La fiscalité minière des exploitations artisanales: cas de la cassitérite et du coltan au nord Kivu et au sud Kivu( Télécharger le fichier original )par Desso KANINGINI WAKUSOMBA Université pédagogique nationale - DEA 0000 |
CHAPITRE Ier : APERCU SUR LA FISCALITE CONGOLAISELes Etats, autant que toutes les autres organisations, ont une vie. Ils doivent de ce fait maintenir leur existence en assurant leur propre fonctionnement, c'est-à-dire, le fonctionnement de toutes les structures qui les composent. Ce fonctionnement ne s'arrête pas au maintien des structures dans leurs états primaires, mais également à leur évolution, à leur développement. En tant que tel, il se manifeste des objectifs à atteindre. L'atteinte desdits objectifs et le maintien en tant que personne à part entière ou structure ou encore entité fait apparaître des besoins qu'il faut à tout prix satisfaire. Ainsi, tout Etat moderne est donc confronté à des multiples besoins nécessités aussi bien par son fonctionnement (payer les fonctionnaires et les fournisseurs, entretenir les locaux et le matériel, distribuer des subventions et des secours,...) que par la recherche permanente du bien-être de ses populations dont il a l'obligation d'assurer non seulement la survie mais, en réalité, à fournir des conditions de vie acceptables. C'est sa capacité à subvenir à ses besoins propres et à ceux de ses populations qui fait d'un Etat un véritable Etat, responsable et respectable. Et le problème est que, pour ce faire, l'Etat a besoin de ressources financières ; de beaucoup de ressources sans lesquelles son action ne peut aboutir. Ces ressources, l'Etat doit les réunir à partir des sources internes et même, de temps en temps, des sources extérieures. L'Etat doit alors disposer de plusieurs sources susceptibles de lui fournir de ressources pour le financement de son action. L'Etat doit avoir suffisamment de moyens pour être en mesure d'agir confortablement face à ses multiples obligations et manifester ainsi et sa souveraineté et sa puissance. Car, plus un Etat possède de richesses, plus il est puissant et peut s'imposer dans le concert des nations. Aussi, l'Etat ne se définit pas seulement par la souveraineté qu'il détient et la contrainte qu'il exerce sur les gouvernés ; l'autorité de l'Etat dépend très largement aussi des ressources dont il dispose. Par sa gestion, par sa politique budgétaire, l'Etat doit arriver à mettre en place une adéquation entre les ressources qu'il perçoit et les dépenses qui lui incombent. Une orthodoxie dans cette adéquation permettra alors de parvenir à la satisfaction des besoins conduisant à un bien-être général ou mieux à la satisfaction de l'intérêt général. Ainsi, avant d'aborder l'aperçu sur la fiscalité Congolaise, nous avons jugé utile de donner quelques indications sur les ressources publiques en général (dont la fiscalité n'est qu'un pan) et sur celles de la République Démocratique du Congo de façon particulière. I.1 Notions générales sur les ressources publiques.Les ressources publiques sont un élément des finances publiques c'est-à-dire des voies et moyens par lesquels l'Etat se procure et utilise des ressources nécessaires à la couverture des dépenses publiques. Comme dit plus haut, chaque Etat en tant qu'organisation, est confronté à des besoins de tous genres. Il pourvoit à ses besoins ou mieux aux dépenses publiques au moyen de différentes ressources c'est-à-dire différents moyens par lesquels il se procure de l'argent. Il faut comprendre qu'une recette ou ressource publique est une rentrée au profit d'une personne publique ou perçue par les administrations publiques. Les recettes publiques recouvrent les prélèvements obligatoires et certaines recettes qui ne constituent pas des prélèvements obligatoires. Le niveau des recettes publiques détermine celui de la puissance et de l'hégémonie d'un Etat. Car, « l'histoire montre qu'un Etat ne peut jouir d'une pleine autonomie et ne peut exercer une pleine souveraineté que lorsqu'il a réussi à centraliser entre ses mains la totalité des services financiers, à encaisser tous les revenus auxquels il a droit, pour payer lui-même toutes les dépenses dont il a la charge sur toute l'étendue du territoire ».19(*) Les dépenses conditionnant les ressources, l'action de l'Etat est ainsi suspendue sur la matérialisation des moyens de mobilisation de ses ressources. Or, comme on le sait, il existe une corrélation entre les systèmes financiers (et donc le niveau des recettes publiques) et la gouvernance des Etats. Les recettes de l'Etat déterminent sa gouvernance. Car, un Etat sans ressources nécessaires est à la merci d'un diktat de donateurs sur sa façon de diriger ; et n'a donc pas de mainmise sur toutes ses actions ; la santé politique d'un Etat transparaissant de la situation de ses finances. Il sied, à ce stade, de distinguer ou ne pas confondre les ressources publiques ni avec celles de l'Etat, ni avec celles des personnes publiques. Elles s'intéressent certes à l'Etat mais aussi aux collectivités territoriales, aux établissements publics et même encore, de plus en plus, à des organismes privés chargés des missions dévolues aux services publics. Cela est très vérifiable dans le cadre de ce travail où les taxations partent des entités et organismes de base et divers à l'Etat, entendu comme gouvernement central. L'essentiel des ressources publiques des Etats modernes provient de la fiscalité. Mais il y a lieu de « distinguer plusieurs catégories de ressources publiques : certaines sont qualifiées de permanentes ; il s'agit des ressources fiscales et non fiscales. Il peut cependant arriver que ces ressources permanentes soient insuffisantes ou qu'elles entrent irrégulièrement dans les caisses de l'Etat; il est alors recouru à des ressources dites temporaires, parmi lesquelles on classe le trésor public, l'emprunt et aussi l'émission monétaire. Une troisième catégorie de ressources est constituée par celles qu'on qualifie de ressources exceptionnelles, lesquelles proviennent des appuis financiers et autres interventions financières des bailleurs de fonds bilatéraux et multilatéraux ».20(*) En résumé, les ressources publiques sont constituées essentiellement : -des impôts et taxes ; -des revenus domaniaux ; -des régales ou monopoles ; -des emprunts et ressources de trésorerie. I.1.1 Les Ressources permanentes de l'Etat. Comme dit plus haut, il existe deux catégories de ressources permanentes : d'une part, les ressources fiscales ; et, d'autre part, les ressources non-fiscales. 1) Les Ressources Fiscales. L'impôt est la principale ressource fiscale de toutes les économies modernes. Son évolution est liée à celle de la société dans laquelle elle est appliquée. Il est un moyen efficace de l'interventionnisme de l'Etat dans la société. Plusieurs définitions ont été proposées par plusieurs auteurs pour faire comprendre au mieux ce qu'est l'impôt. Mais la définition la plus usitée est celle de Gaston JEZE qui stipule que l'impôt est « une prestation pécuniaire requise des particuliers par voie d'autorité, à titre définitif et sans contrepartie, en vue de la couverture des charges publiques ».21(*) Cette définition combien incontournable doit tout de même être repensée et subir quelques retouches au regard de l'évolution de la fiscalité et de l'époque contemporaine. On peut retenir ce qui suit comme le relève si bien Roger Kola Gonze22(*): *en parlant d'une prestation pécuniaire requise des particuliers, l'auteur semblait ne voir comme contribuables que les individus, or il s'avère aujourd'hui que l'impôt est requis non seulement des individus (personnes physiques) mais aussi des personnes morales de droit tant public que privé ; *de plus, les fiscalistes modernes se souciant de la justice fiscale estiment que la prestation pécuniaire doit être requise en fonction de la capacité contributive du contribuable ; *Gaston Jeze évoque le fait que l'impôt est payé sans contrepartie. Sans le contredire sur le fond, nous estimons qu'il faut ajouter une précision à cet élément de la définition car dans une certaine mesure, l'impôt comporte toujours une contrepartie. En effet, en payement de l'impôt, le contribuable bénéficie en contrepartie (de la part des pouvoirs publics) de la sécurité et de bien d'autres services publics ; seulement, cette contrepartie n'est pas déterminée et il n'y a pas de proportionnalité entre le service reçu et l'impôt payé ; *si au 19è siècle l'impôt était uniquement payé « en vue de la couverture des charges publiques », certains impôts modernes servent surtout d'instruments d'interventionnisme de l'Etat dans la vie économique et sociale. Il faut donc tenir compte de cet aspect dans la définition. Après ces mises au point, nous pouvons donc prendre en considération la définition proposée par Beltrame et Mehl comme suit : « une prestation pécuniaire requise des personnes physiques ou morales de droit privé voire de droit public, d'après les facultés contributives par voie d'autorité, à titre définitif et sans contrepartie déterminée en vue de la couverture des charges publiques ou à des fins d'intervention de la puissance publique »23(*)qui s'accommode parailleurs avec celle, fonctionnelle, proposée par la Direction Générale des Impôts de France ( http://www.minefi.gouv.fr) articulée comme suit : 24(*)'les impôts sont des prestations pécuniaires mises à la charge des personnes physiques et morales en fonction de leurs capacités contributives et sans contrepartie déterminée, en vue de la couverture des dépenses publiques et de la réalisation d'objectifs économiques et sociaux fixés par la puissance publique.' Cette définition repose sur le principe de l'égalité devant l'impôt. Elle exprime l'idée de solidarité et d'égalité réelle face aux charges publiques et justifie la contribution des citoyens aux dépenses, indépendamment des avantages reçus. Mais il faut observer que l'impôt ne répartit pas toutes les dépenses publiques puisque certaines d'entre elles ne sont pas couvertes par des recettes fiscales (ce qui est le cas général des dépenses sociales financées, elles aussi, par des prélèvements obligatoires mais non fiscaux). Cette définition implique de même la responsabilité et la légalité dont jouit chaque citoyen de contrôler l'action de l'Etat dont il est contributeur (au travers du parlement). De toute manière, on retiendra trois caractères fondamentaux de l'impôt ; à savoir : *le caractère obligatoire : il s'agit d'un prélèvement imposé par l'Etat au moyen de son pouvoir de contrainte et non d'un prélèvement volontaire. Ce caractère est lié à la légitimité de la puissance publique et au principe du consentement à l'impôt. Les contribuables sont tenus à l'obligation de s'acquitter de l'impôt sous peine des sanctions prévues ; *le caractère « sans contrepartie » : il n'y a pas de contre prestation directe de la part de l'Etat. C'est cela qui le distingue des redevances, qui sont réclamées en contrepartie d'un service public rendu et généralement à un niveau proportionnel au montant de ce service ; et, des taxes qui, en principe, rémunèrent également un service mais sans lien de proportionnalité avec le service rendu. Elles sont également obligatoires et définies par la loi. *le caractère définitif : l'impôt n'est pas comme l'emprunt ; le contribuable ne se fera jamais restitué l'argent payé. Sur le plan économique, le prélèvement fiscal joue un rôle important dans l'intervention et la régulation de l'économie puisqu'il joue aussi bien sur le revenu disponible des ménages que sur le budget de l'Etat. Dans le cadre de cette étude, la précision de ces caractères est de toute importance car il y a lieu de replacer chaque obligation pécuniaire imposée dans l'exploitation des minerais à sa juste valeur afin de mieux appréhender la cause de sa mise en oeuvre. En partant de la définition abordée plus haut, il y a lieu de dégager également les fonctions de l'impôt en tant qu'instrument à la disposition de l'autorité publique. Il existe trois fonctions principales ; à savoir, la répartition des charges publiques, l'interventionnisme et la redistribution des revenus ou des richesses.25(*) -la répartition des charges publiques. La couverture des charges publiques est la raison principale de l'impôt. L'impôt est le seul procédé permettant de couvrir les dépenses des services publics qui ne peuvent être vendus. Déterminé en fonction de la capacité contributive des citoyens et non des services consommés, il est en outre, en tant que prélèvement obligatoire, le procédé permettant de faire fonctionner les services publics qui pourraient être vendus, sans que personne ne soit privée de ces services pour des raisons d'argent. -l'interventionnisme. L'impôt est souvent utilisé à des fins : +d'incitation (ex. à l'investissement, ...) ; +de dissuasion (ex. droits plus importants sur l'alcool et le tabac, censés réduire la consommation de ces produits du fait de leur nocivité sur la santé, ...) ; +de protection (les droits de douane) -la redistribution des revenus ou des richesses. L'impôt est ou peut être utilisé pour des aides diverses, pour réduire les injustices sociales, de façon ponctuelle ou générale, voire pour assurer à tous les citoyens un minimum de ressources. Le niveau des transferts de revenus, dans le budget de l'Etat notamment, témoigne de l'importance de cette fonction. NB. En France, par exemple, les recettes fiscales constituent environ 92,92% des recettes du budget de l'Etat.26(*) 2) Les Ressources non fiscales.27(*) Quelques ressources non fiscales participent aussi à la longue liste des prélèvements imposés au secteur de l'exploitation artisanale des minerais à l'Est de la République Démocratique du Congo. Aussi, jugeons-nous nécessaire d'en présenter un court aperçu dans cette partie réservée aux ressources de l'Etat avant de les aborder de manière pratique dans les pages qui suivent. Les ressources non fiscales obéissent à un régime juridique différent et ne sont pas toutes de la compétence du législateur, quand bien même certaines évolutions récentes tendent à rapprocher leur régime juridique de l'impôt. Les principales ressources non fiscales sont : - les revenus domaniaux ; - les taxes administratives et judiciaires ; - la parafiscalité. a) Les revenus domaniaux. L'expression a deux sens : au sens restreint, elle désigne les revenus que l'Etat tire de la gestion des biens et droits mobiliers et immobiliers de son domaine public et privé, ex. vente de bois, de forêts, droit de pêche et chasse, droit de stationnement et d'occupation sur le domaine public. Au sens large, elle englobe, outre les revenus ci-haut cités, les recettes des entreprises et services industriels et commerciaux pris en charge par l'Etat. A une certaine époque (Moyen Age), les revenus domaniaux étaient essentiellement constitués des revenus fonciers provenant de l'exploitation du sol. Aujourd'hui les revenus domaniaux les plus importants proviennent des exploitations industrielles et commerciales de l'Etat. Cependant, on fait une distinction entre les ressources domaniales proprement dites qui relèvent du domaine immobilier et de participation financière de l'Etat et, les ressources domaniales qui proviennent des produits des aliénations qui ont un caractère exceptionnel ; exemple, les biens de l'ennemi confisqués. Les revenus des participations financières sont représentés par les actions ou les obligations de l'Etat pris dans certaines entreprises privées et dont l'Etat perçoit des dividendes et des intérêts. D'autres ressources proviennent des prêts et avances accordées par l'Etat à certaines entreprises privées afin de leur permettre d'effectuer certains travaux nécessaires pour leur modernisation ; les intérêts et amortissements de ces prêts procurent également des recettes à l'Etat. Dans le cadre de revenus provenant des exploitations industrielles et commerciales de l'Etat, on distingue les monopoles fiscaux d'une part et, d'autre part, les services industriels et entreprises nationales. - les monopoles fiscaux. Le monopole est un privilège de droit dont dispose une entreprise ou un organisme public de fabriquer ou de vendre seul certains biens ou certains services à l'exclusion de tout autre concurrent. Le monopole fiscal est un monopole légal octroyé à une régie d'Etat ou à un service à caractère industriel et commercial, destiné à faciliter la perception d'un impôt sur la consommation d'un bien.28(*) C'est sous la forme de monopoles fiscaux qu'ont apparu d'abord les entreprises industrielles de l'Etat. Ce fut le cas des monopoles de tabac et des allumettes et de celui de poudre de salpêtre. Certains y voyaient une forme particulière de perception de l'impôt, d'où le nom de monopole fiscal. L'Etat vendait le tabac, les allumettes ou la poudre à un prix plus élevé que le prix de revient augmenté d'un bénéfice commercial normal, la différence étant considérée comme un impôt. Il s'agissait en fait d'entreprises industrielles gérées par l'Etat dans un but purement financier c'est-à-dire pour se procurer des revenus. C'est après que l'Etat a dû se résoudre, avec l'évolution du temps, de passer par le canal des entreprises industrielles et commerciales normales dont le service est payant et qui doivent couvrir ses dépenses par ses recettes propres et même réaliser les bénéfices, même si le but essentiel de ces entreprises n'est pas le bénéfice mais la satisfaction de l'intérêt général. - les services industriels et entreprises nationales. Un service public industriel est un service engageant l'intérêt collectif. Il se caractérise par une relation marchande entre le prestataire et l'usager, le fournisseur et le bénéficiaire. Ses ressources reposent sur les contributions des usagers en contrepartie des prestations de service rendues ; les modalités de sa gestion sont les pratiques et procédures mises en oeuvre par toute entreprise, c'est-à-dire, sur des bases industrielles et commerciales. Son service est payant ; il doit couvrir ses dépenses par ses recettes, et même réaliser des bénéfices bien que ces derniers ne constituent pas le but essentiel de son établissement. Il est à noter que la création de tels services répond souvent au constat de la carence, de l'insuffisance, la défaillance ou le manque d'intérêt de l'initiative privée. Les entreprises nationales sont, quant à elles, « des entreprises qui appartenaient autrefois à des particuliers et qui ont ensuite été prises en charge par l'Etat au moyen de la pratique dite de nationalisation».29(*) b) les taxes administratives. Le mot taxe est employé dans trois sens différents. - il est d'abord synonyme d'impôt. C'est le cas, par exemple, de la taxe sur le chiffre d'affaires ou de la taxe sur la valeur ajoutée ; - le second sens considère la taxe comme le prix acquitté par l'usager d'un service public, en contrepartie des prestations ou avantages qu'il retire de ce service ; - les taxes correspondent enfin à la notion de parafiscalité ; d'où l'appellation de taxes parafiscales. Toutefois la taxe se distingue de l'impôt proprement dit à deux points de vue essentiels : la taxe comporte une contrepartie et ; elle est facultative et non obligatoire tandis que l'impôt est obligatoire et ne comporte pas de contrepartie déterminée. c) la parafiscalité. Il s'agit de l'ensemble de redevances perçues au profit d'un service particulier, généralement perçu par l'Etat auprès des usagers en échange des avantages qu'ils retirent du service. C'est le cas des cotisations sociales. Les redevances parafiscales ont un caractère obligatoire. Elles sont constituées en somme par des sortes d'impôts corporatifs perçus au profit d'institutions publiques ou privées ayant le caractère de collectivité, à l'instar du barreau ou autre ordre institutionnel. De manière résumée, les taxes parafiscales sont des prélèvements opérés dans un intérêt économique ou social au profit d'une personne morale de droit public ou privé autre que l'Etat, les collectivités territoriales et les établissements publics à caractère administratif. Les organismes qui gèrent ces taxes sont placés sous la tutelle du ministre intéressé et de celui des finances. I.1.2 Les Ressources temporaires de l'Etat.
Les ressources temporaires sont constituées par l'emprunt public et le trésor public. La distinction du Trésor et de l'emprunt est celle du court terme pour le premier et du long terme pour le second. Dans les finances modernes, l'opposition entre ressources publiques et trésorerie (emprunt et trésor) est atténuée. Emprunt et trésor ne fournissent pas seulement une anticipation de recettes ; ils assurent le financement de l'impasse budgétaire (différence entre les dépenses totales et les recettes fiscales et domaniales). 1) L'emprunt public. L'Etat recourt à l'emprunt lorsqu'il est obligé d'effectuer de grosses dépenses, des dépenses exceptionnelles, indispensables pour la marche des services publics ; lorsque les recettes normales issues des revenus domaniaux ou de l'impôt sont insuffisantes. Lorsqu'il emprunte les sommes dont il a besoin, il s'engage à payer un certain intérêt aux prêteurs. Contrairement à l'impôt qui est obligé aux contribuables, l'emprunt est un contrat car basé sur l'accord du souscripteur même si le prêteur fixe seul unilatéralement les conditions de l'emprunt tel que le taux de l'intérêt, la date de remboursement. Par ailleurs, l'emprunt suppose l'existence d'une contrepartie car non seulement le prêteur rentre dans son argent mais aussi il touche plus qu'il n'a versé car l'emprunt rapporte des intérêts. Donc, l'argent de l'emprunt n'est pas perdu mais il est plutôt placé. L'emprunt, à ce jour, est devenu un moyen normal pour l'Etat de se procurer des ressources pour son action. L'emprunt est à la base de la dette publique, qu'elle soit intérieure ou extérieure. 2) La trésorerie publique. Le terme trésor est employé dans deux sens. Les classiques considèrent le trésor comme une caisse où sont déposés les fonds de l'Etat d'une part, et comme une activité de crédit à court terme chargé d'équilibrer à tout moment les rentrées et sorties de fonds (= une banque). A ces fonctions de caisse et de banque ; dans les finances modernes, le rôle du trésor consiste à contrôler l'ensemble des activités financières de la nation. Il tend enfin à devenir l'un des instruments par lesquels l'Etat se procure des ressources c'est-à-dire de recettes. Mais d'une manière générale, le Trésor Public est un service public chargé de la gestion du trésor-caisse. Mais l'évolution des finances publiques a ajouté à ce rôle primitif du trésor qui consistait seulement à gérer la caisse de l'Etat, celui d'assurer l'équilibre général de la monnaie et de l'économie en fonction du pouvoir nouveau qui a été reconnu à l'Etat : le contrôle du marché monétaire et du marché financier. On retiendra seulement que le Trésor public est l'ensemble des moyens financiers dont dispose un Etat. Par métonymie, l'expression désigne également l'administration chargée de gérer ces ressources. Aucune institution de l'Etat n'existe pour concrétiser l'existence du Trésor. Pourtant, bien qu'il ne possède ni personnalité juridique ni autonomie financière, le Trésor peut être considéré comme la « personnalisation » monétaire et financière de la puissance publique. a) les fonctions du Trésor. - les fonctions originelles. Les finances classiques reconnaissent traditionnellement au Trésor deux fonctions : la fonction de caissier de l'Etat et celle de banquier. Ces deux fonctions se caractérisent par la centralisation par l'Etat de la totalité de revenus auxquels il a droit entre ses mains pour payer lui-même toutes les dépenses dont il a la charge sur toute l'étendue du territoire national. Donc, il y a ici unité de caisse et unité de gestion. - Les fonctions nouvelles du trésor. Celles-ci consistent à : -maintenir l'équilibre de la monnaie et à réguler l'économie. Il s'agit de l'équilibre des recettes et dépenses publiques d'une part et d'autre part de l'équilibre des offres et des demandes des capitaux et celui des entrées et sorties des devises étrangères ; -gérer les participations que l'Etat possède dans les entreprises mixtes. b) les ressources de trésorerie. L'une des plus importantes évolutions du trésor consiste à en faire un moyen de ressources pour l'Etat. Les procédés les plus utilisés sont notamment : *les bons du trésor ; sorte d'emprunt à court terme effectué par l'Etat et destiné à lui procurer l'argent nécessaire à payer ses dépenses immédiates en attendant les rentrées fiscales et autres. Et la rentrée des recettes permet de rembourser les bons émis ; *l'émission de monnaie connue sous l'appellation de la planche à billets. Le recours à ce mode de financement de l'action de l'Etat doit être limité et exceptionnel ; il ne doit pas être considéré comme moyen pour assurer le fonctionnement normal de l'Etat mais plutôt comme moyen d'intervention dans la vie économique ; moyen d'exercer le rôle de régulateur qui est sa fonction essentielle. En gonflant ou en diminuant la masse de billets en circulation, l'Etat peut exercer une action profonde sur la production et sur les prix. Tout Etat souverain a le droit de battre la monnaie mais il sied de bien le contrôler car l'émission de monnaie au profit du trésor peut être dangereuse car elle peut avoir un effet inflationniste susceptible de déréguler l'économie. A ces deux ressources, on peut également ajouter la loterie nationale qui est aussi un autre moyen pour l'Etat de se procurer de l'argent. I.2 La Gestion des ressources publiques et fiscalité en République Démocratique du Congo. I.2.1 La Gestion des ressources publiques congolaises. En République Démocratique du Congo, les ressources publiques sont gérées de différentes manières selon qu'il s'agit des ressources de l'Etat, entendu comme gouvernement central, ou de celles des entités administratives décentralisées ou d'autres organismes et institutions intéressés. Et une telle approche est de toute importance dans cette étude quand on se rend compte que l'exploitation artisanale des minerais n'est pas soumise qu'aux seuls prélèvements des structures du gouvernement central. 1) Gestion des ressources de l'Etat. La gestion des ressources de l'Etat est de même à considérer selon qu'il s'agit des ressources permanentes ou des ressources temporaires et ; selon qu'il puisse s'agir des recettes fiscales ou de celles non fiscales. Et cela se remarque le plus en considérant les structures de mise en oeuvre de leur perception au profit du Trésor public. L'ensemble de structures de perception qui ont été instituées, au regard des catégories de ressources publiques telles que prévues par la loi financière et chargées de procéder aux divers prélèvements au titre de recettes publiques prévues par la loi budgétaire constitue l'Administration fiscale, au sens large. Ces structures sont coordonnées, au niveau du pouvoir central, essentiellement par le ministère des finances et, au niveau des entités administratives décentralisées, à travers les services et/ou directions locaux des finances. Même si les motivations de différents textes organiques ne l'expriment pas toujours clairement, il faut noter que c'est le Ministre des finances qui délègue ses pouvoirs légaux de mobilisation optimale des ressources de l'Etat aux différents services concernés qui ont, sur toute l'étendue du territoire national, l'exclusivité de compétence de la gestion des matières leur confiées : Direction Générale des Impôts (DGI), Direction Générale des Douanes et Accises (DGDA) et Direction Générale des Recettes Administratives, Judiciaires, Domaniales et de participation (DGRAD). a) La gestion des ressources permanentes. - La Gestion des ressources fiscales. Les recettes fiscales en RDC ne sont pas exclusivement constituées des impôts mais se définissent comme celles qui sont mobilisées par les administrations fiscales traditionnelles ; lesquelles ont comme objet principal la gestion de la fiscalité directe et indirecte. Parmi ces droits regroupés sous le vocable de recettes fiscales, on compte, outre les impôts pour la plupart, également nombre de taxes non fiscales au sens matériel, telles que les recettes d'entrepôts, la taxe d'entreposage, la taxe d'ouverture d'entrepôt, la taxe d'entreposage d'office perçus par l'administration des douanes ; l'immatriculation et la vente des imprimés perçus par l'administration des impôts.30(*) Mais ce sont les impôts qui constituent l'essentiel de recettes fiscales de l'Etat de manière générale. Les structures chargées de la gestion des ressources fiscales. Les impôts sont gérés en RDC par les régies financières mises en place pour ce faire par la loi : il s'agit de la Direction Générale des Impôts pour les impôts internes et de la Direction Générale des Douanes et Accises pour les impôts de porte (droits de douane) et les droits de consommation. · La Direction Générale des Impôts (DGI) La Direction Générale des Impôts est un service public doté d'une autonomie administrative et financière. Elle exerce, dans le cadre des lois et règlements en vigueur, toutes les missions et prérogatives en matière fiscale concernant l'assiette, le contrôle, le recouvrement et le contentieux des impôts, taxes, redevances et prélèvements à caractère fiscal. Ancienne Direction des impôts au Ministère des Finances, la création de la Direction Générale des Contributions (DGC) par ordonnance n°88/039 du 10 mars 1988 répondait à un souci d'accroître la mobilisation des recettes fiscales. Son autonomie administrative et financière était ainsi consacrée par la mise à disposition d'un personnel régi par un règlement d'administration propre, pris conformément aux Statuts de la Fonction publique, et d'une allocation budgétaire correspondant à une quotité des recettes assignées. La DGI est soumise à l'autorité directe de l'Ordonnateur général du budget. Aux directions techniques correspondent les différentes phases de la procédure de perception des recettes publiques : la constatation et la liquidation gérées par les directions chargées respectivement de l'assiette (taxation et documentation, contrôle fiscal, contentieux) ; l'ordonnancement par la direction du recouvrement et, enfin, l'encaissement est suivi administrativement par cette dernière direction mais techniquement par les Comptables publics sous l'autorité et la surveillance permanente d'une direction extérieure du Ministère des Finances, la Direction de la Comptabilité, comme pour toutes les structures de mobilisation de recettes, à l'exclusion de la DGDA (ex Ofida)31(*). Comme dit ci-dessus, c'est cette structure qui s'occupe de la perception des impôts internes qui constituent l'ossature de la fiscalité congolaise dont : -les impôts directs comprenant les impôts cédulaires sur les revenus (impôt mobilier, l'impôt sur les bénéfices et profits, l'impôt professionnel sur les rémunérations et l'impôt exceptionnel sur les rémunérations des expatriés) et ; -l'impôt indirect qui renferme la taxe sur la valeur ajoutée. Il faut noter que jadis, c'est aussi la DGI qui s'occupait de la mobilisation des impôts réels gérés actuellement par des structures spécialisées des entités administratives décentralisées. · La Direction Générale des Douanes et Accises (DGDA)32(*) Ancienne Direction des douanes et accises, la DGDA, alors Ofida, a été créée par la Loi n° 79-114 du 15 mai 1979 comme un établissement public à caractère administratif, économique et financier doté de la personnalité juridique. Les difficultés éprouvées dans l'exécution du budget des voies et moyens de l'Etat, aggravées par la conjoncture politique et économique de l'époque ont permis de personnaliser cette régie qui devrait être dotée des moyens d'action conséquents pour la maximisation des recettes grâce à une autonomie de gestion administrative et financière. Service mobilisateur des recettes publiques par prédilection, l'administration des douanes et accises est un des services indispensables qui incarnent l'Etat, personne publique, en assumant l'une de ses fonctions traditionnelles : les finances publiques. En tant qu'instrument de l'Ordonnateur général du budget, sa soumission à l'autorité directe du ministre des finances doit être non seulement totale mais également exclusive pour la mobilisation optimale des recettes douanières. Cette Direction est chargée pour compte de l'Etat de toutes les missions et prérogatives dévolues à l'ancienne Administration des douanes et accises, notamment : -la perception des droits, taxes et redevances à caractère douanier tant à l'importation qu'à l'exportation, au transit ou à l'entrepôt douanier ; -la perception des droits d'accises. - La Gestion des ressources non-fiscales. Il s'agit de toutes les recettes qui sont mobilisées en dehors de deux administrations fiscales ci-haut épinglées, c'est-à-dire, les recettes découlant des taxes administratives, des redevances judiciaires, domaniales et de participations. Il s'agit aussi des recettes mobilisées par divers organismes et institutions publics ou privés. La structure chargée de la gestion des ressources administratives, domaniales et de participations. · La Direction Générale des Recettes Administratives, Judiciaires, Domaniales et de Participation (DGRAD). Créée par Décret n° 0058 du 27 décembre 1995, elle est dotée d'une autonomie administrative et financière et placée sous l'autorité directe du Ministre des Finances. Elle exerce toutes les missions et prérogatives en matière d'ordonnancement et de recouvrement des recettes administratives, judiciaires, domaniales et de participations. L'ordonnancement effectué par cette régie financière implique le contrôle préalable de la régularité des opérations de constatation et de liquidation de ces recettes qui sont l'oeuvre de différents Ministères. En matière de recouvrement, elle est chargée de percevoir les sommes dues au Trésor public au titre de recettes non-fiscales au sens strict. C'est le compte du Receveur de cette régie qui centralise à travers le système bancaire toutes les perceptions de recettes précitées selon la description ci-dessous33(*): - les recettes administratives découlent de diverses et nombreuses taxes que perçoivent des Ministères et Organismes. Au sein du budget de l'Etat, la présentation de ces recettes va de pair avec l'ordre des Institutions, Ministères et Organismes qui les mobilisent. Elles sont constituées des taxes rémunératoires qui tiennent lieu de contrepartie des services rendus par l'administration publique ; des redevances qui sont la contrepartie contractuelle de l'utilisation d'un service public ou d'une concession dont le paiement intervient à des échéances déterminées, ainsi que des amendes transactionnelles. - les recettes judiciaires sont celles qui proviennent des services judiciaires qui se retrouvent dans le canevas de la loi budgétaire : la police nationale, la justice, les cours et tribunaux, les parquets. - les recettes domaniales. Ce sont les recettes qui sont constituées par les revenus aussi bien que les produits du domaine foncier, immobilier et mobilier de l'Etat, privé et public. Comme les recettes administratives et judicaires, elles sont également composites. Les taxes rémunératoires, les redevances, les amendes transactionnelles s'entremêlent avec les droits de nature fiscale que sont les droits d'enregistrement. - Les recettes des participations, quant à elles, rassemblent les dividendes des entreprises publiques ainsi que les dividendes provenant des entreprises d'économie mixte. En cas de bénéfice, les dividendes dans les entreprises d'économie mixte sont décrétés et versés à l'Etat au gré de l'assemblée générale des actionnaires. Lorsque les particuliers sont majoritaires, notamment au sein des multinationales, l'Etat-actionnaire est confondu avec ses partenaires dans l'exercice de ce genre de droits dont l'importance est fonction du degré de ses propres participations financières dans l'entreprise. Dans les entreprises publiques, il a été institué un système d'avance à valoir sur les dividendes des entreprises publiques à caractère économique, industriel et commercial. Le montant mensuel de l'avance est calculé au taux de 5% sur base du chiffre d'affaires prévisionnel recouvrable et versé au compte du Trésor à la Banque Centrale (cfr. arrêté interministériel n° 98-003 instituant le système d'avance à valoir sur le dividende des entreprises de l'Etat, art.1 à 4). Le portefeuille de l'Etat étant délabré depuis des décennies, ce n'est pas de ce côté-là que les pouvoirs publics peuvent attendre des rentrées de nature à participer à leur politique économique et sociale. + En dehors des structures administratives en charge traditionnellement de la mobilisation des ressources publiques, il existe plusieurs organismes publics (et même privés oeuvrant pour compte de l'Etat) qui perçoivent ci et là des redevances pour des prestations dans divers domaines. Il s'agit des recettes qui résultent de la collecte des taxes parafiscales, déjà définies comme des prélèvements obligatoires, à l'instar des impôts, sans contrepartie opérés dans le cadre de l'interventionnisme économique et social et gérées en dehors du budget de l'Etat par des organismes publics personnalisés créés à cet effet. Les quotes-parts patronales dans les cotisations à l'INSS et à l'INPP peuvent répondre au caractère de ce genre de taxes. A titre d'exemple, la taxe de promotion de l'industrie (taxe FPI) et celle de promotion culturelle (taxe FPC) illustrent le mieux le mode de gestion des taxes parafiscales. Comme on peut le voir, la gestion des taxes parafiscales est confiée à des organismes créés par l'Etat pour des fins précises en rapport avec ses prérogatives générales. Il s'agit autant des services techniques mis en place par les institutions politico-administratives (comme le CEEC, le SAESCAM au ministère des mines) que d'établissements publics appelés à encadrer certains secteurs de la vie économique ou social (comme l'OCC, l'ONC,...). Pour la plupart des cas, les mécanismes des prélèvements qu'ils opèrent sont fixés selon le mode opératoire de chacun desdits organismes tel que défini dans leurs statuts. b) La gestion des ressources temporaires. Dans cette catégorie de ressources, nous avons la trésorerie publique et le recours à l'emprunt. Le Trésor Public est maître d'oeuvre des opérations de trésorerie qu'il exécute sous la responsabilité de l'Etat pour couvrir certains besoins de financement. Le Trésor n'a pas de personnalité juridique distincte de celle de l'Etat. Il s'agit d'un service de l'Etat (Direction du Trésor au sein du Ministère des Finances) qui a des fonctions de caissier et de banquier, mais il doit également assurer le maintien des grands équilibres monétaires et financiers. Le Trésor utilise la Banque centrale pour la plupart de ses opérations d'exécution des encaissements et des décaissements. Il agit souvent par l'émission des titres à court terme et l'émission de monnaie. Pour ce qui est de l'emprunt, c'est le Parlement qui est normalement l'organe de l'Etat compétent pour autoriser le recours à l'emprunt. Comme l'emprunt engage les finances de l'Etat et influence pour l'avenir l'impôt, il est donc normal que le parlement qui vote l'impôt puisse consentir également à l'emprunt. Les ressources issues de l'emprunt sont de même gérées par le Trésor avec la Banque centrale comme instrument d'exécution. 2) Gestion des ressources des Entités Territoriales Décentralisées. Les entités territoriales de par le monde se sont émancipées et ont acquis une légitimité et une influence qui les placent en partenaires privilégiés de l'Etat.34(*) Elles jouent actuellement un rôle prépondérant dans la vie politique, administrative et économique des pays de la vieille démocratie. L'existence des entités décentralisées est le fait de l'organisation de la vie politique et administrative d'un pays. C'est l'émanation de la politique de décentralisation dont l'objectif est, essentiellement, de rapprocher les gouvernants des gouvernés et de promouvoir le développement à partir de la base. La décentralisation est une méthode de division de pouvoir dans un Etat unitaire. Elle est nécessaire car elle rapproche le citoyen du pouvoir de décision et favorise la démocratie de proximité. « Elle consiste en ce qu'un pouvoir central se décharge d'une partie de ses attributions au profit des collectivités locales en faisant la démarcation nette entre les matières de compétence exclusive et celles de compétence concurrente. Ou encore, elle est un processus qui consiste à attribuer des pouvoirs de décision aux collectivités locales en les affranchissant de tout devoir d'obéissance vis-à-vis du pouvoir central ».35(*) On pourrait aussi retenir cette autre approche qui évoque que « la décentralisation est perçue comme une technique d'organisation administrative qui laisse aux collectivités personnalisées le pouvoir de s'administrer elles-mêmes, c'est-à-dire, un pouvoir de décision sur tout ou une partie des affaires locales ».36(*) Cette définition se rapproche de l'esprit de la décentralisation en RDC qui fait une distinction entre les matières dites de la compétence du pouvoir central et des provinces et les matières dites exclusives des provinces. La notion de la décentralisation s'applique donc à des entités qui s'administrent librement, suite à une dévolution de puissance publique par l'Etat. En RDC, l'expérience de la décentralisation et donc de la mise en oeuvre des Entités Administratives Décentralisées est la conséquence de la volonté politique manifestée par la révision constitutionnelle introduite par l'Ordonnance-Loi n° 082-006 du 25/02/1982 qui a consacré le changement de la forme de l'Etat, passant d'un Etat unitaire fortement centralisé à un Etat unitaire décentralisé. Cette vision a été renforcée par la révision constitutionnelle du 18/02/2006 qui a confirmé la RDC comme un Etat décentralisé politiquement au niveau des provinces et administrativement au niveau des Entités Territoriales décentralisées. Il est stipulé en son article 3 que : « les provinces et les entités territoriales décentralisées de la République Démocratique du Congo sont dotées de la personnalité juridique et sont gérées par les organes locaux. Ces entités décentralisées sont la ville, la commune, le secteur et la chefferie. Elles jouissent de la libre administration et de l'autonomie de gestion de leurs ressources économiques, humaines, financières et techniques,.... ».37(*) Par contre, la loi organique n° 08/016 du 07/10/2008, fixe les conditions d'application du principe d'autonomie financière applicable aux ETD. On notera, à l'analyse de ces dispositions que le principe de la libre administration suppose, pour être effectif, que les entités territoriales aient la garantie de disposer des ressources nécessaires à la mise en oeuvre de leurs compétences. Le principe de la garantie des ressources est donc affirmé dans la constitution. Les entités reçoivent le produit d'impositions et fixent, dans les limites définies par la loi, le taux et l'assiette de ces différentes impositions. Pour les provinces, la loi 08/012 du 31/07/2008, portant principes fondamentaux relatifs à la libre administration des provinces explicite le contenu de la fiscalité et des ressources des provinces et ; distingue, d'une part, les ressources propres de la province (art. 48) et, d'autre part, les ressources provenant des recettes à caractère national. Les ressources propres de la province comprennent : - les impôts ; - les taxes ; - les droits provinciaux et locaux ; - les recettes de participation. Les impôts sont ceux rétrocédés par l'Etat ; à savoir, l'impôt foncier, l'impôt sur les revenus locatifs et l'impôt sur les véhicules. Les taxes, les droits provinciaux et locaux comprennent les taxes d'intérêt commun, les taxes spécifiques à chaque province et à chaque entité et les recettes administratives rattachées aux actes générateurs dont la décision relève de la compétence des provinces (art. 40). Les ressources provenant des recettes à caractère national sont fixées à 40% de : - recettes administratives, judiciaires, domaniales et de participation ; - recettes des douanes et accises ; - recettes provenant des impôts recouvrés sur les grandes entreprises, des pétroliers producteurs ainsi que les autres impôts pouvant être perçus à leur lieu de réalisation (art. 54 et 55). Il faut noter qu'il revient à chaque province d'établir le mécanisme de recouvrement de ses recettes propres dans le respect des procédures fixées par la législation nationale. C'est ainsi que chaque province a mis en place une structure propre de gestion de ses ressources ; à l'instar de la DGRK pour la ville-province de Kinshasa. Pour les entités territoriales décentralisées, la loi 08/016 du 07/10/2008, institue que les « finances d'une ETD sont distinctes de celles de la province » (art. 100). Elles disposent, à leur tour, des ressources propres et des ressources provenant des recettes à caractère national allouées aux provinces, des ressources de la caisse de péréquation ainsi que des ressources exceptionnelles. Les ressources d'une ETD comprennent (art. 108) : - l'impôt personnel minimum ; - les recettes de participation ; - les taxes et droits locaux. Les taxes et droits locaux comportent les taxes d'intérêt commun, les taxes spécifiques et les taxes administratives. L'article 105 de cette loi stipule que chaque ETD établit les mécanismes propres de recouvrement de ses ressources propres. Elles ont de même droit à une quotité sur les 40% de la part des recettes à caractère national allouées aux provinces. P.S. : Des ressources exceptionnelles peuvent aussi être mentionnées tant pour les provinces que pour les ETD. Mais nous n'estimons pas qu'elles soient de nature à influencer notre étude. Cela est d'autant plus vrai qu'il s'agit des mécanismes qui sont rares pour des entités des pays comme le nôtre. Un tout premier constat que l'on peut faire est que l'opérationnalisation de la mobilisation des ressources publiques à différents stades requiert tout de même une certaine expertise et beaucoup de bon sens. Quand on considère au fait que des taxes aux libellés identiques sont reconnues à plus d'une structure de manière officielle, il y a lieu de penser à la cacophonie que cela peut susciter en provoquant un double emploi du fait du souci affiché de maximisation de recettes à tous les niveaux. Et, des pareils cas sont légion. I.2.2 Aperçu sur la fiscalité congolaise. Outre la législation douanière qui repose sur le décret du 29 janvier 1949 coordonnant et révisant le régime douanier en République Démocratique du Congo et l'ordonnance n° 33/9 du 06 janvier 1950 tels que modifiés et adaptés à ce jour qui régissent les droits de douane et les accises, la législation fiscale congolaise repose essentiellement sur les Ordonnances-Lois n° 69-006, 69-007 et 69-009 du 10/02/1969 ainsi que celle n° 69-058 du 05/12/1969 relatives respectivement à l'impôt réel, à l'impôt exceptionnel sur les revenus des expatriés, aux impôts cédulaires sur les revenus et à l'impôt sur le chiffre d'affaires. Ce sont ces textes qui ont constitué la base du système fiscal congolais en dépit du fait que, à la suite de leur désuétude et de leur inadéquation, ils ont cessé d'être pratiques et ont ainsi connu plusieurs amendements et modifications consécutifs aux multiples réformes tant pour les impôts douaniers que pour ceux internes. Il faut noter que ces différentes dispositions ont pour la plupart été revues à ce jour et des nouveaux textes ont déjà été pris dans le sens de l'adaptation progressive de notre fiscalité aux réalités économiques et sociales tant nationales qu'internationales. Les dispositions douanières ont été de même revues et un nouveau code douanier conçu en harmonie avec les différentes réformes fiscales a été mis à jour en abrogation des textes précités sous l'Ordonnance-Loi n° 10/002 du 20 août 2010 portant code des douanes. Ce sont ces nouvelles dispositions, qui ne sont qu'une réactualisation ou mieux une adaptation des anciennes, qui régissent les activités douanières en RDC à ce jour. De même, des réformes majeures des lois de 1969 ont été opérés et continuent de l'être dans le cadre de la modernisation de la gestion des matières fiscales dont essentiellement, la loi 004/2003 du 13/03/2003 unifiant les procédures fiscales telle que modifiée et complétée à ce jour par la loi 06/003 du 27/02/2006 et l'Ordonnance-Loi n° 13/005 du 23/02/2013 ; et l'Ordonnance-loi n° 10/001 du 20 août 2010 portant institution de la Taxe sur la Valeur Ajoutée telle que modifiée et complétée par l'Ordonnance-loi n° 13/007 du 23/02/2013 ; qui a abrogé toutes les dispositions de 1969 relatives à l'impôt sur le chiffre d'affaires. Il y a lieu de considérer dans ce même cadre les Ordonnances-lois ci-après : - 13/004 du 23/02/2013 portant abrogation de certaines dispositions de la loi n° 006/03 du 13 mars 2003 fixant les modalités de calcul et de perception des acomptes et précomptes de l'Impôt sur les Bénéfices et Profits ; - 13/006 du 23/02/2013 portant régime fiscal applicable aux entreprises de petite taille en matière d'impôt sur les bénéfices et profits ; - 13/008 du 23/02/2013 modifiant et complétant certaines dispositions de l'O-L n° 69/009 du 10/02/1969 relative aux impôts cédulaires sur les revenus ; Etc. En termes de contenu, la structure du système fiscal congolais comprend la classification classique des impôts ; dont les impôts directs et les impôts indirects. v Les impôts directs comprennent : -l'impôt réel et, -les impôts cédulaires sur les revenus. v La fiscalité indirecte est assise à partir de 2010 sur la TVA qui est entrée en vigueur le 1er janvier 2012. Elle comprend en outre l'impôt de douane (ou droits de douane), les droits d'accises et la taxe statistique. L'impôt réel (c'est-à-dire celui qui frappe le contribuable directement dans ses avoirs ou possessions) comprend : - l'impôt foncier sur les propriétés bâties et non bâties ; - l'impôt sur la superficie des concessions minières et d'hydrocarbures ; et, - l'impôt sur les véhicules et la taxe spéciale de circulation routière. En matière de revenus, la fiscalité congolaise est cédulaire. Elle comprend : - l'impôt sur le revenu locatif ; - l'impôt mobilier ; - l'impôt sur les bénéfices et profits ; - l'impôt professionnel sur les rémunérations et l'impôt exceptionnel sur les rémunérations des expatriés. A partir de la réforme de 2003, le système fiscal congolais est devenu « déclaratif » avec comme corollaire « l'auto-liquidation ». Il est déclaratif contrôlé. Il est important de noter que les dispositions de la constitution en vigueur en RDC, celle du 18/02/2006, notamment à son article 204, les impôts réels et l'impôt sur le revenu locatif relèvent désormais de la compétence des provinces qui mettent en place, elles-mêmes, des mécanismes et structures de leur mobilisation. De ce fait, l'exclusivité fiscale dont jouissait la Direction Générale des Impôts n'est plus totalement de mise. Une autre spécificité de la fiscalité congolaise est qu'elle est disparate dans son opérationnalisation. En effet, à côté du régime de droit commun qui englobe les impôts tels que décrits ci-dessus, on dispose des régimes spécifiques et particuliers qui dérogent aux normes communes. Il s'agit des régimes ci-après : - fiscalité pétrolière ; - fiscalité minière ; - fiscalité forestière ; - imposition des ASBL ; - dispositions particulières aux missions diplomatiques et consulaires ; - régimes des entreprises publiques et sociétés commerciales ; -régimes du code des investissements. A chacun de ces régimes, la loi institue des dispositions fiscales de nature à répondre aux exigences du secteur concerné. Pour les unes, c'est une clarification afin de prévenir des évitements d'impôt, pour d'autres, il s'agit de se conformer à des dispositions spécifiques reconnues par les lois nationales et internationales et ; pour une autre catégorie, il est plutôt question de mettre en place des avantages de nature à soutenir et/ou attirer l'investissement. Nous donnons dans les lignes qui suivent quelques caractéristiques de chacun de ces régimes38(*) : - Régimes des entreprises publiques · Le régime fiscal applicable aux Etablissements publics et Services publics est défini dans les statuts de chacun d'eux. Néanmoins, ils sont tous soumis au droit commun pour les opérations qu'ils effectuent. Ils peuvent, toutefois, bénéficier des exonérations et exemptions de paiement des impôts, droits et taxes, en vertu des textes particuliers.
· Les statuts des Etablissements et services publics transformés en sociétés commerciales ne prévoient pas des dispositions particulières. Toutefois, le Titre VII des statuts de ces sociétés, relatif à l'élection de domicile, droit commun et arbitrage, dispose (art 53) que pour tout ce qui n'est pas prévu, elles entendent se conformer entièrement à la législation en vigueur en RDC. - Régime d'imposition des exploitations forestières ou Fiscalité forestière Textes de base : loi n°011/2002 du 29/08/2002 Dispositions : tous les exploitants forestiers sont imposés suivant le régime de droit commun (art. 120). Aucun exploitant forestier, aucun exportateur ni transformateur des produits forestiers ne peut, quel que soit le régime fiscal auquel il est soumis, être exonéré du paiement des droits, taxes et redevances prévues par la loi ou ses mesures d'application. - Régime d'imposition des asbl ou Fiscalité des ASBL Elle est basée sur la loi n° 004/2001 du 2O/07/2001, portant dispositions générales applicables aux Associations Sans But Lucratif et aux Etablissements d'Utilité Publique. A la condition d'obtenir un arrêté interministériel des Finances et du Plan offrant certaines facilités, ils sont exemptés et exonérés des impôts réels et des impôts cédulaires suivants : impôt sur les revenus locatifs, impôt mobilier et impôt sur les bénéfices et profits. - Régime d'imposition des missions diplomatiques et consulaires Elle est assise sur la Convention de Vienne du 18/04/1961 et l'Ordonnance-loi n° 10/001 du 20/08/2010. Sous réserve de réciprocité, les biens appartenant aux Etats étrangers destinés à l'usage officiel des missions diplomatiques et consulaires et des Représentations des Organisations internationales sont exemptés des impôts, foncier, sur les véhicules et de la taxe spéciale de circulation routière. Les diplomates, agents diplomatiques, les consuls et agents consulaires accrédités en RDC, sont exemptés du paiement de l'impôt professionnel et l'impôt exceptionnel sur les rémunérations des expatriés. Dans les mêmes conditions, l'acquisition des biens et services destinés à l'usage officiel des missions diplomatiques étrangères ainsi que des organisations internationales sont exonérés de la tva (art. 49 du décret n° 011/42 du 22/11/2011). - Régime du code des investissements Base : loi 004/2002 du 21/02/2002, portant code des investissements. Le code organise un régime unique dit « régime général » avec quelques dispositions particulières concernant les PME et PMI. Outre les avantages relevant du domaine de la douane et de la parafiscalité, les entreprises agréées au régime du code des investissements sont exonérées de : · l'impôt professionnel sur les bénéfices et profits, à condition qu'il s'agisse des investissements nouveaux agréés ; · l'impôt foncier pour les superficies liées au projet d'investissement agréé. - Régime d'imposition des revenus pétroliers ou Fiscalité pétrolière Les sociétés concessionnaires d'hydrocarbures sont soumises exclusivement au régime d'imposition conventionnelle. Elles sont régies par deux conventions particulières et les différents avenants y relatifs ; à savoir : v la convention du 9 août 1969 entre la RDC et le groupe CHEVRON ; v la convention du 11 août 1969 entre la RDC et le groupe PERENCO REP. Les concessionnaires d'hydrocarbures bénéficient, pour leurs activités au Congo, des exemptions d'impôts suivantes prévues par l'article 93 de l'OL 67-231 du 11 mai 1967 portant législation générale sur les mines et hydrocarbures : - l'impôt sur le revenu ; - l'impôt mobilier ; - l'impôt personnel ; - l'impôt sur les concessions minières et d'hydrocarbures ; - l'impôt sur les véhicules. Au terme de l'arrêté 072 du 30/12/2011 du Ministre des finances, l'application de la tva à l'importation a été aussi suspendue. Les sociétés pétrolières payent à l'Etat des obligations fiscales suivantes : + une royaltie de 12,5% de la valeur de la production au point d'exportation, c'est-à-dire, le prix FOB au jour de vente déduit des frais de passage et de stockage ; + un impôt spécial forfaitaire sur les bénéfices de 40% sur les bénéfices nets imposables. - Régime d'imposition des exploitations minières ou Fiscalité minière Textes de base : Loi n° 007/2002 du 11 juillet 2002, portant Code Minier ; Décret n° 038/2003 du 26 mars 2003, portant Régime Minier. Le régime fiscal et douanier institué par le code minier est : v unique pour tous les exploitants. Le code minier a mis en place un régime fiscal et douanier unique applicable à tous les exploitants miniers en ce sens que toutes les activités minières réalisées sur le territoire national sont soumises uniquement au régime fiscal et douanier défini par le Titre IX du Code Minier ; v fondé sur le principe de non exonération. Les avantages fiscaux accordés par le Code Minier se limitent principalement au rabattement du taux d'imposition ; v exhaustif. Le Code Minier présente l'avantage d'énumérer et de régir tous les impôts perçus par la DGI et tous les droits perçus par la DGDA et la DGRAD ; v exclusif. Le caractère exclusif signifie que seuls les impôts et droits de douane prévus dans le Code Minier s'appliquent au titulaire des titres miniers à l'exclusion de toutes autres formes d'impositions présents et à venir ; v extensif. Le Code Minier étend les avantages fiscaux du titulaire des titres miniers aux sous traitants et aux sociétés affiliées ; v stable. Le code minier assure la stabilité du régime fiscal à travers certaines de ses dispositions en l'occurrence les dispositions des articles 221 et 276 qui prévoient notamment que « l'Etat garantit que les dispositions du présent code ne peuvent être modifiées que si, et seulement si, le présent code fait lui-même l'objet d'une modification législative adoptée par le parlement ». Le code minier détermine certains avantages fiscaux aux exploitants miniers industriels et aux exploitants artisanaux autant qu'il les soumet à certaines sanctions en cas de manquements éventuels. Les détails relatifs à ce régime sont étudiés dans le chapitre suivant consacré à la fiscalité minière en République Démocratique du Congo. CHAPITRE 2. FISCALITE MINIERE EN REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO. Le souci en abordant ce chapitre n'est pas de procéder à une étude approfondie de la législation minière congolaise, si complexe ; mais d'en évoquer un léger aperçu afin de parvenir à dégager certaines caractéristiques qui sous-tendent la compréhension de la taxation de l'exploitation artisanale des minerais à l'Est du pays et ses conséquences sur sa commercialisation et son rendement. Pour y parvenir, nous avons jugé utile de donner en premier lieu un bref historique de l'exploitation minière en RDC, avant de présenter les énoncés des lois en vigueur dans le secteur et surtout d'analyser les textes régissant de manière particulière l'exploitation artisanale du coltan et de la cassitérite. II.1 Aperçu historique de l'exploitation minière en RDC. II.1.1 Les Minerais de la République Démocratique du Congo. 1) Les ressources minières de la RDC. L'extraction minière et les ressources minières ont toujours occupé une place importante dans l'identité du Congo. Depuis sa création en tant que territoire colonial à la fin du XIXè siècle, le fait que ce pays soit considéré comme « un scandale géologique » a contribué à le définir en tant tel : le Congo détient l'une des plus grandes quantités au monde de richesses minérales39(*). Le sous-sol de la RDC est scandaleusement riche en ressources naturelles. Si cela était vrai à l'époque de la colonie, cela demeure vrai actuellement car d'autres découvertes de ressources et de sites non connus à l'époque continuent de se réaliser. En effet, les 2,3 millions de km² du territoire national renferment plus de 1100 différentes substances minérales. Quatre régions principales - Katanga, les deux Kasaï, le Nord-est du Congo et le Kivu-Maniema - contiennent la plupart des minéraux connus. Toutefois, d'autres provinces disposent de richesses minérales et/ou d'un potentiel minier, dont une grande partie reste à explorer. Les ressources minérales connues des 10 provinces du pays sont présentées dans le tableau n° 1. On y trouve six principaux groupes de minerais : le groupe du cuivre (cuivre, cobalt, uranium, zinc, plomb, cadmium, germanium) ; le groupe du chrome, nickel, diamant; le groupe de l'étain (étain, wolfram, colombo-tantalite, béryl, monazite) ; les métaux précieux (or, argent, platine) ; le fer et le manganèse ainsi que les combustibles minéraux (charbon, schistes bitumeux, pétrole, gaz)40(*). Au fait, La RDC possède des gisements contenant une cinquantaine de minerais recensés, mais c'est seulement une douzaine de ces derniers qui est exploitée. Les réserves sont importantes, ainsi le pays possède la deuxième réserve mondiale en cuivre et en cobalt (10% de toutes les réserves sur la planète). Les réserves en cobalt de la GECAMINES s'élèvent à 80% du total mondial dont la RDC est le plus important producteur au monde41(*). La RDC détient également un quart des réserves mondiales de diamants et elle en était le quatrième producteur mondial durant les années 1980. Au milieu des années 1940, la RDC était le deuxième plus grand producteur au monde d'étain après la Bolivie42(*). Si la RDC possède aussi de l'or en quantité respectable, elle possède surtout les trois quarts des réserves mondiales de coltan, un composant essentiel pour les circuits des téléphones portables et des ordinateurs. Les minerais de la RDC se retrouvent essentiellement dans le sud du pays (Katanga), l'Est (Kivu-Maniema) et le nord-est (Province Orientale). Mais, c'est pratiquement tout le territoire national qui regorge de minerais de toutes natures bien que les sites exploités depuis belle lurette et reconnus se retrouvent dans les parties précitées. Les gîtes exploités sont répartis dans les massifs précambriens qui bordent au sud, à l'est et au nord-est une vaste cuvette centrale sédimentaire. Ainsi, en tournant dans le sens contraire des aiguilles d'une montre, on rencontre successivement du sud au nord : les exploitations diamantifères du Kasaï (Mbuji-Mayi, Tshikapa) ainsi que quelques gîtes de cuivre (Tshiniama, Lubi) ; l'arc cuprifère du Katanga méridional, riche également en cobalt et en uranium, avec les centres miniers de Kolwezi (Cu-Co), de Likasi (Cu), de Kambove (Cu-Co), de Shinkolobwe (U) et de Lubumbashi (Cu), sans négliger la mine de Kipushi exploitée pour le zinc, le cuivre et le germanium. Toujours au Katanga, on croise successivement en remontant vers le nord le granite à étain de Mitwaba et la pegmatite stannifère de Manono. La province du Kivu, englobant la région du Maniema, est particulièrement riche en gîtes d'étain (Kalima, Luntukulu), souvent accompagné de colombo-tantalite. La pegmatite à béryl, columbite et uranium de Kobokobo y est aussi localisée, ainsi que les placers aurifères de la Mobale. Au nord de la province du Kivu affleure la carbonatite de Lueshe riche en pyrochlores et, à la frontière rwandaise, la région des volcans renferme des laves dans lesquelles plusieurs nouveaux silicates ont été découverts. Au nord du Congo, dans la Province Orientale, se situent les célèbres exploitations aurifères de Kilo-Moto. A l'extrémité occidentale du pays, à l'ouest de la capitale Kinshasa, le Bas-Congo renferme quelques gîtes de vanadates de plomb et de zinc (Kusu-Senge),... D'un point de vue minéralogique, on trouvera dans l'énumération qui suit les noms des gîtes et leurs principales ressources en beaux minéraux et dans le tableau ci-dessous, une répartition des minerais selon les différentes provinces administratives du pays. Katanga méridional - Mine de l'Etoile (Lubumbashi) : cornetite en rosettes bleues. - Kabolela : rognons noirs luisants d'hétérogénite. - Kakanda : pseudomalachite mamelonnée, cristaux verts de libethenite et calcite cobaltifère rose. - Kalongwe : gisement de cuivre et d'uranium offrant de belles associations de cuprosklodowskite en aiguilles et de vandenbrandéite vert foncé en cristaux en burins. - Kambove : planchéite en croûtes et rosettes fibroradiées et cristaux centimétriques de carrolite. - Kamiaba : gîte à grenats almandins roses à bruns formant des croûtes cristallines. - Kamoto : localité type pour la kolwezite, carbonate double de cuivre et de cobalt en nodules beiges à noirs. Très rares cristaux prismatiques et tabulaires de roubaultite vert d'eau dans la carrière à O.V. La partie orientale de ce gîte renferme une minéralisation uranifère où furent découverts les nouveaux minéraux astrocyanite (Ce), françoisite (Nd), kamotoite (Y) et shabaïte (Nd), contenant aussi des terres rares. - Kamoya : association de silicates de cuivre plancheite, shattukite et masses bleues claires de « katangite » à cassure conchoïdale. - Kasompi : autre gisement à minéraux de terres rares tels que la schuilingite (Nd) et la gysinite (Nd). On y trouve également des amas vert pâle arborescents de glaukosphareite. - Kipushi : exceptionnelle association de minéraux secondaires de zinc, de plomb et de cuivre tels que smithsonite, hémimorphite, aurichalcite, veszelyite, connellite et kipushite vert émeraude. La minéralisation primaire est riche en germanium avec la reniérite et la vriartite. On y trouve aussi de la sphalérite verte et de la molybdénite à rhénium, ainsi que de la gallite. La paragenèse est très proche de celle de Tsumed en Namibie. - Likasi : outre la cuprite accompagnée de cuivre natif, on y trouve la belle association de buttgenbachite et de connellite en prismes aciculaires bleu vif, de likasite en plaquettes bleues empilées et de gerhardite vert d'eau. - Ludjiba : localite type de la ludjibaïte, polymorphe de la pseudomalachite. - Luishya : du disthène en tablettes bleues est associé aux classiques minéraux secondaires de cuivre. - Luiswishi : minéralisation à cuivre et uranium avec notamment la cuprosklodowskite en fibre, la vandenbrandéite en cristaux en burins et la sengiérite. - Mashamba : très belle cuprite rouge gemme en cristaux centimétriques, mais aussi malachite testacée, duhamelite en fibres jaunes et une association uranifère de tyuyamunite et de carnotide ; - Mindigi : gîte cobaltifère à hétérogénite mamelonnée et variétés cristallines à éclat métallique dont le polytype 2H. - Msesa : cristaux brillants de libethenite verte, pseudomalachite cristallisée et claringbullite bleu clair dont c'est la localité type. - Musonoi : localité surtout réputée pour ses sélénites d'uranium. Egalement connue pour ses malachites cobaltifères et pour la kolwezite. - Shamitumba : lieu de récolte de la juliénite en aiguilles bleues. - Shangulowe : très belles associations de silicates de cuivre et présence de barite pseudomorphosée en planchéite et en malachite. - Shinkilobwe : un des plus célèbres gîtes mondiaux d'uranium. Il a notamment fourni la matière première pour la fabrication des premières bombes atomiques. Des dizaines de nouvelles espèces y ont été découvertes mais la mine était fermée depuis le début des années 60. - Swambo : chantier de prospection pour l'uranium riche en cristaux jaunes trapus de soddyite et localité type de swamboïte. - Tantara : on y trouve la très spectaculaire association de dioptase verte et de calcite cobaltifère rose vif. Kivu - Bengo-Biri : gîte à tungstène renfermant des cristaux de ferberite et des pseudomorphoses en anthoinite. - Kobokobo : pegmatite à beryl et à columbite dont une zone est minéralisée en uranium. Cette dernière possède une association particulière de phosphates d'uranium et d'aluminium riche en espèces nouvelles. - Lueshe : carbonatite caractérisée par l'abondance de pyrochlores et localité type de la lueshite en cristaux octaédriques. - Maya-Moto : ce gîte offre une riche association de minéraux de bismuth : bismuth natif, bismutite, bismuthinite et bismite. - Mwenga : district aurifère de la rivière Mobale qui a livré de volumineuses pépites. - Messaraba-Munkutu : gîte à cassitérite cristallisée qui est une des localités de la varlamoffite, oxyde hydraté d'étain jaune et poudreux. - Volcans : la région volcanique située à cheval sur la frontière avec le Rwanda, recèle des laves dans lesquelles plusieurs nouvelles espèces ont été décrites : andrémmeyerite, combeite, götzenite, delhayelite et trakalsilite. Les autres provinces du Congo ne renferment pas de minéralisations aussi spectaculaires, à l'exception des riches gîtes diamantifères exploités dans les kimberlites, les éluvions et les alluvions de la région de Mbuji-Mayi (diamant industriel principalement) et les mines d'or de Kilo-Moto en Province Orientale. Il faut noter que cette énumération n'est pas exhaustive et qu'à la lumière de toutes dernières découvertes, il y a lieu d'y apporter beaucoup d'aménagements. Tableau 1 : ressources minières congolaises/par province43(*)
Source: The World Bank, Mining and Chemicals Department, Africa Region, may 2008. 2) Les ressources minières des provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu. a) aperçu géographique et historique des provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu. Les provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu sont des provinces de la partie orientale de la République Démocratique du Congo ayant fait partie jusqu'en 1988 de l'ancienne province du Kivu. Le Kivu44(*) est une région et une ancienne province de l'est de la République Démocratique du Congo. Cette région fut connue au XIXè siècle sous le nom de Maniema ou Manyema. La province exista depuis 1933 à 1962 et de 1966 à 1988 d'abord sous le nom de province de Costermansville jusqu'en 1947. Elle était subdivisée en trois districts dont le Maniema, le Nord-Kivu et le Sud-Kivu. A l'occasion de la réorganisation décentralisée de la République démocratique du Congo, les trois districts devinrent des provinces à part entière dès 1988. Seules les provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu font l'objet de notre étude. Situation des deux Kivu (en bleu) par rapport au reste du pays Source : http://www.sudkivu.cd/ Province du Sud-Kivu Elle est issue de la subdivision (administrative et territoriale) en 1988 de l'ex-province du Kivu. Elle voisine la province du Nord-Kivu au nord, le Maniema à l'ouest et le Katanga au Sud. A l'est, elle voisine le Rwanda, le Burundi et la Tanzanie. Elle a une superficie de 64.851 km² et une population de 4.944.662 habitants. Elle compte huit territoires (Fizi, Mwenga, Shabunda, Kalehe, Kabare, Idjwi, Uvira, Walungu) et la ville de Bukavu en est le chef-lieu. Localisation du Sud-Kivu (en rouge) à l'intérieur de la République démocratique du Congo Source : www.wikipedia.org Province du Nord Kivu Elle est également issue du découpage territorial de 1988 qui fait de l'ancien district du Nord Kivu une province. Elle jouxte la province orientale au nord-ouest, le Maniema à l'ouest et le Sud-Kivu au sud. A l'est, elle est limitée par l'Ouganda et le Rwanda. La province du Nord-Kivu a une population estimée en 2013 à 6.175.195 habitants pour une superficie de 59.483 km². Le chef-lieu se trouve être la ville de GOMA. LOCALISATION DU NORD KIVU EN RDC (En rouge)
Source : carte des territoires du Nord Kivu sur www.provincenordkivu.org b) Description des ressources minières des provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu. Reconnues comme provinces à vocation agricole avec d'énormes potentialités agro-pastorales, l'histoire des provinces du Nord et Sud Kivu (et surtout celle du Sud-Kivu) est aussi liée à l'exploitation minière qui y a commencée dès le début du XXè siècle (1910/1920). A côté du café, du thé, du quinquina, du haricot, de l'huile de palme, .... Les deux Kivu sont également dotés de plusieurs espèces de minerais dont les minerais dits rares. Elles sont, avec le Katanga, la région la plus nantie en nombre de matières précieuses. Il s'agit principalement du minerai d'étain ou cassitérite et ses accompagnateurs qui sont le colombo-tantalite (coltan), le wolframite et niobium. En plus de la cassitérite, il existe également d'importants gisements d'or. Le coltan de la RDC est exploité principalement dans ces deux provinces ; de même que la province du Maniema. La cassitérite est, quant à elle, intimement liée à l'histoire économique tant de l'ex-Kivu que du Sud-Kivu, en particulier. Elle a été découverte pour la première fois dans les Kivu en 1910 par CFL alors que cette société construisait la ligne ferroviaire Kindu-Kongolo. L'histoire nous renseigne que dans les années 1940, la RDC était le deuxième plus grand producteur du monde de la cassitérite après la Bolivie. Comme démontré dans le tableau ci-dessus, ces deux provinces regroupent plusieurs minerais que le commun des congolais ne peut s'imaginer. Toutefois, les principaux minerais présents et officiellement exploités sont 45(*) : v la cassitérite Actuellement, elle est le plus important minerai en termes de quantités et de prix. La cassitérite est présente dans de nombreuses zones du Nord et du Sud-Kivu. Ses utilisations sont multiples, notamment en tant que composant de fils de soudure, d'étamages et d'alliages, eux-mêmes employés dans l'industrie électronique et dans la fabrication de boîtes de conserve. En 2007 et 2008, environ 4 à 5% de la production mondiale de minerai d'étain provenait de la RDC. D'après les statistiques gouvernementales officielles relatives au Nord et au Sud Kivu, 14.905,9 tonnes de cassitérite ont été exportées en 2007 et au moins 13.782,74 tonnes de janvier à septembre 2008. v l'or Présent au Nord et au Sud-Kivu, les plus importants gisements se trouvent au Sud-Kivu. La quasi-totalité des exportations d'or est illicite et non déclarée ; seule une part infime est produite et exportée de manière officielle. Il n'existe même pas de statistiques fiables. v le coltan Présent dans nombre des régions où l'on trouve également de la cassitérite, au Nord et au Sud-Kivu. Le coltan est un concentré de minerai qui associe deux métaux, à savoir le niobium (ou colombium) et la tantalite. Le coltan de la RDC était le plus important minerai dans les phases initiales de la guerre en RDC, son prix ayant culminé autour de 2000 suite à une demande en forte hausse. Selon les statistiques officielles 428,4 tonnes de coltan ont été exportées en 2007 au Nord et Sud Kivu et au moins 270,79 tonnes au premier semestre de 2008. v le wolframite Présent au Nord et au Sud-Kivu, le wolframite, parfois appelé wolfram, est un minerai de tungstène. Le tungstène entre dans la fabrication des métaux durs utilisés dans l'industrie lourde, notamment pour fabriquer des outils de coupe des métaux et de roches, des appareils pour l'extraction minière et d'autres pièces d'équipement. Le tungstène est également employé dans les lampes à incandescence, les alliages et les aciers, ainsi que dans la fonction de vibreur des téléphones portables. D'après les statistiques officielles relatives au Nord et au Sud Kivu, 1.222,1 tonnes de wolframite ont été produites en 2007. v le pyrochlore Minerai rare, présent à Lueshe, dans le territoire de Rutshuru (Nord-Kivu), le pyrochlore est le principal minerai qui permet d'obtenir du niobium. Le niobium du pyrochlore sert essentiellement d'additif dans la fabrication de l'acier. v Diverses pierres précieuses et semi-précieuses, dont des diamants, des améthystes et des tourmalines. De petites quantités sont présentes essentiellement au Sud-Kivu. II.1.2 L'exploitation minière en République Démocratique du Congo. L'exploitation minière a été de tous les temps l'épine dorsale de l'économie congolaise. L'importance que revêt l'exploitation minière en République Démocratique du Congo est telle que l'économie de ce vaste pays dépend totalement de la marche de cette exploitation. C'est dans ce cadre qu'il a été repris dans les lignes qui précédent les affirmations selon lesquelles les produits miniers sont à la base de la mise en valeur du Congo ; l'essentiel des budgets de l'Etat ayant été depuis longtemps financé par les recettes de l'exploitation minière. Aussi, l'effondrement de l'exploitation minière a entrainé et constitué de même la faillite de l'Etat. Et, cette situation est pareille depuis l'époque coloniale jusqu'à ce jour. 1) Bref historique de l'exploitation minière en RDC. Comme repris ci-dessus, l'exploitation minière et les richesses minérales ont toujours occupé une place importante dans l'identité du Congo. L'histoire de l'exploitation minière de la République Démocratique du Congo est donc liée à celle de l'exploitation globale du Congo dès la constitution de l'Etat Indépendant du Congo en 1885, et donc, celle du portefeuille congolais. Durant toute la période coloniale, l'économie congolaise fut dominée par quelques groupes : Société Générale de Belgique, Groupe Empain, Groupe Lambert, Cominière, ... Le 27/12/1886, le Roi Léopold II créa la Compagnie du Congo pour le Commerce et l'Industrie (CCCI) en vue de préparer la construction du chemin de fer du Bas-Congo et de promouvoir toutes les opérations d'industries, de travaux publics, de commerce, d'agriculture et des finances au Congo. Ne disposant pas d'assez de ressources financières pour faire face aux dépenses occasionnées par l'exploitation de son immense colonie, il prit la décision de pratiquer une politique d'encouragement des sociétés à charte. Deux compagnies à charte virent le jour sous Léopold II. Elles jouèrent un rôle déterminant dans la colonisation du Congo. Il s'agit du Comité Spécial du Katanga (CSK) créé le 15/04/1891 et de la Compagnie des Chemins de Fer du Congo Supérieur aux Grands Lacs Africains (CFL) fondée le 4 janvier 1902. Le CSK était le principal actionnaire de la Compagnie Géologique et Minière des Ingénieurs et Industriels Belges « GEOMINES » et de l'Union Minière du Haut-Katanga « UMHK » qui, après sa nationalisation, devint la GECAMINES. C'est donc cette compagnie qui a été largement mise à contribution pour la mise en valeur ou mieux l'exploitation des ressources minières du Katanga. De l'autre côté46(*), le Groupe Empain, avec le concours des milieux financiers français et belges, avait créé la Compagnie des chemins de fer du Congo Supérieur aux Grands Lacs Africains (CFL) qui avait les pouvoirs les plus étendus en vue de la colonisation et de l'exploitation des régions du Nord Est du pays. Le 4 janvier 1902, l'Etat Indépendant du Congo concéda à cette société pour 99 ans, l'exploitation d'un réseau de chemins de fer que la société s'engagea à construire à l'Est du Congo. La société avait reçu, en plus des activités de transport, les droits de recherche et d'exploitation des mines. C'est dans ce cadre (exploitation des domaines fonciers et miniers) que fut créé, entre autres, la Compagnie Minière des Grands Lacs Africains « MGL ». Une nouvelle convention entre la colonie et CFL aboutit à la création, le 13 janvier 1928 du Comité National du Kivu (CNKi), à qui la colonie a conféré la gestion des terres appartenant au domaine privé de l'Etat, les droits exclusifs de recherche et d'exploitation des gisements miniers dans le Kivu. Il sied de signaler qu'une association MGL-Auxilacs (Société Auxiliaire Industrielle et Financière des Grands Lacs, du groupe CFL, organe de financement au sein du groupe CFL-CNKi) a permis de créer à son tour les sociétés ci-dessous : - la Compagnie Minière de l'Ituri ; - la Société Minière de Lualaba (MILUBA) ; - la Société Minière de Nyamikubi (SOMIKUBI) ; - la Société Minière de Lueshe (SOMILU). Il faut noter que ces compagnies à charte, en s'associant avec des grands groupes financiers ont donné naissance à d'autres sociétés dont la FORMINIERE (Société internationale forestière et minière du Congo) dont l'activité principale était centrée sur l'exploitation des diamants du Kasaï. La COMINIERE, Société Commerciale et Minière du Congo, qui exerçait ses activités presque dans toutes les provinces du Congo, plus particulièrement dans le Nord Ouest, a été à la base de la création de la COMUELE, Société Commerciale et Minière de l'Uélé. ... C'est donc par le canal de ces différentes compagnies, dirigées et/ou gérées à partir de l'étranger qu'a été opérée l'exploitation minière en République Démocratique du Congo. Et cela, jusqu'à la veille de l'indépendance quand, par le décret royal du 27/06/1960, le gouvernement belge décida de dissoudre le CSK, les CFL et le CNKi. Dès 1966, la plupart de ces entreprises passèrent dans le portefeuille de l'Etat Congolais par le jeu des nationalisations qui aboutit à des entreprises publiques d'une part et à des entreprises d'économie mixte, de l'autre. Ainsi, les principales entreprises de l'Etat du secteur minier furent celles reprises dans le tableau ci-après. Tableau n° 2 : Principales entreprises minières de l'Etat (1996)
Source : CAMI ; PE=Exploitation Permit/PER=Exploration Permit 2) L'exploitation minière dans les provinces du Nord et du Sud-Kivu. Les activités minières ne sont pas récentes dans la grande région du Kivu. Elles remontent aux années 1920 où or et cassitérite constituaient les principales sources d'exploitation.47(*) Sous le régime colonial, la Compagnie Minière Belge des Grands Lacs (MGL) a commencé sa prospection dans le Sud-Kivu en 1902. Les colons belges ne vont s'intéresser aux mines du Kivu qu'après 1909 lorsque les géologues Joye et Lewin démontrèrent que les mines constituaient l'axe et le pivot de l'économie du Kivu. C'est seulement en 1923 que MGL extrait son premier minerai à Mufwa dans le district Kabare au Sud Kivu. Entre 1920 et 1940, le Ministre des colonies Louis Franck concrétise l'orientation de l'économie du Kivu vers le secteur minier en instruisant les sociétés minières créées en ces termes : « rapportez nous les cailloux qui paient ».48(*) A côté de MGL, il faut noter que plusieurs autres sociétés ont exploité les minerais de l'ex-Kivu dont ; Minerga, Kivumines, Phibraki, Cobelmin, Kinoretain, ... Ce sont ces entreprises issues des consortiums du groupe CFL qui ont exploité les minerais jusqu'à la veille de l'indépendance de la RDC. A la veille de l'indépendance, les filiales de la CFL se transforment en SARL. Les politiciens congolais cherchèrent à rompre la charte. Cette rupture ne se limita qu'à un simple changement de dénomination de la société qui s'appela dès lors Kivumines. Les troubles politiques de 1960 à 1964 ont réduit les activités aussi bien dans les centres miniers de la Minière des Grands Lacs (MGL) que dans ceux de la Kivumines, de la Cobelmin et de la Symétain au Kivu. Au lendemain du 30/06/1960 ainsi qu'avec le déclenchement de la rébellion de 1964, les européens des sociétés minières sont rentrés brusquement en Europe. Il en résulta que les centres miniers de la MGL de Kamituga et de Lugushwa résistèrent aux rebelles alors que ceux de la Kivumines, de la Cobelmin et de la Symétain leur cédèrent sans coup férir. Le 11 mai 1967 et le 12 décembre 1968, le Président Mobutu et le Ministre des mines signent respectivement l'Ordonnance-loi n° 67/231 et l'Arrêté ministériel n ° 0039 portant législation sur les mines et hydrocarbures. La MGL et la Cobelmin deviennent respectivement MGL-Congo et Cobelmin-Congo. Cette nouvelle législation ne retire pas aux centres miniers de MGL-Congo, de la Kivumines et de la Cobelmin-Congo leur statut de concessions minières couvertes de titres exclusifs. Elle insiste par contre sur le rôle de locomotives de développement socio-économique que doivent jouer ces sociétés dans les contrées qui les abritent. Entre 1969-1970, les trois sociétés entament un début de fusion, à dominance Cobelmin, qui fait de Kamituga le siège social de sa direction générale. C'est alors que les sociétés minières commencent effectivement à manifester leurs contributions dans le développement des centres miniers de Kamituga, Lugushwa, Twangiza, Kigulube et Lulingu, en territoire de Mwenga et Shabunda. Rappelons cependant que la Cobelmin-Congo qui était située à Lulingu n'était qu'un sous-traitant des Belgikamines, Kundamines, Kinoretain, Minerga, etc. Ainsi, le 20 mars 1976, les neuf sociétés minières (MGL-Congo, Cobelmin-Congo, Kivumines, Phibraki, Belgikamines, Kundamines, Kinoretain, Minerga et Symetain) datant de l'époque coloniale se fusionnèrent pour la création d'une nouvelle société (SARL) dénommée Société Minière et Industrielle du Kivu, SOMINKI en sigle. Pendant une dizaine d'années, le cours mondial de la cassitérite s'élèvera sous l'effet combiné d'une forte demande d'étain pour l'emballage en 'fer blanc' et pour la soudure dans les équipements électroniques. Ce qui a permis à la société de maintenir jusqu'en 1988 un bon niveau de production. Depuis lors, cette société a évolué en dents de scie. La baisse de la production due à la vétusté de l'outil de production et au non réinvestissement ne devrait amener la Sominki qu'à la faillite. En 1995, la Sominki a été vendue (à la société minière américaine Cluff Mining et au Canadian Banro Corporate). Depuis, plusieurs soubresauts se sont manifestés et une gouvernance politique et administrative calamiteuses ont aidé à mettre fin à l'activité industrielle des minerais dans le Kivu. 3) L'exploitation du coltan et de la cassitérite. L'histoire de l'exploitation de la cassitérite au Kivu est la même que celle de l'exploitation minière tout court dans cette région étant donné, comme dit plus haut, que l'or et la cassitérite constituaient les principales ressources. Or, la cassitérite se présente souvent dans les carrières du Kivu dans un mélange avec le colombo-tantalite et d'autres métaux. Mais, toute la tradition industrielle de l'exploitation visait la cassitérite pour en obtenir un minerai d'étain de haute qualité (et donc en retirer les autres métaux, dits « accompagnateurs »). Les métaux accompagnateurs, dont le coltan, étaient également exportés et vendus mais ils étaient considérés à la limite comme des déchets, d'autant plus qu'à l'époque le tantale n'était pas fort demandé par l'industrie métallurgique car on n'avait encore guère développé des applications industrielles.49(*) a) Le Coltan. Puisque le terme « coltan » vient de la RDC, il est à propos d'introduire celui-ci selon son lieu d'origine car, en effet, le terme « coltan » semble être une expression populaire qui vient de cette région d'Afrique.50(*) Il est le diminutif, ou surnom, donné à un minerai fort présent dans les sous-sols de ce territoire, soit la colombo-tantalite. Concentré de minerai qui associe deux métaux, le terme coltan fait donc référence à deux corps distincts à savoir la colombite (aussi appelée niobite) qui deviendra du colombium (ou niobium) et la tantalite qui donnera du tantale. Il est toutefois commun de les nommer simplement colombium dans le premier cas et tantale dans le second. Le Père Didier de Failly qui cite l'Encyclopedia Universalis France, donne la définition technique et chimique du coltan comme suit : « Le tantale (Ta) et le niobium (Nb) sont deux métaux de transition du groupe VA de la classification périodique des éléments et, de ce fait, ont un grand nombre de points communs : ils sont presque toujours associés dans leurs minerais ; leurs propriétés chimiques sont très voisines, ce qui rend particulièrement complexe leur séparation dans la phase d'extraction métallurgique ; ils appartiennent tous les deux à la classe des métaux appelés réfractaires (vanadium, niobium, molybdène, tantale, tungstène).51(*) Soulignons en passant deux éléments à retenir : d'abord, la complexité du processus de séparation détermine une partie du processus de commercialisation. Ensuite, le fait qu'ils appartiennent à la classe des métaux appelés réfractaires implique des applications industrielles particulières.52(*) Connus dans les laboratoires depuis le début du 19ème siècle, ces métaux n'ont reçu leurs développements technologiques qu'au lendemain de la seconde guerre mondiale. Le tantale est un conducteur unique de chaleur et d'électricité, facilement malléable et très résistant à la corrosion. Ses propriétés industrielles sont fort recherchées et ce métal s'avère salutaire pour plusieurs secteurs de l'industrie de pointe. Il est le plus rare des deux éléments ; d'où, il est le plus prisé de la combinaison appelée « coltan ».53(*) Les utilités techniques du tantale ont d'abord été mises en valeur durant la deuxième guerre mondiale et ensuite, au cours des années 1960, par le secteur des industries chimique, spatiale, électronique et militaire. Se présentant initialement comme une pierre grisâtre ; d'où son appellation d'Or gris, la tantalite et la colombite sont séparées par un procédé technique et réduites en poudre. Ensuite, la poudre de tantalite est transformée en poudre de tantale, en lingot, en palettes (chips) et en câblage (wire). Puis, ces nouveaux composants sont introduits dans plusieurs procédés techniques et se retrouvent ultimement dans des produits courants (téléphones portables, ordinateurs, ...) et des produits très spécialisés (missiles, réacteurs d'avions, satellites).54(*) Il y a lieu de noter que le tantale est surtout utilisé pour la fabrication de composants électroniques, principalement des condensateurs. Le colombium, quand à lui, s'avère moins lucratif que le tantale. D'abord à cause de ses propriétés plus modestes, et ensuite en raison de l'offre disponible. Il demeure cependant un matériau essentiel pour certains secteurs industriels importants comme l'énergie, les transports et l'aérospatiale. En résumé, la valeur du coltan dépend essentiellement du pourcentage de tantalite (généralement entre 20 et 40%) et à la teneur d'oxyde de tantale contenu dans ce dernier. C'est le tantale qui a été et qui est à l'origine du « boom » ou de la « course au coltan ». `Il est généralement admis que l'Australie, la RD Congo, le Brésil, le Canada et le Nigéria sont les plus grands détenteurs de tantale au monde. On dit que l'Afrique posséderait 80% des réserves mondiales et que les deux Congo détiendraient, à eux seuls, 80% des réserves africaines. On dit aussi que le coltan de la région du Kivu détiendrait l'un des taux les plus élevés de tantale au monde'.55(*) Au Kivu, on trouve du coltan dans des nombreuses contrées, surtout dans les zones minières traditionnelles en territoires de Mwenga, de Shabunda, de Kalehe, de Kabare, de Fizi et d'Uvira dans le Sud-Kivu et, en territoires de Lubero, Masisi et Walikale au Nord-Kivu. Comme repris dans les lignes précédentes, le coltan a été exploité industriellement par les différentes sociétés minières installées dans la province en même temps que la cassitérite. L'effondrement de ces sociétés et la libéralisation de l'exploitation dès 1981 a laissé le champ libre aux exploitants artisanaux. b) La cassitérite. La cassitérite56(*) (du grec kassiteros, étain) est un oxyde (SnO2) qui cristallise dans le système cristallin tétragonal (quadratique). La structure de la cassitérite, comme celle du rutile, est proche de celle de la nickéline mais seule la moitié des cavités octaédriques est occupée. C'est le principal minéral des gîtes de l'étain et on la trouve souvent dans les placers. Ses associations communes sont la tourmaline, l'apatite et la fluorine ; les gîtes associés sont ceux de la wolframite et de la molybdénite. La cassitérite est translucide à l'état pur, mais brune ou noire en présence d'impuretés. On trouve la cassitérite dans les roches magmatiques acides (granites et pegmatites) et surtout dans les filons qui leur sont liés. Elle peut être également exploitée dans des gîtes alluvionnaires. Les dépôts primaires sont formés par procédés géologiques profonds, tel que l'intrusion du granite dans lequel la cassitérite est enfoncée dans des rochers dures comme les pegmatites ou le quartz. Les dépôts d'alluvion sont formés par concentration mécanique de la cassitérite lourde dans les lits des rivières où le minerai d'étain est contenu en gravier et sable. L'étain est obtenu en réduisant le minerai par introduction de la houille bitumeuse dans un fourneau de répercussion. L'étain est principalement utilisé comme un métal induisant parce qu'il a une faible température de fusion. Dans des températures normales, il est aussi résistant à la souillure dans l'air et à la corrosion. Ainsi, il est utilisé dans divers emplois allant du revêtement d'autres métaux pour empêcher la corrosion aux circuits imprimés et passant par la plomberie, les plombages dentaires et les produits ignifuges. Au Sud-Kivu, on retrouve le coltan et la cassitérite pratiquement dans tous les territoires. Ils sont présents aussi dans les provinces du Nord-Kivu, du Maniema et du Katanga. L'étain est devenu le métal le plus échangé à la bourse des métaux de Londres.57(*) 4) L'exploitation artisanale des minerais au Nord et au Sud Kivu. Après avoir évoqué les minerais exploités dans les provinces du Kivu, il sied, pour être assez complet selon les objectifs de notre étude, de nous appesantir tant soit peu sur l'exploitation artisanale. A nos jours, le volume de minerais (de même que la valeur) commercialisés à partir des Kivu est tellement important qu'il serait malhonnête de ne pas le reconnaître et de ne pas y attacher une certaine attention. Et, aucune industrie minière au sens propre du terme n'est encore opérationnelle dans la contrée, celle y installée étant - parait-il - encore au stade de la prospection. Il en découle donc que toute la production minière de ces deux provinces se fait de manière artisanale. Il faut noter que, sans activité artisanale, le principal secteur de l'économie congolaise n'aurait survécu à des décennies de pillage et de guerre. Et en cette matière, ce qui est dit pour les Kivu est également valable pour les autres provinces ; le Katanga, le Kasaï et la Province Orientale. Pourtant, cette activité est toujours considérée comme quelque peu douteuse, tolérée (car organisée quand même par des textes légaux) mais pas encouragée. La plupart en parle en la qualifiant d'activité informelle. Or, l'exploitation artisanale est devenue non seulement la stratégie de survie des populations, mais aussi et surtout la source d'une grande partie de la production réelle (et `formelle'). Ignorer cette réalité au détriment des contrats léonins avec les grands industriels est une grave erreur d'appréciation. Remarquons tout de même que l'activité artisanale, surtout dans sa forme actuelle, n'a pas existé depuis toujours. Depuis l'époque coloniale jusqu'au début des années 1970, les sites reconnus miniers étaient sous le contrôle strict des entreprises industrielles et, de l'Etat. Toute forme d'exploitation minière dans et en dehors des sites miniers était prohibée et sévèrement réprimée. Comme c'était une affaire d'Etat compte tenu du poids politique des sociétés minières, même les Eglises s'y mêlaient pour stigmatiser tout comportement tendant à toute sorte d'exploitation minière non autorisée. L'accès aux sites était interdit sans autorisation préalable et, en dépit de cette dernière, les allées et venues étaient très surveillées avec une Police des Mines (POLIMINES ou GARDE MINIERE) plus puissante même que l'armée ou la police régulière. Ainsi, le seul fait de se retrouver avec une seule petite graine d'un quelconque minerai pouvait valoir à son détenteur des sanctions graves allant jusqu'à l'emprisonnement à vie ou à la relégation pour soi-même et même pour les membres de la famille. C'est au début des années 1970 que des filières artisanales (particulièrement celles de l'or) se sont mises en place de manière frauduleuse, bravant l'autorité. Pendant cette période, la filière artisanale servait le commerce informel qui s'est développé par des canaux mis en place avec les opérateurs économiques installées dans les pays voisins. Ce commerce comportait des risques énormes et était très réprimé. L'extraction artisanale au Kivu a commencé officiellement au moment où elle a fait l'objet d'une réglementation, c'est-à-dire légalisée par l'Ordonnance-loi n° 82/039 du 05/11/1982. En ce qui concerne le Kivu, son champ d'application concernait surtout l'or et la cassitérite (à cette époque là on ne parlait pas encore de coltan) qu'il devenait désormais possible de vendre à des comptoirs agréés.58(*) L'article 32 de cette Ordonnance-loi interdisait certes aux creuseurs artisanaux d'opérer dans les concessions couvertes par des titres miniers exclusifs, mais plusieurs de ces concessions n'étaient déjà plus exploitées par leurs titulaires. Ce flou, ajouté à la déliquescence de l'administration publique et des forces de l'ordre, conduisit rapidement à l'extension de l'activité artisanale. A cela il faut ajouter aussi l'effondrement de l'exploitation minière de type industriel avec notamment la liquidation de la SOMINKI en 1996 qui assurait l'exploitation des minerais sur toute l'étendue des deux provinces du Kivu. Elle possédait au fait à l'origine la plupart des concessions minières de l'Est du Congo. Les mines d'or constituaient l'essentiel de ses activités, le reste étant consacré à l'exploitation de l'étain (la cassitérite étant le minerai duquel l'étain est extrait et avec lequel les dépôts de coltan sont généralement trouvés). Pendant vingt ans cette société a été le pivot de l'économie du Kivu. La chute des cours mondiaux d'étain en 1985 et 1988 ont sérieusement entamé cette entreprise qui finira par être liquidée en mars 1996, signant en même temps la fin de l'exploitation industrielle des minerais dans ces régions. La guerre de l'AFDL et les suivantes n'ont fait qu'instaurer l'exploitation artisanale comme modèle type de l'activité économique de la région ; modèle qui fournissait dès un certain moment l'essentiel du budget de la rébellion.59(*) Cette exploitation est faite par des particuliers soit dans leurs propres champs, soit dans des portions de terre louées ou achetées. Avant de clore cette section, il sied d'avoir une idée sur la façon dont fonctionne cette filière artisanale afin d'être à mesure de comprendre le poids de charges financières nécessitées par chaque niveau et donc celui du coût final, élément de base qui détermine le comportement des opérateurs économiques vis-à-vis des pouvoirs publics c'est-à-dire face aux réglementations et normes officielles requises. Au fait, les filières coltan et cassitérite drainent un grand nombre d'acteurs ou d'intervenants dont les relations de pouvoir et les forces différent considérablement selon qu'il s'agit de la filière industrielle, où s'affrontent des sociétés multinationales, ou de la filière artisanale devenue l'une des principales sources de revenus de la majorité des populations proches des sites d'exploitation minière. Bien que le nouveau code minier reconnaisse trois principaux intervenants dans l'exploitation minière artisanale ; à savoir, les exploitants artisanaux, les négociants et les comptoirs d'achat des minerais ; les centres miniers regroupent une panoplie d'autres acteurs60(*)selon les différentes étapes de l'exploitation. a) La prospection. Le prospecteur-creuseur est un villageois, souvent un ancien mineur, et il s'avère être le chef d'orchestre du processus d'extraction du minerai. Véritable homme d'affaires, il s'occupe d'abord d'explorer divers sites afin de dénicher les endroits les plus profitables pour aller négocier ensuite une entente de concession temporaire avec le propriétaire du terrain moyennant paiement d'une certaine somme. Une fois l'accord conclu, le prospecteur va recruter son équipe de creuseurs et deviendra chef d'équipe.61(*) La plupart de creuseurs sont des gens simples qui vendent leurs services et dépendent le plus souvent du creuseur attitré, c'est-à-dire la personne qui détient la carte d'exploitant et pratique l'exploitation artisanale soit dans son champ soit sur une portion de terre louée. Ces creuseurs vendent une partie de leur production aux négociants sur les sites d'exploitation ou directement aux comptoirs accrédités. b) Le petit négociant. Le petit négociant est établi au village. Il représente le premier point de chute du coltan ou de la cassitérite et c'est lui qui traite avec les chefs d'équipe. La profession de négociant est ouverte aux seules personnes physiques de nationalité congolaise. Son exercice est conditionné par l'obtention d'une carte de négociant délivré par le Gouverneur de province. Les petits négociants sont limités par l'insuffisance de leurs ressources financières, et leurs transactions avec les creuseurs ne portent généralement que sur des faibles quantités de cassitérite ou de coltan. c) Le négociant principal. Le négociant principal est le deuxième point de chute du minerai. Il dispose de plus de ressources financières que le petit négociant et est mieux informé des évolutions des prix pratiqués par les comptoirs d'achat. Il a la responsabilité de s'assurer de la qualité des minerais avant leur acheminement vers les comptoirs. Il dispose de ce fait du matériel pour ce faire ; matériel dont ne peut disposer le petit négociant. d) Les agences de transport aérien. Elles jouent un rôle très important dans les filières minières en raison de l'enclavement de la plupart des sites miniers et d'importantes quantités à transporter. Elles font le relais entre les négociants et les comptoirs et, par moment, se chargent aussi des fonctions de négociant. e) Le comptoir d'achat. Les comptoirs agréés sont autorisés à effectuer les opérations d'achat, de vente et d'exportation des substances minérales d'exploitation artisanale. Ils sont situés généralement dans les villes et représentent le troisième et dernier point de chute du coltan et de la cassitérite avant l'exportation. Ils disposent de bons contacts à l'étranger leur permettant d'être bien informés des cours sur le marché mondial, ce qui est manifestement utile pour négocier le prix d'achat. Ils disposent de même d'équipements modernes et plus performants que ceux des négociants pour analyser les échantillons de minerais et faire subir auxdits minerais certains traitements pour améliorer leur pureté. Au delà de ces cinq principaux acteurs internes, la filière inclut aussi d'autres intervenants au niveau international dont les courtiers, les transporteurs internationaux et les acheteurs internationaux. Au niveau interne il y a également d'autres intervenants et, non des moindres. S'ils n'interviennent pas dans la production, ils en assurent toutefois le déroulement ou plutôt le fonctionnement. Il s'agit d'opérateurs publics, ceux qui détiennent les pouvoirs divers pour mettre en oeuvre à la fois, le processus de production et les circuits de commercialisation tant en interne qu'à l'exportation. L'action des intervenants publics est de toute importance étant donné son impact sur le système tout entier. Elle est influente sur le comportement des opérateurs économiques et donc sur la rentabilité du secteur par rapport aux finances publiques. Notons enfin que la compréhension du fonctionnement des filières coltan et cassitérite permet de mettre en évidence trois principales phases d'activité : la production (creuseurs), la commercialisation intérieure (du petit négociant au comptoir d'achat) et l'exportation (comptoir d'achat). II.2 La législation minière en République Démocratique du Congo. Nous tenons, dans cette partie, à évoquer - dans un premier temps - l'évolution de la fiscalité minière de la République Démocratique du Congo avant de considérer les textes en vigueur dont essentiellement ceux en rapport avec l'exploitation artisanale de minerais. Nous notons de prime abord que l'application ou la non application correcte de cette loi peut être une des causes des dysfonctionnements observés dans le secteur minier en général, et la filière artisanale en particulier. II.2.1 Evolution de la fiscalité minière de la RDC, des origines à nos jours. Nous avons noté que pour exploiter son immense territoire, le Roi Léopold II s'était appuyé sur l'initiative privée pour réaliser des investissements colossaux qui étaient planifiés pour la mise en valeur d'immenses ressources minières. Il a ainsi octroyé des concessions aux Groupes privés qui devaient, en contrepartie, payer les impôts à l'Etat Indépendant du Congo et aussi rétribuer les participations de l'Etat par des dividendes. Nous avons noté de même que l'exploitation minière était le pivot de l'économie coloniale. Avec les impôts, taxes et redevances perçus, l'Etat pouvait ainsi étendre ses participations dans d'autres branches économiques, au départ des concessions d'exploitation des mines. Aussi, fallait-il créer un cadre susceptible de réunir toutes les données relatives aux mines en guise de décisions pouvant traduire l'expression d'une unité de production en vue d'une continuité de directives. Il fallait donc un cadre juridique approprié sur l'exploitation minière mais également pour l'administration de cette exploitation de ressources minières, c'est-à-dire légiférer et créer un service (ou des services publics) chargé du contrôle, du suivi et de l'application de ces règles législatives et réglementaires en la matière. Dans l'exposé des motifs de la Loi 007/2002 du 11 juillet 2002 portant Code minier, il est repris ce qui suit : « depuis l'Etat Indépendant du Congo, les ressources naturelles, particulièrement les substances minérales précieuses, n'ont cessé d'attirer des chercheurs et des investisseurs miniers de différents horizons. Ce qui avait amené le Congo Belge à légiférer sur la recherche et l'exploitation des substances minérales dans le Territoire national. En effet, par Décret du 16 décembre 1910 modifié et complété par le Décret du 16 avril 1919, le Gouvernement du Congo Belge avait réglementé la recherche et l'exploitation minières uniquement dans le Katanga ».62(*) Cette législation a été plus tard abrogée et remplacée par le Décret du 24 septembre 1937 pour l'ensemble du territoire national. Ce décret est resté en vigueur jusqu'en 1967, année de la promulgation de la première législation minière du Congo indépendant par l'Ordonnance-Loi n° 67/231 du 03 mai 1967 portant législation générale sur les mines et les hydrocarbures. Pour l'application de cette Ordonnance-Loi, une ordonnance a été prise portant le n° 67-416 du 23 septembre 1967, relative au règlement minier. L'Ordonnance-loi de 1967 a été à son tour abrogée par l'Ordonnance-Loi n° 81-013 du 02 avril 1981 portant législation générale sur les mines et les hydrocarbures. Bien d'autres textes ont suivi cette ordonnance loi soit pour modifier certaines dispositions soit pour mettre en place des mesures d'application. Il faut signaler dans ce sens l'ordonnance de 1982 autorisant l'exploitation artisanale de minerais ; de même que plusieurs textes réglementaires dont ceux concernant le régime fiscal et douanier destiné à l'exploitation minière. L'abrogation de l'O-L de 1967 n'avait pas apporté de grandes innovations de sorte que la dernière loi de 1981 ne s'était point écartée de celle de 1967 dans ses grandes lignes. C'est cette loi de 1981 qui est donc restée en vigueur jusqu'en 1996, à l'avènement de l'AFDL. Les dispositions de la loi de 1981 ont été abrogées par celles de la loi de 2002 portant Code minier qui restent en vigueur jusqu'à ce jour. Il y a lieu de remarquer aussi qu'en marge du Décret de 1937 et sur le plan des structures de gestion, le Gouverneur de la colonie signa l'ordonnance n° 412/A.E du 26 octobre 1940 portant Inspection des mines et édictant en son article premier que « sont chargés de l'inspection des mines, les ingénieurs relevant des services de Affaires Economiques du gouvernement central, des provinces et du service du Conseiller Technique Minier. » Par la publication de l'arrêté Royal du 1er juillet 1947 portant organisation administrative de la colonie, il a été créé à la quatrième Direction des Affaires Economiques, Terres, Mines et Géologie, une Direction des Mines avec un bureau régional à Constermansville (actuelle Bukavu) à la tête duquel fut placé un Ingénieur Inspecteur Chef de bureau. En application de cet Arrêté Royal, le Gouverneur Général prendra l'Ordonnance n° 299/Mines du 02 octobre 1947 portant Inspection des Mines qui stipulait en son article premier que : `sont chargés de l'Inspection des Mines, telle qu'elle est prévue par l'article 145 du Décret du 24 septembre 1937 relatif à la législation générale sur les mines, les Inspecteurs du Service des Mines du Gouverneur Général `. C'est à partir de cet arrêté royal et de son ordonnance d'exécution qu'on parlera d'une Direction des Mines et d'un Bureau Régional des Mines ayant en charge l'inspection minière. Le besoin technique apparaissait être une des raisons de la nécessité de création d'un service chargé uniquement de l'inspection des mines. Par ailleurs, l'Ordonnance n° 221/SG du 1er juillet 1947 portant organisation administrative de la colonie définit de façon explicite les attributions du service de l'Inspection des Mines que nous résumons comme suit : - Inspection des travaux de recherche et d'exploitation aussi bien pour la partie économique que pour la partie technique ; - Contrôle des registres miniers tenus par l'exploitant sur les chantiers ; - Inspection des carrières et des usines de traitement de minerais au double point de vue économique et technique ; - Examen des réserves minières et tenue des statistiques de production de mines, des carrières et des usines de traitement de minerais ; - Délivrance d'autorisation de disposer des produits de recherche ; - Avis à l'occasion de la procédure en délivrance d'une concession minière, d'un permis de recherche ou d'exploitation minière.63(*) II.2.2 La loi minière de 2002. 1) Aperçu Jusqu'en 1996, les activités minières étaient régies par la loi n° 81-013 du 02 avril 1981 ainsi que les différentes autres dispositions réglementaires relatives à son application. Avec l'avènement de l'AFDL et les autres rébellions, le pays a été divisé en plusieurs « Etats » dont les minerais constituaient un des grands motifs d'existence. Ainsi, chaque faction rebelle a édicté ses propres textes en matière d'exploitation minière. Et chaque faction a mis en place son propre cadre juridique pour s'assurer des ressources nécessaires à son fonctionnement. Il se fait donc qu'au moment de la `réunification' du pays - conséquence du dialogue inter-congolais - il fallait « réunifier » aussi les différents textes en rapport avec l'exploitation minière car les opérateurs étaient soumis à des textes disparates avec des dispositions tout à fait différentes. On notera de même qu'un des objectifs poursuivis en aménageant la législation minière a toujours été l'attrait des investissements. Aussi, « il ressort de l'analyse objective de toutes les données bilantaires des activités minières disponibles à ce jour, que les législations promulguées après l'indépendance de la République Démocratique du Congo ; c'est-à-dire depuis 1967, n'avaient pas attiré les investissements, mais qu'elles avaient plutôt eu un impact négatif sur la production minière du pays et sur les finances publiques. Et que les régimes minier, fiscal, douanier et de change qu'elles organisaient n'étaient pas incitatifs. A quelques exceptions près, les études statistiques ont démontré que les volumes d'investissements et de la production minière ont été plus importants dans la période allant de 1937 à 1966 comparativement à celle de 1967 à 1996, période régie par la loi minière de 1981. Il se dégage de ces données que 48 sociétés minières ont été opérationnelles pendant la période de 1937 à 1966 contre 38 seulement entre 1967 et 1997 et, 7 dans la période d'après 1997. Pour pallier cette insuffisance, le législateur a tenu à mettre sur pied une nouvelle législation incitative avec des procédures d'octroi des droits miniers ou de carrières objectives, rapides et transparentes dans laquelle sont organisés des régimes fiscal, douanier et de change ».64(*) C'est cela qui a constitué la raison d'être de la loi de 2002 portant Code Minier. Toutefois, si c'est la raison majeure, officielle et facilement défendable, il faut reconnaitre que cette loi se devait d'abord de remettre la gestion du secteur minier de la RDC sous une même et seule cape, sous une même administration. Ses dispositions devaient s'appliquer à tous et sur toute l'étendue du territoire en mettant ainsi fin aux pratiques et dispositions issues du délabrement et de la gouvernance éparse du pays depuis plusieurs années. Ensuite, la loi de 2002 intervient au moment où la Banque Mondiale et le Fonds Monétaire International sont entrain de mettre en place avec le gouvernement congolais une mouture du programme économique du gouvernement. Ces institutions devaient se rassurer sur les moyens disponibles pour le Congo avant de s'engager dans ses programmes. Or, la gestion des minerais est la filière la plus importante de la RDC et son exploitation est le gage pour les occidentaux acceptant « d'assister » le pays dans le financement de son action. Ainsi, la loi minière de 2002 apparait plutôt comme une émanation des institutions de Bretton Woods pour garantir leurs interventions qu'une volonté du législateur congolais de pallier aux insuffisances de celle de 1981. 2) Quelques caractéristiques du code minier de 2002 Le champ d'application du code minier porte sur la prospection, la recherche, l'exploitation, la transformation, le transport et la commercialisation des substances minérales classées en mines ou en produits de carrières ainsi que sur l'exploitation artisanale des substances minérales et à la commercialisation de celles-ci. Signalons en passant que contrairement aux dispositions antérieures, la Loi portant Code minier ne traite pas des hydrocarbures. Le code reconnait à l'Etat la propriété sur les substances minérales contenues dans les gîtes minéraux du sol et du sous-sol de son espace territorial ; il a le mérite de réaffirmer le principe que les droits découlant de la concession minière sont distincts de ceux des concessions foncières de sorte qu'un concessionnaire foncier ne peut se prévaloir de son titre pour revendiquer un droit de propriété sur les substances minérales contenues dans le sous-sol. Par ailleurs, le nouveau code procède à un classement des gîtes minéraux en mines et en carrières. Le nouveau code détermine les organes qui interviennent dans l'administration ou l'application de ses dispositions dont, le Chef de l'Etat, le Ministre des Mines, le Gouverneur de Province, le Chef de Division provinciale des mines, la Direction des mines, la Direction de géologie, le Cadastre minier et le service de protection de l'environnement minier. On notera également que ce code a institué, à côté de l'exploitation minière industrielle, une exploitation minière à petite échelle ou de petite taille qui diffère de la première citée en raison de la valeur économique du gisement et de la taille des installations d'exploitation. Le code confirme de même l'exploitation minière artisanale. Contrairement à cette dernière, l'exploitation à petite échelle nécessite la mise en évidence préalable d'un gisement et l'emploi non seulement des procédés semi-industriels mais aussi industriels. Avec l'Ordonnance - loi de 1981, le secteur minier avait des catégories d'opérateurs qui étaient soumis au régime fiscal et douanier de droit commun (avec possibilité d'obtenir des avantages en la matière par le biais du Code des investissements), et d'autres qui bénéficiaient du régime conventionnel et qui avaient la possibilité d'obtenir des avantages fiscaux plus étendus. « Dans son ensemble, le système fiscal en vigueur sous l'ordonnance-loi de 1981 affectait négativement la rentabilité et la croissance des investissements miniers. La fiscalité étant pour les entreprises minières un des facteurs déterminants de la décision d'investir leurs capitaux dans un pays donné, le code introduit une innovation( !) en mettant en place un régime fiscal et douanier unique applicable à tous les opérateurs du secteur minier industriel et tous les exploitants miniers à petite échelle, sans aucune exception de la nature ou durée du titre minier »(code minier, Titre IX). Outre qu'il est unique et applicable à tous, le régime fiscal et douanier prévu dans le présent code introduit les innovations ci-après (Titre IX, chapitre 1er): - le caractère exhaustif du régime fiscal et douanier. L'actuelle loi a l'avantage d'énumérer et de régir tous les impôts perçus par la DGI ; tous les droits perçus par l'Administration des douanes, et un autre droit dont la régie de perception sera précisée dans le règlement minier, en l'occurrence la redevance minière. - le caractère exclusif du régime fiscal et douanier. Seuls les impôts et droits de douane prévus dans la présente loi s'applique au titulaire des titres miniers à l'exception de toutes autres formes d'imposition présentes et à venir prévues dans d'autres textes législatifs ou réglementaires. Il importe de préciser que le régime fiscal et douanier de l'exploitation artisanale qui est renvoyé à une législation particulière ne constitue guère une exception à cette règle. -l'extension légale des avantages fiscaux et douaniers aux sous-traitants et aux sociétés affiliées du titulaire des titres miniers ainsi qu'à l'amodiataire des droits miniers (avantages non reconnus - sauf convention minière ou bénéfice du code des investissements - par l'ancienne législation). - l'assurance de la stabilité du régime fiscal et douanier. Les dispositions fiscales du droit commun s'appliquent aux titulaires de droits miniers suivant les taux et les modalités ayant existé au jour de l'entrée en vigueur du Code. Il va donc sans dire qu'aucun texte législatif que le Code ne peut modifier les dispositions fiscales prévues dans le présent Code. De ce fait, le Code minier en son titre IX prévoit les impôts et autres droits ci-après pour le titulaire du titre minier : - impôt professionnel sur les bénéfices : 30% (art 247) ; - impôt sur les dividendes et autres distributions versés par le titulaire à ses actionnaires : 10% (art 246) ; - impôt sur les revenus locatifs : 22% (art 245) ; - impôt sur les véhicules conformément au droit commun (art 237) ; - impôt sur la superficie des concessions minières et d'hydrocarbures aux taux fixés selon qu'il s'agit d'un détenteur de Permis de recherches ou d'un titulaire d'un droit minier d'exploitation (art 238) ; - impôt sur le chiffre d'affaires : 3 ou 5% du service intérieur des produits* ; - impôt professionnel sur la rémunération des expatriés : 10% (art 260) ; - de la Redevance minière (art 240 et svts) ; - impôt foncier conformément au droit commun (sur les immeubles pour lesquels l'impôt sur la superficie des concessions minières et d'hydrocarbures n'est pas dû) ; - droits d'accises et de consommation conformément au droit commun (sauf pour les huiles minérales) ; - droits de douane à l'importation : 3 à 5% (art 232) - redevances pour services rendus à l'exportation : ne doivent pas excéder 1% de la valeur à l'exportation. En dehors de la loi de 2002, le décret n° 038/2003 du 26 mars 2003 portant règlement minier a été édicté afin de mettre en place des dispositions adéquates pour l'application du Code. En son Titre 1er, chapitre 1er et article 1er, il est stipulé que le décret fixe les modalités et conditions d'application de la loi n° 007/2002 du 11/07/2002. Il réglemente en outre les matières connexes non expressément prévues, définies ou réglées par les dispositions de la Loi. Ce décret reprend également un code de bonne conduite à l'endroit des opérateurs du secteur minier et par catégorie. 3) Législation applicable à l'exploitation artisanale. Le code minier de 2002, à l'instar de l'ordonnance-loi n° 81-013 du 02/04/1981, organise les critères d'institution d'une zone ou des zones d'exploitation artisanale de minerais. En matière fiscale, il faut remarquer que l'exploitation artisanale est régie par des dispositions particulières étant donné que les acteurs de ce secteur ne sont pas titulaires de droits ou de titres miniers, selon qu'il est explicitement stipulé au Chapitre IV du Titre IX : « la fiscalité des exploitants artisanaux, des négociants et des comptoirs d'achat agréés et de vente des substances minérales d'exploitation artisanale, est organisée par des textes particuliers ». Il faudrait de prime abord donc avoir à l'esprit que l'exploitation artisanale en soit n'est ni une activité informelle ni illégale. Elle est régie par la loi qui la définit et en fixe le mode opératoire. Selon le code minier, l'exploitation minière artisanale est définie comme « toute activité par laquelle une personne de nationalité congolaise se livre, dans une zone d'exploitation délimitée en surface et en profondeur jusqu'à trente mètres au maximum, à extraire et à concentrer des substances minérales en utilisant des outils, des méthodes et des procédés non industriels ».65(*) Nous reprenons de ce fait dans les lignes qui suivent, un énoncé des différentes dispositions qui concernent cette activité aussi bien dans le Code que dans le Règlement minier en nous attardant sur les textes en rapport avec la fiscalité. a) L'exploitation minière artisanale dans le code minier de la RDC de 2002. Outre les articles 5, 10, 11, 14, 26, 27 qui donnent des généralités sur l'exploitation artisanale de minerais, le Code a réservé tout un Titre consacré expressément à l'exploitation artisanale des mines ; soit, de l'article 109 à l'article 128. L'article 261 du Titre IX, chapitre III traitant de la fiscalité mentionne que le régime fiscal et douanier applicable aux exploitants artisanaux, aux négociants et aux comptoirs d'achat agréés est régi par voie réglementaire conformément aux modalités fixées par le Règlement minier. C'est donc dans le Règlement minier qu'il faut chercher pour trouver les dispositions particulières concernant l'exploitation artisanale. b) L'exploitation minière artisanale dans le Règlement minier de la RDC de 2003. En dehors des articles sur des généralités qui reviennent sur certaines conditions pour l'exploitation minière artisanale (articles 3, 4, ...), le Règlement minier revient sur cette activité exclusivement en ses Titres IX et X dans les articles 224 à 268 qui donnent tous les détails sur l'exploitation minière artisanale. Le Règlement a consacré son Titre XX à la fiscalité c'est-à-dire les régimes fiscal, douanier et de change. Le chapitre IV de ce titre est consacré aux mesures d'application du régime douanier, fiscal et parafiscal applicable à l'artisanat minier en ses articles 537 et 538. De même, les annexes V et VI du Règlement minier renseignent sur le Code de bonne conduite de l'exploitant artisanal (12 articles) et le modèle de déclaration que doit souscrire l'exploitant artisanal. Il ressort de tout ce qui est évoqué ci-dessus que l'exploitation artisanale est bel et bien régie par la législation de la RDC ; des droits, taxes et redevances sont bien définis ainsi que les prérogatives des intervenants. Notons qu'en plus d'intervenants énumérés dans le Code minier dont le Ministre des Mines (qui institue les zones d'exploitation artisanale ; accorde et retire l'agrément des comptoirs d'achat des produits de l'exploitation artisanale et délivre les autorisations de traitement des produits d'exploitation artisanale), l'autorité provinciale des Mines (délivre les cartes d'exploitant artisanal), le Cadastre minier (enregistre les zones d'exploitation ; s'assure de la non violation ou du non empiètement des zones d'exploitation artisanale par les détenteurs des titres miniers), la Direction de Géologie (ouvre et ferme les zones d'exploitation minière artisanale), la Direction des mines (s'occupe des statistiques, du contrôle et de l'inspection de l'exploitation), et le Département chargé de la protection de l'environnement minier (qui définit et met en oeuvre les règlements miniers concernant la protection de l'environnement en conformité avec les règles qui régissent les exploitants artisanaux) ; l'article 14 des Règlements miniers identifie d'autres services techniques du Ministère des Mines qui ont des responsabilités précises dans le secteur de l'exploitation minière artisanale. Il s'agit de : - le Service d'assistance et d'encadrement des exploitations minières à petite échelle (SAESSCAM), créé en 2003, est l'autorité gouvernementale chargée d'organiser et de superviser le secteur de l'exploitation minière artisanale. Une de ses missions est de « veiller à ce que les taxes appropriées provenant de l'exploitation artisanale soient perçues pour le compte de l'Etat ». - la Cellule Technique de Coordination et de Planification Minière (CTCPM), créée en 1978, a pour mission de jouer un rôle capital dans la coordination de tous les divers ministères et organisations impliqués dans la recherche, l'exploitation, la production, le traitement, le transport et la commercialisation des produits miniers (mise au point et adaptation des nouvelles techniques pour améliorer l'exploitation artisanale, collecter toutes les statistiques sur la production artisanale, collecter et publier les textes légaux et règlementaires qui sont émis au sujet de l'exploitation artisanale). - le Centre d'Evaluation, d'Expertise et de Certification (CEEC) pour les minerais précieux et semi-précieux. Créé en 2003, il s'agit d'une autorité gouvernementale chargée de la certification des minerais. Etant donné que la plupart de minerais que le CEEC évalue et certifie provient des mines artisanales, il a un rôle important à jouer dans la production et le commerce des minerais d'exploitation artisanale. Des dispositions particulières à tous ces agents et services s'appliquent donc à l'exploitation minière artisanale et à chaque intervention de l'un ou l'autre; il y a des droits, taxes ou redevances à percevoir. Enfin, il faut tout simplement noter que le cadre juridique pour l'exploitation minière artisanale au Nord et au Sud Kivu existe, au moins formellement. Mais, malgré l'institution du cadre juridique dans le domaine de minerais du fait de l'existence du Code minier, l'application de ces textes et le suivi souffrent d'un déficit coupable. * 19 M. Duverger, Finances publiques, Thémis, PUF, Paris, 1978, p. 204 * 20 Bakandeja, (G), Les Finances Publiques. Pour une meilleure gouvernance économique et financière en RDC, Afrique Editions, 2005, p. 71 * 21 Gaston, (J), cité par Bakandeja G, idem, p. 72 * 22 KOLA GONZE R., notes de cours de Droit Fiscal, UNIKIN, année 2003-2004, inédites, p.2 * 23 Mehl, (L) et Beltrame, (P), in Science et technique fiscales, cités par KOLA GONZE, idem, p. 3 * 24 Disle, (E) et SARAF, (J), op.cit., pp. 1 - 2 * 25 Bakandeja, (G), op. cit., pp. 73-74 * 26 Disle, (E) et Saraf, (J), op.cit ; p. 5 * 27 Les ressources non fiscales. Voir : 1) Bakandeja wa Mpungu, op. cit. pp 92 à 99 et 2) Kadimashi Mulamba, séminaire sur Les questions spéciales des Finances Publiques, ECODOC/UPN - Kinshasa, 2009-2010, inédit. * 28 Document du Ministère Français du Budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat. * 29 Bakandeja wa Mp., (G), op. cit, p. 97. * 30 Umba-di-Ndangi, Finances Publiques. Commentaires de Principes-Procédures-Pratiques, des origines à nos jours en RDC, BECIF, Kinshasa, 2006, p. 253 * 31 Umba-di-Ndangi, op.cit, pp. 137-139 * 32 Umba di Ndangi, op.cit., pp. 138-139 * 33 Umba-di-Ndangi, op.cit., pp. 253-255. * 34 Dantonel, (N), Droit des collectivités territoriales, Ed. Breal, Paris, 2001, p. 3 * 35 MUYER Oyong, Impératif du développement et de la réforme administrative locale au Zaïre, PUZ, Kinshasa, 1986, p. 126 * 36 Kabange Ntabala, Droit administratif. Genèse et évolution de l'organisation territoriale, politique et administrative en RDC, St-Paul, Kinshasa, 2001, p. 23 * 37 Constitution de la République Démocratique du Congo du 18 février 2006, article 3 * 38 http://www.dgi.gouv.cd, consulté le 12/05/2012 * 39 Pole Institute, « Les Ressources minées : la faillite de la politique minière de la RDC », in Regards Croisés n° 15, Revue trimestrielle, Goma, décembre 2005. * 40 Adamon Ndungu Mukasa et Janvier Kilosho Buraye, « La filière stannifère artisanale au Sud-Kivu : cas du coltan et de la cassitérite », in L'Afrique des Grands Lacs, Annuaire 2008-2009, p.215 * 41 RDC, DSCRP, 7/2006, p. 32. * 42 Rapport ITRI, octobre 2008. * 43 Pact, Etude PROMINES, « exploitation minière artisanale en RDC », juin 2010, p. 19 * 44 Le Kivu, article sur www.wikipedia.org, consulté le 04/12/2013 * 45 « La guerre et la militarisation du secteur minier dans l'Est du Congo », Rapport de Global Witness, 07/2009, pp 23 à 27. * 46 RDC, Ministère des Mines, `Termes de référence du Plan Minier', Kinshasa, mai 2006. * 47 Martineau, P., La route commerciale du coltan congolais, une enquête de GRAMA, mai 2003, p. 18. * 48 Mutabazi Ngaboyeka et Nyassa Sanganyi, Rapport de recherche n° 1, SARW, 11/2008, p. 30. * 49 Didier de Failly, « Coltan, pour comprendre ... », p. 7, in L'Afrique des Grands Lacs, Annuaire 2000-2001, l'Harmattan, Paris, 2001. * 50 Martineau, op.cit., p. 7 * 51 Didier de Failly, op.cit. p. 8. * 52 Martineau, op.cit, p. 7. * 53 D. de Failly, idem, p. 10. * 54 Martineau, op.cit, p. 8. * 55 L'Or gris, article, in Afrisquespoir n° 28, octobre-décembre 2004. * 56 Adamon Ndungu et al, « La filière stannifère artisanale au Sud-Kivu : cas du coltan et de la cassitérite », in l'Afrique des Grands Lacs, Annuaire 2008-2009, p. 218. * 57 Mutabazi Ng et al, op.cit, p. 21. * 58 Didier de Failly, op.cit, p. 14 * 59 Pole Institute, « Le coltan et les populations du Nord Kivu », Regards croisés n° 007, Goma, septembre 2002, p. 15. * 60 Adamon Ndungu et al, op.cit., p. 221 * 61 Adamon Ndungu, idem. * 62 Si on considère que l'exploitation minière au Kivu était effective vers 1910 et vers 1920 pour l'Ituri, il y a lieu de conclure qu'il y a eu un déficit de législation minière pendant une longue période dans l'espace concerné par notre étude. * 63 Mayundo Muyumba, `Exploitation minière au Sud-Kivu : de la responsabilité des entreprises et de l'Etat', mémoire de licence, Université du CEPROMAD, Bukavu, 2006. * 64 Loi n° 007/2002 du 11/07/2002 portant Code Minier, Exposé des motifs. * 65 Loi n° 007/2002 portant Code minier, Titre premier, chapitre premier, art. 1er. |
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