V.5.2.2. Le zonage
Le zonage définit les usages du terrain permis dans des
zones spécifiques délimitées. Il comprend principalement
deux techniques : la délimitation d'une zone agricole
protégée et le zonage en grappe (cluster zoning).
Principalement mise en oeuvre au niveau local, une zone
agricole protégée identifie une ou plusieurs zones où
l'agriculture est l'usage privilégié du sol et décourage
(sinon interdit)
25
d'autres usages. Le but est de limiter
les conflits d'usage en séparant les activités agricoles des
autres et de protéger une masse critique d'exploitations et de terres
agricoles. L'identification de la zone est généralement
basée sur des critères de localisation et de qualité du
sol. Ce type de zonage peut aussi spécifier le nombre d'habitations par
km2, la taille minimale des terrains ou autoriser des
activités commerciales (vente directe). Au-delà de son impact sur
l'activité agricole, ce zonage permet aussi de maintenir l'espace non
bâti et de limiter la spéculation immobilière, le tout
à un coût réduit pour le contribuable. Cette technique,
toutefois, requiert des terrains importants (ou nombreux) et contigus et des
éléments sur la taille minimale des lots. De plus, la zone
ciblée peut être parsemée de propriétés ; les
propriétaires fonciers ne sont pas indemnisés pour la restriction
d'usage ; les collectivités peuvent changer le zonage et les terrains
sont vulnérables à l'annexion.
Également mis en oeuvre au niveau local, le zonage en
grappes permet ou exige que les bâtiments soient groupés sur des
terrains dont la taille minimale est importante. Ce zonage est parfois
utilisé, aussi, pour accorder aux promoteurs un bonus de densité
sur un site tandis que la portion du terrain qui n'est pas bâtie est
sujette à une servitude de protection. Le zonage en grappes permet un
développement moins coûteux que le mode périurbain
classique et plus sensible à la protection de l'environnement. Les
détracteurs de cette technique soulignent qu'elle protège
davantage le foncier que l'activité agricole parce que les
propriétaires du terrain protégé peuvent ne pas vouloir
louer leur propriété en raison des nuisances potentiellement
associées à l'agriculture.
V.5.2.3. L'acquisition de propriété
Il existe trois principaux outils d'acquisition de
propriété pour la protection des espaces agricoles et naturels :
le programme d'achat de droit à bâtir (purchase of development
right), le programme de transfert de droit à bâtir
(transfer of development right) et la fiducie foncière
privée (private land trust), qui tous reposent sur un droit
à bâtir négociable. D'autres techniques existent, comme
l'achat de propriété traditionnel (qui porte sur l'ensemble du
faisceau de droits) ou l'expropriation.
Essentiellement mis en oeuvre par les États, le programme
d'achat de droit à bâtir consiste à payer les
propriétaires fonciers pour qu'ils ne construisent pas sur leur
terrain, ce qui offre une protection plus forte et plus durable que le zonage.
Un propriétaire vend le droit à bâtir à une agence
gouvernementale ou une organisation de conservation privée, qui en
général lui 26
paie la différence entre la valeur
du foncier non bâti et celle constructible : la valeur de la servitude.
Cette dernière correspond à l'usage « le meilleur et le plus
élevé » (highest and best use), en
général résidentiel ou commercial. Ainsi, l'acheteur
acquiert la responsabilité d'imposer la servitude de protection
tandis que le vendeur est indemnisé pour la perte du droit à
bâtir. Les États peuvent jouer plusieurs rôles dans
l'exécution de ce type de programme, dont le partenariat avec les
collectivités locales pour acheter des servitudes.
Le programme d'achat de droit à bâtir est
intéressant pour les propriétaires et la société.
Pour les propriétaires, la technique capte la plus-value du terrain et
l'indemnité peut servir à rembourser des emprunts ou
réaliser des investissements. La valeur plus faible du terrain devenu
non constructible facilite la reprise des exploitations ou les nouvelles
installations. De plus, les propriétaires peuvent recevoir des
crédits d'impôt et restreindre l'accès à la
propriété qui demeure privée. Par rapport à la
société, cet outil permet une protection permanente, aide
à maintenir une masse critique de foncier non bâti et évite
la question du taking. Les collectivités peuvent aussi cibler
les terrains. Cependant, ce programme peut s'avérer coûteux pour
une commune, avec opposition possible des contribuables. Il peut ainsi
être difficile de protéger une surface significative et le
programme peut résulter en un archipel de terrains
protégés. Une diversité de moyens existe pour lever les
fonds nécessaires, y compris dons privés, contributions
croisées des collectivités et taxation locale.
Généralement établi au niveau local, un
programme de transfert de droit à bâtir est utilisé pour
déplacer le développement d'une zone agricole ou naturelle vers
une zone de croissance plus proche des équipements. Le droit de
construction est transféré d'une zone émettrice vers une
zone réceptrice, de sorte qu'une servitude de protection permanente
restreint l'usage de la zone émettrice tandis que la zone
réceptrice peut être bâtie à une densité plus
élevée que celle normalement permise par le zonage. Le
gouvernement peut assumer plusieurs rôles : soit les collectivités
approuvent les transactions entre propriétaires privés et
promoteurs et contrôlent les servitudes ; soit les collectivités
créent des banques de transfert qui achètent les droits à
bâtir des propriétaires et les revendent à des promoteurs
souhaitant construire à des densités plus élevées
(Daniels & Bowers, 1997 cités par Dissart, 2006).
Ainsi, mettre en place un programme de transfert requiert : 1)
l'identification d'une zone à protéger, 2) l'identification d'une
zone de croissance, 3) un ensemble de droits à bâtir, et 4) une
procédure par laquelle les droits de construction sont
transférés d'une propriété à l'autre
27
(Daniels & Bowers, 1997 cité
par Dissart, 2006). Un programme de transfert offre tous les avantages d'un
programme d'achat. De plus, il est davantage guidé par le marché
et peut ne pas requérir de fonds publics. Ce programme est flexible,
pouvant servir à protéger des terres agricoles aussi bien que des
zones écologiquement sensibles ou des monuments historiques.
Bien que théoriquement efficace, la technique de
transfert n'a pas été beaucoup utilisée en raison de sa
complexité. Les propriétaires voisins de la zone
réceptrice peuvent aussi s'opposer à une densité plus
élevée (phénomène NIMBY). Enfin, les crédits
de transfert sont généralement basés sur la surface
possédée et pas nécessairement sur la localisation, la
qualité des sols ou l'accès aux équipements (Daniels,
1999b cité par Dissart, 2006).
Une fiducie foncière est une
organisation de conservation privée, à but non lucratif,
créée pour protéger les ressources naturelles (ainsi que
les monuments historiques) pour le public. Une fiducie foncière
achète ou accepte des dons de servitudes de protection, d'argent ou de
propriété. Elle a aussi pour mission d'éduquer le public
et peut conseiller les collectivités et particuliers en matière
de planification immobilière. Les avantages de cet outil sont multiples
: protection permanente du foncier, possibilité de forger des
partenariats publics-privés à faible coût pour la
collectivité, déductions fiscales pour les donateurs alors que le
terrain demeure en propriété privée, enfin le terrain
reste dans l'assiette fiscale. Les inconvénients incluent le manque de
fonds, la possibilité de créer des îlots de protection
dispersés, peu de contrôle des collectivités sur la
désignation des zones à protéger et des incitations
fiscales insuffisantes pour nombre de propriétaires. Toutefois, Daniels
(1999b cité par Dissart, 2006) estime que les fiducies foncières
sont des outils prometteurs en zone périurbaine.
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