SECTION II. LES COMITÉS D'ENTREPRISE : LA
REPRISE DU MODÈLE DE L'USINE CHRÉTIENNE, VÉRITABLE
COMPROMIS SOCIALE
À la libération, une chose est claire, il faut
refonder le système social et fermer la parenthèse Vichy. Dans le
domaine des entreprises, plusieurs modèles s'offrent au
législateur notamment au niveau des comités qui devront
succéder aux fameux comités sociaux
d'entreprise (§ 1). Cependant tous les observateurs s'accordent
à dire que le modèle le plus abouti reste celui retenu par la loi
du 16 mai 1946 (§ 2).
§ 1. Les
modèles envisagés à la libération
Plusieurs projets concernant le cadre à donner aux
nouveaux comités en entreprise vont être proposés. Ces
projets s'intéressent surtout à l'aspect à donner à
la participation des travailleurs à la vie de l'entreprise. Il y a le
programme du Conseil national de la Résistance (CNR) qui sera
jugé trop ambitieux (B) avant lui, le modèle du Val apparait
plus réaliste (A).
A. Le modèle du
Val : un modèle assis sur les deux piliers des futurs
comités d'entreprise
L'usine chrétienne combine deux types de
modèle :
Le premier peut être qualifié de paternaliste ou
de patronaliste selon le terme-valise inventé par un inspecteur du
travail. Il est qualifié ainsi car son existence et ses modalités
d'applications dépendent du chef d'entreprise. C'est dans ces
modalités que le patronalisme trouve l'essentiel de ses
caractéristiques propres. Il s'agit d'écarter toute intrusion
extérieure à l'établissement en instituant une
autoreprésentation des salariés non contaminés par la
parole syndicale. Dans cette perspective, les représentants sont choisis
pour favoriser le rôle de gestionnaire des oeuvres sociales de
l'entreprise. Ces oeuvres sociales qui sont aussi un moyen d'augmentation des
rémunérations, nécessaires pour fixer sur place des
ouvriers qui peuvent être attirés ailleurs. Ce modèle, on
le retrouve dans le conseil d'usine du Val. Il est aperçu
également dans les comités sociaux d'entreprise. Son
utilité est si évident que le commissariat aux affaires sociales
du G.P.R.F. envisage dès le début 1944, à Alger de le
pérenniser après la Libération. Malgré l'abrogation
de la charte du travail, la grande majorité d'entre eux continue de
fonctionner jusqu'à la mise en place des comités d'entreprise.
C'est ce modèle toutefois adapté aux circonstances politiques du
moment que les organisations patronales défendent lors de
l'élaboration de l'ordonnance du 22 février 1945.
Le second modèle qu'on qualifiera de participatif
valorise la participation plutôt que la revendication avec un double
objectif d'information du chef d'entreprise sur l'état d'esprit des
salariés et, à l'inverse, à l'apprentissage par ces
derniers des contraintes qui pèsent sur l'entreprise. Il a donc un
objectif pédagogique, facilitant par la même la
compréhension des choix patronaux et l'obéissance à
l'autorité légitimée. Selon ce modèle, la
représentation est pensée comme globale. Tous les aspects de la
gestion de l'entreprise : les questions financières (les avis et
les propositions sur les salaires), les questions techniques(le
perfectionnement des machines) et professionnelles étant incluses dans
la compétence des organes de représentation. Le but étant
dans ce modèle d'arriver à une véritable
coopération entre les employeurs et les employés afin de gagner
le pari de la compétitivité, de la productivité. On le
retrouve dans le conseil d'usine du Val.
S'appuyant sur ces précédents, le
législateur à la Libération institue les comités
d'entreprise.
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