise en concurrence et de publicité, ne peut
être justifié par cette pénurie.
400 CE, sect., 8 fév. 1991, Région
Midi-Pyrénées, n 57679.
401 CE, 3 déc., 2010, Ville de Paris c. Ass. Paris
Jean Bouin, n 338272 et s.
104
Complexité et efficacité. Il ne
faut pourtant pas voir dans cette interdiction une négation de la
complexité. La réalité est complexe, aussi une analyse
juridique qui prendrait en compte cette donnée de départ et qui
ne chercherait plus à tout simplifier, tout unifier serait un paradigme
nouveau, bien plus efficace402. Un droit qui saisirait la
diversité des achats publics, ainsi que la multiplicité des
personnes publiques, tout en refusant pour autant un droit éclaté
et peu prévisible.
Aussi ces montages complexes deviennent symptomatiques de
l'inadaptation du droit des marchés publics. Il faut un droit commun de
l'achat public, et l'affirmation de principes fondamentaux est en cela un
excellent début. Il reste que parallèlement à ces
principes auxquels le juge doit encore donner un véritable contenu pour
constituer un socle commun essentiel, il faut donner aux pouvoirs adjudicateurs
de véritables moyens d'expression contractuels afin que le contrat
s'adapte à la réalité des situations d'espèce,
plutôt que l'inverse qui n'est pas viable (II).
II. Une liberté contractuelle résiduelle
Plan. Au moment d'acheter, les personnes
publiques ne sont pas libres puisqu'elles sont contraintes par un certains
nombre de règles principalement procédurales qui nuisent à
leur liberté contractuelle, alors que cette dernière est un
prérequis à toute démarche de performance
(A). C'est sans doute ce qui explique que réforme
après réforme du droit des marchés publics, les personnes
publiques se voient octroyer des libertés lors de leurs achats
(B).
A. La liberté contractuelle comme
prérequis performanciel
La liberté contractuelle des personnes
publiques est au fondement de la distinction contre performante entre l'achat
public et l'achat privé. Selon Laurent Richer, « la
liberté contractuelle de l'Etat peut être conçue comme un
investissement du champs politique par le droit civil, ce qui va dans le sens
d'une «dépolitisation« du droit public, d'un rapprochement
avec la société civile. »403 Alors
même que le Professeur Richer s'empresse d'ajouter qu'à l'image de
la propriété des personnes publiques, la liberté
402 M. DELMAS-MARTY, « Réinventer le droit commun
», Recueil Dalloz 1995, p. 1.
403 L. RICHER, Droit des contrats administratifs, Op.
cit., p. 7.
105
contractuelle des personnes publiques possède sa propre
originalité, son propre contenu, il apparaît que le canal pour
pouvoir s'inspirer des techniques privatistes est matérialisé par
la liberté contractuelle. L'origine de la divergence contre-performante
entre achat public et achat privé se situe dans le contenu donné
à la liberté contractuelle.
Sur l'existence de la liberté contractuelle des
personnes publiques. Pour beaucoup d'auteurs cette liberté est
inexistante. Les contrats administratifs ne seraient pas fondés sur
l'autonomie de la volonté404, celle-ci n'existerait pas en
droit administratif, au motif qu'il s'agirait d'un « principe
essentiellement civiliste »405. Certains diront même
qu'il n'y a même pas de véritable contrat en droit
administratif406. La plupart sont moins extrêmes et
considèrent simplement que la liberté contractuelle des personnes
publiques est tellement moindre comparée à celle des personnes
privées, qu'elle ne peut fonder un contrat. D'autres encore estiment
qu'il s'agit d'une compétence accordée par la loi, permettant aux
personnes publiques de signer des contrats. Ils reprennent ainsi la
thèse du Professeur Vedel qui soutenait qu'il n'y a pas de cause
contractuelle en droit administratif407. Dès lors la
liberté contractuelle n'existerait pas et les personnes publiques
bénéficieraient « simplement, et le cas
échéant, de pouvoirs plus ou moins discrétionnaires d'user
du procédé contractuel »408, autrement dit
cette liberté ne serait qu'une affaire de compétence.
Pourtant la liberté contractuelle a bien
été consacrée en 2006 par le Conseil
Constitutionnel409. Cela n'a rien d'étonnant car comme le dit
très bien Laurent Richer : « l'Administration est en
négociation permanente avec les acteurs économiques »
et ces relations s'apparentent donc à celles qu'ont les
particuliers entre eux. Il fallait donc une protection adéquate. Le
Conseil d'Etat avait d'ailleurs, bien plus tôt, consacré cette
liberté410.
Sans volonté, pas de performance.
« Le rôle de la volonté demeure l'essence du
contrat et son critère le plus sûr : le contrat est en effet le
mode volontaire de souscription des obligations »411
autonomie de la volonté et liberté contractuelle sont donc bien
les
404 G. PEQUIGNOT, Théorie générale du
contrat administratif, Thèse Montpellier, 1944.
405 Concl. GAND sous CE, 28 nov. 1958, Langlois, Rec.
590.
406 COHEN-TANUGUI, Le droit sans l'Etat, PUF, 1985.
407 G. VEDEL, Essai sur la notion de cause en droit
administratif français, Sirey, 1934.
408 E. PICARD, « La liberté contractuelle des
personnes publiques constitue-t-elle une liberté fondamentale ? »,
AJDA 1998, p. 651.
409 Cons. const., 30 nov. 2006, n° 2006-543 DC, Loi relative
au secteur de l'énergie.
410 CE 20 janv. 1989, SA GBA Berry-Loire, n° 49756
; CE, 28 janvier 1998, Sté Borg Warner, n°138650.
411 M. FABRE-MAGNAN, Les obligations, coll.
Thémis droit privé, PUF, 2004, p. 58.
106
fondements des contrats de droit civil. L'existence de cette
volonté est ce qui permet la validité du contrat. C'est le
règne du subjectivisme.
Le droit des marchés publics est l'exact opposé.
Son fondement est la contrainte. Le droit des marchés publics existe
dans un seul but : choisir l'offre économiquement la plus avantageuse.
Fondamentalement, la dernière chose qui doit de fait intervenir lors
d'un achat par les pouvoirs adjudicateurs est la volonté tant de
l'opérateur, que de l'acheteur. Dès lors, le contrat est quant
à lui, validé par « l'économie des
volontés »412. Cette vision va à l'encontre
même de l'utilisation du mode contractuel. On parle cette fois «
d'objectivisme contractuel »413.
Aussi Frédéric Allaire considère
très justement que « cette logique fondamentale, induite par
l'obligation de mise en concurrence et sa chronologie, s'avère impropre
à réaliser les objectifs de performance qui sont assignés
au droit des marchés publics parce que l'économie des
volontés ne coïncide pas avec l'économie de l'acte
contractuel. » Autrement dit, la logique de l'adjudication Ð
même si elle a été fortement améliorée avec
le passage du choix moins-disant à celui du mieux-disant Ð a
été conservée, tandis que l'instrument formalisant cette
commande est devenu le contrat, avec l'équilibre et la
subjectivité qu'il suppose.
S'en remettre au droit objectif pour parvenir à une
rencontre optimale de l'offre et de la demande est utopique. Aussi le droit des
marchés publics doit seulement permettre d'éviter Ð et encore
pas toujours Ð une disproportion manifeste entre l'offre et la demande.
C'est insuffisant pour parvenir à un achat efficace, car «
n'ayant pu dépasser sa fonction palliative, le droit des marchés
publics est même iatrogène en ce qu'il affecte l'exigence de
gestion administrative performante. »414 Aussi «
s'il est envisagé de satisfaire une exigence de performance, le droit
doit rompre avec la tentation de l'évaluation objective du contrat et
par conséquent accepter de reconsidérer l'acheteur public.
»415.
Avec les récents octrois de libertés, il semble
que le droit des marchés publics prenne progressivement cette direction
et fasse de plus en plus confiance aux acheteurs publics
(B).
412 F. ALLAIRE, « Dépasser le droit des
marchés publics », art. préc.
413 Idem.
414 Idem.
415 Idem.
107
B. Les nouvelles libertés des acheteurs
publics
Une prise de conscience à venir ?
Ainsi le nerf de la guerre en termes de performance de l'achat public
prend la forme de la liberté contractuelle.
Or celle-ci, si elle a bien été consacrée
pour les personnes publiques, demeure purement formelle en matière
d'achat public. Les acheteurs publics ne semblent en effet pas capables de
l'utiliser. Raymond Aron considérait d'ailleurs à propos des
libertés purement formelles comme celle-ci qu'on n'en « tire
aucun profit », si on « n'est pas capable de les utiliser
», car « il ne suffit pas que la loi accorde des droits, il
faut encore que l'individu se donne les moyens de les exercer (É)
être libre est une chose, être capable est une autre chose.
»416
Aussi afin de placer les acheteurs publics dans de bonnes
dispositions et de les « éduquer » à avoir
plus de liberté lorsqu'ils achètent, la procédure
adaptée va être mise en place (1) et la
négociation va être progressivement étendue
(2).
1) La procédure adaptée
Une procédure plus libre. L'article 27
du nouveau décret relatif aux marchés publics perpétue la
possibilité pour l'acheteur qui existe depuis 2004, de recourir à
une procédure adaptée qui l'autorise à déterminer
« librement, les modalités en fonction de la nature et des
caractéristiques du besoin à satisfaire, du nombre ou de la
localisation des opérateurs économiques susceptibles d'y
répondre, ainsi que des circonstances de l'achat.
»417 Les acheteurs publics doivent néanmoins
respecter les principes fondamentaux.
La peur de la liberté. Pourtant la
procédure adaptée a d'abord été vue uniquement par
le prisme du risque juridique qu'elle véhicule. La liberté fait
aussi peur. Les procédures formalisées sont certes lourdes, mais
elles sont pourtant rassurantes. Aujourd'hui, selon Florian Linditch «
la peur de la liberté s'est muée en intérêt pour la
procédure adaptée, désormais utilisée avec
efficacité. »418 Cette procédure
adaptée fait d'ailleurs échos à la
416 R. ARON, Essai sur les libertés, Calmann
Levy, 1965.
417 D. n 2016-360 du 25 mars 2016 relatif aux marchés
publics, art. 27.
418 F. LINDITCH, « Dix ans de commande publique »,
art. préc.
108
proposition que faisait Jean-Marc Peyrical dès 2004, de
prendre le régime des délégations de service public comme
modèle pour le droit des marchés publics419.
Il reste que cette liberté ne produit pas toujours de
la performance, ou en tous cas elle est souvent insuffisante pour cela. Il en
est de même pour les marchés inférieurs à 25 000
euros qui sont passés en procédure négociée sans
publicité ni mise en concurrence préalable. C'est ce que pointe
du doigt le Professeur Linditch en dénonçant une «
sous-réglementation » qui nuit à la rencontre du
contrat et de la performance420. D'autres estiment qu'une telle
réglementation serait au contraire mal venue421.
Il faut en tout état de cause que cet encadrement reste
prudent pour ne pas vider ces procédures d'une liberté bienvenue.
Concrètement, il faudrait préciser la portée des principes
fondamentaux pour que ces différentes procédures non
formalisées portent leurs fruits en terme de performance. C'est
d'ailleurs ce que le juge a tenté de faire, mais le législateur
devrait se saisir de cette question422. La récente
réforme de la commande publique apporte cependant peu de
précisions sur ce point.
Finalement la principale qualité de cette
procédure adaptée est qu'elle permet de procéder à
une négociation, à condition que le pouvoir adjudicateur l'ait
précisé dans les documents de la consultation transmis aux
candidats423.
2) La négociation
La négociation et la performance.
Négociation et performance sont le plus souvent
présentées comme ne faisant qu'un en matière d'achat
public. La rencontre de la performance et du contrat d'achat public a pour
prérequis la rencontre entre l'offre et la demande. Or cette rencontre
suppose une optimisation de l'offre et de la demande.
A cette fin la définition des besoins de
l'Administration doit être la plus précise possible, de
façon à ce que les offres correspondent au maximum à ce
que souhaite l'Administration. De plus, une connaissance approfondie du
marché est nécessaire. Ces prérequis sont cependant
très rarement réunis lors de la passation d'un marché
public, comme
419 J.-M. PEYRICAL, « Régime de passation des
contrats publics : le droit des délégations comme modèle ?
», AJDA 2004, p.2136.
420 F. LINDITCH, « Le contrat et la performance, une
rencontre impossible ? », art. préc
421 F. ALLAIRE, « Dépasser le droit des
marchés publics », art. préc.
422 CE, 30 janv. 2009, ANPE, n° 290236.
423 D. n° 2016-360 du 25 mars 2016 relatif aux
marchés publics, art. 27.
109
le souligne Marion Ubaud-Bergeron424. Refuser
dès lors la négociation serait une démarche utopique et
tout sauf pragmatique, car seule cette technique peut permettre d'accomplir ces
prérequis devant précéder toutes acquisitions. Jean-Marc
Peyrical lui aussi explicite parfaitement cette ambition irréaliste d'un
appel d'offre qui serait amplement suffisant, car continuer à n'accepter
la négociation que dans de très rares cas signifie que pour le
reste « les cahiers des charges préparés par les
collectivités publiques doivent parfaitement traduire la
définition de leurs besoins, tant sur le plan financier que technique,
afin que les offres présentées par les candidats soient les plus
adaptées possible à de tels besoins. Etant donné que l'on
se situe, en cas d'appel d'offres, dans le domaine des contrats
d'adhésion, les possibilités d'ajustement entre l'offre et la
demande se trouvent particulièrement restreintes et nécessitent
une compétence aiguë de la part de l'administration afin qu'elle
puisse contracter avec l'entreprise la plus à même de fournir la
prestation attendue. »425
Ce manque de réalisme qui sclérose à tous
les niveaux le droit des marchés publics atteint son paroxysme avec le
refus de la négociation qui est la figure de proue des fervents
défenseurs de la performance. Si bien que les voeux d'ouverture à
la négociation des marchés publics se multiplient426,
au nom d'une plus grande efficacité de l'achat public.
Les avantages de la négociation. Il
est parfois essentiel de négocier. La négociation permet de prime
abord « de discuter des conditions économiques de la
réalisation de la prestation. »427 Aussi
s'impose-t-elle seulement lorsqu'il ne s'agit pas de choisir une offre portant
sur un service ou un produit courant, et pour lesquels la concurrence est
suffisante. Dans ces cas là, le prix suffit en effet à
départager les différentes offres (on retrouve ici les deux
conditions sine qua non du recours à la négociation :
une mauvaise connaissance du marché et une définition
imprécises des besoins).
Dans l'hypothèse inverse où la
négociation s'impose, celle-ci permet d'avoir un «
échange réel Ð et constructif Ð entre l'administration et
ses candidats »428. Ainsi cette
424 M. UBAUD-BERGERON, « La négociation »,
Contrats-Marchés publics, 2014, dossier 7.
425 J.-M. PEYRICAL, « Régime de passation des
contrats publics : le droit des délégations comme modèle ?
», art. préc.
426 V. en ce sens quelques exemples : F. LINDITCH, « Le
contrat et la performance, une rencontre impossible ? », art.
préc. ; M. UBAUD-BERGERON, « La négociation »,
art. préc. ; F. LINDITCH, « Dix ans de commande publique
», art. préc. ; F. VILLETTE, « Plaidoyer pour (un
vrai) management de l'achat public », www.achatpublic.info, 2014. ; J.-M.
PEYRICAL, « Régime de passation des contrats publics : le droit des
délégations comme modèle ? », art.
préc.
427 A. JOSSAUD, « Marchés publics : dialoguer n'est
pas négocier », AJDA 2005, p. 1718.
428 J.-M. PEYRICAL, « Régime de passation des
contrats publics : le droit des délégations comme modèle ?
», art. préc.
110
procédure se justifie pour trouver l'offre
économiquement la plus avantageuse lorsque celle-ci n'apparaît pas
immédiatement et objectivement.
Les opérations complexes qui ne sont pas pour autant
des marchés de partenariat, doivent pouvoir donner lieu à des
négociations qui permettraient à la personne publique non
seulement de préciser ses besoins, tout en permettant aux
opérateurs de proposer des solutions « concurrentielles non
anticipées, éventuellement innovantes
»429.
Ensuite une bonne négociation évite de recourir
par la suite à des avenants430, ce qui est un gain de
sécurité juridique et qui permet d'éviter les
surcoûts engendrés par de telles renégociations.
La négociation permet également aux pouvoirs
adjudicateurs d'exiger des justifications des opérateurs sur leurs
offres, ce qui permettrait d'éviter notamment de choisir des entreprises
qui pour remettre une offre aussi séduisante ne respecteraient pas le
droit de la concurrence431.
La négociation implique nécessairement la
possibilité de modifier tant la commande que l'offre, au fur et à
mesure des discussions avec les candidats. Aussi un point de rencontre de
l'offre et de la demande se dessine progressivement grâce à elle.
La négociation représente « l'acte de commercer
»432 par essence. Surtout ce droit à la
négociation est le principe en droit privé car la liberté
contractuelle suppose fondamentalement de pouvoir « contracter en
toute compétence et connaissance de cause. »433
La directive fait également valoir dans son
considérant 42 que « les offres transnationales obtiennent un
taux de réussite particulièrement élevé dans le cas
de marchés passés par une procédure négociée
avec publication préalable. » 434 Lorsque plusieurs cultures
administratives, commerciales ou juridiques doivent se concilier, la
négociation devient rapidement nécessaire.
L'extension de la négociation ne fait néanmoins
pas l'unanimité puisque certains
429 P. BAJARI, R.S. MCMILLAN et S. TADELIS: « Auctions
versus Negotiations in Procurement : An Empirical Analysis », Journal
of Law, Economics, and Organization, vol. 25, n° 2, 2009, pp.
372-399, in S. SAUSSIER, J. TIROLE, « Renforcer
l'efficacité de la commande publique », art.
préc.
430 J-L GUASCH., J-J. LAFFONT et S. STRAUB : «
Renegotiation of Concession Contracts in Latin America: Evidence from the Water
and Transport Sectors », International Journal of Industrial
Organization, vol. 26, n° 2, 2008, pp. 421-442, in S. SAUSSIER, J.
TIROLE, « Renforcer l'efficacité de la commande publique »,
art. préc.
431 S. SAUSSIER, J. TIROLE, « Renforcer l'efficacité
de la commande publique », art. préc.
432 Plus exactement, c'est la « transmission des effets
du commerce »,
www.Larousse.fr.
433 J.-M. PEYRICAL, « L'évolution du droit de la
commande publique, quelques commentaires et réflexions », AJDA
2009, p. 965.
434 Dir. 2014/24/UE du 26 février 2014 sur la passation
des marchés publics, Consid. 42.
111
comme le Professeur Allaire, sont d'avis que l'effet d'une
telle ouverture ne serait que relatif. Il fustige la doctrine économique
d'avoir une telle idée, en mettant en avant le
déséquilibre originel, qui existe en faveur de l'Administration
au moment de contracter. Autrement dit, le rapport de force contractuel qui
existe dans chaque contrat public penche en faveur de l'Administration et ne
saurait être rééquilibré par la négociation
435 . A choisir l'Administration devrait donc plutôt ne pas
négocier et imposer ses propres conditions. Sauf que celles-ci
pourraient être non viables économiquement, annonçant du
même coup un contrat dont l'exécution sera rythmée par de
nombreuses péripéties contre-performantes (avenants, tensions,
retard, etc.). Ces considérations datent toutefois de 2009 et
l'évolution de la pratique et du droit des marchés publics semble
ne pas aller dans ce sens.
Constat : La négociation comme simple
dérogation. La sélection des offres annoncent de
nombreuses difficultés que les Professeurs Saussier et Tirole ont
tâchés d'énumérer : « risque de collusion
lorsque les marchés sont concentrés ; risque de
«malédiction du vainqueur« (lorsque la meilleure offre
émane du partenaire le plus optimiste et non du plus efficace) ; risque
de recevoir des offres excessivement agressives afin d'être retenu, avec
l'idée de renégocier ensuite le contrat ; risque de corruption.
»436 Or la négociation devrait permettre de
réduire ces différents risques, mais ces procédures de
négociation sont trop peu utilisées en Europe (dialogue
compétitif inclus).
L'article 42 de l'Ordonnance du 23 juillet 2015 met en avant
quatre procédures possibles lorsque le marché à passer se
situe au-dessus des seuils et qu'il ne s'agit pas d'un marché de
partenariat : l'appel d'offre, le dialogue compétitif, la
procédure concurrentielle avec négociation et la procédure
négociée sans publicité ni mise en concurrence
préalable. Ces différentes opportunités se
différencient les unes des autres par la place que chacune laisse
à la négociation437 : interdite ou asymétrique
- où soit seuls les besoins peuvent varier (dialogue compétitif),
soit seules les conditions de l'offre peuvent varier (procédure
concurrentielle avec négociation ou la procédure
négociée sans mise en concurrence ni publicité
préalables). Pour autant la pleine négociation où chacune
des parties
435 F. ALLAIRE, « Dépasser le droit des
marchés publics », art. préc.
436 S. SAUSSIER, J. TIROLE, « Renforcer l'efficacité
de la commande publique », art. préc.
437 M. UBAUD-BERGERON, « La négociation »,
Contrats et Marchés publics, n° 6, 2014.
112
peuvent faire évoluer leurs propositions est exclue
dès lors que le marché a une valeur qui le situe au-dessus des
seuils européens de passation438.
Aujourd'hui, avec les nouveaux textes, la procédure de
principe reste l'appel d'offre, tandis que pour négocier des conditions
doivent être remplies439. Contrairement aux règles
applicables aux entités adjudicatrices, un libre choix n'est donc pas
permis440. Lorsque l'on parle d'extension de la négociation
ou d'ouverture de celle-ci, cela signifie que les conditions à remplir
pour y recourir sont de plus en plus larges.
Finalement, la négociation reste non seulement
dérogatoire mais, même lorsqu'elle est admise, en procédure
formalisée, celle-ci est restrictivement entendue (toujours
asymétrique). Pour autant, il faut reconnaître quelques
récentes avancées.
Une ouverture progressive441. Les
directives européennes de 2014 ont été à la hauteur
des attentes, quant à l'élargissement des possibilités de
négociation. Ces avancées sont reconnues par la majorité
des auteurs, dont Laurent Richer442.
Désormais, d'après les directives, la
négociation (dialogue compétitif ou procédure
concurrentielle avec négociation) peut désormais être
utilisée dès lors que le service, le produit ou les travaux
commandés ne sont pas « standardisés » selon
le Professeur Richer443, qui voit dans cette progression de la
négociation une atténuation significative de l'écart entre
le régime applicable aux pouvoirs adjudicateurs et celui des
entités adjudicatrices.
Si le Professeur Richer semble se contenter de cette
ouverture, le Professeur Ubaud-Bergeron considère plutôt et
à juste titre que cette évolution reste inachevée
puisqu'une totale liberté du choix de la procédure n'est toujours
pas reconnue. Il a du être jugé trop difficile de savoir si un
achat mérite ou non le recours à une négociation.
438 On ne traitera pas ici la possibilité de
négocier pour passer un marché de partenariat, qui est la
procédure négociée avec mise en concurrence
préalable.
439 D. n° 2016-360 du 25 mars 2016 relatif aux
marchés publics, arts. 25-I (procédure concurrentielle avec
négociation ou le dialogue compétitif) et 30 (Marchés
publics négociés sans publicité ni mise en concurrence
préalables). Les conditions de recours au dialogue compétitif ou
aux marchés publics négociés sont équivalentes.
440 Ibid., art 26.
441 V. pour les conditions de recours à la
négociation sous l'empire du Code de 2006 à l'article 35 :
« la négociation n'était au final permise qu'en raison
du caractère exceptionnel de la nature de l'achat ou des circonstances
de l'achat », résume Marion Ubaud-Bergeron.
442 L. RICHER, « la concurrence concurrencée :
à propos de la directive 2014/24 du 26 février 2014 »,
art. préc. Dans le même sens : M. UBAUD-BERGERON, «
La négociation », art. préc.
443 V. en ce sens les six hypothèses dans lesquelles le
dialogue compétitif ou la procédure concurrentielle avec
négociation sont autorisées : D. n° 2016-360 du 25 mars 2016
relatif aux marchés publics, art. 25-II.
113
La subjectivité attachée à ce choix de la
procédure est pourtant la conséquence directe de l'utilisation de
l'instrument contractuel qui ne doit pas sans cesse être
objectivée, par la soumission de sa passation à un certain nombre
de critères objectifs tout aussi malléables les uns que les
autres.
Les raisons de la frilosité du
législateur et des acheteurs publics à l'égard de la
négociation. Il existe deux raisons principales à cette
méfiance vis-à-vis de la négociation. D'une part, il y a
des doutes quant à la capacité des acheteurs publics à
négocier, et d'autre part, le respect des principes fondamentaux de la
commande publique lors d'une négociation n'est pas garanti. La
problématique est ainsi résumée par Jean-Marc Peyrical,
qui au moment de s'intéresser à la négociation
écrit que se pose « la problématique de la
capacité des structures publiques à mener à bien des
politiques d'achat à la fois sécurisées juridiquement et
efficaces économiquement. »444 Ces raisons ont
été détaillées, puis relativisées par Marion
Ubaud-Bergeron445.
De prime abord, lors de négociations le principe
d'égalité risquerait de ne pas être pleinement
respecté, puisque la personne publique serait susceptible de favoriser
certains candidats en leur donnant des informations les avantageant. De
même, la modification des besoins de la personne publique en cours de
négociation, pourrait porter atteinte à la liberté
d'accès à la commande publique ainsi qu'à
l'égalité de traitement entre les candidats effectifs et
potentiels, puisque certains opérateurs auraient pu vouloir participer
à la procédure s'ils avaient eu connaissance d'un tel changement.
En outre, le secret des affaires et le respect de la confidentialité des
offres seraient également susceptibles d'être ignorés lors
d'une négociation.
Toutes ces considérations qui ont trait à la
sécurité juridique de la procédure ne sauraient être
retenues, car si cette inquiétude est légitime, refuser la
négociation pour ces motifs relève de l'excès de prudence.
Il faudrait plutôt encadrer d'avantage la négociation. Formaliser
davantage cette procédure de négociation semble donc être
l'alternative adéquate446. Or le Professeur Ubaud-Bergeron
met en avant que le législateur européen s'est
444 J.-M. PEYRICAL, « L'évolution du droit de la
commande publique, quelques commentaires et réflexions », art.
préc.
445 M. UBAUD-BERGERON, « La négociation »,
art. préc.
446 A. JOSSAUD, « Marchés publics : dialoguer
n'est pas négocier », art. préc. : l'auteur
après avoir relevé le risque de la négociation quant
à l'égalité de traitement, considère qu'il est
nécessaire de se poser la question suivante : « comment
organiser la discussion de façon à ce qu'elle (la
négociation) ne devienne pas inégalitaire, au risque de mettre en
péril l'efficacité de l'achat (?) ».
114
récemment attaché à encadrer, non plus le
recours, mais bien la forme que doit prendre cette négociation.
Enfin, cette méfiance peut également s'expliquer
par une surprotection des personnes publiques, qui ne seraient pas capables de
négocier. N'étant par formées à la conduite de
négociations, elles seraient susceptibles d'en sortir perdantes. Or il
est approprié de soulever un manque d'expérience, mais celui-ci
est directement lié à la limitation de la pratique des
négociations, et surtout ce retard est en train de se
réduire447.
Une professionnalisation des acheteurs quant à la
négociation semble néanmoins nécessaire et si la formation
a nécessairement un coût, on opposera à ces atermoiements
la fameuse réplique attribuée à Abraham Lincoln :
« if you think education is expensive, try ignorance.
»448. De plus, l'ouverture à la négociation
contribuerait du même coup à la banaliser449.
Un refus de la négociation inconstitutionnel et
inconventionnel ? Cette frilosité vis-à-vis de la
négociation serait légitimée juridiquement, ce qui
contribuerait à freiner son extension450.
La liberté contractuelle permet de laisser le choix aux
cocontractants, ou au moins à l'un des deux, de négocier ou non,
comme c'est le cas pour les contrats dits « d'adhésion »
qui sont très répandus dans le secteur privé. La
passation d'un contrat n'impose donc pas de procéder à une
négociation. Toutefois si la liberté contractuelle ne recouvre
pas forcement « un droit à négocier
»451, cette liberté impose qu'au moins l'un des
cocontractants en ait fait le choix. Libre à l'un des cocontractants de
conditionner son consentement à une passation
non-négociée, pour autant, les pouvoirs réglementaire ou
législatif ne sauraient l'imposer, si l'on s'en remet au seul principe
constitutionnel de liberté contractuelle.
Il apparaît cependant que cette fâcheuse
restriction de la liberté contractuelle trouve sa justification dans un
autre principe constitutionnel, avec lequel il faut concilier cette
liberté de négocier : le principe d'égalité de
traitement. Il reste que ce principe est issu du
447 Ibid.
448 Trad. : « Si vous pensez que l'éducation
est cher, essayez l'ignorance ». Citation attribuée à
A. Lincoln ou D. Bok, avocat et président de l'Université
d'Harvard 1971-1991, in F. Linditch, « Le contrat et la performance, une
rencontre impossible ? », art préc.
449 M. UBAUD-BERGERON, « La négociation »,
art. préc.
450 Ibid.
451 Ibid.
115
principe de libre-concurrence et qu'il se fonde sur
l'efficacité et le bon usage des deniers publics qu'il doit
permettre.
Si l'on s'accorde sur ce postulat de départ, il est
alors aisément possible de considérer qu'égalité de
traitement et négociations ne s'opposent plus, mais servent le
même objet : l'efficacité. Dès lors refuser l'usage de
plein droit de la négociation aux pouvoirs adjudicateurs, sous
prétexte qu'un risque pour l'égalité de traitement existe,
ne tient plus. Il reste pour autant nécessaire de garantir cette
égalité de traitement au cours de la négociation, mais la
juste conciliation des deux principes ne va pas de pair avec une
régulation aussi drastique de la négociation.
En outre, la négociation, ainsi que les principes
fondamentaux applicables à l'achat public, tel que
l'égalité de traitement des candidats, sont comme le souligne le
Professeur Ubaud-Bergeron, autant l'un que l'autre destinés à
placer les personnes publiques dans les conditions d'un acheteur «
normal » du marché452. Autrement dit, le principe
européen de libre concurrence n'est pas non plus respecté en
refusant un plein accès à la négociation.
Ce faisant, en ignorant le but dans lequel ont
été instaurés les principes fondamentaux de la commande
publique, il n'est pas étonnant que l'efficacité de l'achat
public ne soit pas optimale.
Les évolutions à apporter. Il
reste que la négociation demeure une mesure d'exception, mais que
l'imprécision des conditions qui sous-tendent son utilisation contribue
à placer les pouvoirs adjudicateurs dans une certaine
insécurité juridique. La négociation n'est certes pas
indispensable pour choisir l'offre économiquement la plus avantageuse,
cependant seul le pouvoir adjudicateur est capable d'en juger. Il n'est de fait
pas adéquat de laisser le juge valider son utilisation. Il serait
préférable de laisser le libre choix de la procédure aux
personnes publiques, tout en laissant au juge la possibilité de
sanctionner une éventuelle erreur manifeste d'appréciation.
Il faudrait par ailleurs continuer à encadrer
l'utilisation de cette procédure de négociation. Si les guides de
bonnes pratiques ou même les textes normatifs peuvent et doivent
être utilisés, il doit revenir également au juge
administratif de forger « une culture et une éthique de la
négociation. »453 Autrement dit, il faudrait
permettre un meilleur contrôle
452 Ibid.
453 Ibid.
116
de ces négociations en garantissant une certaine
transparence454, tout en préservant la
confidentialité. C'est dans ce sens que Stéphane Saussier et Jean
Tirole proposent de rendre obligatoire l'établissement par le pouvoir
adjudicateur de deux rapports synthétiques portant sur l'analyse des
offres, avant et après la clôture des
négociations455, afin de rendre compte des acquis de
celle-ci. Ce rapport trouverait une utilité bien supérieure,
comparé au rapport justifiant actuellement le recours à la
négociation. De même il faudrait que le pouvoir adjudicateur
prenne les dispositions nécessaires pour prouver que les principes
fondamentaux ont été respectés au cours de la
négociation. Autrement dit, il faut laisser la place au principe de
traçabilité, car une négociation doit être vue comme
un surplus de concurrence et non pas l'inverse.
Finalement, même après plusieurs avancées,
permises par les nouveaux textes, il reste que les marchés publics sont
encore trop souvent des contrats d'adhésion456. La
négociation doit donc encore se développer et les praticiens
doivent par ailleurs être formés en ce sens.
C'est une véritable liberté qui doit être
recherchée. Aussi s'il semble à l'heure actuelle difficilement
contestable, que « le contrat administratif (pris dans son ensemble)
est hermétique à ce dogme »457 de la
liberté contractuelle, il n'est pas certain qu'il ne faille pas
différencier l'acte d'achat, de la masse uniforme formée par
l'ensemble des contrats administratifs. Car contrairement à ce qui est
soutenu par Sophie Nicinski, il semble que l'intérêt des parties
prenantes d'un achat public ne soit pas dépassé458. Au
contraire la protection de la concurrence, le bon usage des deniers publics,
ainsi que la performance « sont de l'intérêt même
de la personne publique »459 à condition de garder
comme objectif que les droits découlant d'une telle liberté
permettent d'aboutir à un équilibre entre efficacité et
sécurité juridique, c'est à dire entre une vision
managériale de l'achat public et une vision bien trop juridique et
contraignante de ce dernier (Chapitre 2).
454 J.-M. PEYRICAL, « Régime de passation des
contrats publics : le droit des délégations comme modèle ?
», art. préc.
455 S. SAUSSIER, J. TIROLE, « Renforcer l'efficacité
de la commande publique », art. préc.
456 J.-M. PEYRICAL, « L'évolution du droit de la
commande publique, quelques commentaires et réflexions », art.
préc.
457 S. NICINSKI, « le dogme de l'autonomie de la
volonté dans le droit des contrats administratifs », in Contrats
publics, Mélanges Guibal, Montpellier 2005, T.1, p. 45 et s.
458 Idem.
459 B. NAYRAUD, « L'optimisation de l'offre et la demande
en Marchés publics », Master 2 Contrats publics et partenariats,
Université de Montpellier, 2012, p. 32.
117
Chapitre 2 : Du juriste au manager de l'achat
public
Plan. Comme le soutenaient deux praticiens,
dès 2005 : « La balance de l'achat public comporte donc deux
plateaux : la sécurité juridique, et la logique
économique. La vocation de l'acheteur public est de réaliser le
bon équilibre entre ces deux paramètres, et non pas seulement de
faire de simples gains financiers. »460 Il convient de
s'interroger ici sur les sous-objectifs que doivent avoir tant l'acheteur
public que le droit des marchés publics, afin de mettre en place une
politique d'achat performante. Il s'agit donc d'élaborer une
stratégie d'achat, qui consiste à déterminer la
manière d'atteindre cette performance.
A cette fin deux objectifs doivent tout d'abord
s'équilibrer, de façon à avoir une importance
équivalente lors de l'élaboration de cette stratégie : la
régularité du contrat et une passation ainsi qu'une
exécution efficace. Or il s'impose rapidement le constat d'un retard de
l'objectif d'efficacité de l'achat au dépend d'une
stratégie axée exclusivement sur la sécurité
juridique de ce dernier (Section 1).
Dès lors, il semble nécessaire de décrire
ce que devrait être une stratégie d'achat proactive, en se
concentrant sur les différentes techniques permettant un achat efficace.
Ces techniques doivent être destinées d'une part à avoir
une meilleure gestion du contrat, et d'autre part à professionnaliser
les acheteurs publics (Section 2).
Section 1. L'achat public ou l'objectif
d'équilibre entre l'efficacité managériale et la
sécurité juridique
Plan. Aussi, après s'être
intéressé à l'utilité d'une sécurisation
juridique de l'acte d'achat (I), il faudra mettre en avant le
retard qu'accusent les préoccupations liées à
l'efficacité des acheteurs publics (II).
I. La sécurité juridique, gage
d'efficacité
Plan. La sécurité juridique,
tant dans son aspect formel, que dans son aspect matériel, s'inclut
pleinement dans une stratégie de performance. Cet objectif devrait
guider tant l'élaboration du droit applicable de l'achat public
(A), que sa mise en oeuvre (B).
460 V. LEBON (Attachée territoriale), F. PISTONE
(acheteur), « Le coût économique de la sécurité
juridique des marchés publics », AJDA 2005, p.1817.
118
A. La sécurisation du droit applicable
L'exigence de qualité de la norme.
Dans une optique d'efficacité de l'achat public, la
sécurisation du droit en lui-même semble évidemment
recommandable. La sécurité juridique et l'efficacité
juridique sont étroitement liées.
La sécurité juridique dans sa dimension
matérielle, exige une norme de qualité. Cette exigence a
même été consacrée constitutionnellement, à
travers les objectifs à valeur constitutionnelle d'accessibilité
et d'intelligibilité de la loi461. Cette exigence
appliquée au droit des marchés publics est depuis longtemps
réclamée et s'est progressivement précisée au fur
et à mesure, depuis l'époque où Michel Guibal
réclamait en 1994 une « simple »
codification462 de ce droit des marchés publics. Cette
sécurisation du droit fût de tout temps un enjeu
d'efficacité.
La lisibilité du droit applicable aux
marchés publics : une nouvelle ordonnance porteuse d'espoir. La
nouvelle ordonnance de 2015 était porteuse de beaucoup d'attentes quant
à la clarification du droit des marchés publics. François
Brenet exprime parfaitement un certain optimisme lorsqu'il écrit qu'
« il faut espérer qu'elle concrétise le début
d'une ère nouvelle, marquée par une plus grande lisibilité
et une plus grande facilité d'accès à la règle
juridique, le tout au service d'une meilleure efficacité de l'achat
public. »463. Il semblerait donc que cette réforme
ait répondu aux attentes de simplification et de consolidation, servant
ainsi une intelligibilité, qui est créatrice de performance. Le
professeur Noguellou se range également à cet élan positif
puisque, selon elle, « l'ordonnance du 23 juillet 2015 marque,
à n'en pas douter, une simplification du droit français des
marchés publics. »464.
Les raisons de cette simplification et de cette consolidation
du droit de l'achat public se rattachent selon le Professeur Brenet à
deux facteurs. Bien sûr, d'une part, l'Union Européenne avec sa
nouvelle directive relative aux marchés publics avait initié un
mouvement de clarification et de rationalisation du droit applicable à
l'achat public. D'autre part, et c'est là le facteur le plus
intéressant pour nous, il semblerait que se soit la situation
économique problématique qui ait poussé les
décideurs politiques à des changements
461 Cons. Const., 16 déc. 1999, n° 99-421, L.
portant habilitation du Gouvernement à procéder, par ordonnances,
à l'adoption de la partie législative de certains codes.
462 M. GUIBAL, « Codification et simplification du droit des
marchés publics », AJDA 1994, p.6.
463 F. BRENET, « Les nouvelles bases du droit des
marchés publics », AJDA 2015, p.1783.
464 R. NOGUELLOU, « Le nouveau champ d'application du droit
des marchés publics », AJDA 2015, p.1789.
119
radicaux. Les bienfaits économiques d'un texte
intelligible seraient donc bien présents dans leurs esprits.
La simplification du droit des marchés publics
par l'ordonnance du 23 juillet 2015. Cette ordonnance abroge le Code
des marchés publics, l'ordonnance du 6 juin 2005 relative aux
marchés passés par les pouvoirs adjudicateurs et entités
adjudicatrices non soumis au CMP, ainsi que celle du 17 juin 2004 relative aux
contrats de partenariat465. La doctrine s'accorde à dire que
le gouvernement a sur-transposé les directives. Le droit de la commande
publique était trop sophistiqué. Si bien que de trop nombreux
textes disparates s'appliquaient.
Or ce défaut avait depuis longtemps été
relevé puisque « l'éclatement des sources écrites
et non écrites applicables en matière de contrats publics
(É) (était) en contradiction avec la nécessaire
sécurisation juridique des décisions prises par les
collectivités publiques. »466 Plus
particulièrement, ce sont les créations successives de contrats
globaux sur-mesure qui sont venues contribuer à ce « trop plein
législatif ». Selon Gabriel Eckert « la
multiplication des contrats spéciaux, chargés chacun de
répondre, plus ou moins efficacement à une difficulté
circonstancielle ou aux besoins de tel ministère, apparaît comme
la négation même de la loi, laquelle doit avoir une vocation
générale. »467 En outre, la simplification
est intervenue à deux autres niveaux.
D'abord la notion de marché public s'est trouvée
unifiée et étendue, notamment par la réunification des
notions de marché et de contrat de partenariat, ce dernier ayant
vocation à devenir un marché de partenariat. Aussi la «
concrétisabilité »468 de cette notion de
marché public fût donc permise. Un texte normatif est clair non
seulement lorsqu'il répond à une exigence de lisibilité,
mais également lorsqu'il est aisément concrétisable
par le juge qui doit statuer dans un cas d'espèce.
Ensuite, un fondement législatif a été
donné au droit des marchés publics, mettant un terme plus que
souhaitable aux constructions maladroites et improbables du juge administratif
pour tenter de légitimer la mainmise du gouvernement sur la «
réglementation » des marchés publics. Cette question
est symptomatique des difficultés de modernisation du
465 O. n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux
marchés publics, art. 102.
466 J.-M. PEYRICAL, « Régime de passation des
contrats publics : le droit des délégations comme modèle ?
», art. préc.
467 G. ECKERT, « Réflexions sur l'évolution du
droit des contrats publics », RFDA, 2006, p.238.
468 Terme théorisé par A. FLCKIGER, «
Le principe de clarté de la loi ou l'ambiguïté d'un
idéal », Cahiers du Conseil constitutionnel, n° 21,
2007.
120
contrat administratif, puisque de facto ce dernier
n'a pas la même protection juridique que son homologue privé,
alors que la notion de contrat est commune aux deux corpus juridiques. Ceci
alors que les droits de propriété, privés ou
publics469 ou la liberté contractuelle privée et
publique, ont certes leurs particularités respectives, mais disposent
théoriquement de la même protection constitutionnelle.
C'est en effet la compétence réglementaire qui
était retenue, pour élaborer les textes applicables aux
marchés publics aussi bien de l'Etat470, que des
collectivités471. Le Code ne serait en effet, d'une part,
qu'un « code de procédure administrative. »,
permettant à l'Etat de « se l'imposer à lui-même
par voie réglementaire. »472 et d'autre part, la
survivance d'un décret d'habilitation de 1938 justifiait la
compétence du gouvernement pour mettre en place cette fois les
règles applicables aux marchés publics des collectivités
territoriales.
Outre le fait que cette construction juridique était
très critiquée473 et fortement instable, le
véritable enjeu selon Yves Gaudemet est « ni plus ni moins de
reconnaître dans le contrat administratif un véritable contrat,
nettement dégagé de la gangue des procédures, un accord de
volontés générateur d'obligations, et non plus seulement
une modalité particulière d'administration
»474. Pour cela il fallait donc reconnaître que
l'article 34 de la Constitution impose au législateur d'élaborer
ce droit, au même titre que les contrats de droit
privé475. Autrement dit, les obligations juridiques, qu'elles
naissent d'un contrat de droit civil ou de droit administratif ont la
même nature. Selon Yves Gaudemet il s'agit dans tous les cas
d'obligations civiles. La protection accordée à l'une ou l'autre
doit donc être la même et doit surtout être consacrée
à l'échelon constitutionnel476. Peut-être
même, que les atermoiements, hésitations et autres
imprécisions qui entourent depuis toujours le droit des marchés
publics trouvent en partie leur explication dans ce déséquilibre
et cette place bien trop importante qui était accordée au
gouvernement ? En tout état de cause, la simplification du droit des
marchés publics est née avec son rehaussement
législatif.
469 Cons. const., 25-26 juin 1986, n° 86-207 DC, relative
à la Loi autorisant le Gouvernement à prendre diverses mesures
d'ordre économique et social.
470 CE, Ass., 5 mars 2003, Ordre des avocats à la cour
d'appel de Paris, n° 238039.
471 CE, Ass., 29 avr. 1981, Ordre des architectes,
n° 12851.
472 Concl. D. PIVETEAU, sous CE, Ass., 5 mars 2003, Ordre des
avocats à la cour d'appel de Paris, préc.
473 L. RICHER, Droit des contrats administratifs, p.
316.
474 Y. GAUDEMET, « Le contrat administratif, un contrat
hors-la-loi », Cahiers du Conseil constitutionnel, n° 17,
2005.
475 Cité par Y. GAUDEMET dans l'article
précité : F. LUCHAIRE, « Fondements constitutionnels du
droit civil », Revue trimestrielle de droit civil, 1982, p. 245.
476 V. en ce sens : Y. GAUDEMET, «
Prolégomènes pour une théorie des obligations en droit
administratif français », Recueil en l'honneur de Jean
Gaudemet, Nonagesimo anno, 1999, p. 613.
121
Finalement la simplification se retrouve aussi dans le
détail des mesures, puisque les notions de pouvoir adjudicateur et
d'entité adjudicatrice ont elles aussi été
simplifiées. La notion de marché de travaux est également
simplifiée en se démarquant de la maîtrise d'ouvrage
publique477. Un rapprochement opportun des législations
européenne et nationale peut être observé, ce qui est
là encore facteur de lisibilité, de sécurité et
donc de performance.
Un droit stable. Quoi qu'il en soit, cette
réforme doit être la dernière. Il faut que le droit des
marchés publics se stabilise, car c'est un prérequis pour la
performance.
»478
Pouvoir anticiper, pouvoir maîtriser l'ensemble des
règles, ainsi que leur portée est essentiel pour mettre en place
une politique d'achat performante. Il faut que des pratiques puissent
naître et s'améliorer et surtout perdurer. Cette exigence
performancielle d'un droit stable fait échos aux recommandations qui
avaient déjà été faites en 2005, après la
seconde réforme, par le professeur François Lichère :
« L'efficacité de la commande publique mais aussi sa
rentabilité, en ces temps favorables à l'analyse
économique du droit, s'accommodent mal de changements intempestifs en
raison des pertes de temps liées à l'adaptation à la norme
et des coûts induits (achats de nouveaux logiciels, formation du
personnel, etc.).
C'est dire si aujourd'hui cette revendication
mériterait d'être entendue, plus de 10 ans déjà
après qu'elle ait été formulée.
B. La sécurisation du contrat
Plan. Pour qu'un contrat soit
sécurisé juridiquement, il est essentiel qu'il soit non seulement
légal (1), mais qu'il soit également stable
(2).
1) Un contrat légal
La copie à tout prix ? Il est
évident que dans l'optique d'un meilleur achat public, s'inspirer des
techniques du secteur privé est recommandé. Cependant, cet
entêtement des praticiens ne doit pas non plus se faire au mépris
du droit des marchés publics. Il est certain que ce corpus juridique
mérite des changements, c'est l'objet de ce travail. En attendant, de
nombreux praticiens recherchent sans arrêt la dernière technique
à la mode, sauf que le
477 V. pour plus de détail : P. BOURDON, «
L'ordonnance du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics : premier
acte de la rationalisation du droit de la commande publique », RDI
2016, p. 8.
478 F. LICHERE, « Code des marchés publics : faut-il
réformer la réforme de la réforme ? », AJDA
2005, p. 1.
122
respect du droit en vigueur, tout imparfait soit-il, demeure
essentiel479. Autrement dit, le sujet était jusqu'ici la
performance économique, néanmoins il faut également
veiller à ne pas perdre de vue ce qu'il serait possible d'appeler la
« performance juridique ».
En outre, s'il est vrai pour Balzac que « copier,
c'est vivre »480, il reste que pour Victor Hugo il ne faut
« imitez rien ni personne » car « un lion qui copie
un lion devient un singe. » 481 Les acheteurs publics doivent donc
s'inspirer, tout en se méfiant car la réglementation à
laquelle ils sont soumis reste justifiée à bien des
égards.
Il est vrai qu'un parallèle entre ces deux mondes, peut
et doit être établi, puisque d'une part l'un et l'autre ont des
comptes à rendre en matière de performance, respectivement aux
citoyens et au conseil d'administration, d'autre part, la recherche de
l'efficience par l'intermédiaire de l'innovation dans les techniques
d'achat existe tant chez les acheteurs privés que publics.
Les acheteurs publics et privés évoluent
cependant dans des sphères différentes. L'acheteur public a une
responsabilité globale qui suppose la recherche d'une performance
globale, aussi il ne peut se contenter de rechercher le profit, son action
s'intègre dans un espace plus large dans lequel l'aménagement du
territoire, le service public ou le développement durable doivent
notamment rentrer en compte, pas seulement dans un but marketing comme c'est le
cas pour une entreprise privée, mais bien en vertu de
l'intérêt général.
Ainsi la politique d'achat public subséquente qui est
mise en place doit demeurer conforme au cadre juridique actuel,
parallèlement au fait que ce cadre doive nécessairement
évoluer.
2) Un contrat stable
Une exigence juridique de stabilité.
Le principe de sécurité juridique signifie dans sa
dimension formelle que le droit doit pouvoir être prévisible et
que les cadres juridiques doivent demeurer stables. À l'origine, le
fondement d'un tel principe est celui de non-rétroactivité de la
loi482, cependant la sécurité juridique est devenue
elle-même un principe général du droit483.
479 Ibid.
480 H. DE BALZAC, OEuvres diverses, T. 1, coll.
Bibliothèque de la Pléiade, Gallimard, 1996.
481 V. HUGO, OEuvres complètes. Océan.,
coll. Bouquins, Robert Laffont, 2002.
482 Code civil, art. 2.
483 CE, Ass., 24 mars 2006, Sté KPMG, n 288460 et
s.
123
Le risque contentieux. De part la nature
palliative et très contraignante du droit des marches publics, l'achat
public s'accompagne d'un risque contentieux élevé. La question
rhétorique que pose François Villette est néanmoins
pertinente : « à combien se chiffre le coût, pour une
collectivité, de construction contractuelle bâclée ou
désuète par manque de temps, ou de non-choix de recours à
des procédures d'achat innovante par peur du recours « croque-
mitaine « ? »484 Ces contentieux sont effectivement
peu nombreux485. Un juste compromis doit être trouvé
entre l'innovation et le respect scrupuleux du droit applicable.
Mais alors comment trouver le compromis parfait en pratique ?
Il semble qu'une fois les règles spécifiques mises en oeuvre, il
faille s'en remettre aux principes fondamentaux, comme se fût d'ailleurs
consacré pour la procédure adaptée486. Or la
vacuité de ces principes reste problématique. Pour autant les
acheteurs publics doivent se les approprier, aussi bien pour saisir
l'utilité des procédures formalistes, que pour tenter de savoir
si une technique innovante tel qu'une fiche qualimétrique ou
du sourcing, sur lesquels on reviendra, peut être
utilisée ou non. Il est également souhaitable selon certains de
« remonter à l'origine de la spécificité de ces
achats vis-à-vis du rôle de l'action publique et de
l'intérêt général »487 pour
saisir toute la portée des principes fondamentaux.
Le contentieux des contrats administratifs, un droit
qui arrive à maturité. La relation d'affaire qu'implique
l'achat public entre le pouvoir adjudicateur et l'opérateur
économique rendait impraticable le contentieux dit
Martin488. Celui-ci ne marchait que trop bien et il avait
fallu attendre 2007 et l'arrêt Tropic 489 pour voir
le plein contentieux s'ouvrir aux candidats évincés. Mais c'est
véritablement l'arrêt Tarn-et-Garonne490 qui a
entraîné un « choc de sécurisation
»491 du contrat en 2014. Stéphane Braconnier voit
dans cet arrêt trois évolutions majeures, contribuant chacune
à une sécurisation du contentieux contractuel et du contrat
administratif : simplification, clarification et sécurisation.
484 F. VILLETTE, « Plaidoyer pour (un vrai) management de
l'achat public », art. préc.
485 Environ 6 000 par an devant le tribunal administratif, ce
qui représente 1,5 % des contrats. En partant de l'hypothèse que
400 000 contrats sont conclus chaque année (le cas échéant
dans le cadre de marchés allotis), in Sénat, «
Mission commune d'information sur la commande publique », op.
cit.
486 CE, Avis, 29 juillet 2002, Sté MAJ Blanchisseries
de Pantin, n°246921.
487 M. TORT (Consultant formateur en matière de
réglementation et d'achat public), « Combiner
sécurité juridique et efficience en matière d'achat public
? », Le Blog de la performance publique (
www.blogacpformation.fr),
2013.
488 CE, 4 août 1905, Martin, p. 749.
489 CE, Ass., 16 juil. 2007, Sté Tropic Travaux
Signalisation, n° 291545.
490 CE, 4 avril 2014, Dépt du Tarn et Garonne,
n° 358994.
491 S. BRACONNIER, « Contentieux des contrats : le choc de
sécurisation ? », AJDA 2014, p. 945.
124
Avec cette décision le Conseil d'Etat permet d'abord
une « simplification » en étendant le recours de
plein contentieux à l'ensemble des tiers, aussi le juge du contrat sera
en principe saisi et le juge de l'excès de pouvoir n'intervient plus
qu'à de rares exceptions en matière contractuelle.
De plus, cet arrêt permet une «
clarification» du droit avec l'extension du recours de plein
contentieux à tous les tiers, ainsi qu'aux parties492. Ce
recours est un recours subjectif, bien plus en adéquation avec la nature
subjective du contrat. L'analyse in concreto que fait le juge en
prenant en compte la légalité, mais également les
intérêts en présence, la valeur juridique du contrat ou
l'intérêt général, contribue à inscrire ce
recours dans la réalité du contrat, tout en limitant son
accès puisqu'il est exigé une preuve d'un intérêt
à agir et de moyens invocables pour le remettre en cause.
Aussi bien la clarification que la simplification, ont un
impact en terme d'efficacité, puisque le contentieux contractuel devient
ainsi un contentieux réaliste, qui s'attache à saisir l'ensemble
des tenants et aboutissants du contrat. Les parties ne sont plus à la
merci du juge de l'excès de pouvoir, qui ne pouvait choisir qu'entre
l'annulation et la poursuite des relations contractuelles. Cette «
révolution » jurisprudentielle apporte donc de la
lisibilité au contentieux, ainsi que de la stabilité aux
relations contractuelles.
Enfin c'est une sécurisation du contrat. La remise en
cause du contrat n'est plus chose aisée, les pouvoirs de modulation du
juge sont décuplés et le risque d'une remise en cause du contrat
par les tiers est amoindri. Les contrats sont alors plus ambitieux et les
relations contractuelles sont plus apaisées. Autant de facteurs de
performance pour l'achat public.
De même, si les tiers au contrat se contentaient de
demander plutôt que l'annulation et l'indemnisation, seulement la
réparation alors, là encore, le risque financier qui pèse
sur la personne publique serait amoindri, puisque seuls les candidats
évincés qui avaient des chances sérieuses d'emporter le
marché obtiendront la réparation de leur manque à
gagner493. Autrement, seul le remboursement des frais engagés
pourrait être décidé par le juge, mais encore faudrait-il
que celui-ci considère que le candidat évincé «
n'était pas dépourvue de toute chance » d'emporter le
marché. Ainsi le risque d'une condamnation est non seulement
évaluable mais reste raisonnable pour la personne publique qui peut
aborder sereinement ses procédures de passation. Reste que les
procédures de modification demeurent exemptes d'une
492 CE, 28 déc. 2009, Cne de Bézier,
n° 304802.
493 CE, 18 juin 2003, ETPO Guadeloupe, n°
249630.
125
véritable surveillance et d'une prise en compte
suffisante de ces renégociations par le contentieux, la faute à
un principe de transparence délaissé494.
Un contrat trop sécurisé ?
Cette sécurisation du contrat au stade du contentieux est
préférable et demeure une véritable avancée, mais
paradoxalement les acheteurs publics ont tendance à se focaliser sur la
conformité des marchés, tant au droit européen, qu'au
droit pénal ou au droit national des marchés publics. Le
paradigme doit maintenant changer et la performance économique doit
devenir la principale préoccupation des acheteurs et du
législateur495. S'il n'est pas déjà atteint,
l'objectif de sécurité juridique est en tout cas sur le point de
l'être, tandis que l'efficacité, comme l'efficience de l'achat
public sont encore et toujours placées au second plan496
(II).
II. L'efficacité et l'efficience, deux objectifs
injustement au second
plan dans l'établissement des politiques d'achat
public
Plan. La prise en compte de la performance
passe par une responsabilisation des acheteurs publics, puisque cette
responsabilité publique est la source de l'obligation de performance.
Ainsi au moment de fixer les contours d'une politique d'achat public
performante Ð qui consiste à déterminer les objectifs
à suivre pour l'acheteur public Ð la question de l'objet de cette
responsabilisation se pose. Or d'après le Professeur Desmazes, la
responsabilité publique a plusieurs dimensions : « dimension
politique, dimension éthique et morale, dimension économique et
managériale, dimension juridique. » 497 Seules les dimensions
managériale et juridique sont utiles à la mise en place d'une
politique d'achat performante. Actuellement c'est davantage la dimension
politique de la responsabilité des personnes publiques qui est
exploitée pour parvenir à un achat performant. Celle-ci est
cependant largement insuffisante.
Ainsi l'objectif de la fonction achat doit être de
concilier les dimensions juridiques et managériales de la
responsabilité publique (A). L'objectif
d'efficacité occupe cependant une place moins importante
(B).
494 V. Supra.
495 S. BRACONNIER, « Performance et procédures
d'attribution des contrats publics », in Performance et droit
administratif, N. ALBERT (dir.), LexisNexis, Coll. Colloques &
débats, 2010.
496 F. LINDITCH, « Le contrat et la performance, une
rencontre impossible ? », art préc.
497 J. DESMAZES, « Achats publics : la
problématique conciliation des dimensions managériale et
juridique de la responsabilité publique », in Politiques et
management public, vol. 19, n° 1, 2001.
126
A. L'objectif juridico-managérial de la fonction
achat, au service de la performance
L'aspect managérial de l'achat public : la
recherche d'économies sur les coûts de transaction.
Oliver Williamson qui remporta le Prix Nobel d'économie en 2009
a théorisé le concept de coûts de
transaction498. Cette théorie s'intéresse aux
coûts préalables à toutes transactions. On parle
d'économies transactionnelles. Cette théorie des coûts de
transaction (dite TCT) « indique que les caractéristiques des
transactions (leur incertitude, leur fréquence, le degré d'actifs
ou d'investissements spécifiques qui leur sont nécessaires) ainsi
que le contexte dans lequel celles-ci se déroulent (le nombre d'acteurs,
leur opportunisme ou leur degré de rationalité) entraînent
des coûts de transaction qui diminuent la performance. »499
Williamson a comme postulat de départ que les acheteurs
sont dotés seulement d'une rationalité limitée lorsqu'ils
achètent500, ce qui ne les empêchent pas d'être
opportunistes dans leur choix. Aussi toute opération commerciale sur un
marché entraîne des coûts en amont de la transaction.
On peut lister un certain nombre de ces coûts, qui
existent autant dans le secteur public que privé, même si certains
de ces coûts diffèrent, à titre indicatif les entreprises
privées sont soumises aux coûts suivants :
3) « Les coûts de recherche et de
négociation initiale d'un contrat avec un partenaire économique
(É) ;
4) les coûts de contrôle du bon
déroulement du contrat ;
5) les pertes possibles en raison d'un contrat initial
inadapté à la situation réelle ;
6) les coûts de sa renégociation
éventuelle ;
7) les coûts d'opportunité dus à
l'immobilisation du capital destiné à garantir
éventuellement le respect des clauses du contrat (couverture,
caution...). » 501 Williamson cherche donc ensuite à limiter
ces coûts. Les acheteurs doivent choisir la forme institutionnelle la
plus adaptée, soit le marché (contrats classiques), la forme
hybride
498 O.E. WILLIAMSON, Markets and Hierarchies: Analysis and
Antitrust Implications, Free Press, 1975.
499 G. NOGATCHEWSKY, C. DONADA, « Vingt ans de recherches
empiriques en marketing sur la performance des relations client-fournisseur
», Recherche et Application en Marketing, 2005, p. 7.
500 Thèse développée dans : H. SIMON,
Models of Man: Social and Rational. Mathematical Essays on Rational Behavior in
a Social Setting, Wiley, 1957.
501 Liste tirée de : J.-M. LEHU,
L'encyclopédie du marketing commentée et
illustrée, coll. Références, Eyrolles, 2012, pp.
210-211.
127
(contrats néo-classiques tels que la sous-traitance,
concession, réseau, etc.) ou la hiérarchie (intégration
développée par Ronald Coase en
1937502)503.
Modélisation de la « fonction objectif
» de l'acheteur public. Jean Desmazes tente d'appliquer
cette théorie des coûts de transaction aux marchés publics
et entreprend de modéliser quasiment mathématiquement ce qu'il
appel la « fonction objectif de l'acheteur public » afin
d'en tirer une politique d'achat performante504.
Pour cela il considère que cette fonction-objectif doit
être décomposée en trois sous-objectifs qui sont les
suivants :
- « un sous-objectif d'efficience visant la
maximisation du rapport qualité / prix de la fourniture à acheter
, ·
- un sous-objectif de maximisation de la
sécurité juridique de l'achat (de minimisation du risque de
sanction due à un achat non conforme aux règles prescrites par le
Code des Marchés Publics) , ·
- un sous-objectif de maximisation de la marge de
liberté de choix de la fourniture et du fournisseur
»505.
On l'a vu auparavant, la «
sévérité et la complexité »506
du droit des marchés publics nécessites encore aujourd'hui de
laisser une place à la protection juridique au sein des objectifs de
l'acheteur. De même les acheteurs publics sont au service de
l'intérêt général et ont des préoccupations
non-économiques qui peuvent intervenir lors de l'achat, en favorisant
une entreprise locale plutôt qu'une autre par exemple. Cette
liberté de choix sera prise en détournant autant que possible les
règles afin de ne pas se mettre pour autant dans
l'illégalité.
Chacun de ces sous-objectifs est pondéré, c'est
à dire que leur importance au sein de la politique d'achat à
mettre en place varie selon différents facteurs. Ces trois
sous-objectifs sont objectivement déterminés, tandis que les
facteurs en question sont déterminés subjectivement afin de
prendre en contre les préférences subjectives de chaque acheteur
public.
Finalement cela donne la fonction mathématique suivante
:
502 R. H. COASE, The Nature of the Firm, Economica,
1937.
503 G. NOGATCHEWSKY, C. DONADA, « Vingt ans de recherches
empiriques en marketing sur la performance des relations client-fournisseur
», op. cit., p. 8.
504 J. DESMAZES, « Achats publics : la
problématique conciliation des dimensions managériale et
juridique de la responsabilité publique », op. cit.
505 Ibid.
506 Ibid.
128
Source : J. Desmazes, « Achats publics : la
problématique conciliation des dimensions managériale et
juridique de la responsabilité publique », Op.
cit..
Dès lors, le niveau de performance - se confond avec ce
que le professeur Desmazes nomme « le niveau de satisfaction de
l'achat » - dépend de l'importance donnée à
chaque « coefficient subjectif ».
Il faut insister sur l'importance de l'efficience,
restée depuis trop longtemps au second plan dans la pratique des
acheteurs publics. Certains d'entre eux considèrent les pratiques
pouvant améliorer la performance économique de leurs achats comme
trop « génératrices d'une dégradation de la
sécurité juridique. »507 Il vient que
l'efficacité et l'efficience, en tant que composantes de la performance,
doivent désormais être revalorisées afin de mettre en
oeuvre une politique d'achat efficiente (B).
B. Le nécessaire rééquilibrage des
impératifs d'efficacité et d'efficience en tant qu'objectifs de
la fonction achat
Plan. Tant l'efficacité que
l'efficience sont des exigences qui accusent un retard préoccupant lors
de la détermination des objectifs que doivent respecter les acheteurs
publics (1), tandis que l'intégration de ces
impératifs est une nécessité pour le service public
(2).
507 Ibid.
129
1) La difficile revalorisation des notions
d'efficacité et d'efficience
Un certain optimisme. Certains auteurs ont
fait valoir des signes encourageant en faveur de cette efficacité.
Florian Linditch faisait en effet remarquer que nous étions passé
du marché public à l'achat public. Aussi en 2012 il
avançait que ces marchés publics, « depuis une dizaine
d'années, (n'étaient) plus conçus comme une fin en soi,
mais comme un véritable acte économique.
»508 Pour lui « marchés et achats sont
devenus indissociables et combinent objectifs économiques et respect de
la réglementation. »509 Il est certain qu'une prise
de conscience a eu lieu. Pour autant des progrès restent
nécessaires.
Un objectif d'efficacité au second plan.
Pour autant, encore en 2015, une note émanant du Conseil
d'Analyse Économique a permis à deux économistes,
Stéphane Saussier et le prix Nobel d'économie de 2014, Jean
Tirole, de s'exprimer sur les techniques et changements juridiques à
faire valoir pour « Renforcer l'efficacité de la commande
publique »510. Aussi cette question reste centrale car
« si la commande publique doit viser la meilleure performance possible
en termes de coûts et de services, elle est régulièrement
montrée du doigt pour son inefficacité. »511
De même le Sénat en 2015 a également
rédigé un rapport consacré à la commande publique,
avec une troisième partie dédiée à la formulation
de « propositions (É) pour une commande publique plus simple,
plus efficace et au service de l'économie. »512
Ces critiques trouvent un certain écho dans les
écrits du Professeur Allaire qui faisaient état en 2009
« d'une tension constante entre la critique des contraintes qu'il fait
supporter aux pouvoirs adjudicateurs et la résistance à rompre
avec celles-ci. »513. Selon lui la « lourdeur du
formalisme » des procédures de marchés publics trouve
son origine dans la crainte d'un retour de la corruption qui avait
marqué le début des années 90. Pourtant cette
inquiétude est selon lui sans fondement, puisque le cadre juridique mis
en place concernant le financement des partis politiques avait
déjà amplement vidé de leur substance les liens entre
corruption et achats publics.
508 F. LINDITCH, « Dix ans de commande publique »,
art. préc.
509 Ibid.
510 S. SAUSSIER, J. TIROLE, « Renforcer l'efficacité
de la commande publique », Art. préc.
511 Ibid.
512 Sénat, « Mission commune d'information sur la
commande publique », Op. cit.
513 F. ALLAIRE, « Dépasser le droit des
marchés publics », art. préc.
130
L'extrême inverse : la proposition de
suppression du code. Loin d'être satisfait par le droit des
marchés publics, certains ont entamé un plaidoyer pour la
suppression du Code des marchés publics. L'ancien ministre du budget,
père de la LOLF, Alain Lambert, qui en 2012 est alors sénateur,
propose un projet de décret ayant pour objet la suppression du Code des
marchés publics pour en faire uniquement un code de bonnes pratiques, ne
pouvant être utilisé contre les acheteurs publics. Le but
recherché étant « de favoriser la relance de
l'économie (É), d'optimiser la qualité des achats, de
parvenir à une meilleure gestion des deniers publics, grâce
notamment à une application proportionnée à la commande
passée permettant ainsi de garantir l'objectif qu'elle vise sans aller
au-delà de ce qui est nécessaire pour l'atteindre.
»514 Cette initiative n'a pas fait beaucoup
d'émules, ne méritant qu'une vague « alerte »
trois mois après, dans la revue contrats et marchés publics
(de laquelle s'échappe une pointe d'ironie) par le Professeur
Linditch515. Alain Lambert est un adepte de la simplification. Il
considère en l'occurrence que les directives européennes sont
amplement suffisantes, nul besoin d'« infantilisés avec des
procédures interminables, coûteuses et inefficaces » les
agents publics516. Il se repose ainsi sur le droit souple
récemment consacré par le Conseil d'Etat517.
François Villette, directeur de la commande publique de la ville de
Saint-Ouen, s'est fait le relai de ces propositions, en y ajoutant une critique
du corporatisme juridique, seule raison selon lui au maintien d'un tel
code.518
Il semble que si cette idée était suivie, on
tomberait alors dans l'extrême inverse. Il s'agirait en effet d'un
déséquilibre en faveur cette fois de l'efficacité. Outre
la discutable opportunité d'une telle proposition totalement utopique,
cela reviendrait à nier le caractère essentiel de la
sécurité juridique dans une optique de performance. « La
sécurisation et l'archivage de documents retraçant les
échanges avec les fournisseurs constituants des éléments
de preuve du discernement exercé » ne pouvant suffire à
sécuriser les achats. Il semble par ailleurs opportun de rappeler qu'en
2004 les acheteurs publics, rien qu'à la vue de la procédure
adaptée avaient au départ reproduit à l'identique les
procédures formalisées en vigueurs, même pour des achats
d'un montant inférieur aux seuils519.
514 A. LAMBERT, « projet de décret portant
abrogation du Code des marchés publics », art. 2,
www.alain-lambert.org
(aujourd'hui supprimé), 2013.
515 F. LINDITCH, « Suppression du code par le
sénateur Lambert », Veille, Contrats et Marchés publics,
alerte n°2, 2014.
516 A. LAMBERT, « projet de décret portant abrogation
du Code des marchés publics », art. préc.
517 V. en ce sens : Conseil d'Etat, Étude annuelle, Le
droit souple, La Doc. fr., 2013.
518 F. VILLETTE, « Plaidoyer pour (un vrai) management de
l'achat public », art. préc.
519 S. D'AUZON, « Et si la meilleure façon de
simplifier le Code des marchés publics était de l'abroger ?
»,
www.lemoniteur.fr,
2013
131
Cette liberté doit en effet nécessairement
s'accompagner d'une responsabilisation. Aussi cette proposition serait elle
envisageable à condition de développer parallèlement un
objectif de performance, accompagné d'un contrôle de gestion, et
d'une réforme ayant pour objet de professionnaliser les acheteurs
publics, quant à la logique économique à adopter.
Autrement dit, ce n'est pas d'envolées lyriques, de
propositions médiatisées et provocatrices dont l'achat public a
besoin. La performance de l'achat public ne sera pleinement accomplie qu'au
moyen du droit dans toute sa rigidité, car comme le précise
d'ailleurs le Vice-Président du Conseil d'Etat Jean-Marc Sauvé,
« l'hyper-oxygénation peut être cause de grands troubles
»520. Plutôt que de remettre la
responsabilité de 15% de la richesse nationale au droit souple, il
serait préférable de privilégier un changement de
paradigme521, en ne construisant ni le droit des marchés
publics, ni les différentes politiques d'achat public « contre
» quelque chose - en l'occurrence les dérives «
certaines » des organismes publics - mais plutôt «
pour » quelque chose : la performance.
L'absence d'une culture du contrôle de
l'efficacité, au profit d'un contrôle de la
régularité522. Outre les carences
matérielles que l'on a déjà pu observer, la culture qui
anime les acheteurs publics est aussi un facteur important de ce
déséquilibre qu'accuse l'efficacité. Si bien que les choix
non-économiques que peuvent faire les personnes publiques, bien
qu'encadrés dans des règles strictes, peuvent s'expliquer par ce
que Raphael Galligani appelle dans son mémoire « l'effet
culture ». La volonté des acheteurs publics est alors mise en
cause, puisque ce sont eux qui exercent parfois une préférence
locale.523
Aussi en l'absence d'une telle culture de l'efficacité,
le contrôle de la régularité prime. Les organes de
contrôles externes donnent la priorité aux risques juridiques,
plutôt qu'aux risques de gestion. Originellement, même le
contrôle effectué par les CRC était un contrôle de
« régularité des recettes et des dépenses, c'est
à dire leur conformité avec les lois, décrets et
règlements » afin de vérifier la légalité
des mesures prises par les ordonnateurs et non leur efficacité, sans
pour autant se substituer aux tribunaux administratifs524.
520 J.-M. SAUVÉ, « Avant-propos »,
Éditorial, in Conseil d'Etat, Étude annuelle, Le droit
souple, Op. cit., p. 6.
521 V. en ce sens : F. Allaire, « Dépasser le droit
des marchés publics », art. préc..
522 R. GALLIGANI, Le contrôle de l'efficacité
économique des contrats publics, op. cit., p. 23 ; J.-P.
DOLOR, Le contrôle de l'efficacité économique des
contrats publics, op. cit., p. 16 et s..
523 P. PENAUD, Y. JONCOUR, « L'achat public. Optimiser la
fonction achat-approvisionnement dans le secteur public », coll. Service
public, Éditions d'organisation, 2000, p. 282.
524 J. RAYNAUD, « Les contrôles ces chambres
régionales des comptes », Ed. Sornan, 1995, p. 165.
132
Puis ce contrôle s'est mué en contrôle de
gestion notamment avec une loi de 2001525. Il s'agit alors pour la
Chambre régionale de vérifier que les objectifs fixés
préalablement par les actes de gestion sont bien respectés.
L'opportunité de fixer tel ou tel objectif est cependant laissée
à la discrétion des collectivités.
Finalement, il reste que les services d'achat internes se
focalisent sur le respect de la norme526, alors que
l'efficacité devrait les accaparer compte tenu de son importance pour
l'intérêt général (2).
2) L'efficacité de l'achat public : une nouvelle
exigence du service public
L'efficacité économique, un principe
additionnel du service public527. Cette notion
d'efficacité n'est pas souvent accolée à celle de service
public. Les services publics ne sont pas destinés à être
rentables. Les contraintes et obligations auxquelles la gestion des services
publics est soumise ne vont pas non plus dans le sens de la performance.
Pourtant, le principe d'adaptabilité ou de
mutabilité du service public issu des « lois Rolland »
recommande une adaptation constante des services publics afin que ceux-ci
correspondent au mieux aux besoins des usagers, comme à
l'intérêt général528. Ainsi le service
public gagne en qualité et améliore son fonctionnement. Ce
principe s'entend juridiquement, économiquement, socialement et
techniquement529.
Il est possible de considérer ce principe comme
découlant de la continuité du service public, mais il semble tout
de même que ces principes se séparent, puisque le principe de
mutabilité s'intéresse autant à garantir un service public
de qualité, plutôt qu'à seulement permettre d'en assurer la
continuité530. Or cette exigence de qualité semble
pouvoir être le socle d'un principe d'efficacité du service
public.
C'est sans doute la raison pour laquelle efficacité et
mutabilité ont été rapprochées. Conformément
à ce principe, il faudrait en effet adapter « les moyens
à la disposition du service pour lui permettre de fournir sa prestation
dans des conditions optimales »531. Il vient
525 L. n 2001-1248 du 21 décembre 2001,
préc.
526 P. NDIAYE, « Du contrôle de l'efficacité
économique des contrats publics », Op. cit., p. 375
527 V. en ce sens : G. J. GUGLIELMI, G. KOUBI, Droit du
service public, Op. cit., 2011, p. 690 et s.
528 P.-L. FRIER, J. PETIT, Droit administratif,
9e éd., coll. Domat, LGDJ, 2014.
529 G. J. GUGLIELMI, G. KOUBI, Droit du service public,
Op. cit., p. 629.
530 M.-J. GUEDON, P. CHRETIEN G. DUPUIS, Droit
administratif, 12e éd., coll. Université, Sirey,
2010.
531 A.-S. MESCHERIAKOFF, Droit des services publics,
coll. Droit fondamental, PUF, 1997, p. 189.
133
que l'activité du service public doit s'adapter aux
défaillances du marché, en vertu d'un principe de performance,
grâce au droit de la concurrence532. Il est alors possible de
trouver au sein des principes fondamentaux du service public, un fondement
à la performance de l'achat public, dont l'objet est justement de donner
les moyens au service public de mettre en oeuvre sa mission
d'intérêt général.
Surtout que le principe de mutabilité oblige
l'Administration à s'adapter lorsque l'intérêt
général l'impose. Aussi les évolutions de
l'intérêt général doivent entraîner, sur ce
même fondement, des évolutions du droit ou du comportement des
agents publics a fortiori. Le juge a d'ailleurs donné les moyens aux
administrations d'honorer ce principe en considérant que nul n'avait un
droit au maintien d'un service public, si l'intérêt
général imposait sa suppression et qu'il n'était pas
« obligatoire È533. De la même
façon, la personne publique est tenue à de tels changements
lorsqu'ils s'imposent. Elle pourra même être sanctionnée sur
le fondement de la responsabilité pour faute en cas d'inaction ou d'une
adaptation insuffisante.
Finalement, ce principe peut être un outil de
légitimation d'une action publique performante. Ce principe de
mutabilité sous-entendrait effectivement un devoir de performance pour
les services publics et de fait l'achat public pourrait en profiter.
Efficacité, rentabilité, qualité ou transparence sont
autant de règles qui sont nées de l'adaptation nécessaire
du service public au marché. La RGPP est un bon exemple de cette
nouvelle dynamique pour les services publics.
La faiblesse juridique du principe de
mutabilité empêche la performance de devenir une nouvelle
« loi Rolland ». Originellement ce principe est un
droit pour les personnes publiques, quand il est une obligation seulement pour
les usagers qui doivent accepter sans broncher les modifications du
fonctionnement des services publics. Alors même que cette vision un peu
archaïque du service public est fortement critiquée534,
il semble peu probable qu'un tel principe puisse fonder un véritable
droit à l'adaptation pour les usagers et un véritable devoir pour
les personnes publiques. De plus, ce principe demeure «
infra-juridique »535 et n'a jamais été
pleinement consacré. Finalement, la notion d'efficacité
532 G. J. GUGLIELMI, G. KOUBI, Droit du service public,
Op. cit., p. 694
533 CE, Sect., 27 janvier 1961, Sieur Vannier, Rec., p.
60.
534 G. J. GUGLIELMI, G. KOUBI, Droit du service public,
op. cit., p. 629.
535 Ibid.
134
reste incompatible avec l'idée fondatrice du service
public et cette incompatibilité joue en défaveur de l'achat
public.
Une revalorisation du sous-objectif d'efficacité est
donc au préalable nécessaire pour aboutir à une
stratégie d'achat permettant à l'Administration d'acheter de
façon performante. Il est possible de passer par le haut de la
hiérarchie des normes en imposant de respecter une obligation de
performance. Cette méthode permettrait une évolution plus
efficace des pratiques. Il reste que c'est davantage une transformation par le
bas qui a lieu. Ces changements concernent aussi bien les hommes que les
procédures (Section 2).
135
Section 2. L'efficacité des hommes et des
procédures
Plan. Un objectif de performance, pour
être atteint, nécessite la mise en place d'une stratégie
d'achat performante. Cette stratégie doit être la traduction
concrète d'un changement de paradigme pour l'achat public, afin que
celui-ci ne soit plus seulement axé sur le respect de la
réglementation, mais sur la recherche d'efficacité.
Les efforts doivent pour cela se concentrer sur la gestion
contractuelle plutôt que sur la sécurisation du contrat
(I). De plus, cette nouvelle gestion doit être
accompagnée par une professionnalisation des acheteurs publics
(II).
I. La gestion contractuelle performante
Plan. La gestion contractuelle se
décompose en deux phases : la passation (A) et
l'exécution (B). Aussi tout au long de la vie du
contrat, les acheteurs publics doivent s'appliquer à être
efficaces. C'est seulement ainsi que l'achat pourra être
considéré comme un levier de performance, et par la suite comme
permettant des économies pour les administrations.
A. Vers une passation plus efficace des contrats
d'achat public
Plan. Il existe plusieurs voies
d'amélioration de la performance pour ce qui est de la passation d'un
contrat d'achat. Si une définition satisfaisante des besoins est un
pré-requis qui a été identifié depuis longtemps
pour permettre un meilleur achat (1), des innovations issues
du secteur privé se multiplient en pratique (2). Il
reste que la passation d'un marché public passe par une procédure
contraignante. Aussi la rationalisation de cette dernière devient
essentielle à la revalorisation de l'efficacité de l'achat public
(3).
1) Une définition satisfaisante des besoins
La définition des besoins, une étape
primordiale. Cette étape se caractérise par
l'élaboration du cahier des charges. « Lors de la
préparation des marchés, l'évaluation des besoins publics
est LE temps fort. La définition précise du programme par le
maître d'ouvrage, une étude convenable du projet par le
maître d'oeuvre, un cahier des charges
136
précis et complet, ménageront par la suite
l'intérêt financier de la personne publique. Dans ces conditions,
en effet, les règles de transparence et de concurrence
détaillées par le Code des marchés publics, grâce
à des procédures appropriées, permettront d'obtenir de
bonnes conditions de qualité et de prix. »536 C'est
ainsi qu'Anthony Taillefait fait valoir l'importance financière de cette
étape pour l'Administration lorsque celle-ci réalise des
ouvrages. Plus largement, cette étape « conditionne
l'efficacité du processus d'achat dans son ensemble. »537 Un
achat efficace est avant tout un achat qui répond à des besoins
préalablement et précisément définis. Cet adage
existe de manière équivalente dans le privé538.
Cette définition des besoins est donc une nécessité
opérationnelle, puisque si elle n'est pas satisfaisante, cela peut
notamment conduire à « des achats inadaptés, des
fonctions pas ou peu remplies, des achats non utilisés, des pertes
financières, pertes de crédibilité de l'acheteur, etc.
»539
Une obligation de définir ses besoins.
Cette précision dans la définition des besoins est
depuis longtemps une obligation juridique540. Aussi la
nécessité pratique est donc soutenue par une obligation juridique
qui, tout en restant vague, a le mérite d'être
rappelée541. Ensuite ces besoins doivent encore être
formulés tout aussi précisément, au risque de voir le
marché annulé542. Il faut également que chacun
des candidats potentiels disposent d'une information claire et
équivalente, ce qui suppose que le besoin puisse être compris de
tous. Aussi ce besoin doit être exprimé au moyen d'objectifs de
performance ou encore par références à des normes,
agréments techniques ou labels, reconnus au niveau européen ou
national543. Enfin la définition des besoins qui fait partie
intégrante de la définition d'un marché public, ce qui
témoigne de son caractère fondamental544.
536 A. TAILLEFAIT, Administratif, Fasc. 127-10 : Budgets
Locaux, Jurissclasseur, LexisNexis, 2006, in S. THELLIEZ-HUGODOT, La
définition de la commande publique par le pouvoir adjudicateur, Op.
cit., p. 14.
537 B. ROMAN-SEQUENSE, « De la définition des
besoins aux procédures de passation des marchés publics : les
impacts de la transposition », Contrats et Marchés
publics, n° 10, 2015.
538 F. LINDITCH, « Le contrat et la performance, une
rencontre impossible ? », art. préc.
539 Le blog de la performance, L'analyse des besoins, une
nécessité économique et juridique, 2013.
540 CMP 2001, art 1er.
541 O. n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux
marchés publics, art. 30.
542 À titre d'exemples : CAA Douai, 17 janv. 2013,
n°12DA00780 ; TA Grenoble 13 octobre 2000, Préfet de
Haute-Savoie, n° 00774 ; CE 8 mars 1996, Commune de
Petit-Bourg, n° 165075.
543 O. n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux
marchés publics, art. 31.
544 Ibid, art. 4.
137
Faire remonter les besoins. D'abord, les
acheteurs rencontrent beaucoup de difficultés pour anticiper ce besoin
et bien le programmer. La faute à une mauvaise communication entre les
services techniques et le service achat.
La constitution de services achat ayant spécifiquement
en charge de satisfaire les besoins des différents services, est une
évolution qui prouve que l'achat public est désormais
considéré comme un acte économique à part
entière545. Pour autant, cette nouvelle gouvernance de
l'achat suppose que les besoins remontent jusqu'au service dédié
aux marchés publics. Des procédures spécifiques doivent
donc être mises en place et une programmation à long terme des
achats doit être élaborée. La
dématérialisation contribue également à renforcer
cette synergie au sein des pouvoirs adjudicateurs.
Les commandements pratiques d'une définition
des besoins réussie. Afin de favoriser une définition
des besoins efficace, quatre pratiques sont mises en avant par le Guide de
bonnes pratiques mis à disposition des acheteurs publics546
:
- « l'analyse des besoins fonctionnels des services
sur la base, par exemple, d'états de consommation. » Autrement
dit, une bonne connaissance du fonctionnement et des activités du
pouvoir adjudicateur sont nécessaires. Aussi il peut être bien vu
de recourir à un guide de procédure et à une nomenclature
interne. Ce qui est en jeu ici, c'est la cohérence de la
stratégie d'achat. C'est dans cette optique que le
benchmarking, ainsi qu'un bon suivi de l'exécution des achats
antérieurs a son importance.
- « la connaissance, aussi approfondie que possible,
des marchés fournisseurs, qui peut s'appuyer par exemple sur la
participation de l'acheteur à des salons professionnels ou sur de la
documentation technique. » Une bonne connaissance de l'environnement
économique et de son fonctionnement est effectivement nécessaire
afin de se rendre compte par exemple, de conditions particulières
d'exécution ou de modalités particulières concernant le
chiffrage des prestations, etc. C'est à cette occasion que la technique
du sourcing trouve toute son utilité.
- « la distinction, y compris au sein d'une
même catégorie de biens ou d'équipements, entre achats
standards et achats spécifiques » Il s'agit cette fois d'une
allusion à la segmentation des achats.
545 Ibid.
546 Guide de bonnes pratiques en matière de marchés
publics, 2014, pp. 17-18.
138
- « lorsqu'elle est possible, l'adoption d'une
démarche en coût global prenant en
compte non seulement le prix d'achat, mais aussi les
coûts de fonctionnement et de maintenance associés à
l'usage du bien ou de l'équipement acheté. » Cette
analyse en coût global trouve à s'appliquer, tant lors de la
définition des besoins, qu'au moment de l'analyse des offres.
Le but recherché est d'encourager une définition
des besoins la plus précise possible par le pouvoir adjudicateur, de
façon à ce que les offres proposées le soient
également et qu'ainsi la correspondance entre la demande et l'offre soit
optimale. Un renouvellement des pratiques de l'achat public est en cours, car
les enjeux économiques de celui-ci sont désormais pris au
sérieux547.
Il faut encore préciser la marche à suivre pour
parvenir à cette définition satisfaisante des besoins, en
détaillant les techniques commerciales qui peuvent être ici
utilisées pour diminuer les coûts. Ces techniques sont usuelles
dans le secteur privé, mais tardent encore à s'imposer chez les
personnes publiques (2).
2) Présentation de quelques techniques issues du droit
privé, véritables leviers de performance lors de l'achat
Plan. La segmentation des achats
(a), le sourcing (b), le
benchmarking (c) et le raisonnement en coût
global (d), sont autant de techniques inspirées du
secteur privé, qui doivent permettre de rendre l'achat plus performant,
au moment de la passation du contrat.
a) La segmentation des achats
Définition. Cette technique se
rapporte à un classement. Il faut regrouper les achats par groupe
d'achats homogènes. L'achat public devient ainsi un processus dynamique,
puisque chaque groupe d'achat fait ensuite l'objet d'une analyse
précise.
Les différentes segmentations. Il existe
deux types de segmentations.
En premier lieu, la segmentation par l'enjeu
économique revient à classer les différents groupes
d'achats équivalents selon leur importance économique. Cette
segmentation permet de concentrer d'éventuels efforts sur les segments
les plus importants économiquement, afin de réduire les
dépenses des administrations.
547 F. ALLAIRE, « Dépasser le droit des
marchés publics », art. préc.
139
En second lieu, une segmentation par nature revient
à classer les segments d'achat en fonction de leur technicité ou
des risques potentiels qu'ils font supporter à la collectivité
publique. Ainsi pourrait-on retrouver des segments tels que : prestations
complexes, prestations standards ou achats de frais généraux,
achats d'énergie et de fluides divers, achats d'investissements,
prestations complexes, etc.
Utilité. En raisonnant ainsi, une
cartographie des achats devient possible. Pour chacun de ces segments une
stratégie, un diagnostic et un suivi vont pouvoir être mis en
place. Ainsi une recherche de performance pour chaque segment d'achat va
devenir possible. La démarche de performance devient ainsi «
adaptée », « sur-mesure ». Des objectifs de
performance peuvent être posés et vont varier d'un segment
à l'autre.
Il naît ainsi tacitement une véritable obligation
de résultat quant à ces objectifs, ce qui rend nécessaire
un plan d'action destiné à atteindre de tels objectifs. Aussi
faut-il également faire usage de d'autres outils pour établir
ledit plan d'action. Or l'une de ces techniques est le sourcing
(b).
b) Le sourcing
Définition. C'est la « base
d'un bon achat » selon Michel Grévoul, directeur du
DAE548. Dans l'optique de mettre en place un plan d'action efficace
pour l'achat d'un produit, de services ou de travaux, il semble utile de faire
appel à la technique du sourcing. Cette technique permet
là encore une meilleure définition des besoins.
Concrètement cela revient à effectuer des recherches,
préalablement à un achat, afin d'avoir une meilleure connaissance
des tiers susceptibles de répondre à son besoin. Autrement dit,
la nature et la qualité des opérateurs économiques sur un
marché sont passées au crible avant même la
procédure de publicité. Cette « inspection »
sera plus ou moins poussée suivant l'importance de l'achat ou sa
particularité (courant ou non, etc.).
Le sourcing est une méthode d'analyse
marketing appliquée à la « fonction achats »,
afin de définir le marché fournisseur sur quatre axes : le couple
produit/fournisseur, le secteur industriel, le marché des fournisseurs
et les caractéristiques de l'environnement, économique,
commercial, juridique et environnemental du marché. Le sourcing
est donc une méthode de recherche et d'évaluation des
fournisseurs, en fonction de critères d'évaluation
découlant des
548 Propos recueillis in Sénat, « Mission
commune d'information sur la commande publique », op. cit., p.
120.
140
critères de performance du produit ou du
service identifié, lors de l'élaboration du cahier des charges,
et permettant à l'acheteur de faire jouer la concurrence au
maximum549.
Les apports de cette technique. Il vient que
les acheteurs publics ont alors une meilleure connaissance du secteur
concerné, permettant ainsi à la demande qu'il va formuler, de se
rapprocher au mieux de l'offre. Il rédige ainsi un cahier des charges en
lien avec la réalité, au moyen d'un dialogue avec les
fournisseurs. Sa stratégie d'achat est immédiatement plus
performante, et cela se manifeste particulièrement lorsque des
négociations ont lieu.
Le caractère concurrentiel du marché est
questionné. S'agit-il d'un monopole, d'un oligopole ? La concurrence
est-elle réelle au sein du marché en question ? La politique
tarifaire, les nouvelles technologies proposées, gammes de produits,
services associés, etc. L'étude du marché doit permettre
l'obtention d'un maximum d'informations. C'est également l'occasion pour
le pouvoir adjudicateur de contrôler la santé financière ou
la renommée des firmes présentes sur le marché.
La mise en oeuvre du sourcing. Ce
sourcing se fait à l'aide de tous les outils accessibles tels que les
revues spécialisées, les sites internet, les salons
professionnels et autres conférences. Des personnes extérieures
telles que les associations, syndicats professionnels, clubs ou forums peuvent
également rendre service à la personne publique. La mission
sénatoriale propose quant à elle, pour développer
l'utilisation de cet outil, d'accroitre le nombre de rencontres entre acheteurs
et fournisseurs, grâce notamment aux organismes consulaires tels que les
chambres de commerce et de l'industrie ou les chambres des métiers et de
l'artisanat550.
Les obstacles à sa mise en oeuvre.
Le sourcing est une pratique de plus en plus courante,
néanmoins elle n'a pas été consacrée par
l'ordonnance de 2015, alors qu'elle est explicitement encouragée par les
directives européennes. Selon le sénateur Philippe
Bonnecarrère, rejoint ensuite par Jean-François Finon, directeur
juridique de la ville de Sens. Cette non-mention serait due au fait qu'en
encourageant une telle pratique, le sourcing pourrait amener les acheteurs
à avoir des pratiques potentiellement répréhensibles sur
le fondement du délit de favoritisme551. Or même si la
mission sénatoriale considère ce risque
549
Décision-achats.fr,
glossaire des achats et de l'achat public.
550 Sénat, « Mission commune d'information sur la
commande publique », op. cit., p. 125.
551 J.-F. FINON, « Sourcing et délit de
favoritisme », AJDA 2015, p. 2289.
141
contentieux comme surévalué552, il
est en effet possible que les acheteurs soient considérés comme
ayant « procurés [ou tentés de procurer] à autrui
un avantage injustifié par un acte contraire aux dispositions
législatives ou réglementaires ayant pour objet de garantir la
liberté d'accès et l'égalité des candidats dans les
marchés publics (É) »553. Les acheteurs
peuvent à l'occasion du sourcing rentrer en contact avec les
entreprises qui composent un marché ou - comme on l'a déjà
vu - d'autres personnes tierces. Aussi il y a un risque que « des
informations privilégiées sur son projet, informations de nature
à rompre l'égalité de traitement des candidats requise en
matière de commande publique. »554
Ce délit de favoritisme plus
généralement, ne trouve plus d'utilité aujourd'hui et
devrait être supprimé, car il est devenu contre-performant. Il est
en outre inutile, puisqu'il existe aujourd'hui suffisamment de moyens
contentieux, pour ne pas laisser perdurer un contrat passé au
mépris des règles de mise en concurrence555.
De plus, il était possible de mentionner le sourcing
dans la nouvelle ordonnance, néanmoins il aurait fallut l'accompagner de
règles de droit souple donnant précisément la conduite
déontologique à suivre.
Finalement, cette technique du sourcing malgré quelques
obstacles qui subsistent, permet de donner à l'acheteur une
véritable dimension managériale lors de la définition de
ses besoins, au même titre que le benchmarking
(c).
c) Le benchmarking
Définition. S'inspirer. Voilà
en quoi consiste cette technique largement répandue chez les
opérateurs privés. Le benchmark est l'outil de performance par
excellence, puisqu'il permet à une collectivité publique de
comparer la performance de sa fonction achat aux autres. Ainsi il est possible
de connaître les produits, techniques et entreprises recommandables, de
manière objective et en faisant abstraction des effets conjoncturels,
comme la baisse des dotations aux collectivités territoriales,
l'inflation ou le coût de l'énergie... Il en résulte une
amélioration des pratiques d'achat et la mise en place d'un
réseau territoriale de l'achat.
552 Sénat, « Mission commune d'information sur la
commande publique », op. cit., p. 120.
553 Code pénal, art. 432-14.
554 J.-F. FINON, « Sourcing et délit de
favoritisme », art. préc.
555 Ibid.
142
Un développement difficile. Cet outil
tarde cependant à se développer car les informations sont
difficilement communiquées, pour des raisons politiques ou même
par manque de mesures de la performance. Le sénateur Bourquin dans son
rapport met d'ailleurs en exergue un « trou noir statistique »
en matière de commande publique556.
Les recommandations. Concrètement, il
faut commencer par collecter un certain nombre d'informations de partenaires
équivalents en faisant apparaître les coûts réels de
leurs achats. Ces données peuvent être partagées
directement ou un tiers peut être chargé de le faire. L'OEAP
pourrait se voir confier une telle mission de recensement et de calcul des
performances, mais ceci nécessiterait évidemment de lui donner
davantage de moyens. Ses statistiques sont en effet critiquées à
cause notamment des sous-évaluations que l'observatoire fait sur les
marchés publics des collectivités territoriales. La solution la
plus envisageable qui est proposée par la mission sénatoriale en
2015 est de relier effectivement le logiciel budgétaire et comptable
utilisé par les collectivités à l'application qu'utilise
l'OEAP, comme cela est censé être le cas depuis
2011557. Enfin les données de l'INSEE devraient
également être utilisées par l'OEAP558.
d) Le raisonnement en coût global
Définition. L'acheteur public doit
envisager chaque achat de manière global. Se focaliser sur le prix n'est
pas suffisant. Le coût global signifie que lors d'un achat, il est
possible d'identifier plusieurs coûts distincts qui s'ajoutent seulement
au paiement du prix d'achat. L'ensemble des dépenses afférentes
à un achat doivent être prises en compte afin de faire le choix de
l'offre la mieux-disante. Derrière le coût d'acquisition, un
certain nombre de coûts viendront effectivement s'ajouter tout au long de
la durée de vie du produit, des travaux ou du service (à moins
forte raison).
On retrouve avec le coût global la problématique
de la performance qui doit être regardée globalement. Un achat ne
peut être performant à un « instant T » et sa
durabilité a un coût.
556 Sénat, « Mission commune d'information sur la
commande publique », op. cit., p. 126.
557 A. du 21 juillet 2011 relatif au recensement
économique de l'achat public, art. 5.
558 Sénat, « Mission commune d'information sur la
commande publique », op. cit., p. 131.
143
Les différents coûts. D'abord,
le coût d'acquisition se compose lui-même de plusieurs
sous-coûts : le prix d'achat unitaire, les différents coûts
administratifs nécessaires à l'achat (sourcing, appel d'offres),
les coûts induits (licences pour logiciel, formation, documentation...),
ainsi que les conditions de règlement (prix fermes, ajustables,
révisables). Il peut également y avoir un coût à
organiser une négociation. Les achats internationaux supposent de
prendre en compte le coût de la devise, etc.
Ensuite vient les coûts d'approvisionnement, tels que le
coût du transport, du stockage, de la réception, de l'adaptation
informatique, ainsi que les différentes personnes mises à
contribution jusqu'à finaliser l'achat : le prescripteurs, les
acheteurs, les juristes, les comptables, etc.
Une fois l'achat finalisé, la possession d'un bien ou
de travaux a aussi un coût. Les réparations non prises en compte
par une garantie, le coût d'un dysfonctionnement, de litiges, etc.
Enfin le coût du cycle de vie559, suppose de
prendre en compte le coût du recyclage ou du reconditionnement par
exemple. Il se confond souvent avec le coût global. De même,
l'acheteur doit être conscient de la gestion administrative de la fin de
vie d'un produit ou du coût de la revente du produit ou de l'ouvrage. Il
faut distinguer en son sein des coûts directs supportés par
l'acheteur et des coûts indirects supportés par une «
masse indéfinie ». On retrouve avec ce coût les
problématiques de développement durable qui sont de plus en plus
présentes dans le droit des marchés publics. Cependant, cette
fois-ci, l'objectif de durabilité accolé à l'achat public,
rejoint celui du meilleur rapport qualité / prix. Prendre en compte le
cycle de vie n'est pas seulement bon pour la planète, c'est aussi
économiquement profitable pour la collectivité publique.
Jean-Marc Joannès parle alors « d'efficience », qui
est une composante de la performance560. La prise en compte du
coût du cycle de vie a d'ailleurs depuis peu une véritable valeur
normative561, même s'il reste difficile de garantir
l'effectivité de cette prise en compte.
559 Sur cette question : P. COSSALTER, « Le coût du
cycle de vie, nouveau Graal des acheteurs publics ? », Contrats et
Marchés publics, n° 6, 2014.
560 V. en ce sens : J.-M. JOANNES, « Commande publique :
objectif Performance ! », La gazette des communes, 2015.
561 Dir. 2014/24/UE du 26 février 2014 sur la passation
des marchés publics, arts. 67 et 68 ; D. n° 2016-360 du 25 mars
2016 relatif aux marchés publics, arts. 62 et 63 (il est alors presque
confondu avec le coût global au sein de l'article 62).
144
3) Une procédure à rationaliser
Position du problème. Le rapport de la
mission sénatoriale consacrée à la commande publique a
pointé du doigt une procédure qui serait trop coûteuse tant
pour les acheteurs publics, que pour les entreprises candidates562.
Non seulement ce coût peut dissuader certaines entreprises à
candidater, ce qui contribue à réduire la concurrence, mais cette
procédure représente surtout des dépenses publiques
parfois superflues.
C'est pourquoi, plusieurs outils sont en cours de
développement pour permettre de rationaliser la procédure
d'achat.563 Cette procédure de passation se partage entre une
phase de candidature (a) et une phase de sélection des
offres (b), aux cours desquelles les leviers
d'efficacité diffèrent. Enfin la dématérialisation,
de manière plus générale, marque un tournant majeur dans
la démarche de rationalisation de la procédure de passation
(c).
a) La phase de candidature
Les caractéristiques de la sélection des
candidats. Durant la phase de candidature, de nombreux documents sont
demandés par les pouvoirs adjudicateurs afin de vérifier que
l'entreprise candidate respecte un certain nombre de
critères564, qui doivent permettre de vérifier son
aptitude à exercer l'activité professionnelle ou sa
capacité économique, financière, technique et
professionnelle nécessaire à l'exécution du marché.
Ce stade de la candidature est long, fastidieux et donc coûteux pour
l'entreprise qui doit souvent répondre à plusieurs marchés
simultanément. Il en est de même pour l'Administration qui doit
procéder à une vérification systématique. Aussi il
est nécessaire de proposer quelques exemples d'améliorations qui
se sont mis en place progressivement.
Les marchés publics simplifiés.
La possibilité expérimentée depuis 2014 de passer
des marchés publics simplifiés consiste à dire que
« les candidats ne sont pas tenus de fournir les documents et
renseignements que le pouvoir adjudicateur peut obtenir directement par
le
562 « Selon la Commission européenne, le
coût de la mise en concurrence dans le cadre des marchés publics
est en moyenne dans l'Espace économique européen de l'ordre de 30
000 euros par marché, répartis entre environ 6 000 euros pour les
pouvoirs adjudicateurs et 4 000 euros pour chacune des 6 entreprises candidates
» ; V. Sénat, « Mission commune d'information sur la
commande publique », op. cit., pp. 93-94.
563 J. VIAU, « Pratiques relationnelles et commande
publique : enjeux et perspectives », Market Management 2003/2
(Vol. 3), p. 3-38.
564 A. 28 aout 2006, fixant la liste des renseignements et des
documents pouvant être demandés aux candidats aux marchés
passés par les pouvoirs adjudicateurs.
145
biais d'un système électronique de mise
à disposition d'informations administré par un organisme officiel
ou d'un espace de stockage numérique, à condition que figurent
dans le dossier de candidature toutes les informations nécessaires
à la consultation de ce système ou de cet espace et que
l'accès à ceux-ci soit gratuit. »565 Aussi
« le pouvoir adjudicateur peut prévoir, dans l'avis d'appel
public à la concurrence ou dans les documents de la consultation, que
les candidats ne sont pas tenus de fournir les documents et renseignements qui
lui ont déjà été transmis dans le cadre d'une
précédente consultation et qui demeurent valables.
»566 On met donc en place un profil opérateur.
Cette nouvelle possibilité de simplification s'intègre au projet
« dites-le nous une seule fois » et fait appel à la
fois à la mutualisation et à la dématérialisation,
deux techniques dont les destins sont intimement liés à la mise
en place d'une procédure plus simple et moins
coûteuse567.
Le DUME. Dans ce but, il a été
également mis en place le Document Unique des Marchés
Européens (DUME) par les directives de 2014568 et le
décret de 2016569. Il s'agit d'un formulaire par lequel
l'entreprise candidate montre patte blanche en déclarant sur l'honneur
qu'elle remplit les critères de sélection des candidatures, ce
qu'elle prouvera plus tard lors de la phase de sélection des offres.
L'interdiction de soumissionner aux entreprises
non-performantes. La tentation de se fonder sur l'exécution des
contrats passés pour accueillir ou refuser une candidature est forte. Il
existe désormais une interdiction de soumissionner pour l'entreprise qui
a été défaillante au cours de l'exécution d'un
précédent contrat570. Cette possibilité n'est
cependant que facultative et concerne uniquement le cas où une
résiliation pour faute aurait eu lieu. Cette hypothèse
étant très limitée, ce n'est pas encore pleinement
satisfaisant. De plus, cette mesure devrait s'accompagner d'une mise en commun
bien plus précise et efficiente de la « réputation
»571 des entreprises candidates.
565 D. n° 2014-1097, 26 septembre 2014 portant mesures de
simplifications applicables aux marchés publics, art
5.
566 Idem.
567 V. Sénat, « Mission commune d'information sur la
commande publique », op. cit., pp. 95-96.
568 Dir. 2014/24/UE du 26 février 2014 sur la passation
des marchés publics, art. 59.
569 D. n° 2016-360, 25 mars 2016 relatif aux marchés
publics, art. 49.
570 O. n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux
marchés publics, art. 48 ; Dir. 2014/24/UE du 26 février 2014 sur
la passation des marchés publics, art. 57.
571 S. SAUSSIER, J. TIROLE, « Renforcer l'efficacité
de la commande publique », art. préc.
146
Là encore, mutualisation et
dématérialisation pourraient converger et permettre
l'émergence d'une véritable base de données des
performances contractuelles des entreprises soumissionnaires. Or il faudrait
nécessairement pour cela, au préalable, un véritable suivi
des performances au cours de l'exécution du contrat572, ce
qui n'est pas le cas aujourd'hui. Pour cela les professeurs Tirole et Saussier
proposent « une extension de la Plate-forme des achats de
l'État (PLACE) existante » qui « pourrait renforcer
l'efficacité de la commande publique. »573
b) La phase de sélection des offres
Le coût global. Le pouvoir adjudicateur
doit choisir l'offre économiquement la plus avantageuse. Depuis les
années 2000 la politique d'achat public de mieux-disant a
remplacée celle du moins-disant, pour laquelle seul le prix avait une
importance. La nécessité d'avoir une vision de l'achat en
coût global intervient à ce moment précis574.
Augmenter la transparence. Comme cela a
déjà été remarqué, la performance de l'achat
public est étroitement dépendante d'une responsabilisation de
l'achat public. Cette responsabilisation pourrait prendre appui sur les
principes fondamentaux, à condition de faire découler ceux-ci
d'une obligation de performance575. Dès lors il est logique
d'avancer qu'un renforcement de la transparence, particulièrement au
stade du choix de l'offre économiquement la plus avantageuse,
contribuerait à la performance de l'achat public. En conséquence,
les professeurs Tirole et Saussier proposent de rendre obligatoire la
publication en ligne d'un rapport d'analyse des offres, qui viendrait s'ajouter
aux publications ex-post déjà
obligatoires576. Ce rapport est déjà rentré
dans les moeurs, puisque le ministère de l'économie a
déjà commencé à encourager cette pratique
consistant à analyser la procédure. Cette analyse prend la forme
d'un rapport de choix (mais pas la publication). Des modèles de rapports
de choix ont en effet été mis à la disposition des
acheteurs.
D'une part, ces rapports permettent à la personne
publique de comparer par la suite son choix, à l'exécution du
contrat, afin de s'améliorer dans la mise en oeuvre des
procédures de mise en concurrence futures.
572 V. infra.
573 S. SAUSSIER, J. TIROLE, « Renforcer l'efficacité
de la commande publique », art. préc.
574 V. supra.
575 V. supra.
576 S. SAUSSIER, J. TIROLE, « Renforcer l'efficacité
de la commande publique », art. préc.
147
D'autre part, la publication d'un tel rapport est utile
puisque de cette manière le candidat évincé pourra
également s'améliorer, et surtout les pouvoirs adjudicateurs
seront plus vigilants quant à leurs choix. Une véritable
responsabilisation des acheteurs publics, quant à la performance de
leurs achats sera alors permise.
Enfin il est nécessaire de rendre cette publication
obligatoire du rapport de choix, car actuellement, ce n'est pas automatique.
Certes le candidat évincé peut demander sa communication, mais si
l'Administration refuse il faut alors s'en remettre à la CADA. Sans
compter que cette publication grâce à la
dématérialisation est désormais très
aisée.
L'insuffisante réglementation des offres
anormalement basses. L'ordonnance de juillet 2015577, comme
le Code des marchés publics578 sont incomplets en
matière de définition des offres anormalement basses. Il est
presque « impossible d'exclure une offre traduisant un dumping social
ou financier. »579 Or l'exclusion d'une offre pour un tel
motif devrait pouvoir s'appuyer sur une législation forte et
incontestable. Autrement dit, les critères de l'offre anormalement basse
devraient être clairement identifiés. Le risque est de se voir
refuser une telle qualification et d'être contraint par jugement, de
choisir une offre qui se révèlera soit intenable, soit de
mauvaise qualité, etc. Vivre avec ce risque est contre-performant, car
la stratégie de l'acheteur doit s'appuyer sur une procédure
rationnelle, qui ne le sera qu'à condition de garantir le plus faible
niveau de risque possible580.
c) L'impact performanciel de la
dématérialisation et des nouvelles technologies
La consécration récente de la
dématérialisation. De manière
générale, les directives européennes de 2014 rendent
obligatoire l'utilisation de nouveaux moyens de communication, aussi bien pour
garantir une meilleure publicité (information), qu'une procédure
plus vertueuse581. « La dématérialisation
concerne aujourd'hui environ 11 % du montant des marchés en France selon
l'OEAP, tandis que la directive européenne prévoit une
dématérialisation totale à l'horizon 2018.
»582
577 O. n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux
marchés publics, Art. 53.
578 Code des marchés publics, Art. 55.
579 F. LINDITCH, « Le contrat et la performance, une
rencontre impossible ? », art. préc.
580 J. VIAU, « Pratiques relationnelles et commande publique
: enjeux et perspectives », art. préc.
581 Dir. 2014/24/UE du 26 février 2014 sur la passation
des marchés publics, Consid. 52 et Art. 22.; O. n° 2015899 du 23
juillet 2015 relative aux marchés publics, Art. 43.
582 S. SAUSSIER, J. TIROLE, « Renforcer l'efficacité
de la commande publique », art. préc.
148
Les avantages des procédures
dématérialisées. La
dématérialisation permet « de simplifier
considérablement la publicité des marchés publics et de
rendre les procédures de passation de marché plus efficaces et
transparentes »583. D'abord grâce à cette
technique, la concurrence augmente, puisque les informations concernant les
besoins de la personne publique, sont plus facilement communiquées. Les
PME accèderont bien plus facilement aux marchés publics, de
même que les opérateurs des autres Etats membres584.
Par cet élargissement de la concurrence, la diversité des offres
et la baisse des prix doivent être permises.
Ensuite, comme cela a déjà été
souligné, la transparence accrue permet de responsabiliser davantage les
acheteurs publics et d'éviter certaines lourdeurs
administratives585.
Mais ces procédures
dématérialisées permettent surtout aux pouvoirs
adjudicateurs de gagner du temps et de faire des économies. Il reste que
la réduction des délais minimums de réception des offres
ne sera possible qu'avec une adaptation de l'AMP par l'OMC586. Sans
compter que la réduction du délai de réception des offres
n'est pas vue par tous comme une condition de performance, bien au
contraire587. D'importantes économies sont également
mises en avant par la Commission européenne, puisque les coûts
attachés à la procédure sont drastiquement
réduits588.
Une nouvelle communication encore en construction.
Pour autant un certain nombre de questions se posent, quant à
l'étendue de l'obligation de passer désormais par une «
communication totalement électronique »589. De
même, la mise en place de ces nouveaux outils doit se faire sans
préjudice des principes fondamentaux de la commande publique et
583 Dir. 2014/24/UE du 26 février 2014 sur la passation
des marchés publics, Consid. 52.
584 V. en ce sens : M. AMILHAT « Les enjeux de la
dématérialisation des marchés publics », Contrats
et Marchés publics, n° 6, 2014.
585 V. supra.
586 M. AMILHAT « Les enjeux de la
dématérialisation des marchés publics », art.
préc.
587 F. LINDITCH, « Le contrat et la performance, une
rencontre impossible ? », art. préc.
588 Comm. UE, comm., 20 avr. 2012, « Une stratégie
pour la passation électronique des marchés publics »,
COM/2012/0179 final : « l'utilisation des moyens de communication
électroniques devrait permettre une économie d'au moins 5 % sur
le coût total de ces derniers » (M. AMILHAT « Les enjeux
de la dématérialisation des marchés publics »,
art. préc.).
589 A propos des problématiques que la
dématérialisation posent et que nous ne pouvons traiter ici : M.
AMILHAT « Les enjeux de la dématérialisation des
marchés publics », art. préc ; L. DAYET, La
dématérialisation des contrats administratifs,
Mémoire de fin d'étude, Master 2 Contrats publics et
partenariats, Université de Montpellier, 2016.
149
dans le but de renforcer le marché intérieur, ce
qui suppose notamment une standardisation des systèmes de communication
européen. De la même façon la
dématérialisation doit être accompagnée par des
processus de centralisation des informations et d'uniformisation des
procédures dématérialisées, autrement les bienfaits
de cet outil seront fortement amoindris590. Enfin, ce changement
technologique peut parfois impliquer d'importants investissements, ce qui est
un obstacle de plus à franchir, particulièrement pour les
collectivités publiques de petites tailles.
Finalement, l'obligation de dématérialiser, que
prévoient les directives, concerne seulement la procédure de
passation. « L'utilisation obligatoire de moyens de communication
électroniques ne devrait concerner aucun aspect de la procédure
postérieure à l'attribution du marché, ni la communication
interne au sein du pouvoir adjudicateur. »591 Aussi les
Etats membres peuvent choisir d'aller plus loin que la simple
dématérialisation de la procédure.
La carte achat. Grâce à cette
carte l'acheteur public détenteur de la carte passe commande au
fournisseur référencé par tous moyens. Le fournisseur
transmet alors pour validation et autorisation, la demande à
l'établissement bancaire, qui le paye dans un délai court (moins
de 5 jours). La livraison de la commande peut alors être effectuée
et l'établissement bancaire transmet pour règlement le
relevé d'opération à la collectivité, qui dispose
de 45 jours pour régler la banque. Ce fonctionnement a plusieurs
avantages.
D'abord pour l'acheteur public cette carte permet un achat
simple, avec des délais d'approvisionnement réduits (c'est un
achat immédiat). De même les stocks de la collectivité sont
fortement diminués.
Le comptable peut également établir grâce
à cet outil un mandat unique (plutôt qu'une succession de mandats
à plusieurs fournisseurs différents) sur la base du relevé
fourni par la banque.
Enfin le fournisseur voit ses délais de paiement
réduits et n'a pas de relances de facturation à effectuer.
Tout le monde est donc gagnant. Même si cet outil n'est
destiné qu'aux achats de très faibles montants592, ne
nécessitant pas de procédure de mise en concurrence, ces achats
coûtent effectivement très chers en traitement administratif. Ils
représentent en moyenne 4% des dépenses totales d'une
collectivité mais 70% du temps de travail administratif et
590 S. SAUSSIER, J. TIROLE, « Renforcer l'efficacité
de la commande publique », art. préc.
591 Dir. 2014/24/UE du 26 février 2014 sur la passation
des marchés publics, Consid. 52.
592 Souvent moins de 150 euros, appelés aussi les MRO
(Maintenance, Repairs and operational Material).
150
comptable de la structure. Les achats en question ne
participent pas directement à l'accomplissement des objectifs de
l'organisme public, mais ils demeurent essentiels à son activité
: fournitures de bureau, mobilier, produits d'entretien, vêtements de
travail, papiers, pièces détachées, réservations de
voyages, etc.). Il faut pourtant que la facture atteigne un montant de 1 500
euros pour que le coût complet de traitement soit inférieur
à 5 % du montant de la facture
Les nouvelles techniques électroniques et
particulières d'achat593. D'autres
outils mettant à profit les nouvelles technologies, permettent de mettre
en oeuvre des procédures plus rapides, plus simples ou plus
concurrentielles. Les catalogues et enchères électroniques ou les
systèmes d'acquisition dynamique594 tendent de plus en plus
à s'imposer. Ces nouvelles techniques se veulent innovantes et
participent à une nouvelle vision de la matière, puisque l'on
cherche à rendre la commande publique performante. Autrement dit, il est
avant tout recherché avec ces nouvelles techniques, un véritable
objectif d'efficacité et de rentabilité595. Au travers
de ces techniques, souvent inspirées du secteur privé, on
remarque la volonté du secteur public de s'aligner sur des techniques
modernes, faisant ressortir l'aspect avant tout économique de l'acte
d'achat. Il faut enfin étudier les possibilités de cumuler
l'ensemble de ces techniques entre elles, afin de décupler la puissance
performancielle de celles-ci596.
Ces techniques peuvent être rapidement définies
de la manière suivante :
- le système d'acquisition dynamique
comme étant un « processus entièrement
électronique de passation de marché public, pour des achats
d'usage courant par lesquels l'acheteur attribue, après mise en
concurrence, un ou plusieurs marchés spécifiques à l'un
des opérateurs économiques préalablement
sélectionnés. »
- L'enchère électronique
désigne une technique d'achat qui consiste à
sélectionner des offres par voie électronique, en permettant aux
candidats de réviser leur prix à la baisse ou de modifier la
valeur de certains autres éléments quantifiables de leur
offre.
- Pour les catalogues électroniques,
le principe est de présenter une offre sous forme électronique en
utilisant un catalogue qui permet de présenter différentes offres
pour un même besoin sous forme d'une liste de choix.
593 D. n°2016-360 du 25 mars 2016 relatif aux marchés
publics 2016, Arts. 81 à 87.
594 V. en ce sens : S. MOUTOUALLAGUIN, « Les TIC et les
changements des pratiques contractuelles », Contrats et Marchés
publics, n° 6, 2014.
595 T. LAJOIE et L. HISLAIRE, Les marchés publics
dématérialisés, coll. guides juridiques, Le Moniteur,
2004.
596 L. DAYET, La dématérialisation des contrats
administratifs, op. cit.
151
Les logiciels d'assistance à la
rédaction des marchés597. Il
s'agit de logiciels permettant la rédaction quasi-automatique des
pièces du marché (acte d'engagement, cahier des clauses
administratives particulières, etc.). Un certain nombre
d'éléments sont remplis au préalable et les
procédures restent différenciées. Ainsi les pièces
n'auront pas la même teneur suivant qu'il s'agisse de travaux ou de
services par exemple. Un certain nombre de questions rapides doivent être
passées en revue par l'acheteur, qui peut ensuite demander au logiciel
de générer les différentes pièces. La
rédaction d'un marché occupe alors beaucoup moins de temps et de
personnels. Des gains financiers sont donc immédiatement
générés.
Ces outils sont progressivement en train de s'imposer aux
acheteurs, qui ne doivent pour autant ne pas oublier une véritable
démarche d'achat. Ces logiciels doivent permettre à l'acheteur
public de mettre à profit le temps gagné, pour se concentrer sur
l'efficacité et la sécurité de sa procédure, et
plus globalement de son marché. La performance demande du temps, et ces
logiciels permettent d'en gagner considérablement.
Même si l'ensemble des propositions et
développements qui viennent d'être exposés n'ont pas
l'ambition d'être exhaustifs. Ils donnent une illustration de
l'innovation qui doit animer encore et toujours les acheteurs publics, afin
d'être toujours plus performants. Pour autant, agir seulement au stade de
la passation n'est pas suffisant. L'exécution est bien souvent
délaissée (B).
B. Les pistes pour la performance de l'exécution
contractuelle
La nécessaire prise de conscience de
l'importance de l'exécution contractuelle. L'exécution
contractuelle des marchés publics n'était pas la
préoccupation centrale des réformes qui ont eu lieu
dernièrement. Elle est très peu réglementée, alors
qu'elle pourrait être le lieu d'importantes
économies598. Le rapport pour le compte de la CCI qu'Alain
Buat a dirigé évalue à 2 milliards d'euros, les
économies envisageables. Mais au-delà de ces économies,
c'est véritablement un nouvel esprit avec la mise en place d'un
véritable management de l'achat public qui est en jeu. Deux personnes
morales très différentes doivent en effet se comprendre et faire
vivre au mieux le contrat qui les lie. Comme le dit Alain Buat dans son rapport
: « Les marchés publics devenant stratégiques, leur
exécution aurait besoin
597 V. Sénat, Mission commune d'information sur la
commande publique, op. cit., pp. 100-101.
598 A. BUAT, Pour un management performant des marchés
publics, op. cit.
152
d'un environnement juridique et politique plus propice
à la performance et, notamment, plus adaptable et davantage ouvert
à la concertation des cocontractants. »599
Le rééquilibrage de la relation
acheteur-fournisseur. Comme dans tous les contrats administratifs,
l'Administration dispose d'un certain nombre de pouvoirs exorbitants, dans le
silence des textes et malgré le fait que le contrat soit normalement
« la loi des parties ». Elle dispose en effet tout à
la fois d'un pouvoir de contrôle, de surveillance, de sanction et de
résiliation. La défiance qui naît de ce
déséquilibre entre elle et son cocontractant est
légitimée, dans une certaine mesure, pour la garantie du bon
fonctionnement du Service Public qu'elle permet. Concernant les marchés
publics, cette légitimation ne tient cependant plus, même si
l'exécution de ce contrat concerne directement l'utilisation qui est
faite des deniers publics. Un nouveau compromis s'impose, car il faut revenir
au mode contractuel, au consensualisme et donc à un certain
équilibre.
Le pouvoir de résiliation unilatéral pour motif
d'intérêt général600 semble dès
lors propice à certains aménagements, puisque cette
résiliation unilatérale peut donner lieu à aucunes
indemnités, si une clause d'exonération a été
préalablement ajoutée au contrat601. Comme le fait
justement remarquer Alain Bluat : « Si l'hypothèse d'une
résiliation dans l'intérêt général sans
indemnité peut paraître proportionnée à l'occasion
d'un marché à bons de commandes sans minimum, elle est au
contraire, dans les autres cas, très défavorable aux titulaires.
» Au delà de l'aspect global que doit recouvrir la performance
de l'achat public et qui suppose un minimum de bienveillance vis-à-vis
des partenaires de l'Administration, ce déséquilibre ne profite
pas à l'Administration et même détériore le lien
contractuel. Une défiance s'installe.
Dans la même veine, une réflexion plus
poussée sur les pénalités prévues au contrat par
l'Administration serait bienvenue. Les pouvoirs adjudicateurs se contentent
bien trop souvent de recopier des cahiers des charges absolument
inadaptés. Cela a pour conséquence de rendre ces
pénalités inapplicables. Parfois celles-ci sont même
tellement inadaptées et disproportionnées qu'elles amènent
le juge à les moduler602, cependant le juge intervient
seulement en cas de disproportion manifeste et c'est insuffisant.
Par ailleurs, il ne faut pas abuser de ce pouvoir de sanction.
Aussi est-il possible pour l'Administration d'y renoncer contractuellement ou
unilatéralement. Pourtant l'abandon de
599 Ibid, p. 8.
600 CE Ass., 2 mai 1958, Distillerie de Magnac-Laval,
rec. p. 246.
601 CE, 19 décembre 2012, Sté AB Trans, n
350341.
602 CE 29 déc. 2008, OPHLM de Puteaux, n
296930.
153
telles clauses est parfois vu comme un avantage
injustifié qui est octroyé au titulaire du contrat, et qui tombe
sous le coup du délit de favoritisme.
De même, la possibilité pour la personne publique
de soulever une exception d'inexécution603, tandis que cette
possibilité est par principe irrecevable pour l'opérateur
privé604, contribue également à rompre la
confiance nécessaire à une exécution performante. La
jurisprudence a néanmoins évolué de belle manière
en reconnaissant la possibilité pour l'opérateur de glisser une
clause permettant une exception d'inexécution. Cette possibilité
reste conditionnée, puisque l'objet du contrat incluant une telle clause
ne saurait être rattaché au service public et qu'un motif
d'intérêt général peut encore permettre à la
personne publique de maintenir le contrat et doit également
prévoir une telle clause605. Cette nouvelle capacité
pour l'opérateur est donc suffisamment réduite pour que les
intérêts de l'Administration soient préservés et
qu'une relation de confiance puisse naître.
Enfin il semble nécessaire pour la collectivité
publique d'avoir un interlocuteur désigné et stable, afin de
pouvoir facilement communiquer avec son opérateur. De cette
manière, le contrat se concrétise et un dialogue sain peut
s'installer. Pourtant Alain Buat estime que même si la désignation
d'un interlocuteur nommément désigné est prévue par
le CCAG-travaux de 2012 et au sein des guides de bonnes pratiques successifs,
il serait utile de l'imposer à tous les marchés publics.
Le suivi performanciel de l'exécution.
François Villette considère que « la mission de
l'acheteur s'arrête à la signature du contrat, alors que c'est
après la signature de celui-ci qu'elle devrait réellement
commencer. »606 De même cette phase
d'exécution devrait être plus anticipée lors de la
rédaction du marché, en fixant des objectifs de performance
à atteindre ou en prévoyant la mise en oeuvre
d'innovations607.
Un suivi « post-achat » doit être
imposé. Plutôt que de perdre du temps sur des procédures de
passation longues, il serait préférable de se concentrer sur
cette évaluation contractuelle. Ainsi la bonne exécution est
garantie et il est possible pour l'acheteur public de tirer des enseignements
de cette exécution pour ces futurs contrats. On parle de démarche
RECB (Remise en cause du besoin).
603 CE, 27 mars 1957, Carsalade, Rec. 216.
604 CE, 7 janv. 1976, Ville d'Amiens, n° 92888.
605 CE, 8 oct. 2014, Sté Grenke location, n°
370644.
606 F. VILLETTE, « Achats publics, arrêtons le
gâchis ! », La Gazette, 2015.
607 V. en ce sens : Le manuel Steppin, Le Moniteur TP, Cahier
détaché, 2009 in J.-M. PEYRICAL, «
L'évolution du droit de la commande publique, quelques commentaires et
réflexions », art. préc.
»608
154
Un outil a été développé par
François Villette à cette fin, au sein de la commune de
Saint-Ouen : la fiche qualimétrique. Cela consiste à
établir l'état précis de la qualité des prestations
réalisées à la fin de chaque marché :
«Respect du cahier des charges et des délais, fiabilité
et disponibilité de l'entreprise... tout est passé au crible !
L'agent évaluateur complète une fiche qualimétrique
dématérialisée comportant cinq niveaux de notation et un
code couleur simple, de vert (très satisfaisant) à rouge (pas du
tout satisfaisant).
Cet outil de management des achats et de bonne gestion
financière favorise la prévision et l'anticipation des besoins.
Il permet également de mettre en oeuvre le cas échéant les
mesures correctives adaptées. En outre, au sein de la
collectivité ou de la structure publique, mesurer la performance permet
de faire parvenir un bilan permanent à la direction
générale.
Par la suite ces informations sont partagées avec
d'autres collectivités et avec les entreprises par voie
dématérialisée afin que la collectivité ne soit pas
la seule à pouvoir tirer des conséquences de cette
évaluation. Ce partage suscite en effet des comparaisons qui permettent
aux collectivités d'optimiser leurs achats futurs.
La nécessaire réforme du contentieux de
l'exécution. Une augmentation du contentieux de
l'exécution est notable609. Le droit de ce contentieux doit
donc évoluer de deux manières.
D'abord, il doit être développé la
possibilité de régler les litiges à l'amiable. La
transaction610, la médiation par un tiers, les comités
consultatifs611, l'arbitrage612, etc. sont autant de
voies de droit qui mériteraient d'être plus utilisées, afin
d'éviter des contentieux souvent couteux et longs613.
Mais surtout, pour le bien du contrat et conformément
aux exigences de la vie des affaires, le contrat est souvent
renégocié par voie d'avenant. Sans s'intéresser ni
à la nécessité de faire évoluer un contrat qui
n'est plus à discuter, ni aux conséquences des nouveaux textes
608 Citation de F. Villette in S. DYCKMANS, «
Saint-Ouen évalue les fournisseurs avec une fiche qualimétrique
», achatpublic.info.
609 N. KHALID, « Marché public - Le contentieux de
l'exécution ne cesse de se développer », site internet du
Moniteur, Actualités, 4 décembre 2013.
610 Circ., 6 avril 2011, relative au développement du
recours à la transaction pour régler amiablement les conflits
611 D. n° 2016-360 du 25 mars 2016 relatif aux
marchés publics, art. 142 (concernant les médiateurs et les
comités).
612 V. not. en ce sens : P. TERNEYRE, C. VÉROT, «
Le projet de réforme de l'arbitrage des litiges intéressant les
personnes publiques est tout à fait viable », AJDA
2008.
613 V. en ce sens : M. THOREAU, Le règlement amiable
des litiges dans les contrats publics, thèse, Paris XI, 2007.
155
sur ces possibilités de modification614, il
faut ici insister sur les risques d'une telle renégociation et sur son
incidence sur la performance de l'achat public.
Il arrive parfois que ce ne soit pas l'entreprise ayant
présenté l'offre la mieux-disante qui obtienne le marché,
mais plutôt l'entreprise ayant le plus confiance dans sa capacité
à renégocier ultérieurement le contrat. Un premier contrat
est signé à des conditions désavantageuses pour le
titulaire mais défiant toute concurrence, tout en ne pouvant pas
qualifier son offre comme étant anormalement basse. Ensuite,
l'Administration se trouve contrainte de renégocier le contrat,
préférant un avenant à une nouvelle mise en concurrence.
Finalement ce contrat ne sera pas performant, la concurrence initiale ayant
été faussée.
La solution selon les économistes Stéphane
Saussier et Jean Tirole est de faire en sorte que les cocontractants se sentent
tenus par le contrat. Et c'est le principe de transparence qui vient à
l'appui de cette revendication615. Une modification substantielle du
contrat est théoriquement interdite, mais la coercition mise en place en
la matière semble bien trop faible. En rendant la renégociation
transparente, chacun des cocontractants seraient véritablement
responsabilisés et le contrat initial serait respectueux de la
concurrence, l'opérateur ne tablant pas sur une renégociation.
Certes une publicité des avenants est obligatoire mais pas en toutes
hypothèses616, le pouvoir adjudicateur est le seul juge de la
nécessité de publier. Cette transparence doit donc être
augmentée.
Il a également été proposé une
nouvelle procédure de « référé avenant
», afin que la vérification de la légalité de
l'avenant puisse se faire rapidement, de manière confidentielle et sans
nuire à l'exécution contractuelle617. Il serait
également possible de modifier le référé
contractuel actuel pour que des recours contre des avenants puissent se faire
par ce biais. De plus « les propositions d'avenants seraient
simultanément publiées et envoyées électroniquement
aux entreprises ayant candidaté, à une liste à
définir de tiers intéressés et plus
généralement à tout tiers qui en aura fait
préalablement la demande. Afin de rendre le recours effectif, la
publication devra préciser le montant initial du marché, le
montant de l'augmentation et l'objet de l'avenant. Toute personne qui en ferait
la demande pourrait obtenir communication de l'avenant et de ses actes
détachables. Le délai de recours d'un mois serait, comme en
matière de référé précontractuel, un
délai de standstill. »618
614 H. HOEPFFNER, « La modification des contrats »,
RFDA 2016, p. 280.
615 S. SAUSSIER, J. TIROLE, « Renforcer l'efficacité
de la commande publique », art. préc.
616 D. n° 2016-360 du 25 mars 2016 relatif aux
marchés publics, art. 140.
617 S. SAUSSIER, J. TIROLE, « Renforcer
l'efficacité de la commande publique », art. préc.
Le fonctionnement imaginé pour ce référé y est
très développé (p. 10).
618 Ibid.
156
D'aucuns estiment la charge de travail pour le juge
administratif déjà trop importante et voient d'un mauvais oeil la
création d'un nouveau recours. Pourtant cette évolution du
contentieux de la modification semble être la dernière
étape pour garantir un contentieux contractuel véritablement
efficace.
La simplification de la passation contractuelle et la
véritable prise en compte de l'importance de l'exécution
contractuelle ne peuvent suffire à faire des acheteurs publics de
véritables managers de l'achat public. Il reste à les
professionnaliser tant institutionnellement que personnellement
(II).
II. La professionnalisation des acheteurs publics, gage de
performance
Plan. Des nouvelles procédures et plus
généralement un nouveau droit des marchés publics
impliquent nécessairement une évolution des agents qui les
mettent en oeuvre. C'est pourquoi un changement doit avoir lieu, tant
institutionnellement avec le développement de la mutualisation de
l'achat (A), que personnellement, avec une prise de conscience
managériale des acheteurs publics (B).
A. La professionnalisation institutionnelle ou les
bienfaits économiques de la mutualisation de l'achat public
Présentation. La mutualisation des
achats par les collectivités publiques est une autre expression de la
liberté contractuelle, et plus exactement de la liberté de
choisir son mode d'organisation. Aussi les collectivités publiques
peuvent faire le choix de définir leurs besoins à un autre
niveau. Autrement dit, les différents pouvoirs adjudicateurs peuvent se
regrouper lors de leurs achats, notamment de fournitures ou de services
courants. Il existe deux techniques pour permettre un tel mécanisme de
mutualisation : la centrale d'achat et le groupement de commande. Ces deux
techniques ont en effet bénéficié depuis plusieurs
années d'une forme « d'adoubement juridique ». Comme
le souligne Philippe Terneyre619, la sécurisation juridique
de ce type d'entreprises n'étant plus à faire, il est maintenant
temps de veiller à leur favorisation et à leur
amélioration en termes de performance.
619 P. TERNEYRE, « L'avenir de la coopération
entre personnes publiques : un avenir réel mais limité »,
RFDA 2014, p.407.
157
La centrale d'achat620.
Il s'agit d'une technique très utilisée dans le secteur
privé. La grande distribution en fait usage, mais aussi les particuliers
qui se regroupent grâce à des sites internet afin d'être
plus efficaces lors de la négociation des prix pour l'achat
d'équipement ou la réalisation de travaux.
Deux rôles peuvent être assignés aux
centrales d'achat. Elles permettent d'acheter des produits pour les revendre
par la suite aux pouvoirs adjudicateurs, qui achètent donc sur
catalogue. Les prix sont alors plus élevés, mais la
simplicité de l'acte d'achat est indéniable, car il n'y a aucune
contrainte de forme ou de temps lors de l'achat pour la collectivité. Il
faut faire des estimations et les comparer pour savoir si le prix de la
procédure reste inférieur à celui du catalogue ou non.
C'est ainsi que l'organisme public pourra choisir de passer ou non par une
centrale d'achat. Les marchés et accords-cadres vont donc non seulement
permettre un achat simplifié mais aussi faire l'économie des
procédures de passation.
Les centrales d'achat sont aujourd'hui soumises à
l'ordonnance du 23 juillet 2015. Dès lors, l'ensemble des
développements précédents leurs sont applicables. Plus
encore, ces entités se consacrent uniquement à l'achat et doivent
de ce fait servir d'exemple en matière de performance.
Elles sont créées par voie réglementaire
ou par constitution d'une association loi 1901. Le meilleur exemple de centrale
d'achat est sans aucun doute l'UGAP621, dont le poids des commandes
se limite à 2 milliards d'euros622. Il passe des
marchés ou accords-cadres de travaux, fournitures ou services
destinés à tous les organismes soumis à l'ordonnance de
2015. De plus en plus d'EPCI et certains syndicats mixtes créés
par ailleurs des « services unifiés ayant pour objet d'assurer
en commun des services fonctionnels (É) concourant à l'exercice
des compétences des collectivités intéressées sans
être direct. »623 Il en est de même pour les
sociétés d'économie mixte (SEM)624 qui peuvent
agir en tant que centrale d'achats, dès lors que leurs statuts le
prévoient.
Le groupement de
commande625. Il est également
possible, toujours dans la même optique, que plusieurs pouvoirs
adjudicateurs se regroupent entre eux pour passer un marché
620 O. n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux
marchés publics, arts. 26 et 27.
621 D. n°85-801 du 30 juillet 1985 relatif au statut et
au fonctionnement de l'Union des Groupements d'Achats Publics (UGAP).
622
www.ugap.fr.
623 CGCT, arts. L. 5111-1-1 et L. 5211-4-2.
624 V. en ce sens : J.-M. PEYRICAL et C. SABATTIER, « Une
SEM peut-elle devenir une centrale d'achat ? » Contrats et
marchés publics, n° 47, sept. 2005, p. 61.
625 O. n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux
marchés publics, art. 28.
158
unique à destination de l'ensemble des membres du
groupement. Ils concluent pour cela une convention constitutive dont le contenu
est variable et qui permet de désigner un coordonnateur du groupement.
Ce groupement ne se justifie que dans la mesure où chacune des
entités composant le groupement a un intérêt certain,
notamment en termes d'économie d'échelles, à mutualiser un
besoin. Elle trouve son fondement dans « l'organisation, la
structuration, la sécurisation des achats tout en réalisant des
économies. »626 L'objectif de telles institutions
est la performance. Ce n'est donc pas étonnant que ce type de
mutualisation soit plébiscitée par les EPCI, qui pour 83% d'entre
eux déclarent l'utiliser627.
Les difficultés d'exécution du
marché et la mutualisation des achats. En outre ce type de
mutualisation permet de « déléguer » la
gestion de l'exécution du marché à cette centrale. Cet
avantage en apparence, peut aussi entraîner plusieurs difficultés.
Les difficultés rencontrées lors de l'exécution devront se
régler nécessairement par l'intermédiaire de la centrale.
La communication du problème et la réponse à celui-ci ont
tendance à retarder le traitement de ces difficultés
d'exécution, à moins d'institutionnaliser et de prévoir
contractuellement le règlement de ces difficultés. L'anticipation
des difficultés d'exécution est donc nécessaire.
Parfois, les pouvoirs adjudicateurs devraient aussi
prévoir une intégration moindre, excluant l'exécution de
la mutualisation, mais la flexibilité d'une centrale d'achat tel que
l'UGAP n'est pas de ce point de vu aussi étendue que pour un groupement
de commande par exemple.
Il existe, en premier lieu une limite juridique lorsque
l'exécution de contrats d'achat public est intégrée,
puisque le coordonnateur ou la centrale n'est pas toujours autorisé
à assurer l'exécution, notamment financière, des
marchés et des accords-cadres. Par exemple, les membres d'une centrale
ou d'un groupement peuvent être des personnes morales de droit
privé ou de droit public, répondant à des règles de
comptabilité ou à des règles budgétaires qui
diffèrent fortement d'un membre à l'autre et qui ne sont pas
toujours en adéquation avec les contrats passés par la centrale
ou par le groupement..
En second lieu, d'un point de vue opérationnel cette
fois, il est essentiel que le contrat prévoit précisément
la procédure de constat de manquement des titulaires. Il doit en
être de
626 Réponse du Ministère de l'intérieur
et de l'aménagement du territoire au sénateur B. PIRAS, JO
Sénat, 25 janv. 2007, p. 188.
627 Sénat, « Mission commune d'information sur la
commande publique », Rapport d'information n°82, M. BOURQUIN (dir.),
14 octobre 2015, p. 113.
159
même pour la procédure ou les contrôles,
afin que les pénalités puissent être appliquées de
manière cohérente et efficace.
La mutualisation : un outil de performance
contrasté. Jean-Marc Peyrical considère que la
mutualisation est le « moteur de l'efficacité dans la commande
publique. »628 Cette technique contribue en effet à
améliorer la compétence des acheteurs et constitue du même
coup « une voie d'avenir »629 selon
Stéphane Saussier et Jean Tirole. Pour autant, certaines critiques
visent la déresponsabilisation des acheteurs engendrée par une
telle technique et qui, on le sait, nuit à un achat performant.
Dès lors un compromis doit être trouvé pour une utilisation
optimale de cet outil.
Comme le souligne la Cour des comptes, il existe plusieurs
avantages économiques à mutualiser ses besoins630.
D'abord il sera possible d'obtenir des prix inférieurs grâce
à des commandes en plus grandes quantités. L'importance de la
commande peut contribuer également à responsabiliser le
fournisseur quant à la qualité de son produit. En outre le
coût de procédure est bien sûr globalement restreint,
puisque il y en a moins à mettre en oeuvre et que la centrale ou le
coordonnateur peut négocier plus efficacement avec les fournisseurs.
Enfin lorsque des personnes privées font partie de groupements ou de
centrales, celles-ci peuvent également utiliser des techniques souvent
plus élaborées et en faire ainsi bénéficier les
acheteurs publics631. De manière générale, la
mutualisation permet donc un partage des bonnes pratiques
d'achat632.
Il existe également des atouts juridiques à la
mise en oeuvre d'un achat mutualisé. A coup sûr, les
procédures sont formalisées, en raison de l'importance des
achats, c'est systématique. Cela permet, de fait, une plus grande
sécurité juridique, qui on l'a vu, est également une
condition sine qua none d'un achat performant. Enfin les
intérêts des membres du groupement sont mieux garantis, puisqu'ils
sont de la responsabilité à part entière d'un autre
organisme qui est chargé d'effectuer le meilleur achat pour eux. Pour
autant cette déresponsabilisation des acheteurs est par ailleurs
problématique, puisqu'il en résulte « des prix plus
élevés, une lenteur d'exécution ou une offre
limitée et peu flexible face à des besoins
628 J.-M. PEYRICAL, « L'évolution du droit de la
commande publique, quelques commentaires et réflexions », AJDA
2009, p. 965.
629 S. SAUSSIER, J. TIROLE, « Renforcer l'efficacité
de la commande publique », art. préc.
630 V. en ce sens : Rapport demandé à la Cour
par le Sénat au titre de l'art. 58-2 de la LOLF sur la mutualisation des
moyens départementaux de la sécurité civile, sept. 2013,
rendu public le 25 nov. 2013.
631 C. DELON DESMOULIN, « De la mutualisation des achats
à la mutualisation des pratiques d'achat : quelles libertés pour
les collectivités territoriales ? », AJ Collectivités
Territoriales 2015, p. 260.
632 Ibid.
160
spécifiques. »633 Pour
remédier à ces difficultés liées à la
centralisation des achats, les professeurs Tirole et Saussier se font encore
force de proposition et évoquent une clause d'« opt-out
» afin d'obliger l'organe centralisant les achats à une
certaine réactivité, mais cela en réduit du même
coup l'efficacité. Ils évoquent également la
possibilité de mettre en concurrence plusieurs centrales d'achat afin de
faire baisser les prix et les forcer - elles aussi - à une gestion
performante de leurs achats. Le risque du choix d'organe centralisant qui
serait davantage politique qu'économique plane néanmoins
au-dessus de cette idée. Il faudrait donc garantir l'indépendance
de ces centrales ou de ces groupements et de leurs fournisseurs.
Cette démarche est par ailleurs techniquement
bienfaitrice puisque l'externalisation de l'achat à une centrale ou
à un coordinateur au sein d'un groupement permet de
déléguer l'achat, soulageant du même coup l'ensemble de
l'organisation de la structure du pouvoir adjudicateur634. Cela
profite plus particulièrement aux collectivités et aux
établissements publics de petites tailles (communes, CCI,
préfectures, etc.), en leur permettant de se professionnaliser
grâce à cette mutualisation, ces petits organismes ne pouvant pas
recruter d'acheteurs par manque de moyens635.
De même la directive européenne de 2014 permet
aux pouvoirs adjudicateurs de passer des contrats d'assistance à la
passation de contrats d'achat, diversifiant l'activité des centrales
d'achat en faisant d'elles de véritables « auxiliaires d'achat.
»636
Pour une pleine efficacité technique de la
mutualisation, une réflexion sur le niveau de centralisation s'impose.
C'est-à-dire qu'il semble nécessaire de se demander si cette
mutualisation doit se faire au niveau national, régional, intercommunal
ou départemental.
D'un autre côté, l'entreprise peut mieux
s'organiser grâce à une standardisation des demandes. Du
même coup, elle peut réduire ses coûts de fonctionnement et
consacrer toute son attention sur la qualité des produits, grâce
à une meilleure planification. Ainsi la concurrence est
favorisée, compensant à coup sûr la diminution des
références à disposition des organismes publics, qui est
souvent critiquée.
Finalement, il reste que la démarche de mutualisation
doit être encouragée637. De plus, outre les
économies d'échelle, il faut souligner que la mutualisation
permet une plus grande
633 S. SAUSSIER, J. TIROLE, « Renforcer l'efficacité
de la commande publique », art. préc.
634 C. DELON DESMOULIN, « De la mutualisation des achats
à la mutualisation des pratiques d'achat : quelles libertés pour
les collectivités territoriales ? », art. préc.
635 S. SAUSSIER, J. TIROLE, « Renforcer l'efficacité
de la commande publique », art. préc.
636 Dir. 2014/24/UE du 26 février 2014 sur la passation
des marchés publics, Consid. 70 et art. 2 ; O. n° 2015899 du 23
juillet 2015 relative aux marchés publics, art. 26.
161
professionnalisation de la fonction achat, de la même
manière que la création de services consacrés à
l'achat au sein des administrations avait été salvatrice en son
temps. La professionnalisation passe en premier lieu par la
spécialisation des acheteurs (B).
B. Du juriste spécialisé en contrats
publics au manager de l'achat public
La professionnalisation de l'achat public.
Jean-Marc Sauvé, vice-président du Conseil d'Etat,
considère que « le développement des
procédés contractuels suppose un professionnalisme exemplaire de
l'administration. »638 La professionnalisation de l'achat
revient à rendre l'activité d'acheter suffisamment
professionnelle. Les acheteurs doivent être très
compétents. Les organes publics dévolus à l'achat doivent
donc nécessairement être tournés vers une
professionnalisation de l'achat, mais les acheteurs, eux aussi, doivent
être sensibilisés à l'exigence de performance. Une plus
grande efficacité de l'achat passe par une véritable
compétence des administrations lorsqu'elles achètent. De plus, il
est nécessaire que les acheteurs demeurent intègres afin de
choisir objectivement la meilleure offre. Enfin il est essentiel que les
acheteurs soient suffisamment informés. Ainsi la gouvernance de l'achat
public sera optimale.
Or pour être pleinement compétents, les acheteurs
doivent encore se familiariser avec une vision économique et
gestionnaire lorsqu'ils achètent. Planifier, budgéter,
répartir les risques ou choisir le bon contrat lors de la
procédure de passation, sont des problématiques loin d'être
juridiques. De même, lors de l'exécution du contrat, il faut
anticiper les difficultés, maintenir l'équilibre contractuel de
départ, réagir correctement aux manquements du titulaire, etc. Il
serait également bienvenu que les acheteurs se tiennent informés
des évolutions technologiques et de l'actualité
économique, ce qui n'est majoritairement pas le cas.
Une formation insuffisante. La formation des
acheteurs publics est presque exclusivement juridique, même si certains
diplômes tentent de mettre en oeuvre une vision d'achat et non plus
seulement de commande, comme le souligne Jean-Marc Peyrical639. La
formation des acheteurs publics est donc insuffisante640. Cette
affirmation tend néanmoins à
637 V. en ce sens : Sénat, « Mission commune
d'information sur la commande publique », Rapport d'information n°82,
M. BOURQUIN (dir.), 14 octobre 2015, pp. 110-117.
638 J.-M. SAUVÉ, Editorial du rapport public du Conseil
d'Etat pour l'année 2008, Le contrat, mode d'action publique et de
production de normes, op. cit., p. 9.
639 J.-M. PERYCAL, « Achats publics : le décryptage
du rapport sénatorial », Les échos, 2 déc. 2015.
640 Sénat, Mission commune d'information sur la
commande publique, op. cit., p. 105.
162
se réduire, puisque l'UGAP considère que 63 %
des acheteurs publics n'ont pas de profils juridiques641.
La gouvernance des ressources humaines de l'achat
public est inadaptée. Comme le souligne Jean Tirole et
Stéphane Saussier les agents responsables de l'achat changent souvent de
poste, limitant du même coup leur apprentissage pratique et le suivi de
contrats qui s'étendent souvent sur plusieurs années. Il faudrait
au contraire les sécuriser dans leur poste et leur permettre de se
former en parallèle, à une nouvelle approche de la commande
publique. Ainsi, il faudrait pleinement reconnaître le métier
d'acheteur public et ne pas laisser des fonctionnaires ou des contractuels
vaguement formés à ces questions, occuper ces postes clés.
Ce retard est parfaitement exprimé par la mission sénatoriale de
2015 qui dénonce « qu'il n'existe ni de corps ni de cadre
d'emplois spécifiques à l'achat public. »
Entre le titulaire et l'acheteur public, comme entre
l'acheteur public et l'acheteur privé, il demeure un véritable
décalage, tant en termes de compétences, que d'informations. Or
cette « asymétrie » est souvent la cause de contrats
déséquilibrés, d'un mauvais choix ou de «
renégociations opportunistes », au bénéfice de
l'entreprise titulaire.
Responsabilité, compétence et
performance. Ce professionnalisme permet de pouvoir pleinement se
reposer sur les acheteurs publics et sur leur capacité à se
servir de l'achat comme d'un levier d'économies. Une approche davantage
portée sur l'analyse économique d'un marché ou sur
l'aspect financier de l'achat, ne doit pas pour autant faire passer au second
plan l'approche juridique l'achat. Le droit des marchés publics est un
outil qu'il faut pouvoir mettre au service de la performance, mais il est
nécessaire pour cela de le maîtriser.
641 Enquête réalisée par l'UGAP et le
magazine Décision Achats au cours du deuxième trimestre
2011, à laquelle 370 responsables d'achat ont répondu in
S. SAUSSIER, J. TIROLE, « Renforcer l'efficacité de la
commande publique », art. préc.
163
CONCLUSION
La recette d'un achat public performant. Il
faut pouvoir s'inspirer du secteur privé afin d'adopter une vision
économique et managériale de l'achat public. Autrement dit, il
est aujourd'hui nécessaire de rationaliser l'achat public grâce
aussi bien au droit privé, qu'à des techniques
entrepreneuriales.
L'analyse de la fonction achat, pousse à joindre des
outils que l'on croyait incompatibles, la faute à une vision
dépassée de l'Administration et à une philosophie
surannée de l'achat public. L'une des lois du physicien Newton est la
suivante : « lorsque deux forces sont jointes, leur efficacité
est double ». En l'occurrence, le management et le droit doivent se
joindre pour permettre à l'achat d'être performant. La performance
de l'achat public est une politique publique qui se décompose
effectivement en deux chantiers.
En premier lieu, il faut pouvoir faire de la performance de
l'achat public, le principal objectif d'un acheteur public, au moment où
il définit sa politique d'achat. Pour cela il faut au préalable
savoir quel sera l'objet de cette performance de l'achat. Il est essentiel de
savoir au nom de quoi, il est nécessaire d'être efficient et
efficace lorsque les pouvoirs adjudicateurs achètent. C'est lors de
cette implantation de la performance en tant qu'un des fondements principaux de
l'achat public que le droit s'impose, comme l'outil de la cohérence et
de la réussite d'une telle entreprise. Il permet en effet de
responsabiliser les acheteurs publics quant à cette vision
performancielle.
En second lieu, une fois qu'il a été
déterminé que l'objet de la performance de l'achat public est de
parvenir au meilleur rapport qualité-prix lorsque l'Administration
achète, plutôt que de garantir le marché intérieur
ou le développement durable, alors la stratégie d'achat peut
être élaborée. C'est à cette occasion que des
techniques managériales venues du secteur privé, ou que divers
contrats d'achat encourageant la performance, ou encore que des techniques
juridiques inspirées du droit privé, vont tenter de s'imposer
afin d'encourager la performance de l'achat public.
164
La performance de l'achat public : une utopie.
Selon Jacques Attali, « l'utopie est la volonté de
modeler l'image de la Société à partir d'un idéal
éthique, d'une certaine conception de la justice, du bonheur, de
l'efficacité, de la responsabilité. »642 La
performance de l'achat public est une utopie. La performance est loin de
toujours être synonyme de progrès, mais en matière d'achat
c'est indéniablement un idéal de gouvernance vers lequel il faut
tendre. Elle doit permettre aujourd'hui de parvenir à un achat qui se
ferait au meilleur coût et qui offrirait la meilleure qualité aux
produits utilisés par l'Administration.
Duguit écrivait que le service public est «
indispensable à la réalisation et au développement de
l'interdépendance sociale »643. Il fait donc partie
intégrante de la société. Chacun des organismes publics
chargés d'une mission de service public ont des besoins auxquels il faut
subvenir pour qu'ils puissent accomplir une telle mission. Un achat performant
permettra de renforcer la qualité du service public en lui donnant
d'avantage de moyens et le quotidien des citoyens s'en trouvera de fait
impacté.
Par ailleurs, agir pour un achat public performant, suppose
une plus grande efficacité de l'acte d'achat. Cette efficacité
est dépendante d'une responsabilisation des acheteurs, quant à
une vision davantage managériale de l'achat public, mais aussi quant
à la sécurisation juridique d'un tel acte. De même, cette
responsabilité implique de conférer une valeur et un contenu
juridique à la performance.
Cette notion de performance est finalement le reflet d'un
compromis entre économie et droit, entre management et
sécurité, ou encore entre secteur public et secteur privé.
Il faut également savoir lorsque l'objectif de performance ne doit plus
dominer et laisser la place à la non-performance qui est parfois tout
autant essentielle. La performance est donc affaire de compromis et donc de
justice.
Le juste équilibre, lui, varie constamment et la
performance, comme tout idéal n'est jamais vraiment atteinte, car comme
l'écrivait le philosophe Alain, l'idéal est un «
modèle qu'on se compose, en vue de l'admirer et de l'imiter.
L'idéal est toujours nettoyé d'un peu de réalité
qui ferait tache. »644Il faut sans cesse adapter sa vision
performancielle à la réalité administrative. Aujourd'hui
la situation tendue des finances publiques pousse à se concentrer sur le
coût et la qualité des achats, tandis que demain l'achat
écologiquement et économiquement sain devra s'imposer au
dépend parfois des intérêts propres de l'Administration.
642 J. ATTALI, Fraternités - Une nouvelle utopie,
Fayard, 1999.
643 L. DUGUIT, Traité de droit constitutionnel,
t. 2, Sirey, 1923, p. 55.
644 ALAIN, Les aventures du coeur, Paul Hartmann,
1945.
165
TABLE DES MATIÈRES
INTRODUCTION 13
PARTIE 1: LA NECESSAIRE CONSECRATION D'UNE IDENTITE
JURIDIQUE POUR LA PERFORMANCE
DE L'ACHAT PUBLIC 24
Chapitre 1 : Les enjeux de la conceptualisation juridique de
la performance 25
Section 1. Une performance publique 25
I. L'idée contre-nature d'une gestion publique performante
25
A. Le droit administratif, un droit réfractaire à
l'idée de performance 25
B. La modernisation de la gestion publique 28
II. « La rencontre » naturelle de la
performance et du contrat d'achat public 32
A. Le contrat, un outil de performance publique 32
B. L'achat public : un acte économique saisie par
l'exigence de performance
36
Section 2. Une performance globale 39
I. L'achat responsable au service d'une performance globale 39
A. La prise en compte du développement durable par les
marchés publics 40
B. Le prérequis nécessaire à la performance
de l'achat public : l'achat
responsable 45
II. La mise en oeuvre performante de l'achat responsable 48
A. L'achat public durable et performant : le choix de
l'équité 48
B. Le péril de l'instrumentalisation de l'achat public :
un risque pour
l'efficacité 50
Chapitre 2 : La recherche d'une obligation de performance de
l'achat public 55
Section 1. Les fondements juridiques utiles à
l'émergence d'une obligation de
performance 55
I. L'origine financière de l'exigence de performance au
service de sa
reconnaissance juridique 55
A. La LOLF ou l'apparition d'une logique juridique de
performance 55
B. L'application de la logique de performance à l'achat
public 59
II. L'impératif de performance inhérent aux
principes fondamentaux de la
commande publique 63
A. Les prémisses d'une formalisation juridique de la
performance par la
soumission des personnes publiques au droit de la concurrence
63
B. La consécration du principe d'efficacité de
l'achat public 67
Section 2. La caractérisation d'une obligation de
performance appliquée à l'achat public
71
I. L'obligation de performance ou la responsabilisation des
acheteurs publics 71
A. Typologie de l'obligation de performance 71
B. La difficile sanction de l'obligation 75
II. Le nécessaire contrôle de l'efficacité de
l'achat public 77
A. Un contrôle de l'efficacité encore insuffisant
77
B. Un contrôle de l'efficacité destiné
à se développer 82
166
PARTIE 2 : LA PRISE EN COMPTE DE L'EXIGENCE DE
PERFORMANCE PAR LE DROIT DE L'ACHAT
PUBLIC 84
Chapitre 1 : La performance mise en oeuvre « par »
et « pour » le contrat 85
Section 1. La performance « par » le contrat :
L'efficacité relative des contrats ayant la
performance pour objet 85
I. Les marchés de partenariat 85
A. L'esprit d'efficacité des marchés de
partenariat 85
B. Les dérives des marchés de partenariat 90
II. Les autres marché public globaux 93
A. Les marchés publics globaux de l'article 32 : une
exception au principe
d'allotissement 93
B. Les marchés publics globaux de la section 4 de la
nouvelle ordonnance 95
1) Des contrats globaux au service de l'efficacité 96
2) Un recours à la globalisation méconnaissant
parfois les exigences de
performance 98
Section 2. La performance « pour » le contrat : la
garantie effective d'une liberté
contractuelle suffisante 100
I. La limitation des montages contractuels complexes
justifiée par une exigence
de performance 100
A. Le développement des MCC au nom de la performance
100
B. Un rétrécissement bienvenu des montages
contractuels complexes 102
II. Une liberté contractuelle résiduelle 104
A. La liberté contractuelle comme prérequis
performanciel 104
B. Les nouvelles libertés des acheteurs publics 107
1) La procédure adaptée 107
2) La négociation 108
Chapitre 2 : Du juriste au manager de l'achat public
117
Section 1. L'achat public ou l'objectif d'équilibre entre
l'efficacité managériale et la
sécurité juridique 117
I. La sécurité juridique, gage
d'efficacité 117
A. La sécurisation du droit applicable 118
B. La sécurisation du contrat 121
1) Un contrat légal 121
2) Un contrat stable 122
II. L'efficacité et l'efficience, deux objectifs
injustement au second plan dans
l'établissement des politiques d'achat public 125
A. L'objectif juridico-managérial de la fonction achat,
au service de la
performance 126
B. Le nécessaire rééquilibrage des
impératifs d'efficacité et d'efficience en tant
qu'objectifs de la fonction achat 128
1) La difficile revalorisation des notions d'efficacité
et d'efficience 129
2) L'efficacité de l'achat public : une nouvelle
exigence du service public 132
167
Section 2. L'efficacité des hommes et des
procédures 135
I. La gestion contractuelle performante 135
A. Vers une passation plus efficace des contrats d'achat public
135
1) Une définition satisfaisante des besoins 135
2) Présentation de quelques techniques issues du droit
privé, véritables
leviers de performance lors de l'achat 138
|
|
a)
|
La segmentation des achats
|
138
|
|
b)
|
Le sourcing
|
139
|
|
c)
|
Le benchmarking
|
141
|
|
d)
|
Le raisonnement en coût global
|
142
|
3)
|
|
Une procédure à rationaliser
|
144
|
|
a)
|
La phase de candidature
|
144
|
|
b)
|
La phase de sélection des offres
|
146
|
|
c)
|
L'impact performanciel de la dématérialisation et
des nouvelles
|
|
technologies 147
B. Les pistes pour la performance de l'exécution
contractuelle 151
II. La professionnalisation des acheteurs publics, gage de
performance 156
A. La professionnalisation institutionnelle ou les bienfaits
économiques de la
mutualisation de l'achat public 156
B. Du juriste spécialisé en contrats publics au
manager de l'achat public 161
CONCLUSION 163
TABLE DES MATIÈRES 165
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l'efficacité énergétique
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relative à la passation de marchés par des entités
opérant dans les secteurs de l'eau, de l'énergie, des transports
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· CE, comm. sur le droit communautaire applicable aux
marchés publics et les possibilités d'intégrer des
considérations environnementales dans lesdits marchés (4 juillet
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marchés publics et les possibilités d'intégrer des aspects
sociaux dans lesdits marchés (15 octobre 2001, COM(2001)-566 final)
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constitutionnelles
· Loi organique n° 2001-692 du 1 août 2001
relative aux lois de finances
· Loi constitutionnelle n° 2005-205 du 1er mars
2005 relative à la Charte de l'environnement
Codes
· 173
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·
174
Code pénal
· Code des juridictions financières
· Code général des collectivités
territoriales
· Code civil
· Code général des
propriétés des personnes publiques
· Code de la santé publique
Lois
· Loi n° 95-115. 4 févr. 1995 relative à
l'orientation pour l'aménagement et le développement du
territoire
· Loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 relative aux
nouvelles régulations économiques
· Loi n° 2001-1248 du 21 décembre 2001 relative
aux chambres régionales des comptes et à la Cour des comptes
· Loi n° 2004-809, 13 août 2004 relative aux
libertés et responsabilités locales
· Loi n° 2005-32 du 18 janvier 2005, de programmation
pour la cohésion sociale
· Loi n° 2005-882, 2 août 2005, en faveur des
petites et moyennes entreprises
· Loi n° 2008-735 du 28 juillet 2008 relative aux
contrats de partenariat
· Loi n° 2009-179 du 17 février 2009 pour
l'accélération des programmes de construction et d'investissement
publics et privés
· Loi n° 2009-967 du 3 août 2009 de
programmation relative à la mise en oeuvre du Grenelle de
l'environnement, dite « loi Grenelle I »
· Loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant
engagement national pour l'environnement, dite « loi Grenelle 2 »
Ordonnances
· Ordonnance n°59-2 du 2 janvier 1959 portant loi
organique relative aux lois de finances
· Ordonnance n° 2004-559 du 17 juin 2004 sur les
contrats de partenariat
· Ordonnance n° 2009-1401, 17 novembre 2009 portant
simplification de l'exercice du contrôle de légalité
· Ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative
aux marchés publics
175
Décrets
· Décret n°85-801 du 30 juillet 1985 relatif au
statut et au fonctionnement de l'Union des Groupements d'Achats Publics
(UGAP)
· Décret n° 2001-210 du 7 mars 2001 portant
code des marchés publics
· Décret n° 2001-739 du 23 août 2001
relatif aux commissions spécialisées des marchés
· Décret n° 2004-1298 du 26 novembre 2004
relatif à diverses dispositions concernant les marchés de l'Etat
et des collectivités territoriales
· Décret n° 2009-300, 17 mars 2009 portant
création du service des achats de l'État
· Décret n° 2009-1279 du 22 octobre 2009
relatif à la commission consultative des marchés publics
· Décret n° 2011-1000 du 25 août 2011
modifiant certaines dispositions applicables aux marchés et contrats
relevant de la commande publique
· Décret n° 2012-1093 du 27 septembre 2012
complétant les dispositions relatives à la passation de certains
contrats publics
· Décret n° 2013-420 du 23 mai 2013 portant
suppression de commissions administratives à caractère
consultatif.
· Décret n° 2014-1097, 26 septembre 2014
portant mesures de simplification applicables aux marchés publics
· Décret n° 2015-1163 du 17 septembre 2015
modifiant certains seuils relatifs aux marchés publics
· Décret n° 2016-247 du 3 mars 2016
créant la direction des achats de l'Etat et relatif à la
gouvernance des achats de l'Etat
· Décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 relatif
aux marchés publics
Arrêtés
· Arrêté, 28 aout 2006 fixant la liste des
renseignements et des documents pouvant être demandés aux
candidats aux marchés passés par les pouvoirs adjudicateurs
· Arrêté, 21 juillet 2011 relatif au
recensement économique de l'achat public.
176
Circulaires
· Circulaires, 23 février 1989 relative au renouveau
du service public
· Circulaire, 26 juillet 1995 relative à la
préparation et à la mise en oeuvre de la réforme de l'Etat
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en oeuvre dans les marchés publics de bois et produits
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· Circulaire, 28 sept. 2005, sur le rôle exemplaire
de l'État en matière d'économies d'énergie
· Circulaire, 29 novembre 2005 relative aux contrats de
partenariat à l'attention des collectivités territoriales
· Circulaire, 17 janv. 2006, relative à la
modernisation du contrôle de légalité.
· Circulaire 2 mai 2008, relative à
l'exemplarité de l'État en matière d'utilisation de
produits issus de l'agriculture biologique dans la restauration collective
· Circulaire, 6 avril 2011, relative au
développement du recours à la transaction pour régler
amiablement les conflits
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définition des actes prioritaires en matière de contrôle de
légalité.
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Cours Administratives d'appel
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Auxiliaire des Parcs, n° 96BX01642
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Tribunaux administratifs
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Société Semica et commune de la Ciotat.
· TA Strasbourg, 30 nov. 1999, Préfet région
Alsace, préfet Bas-Rhin c/ communauté urbaine Strasbourg,
Sté Am Port'llnes.
· TA Grenoble 13 octobre 2000, Préfet de
Haute-Savoie, n° 00774
·
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TA Lille, 25 janvier 2011, Société Nouvelle SAEE,
n° 0800408
· TA Lille, 1er fév. 2016,
Société Agysoft, n° 1600193
Conseil Constitutionnel
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autorisant le Gouvernement à prendre diverses mesures d'ordre
économique et social
· Cons. Const., 16 déc. 1999, n° 99-421,
Loi portant habilitation du Gouvernement à procéder, par
ordonnances, à l'adoption de la partie législative de certains
codes
· Cons. Const., 6 décembre 2001, n° 2001-452
DC, Loi portant mesures urgentes de réformes à
caractère économique et financier
· Cons. Const., 26 juin 2003, n° 2003-473 DC, Loi
habilitant le Gouvernement à simplifier le droit
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anciennement Stagecoach Finland Oy Ab, et Helsingin kaupunki,
HKL-Bussiliikenne, aff. C-513/99
· CJCE, 12 déc. 2002, Universal Bau AG,
aff. C-470/99
· CJCE, 3 oct. 2000, University of Cambridge, aff.
C-380/98
· CJUE, 10 mai 2012, Commission / Pays-Bas, aff.
C-368/10
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