Conclusion partielle
En définitive, il faut retenir que la commune
d'arrondissement de Thiès-nord, située dans le centre ouest du
Sénégal, est caractérisée par un site propice aux
inondations même si sa situation géographique au carrefour des
grandes régions du pays lui confère certains avantages et est
favorable aux échanges économiques et sociaux.
A cette caractéristique du site s'ajoute une croissance
démographique importante qui est à l'origine d'une occupation
anarchique de l'espace. Les éléments de la zone qui favorisent
les inondations se résument ainsi :
-un relief qui fait de la zone un déversoir des eaux de
ruissellement issues du plateau de Thiès
-l'existence de sols peu perméables avec une infiltration
réduite ;
-une croissance démographique importante qui induit une
extension spatiale démesurée et une occupation anarchique de
l'espace.
Tous ces facteurs participent à l'aggravation du
phénomène d'inondation dans la ville car étant fragile
devant l'aléa climatique constitué par la variabilité
pluviométrique que nous tenterons de mettre en évidence dans la
deuxième partie de ce travail d'étude et de recherche qui traite
de la vulnérabilité de la commune d'arrondissement face aux
inondations.
47
DEUXIEME PARTIE : LA
VULNERABILITE AUX
INONDATIONS
48
La commune d'arrondissement de Thiès-nord, à
l'instar de la ville de Thiès fait face à de nombreux
défis liés au changement climatique particulièrement
à travers les évènements extrêmes qui le
ponctuent.
Parmi ceux-ci, les inondations constituent aujourd'hui
l'élément le plus caractéristique de la dégradation
de l'environnement. Ce phénomène a été longtemps
abordé comme un phénomène purement hydrologique et les
pluies ont toujours été au banc des accusés pour un
phénomène « dont la complexité dépasse
certainement le cadre climatique » (Sène et Ozer, 2002). Autrement
dit, les pluies ne sont pas uniquement responsables des inondations mais
d'autres facteurs entrent en jeu montrant la responsabilité humaine dans
ce phénomène.
Nous allons, dans une perspective de déterminer le
risque d'inondation dans notre zone d'étude, analyser les facteurs
entrant en jeu dans la construction du risque qui ne peuvent se résumer
aux éléments pluviométriques. C'est dans ce cadre que
s'inscrit la deuxième partie de ce travail qui s'intéresse
à la vulnérabilité aux inondations. L'approche de la
vulnérabilité devrait passer avant tout par la
compréhension de l'aléa climatique qui sera l'objet du premier
chapitre qui s'intéresse à l'analyse de la pluviométrie de
la zone.
Le deuxième chapitre s'intéresse aux facteurs
physiques de la vulnérabilité c'est-à-dire à
l'exposition du site de la zone d'étude à
travers la mise en évidence des différentes contraintes qui le
caractérisent.
Enfin, il s'agira de déterminer l'évolution de
l'urbanisation dans la zone et ses impacts sur la perturbation des
équilibres environnementaux qui aggrave l'exposition du site aux
aléas pluviométriques.
Nous essayons à travers cette partie, de montrer les
niveaux d'exposition qui définissent la vulnérabilité de
ce milieu urbain aux inondations.
49
Chapitre 1 : L'ALEA CLIMATIQUE
L'aléa climatique sera analysé en fonction du
paramètre pluviométrique. Ce choix répond à la
problématique de ce travail portant sur les inondations. Les
données qui seront traitées concernent la pluviométrie de
Thiès. Dans notre zone d'étude, la pluie est liée, comme
nous l'avons montré plus haut, à l'organisation du flux
de mousson. Celle-ci se caractérise par une variabilité
importante.
1-1 La variabilité pluviométrique
Pour déceler la tendance générale et
récente de la pluviométrie, nous avons utilisé les
données de la station de Thiès pour la période 1951-2012.
Ces données ont été recueillies à l'ANACIM.
Pour déterminer les caractères de la
distribution de la pluviométrie, nous avons adopté une analyse
statistique sur la base d'indice. Pour ce faire, nous avons utilisé la
méthode de l'Indice Standardisé des Précipitations ou
SPI.
L'indice standardisé des précipitations
(SPI)
L'indice standardisé des précipitations ou en
anglais Standardized Précipitations Index (SPI) est un indice
pluviométrique qui se caractérise par la simplicité de son
utilisation et a l'avantage de mettre en évidence les années
excédentaires et les années déficitaires.
Il s'écrit selon la formule suivante :
I = Pi -P/ó
Où Pi est le cumul pluviométrique
d'une année i ;
P, la moyenne de la série ;
ó, l'écart-type de la série.
Cet indice est en général utilisé pour
déterminer la sévérité de la sécheresse
(Sarr, 2008). Nous l'avons utilisé dans ce travail pour
déterminer aussi l'humidité car l'indice est un
élément essentiel pour caractériser la nature et
l'intensité de la pluviosité pour une station donnée
(Annexe 2).
50
Les données pluviométriques de la période
1951-2012 caractérisent, sur la base des indices standardisés des
précipitations, une station dominée majoritairement par une
humidité modérée et dans une moindre mesure par une
sécheresse modérée.
Tableau 2: Fréquence des années selon les
classes de SPI
Station
|
Total années
|
HE
|
HF
|
HM
|
SM
|
SF
|
SE
|
Année HE
ou HF
|
Année SE ou SF
|
Thiès
|
62
|
5
|
5
|
25
|
2
20
|
7
|
0
|
1954
|
1972
|
HE : humidité extrême ;
HF : humidité forte ; HM :
humidité modérée ; SM : sécheresse
modérée ; SF : sécheresse forte ;
SE : sécheresse extrême
Notre station compte 40% d'années d'humidité
modérée et 32% d'années de sécheresse
modérée. Elle n'a pas enregistré de sécheresse
extrême mais compte 5 années d'humidité extrême. La
comparaison entre années d'humidité et années de
sécheresse est à la faveur de l'humidité avec 35
années d'humidité contre 27 années de sécheresse
(Tableau 2).
En effet, cette prédominance des années humides
s'explique par les deux décennies d'avant 1970, année de
référence du début de la sécheresse et ces
dernières années. Notons que l'année 1968 avait
annoncé le début de cette modification dans l'évolution
pluviométrique. Avec une anomalie standardisée de -1,3, elle
constitue la seule année déficitaire de la décennie
1961-1970. Sur la période 1951-1970, trois années seulement sont
déficitaires dont deux caractérisées par des
sécheresses modérées en l'occurrence 1959 et 1970 avec
respectivement des anomalies standardisées de -0,3 et -0,2.
Sur toute la série couvrant la période 1951-2012
(Figure 16), les cinq années les plus humides sont
enregistrées dans la période précédent la
sécheresse avec un maximum en valeur absolue pour l'année 1954
qui a enregistré un cumul annuel de 996,9 mm. Ces années sont
caractérisées par des humidités extrêmes. Elles ont
été d'ailleurs les seules à avoir cette situation.
Ecarts
-0,5
-1,5
2,5
0,5
1,5
-1
-2
2
0
3
1
1951 1954 1957 1960 1963 1966 1969 1972 1975 1978 1981 1984 1987
1990 1993 1996 1999 2002 2005 2008 2011
années
51
Figure 16 : Ecarts normalisés de la
pluviométrie de 1951 à 2012 à Thiès
Les années de sécheresse sont plus
marquées à partir de 1970 mais sont entrecoupées par des
années excédentaires. En effet pour la période 1970-1980,
dominée par des années déficitaires, on note des
années d'humidité modérée (1971, 1974, 1975, 1978
et 1979) qui ne font que confirmer la grande variabilité
pluviométrique de Thiès.
La véritable période sèche de notre
station part de 1980 avec une succession régulière de huit
années déficitaires de 1980 à 1987 avec un paroxysme de la
sécheresse en 1983 qui a une anomalie standardisée de -1,3
(sécheresse forte).
Cette même tendance sèche a été
observée dans les années 1990 avec une série
d'année de sécheresse modérée de 1990 à 1994
et de 1996 à 1998. Seules deux années ont été
excédentaires avec des humidités modérées. Il
s'agit de 1995 et de 1999.
De cette évolution de la pluviométrie, nous
considérons que la véritable période sèche de la
ville de Thiès est constituée par la série 1980-2000
où 16 années sur 20 ont été déficitaires.
Cette période est charnière dans l'évolution
socio-démographique de notre zone d'étude car elle a quelque part
influencé la croissance urbaine de la commune d'arrondissement de
Thiès-nord.
Concomitamment à cette baisse
généralisée de la pluviométrie, une période
d'humidité s'installe progressivement à partir de 2000 même
si elle est entrecoupée par des années de sècheresses
modérées en 2002, 2003, 2004, 2005.
Toutefois depuis 2006, notre station enregistre des
années excédentaires avec une succession régulière
de huit années excédentaires. Jamais depuis la décennie
1951-1960, Thiès n'a enregistré cette succession d'années
d'humidité. Elles sont modérées certes mais indique une
tendance à la hausse de la pluviométrie qui nous amène
à penser à un retour sporadique des précipitations
même s'il serait tôt de parler d'une normalisation de la
pluviométrie.
La pluviométrie, par le biais de cet indice
standardisé, est caractérisée par sa grande
variabilité. Les écarts normalisés peuvent varier d'une
année à une autre. Cette situation peut s'expliquer d'une part
par le caractère variable de la mousson18et d'autre part par
l'apport des différentes perturbations telles que les lignes de grains
développées dans la première partie de ce travail.
Par rapport aux années 1970 et 1980
caractérisées par la sécheresse au Sénégal
(Ndong, 1995), nous constatons que ces dernières années sont
marquées par une pluviosité assez importante comme l'atteste les
écarts normalisés de la pluviométrie. Les sept
dernières années de la série (de 2006 à 2012) ont
enregistré des pluies supérieures à la moyenne.
Cette tendance s'exprime par les séquences
d'années observées dans l'évolution de la
pluviométrie. Les années 1980 et 1990 ont été
caractérisées par une succession d'années sèches de
1981 à 1987 et de 1991 à 1994. Cependant, depuis ces
dernières années, l'espoir de voir les pluies, revenir à
la normale, semble nourri si l'on observe la séquence 2006 à 2012
caractérisée par une succession d'années humides.
Cet espoir est aussi confirmé par
l'évolution décennale de la pluviométrie
à Thiès.
Pour l'illustrer, nous avons fait une comparaison des moyennes
décennales des précipitations à la normale 1961-1990.
L'analyse décennale de la pluviométrie montre
une décennie 1951-1960 très pluvieuse avec un écart de
294,3 mm. Elle est suivie par une autre décennie 1961-1970 pluvieuse
avec un écart de 96,8 mm (Figure 17).Ces deux
décennies témoignent des périodes humides observées
dans notre zone. A partir de 1970, date de référence du
début de la sécheresse au Sénégal, notre station
est caractérisée par une succession de périodes
sèches. Les décennies 1971-1980, 1981-1990 et 1991-2000 ont
chacune un écart négatif et illustrent la longueur de
52
18 Cours de Climatologie tropicale, Licence 3
Géographie, 2011
53
la sécheresse qui a caractérisé la ville
de Thiès. En même temps ces périodes méritent notre
attention en raison de l'influence qu'elles ont eue sur l'évolution
socio-démographique de notre zone d'étude.
1951-1960 1961-1970 1971-1980 1981-1990 1991-2000 2001-2010
décennies
Ecarts en mm
-100
250
200
350
300
150
100
-50
50
0
Figure 17: Ecarts des moyennes décennales par
rapport à la normale 1961-1990
Cependant, depuis le début du siècle, on note un
retour sporadique des précipitations comme l'atteste la
décennie 2001-2010 qui compte un écart positif de 9,6 mm.
Certes cette valeur est loin d'atteindre celles
observées avant la sécheresse, mais cette décennie plaide
pour se différencier des trois précédentes et
témoigne d'une tendance à la hausse de la pluviométrie qui
caractérise la ville de Thiès. Elle coïncide aussi aux
inondations enregistrées dans la commune d'arrondissement de
Thiès-nord.
Il serait très tôt de parler d'un retour à
des conditions normales de la pluviométrie, c'est-à-dire aux
conditions d'avant sècheresse. Toutefois, la tendance de la
pluviométrie et les analyses décennales de la pluviométrie
mériteraient une attention particulière notamment dans
l'aménagement de la commune d'arrondissement de Thiès-nord.
54
|