CHAPITRE 11.
CONCLUSION
Au terme d'une réflexion au cours de laquelle il a pu
être étudié la corruption passive d'agents publics
nationaux en France et en Italie, il nous est désormais possible
d'apporter des réponses claires aux questions posées en
introduction : est-il possible de percevoir un rapprochement des
législations de ces deux pays quant à l'infraction de corruption
d'agents publics nationaux ? Et serait-il légitime d'envisager une
éventuelle procédure dérogatoire en matière de
corruption ?
Pour ce faire, nous avons pu relever les liens de la
corruption avec la criminalité organisée au sens de la Convention
de Palerme de 2000, et arriver à la conclusion que ce lien
n'est pas évident ni systématique dans la pratique. En
effet, il est des cas où la corruption peut avoir une forme de
criminalité organisée, mais il ne s'agit
pas d'une règle générale.
Par ailleurs, il a été observé que les
deux régimes sont proches en ce qui concerne l'incrimination de la
corruption, et ce notamment dans leur utilisation des termes, mais aussi qu'un
certain nombre de différences existent.
C'est pourquoi, en ce qui concerne la première
question, nous avons déjà pu affirmer que la réponse se
trouvait être mitigée, et ce constat est d'autant plus vrai
après l'étude de l'opportunité d'une procédure
pénale dérogatoire pour l'infraction de corruption. En effet, un
rapprochement des législations de ces deux pays est visible de par
l'adhésion à différentes Conventions internationales, mais
ce rapprochement n'est pas total, et d'autant plus dans le cadre du
régime procédural. Il peut par conséquent être dit
que ces pays répondent aux exigences posées par les Conventions
internationales, même s'il est plausible de les inviter à
s'inspirer l'un de l'autre, dans un souci d'harmonisation des
législations selon les Conventions internationales.
Pour ce qui est de la seconde question, le constat qui en
ressort est qu'il n'est pas légitime de penser à une
procédure dérogatoire en matière de corruption, et ce
malgré des liens étroits avec la criminalité
organisée. Cette remarque est confortée par le faible traitement
judiciaire de la corruption dans les deux pays, mais aussi par les
études apportées par Pierre Lascoumes qui permettent de mettre en
relief le caractère répandu de la corruption, tandis que la
France et l'Italie se font représentatifs de deux régimes
procéduraux différents.
Il est finalement possible d'inviter les deux pays à
recourir d'autant plus à la coopération judiciaire selon les
indications des différentes Conventions internationales, afin de lutter
contre ce phénomène criminologique qu'est la corruption, comme
infraction portant atteinte à la stabilité du régime
démocratique.
GLOSSAIRE
1 : « Criminalité transnationale
organisée » : Expression traduite en italien par
« criminalità organizzata trasnazionale ».
La « criminalité transnationale
organisée » est une catégorie pénale
s'appliquant aux infractions qui « sont de nature transnationale et
commise par groupe criminel organisé ».
La traduction, en tant que telle, est transparente. En
revanche, l'on remarque une inversion dans la place des termes.
En effet, la doctrine française, à l'instar de
celle italienne reprenant la place des termes telle que prévue par la
Convention de Palerme de 2000, à savoir « corruzione
organizzata trasnazionale », parle de « corruption
transnationale organisée ».
C'est pourquoi, dans le mémoire rédigé en
langue française, j'ai décidé de suivre l'ordre des mots
choisi par la doctrine française, et que pour la synthèse en
italien, j'ai décidé de faire la même chose avec le choix
de la doctrine italienne.
2 : « Délit formel » : En
France, l'on parle de « délit formel » afin de faire
référence à une infraction dont l'incrimination est
indépendante de son résultat.
De prime abord, je me suis dirigé vers la traduction de
« délit formel » par celle italienne de
« reato istantaneo » : il y a « reato
istantaneo » dès lors que la conduite qui viole la
règle pénale s'accomplit en un seul moment, en une seule fraction
de temps.
En revanche, par un manque de ressemblance entre les deux
concepts, pouvant entrainer une confusion quant à la
compréhension de l'expression française, j'ai dû repenser
ma traduction.
Devant les réelles difficultés quant au fait de
trouver un terme équivalent, je me suis permis de solliciter l'aide du
Professeur Matteo Mattheudakis de l'Université de Bologne.
Le Professeur Mattheudakis m'a indiqué la figure du
« reato di mera condotta ».
En Italie, cette forme de délit se produit dès
lors que l'incrimination est indépendante de la vérification d'un
évènement successif.
C'est pourquoi, après l'étude du
« reato di mera condotta », j'ai fait le choix de traduire
« délit formel » par cette expression italienne,
étant donné la ressemblance des deux définitions.
3 : « Doni di uso » : Expression
italienne, contenue dans le Code de conduite des fonctionnaires de 2013,
traduite en français par « Cadeau d'usage ».
Un « dono di uso »
/ « cadeau d'usage » peut se définir comme
« le cadeau offert par un particulier à un agent public afin
d'entretenir des relations d'affaires ».
Contrairement à l'Italie où cette expression est
légiférée, en France cette notion est une création
jurisprudentielle.
En revanche, j'ai fait le choix d'utiliser la
définition française afin d'expliquer le concept aussi bien dans
le mémoire que dans la synthèse. En effet, la définition
française se trouve être plus précise que celle
donnée en Italie.
Il n'a pas été facile de trouver la
jurisprudence définissant ce concept en France, ni même d'y
trouver une explication claire. De plus, la doctrine française n'est pas
unanime sur l'utilisation de « cadeau d'usage », puisque
l'on trouve aussi « présent d'usage »,
« don sans valeur ». Afin d'en arriver à utiliser
« cadeau d'usage » plutôt qu'une autre expression, il
m'aura fallu trouver la jurisprudence. Je me suis donc basé sur la
position de la jurisprudence française.
4 : « Istigazione alla
corruzione » : Infraction italienne désignant la
tentative de corruption. J'ai décidé de la traduire en
français par « Instigation à la corruption ».
Il m'aurait également été possible de
traduire par « Incitation à la corruption », puisque
l'instigation est définie comme « l'action de pousser,
d'inciter quelqu'un à accomplir une action ». En revanche, si
« Incitation à la corruption » avait
été utilisée, le problème aurait été
de créer une confusion avec une autre infraction italienne, à
savoir l'« Induzione indebita a dare o promettere
utilità » (article 319 quater du CP italien), traduite en
français par « Induction injuste à donner ou promettre
quelque chose ». L' « induction » se
définit comme le fait de « conduire, mener quelqu'un à
une action ».
Par conséquent, le terme
« Incitation », même si plus aisé à
comprendre qu'« Instigation », se faisait beaucoup trop
large afin de l'utiliser, puisqu'il aurait pu regrouper les deux infractions
précitées.
C'est pourquoi j'ai choisi de traduire littéralement
« Istigazione » par « Instigation ».
5 : « Procuratore
distrettuale » et « Juridiction
interrégionale »: tout d'abord le terme italien a
été traduit en français par « Procureur du
district », et le terme français a été traduit
en italien par « Giurisdizione interregionale ».
L'ordre judiciaire italien est divisé en
« districts de cour d'appel » (au nombre de 26, qui
correspondent grosso modo aux régions italiennes, malgré quelques
exceptions), tandis qu'en France l'on parle de « ressort (le terme
« ressort » a été traduit en italien par
« zona di competenza »)de cour d'appel » (au
nombre de 36) : au plan géographique, le ressort est la partie du
territoire national sur l'étendue duquel s'exerce la compétence
d'une juridiction ; en revanche, le ressort ne correspond pas
nécessairement aux limites d'un canton, d'une région (22
régions en France) ou autre. De plus, l'on parle également de
« Juridictions interrégionales », afin de montrer
l'étendue de ces dernières à plusieurs régions et
non ressorts.
« Ressort »,
« Région » et « District » sont
des termes voisins, mais j'ai préféré maintenir le terme
de base de chaque système, pour de ne pas créer de confusion,
mais aussi de marquer la différence entre ces trois termes.
6 : « Reato a concorso
necessario » : Expression italienne traduite en français
par « délit à « concours
nécessaire ».
La forme du « reato a concorso
necessario » se vérifie dès lors que pour la commission
du délit, il est obligatoirement nécessaire la participation de
deux ou plusieurs personnes.
Le choix a été de maintenir la signification
originelle de cette expression italienne. C'est pourquoi une traduction
littérale s'imposait, et ce, afin de démontrer et d'insister sur
le fait qu'en Italie la conduite des auteurs de l'infraction de corruption,
à savoir le « concours », est essentielle afin de
qualifier le délit de corruption.
La difficulté s'est portée, non pas dans la
traduction, mais dans la recherche d'une expression équivalente en
France.
|