L'étude comparative de la corruption passive d'agents publics nationaux entre la France et l'Italie( Télécharger le fichier original )par David Chapus Université Paris X - Master 2 Etudes bilingues des droits de l'Europe -spécialité droit des affaires 2015 |
B : L'intention dans la corruption : une position affirmée en France mais débattue en Italie.Aussi bien en France qu'en Italie, la question de l'élément moral du délit de corruption passive d'agent public est assez complexe. En France, l'article 432-11 du CP contient la formulation de deux dols, un général et un spécial. Cette position n'est pas débattue en France, tandis qu'il existe, en Italie, un débat doctrinal sur la question du dol spécial de l'article 318. Le dol général - qui « implique chez le sujet la conscience d'agir contre les prescriptions légales et la volonté d'une telle action »137(*) - de l'infraction de corruption peut se voir à travers les deux agissements incriminés dans l'article 432-11 du CP français, à savoir le fait de « solliciter ou agréer », qui postule un acte volontaire de l'agent public, et ce faisant, « l'agent public transgresse en toute lucidité son devoir de probité »138(*). Sur ce dol général, il peut être ajouté que les raisons qui ont poussées l'agent public à agir importent peu. En effet, selon une règle classique, les « mobiles sont extérieurs à l'intention »139(*). Quant au dol spécial de l'infraction de corruption, celui-ci peut se définir comme une intention ciblée vers un but déterminé140(*). Ce but déterminé, selon l'article 432-11 du CP français, est représenté par « l'accomplissement d'un acte ou son non accomplissement », que cet acte soit antérieur ou postérieur au pacte de corruption depuis la loi de 2011. En ce qui concerne la nature de l'acte à accomplir ou à non accomplir, nous avons vu qu'il s'agit d'un acte de la fonction ou facilité par la fonction. Par ces remarques, l'on peut se rendre compte de la simplicité du régime français sur la question de l'intention dans la corruption, non débattue en doctrine et constituée par deux dols explicites dans les textes. En Italie, en revanche, la doctrine est divisée quant à la question du dol spécial de l'infraction de corruption de l'article 318, sur lequel nous allons arriver. Concernant l'article 319, un rapprochement avec le système français sur le dol spécial est visible, malgré la distinction effectuée sur le caractère temporel du pacte de corruption. En effet, dans la corruption antécédente (antécédente à l'effectuation de l'acte par l'agent public), le dol est spécial et représenté par le fait d'omettre ou retarder un acte d'office ou bien accomplir un acte contraire aux devoirs d'office141(*), selon l'article 319. De par les observations effectuées ci-dessus pour le régime français, il est possible de voir en quoi les deux pays se trouvent être proches, notamment au niveau de la formulation des textes. En revanche, dans celle subséquente (postérieure à l'accomplissement de l'acte), le dol se trouve être général. Celui-ci est constitué par la volonté de l'agent public de recevoir de l'argent ou une autre utilité, ou d'en accepter la promesse, pour avoir déjà omis ou retardé un acte d'office ou pour avoir accompli un acte contraire à ce dernier, selon l'article 319. Sur ce dernier point, le rapprochement des deux systèmes se fait plus difficile. En effet, en France le dol général est uniquement représenté par la sollicitation ou l'agrément sans droit, peu important le caractère temporel. Or, en Italie, c'est bien ce caractère temporel de la corruption subséquente qui permet de parler de dol général, et de venir distinguer le dol spécial, et ce dans un même article, ne facilitant pas la compréhension du texte. Le système français se trouve donc être mieux articulé afin de distinguer ces deux dols. En ce qui concerne l'article 318 du CP italien, la doctrine est partagée entre celle soutenant que la nouvelle infraction de l'article 318, ne faisant plus référence aux caractères antécédent et subséquent (ces caractères permettaient de distinguer le dol spécial et celui général sous la loi de 1990), traite essentiellement d'un dol spécial, et celle soutenant le contraire. Pour des raisons de commodité, il sera ici adopté le point de vue de la première doctrine, qui permet de rapprocher le système italien de celui français. De façon préliminaire, et afin d'expliquer ce choix, il peut être dit que le dol spécial « implique nécessairement celui du dol général »142(*). Le fait qu'il n'y ait plus la condition de l'acte d'office, mais aussi que l'exercice des fonctions n'est pas une condition nécessaire à la consommation du délit, qui se perfectionne avec la réception de la donation ou la simple acceptation comme nous l'avons vu, permettent d'affirmer que cette nouvelle infraction de l'article 318 est caractérisée par le dol spécial143(*). Cette position de la doctrine rapproche l'article 318 du système français, et facilite également la compréhension du texte. Ces remarques nous amènent à inviter le système italien à revoir la formulation de l'article 319, afin de mettre fin à cette distinction existante dans le texte lui-même, et d'y voir un rapprochement concret des deux systèmes législatifs. En conclusion de ce premier Chapitre, il est possible de répondre partiellement à la première partie de la problématique posée en introduction. La réponse se trouve être mitigée, puisqu'en effet il est des points où le rapprochement des législations de ces deux pays est visible, et d'autres où, au contraire, il existe une distinction, malgré le fait que ces pays soient adhérents des mêmes Conventions internationales, dont l'une des volontés est d'unifier les législations. En revanche, nous avons également pu voir que, de façon générale, les textes français et italiens sont mieux formulés et plus complets que les définitions proposées par ces Conventions, et répondent aux exigences d'incrimination de celles-ci. Il est par conséquent raisonnable d'arriver au constat d'inviter les deux systèmes législatifs à s'inspirer l'un de l'autre, et ce dans un souci d'harmonisation des législations. Après avoir étudié le fond de l'infraction de corruption, il faudra nous intéresser, dans un second Chapitre, à la partie procédurale de l'infraction de corruption, afin de répondre définitivement à la problématique. Est donc à étudier l'hypothèse d'une procédure pénale dérogatoire pour l'infraction de corruption, afin de voir si ce choix est légitime. * 137 W. Jeandidier, Corruption et trafic d'influence, 2014, §57 ; Article 121-3 du CP français. * 138 W. Jeandidier, op.cit., §57. * 139 W. Jeandidier, op.cit., §62. * 140 W. Jeandidier, op.cit., §63 ; http://www.justice.gouv.fr/art_pix/scpc2004-7.pdf * 141 G. Cocco, E.M. Ambrosetti, E. Mezzetti, I reati contro i beni pubblici : Stato, amministrazione pubblica e della giustizia, ordine pubblico: manuale di diritto penale, parte speciale, 2e édition, Cedam, 2013, p.255. * 142W. Jeandidier, Corruption et trafic d'influence, 2014, §57 ; A. D'avirro, S. Del Corso, E de Martino, P.M. Lucibello, G. Mazzotta, a cura di Antonio D'avirro, I nuovi delitti contro la pubblica amministrazione, Giuffrè editore, Varese, 2013, p.182. * 143 A. D'avirro, S. Del Corso, E de Martino, P.M. Lucibello, G. Mazzotta, a cura di Antonio D'avirro, op.cit., p.182. |
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