CONCLUSION GENERALE
Ici fini notre travail. Cette conclusion n'est pas un fait du
hasard. Elle fait suite à une analyse critique du Droit civil congolais,
pris dans son aspect familial,spécialement en matière des
successions et libéralités.
Les lignes qui précédent ont remis en cause
l'organisation de la succession au Congo, en ciblant les cas insusceptibles de
favoriser l'égalité entre héritiers réservataires,
surtout ceux de la première catégorie. Analysant ces cas, il
s'est avéré que le Droit congolais en la
matièreprésente des faiblesses, soulève des
problèmes, engendre des difficultés, fait surgir des questions et
suscite des critiquesacerbes.
Pour pouvoir les analyser dans toute leur complexité,
le pragmatisme nous a imposé un cheminement logique divisé en
quatre temps forts, qui ont constitué chacun un chapitre dans ce
travail.
Dans le premier chapitre, il a été question
d'esquisser les notions fondamentalement liées aux successions, car il
était impropre d'entamer une étude sur une matière
complexe comme l'est celle des successions sans avoir circonscrit les concepts
fondamentaux opératoires revenant de manière récurrente
dans son corps, de peur que leurcompréhensionlacunaire ou approximative
ne rende hypothétique la compréhension de tout le travail.
Ainsi, était-il question premièrement de savoir
ce qu'il fallait entendre par succession, qui n'est rien d'autre qu'un mode de
transmission des biens d'une personne morte aux vivantes appelées
à lui succéder. Ensuite, nous avons déterminé les
modes de transmission des biens d'une personne décédée,
avant de dire unmot sur l'ouverture de la succession et ses causes, car si
chacun est appelé à laisser une partie de ses biens à ses
héritiers, il ne faut pas que ceux-ci se les approprient avant le moment
indiqué, sous peine de violer la loi en faisant des pactes sur
successions futures. Pour cette raison, la succession ne peut valablement
s'ouvrir qu'après la mort du de cujus ou après qu'un tribunal
compétent ayant respecté les formalités légales
exigées ait prononcé un jugement déclaratif de
décès contre l'absent ou le disparu.
En outre, si la liste des héritiers d'une personne peut
être longue, tous les héritiers légaux n'héritent
pas ensemble, il y en a qui ne seront appelés qu'à défaut
des autres qui sont considérés comme des grands
bénéficiaires de la succession. Mais, qu'on soit prioritairement
ou subsidiairementappelé à une succession, il faut pour y prendre
part remplir les conditions de successibilité en existant au moment de
l'ouverture de la succession, sous réserve de la représentation
successorale et en étant digne d'y venir.
Le chapitre suivant était axé sur les
libéralités en Droit congolais. Il s'est préoccupé
à démontrer que tout homme est libre de disposer de son
patrimoine à sa guise, à titre onéreux ou gratuit. Mais,
lorsque celui-ci se décide de le faire à titre gratuit, il doit
être conscient qu'il pose un acte dangereux pour lui même, pour sa
famille, ses créanciers et peut être pour son donataire.
Au regard de cette dangerosité des actes à titre
gratuit, le législateur s'en méfie et met sur pied des
mécanismes tendant à limiter le droit de disposer à titre
gratuit. En effet impose- t-il le respect de la réserve successorale en
disposant expressément que chacun, même s'il est animé d'un
esprit le plus philanthropique qui n'ait jamais existé, doit donner
gratuitement au moins le quart de son patrimoine et garder obligatoirement le
reste pour ses héritiers, car il n'est pas seulement bon d'assurer la
vie aux enfants lorsqu'on est encore vivant, il faut aussi leur donner le moyen
de conserver cette vie qu'on leur a donné au moment où l'on ne
sera plus.
Pour assurer l'efficacité de cette mesure salvatrice,
le législateur a mis sur pied des mécanismes susceptibles de
ramener la situation à la normale, si le de cujus de son vivant s'est
montré intraitable en portant atteinte à la réserve des
héritiers. Ainsi, a- t- il prévu la réduction des
libéralités excessives, à coté de la
caducité des legs lorsque les donations entre vifs épuisent
déjà la quotité disponible et le rapport des
libéralités entre héritiers.
Si les deux premiers mécanismes tendent au respect de
la réserve, le rapport successoral quant à lui soutient
l'égalité parfaite entre héritiers.
C'est bien de cette égalité entre
héritiers que le troisième chapitre s'est chargé
d'étudier. Il s'est voulu plus pratique en démontrant que
l'intention du législateur à ce sujet comporte les germes de son
anéantissement, dans la mesure où, le code de la famille comporte
des dispositions à la limite contradictoires, théoriquement
favorisant l'égalité du traitement entre héritiers, mais
faisant au fond le contraire en édictant des normes peu susceptibles de
plaider en faveur de cette égalité.
Après avoir dit un mot lapidaire sur les
inégalités décriées en doctrine comme celles dans
laquelle se trouvent les enfants adoptifs qui héritent doublement ;
des enfants nés hors mariage et non affiliés du vivant du de
cujus qui ne sont pas sur la liste des héritiers en Droit
congolais ;des enfants sous la paternité juridique qui
n'héritent ni de leurs pères biologiques inconnus, ni de leurs
pères juridiques, nous nous sommes taillés un chemin original sur
le roc, en ciblant d'autres cas d'inégalités peu ou presque pas
décriés. Il s'est agit en effet de l'inégalité qui
résulte lorsqu'un successible donataire du de cujus renonce à la
succession du donateur, dans le but de garder pour lui seul le
bénéficeintégral de la donation à lui faite, alors
qu'elle était présumée faite en avancement d'hoirie,
faussant ainsi le calcul du de cujus au grand mécontentement de ses
cohéritiers.
Certes, Cette renonciation, que nous avons qualifiée
dans ce travail de renonciation de mauvaise foi présente un
caractère à la foi injuste, égoïste et
déshonorant, pouvant conduire à l'affaiblissement des liens
familiaux, si non au déchirement de la famille et au trouble
éventuel de l'ordre public. Ainsi,a- t- on proposé que la loi
prévoitdésormaisque la condition résolutoire est toujours
sous entendue dans toute donation faite à un
héritierréservataireprésomptif renonçant à
la succession du donateur par mauvaise foi.
Ensuite, partant des conclusions de terrain, nous avons
constaté que la dispense de rapport qu'elle soit conventionnelle ou
légale, peut à certains moments, amener à
l'inégalité entre héritiers. Cette
inégalité, peut être acceptable lorsqu'elle est
recommandée par certaines circonstances facilement acceptables par les
cohéritiers du bénéficiaire.
Toutefois, au sujet de la dispense légale de rapport,
nous avons estimé que le législateur a commis une erreur de
transplanter sans réserve l'article 852 du code civil français au
Congo spécialement dans l'article 860 du CF., alors qu'il comporte des
réalités étrangères à la mentalité et
même au Droit congolais. Cette transplantation méconnait qu'au
Congo il existe une obligation coutumière imposant la restitution de la
dot ayant servi au mariage du donataire. Pour y remédier, nous avons
estimé qu'il y avait lieu que l'article 860 du code de la famille soit
désormais conçu comme suit : « les frais de
nourriture, d'entretien, d'éducation, d'apprentissage, les frais
ordinaires d'équipement, ceux des noces sous réserve de la
coutume, ainsi que les présents d'usage ne doivent pas être
rapportés à condition qu'ils soient en rapport avec la fortune du
donateur et qu'il n'en résulte aucundéséquilibre excessif
défavorable aux cohéritiers du donataire.»
Enfin, ce chapitre s'est aussi focalisé sur une autre
inégalité de fait, apparemment non imaginée. C'est celle
existant entre héritiers majeurs et ceux mineurs qui sont pourtant
appelés à la succession de leur auteur sur un pied
d'égalité et tiennent à avoir les mêmes lots comme
le veut la loi, alors que les mineurs ont tout à faire devant eux.
A notre avis, adhérer sans réserve à
l'égalité interprétée comme la possibilité
d'avoir les mêmes lots si pas en nature, mais du moins en valeur serait
cautionner un retour tacite au privilège de primogéniture.
D'où avons-nous estimé que lorsqu'à une succession, sont
appelés les héritiers mineurs en concours avec les majeurs,
ceux là soient favorisés pour leur permettre de s'épanouir
aux frais de leurs père et/ou mère.
Pour ce faire, nous avons proposé un partage
inégal consensuel tenant compte des intérêts des
héritiers vulnérables. Mais comme il faut
unerèglegénérale à ce sujet, nous
préférons que la loi prévoie un droit préciputaire
légal au profit des héritiers mineurs, destiné à
concurrencer mieux à égaliser les chances entre héritiers.
C'est d'ailleurs en ce sens que l'on devait entendre l'égalité
dans le partage qui voudrait que la loi fasse des distinctions
justifiées c'est - à- dire fondées sur des
différences de situations ou d'utilité commune. Comprendre par
égalité successorale le traitement identique, serait
préjudiciable à quelques héritiers.
Mais le constat sur terrain est attristant. La population de
Mbujimayi affiche une connaissance si pas nulle, mais au moins très
lacunaire en Droit successoral. Elle prétend connaître, alors
qu'elle dit effectivement le contraire de la loi, soit en voulant tout laisser
aux héritiers de la première catégorie alors que le
concours entre celle-ci et la deuxième est légal et
réglementé, soit elle prétend que c'est la deuxième
catégorie qui va favorite au regard du rôle que ses membres jouent
dans la famille du de cujus.
Cette ignorance de la loi successorale se rencontre presque
dans toutes les composantes du Droit des successions. Ce qui expose souvent les
enfants du de cujus, surtout les mineurs d'entre eux qui,mal encadrés
par les spoliateurs de leurs lots successoraux, finissent leur aventure sur la
rue ou au marché, alors qu'une gestion adroite de la succession des
auteurs de leurs jours pouvait bien leurs éviter cela comme sort.
Que faire pour éviter ces conséquences ?
C'estle chapitre quatrième qui réponden souhaitant que la justice
soit bien rendue. Que disons-nous ? Justice!Parlons-en. Elle aussi
curieusement fait défaut ou est mal distribuée, par des mains non
expertes, moins rodées violant à leur tourla loi en la
matière.
Mais que peuvent faire cesjuges, en face d'une loi où,
ils cherchent en vain la sanction applicable à celui qui la viole. Nous
avons proposé en attendant que le législateur s'y penche
résolument enprévoyant des sanctions appropriées, capables
de dissuader les spoliateurs successoraux, que les juges fassent recours au
décret du 06 août 1922 qui prévoit les sanctions
applicables aux infractions à l'égard desquelles la loi ne
détermine pas des peines particulières.
Voila qui prouve que les objectifs de ce travail sont
atteints. Ceux de plaider en faveur d' un Droit successoral juste,
équilibré tendant non pas à l'égalité
parfaite aveugle, mal définie et mal interprétée, mais un
Droit qui cherche une égalisation des chances et d'opportunités
pour tous les héritiers réservataires. Un Droit fondé sur
la précision que les différences de traitement justifiées
ne sont pas un recule sur la voie de l'égalité, mais une
avancée significative qu'il faut encourager quelqu'en soit le prix.
Notre intention dans ce travail n'a pas été de
résoudre toutes les questions du Droit civil congolais des successions
et libéralités, mais de rendre compte comme avant gardiste d'un
nouveau débat susceptible de susciter dans l'opinion doctrinale, les
études de nature à éclairer les pas du législateur
dans la prochaine codification de notre Droit de la famille.
Ainsi, ceux qui se focaliserontsur l'équité
qu'il ya à laisser le conjoint survivant séparé en biens
dans la deuxième catégorie des héritiers si le de cujus
était le seul à travaillerau ménage ; sur la
nécessité qu'il ya de maintenir le partage par tête ou
à promouvoir la fente successorale lorsqu'à la succession
viennent les héritiers destroisième et quatrième
catégories des lignes maternelle et paternelle, feront une bonne chose
de compléter ce travail en étudiant les aspects qu'il a
négligé à dessein.
Toutefois, si les réflexions contenues dans ces pages
pouvaient constituer une sous farde du dossier de la réforme du Droit
civil congolais, nos sacrifices, nos privations, nos analyses et notre
abnégation n'auront pas été vains.
Puisse le lecteur qui arrive au bout de ce travail, pardonner
les entorses qu'il aura rendu à l'académisme.
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